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  • αἴνιγμα

    VANGELIS KASSOS

    CENT POÈMES

    Traduits du grecpar Ioannis Dimitriadis

  • Vangelis Kassos

    CENT POÈMES

    Traduits du grecpar Ioannis Dimitriadis

  • CENT POÈMES de Vangelis Kassoschoisis et traduits par Ioannis DimitriadisParution numérique en novembre 2012

    © Vangelis Kassos & Ίνδικτος pour les textes originaux

    © Ioannis Dimitriadis pour la traduction française

    & la présente édition

    αἴνιγμα

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  • PETITES DAINESΜΙΚΡΕΣ ΔΟΡΚΑΔΕΣ

    (1979)

    Petites daines - 1979

  • 5

    MON SANG

    les mots se brisent dans ma bouchecomme des amphores antiquesles mots s’effondrent dans mon âmecomme des rêves en ruineet ce que je disn’est que sangce que je dis a déjà été ditet sera répétémais cette fois je le disde ma propre boucheje parlede mon propre sangalors écoutez-moi

    Mon sang

  • 6

    PETIT INSTANT

    petit instantépuisé de visionspetit instantchargé de sièclesreçois-moi dans ton immensitéfais-moi mourirde volupté

    Petit instant

  • 7

    LA LUNE THESSALIQUE

    la lune thessalique était grandecomme un plat de cuivrependant la nuit les filles la descendaient du cielet pétrissaient des milliers de rêves jusqu’au matinc’était une vieille lunetout amochée par les nuagesun jour mon grand-père l’a chargée sur son épauleet s’en est allé pour l’étamersur son chemin des bandits l’ont arrêtél’ont rosséet ils ont enterré la lune au fond de la terre

    ce que les pauvres Thessaliensvoient le soirce n’est pas la lunec’est une malédictionqui brûle le ciel à petit feu

    La lune thessalique

  • VOLUPTÉS NOCTURNES D’UN IMMIGRÉΝΥΧΤΕΡΙΝΗ ΗΔΥΠΑΘΕΙΑ ΕΝΟΣΜΕΤΑΝΑΣΤΗ

    (1981)

    Voluptés nocturnes d’un immigré - 1981

  • 9

    MES AMIS

    autrefois j ’avais beaucoup d’amisnous jouions à des jeux de hasardnous faisions des excursions périlleusesnous nous enivrions dans les tavernesle petit matin nous trouvait en train de chanteret de pleurer en cachette

    nous maudissions la situationfaisions des projets

    j ’avais de bons amispas comme aujourd’huioù je suis une nuit de neigesans même une cheminée qui brûle dans son désertpas comme aujourd’hui où je ne parle pas

    autrefois j ’avais beaucoup d’amisnous correspondions avec des contrées mystérieusesdans les coins reculés de nos destinationsnous retrouvions les fillesle soir nous nous enfermionsdans de fabuleux secrets

    nous maudissions la situationfaisions des projets

    qu’importe

    Mes amis

  • 10

    IL EN SERAIT AINSI

    il est à nous ce soir tranquilledans cette taverne en plein airà boire et à discuterde femmes et de politiquequoi qu’il en soit la vie est bellemême si Fondas raconte des siennesque nous nous retrouvons peut-être pour la dernière foisque la brise va réveiller esprits embaumésdieux persécutésvoyous poignardésfées amoureusesils nous embrasseront sur les yeuxnous caresseront les cheveuxdemain notre vie changera peut-êtreet ce vinéteindra pour de bonle feu secret qui nous anime

    il en serait ainsisi à la table voisine ne venait soudain s’asseoirun homme seul de noir vêtudepuis tout à l’heure il est làet il attendle traître il attend

    Il en serait ainsi

  • 11

    PAROLE D’EXORCISME

    les gitans portent un œillet à l’oreillepour exorciser la mortles maçons chantent sur les échafaudagespour exorciser la mortles marins font des vœux avant de prendre la merpour exorciser la mortles paysans parlent aux semaillespour exorciser la mortles conducteurs klaxonnent dans les viragespour exorciser la mortmoi je pense à toipour exorciser la mort

    Parole d’exorcisme

  • 12

    AIGLE EMPAILLÉ

    dans ce nid géométriquetu comptes et recomptes au décimètretes sentimentsils n’ont ni ciel ni terreune solitude figée seulementdis-toi que tu es un aigle empailléavant même d’avoir pu volerou que tu es devenu une chambreta propre chambreparce qu’il faut l’admettreton âme est trop humide dernièrementelle prend les formesque lui donnent les divers récipients

    Aigle empaillé

  • 13

    LA VOIX

    cette voix creuse qu’on m’a imputéen’est pas la miennequelqu’un d’autre se trouvait à ma placequi subitement disparutvoilà pourquoije n’aboutirai nulle partje ne gagnerai riende cet emprunt profanela dette augmentera sans cessedes mots démesurés témoignerontà jamais de la frauden’écoute pascette plaie est la miennemais cette voix m’est étrangèreelle me trahit toujours cette voix

    La voix

  • 14

    MON PÈRE

    mon père était un homme audacieuxil aimait les chiffresil aimait la terreil aimait s’y coucheren compter les pulsationsdes heures durant il se perdait dans le silencele calme de la plaine l’emportaitfaisant de lui un épi figéune torchela tempête des chiffres l’emportaitfaisant de lui une motte de terreun rien

    il revenait obscurlointaincomme un saint exilé

    Mon père

  • 15

    LA VUE

    car un jour tu ouvres la fenêtremais il n’y a rien à contemplerla vue ordonnéese dérobe à ton regardla vue avec ses souvenirs inévitablesses passions intransigeantesses compromis équivoquesla vue s’est posée un instantsur tes yeux comme un papillonpuis elle s’est perdue dans l’horizon

    La vue

  • 16

    LA RÉMUNÉRATION

    à la fin vont débarquer les grossistesles assureursles contrôleurs du fiscpour calculer la fraudem’accuserd’une dose excessive de ciel dans mes veinesdans mes veines les serpents

    La rémunération

  • 17

    MA TRISTESSE

    par les quartiers populairesquand le soir cessent les cris des enfantspar ces routes interminablesquand tu n’as nulle part où allerpar les grands parcsquand il pleut les nuits sans lunepar les boîtes de nuitquand le dernier soûlard s’effondrede chagrinpar les métros souterrainsquand un malheureux se jette sur les railspar les couloirs des hôpitauxquand un malade rend l’âmepar les pays affligésquand les militaristes ont arraché l’herbepar la terre et la conscience humainepar ces grandes manifestationsquand personne n’aura plus en mémoireun seul de leurs sloganspar cette plaine interminablequand il ne tombe pas une goutte d’eauet que les paysans tête baisséefument leurs cigarettes fortespar les forêts profondesquand un chevreuil s’est blessépar l’angoisse du printempsquand les couples se séparentpour un rien

    La tristesse

  • 18

    par ces nuages noirsqui menacent de trempertes beaux cheveuxtu peux comprendre quelque chosede ma tristesse

  • 19

    VOLUPTÉ NOCTURNE

    chaque soir nous partonspour des directions inconnueset le matinun rossignol défunt à l’espritnous revenonspar un autre chemin

    Volupté nocturne

  • AU PIED DU SILENCEΣΤΑ ΡΙΖΑ ΤΗΣ ΣΙΩΠΗΣ

    (1984)

    Au pied du silence - 1984

  • 21

    UNMONOLOGUE DU PRINTEMPS

    on ne peut s’absenterle moindre hiver débarqueet vient tout ravageril affûte ses couteauxet vous guette au tournant

    j ’en ai assez

    d’être obligé à chaque fois de trouver un autre chemind’être tourmenté par ce retourde craindre qu’une fleur soit meurtrieune hirondelle blesséeun jour je me pointeraiavec mes pistoletsque le plus bravetire le premier

    Un monologue du printemps

  • 22

    QUATRE-VINGTMILLE D’AVANT-GUERRE

    mon autre grand-père ne fricotaitni avec la lune ni avec les eaux secrètes

    il se couchait avec le chapeau et le pantalonun soc tranchantlui labourait le sommeil

    dès l’aube il s’en allaittraîner le soleil péniblementenduire d’eau les plaies

    mon grand-père amassait l’argentil l’amassaitfourmi dévouée dans le nid du simoun

    quatre-vingt millepoussins tout chaudsla guerre est venue comme un renardles a étouffés

    ni cri ni larme

    Quatre-vingt mille d’avant guerre

  • 23

    LE CHAUFFEURÀ LA CHEMISE BLANCHE

    le chauffeur à la chemise blancheà quoi voulez-vous qu’il ressembledévalanttraversant la nuità quoi voulez-vous qu’il ressemblesinon à une hirondelle qui a tardéet s’empresse de regagner son nid

    le chauffeur à la chemise blanchesoudain qu’est-ce qui lui prendqu’est-ce qui lui prend de serrerd’une telle rage le volantcomme pour se projeter au cielcomme pour se pétrifier au siège

    le chauffeur roule viteil ouvre les fenêtreset s’approche à toute alluredu virage dangereuxdes bras qui l’attendentil se moqueil ouvre les fenêtreset jureil jure doucementcomme en prière

    Le chauffeur à la chemise blanche

  • 24

    LA DOUCE CHALEURDUNÉANT

    toi Seigneurtu égrènes ton komboloïassis auprès du doux néantt’y réchauffant les mainsoù sortir quand dehors il fait si froidquand la neige a recouvert les alléesreste dans ton coin Seigneurdans ton reposà tisonner le feuà jeter de temps en tempsune bûche dans l’âtre

    La douce chaleur du néant

  • 25

    TABLEAU

    un temps blêmeet la neige blanche– comme toujours –blanche jusqu’à la mortau fondon aperçoitun moineauen train de gratter le paysage

    il trembleson petit corps trembleavant ce soir il sera glacéparmi une foule de péchésson âme s’élèveraballe perduemenacer le froidle silence

    Tableau

  • 26

    C’EST POURTANT BIEN L’ÉTÉ

    c’est pourtant bien l’étérien ne manque  la lumièreles arbres les sourires la musiqueles jeunes filles en fleursle soleil qui surveilleet s’occupe des convivestout est tendre éternelondoyant tel un regard langoureux

    à peine le galet froid va-t-il tomberde cette fissure infimetelle une larme tu vas coulerhors du tableau

    C’est pourtant bien l’été

  • 27

    L’AUTRE BOUT

    voici la plaine ensanglantéeparmi les coquelicotsqui se traîneet se lamente

    voici ton dernier regardqui soutient les semaillesqui soutient avec douceur la lumière

    (que fait ici toute cette lumière  ?)

    à l’autre boutvoilà ton dernier motherbe sauvageau pied du silence

    L’autre bout

  • 28

    LE JARDIN

    la belle journées’est accroché la robe à la palissadequelle étourdie elle a réussi à la déchirerla robe blanche est en loques maintenantles voyeurs ne vont pas tarder à la rattraperils vont se ruer les pauvres voyeurslanguides et visqueuxs’agripper au grillageles pauvres voyeurs

    Le jardin

  • 29

    L’OBSTINATION DU PLAISIR

    pareil à l’oiseau migrateurqui à son retourretrouve son nid détruit

    pareil à l’aubequi d’un chantdégringolepierre blanche dans le silence

    le corps s’obstine

    le corps revient à l’assautcoup de feu dans l’oubli

    L’obstination du paisir

  • 30

    LE RÉVEIL DE VERONICA

    Veronica voledans son sommeilcomme un oiseau blesséen direction de l’aubeelle vole elle voleet sur le portillon secrets’évanouit et bascule

    quel est cet oiseau étranges’étonne la nuit en s’arrêtantil m’irait biencomme doux épilogueje finirai avec luimon supplice pour ce soir

    Le réveil de Veronica

  • 31

    LAMONTAGNE AIGRIE

    un jour cette montagne aigrie s’ouvriraet une rivière lumineuse se déchaîneradans la soifcomme un sanglot ou comme un rireje ne saurais dire

    un jourle silence s’essoufflerail appellera ses vaguesil ira se retirer dans les profondeursauprès de ses affreux naufrages

    un jourtu auras une coupe à boireet une voix pour parleralors tel un voleurdépêche-toicar la solitudecruelle mégèrepourrait rentrer à l’improviste

    La montagne aigrie

  • 32

    AU REPLI DU PÉCHÉ

    paysage désert

    une orange se glisse alorsinopinéecomme un frissoncomme un clapotisde baisers qui se brisentsur le couteauet le sang coule abondantet blondcomme une lumière

    Au repli du péché

  • 33

    L’ABEILLE SAUVAGE

    l’abeille sauvagequi s’immiscera soudaindans la ruche paisiblequi plantera son dard dans le boisl’abeille sauvagequi hait le mielqui plonge et se noie amèrement

    L’abeille sauvage

  • 34

    NOS AMIS S’EN VONT SOUDAIN

    nos amis s’en vont soudainun été brûlé au fond des yeuxune prison froide au fond du cœurnos amis s’enfuientils déménagent en cachettechangent de nom de numéroet disparaissentils disparaissent nos amisla nuit les avalecomme des brindilles elle les entraînevers l’estuairele delta de la mort

    nos amis reviennent comme des clandestinscomme des voleursils serrent le couteauprêts à attaquerceux qui les cherchent encoreceux quiattendent comme des traîtresdans les recoins de la mémoire

    Nos amis s’en vont soudain

  • 35

    LES ANNÉES

    les années s’enfuirontc’est vrai elles s’enfuirontfurtives elles traverserontla forêt dense de la mémoirelaissant derrière elles des traces de pasprofondes profondes comme des plaiesd’amours méprisées

    les années ah les annéesje parle des miennesces cartes truquéesle temps de dénicher les tricheursle jeu sera finiil sera finiavant que je puisse me refaire

    Les années

  • 36

    SI MES PAROLES SONT SI AMÈRES

    si mes paroles sont si amèresc’est la faute à la terre noire de Thessaliequi n’a pas fait de moi un coquelicotpour fleurir un seul printempsentre les blésne jamais connaîtrela sécheresseni le froid

    si mes paroles sont si amèresc’est la faute à mon arrière-grand-père métayerqui n’a pas eu l’audace d’allermettre le feu à la récoltepour qu’au matin le propriétaire le fasse pendreet que je ne sois pas là maintenantavec pour toute âmecette plaine aride

    Si mes paroles sont si amères

  • 37

    LAHÂTE DES TROTTOIRS

    le trottoir connaît bien sa rueil devine aisémentles rues voisinesau trafic de la siennene vous fiez pasà son allure presséecomme si quelque chose d’urgentd’inévitable allait arriver à deux pas d’icine le laissez donc jamaisà la légère vous dépassersous un air courtoiset un peu plus basvous tendre gentiment son piège

    La hâte des trottoirs

  • 38

    LA CRYPTE

    le trottoir te guette partoutcomme une ombre il te suitet pas une crypte ici-basoù entrer t’abritercomme la petite chauve-sourisse réfugie désespérée dans les ruinescomme la nostalgie fatiguéese niche dans l’âme de l’émigréoù que tu aillestu trébucheras sur le trottoirtu verras scythes et prétorienssans vergogne se promener dans la foulerégler la marchecalculer les distancessurveiller la morale la lumièreet pas une crypte ici-basoù entrer t’abriterpleurer pleurer et enfin oublier...

    non ne pas oublierdans le silence bruyant qui t’entourecomme l’injure d’un dieu véritablecomme la foudre déchaînée t’élanceret brûler dans leur sommeilles profiteurs de guerre et les technocrates

    La crypte

  • L’EXPÉRIENCE DE LAMORTΗ ΠΕΙΡΑ ΤΟΥΘΑΝΑΤΟΥ

    (1989)

    L’expérience de la mort - 1989

  • 40

    LAMONTRE

    on doit ôter la montreque porte le défuntnon parce que sa petite filledoit la garder en souvenirni parce que chez un mortla montre est toujours en retardsi bien qu’il tarde toujourssi bien qu’il ne tient jamaisses promessespour rien de tout celamais parce quese réveillant à l’aubel’œil ameril tâtera le revers de sa mancheverra que sa montre n’y est paset se dira c’est dimancheon ne travaille pas aujourd’huireposons-nous encore un peu

    La montre

  • 41

    COSTUME D’ÉTÉ

    août penchait sur la veillée mortuairecomme s’incline l’aveuglepour tâtersa jambe blesséequand soudain le mortest entré par la porte entrouverteet a doucement imploré :enlevez-moice costume d’étémettez-moi un vêtement plus épaiscar dehors le temps s’est gâtédehors il neige

    Costume d’été

  • 42

    LA VRAIE FIN DE L’ENFANCE

    c’est dans la mort que s’achève l’enfancequand les mortsn’ont pas encore comprisqu’ils sont mortsils s’allongent toujoursdu côté de la vierestent ainsi éveillés captivéscomme si on leur contait une histoirecependant avec le temps ils s’assoupissentils changent de côténe se rappellent plus la finils ont l’esprit lucidese réveillant du jour

    La vraie fin de l’enfance

  • 43

    LE COURRIERDES MORTS

    avec le temps les morts s’habituentà la mortils effacent leur mémoirecomme on cesse de fumerfini les lettres interminablesles sanglots au téléphoneils apprennent la langue ils s’adaptentà l’environnement étrangerplus questionde retouren vain tu leur écristes lettres te reviennent«   adresse inconnue  »en vain tu les appellessoit les lignes sont occupéessoit dans une langue obscuredécroche le répondeur automatiques’ils te sont cherslève-toi un jour et vas-yvas-y

    Le courrier des morts

  • 44

    LA RESPIRATION DU VOLEUR

    comme une lanterne sourdej ’allume le jouret sur la pointe des pieds j ’avancedans le néantquand j’entends du bruitla mort qui rentretardcomme un passé furieuxj ’éteins la lumièreme blottis dans le sommeiljusqu’au matinet par un rêve respirecomme par un roseausous l’eau

    La respiration du voleur

  • 45

    L’EXPÉRIENCE DE LAMORT

    non Roberto Juarrozla mort n’est pas une expérience de la vieune telle fautene saurait échapperà un poète de ton envergurela mort n’est pas une expérience de la viemais la vie une expérience de la mortet s’il ne te suffit pas pour t’en convaincrel’inexpérience de la viequi n’apprend jamais rienet reprend toutdepuis le débutou s’il ne te suffit pas non plusl’expérience de la mortson assurance sa lumière dissipanttoute ombreécoute la mémoirepar quels criselle enseigne son silence

    L’expérience de la mort

  • 46

    LAMORT GARDE DE CHAMBRÉE

    les heures de garde les plus duresla mort les passeavec un caféune musiqueen sourdine à la radioelle tient les yeux ouvertstraverse notre sommeilsur la pointe des piedscomme le fauveune forêt inconnueelle s’effraie devant la peurles divagations des malheureuxpourtant elle n’a jamaisjamais hâtede rendre le quartelle guette le matincomme l’homme perdu une clairièrec’est pourquoidans son exaltation parfois elle oubliede nous réveilleravant que retentissetel un coup de pistolet sur la tempele clairon du réveil

    La mort garde de chambrée

  • 47

    AU-DELÀ DU DESTIN (ΥΠΕΡ ΜΟΡΟΝ)

    la mort ne tient pas sur la pagela clochette de la machine à écrirelance l’avertissementmais la mort ne met pas de tiretpour passer à la ligne suivanteelle s’inscritsur le cylindre noirau-delà de l’écrit

    Au-delà du destin

  • 48

    LE MURMURE DU CORPS

    la mort est une pomme glacéele corps la croqueet refroiditdevient cristalpanique de neige

    viens donc étéréchauffe-moidans le creux de tes mainsque je fondeen eauruisselant sur le marbreet sur l’herbe

    viens mon étémurmure le corpset le murmure devientlui aussi cristallarme glacéequi ne coule plus

    Le murmure du corps

  • 49

    MARGARITIS KARAGIOTAS

    (01 .02.1935 – 27.08.1985)

    pourquoi me laissez-vous ces fleurs ces cierges allumésle lait de l’aube me suffitpour les insomnies de la mort

    Margaritis Karagiotas

  • 50

    RADIOGRAPHIE THORACIQUE

    ne respire plusgarde en toi le ventcomme la vie garde en elle son secretet plonge dans la mort

    Radiographie thoracique

  • 51

    TROIS VARIATIONS SURLA LUMIÈRE DU TEMPS

    I

    le temps est vastetelle une peur il s’allumetel un soupçon il s’éteint

    II

    le temps nous traverse les yeuxde ses rayons Xaussi ne voit-on pas les chosesmais seulement leur squelette

    III

    la lumière du tempslaisse une ombre pâletelle une page blanche

    Trois variations sur la lumière du Temps

  • 52

    LA CRAINTE ET LA LUMIÈRE

    hors de son nid non bâtil’oiseau becque sa crainteil becque la lumièremais la lumière est plus dureque la crainteelle n’ouvre jamais son toitaux apeurés

    La crainte et la lumière

  • 53

    LE TEMPS QUI APPORTE LA LUMIÈRE

    la mémoire jacassecomme l’hirondellesur le fil électriqueserre dans ses pattes le courantle temps qui apporte la lumièreet foudroiequiconque le touchel’âme humide

    Le temps qui apporte la lumière

  • 54

    L’AVEU

    ôtez le soleilde ma vueil me frappe le visagecomme une lampe d’interrogatoireà quoi bonavouer puisquele néant s’est renduun à un il nous dénonceà la vie

    L’aveu

  • 55

    LE DANGER

    le corpsquel passage étroitcrainte qui n’aboutit passe terre dans la peur commedans son nid le fauve en détresseou comme dans sa tombele mort persécutéle danger est enfin passéla vie me dis-je est passéeelle ne m’a pas eu

    Le danger

  • 56

    ICI S’ACHÈVE LE CORPS

    ici s’achève le corpsles paroles cèdentcomme les piliers mal agencésd’une galerie de mineelles s’effondrentet le corps s’achèvede nouveau il faudrapercer les tunnelsde nouveau il faudra que son frissonsoit dit

    Ici s’achève le corps

  • 57

    LE SOMMEIL DU DÉSERT

    quand il dort le désertrêve de rivièreil serre le sablecomme le malheureux serreles dents dans son sommeildehors rien ne se passetout s’est déjà dérouléle vent qui s’est levéefface les dernières traces

    Le sommeil du désert

  • 58

    À UN SOUFFLE DE DISTANCE

    à défaut de poitrinepour toute respirationje n’ai que ton souvenir

    à défaut de poitrinequand je dors la nuitje presse sur moil’oreillercomme le cotonsur la plaie

    À un souffle de distance

  • 59

    PEURLUMIÈRE

    le temps murmureau-dehors du sommeilcomme un ventqui hésite à entrerla nuit ouvre les fenêtrespour faire du courant d’airau-dedans tout est blancla peur reluitcomme une bague ancienneelle te serre de nouveaule matin

    Peur lumière

  • 60

    FOND DE MER

    le fond de mer c’est l’œildevenu amer

    Fond de mer

  • 61

    À LA FIN DU CONTE

    à la fin du contecommence une route sans arbressans une fontaine où le voyageur puisse se désaltérersans une aubergeoù le cavalier puisse échangerson cheval exténué

    à la fin du contesouffle le silence comme une tempêtenon pas comme une tempêteil se penche plutôt comme une mère affectueuseet borde les voixqui brûlent de fièvre

    À la fin du conte

  • 62

    JACHÈRE

    le courroux des paysans est différéil a besoin de jachèrele soleil est différévos jours sont noyés dans la lumièreça suffit cette tromperiela lune est différéeje veux que la nuit s’étende partoutqu’elle inonde vos yeuxainsi seulement vous pourrez voirmon désespoirreluirecomme un os préhistoriquele ciel est différéil faut que l’universreste ouvertcomme le rugissement d’un lion affaméque retentisse la clameur de l’infinila pluie est différéele temps qui regrettepasse plus viteil s’écoule avec ses larmesle vent est différétous immobiles à attendreet à prier par des sacrificesen Aulidetandis qu’Hélène vieilliraqu’elle ne vaudra pas même un navireIthaque est différéevotre retour ne peutgarder tout un royaume

    Jachère

  • 63

    en suspensles promesses sont différéescar elles diffèrent la révolutionles sentiments sont différésde nouveaux moyens plus radicauxdoivent être inventéspour souffrirles rendez-vous secrets sont différéscar la solitude finit par tout apprendreles routes sont différéescar elles mènent toujoursau même pointla mort est différéepour que vous n’ayez nulle part où vous cacher(il en est de même pour le sommeil et pour l’oubli)le vol des oiseaux est différécar c’est avec lui que respire la réalitéle parfum des fleurs est différécar l’odorat a disparula prière du malheureux est différéepour que le silence se fasse entendreque sa voix s’amplifiela lettre de l’immigré est différéecar la patrie a filésans laisser d’adresseles verdicts des tribunaux sont différéscar il n’y a plus de témoinsnul témoin n’existe désormaispour rienet tout se passe par contumaceles larmes de la mère sont différéescar les braves ont trahi

  • 64

    et les larmes les plus dignesne conviennent pas aux traîtresla haine est différéecar il n’y a pas d’hommesdignes d’être haïsl’amitié est différéecar nos amis sont perduset ceux qui se souviennent de noussont ceux qui nous oublientet qui ont des remordsle passé est différécar de son œil de verreil photographie nos joursle présent est constamment différépar l’avenirl’avenir est différéjusqu’à ce que vous appreniezce poème

    seuls les trajets des bateauxdes trainsdes avionsdes jardins de l’aube

    et surtout des destinations qui courentcomme des chevaux blancs dans la peurcontinuent à être en vigueurpartez partezpar n’importe quel moyenpartezavant qu’il ne soit trop tardne différez plus votre voyage

  • 65

    CAVE DIEM

    méfie-toi du jouril t’abordecomme une vieille connaissancet’embrasse et te serredans ses braspuis brusquement il te laisseun poignard au manche noirplanté dans les côtesque regardes-tuce n’est pas le manchequi noircit la viemais la lame étincelante

    Cave diem

  • 66

    SUICIDE HYPOTHÉTIQUE

    pourtant Weldon Kees je penseque tu ne t’es pas jeté du pont Golden Gatede San Fransiscocomme le déduisent les anthologies poétiqueset ta chemiseaccrochée à l’archecomme un cerf-volantne suffirait pour me convaincredu suicide hypothétiqueje pense que tu as tout plaquépour devenir employétous les matins tu vas pointerau silence

    Suicide hypotétique

  • 67

    LA SOURCE

    la source s’est tariece soir profondoù l’on poignardale rebelle Manthos Karatogiaset qu’on lava les couteauxà l’eau avant de s’enfuiron raconte depuisque l’on est allé chercher maintes foisdes sourciers des foreusespour faire revenir l’eaumais que l’eaus’est envoléene laissant à sa place que du méthaneet du mercure«   qu’ils brûlent de soifà jamais  »on raconte qu’un soupir monteles nuits près de la source«   qu’ils brûlent de soifà jamaisceux qui lavent le sang à l’eauceux qui égorgent  »

    La source

  • 68

    UN POÈMEQUI N’A PAS EU DE CHANCE

    ce poème n’a pas eu de chanceil avait été écrit pour trois amistrois hommes de cœurle premier a disparu à l’étrangerle second s’est fait sauter la cervelle à l’arméele troisième a fini par accepter l’ordre des chosesdepuis le poème brûle la nuitcomme une cigarette oubliéeil va tout seuldans le silencecomme un enfant pieds nusqui grelotte de froid

    Un poème qui n’a pas eu de chance

  • 69

    LE DERNIER SOIR

    dès lors que tu perds le privilègede désespérertu perds toutet chaque nuitest alorsla dernièrepensait le poète de la défaiteDimitris Doukaristrinquant son verreavec la mortalors que son esprit errait ailleursà commettre l’ultime

    Le dernier soir

  • 70

    LA GLOIRE DE GEORGIOS LAÏOS

    (sergent-major tué le 21 mars 1878 pendant la bataillede Mataranga pour la libération de la Thessalie)

    dans la vie des humblesles balles sifflentcomme de la grêledans leur mort aussialors ne te plains pas maintenantGeorges Laïushumble sergent-majorqui as pressenti ta mortà ton dernier repastu as compris à ce moment-làque la balle la plus cinglanteserait ta viealors ne te plains pasn’exige pas de monuments en marbrede rues couvertesde gloireles pierres s’enlisent vitedans la plaine de Thessalieles rues se recouvrent d’herbela terre ici n’a pas de surfaceelle n’a que de la profondeurde la profondeurcomme le regard des humblesGeorges Laïuscomme le regard des humblesdans la viecomme leur tristessedans la mort

    La gloire de Georgios Laïos

  • 71

    LIBERTÉ

    seules les fleurs aiment vraimentla libertéelles parlent d’elle en cachetteà l’oreille du ventmais lui ne garde pas le secretil embaume

    Liberté

  • 72

    TU ES SUSPENDUE ÀMES LÈVRES

    tu es suspendue à mes lèvresamère et sans voixcomme la Thessalieest suspendue aux rives du Pineios

    tu es suspendue à mes lèvresamère et inarticuléecomme le silenceest suspendu au poème

    tu es suspendue à mes lèvresamère et ineffablecomme le corpsest suspendu à l’amour

    alors de mes lèvres tu montesje te murmure lentementmes paroles sont comme un doux alpagetandis que tu avances pieds nusje déracine les consonnespour ne pas que tu te blesses

    Tu es suspendue à mes lèvres

  • 73

    CORPS SOUDAIN

    ton corps se déchaîne en moicomme la peur

    ton corps se rue sur mes yeuxcomme le lierre sur les ruines

    ton corps soudaincomme un début comme une fin

    ton corps insouciantcomme la durée

    Corps soudain

  • 74

    LA SOLITUDE LANEIGE LA RECOUVRE

    l’amour tète le printempset de sa petite bouchele lait tombese répand à terrepuis soudain vient l’hiverla solitude la neige la recouvre

    La solitude la neige la recouvre

  • LUMIÈRE IMPÉNÉTRABLEΑΔΙΑΠΕΡΑΣΤΟ ΦΩΣ

    (1998)

    Lumière impénétrable - 1998

  • LUMIÈRE IMPÉNÉTRABLEΑΔΙΑΠΕΡΑΣΤΟ ΦΩΣ

    LUMIÈRE IMPÉNÉTRABLE

  • 77

    LA GLOIRE DE LAMORT

    c’était un matin voluptueuxvéritable résumé des temps hellénistiquesla certitude se répandait alentourcomme le pollen des fleurstandis qu’avec assurance et savoir-faireÉpicure établissait sa théoriesur la mortplus convaincant encore que le matinqu’il avait choisi pour son coursla mort n’est rien pour nousrépétait-il avec insistancecomme s’il cherchait à convaincre la mort elle-mêmeet non pas ses élèvescomme s’il attendait que le plus ferventse dresse et interrompantsa théorie disequela volupté régit toutet que si elle ne peut nous retenir à la vieelle nous retient pour toujours à la mort

    La gloire de la mort

  • 78

    LA VENGEANCE DE PIERRE DES VIGNES

    je n’ai pas consacré ma vie aux rimesni pour séduire le roiapporté les fleurs des musesle sonnet les échos de l’ennui

    ainsi que dans une prison les pantinsm’ont jeté dans l’histoire de l’artcroyant que j ’allais perdre la lumièreque l’expérience me serait fatale

    où sont-ils maintenant pour voirentre le oui et le non commentle pauvre crâne a fleuri

    comment par ces vers que tout le mondeméprisait au collet de la mort il a échappéqui méritait réellement dans la cité

    La vengeance de Pierre des Vignes

  • 79

    MARCUS ATTILIUS REGULUSMEURT D’INSOMNIE

    à peine l’issue de la vie est-elle décidéecomme celle d’une bataille indécisefinalement victorieuseles soldats avancentet viennent occuper formellementles terres indéfenduesde la mortrestent à l’écart les lâchesles courtisans de l’existenceils conspirent nous renversentalors ne dormons pasjamais je n’ai dormije grattais avec les griffes de ma penséela nuitcomme la face cachée du miroirmes yeux des coquillagestoujours secset la lumière impudemmentclapote devant moicomme une mermon corps fermételle une paupièreà jamais effrayéeah, Romemon petit lopin de terrefleurit sans pitiédiscipline la viediscipline le sommeildiscipline la mort

    Marcus Attilius Regulus meurt d’insomnie

  • 80

    tu obéis et tu ne vis pasni à vrai dire tu ne meursmon insomnie encore se ruecomme un poulain impatientnon je ne vais pas accepterun traité avec Carthageje ne vais pas accepter un traitéavec le sommeilbride brodée de l’inexistenceéveillé je vais passer à la mortbrillant irréconciliablecomme le mercuresur une poussière toute noire

  • 81

    CHAMBRE EXOTIQUE

    quelle tristesse poussait Nikos Karakostasle clarinettiste renommé à quitter Domokoet tard dans l’après-midicomme un rossignol effarouchéà courir se réfugier sur les hauteurs de l’Othrysil s’apaisait semblait-t-il dans la musiquede l’origine secrète du mondeet des heures durant du Mont des Faucons il regardaiten direction de la plaineque voyait-il  ?que lui renvoyaitle vaste miroir en bas  ?était-ce le soleil qui tombait comme une pièce en ordans la paume du champ  ?son admiration pour la terrequi des entrailles de la montagnecomme un sentiment débordesortait abondante et douceplus douce que la musiquede sa propre poitrine  ?le mépris peut-être de ses enfantspour la profession de leur pèrece gémissement hanté  ?ou finalement ce que montraitl’humble miroirn’était ni mépris ni admirationni non plus soifd’argentmais réflexion puresur l’instant le plus vraide son art  ?

    Chambre exotique

  • 82

    se souvenait-il donc de ce soiroù il fut invitéà jouer lors d’une veillée mortuairela musique préférée du défuntet ils furent tous tellement subjuguéspar la clarinette effrénée qu’ils sortirentjusqu’à l’aube danser pieds nussur la pointe des piedsnon pas de hontemais de passion tranquillesautillant ainsi tour à tour de la chambre du mortà la salle de réceptionsi naturellementqu’on aurait dit des amphibiens  ?

  • 83

    ÉPÎTRE DE L’ASSEMBLÉE ET DE LA VILLED’ABDÈRE ÀHIPPOCRATE

    très cher Hippocrate accourstout le peuple d’Abdère te supplienotre cité est sortiehors de la citénotre cité s’est ouverteet Démocrite s’est échappécomme une perle de sa coquilleil se roule en furie dans l’herbeparfume sa peurà l’origan sauvage à la camomillele sommeil n’a sur lui aucune emprisesur l’enclume de son âmele vent frappeil frappe son marteaules étincelles montentau cielon se ditvoici les étoiles de Démocriteet cela radoucit un tant soit peunotre désespoirmais la tristesse refuse de s’en allerelle s’est installée dans notre citécomme un despoteles murailles se sont retournées contre nouscruellescomme des rires ennemisDémocrite notre bien-aiménotre orgueil se retourne lui aussiil rit contre nous

    Épitre de l’Assemblée et de la ville d’Abdère à Hippocrate

  • 84

    et il nous dit qu’il ritde nous qu’il rit de toutcar naturellement le rire est insécablec’est le noyau le plus robuste de toute choseet que ceci se voit surtoutquand d’un ricanement caverneuxla mortvient nous secoueret grossièrementtout interrompresa folie est-elle incurable  ?très cher Hippocrate réponds-nous

  • 85

    PHŒNIX PLEURE ACHILLE

    un soupir retient les oiseauxune tristesse retient l’amouret le rossignol matinal retientles ruines dans la fraîcheurle pommier du silencecomme une pomme retient notre vieet ton corps colériqueretient à présent la mortcomme la fleurle précipice inhabitéun homme véritablefinit toujours par entendre l’appeld’un féroce destinla mort s’est postée dehors en premiercomme Troieavance donc toi aussicesse enfin de te cacherdéguisé en viemoi qui t’ai ressuscitédans mon cœur je t’ai gardécomme une brindille des flammes du malen bois sec je m’offreaux ténèbres sacréespour répondre ainsià l’anathème de ma naissanceje me rallie à ton éternelle colèreje laisse mon talon derrière moiet marche enfin d’un pas fermecomme la mort

    Phœnix pleure Achille

  • 86

    LES NUITS BLANCHES DE LA VIERGE

    mon garçon

    tu palpites au fond de moi comme un petit oiseaufrétillant dans la neigene te laisse pas tromperce n’est pas Siméonque tu entends gémir dehorsc’est la mort qui vient mendierdans ma courne sors jamaisje ne suis pas le cielpour que tu te lèves en moila lumière me poignardecomme du verrela peur m’a suppriméeet ce corps est devenuun gouffre glacéla vie n’est pas icielle passe comme un rayoncomme un début à double tranchantne viens pas naître au mondete crucifierconnaître une fintu t’es crucifié dans mon ventren’est-ce pas assez  ?

    Les nuits blanches de la Vierge

  • 87

    CAMILLE CLAUDEL

    c’est toujours vers le marbre que je vaiscomme le soleil s’approche du noirtout s’éloignemon toucher appelle le monde comme un cricorps lointaincascade qui tombedans la nuitje ne vois pas tes ondesj ’entends seulement ta clameurje sens tes gouttesme rafraîchir comme une mémoireun mauvais souffle traverse mes osmes nerfs s’inclinentcomme de tendres semaillessur la plaineoù se trouve ma vie  ?elle doit être bien enfouiec’est pourquoi j ’entends au fondun rossignol se lamenteres-tu ma mèreou bien la peur  ?c’est toujours vers toi que je vaistel un marbre non sculptéla lumière cherche encoresans parvenirà tailler en moile corps d’Auguste tout entierbat comme un cœuret le bronze frissonnela pierre s’adoucit

    Camille Claudel

  • 88

    ainsi je suis destinée à l’exilmon toucher est devenu penséeavant que je n’effleure le mondeil se change en poussière

  • 89

    LE SOLEIL NOIRDE S. KIERKEGAARD

    le soleil noirne voit que moimoi seul peux le voirmes yeux comme de la chlorophylle absorbentsa stupeur noireet de son éclat opaqueje saigne de la lumièremiroir fou plaie béanteœil souffrance des enfersvous autres vous ne me voyez pasvous ne me verrez pastous écraséscontre le soleil blanccomme des moucherons naïfssur la première loupioteque leur apportecette noirceur insignifiantepourtant chaque nuit porte en deuille jour suivantet ce depuis toujoursquand tout était encoreobscur et éternelet la lumière futc’est avec la douleur que se fait la lumièrevoilà pourquoi Régine mon âme luitdans le désespoircomme une lampe tempêtemais ma petite viecomment t’aimerje ne suis pas l’aube de moi-mêmeje n’en suis que le pleur funeste

    Le soleil noir de S. Kierkegaard

  • 90

    LUMIÈRE IMPÉNÉTRABLE

    derrière la lumièreil n’y a pas le noiril y a ce qui se perd toujoursde pair avec la lumièreil porte une teinte de fuitela teinte prononcée de ma vie sans égaloù s’étend l’empire d’Attila  ?où s’étend mon empire  ?du fleuve Don jusqu’au Danubeet à l’ouest jusqu’au RhinViminacium Singidunum SirmioneNaissus PhilippevilleMilan MantouePadoue Véronetoutes comme des flocons de peurelles écartent encore plus l’horizonla lumière vide comme une amande creusealors jusqu’où va ma furie  ?pensait Attilaet son regard barbare se déployaittel un fouetsur les territoires terrorisésdevant moi à présent Rome l’éternelleet le pape Léon impuissantcomme un mouton blancil me dit quelque chose sans doute prie-t-illes chroniqueurs se penchent pour écouteril n’y a rien à apprendreje n’ai rien à déclarer

    Lumière impénétrable

  • 91

    comme une blanche opacité la soutane de Léonétouffe mes yeuxfaites demi-tour immédiatement les Hunsgalopez frénétiquementdans ma panique

  • 92

    EMPÉDOCLE

    je vis ma vie comme en souvenircomme si j ’étais sa fuméeseul mon esprit brûleréduisant les chosesen cendres autour de luila mort une hontela plus grande folievague aveugle qui se jettesur la rive de la viemais après où va-t-elle  ?pour chaque mortpour chacune de vos mortsj ’ai honteet je veux pour celaque mon corps pleure tout entierje veux que mon corpsse lamente ici éternellementvoilà pourquoi Etna je m’en remets à toimontre-moi mon thrènefais de ce corps un cratère gémissantau nom de tout ce qui seratoi seule lave tu ressens comme moila douleur de la clarté absenteet tu exploses jaillissantunique conclusiondu noir nébuleux de la terretu trembles ô lavecomme une âme tu tremblesmon esprit ne s’accorde qu’avec toi

    Empédocle

  • 93

    ma peur est corps et buissonchevreuil et poisson hors de l’eaumais pourquoi appeler tout celaéclats de vie  ?lumière  ?il n’y a pas même de quoi en faire un diadèmepour ma tête fatiguée

  • 94

    LE SILENCE D’AJAX

    nous devons obéir à la nuitcomme nous obéissons à notre naissanceéclatant effrayésen lumière irrépressibleles hommes sont mon passéje ne veux pas y retournerje ne veux pas y retournerleurs visages sont irrévocableset froids comme une sentencesi toi Ulysse tu es entré dans la morttel un cheval de Troiene crois pas pouvoir de mêmet’emparerde mon silenceil me fallait passeren vitesse à travers mon corpsle seul cheminresté intactle monde autour de moiun tombeau écumantje suis désormais loin de toutn’attends pas que je deviennepour tes paroles habilesun artifice de l’existencetu diras aux enterrésde la vietout comme là-bas j ’étais non inhuméje reste ici non inhuméde la mort

    Le silence d’Ajax

  • 95

    POLYPHÈME, CRUELLEMENT SAOUL

    les choses autour de moi sont devenuesune honteuse expédition de l’infinielles se sont soulevées et assaillentma vie de toute partla lumière perfide traîtressedéserte toute issuela cruauté du videme pénètre comme un frissoncrevez-moi cet œil inutileil a soudain corrompu le mondeje ne supporte plus de voircet avorton ce vaurienqu’il emporte avec luimon regardpuisque celui-ci s’est abaissé à sa hauteurque seule subsiste mon âmecomme une grande ombredu monde que j ’ai connuqu’ainsi allégé de lumièrede vaine vanitéje me réveille

    Polyphème, cruellement saoul

  • 96

    LA SYNCALYPSE DE SAINT JEAN

    vie ô vie marée de Dieutout dans mes yeux est enfouicomme dans une tombe luminescenteainsi Gaïusmonologuait sans cesse Jeanainsi délirait-ildans son sommeilvoilà tout ce que je saiset pour répondre à ta questionil n’a jamais parlédu mont Thaborquant à cette lumièrequi fondit sur luicomme la lionnelorsqu’on attaque ses petitstout est enfoui dans ses yeuxet son regardest happé par les chosescomme l’oiseaupar un gluau inattenduProchore il s’adressait souvent à moila lumière fléchit face à la peurcomme du miel sauvage elle se déverse dans le noirpourquoi Jean cache-t-il tout cela  ?pourquoi écrit-il quela vie des hommes est lumière  ?la vie est-elle lumière pour toi  ?ou seulement un frôlement de Dieuqui tâtonne dans le noir  ?

    La syncalypse de Saint Jean

  • 97

    LE REDOUTABLE BANDIT ANTIOCHOS AGONATOSIMPLORE SIMÉON LE STYLITE

    toi qui t’es élevé au-dessus de la viequarante ans durantqui as fauché ton corpset l’as laissé souffrirhors de ton âmeet jaunir comme une plantesortie de terresauve-moi maintenantpas de la mortpas de ceux qui courent après moicomme des chienseux ont toujours été à couriraprès ma vieje ne les crains pasils resteront encore derrièreet ils suivront ma mortje ne te demande pas de me sauverde cette folle poursuited’épargner mon corps inconciliableplus je souffrais plus foudroyantese ruait la lumièreplus hermétique et ténébreux jaillissait le sangje ne te parle pas de cettemort extérieureje te supplie de me sauverde l’autre mortqui dans la mort nous réveillecomme un cauchemar du sommeil

    Le redoutable bandit Antiochos Agonatos implore Siméon leStylite

  • 98

    TIMON D’ATHÈNES

    la peur ne peut plus me contenirpas plus que votre citéje reprends ma vieje n’avais pas d’âme ni d’intentionmais à présent laissez-moi partirque l’Hymette la solitude la mortsoient vos ultimes mensongesil n’est plus rien qui me retiennetout est mémoire et existencej ’en suis cerné de toutes parts comme d’une coquilleune membrane métalliqueet Toi mon Dieu pardonnemes paroles blasphématoiresque sans la colère bien sûrtu ne peux pas existerje te prie d’oublierne montre envers moi aucune pitiéreçois-moi dans ta sainte peurhumble et immaculéqu’avec toi éternellement je parte

    Timon d’Athènes

  • 99

    ERYSICHTON

    où est la terre  ?où est la caresse  ?seul un goût de pierreemplitmon âmeô Déméterla faim s’empare de moiépi rude comme un éveilet toi tu me jettesau corpscomme une miette tombéede la table modestedu mondej ’écoute de tout mon corpstes sentiments plaintifsla vie t’a envahiela mort t’a bouleverséetu te tiens en retrait de l’existencecomme quelqu’un d’apeuréderrière le seuil de sa maisonlaisse-moi sortirde ce goût insolublejette sur moi une faim impitoyableque j ’engloutisse comme un torrentma vie arbitraire

    Erysichton

  • 100

    L’EMPEREURCALIGULASUPPLIE L’AUBE

    tout le monde dortpersonne ne s’inquiète de ton retourpersonne comme moi ne t’attend dans la courles esclaves ensommeillésautour de moi allument des torchesmais ce n’est pas une lumièrec’est la terreur de mon insomniele fiel jauneviens doncil ne me reste que toipar ton premier baiserla peine se découvre en moi comme un mensongeton règne a du méritetoi seule as le pouvoir de mettre de l’ordredans l’âmetu as le don de gouvernerje te livre mon empireprends-ledisperse-le comme les ténèbres

    L’empereur Caligula supplie l’aube

  • 101

    LA JACTATION DE DIOGÈNE

    sous la pluieDiogène le Cyniquefinissait par perdre son assurancenon parce que le soleiltel un prince déchutremblait de peur et se cachaitni parce que les éclairs de sa tristessene surprenaientplus personnemais parce que comme son tonneauil restait enlisé lui aussi dans la boueet dans la réplique toute faiteque même dans son sommeille lit continuaità tourner sans reposet qu’il ne cessait jamaisde bercer sa vieà la mort

    La jactation de Diogène

  • 102

    TITHON À ÉOS SA BIEN-AIMÉE

    dans ta vie la mort tel un soleilsans cesse se lèveet comme elle monteton corps telle une ombreelle adoucit

    dans ma vie la mort tel un soleilsans cesse se coucheet comme elle descendton corps telle une ombreelle assombrit

    Tithon à Éos sa bien aimée

  • 103

    LA PRIÈRE DE GAGARINE

    Smolenskma ville bien-aiméemon petit Smolenskdans mon âme tu t’es arrêtécomme un immense pointenfouiema vie sur terreenfouiecomme le feu sous la cendredans ma tête comme l’abeillebourdonne l’infinibourdonne l’avenirma peur c’est l’avenirma prière la plus sincèreenvers toi pour ceciquand demain je rentrerai affirmantque nulle part je ne t’ai trouvélà-bas dehors mon Dieupardonne-moice ne sera pas moi qui aurai parlémais un certain Michael Galactionovitch Kroshkincenseur de l’Univers

    La prière de Gagarine

  • 104

    À L’ATTENTION DE L’INQUISITION  :SUPPLIQUE DE CHARLES QUINT,EMPEREURDE GERMANIE, ROI D’ESPAGNE,ROI DE SICILE ET PRINCE DES PAYS-BAS

    dans les langues de mes peuplesj ’ai prononcé des milliers de mortset j ’ai souffertcomme si en moi j ’avais été ensevelià présent me reste la mienneje vous en priequ’elle soit comme sensationun doux frissonune vive traverséede pays en paysqui puisse m’appartenirje vous en prie accordez-moi les Saintes Passionsque je lise l’Écriture Sainteune traduction en simple françaiset comme les mots de la douleurchangent sans complaintede langue en langueque ma vie elle aussi soit convertieen mort

    À l’attention de l’Inquisition : supplique de Charles Quint...

  • 105

    LE DILEMME D’ÉRASME

    Jésus mon cher ami Servaissortit au devant de la mortalors que tout le monde attendaitqu’il revienne à la vieet ceci nous montre je penseque notre âmetout immortelle qu’elle soitdoit toujours mouriret sans cesse ressusciterà la mortpas à la viene m’invite donc pasà venir là-basredevenir moineau monastère de Steynil n’est rien qui me sépare de Dieuhormis mon corpstu te rappelles j ’espèrece poème que j ’ai écritsur la vieillessej ’avais quarante ans à l’époqueet maintenant j ’approche la cinquantainealors imagine-toimais ne va pas imaginerque j ’ai pu un jour aimerla vie des plaisirsune seule fois j ’ai succombé à la voluptéet ce quand je suis né

    Le dilemme d’Érasme

  • 106

    mon corpstransparent de douleurest comme du sable incandescentmais pourquoi dis-je mon corps  ?il n’est plus qu’une outre pleine du poisonde la haine des ennemiset de la maladieje ne le supporte plusil ne m’appartient pasque mon livre le plus brillantdevienne désormais mon corpscomme un doux tombeauque sa couverture me recouvre

  • ERRATA LUMINEUX(ΦΩΤΕΙΝΑ ΠΑΡΟΡΑΜΑΤΑ)

    ERRATA LUMINEUX

  • 108

    ÉPITAPHE

    salut à toi la merpatrie bien-aimée d’Érétriesalutje suis enterré icià Ecbataneloin à Babylonecesse enfin de m’envoyertes vagueset de ton sel serrerla poussière de mon âme

    Épitaphe

  • 109

    TRIOMPHE

    Tiberius Coruncaniusle premier grand pontife plébéienmonta aux honneurs comme un soupircomme une fièvreles patriciens crièrent au triomphepour cette nominationet ils dirent à la masse aigrieil était tempsque vous sortiez vous aussi un peu à l’avant-scèneil était temps que vous profitiezun peu de l’Histoire

    Triomphe

  • 110

    MÉLANCOLIE D’HISTORIEN

    notre jeunesse se perd soudaincomme la bataille de Mantzikertcavalerie légère des Hussardsau moment critique nos annéesse retournent contre nouselles nous désertent pour la nouvelletribu qui descendde la mort

    Mélancholie d’historien

  • 111

    LORD CHARLES MURRAYMEURT POURLA GRÈCE (1824)

    innocente pluie décide-toienfin à résoudre cette énigme qu’est mon cœurcomme un nuage noir il couvrema viele ciel passe et se perd de vuele ciel n’a jamais existéseul existe le regard qui le chercheici dans les passages montagneux de l’Achaïej ’attends ta réponsene tarde plus ô pluiesur la route de Nauplie à Messolongitout est devenu dur inextinguiblecomme un cauchemar de Dieuqui dortnous sommes le 26 juillet 1824cela fait vingt-deux joursdepuis que l’île de Psara fut détruiteque mon âme fut réduite en cendresles Grecs m’ont mépriséma famille m’a reniémais de toi pluie j ’attendsla nouvelle absoluemon eau limpide ma lumièreviens éclairerl’obscurité de cette terreécarte mon corpset entrema mort est vide

    Lord Charles Murray meurt pour la Grèce (1824)

  • SOMMEIL LUMINEUX(ΦΩΤΕΙΝΟΣ ΥΠΝΟΣ)

    SOMMEIL LUMINEUX

  • 113

    LES PIEDS DE L’AMERTUME

    Dionysios Solomos quel dommageles pieds de l’amertumefoulent ta tombeje sais que tu ne dors pasle sommeil ne saurait te contenirla tête ainsi plongéedans l’abysse du destinc’est ta pensée qui t’a emportépas la mort

    Les pieds de l’amertume

  • 114

    LA CHAMBRE CHAOTIQUE

    Zissis Oikonomou s’est enfermépour toujoursdans sa chambre chaotiqueil ne sort plusni pour cueillir les roses de son destinni pour boirecette illusionorangéeles étoiles tombent la nuitelles frappent comme des caillouxà sa fenêtrec’est encore se dit-il la rouede l’infinipas ma bien-aimée

    La chambre chaotique

  • 115

    ÂGE NÉFASTE

    à l’âge de trente-trois ansle prosateur inconnuGiorgos Valtadorosne put survivre à son arttout comme Jésus à son cœuret prenant peuril décida de retournerà sa ville de Karditsamort cette foiset sûr comme un poètequi s’est arrêté à un verset qui dès lors ne le change plus

    Âge néfaste

  • 116

    SOMMEIL LUMINEUX

    les dernières nuits avant de perdrela vue définitivement Skarimbass’endormait laissant la lumière alluméecar il se réveillait souventet s’il connaissait le trajetjusqu’à la salle de bain à l’aveugletteretournant à son litil trébuchait sans cesseet puis grommelait bon sangil faut toujours une lumièrepour le chemin du retourcomme on a besoin de la viepour retrouverle chemin de la mort

    Sommeil lumineux

  • 117

    LAMÉMOIRE DE PALAMAS

    Palamas s’écartait sans cesse il s’écartaitpour laisser passer d’autres poètes plus jeuneset il laissait seule son ombre rafraîchirle cours de sa vieà la fin il tomba dans le videde sa mémoire et il ne se souvenaitmême plus de ses œuvres ni du ministre français Jean Zayqui lui avait rendu visite en 1937il admirait seulement il admiraitet il restait émerveillé devant le visagedes jeunes poètescomme un enfant devant les couleursparfois il se souvenait subitementqu’il avait écrit quelque part une critiquesur Le Démon de Théotokasparce qu’il avait effectivement apprécié le livreà moins que ce fût le titre qui l’ait excitécomme un poème de ce Cavafy

    La mémoire de Palamas

  • 118

    LE DERNIERCRI, DE KOSTAS TZAMALIS

    lettres froides collées à moivers voracesvoici mon corps écrasez-lecomme de la craievoici mon âme effacez-laavec du correcteurn’épargnez rien de ma personnepour vous la surface souriantepour vous le soleil indocilepour vous les saisonsqui reviennent cycliquementcomme au pouvoir les gouvernementsne vous souciez pas de moije vous laissedu jour l’air aristocratiqueje demande l’asileà la nuit démocratique

    Le dernier cri, de Kostas Tzamalis

  • 119

    GEORGES BARRAL, JEUNE ADMIRATEURDEBAUDELAIRE TANDIS QU’IL FAIT VISITER LAVILLE DE BRUXELLES AU POÈTE

    son regard estcomme un fragment de l’infinisa voix le tourmentecomme une toux opiniâtreelle insisteet le force à parleralors lui discrètementhumble comme le moineauil passe dans ses parolesle temps lui appartientcomme la frayeur appartientdepuis toujours aux oiseauxah, incendie noir du jourtu brûles partoutcomme un enfer d’occasioncependant monsieur Baudelaire est poèteil ne fuit pas sa douleur il ne la trahit pasdans l’absenceil s’y enfonce de tout son corps comme un dardmême si de lui s’extrait la mortsouriante telle une abeillesortie d’une rosele ciel s’est de nouveau suspenduà son âmecomme un nœud dans la gorgeil prie encore il priemon Dieu protégez-ledes poèmes

    Georges Barral, jeune admirateur de Baudelaire...

  • EN MARGE DELUMIÈRE IMPÉNÉTRABLE

    EN MARGE DE LUMIÈREIMPÉNÉTRABLE

  • 121

    PENSÉES DE KOSTAS KARYOTAKISTANDIS QU’IL TRAVAILLE SUR SON POÈME« LA PLAINE ET LE CIMETIÈRE »

    figure à éviter le pléonasmede la naturedans la tirade bleue du cielpas un trait rouge de plumeles fautes passent sous silencela vie en bassigne d’une croixc’est pourquoi la nuit tombedepuis toujours elle tombeles étoiles sans cesse se multiplientse multiplientce sont les dés des malheureuxqui tentent leur chanceencore et encoredans le noir

    Pensées de Kostas Karyotakis...

  • 122

    VALÉRY LARBAUD AVANT LE DÉPART

    nuit d’Europetu devances ma tristesselocomotive de l’Orient-Expressfranchissant les frontièresd’un sourire matinalles passagers surpris se réveillentétait-ce un rêve ou la Bulgariepleine de roses ?

    nuit d’Europelibère-moi des couleurselles ont lassé mes yeuxplus encore que la nostalgie n’a lassémon cœur

    nuit d’Europepuisque je dois mourirsois ma mortainsi seulement j ’endurerai ce cauchemarque Vladivostok fut le terminus

    Valéry Larbaud avant le départ

  • NOTES

    NOTES

  • 124

    L’EXPÉRIENCE DE LAMORTRoberto Juarroz  : Poète argentin (1925-1995) . Allusion au poème25 de la Poésie verticale VI.

    AU-DELÀ DU DESTINὑπέρ μόρον  : au-delà du destin (l’Odyssée, rhapsodie I, vers 34-35) .

    LE TEMPS QUI APPORTE LA LUMIÈRENdT  : l’âme humide  : expression utilisée par Héraclite dans les

    Fragments.

    CAVE DIEMcave diem  : latin pour «   prends garde au jour  » , selon cave canem,«   prends garde au chien  » .

    SUICIDE HYPOTHÉTIQUEWeldon Kees : Poète américain né en 1914 et disparu le 18 juillet1955. On pense qu’il s’est suicidé en se jetant du pont Golden Gatede San Fransisco.

    LE DERNIER SOIRcommettre l’ultime  : tiré du vers de Dimitris Doukaris «   Il faut enfincommettre l’ultime  » (voir poème «   Révolte de l’érudit  » du recueil«   L’autre statue  » , Athènes 1976) .

    LA GLOIRE DE GIORGOS LAÏOSles balles sifflent / comme de la grêle : expression de Miltiadis Seï-zanis, qui décrit la bataille de Mataranga et la mort de Georgios Laïosdans son livre «   La politique de la Grèce et la Révolution de 1878  » ,Athènes 1878.

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    LA GLOIRE DE LAMORTla mort n’est rien pour nous  : cette phrase appartient à la κύρια δόξα(dogme principal) d’Épicure  : ὁ θάνατος οὐδὲν προς ἡμᾶς· τὸ γὰρδιαλυθὲν ἀναισθητεῖ, το δ’ ἀναισθητοῦν οὐδὲν πρὸς ἡμᾶς («   la mort n’estrien pour nous, car ce qui est dissous est privé de sensibilité, et ce quiest privé de sensibilité n’est rien pour nous  » , Épicure et les Épi-curiens, Presses universitaires de France, 1971) .

    LA VENGEANCE DE PIERRE DES VIGNESPierre des Vignes (Pietro della Vigna) est considéré comme l’un desinventeurs du sonnet. Il naquit à la fin du 12ème siècle dans une famillepauvre. Il suivit des études à l’Université de Bologne, puis devintchancelier du roi de Sicile Frédéric II. Cependant il fut accusé d’avoirvoulu l’empoisonner, tomba en disgrâce et fut condamné à avoir lesyeux crevés. Il se suicida en se brisant la tête contre les murs de saprison.De son œuvre poétique subsistent trois poèmes : deux canzoni et unsonnet.

    MARCUS ATTILIUS REGULUS MEURT D’INSOMNIEL’Histoire Romaine nous informe que Marcus Attilius Regulus,illustre Romain, fut Consul en l’an 485 de la fondation de Rome. Ilremporta un grand nombre de victoires contre les Carthaginois qui,désespérés, demandèrent l’armistice à Regulus. Celui-ci accepta denégocier un traité, mais leur imposa des conditions très dures que lesCarthaginois rejetèrent.Par la suite, avec le concours et sous le commandement du SpartiateXanthippos, ils réussirent à vaincre l’armée de Regulus et même àcapturer ce dernier.Plus tard, Rome concentra une nouvelle flotte et l’expédia enAfrique. Après les défaites consécutives qu’essuyèrent les Cartha-ginois, ils furent contraints d’envoyer à Rome des ambassadeurs pourdemander un armistice ou un échange de prisonniers.

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    Marcus Attilius Regulus qui accompagne – toujours comme pri-sonnier – les ambassadeurs carthaginois, bien qu’ayant subi de sévèrestortures, s’oppose à l’échange de prisonniers. Il n’avait, selon Cicéron,à prononcer qu’un seul mot pour gagner sa liberté, ses biens, safemme, ses enfants, sa patrie et son petit champ (dont le Sénat avaitordonné durant toute son absence en Afrique qu’il soit cultivé auxfrais de l’État) .Cependant celui-ci préféra regagner Carthage en tant queprisonnier et mourir là-bas sous la torture. Les Carthaginois, irritéspar son attitude, lui coupèrent les paupières et le soumirent à uneatroce insomnie jusqu’à ce que mort s’ensuive.

    PHŒNIX PLEURE ACHILLEPhœnix  : précepteur d’Achille qui, maudit par son père, n’eut jamaisle bonheur d’avoir un enfant.

    LES NUITS BLANCHES DE LA VIERGEje ne suis pas le ciel / pour que tu te lèves en moi  : ces vers sont dérivésde la phrase de Nicolas Cabasilas dans son Homélie sur l’Annoncia-tion  : καὶ οὐρανὸς ἦν ἀγνοοῦσα τοῦ ἡλίου τῆν ἐξ αὐτῆς ἐσόμενηνἀνατολήν («   elle était le ciel, ignorant que le soleil en elle allait selever  » ) .

    CAMILLE CLAUDELAuguste  : le maître Auguste Rodin, sculpteur français, de quiCamille Claudel fut collaboratrice et compagne.

    LE SOLEIL NOIRDE S. KIERKEGAARDRégine  : Régine Olsen, fiancée de Kierkegaard. Leurs fiançailles nedurèrent qu’un an et furent rompues sur l’initiative du philosophe da-nois. Malgré les prières de Régine pour renouer, Kierkegaard maintintsa décision  : «   Elle a choisi la vie, j ’ai choisi la douleur  » .

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    LUMIÈRE IMPÉNÉTRABLEEn l’an 452 ap. J.-C., Attila se retrouva avec son armée aux portes dela ville de Rome. Il repartit cependant sans attaquer, suite à l’inter-vention du pape Léon Ier.

    EMPÉDOCLErive de la vie  : d’après l’expression d’Empédocle πὲρι ῥηγμῖνι βίοιο(«   aux brisants de la vie  » , traduction de Jean Bollack, Les Éditionsde Minuit, Paris 1967) dans le fragment 20 du poème Sur la nature.ma peur est corps et buisson / chevreuil et poisson hors de l’eau  : versparallèles au fragment 117 des Purifications d’Empédocle ἤδη γὰρ ποτ’ἐγώ κοῦρός τε κόρη τε / θάμνος τ’ οἰωνός τε και ἔξαλος ἔμπορος ἰχθύς(«   car j ’ai été autrefois un jeune garçon et une jeune fille, un buissonet un oiseau et un poisson muet dans la mer  » , traduction de J.Burnet, Éditions Payot, Paris 1970) .

    LE SILENCE D’AJAXLa rencontre d’Ulysse et d’Ajax dans l’Hadès est décrite dansl’Odyssée (rhapsodie XII, vers 541-567) .nous devons obéir à la nuit  : se rapporte au vers homérique Νὺξ δ’ἤδητελέθει· ἀγαθόν καὶ νυκτὶ πιθέσθαι (Iliade VII, vers 293, «   Voici déjà lanuit tombée  : il est bon de céder à son invitation  ») .il me fallait passer / en vitesse à travers mon corps / le seul chemin /resté intact  : tiré du vers de Sophocle Μολών τε χῶρον ἐνθ’ ἄν ἀστιβῆκίχω / κρύψω τὸ δ’ ἔγχος τοὐμον, ἔχθιστον βελῶν (Ajax, vers 657-658,«   Je gagnerai ensuite un lieu vierge de pas humains, et là, creusant lesol, j ’y enfouirai ce fer  » , Éditions des Belles Lettres, Paris 1958 ) .

    POLYPHÈME, CRUELLEMENT SAOULhonteuse expédition  : expression inspirée des vers d’Euripide αἰσχρὸνστράτευμά γ’, οἵτινες μιᾶς χάριν γυναικὸς ἐξεπλεύσατ’ ἐς γαῖαν Φρυγῶν(Cyclope, vers 283-284, «   Honteuse expédition  ! Pour une femme

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    avoir cinglé vers la terre phrygienne  » , Éditions des Belles Lettres,Paris 1970 ) .Également tiré d’Euripide, le mot ἀνθρωπίσκος traduit ici commeavorton.

    LA SYNCALYPSE DE SAINT JEANGaïus  : le destinataire de la troisième épître (universelle) de SaintJean l’Evangéliste.Thabor  : le mont sur lequel Jésus se métamorphosa devant ses dis-ciples Pierre, Jacob et Jean. Jean est cependant le seul des Évangélistesqui ne mentionne pas la  Métamorphose dans son Évangile.Prochore  : disciple de Saint Jean.NdT: Syncalypse est l’antonyme du mot Apocalypse (l’acte de dé-voiler ce qui jusque là était secret, et, dans un sens plus précis, de ré-véler les saintes vérités aux hommes) , autrement dit l’acte dedissimuler une vérité, de la tenir cachée. Ce mot issu du grec remplaceici l’Apocalypse, titre original du livre de Saint Jean.

    LE REDOUTABLE BANDIT ANTIOCHOS AGONATOSIMPLORE SIMÉON LE STYLITEAntiochos Agonatos  : bandit redoutable et redouté, contemporain deSaint Siméon le Stylite (5ème siècle ap. J.-C.) . Un jour, alors qu’il se di-vertissait, il fut encerclé par cent cinquante soldats qui étaient à sestrousses. À cheval, armé d’un seul couteau, il réussit à s'échapper del'embuscade et se réfugia au pied de la colonne où le saint était montéen 417, y demeurant quarante-deux ans, jusqu’à sa mort. Le bandit sejeta face contre terre et pleurant à chaudes larmes, il supplia ce dernierd’intercéder en sa faveur auprès de Dieu pour le délivrer de la mortpsychique.

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    ERYSICHTONSelon le mythe, Erysichton était fils de Triopas, roi de Thessalie.Pour avoir abattu les arbres sacrés du bosquet de Déméter, il futcondamné par la déesse à une faim insatiable qui l’amena à dévorerson propre corps.la faim s’empare de moi : phrase de Nietzsche tirée de Ainsi parlaitZarathoustra.et toi tu me jettes / au corps / comme une miette tombée /de la table

    modeste du monde  : l’origine de ces vers se trouve dans la phrase deSaint Jean de la Croix  : «   Nous apprenons que tous les êtres sur terresont des “miettes” tombées de la table divine  » .

    L’EMPEREURCALIGULA SUPPLIE L’AUBED’après Suétone, Caligula souffrait de terribles insomnies et ne dor-mait pas plus de trois heures par nuit  ; et même ces heures-là n’étaientpas tranquilles, mais troublées par la présence d’étranges fantômes.Ainsi harassé par l’insomnie, il préférait se reposer sur un divan ou sepromener le long des interminables colonnades en attendant ou ensuppliant à voix haute la venue de l’aube.

    TITHON À ÉOS SA BIEN AIMÉESelon le mythe, Tithon fut aimé par Éos, qui supplia Zeus de lerendre immortel. Elle négligea cependant de demander aussi pour luil’éternelle jeunesse. Quand Tithon arriva à un point de profondevieillesse, il fut réduit à un si triste état que les dieux le prirent en pi-tié et le changèrent en cigale.

    LA PRIÈRE DE GAGARINEAu retour du tout premier vol pour l’humanité dans l’espace (12avril 1961) Gagarine déclara que nulle part il n’avait trouvé Dieu.

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    MichaelGalactionovitch Kroshkin  : responsable de la censure sovié-tique dans le domaine de l’espace. Il accompagnait Gagarine danstoutes ses tournées et ses conférences avec le public.

    À L’ATTENTION DE L’INQUISITION  : SUPPLIQUE DECHARLES QUINT...Charles Quint (1500-1558) , empereur de Germanie, roi d’Espagne,roi de Sicile et prince des Pays-Bas, (la lecture de la Bible en languevulgaire étant interdite aux croyants) dut solliciter, sur son lit de mort,la permission de l’Inquisition de lire l’Evangile en français.NdT  : À préciser que Charles-Quint avait pour langue maternellele français et qu’il ne parla jamais correctement l’allemand. D’autrepart, la première traduction de la Bible en français (1530) fut publiéeavec le privilège de l’empereur Charles-Quint et ce malgré l’inter-diction prononcée en 1526 par le parlement de Paris.

    LE DILEMME D’ÉRASMELe 8 juillet 1514, Érasme envoie une lettre destinée à Roger Servaispour répondre à son invitation de retourner au monastère de Steyn oùtous deux avaient jadis commencé leur vie de moines et où cettemême année (1514) Roger était devenu père supérieur.

    ÉPITAPHESelon Philostrate dans son œuvre Vie d’Apollonius Tyaneus, lesPerses capturèrent sept cent quatre-vingts Érétriens pendant leurscampagnes en Grèce et les envoyèrent en Asie. Ces derniers fondèrentleur propre cité, à une journée de course de Babylone.Quand, près d’un siècle plus tard, Apollonius Tyaneus s’y rendit, enparcourant les tombes, il trouva, parmi les inscriptions grecques, l’élé-gie qui suit  :

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    οἵδε ποτ᾽ Αἰγαίοιο βαθύρροον οἶδμα πλέοντες / Ἐκβατάνων πεδίῳ κεί-μεθ᾽ ἐνὶ μεσάτῳ. / χαῖρε κλυτή ποτε πατρὶς Ἐρέτρια, χαίρετ᾽ Ἀθῆναι,/ γείτονες Εὐβοίης, χαῖρε θάλασσα φίλη.(«   Ceux qui un jour ont traversé la vague profonde de l’Egée, / sontenterrés au milieu de la plaine d’Ecbatane. / Salut à toi, patrie d’Éré-trie illustre jadis, salut Athènes, / voisine d’Eubée, salut à toi la mertant aimée  » ) .

    MÉLANCOLIE D’HISTORIENPeu avant la bataille de Mantzikert (1071) qui s’avéra fatale pourl’Empire byzantin et l’Hellénisme, le régiment des Hussards, avec leurchef, se rallia aux Turcs provoquant une grande agitation dans l’arméebyzantine.

    LORD CHARLES MURRAYMEURT POURLA GRÈCELe titre du poème est emprunté à l’article du même titre de G. P.Kournoutos dans la Revue Anglo-Hellénique, 2ème période, tome 5,été 1954.Fils du 6e duc d’Atholl, Charles  Murray naquit en 1800.Ses études lui donnèrent l’occasion de s’imprégner de la culturegrecque et même d’apprendre le grec ancien et moderne.Lorsque la Guerre d’Indépendance éclata, Charles Murray fut l’undes premiers à intégrer les rangs des Philhellènes.En 1824, il vint se battre au côté des Grecs.Alors qu’il se dirigeait avec ses compagnons (de Nauplie) versMessolongi, une pluie violente les surprit dans les passages monta-gneux de l’Achaïe.Murray prit froid et fut dévoré d’une fièvre brûlante. Il mourutquelques jours plus tard, âgé tout juste de vingt-quatre ans.Il fut enterré dans le cimetière municipal de Gastouni.mon eau limpide ma lumière  : d’après le vers d’Homère καλῇ ὑπὸπλατανίστῳ ὃθεν ῥέεν ἀγλαὸν ὑδωρ (Iliade II, vers 307, «   au pied d’un

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    beau platane où coulait une eau claire  » , Éditions des Belles Lettres,Paris 1949) que cite Murray dans une lettre à Mavrokordatos,quelques jours avant sa mort.

    LES PIEDS DE L’AMERTUMEdans l’abysse du destin : expression de Solomos dans son poèmeitalien Saffo [Sappho] : Avea la mente nell’abysso dei fati («   Elle avaitl’esprit dans l’abysse du destin  » ) .

    LA CHAMBRE CHAOTIQUELe titre est inspiré des vers de Zissis Oikonomou «   Il entra dans lachambre chaotique / jeune vieux  » .

    ÂGE NÉFASTEGiorgos Valtadoros, prosateur, poète et peintre, précurseur du cu-bisme grec, naquit en 1897 à Karditsa et mourut à Kifisia (Athènes)le 15 novembre 1930, le jour même qu’il avait fixé pour son retourdéfinitifà Karditsa.NdT : Karditsa : ville de Thessalie. Littéralement, «   petit cœur  » .

    LAMÉMOIRE DE PALAMASLe poème est inspiré par une visite de Georges Théotokas à KostisPalamas (le 11 septembre 1940) telle que la rapporte le premier dansses Cahiers de Journal (Τετράδια Ημερολογίου) .Selon le récit en privé que fit Nafsika, la fille de Palamas, àThéotokas, le poète relisait parfois ses livres qui lui paraissaientnouveaux. Il se demandait  : «   Est-ce moi qui ai écrit cela  ?   » . D’autresfois, ses écrits l’attendrissaient et il fondait en larmes.

    LE DERNIERCRI, DE KOSTAS TZAMALISKostas Tzamalis (1944-1985) travaillait comme correcteur d’épreu-ves typographiques, il écrivait et publiait assez régulièrement des col-lections poétiques, quand il décida subitement de mettre fin à sa vie.

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    GEORGES BARRAL, JEUNE ADMIRATEURDEBAUDELAIRE...Dans son livre Cinq journées avec Charles Baudelaire à Bruxelles,Georges Barral évoque sa rencontre avec Baudelaire et leur visite deBruxelles.Barral publia initialement ces souvenirs de Baudelaire en 1901 , 1906et 1907 dans la revue Le petit bleu de Bruxelles.Vers la fin de sa vie, il demanda à son ami Maurice Kunel de les pub-lier en un tome.Ce dernier prit soin effectivement de ce tome qui sortit en 1932 auxéditions Vigie30 à Lienne.En 1995, les éditions Obsidiane en firent une nouvelle publication.Dans la préface de cette édition, François Lallier remarque quel’homme que décrit Barral n’a nullement les traits d’un maudit  :Baudelaire vit son enfer avec dignité, strictement en privé.

  • CENT POÈMES

    PETITES DAINES –ΜΙΚΡΕΣΔΟΡΚΑΔΕΣ , 1979

    Mon sang – Το αίμα μουPetit instant –Μικρή στιγμήLa lune thessalique – Το θεσσαλικό φεγγάρι

    VOLUPTÉS NOCTURNES D’UN IMMIGRÉΝΥΧΤΕΡΙΝΗΗΔΥΠΑΘΕΙΑ ΕΝΟΣΜΕΤΑΝΑΣΤΗ, 1981

    Mes amis – Οι φίλοι μουIl en serait ainsi – Έτσι θα ήτανParole d’exorcisme – Λόγος εξορκιστικόςAigle empaillé – Ο βαλσαμωμένος αετόςLa voix –ΗφωνήMon père – Ο πατέρας μουLa vue –ΗθέαLa rémunération –ΗαμοιβήMa tristesse –Ηλύπη μουVolupté nocturne –Νυχτερινη ηδυπάθεια

    AU PIED DU SILENCE – ΣΤΑ ΡΙΖΑΤΗΣΣΙΩΠΗΣ, 1984

    Un monologue du printemps – Ένας μονόλογος της άνοιξηςQuatre–vingt mille d’avant–guerre – Ογδόντα προπολεμικές χιλιάδεςLe chauffeur à la chemise blanche – Ο οδηγός με το άσπρο πουκάμισοLa douce chaleur du néant –Ηθαλπωρή του μηδενόςTableau – Κάδρο

    LES POÈMES

  • Ce doit être l’été –Μπορεί να είναι καλοκαίριL’autre bout –Ηάλλη άκρηLe jardin – Ο κήποςL’obstination du plaisir – Το πείσμα της ηδονήςLe réveil de veronica – Το ξύπνημα της BερόνικαςLa montagne aigrie – Το πικραμένο βουνόAu repli du péché – Στο μυχό του κρίματοςL’abeille sauvage –Ηάγρια μέλισσαNos amis s’en vont soudain – Οι φίλοι μας φεύγουν ξαφνικάLes années – Τα χρόνιαSi mes paroles sont si amères – Αν τα λόγια μου είναι τόσο πικράLa hâte des trottoirs –Ηβιασύνη των πεζοδρομίωνLa crypte –Ηκρύπτη

    L’EXPÉRIENCE DE LAMORTΗΠΕΙΡΑΤΟΥΘΑΝΑΤΟΥ, 1989

    La montre – Το ρολόιCostume d’été – Καλοκαιρινό κοστούμιLa vraie fin de l’enfance – Το αληθινό τέλος της παιδικής ηλικίαςLe courrier des morts – Το ταχυδρομείο των νεκρώνLa respiration du voleur –Ηαναπνοή του κλέφτηL’expérience de la mort –Ηπείρα του θανάτουLa mort garde de chambrée – Θάνατος θαλαμοφύλακαςAu–delà du destin – Ὑπὲρ μόρονLe murmure du corps – Ο ψίθυρος του κορμιούMargaritis Karagiotas –Μαργαρίτης ΚαραγιώταςRadiographie thoracique – Ακτινογραφία θώρακοςTrois variations sur la lumière du temps –Τρεις παραλλαγές για το φωςτου χρόνου

  • La crainte et la lumière – Ο δισταγμός και το φωςLe temps qui apporte la lumière – Ο χρόνος που φέρνει το φωςL’aveu –ΗομολογίαLe danger – Ο κίνδυνοςIci s’achève le corps – Εδώ παύει το κορμίLe sommeil du désert – Ο ύπνος της ερήμουÀ un souffle de distance – Σε απόσταση αναπνοήςPeur lumière – Φως φόβοςFond de mer – ΒυθόςÀ la fin du conte – Στο τέλος του παραμυθιούJachère – ΑγρανάπαυσηCave diem – Cave diemSuicide hypothétique – Υποθετική αυτοκτονίαLa source –ΗβρύσηUn poème qui n’a pas eu de chance – Ένα ποιήμα που δεν είχε τύχηLe dernier soir – Το τελευταίο βράδυLa gloire de Georgios Laïos –Ηδόξα του Γεώργιου ΛάιουLiberté – ΕλευθερίαTu es suspendue à mes lèvres – Από τα χείλη μου κρέμεσαιCorps soudain – Το ξαφνικό κορμίLa solitude la neige la recouvre – Τη μοναξιά σκεπάζει το χιόνι

    LUMIÈRE IMPÉNÉTRABLE – ΑΔΙΑΠΕΡΑΣΤΟΦΩΣ, 1998

    LUMIÈRE IMPÉNÉTRABLE – ΑΔΙΑΠΕΡΑΣΤΟ ΦΩΣ

    La gloire de la mort –Ηδόξα του θανάτουLa vengeance de pierre des vignes – ΟΠέτρο Ντέλλα Βίνια εκδικείταιMarcus Attilius Regulus meurt d’insomnie – ΟΜάρκος ΑττίλιοςΡηγούλος πεθαίνει από αϋπνία

  • Chambre exotique – Εξωτικό δωμάτιοÉpître de l’assemblée et de la ville d’Abdère à Hippocrate –Επιστολή της Βουλής και του Δήμου των Αβδήρων προς τον ΙπποκράτηPhœnix pleure Achille – ΟΦοίνικας θρηνεί τον ΑχιλλέαLes nuits blanches de la vierge – Οι λευκές νύχτες της ΠαναγίαςCamille Claudel – Καμίλ ΚλωντέλLe soleil noir de S. Kierkegaard – Του Σ. Κίρκεγκωρ ο μαύρος ήλιοςLumière impénétrable – Αδιαπέραστο φωςEmpédocle – ΕμπεδοκλήςLe silence d’Ajax –Ησιωπή του ΑίανταPolyphème, cruellement saoul – ΟΠολύφημος, οδυνηρά μεθώνταςLa syncalypse de Saint Jean –Ησυγκάλυψη του ΙωάννηLe redoutable bandit Antiochos Agonatos implore Siméon leStylite – Ο φοβερός ληστής Αντίοχος Αγόνατος ικετεύει τον Συμεών τονΣτυλίτηTimon d’Athènes – Τίμων ο ΑθηναίοςErysichton – ΕρυσίχθωνL’empereur Caligula supplie l’aube – Ο imperatorΚαλιγούλαςεκλιπαρέι την αυγήLa jactation de Diogène – Ο ριπτασμός του ΔιογένηTithon à Éos sa bien-aimée – ΟΤιθωνός προς την αγαπημένη του ΙώLa prière de Gagarine –Ηπροσευχή του ΓκαγκάρινÀ l’attention de l’Inquisition  : supplique de Charles Quint,empereur de Germanie, roi d’Espagne, roi de Sicile et prince desPays–bas –Προς την Ιερά Εξέταση: αίτηση του Κάρολου του Πέμπτου,αυτοκράτορα της Γερμανίας, βασιλιά της Ισπανίας, βασιλιά της Σικελίαςκαι Πρίγκιπα των Κάτω ΧωρώνLe dilemme d’Érasme – Το δίλημμα του Εράσμου

  • ERRATA LUMINEUX – ΦΩΤΕΙΝΑ ΠΑΡΟΡΑΜΑΤΑ

    Épitaphe – ΕπιτύμβιοTriomphe – ΘριαμβοςMélancolie d’historien –Μελαγχολία ιστορικούLord Charles Murray meurt pour la Grèce (1824) – Ο ΛόρδοςCharles Murray πεθαίνει για την Ελλάδα (1824)

    SOMMEIL LUMINEUX – ΦΩΤΕΙΝΟΣ ΥΠΝΟΣ

    Les pieds de l’amertume – Της πίκρας τα ποδάριαLa chambre chaotique – Το χαώδες δωμάτιοÂge néfaste – Αποφράς ηλικίαSommeil lumineux – Φωτεινός ύπνοςLa mémoire de Palamas –Ημνήμη του ΠαλαμάLe dernier cri, de Kostas Tzamalis – Κώστα Τζαμαλή, η τελευταίακραυγήGeorges Barral, jeune admirateur de Baudelaire tandis qu’il faitvisiter la ville de bruxelles au poète – Ο ΖώρζΜπαρράλ, νεαρόςθαυμαστής του Μπωντλαίρ, ενώ ξεναγεί τον ποιητή στις Βρυξέλλες

    EN MARGE DE LUMIÈRE IMPÉNÉTRABLE

    Pensées de Kostas Karyotakis tandis qu’il travaille sur son poème«   La plaine et le cimetière » – Σκέψεις του Κώστα Καρυωτάκη ενώσχεδιάζει το ποιήμα του «  Ηπεδιάδα και το νεκροταφείο  »Valéry Larbaud avant le départ – Ο Βαλερύ Λαρμπώ πριν από τηναναχώρηση

    Petites daines - 1979Mon sangPetit instantLa lune thessalique

    Voluptés nocturnes d’un immigré - 1981Mes amisIl en serait ainsiParole d’exorcismeAigle empailléLa voixMon pèreLa vueLa rémunérationLa tristesseVolupté nocturne

    Au pied du silence - 1984Un monologue du printempsQuatre-vingt mille d’avant guerreLe chauffeur à la chemise blancheLa douce chaleur du néantTableauC’est pourtant bien l’étéL’autre boutLe jardinL’obstination du paisirLe réveil de VeronicaLa montagne aigrieAu repli du péchéL’abeille sauvageNos amis s’en vont soudainLes annéesSi mes paroles sont si amèresLa hâte des trottoirsLa crypte

    L’expérience de la mort - 1989La montreCostume d’étéLa vraie fin de l’enfanceLe courrier des mortsLa respiration du voleurL’expérience de la mortLa mort garde de chambréeAu-delà du destinLe murmure du corpsMargaritis KaragiotasRadiographie thoraciqueTrois variations sur la lumière du TempsLa crainte et la lumièreLe temps qui apporte la lumièreL’aveuLe dangerIci s’achève le corpsLe sommeil du désertÀ un souffle de distancePeur lumièreFond de merÀ la fin du conteJachèreCave diemSuicide hypotétiqueLa sourceUn poème qui n’a pas eu de chanceLe dernier soirLa gloire de Georgios LaïosLibertéTu es suspendue à mes lèvresCorps soudainLa solitude la neige la recouvre

    Lumière impénétrable - 1998LUMIÈRE IMPÉNÉTRABLELa gloire de la mortLa vengeance de Pierre des VignesMarcus Attilius Regulus meurt d’insomnieChambre exotiqueÉpitre de l’Assemblée et de la ville d’Abdère à HippocratePhœnix pleure AchilleLes nuits blanches de la ViergeCamille ClaudelLe soleil noir de S. KierkegaardLumière impénétrableEmpédocleLe silence d’AjaxPolyphème, cruellement saoulLa syncalypse de Saint JeanLe redoutable bandit Antiochos Agonatos implore Siméon le StyliteTimon d’AthènesErysichtonL’empereur Caligula supplie l’aubeLa jactation de DiogèneTithon à Éos sa bien aiméeLa prière de GagarineÀ l’attention de l’Inquisition : supplique de Charles Quint...Le dilemme d’Érasme

    ERRATA LUMINEUXÉpitapheTriompheMélancholie d’historienLord Charles Murray meurt pour la Grèce (1824)

    SOMMEIL LUMINEUXLes pieds de l’amertumeLa chambre chaotiqueÂge néfasteSommeil lumineuxLa mémoire de PalamasLe dernier cri, de Kostas TzamalisGeorges Barral, jeune admirateur de Baudelaire...

    EN MARGE DE LUMIÈRE IMPÉNÉTRABLEPensées de Kostas Karyotakis...Valéry Larbaud avant le départ

    NOTESLES POÈMES