Compl´etude des noyaux reproduisants dans les espaces...

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Compl´ etude des noyaux reproduisants dans les espaces mod` eles. EMMANUEL FRICAIN Institut Girard Desargues atiment 101 Universit´ e Claude Bernard Lyon I 43, boulevard du 11 Novembre 1918 69622 Villeurbanne C´ edex FRANCE email: [email protected] esum´ e Soit (λ n ) n1 une suite de Blaschke du disque unit´ e D et Θ une fonction int´ erieure. On suppose que la suite de noyaux reproduisants k Θ (z,λ n ) := 1- Θ(λn)Θ(z) 1- λnz n1 est compl` ete dans l’espace mod` ele K p Θ := H p Θ H p 0 ,1 <p< +. On ´ etudie, dans un premier temps, la stabilit´ e de cette propri´ et´ e de compl´ etude, ` a la fois sous l’effet de perturbations des fr´ equences (λ n ) n1 mais ´ egalement sous l’effet de perturbations de la fonction Θ. On retrouve ainsi un certain nombre de r´ esultats classiques sur les syst` emes d’exponentielles. Puis, si on suppose de plus que la suite (k Θ (., λ n )) n1 est minimale, on montre que, pour une certaine classe de fonctions Θ, la famille biorthogonale associ´ ee est aussi compl` ete. Completeness of reproducing kernels in the model spaces. Abstract Let (λ n ) n1 be a Blaschke sequence of the unit disc D and Θ be an inner function. Asssume that the sequence of reproducing kernels k Θ (z,λ n ) := 1- Θ(λn)Θ(z) 1- λnz n1 is complete in the model space K p Θ := H p Θ H p 0 ,1 <p< + . First of all, we study the stability of this completeness not only under perturbations of fre- quences (λ n ) n1 but also under perturbations of function Θ. We recover some 1

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Completude des noyaux reproduisants dans lesespaces modeles.

EMMANUEL FRICAINInstitut Girard Desargues

Batiment 101Universite Claude Bernard Lyon I

43, boulevard du 11 Novembre 191869622 Villeurbanne Cedex

FRANCEemail: [email protected]

Resume

Soit (λn)n>1 une suite de Blaschke du disque unite D et Θ une fonction interieure. On

suppose que la suite de noyaux reproduisants(kΘ(z, λn) := 1−Θ(λn)Θ(z)

1−λnz

)n>1

est complete

dans l’espace modele KpΘ := Hp ∩ΘHp

0 , 1 < p < +∞. On etudie, dans un premier temps,la stabilite de cette propriete de completude, a la fois sous l’effet de perturbations desfrequences (λn)n>1 mais egalement sous l’effet de perturbations de la fonction Θ. Onretrouve ainsi un certain nombre de resultats classiques sur les systemes d’exponentielles.Puis, si on suppose de plus que la suite (kΘ(., λn))n>1 est minimale, on montre que, pourune certaine classe de fonctions Θ, la famille biorthogonale associee est aussi complete.

Completeness of reproducing kernelsin the model spaces.

AbstractLet (λn)n>1 be a Blaschke sequence of the unit disc D and Θ be an inner

function. Asssume that the sequence of reproducing kernels(kΘ(z, λn) := 1−Θ(λn)Θ(z)

1−λnz

)n>1

is complete in the model space KpΘ := Hp ∩ ΘHp

0 , 1 < p < + ∞. First of all,we study the stability of this completeness not only under perturbations of fre-quences (λn)n>1 but also under perturbations of function Θ. We recover some

1

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classical results on exponential systems. Then, if we assume further that the se-quence (kΘ(., λn))n>1 is minimal, we show that, for a certain class of functionsΘ, the biorthogonal family is also complete.

AMS classification : 30B60, (42A65, 42C30, 47B35, 30D55, 46E22).

1 Introduction

Nous notons par D = z ∈ C : |z| < 1 le disque unite, par T = z ∈ C :|z| = 1 le cercle unite et pour 16p6 +∞,

Hp = f : D 7−→ C holomorphe : sup06r<1

∫T|f(rζ)|p dm(ζ) <∞

designe l’espace de Hardy du disque unite. De facon habituelle, on identifieraHp avec le sous-espace des fonctions f ∈ Lp(T) pour lesquelles f(n) = 0,n < 0. Rappelons qu’une fonction Θ ∈ H∞ est dite interieure si |Θ(ζ)| = 1pour presque tout ζ ∈ T. On associe a toute fonction interieure le sous-espace

KpΘ := Hp ∩ΘHp

0 ,

ou Hp0 = f ∈ Hp : f(0) = 0 et la barre designe la conjugaison complexe. En

considerant la dualite naturelle entre Hp et Hp′ , definie par

〈f, g〉 :=∫

Tf(ζ)g(ζ) dm(ζ) , f ∈ Hp, g ∈ Hp′ ,

ou1p

+1p′

= 1, on peut definir de facon equivalente KpΘ comme l’ensemble des

fonctions f ∈ Hp pour lesquelles

〈f,Θg〉 = 0, ∀g ∈ Hp′ .

Par consequent, KpΘ correspond a l’ensemble des formes lineaires de Hp′ qui

s’annulent sur le sous-espace ΘHp′ .Pour p = p′ = 2, on notera KΘ = K2

Θ. De plus, dans le cas ou 1 <p < +∞, il resulte du theoreme de Beurling (voir [Gar81], chapitre II) quetout sous-espace propre ferme et invariant par l’action de l’operateur S∗ :

f 7−→ f − f(0)z

est du type KpΘ et inversement. En dehors de leur interet

propre, ces sous-espaces KpΘ possedent un lien etroit avec des sujets tels que

l’approximation rationnelle (voir [Dya], [Hay90], [Sar94]), les operateurs deToeplitz (voir [DSS70], [Dya94b]) et la theorie spectrale des operateurs lineaires

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generaux (voir [Nik86]). Dans cet article, nous nous interessons aux noyauxreproduisants des sous-espaces Kp′

Θ , c’est a dire aux fonctions kΘ(., λ) ∈ KpΘ

pour lesquellesf(λ) = 〈f, kΘ(., λ)〉 , λ ∈ D , f ∈ Kp′

Θ

ou 〈·, ·〉 represente la dualite entre KpΘ et Kp′

Θ . Dans le cas ou 1 < p < +∞, lesous-espace ΘHp est complemente dansHp car les projections standards ΘP+Θet PΘ := I −ΘP+Θ = ΘP−Θ sont bornees sur Hp (par le theoreme de Riesz,voir [Dur70]). Ici P+ designe la projection de Riesz (P+f)(z) =

∑n>0 f(n)zn).

On a donc Hp = PΘHp + (I − PΘ)Hp = PΘH

p + ΘHp, d’ou KpΘ = PΘH

p. De

plus, il est facile de voir que kΘ(., λ) = PΘkλ, ou kλ =1

1− λzest le noyau de

Cauchy classique et un petit calcul montre alors que

kΘ(., λ) =1−Θ(λ)Θ

1− λz

(voir [HNP81] ou [Nik86]). Dans cet article, nous allons etudier deux problemesrelatifs a la completude des suites de noyaux reproduisants dans l’espace Kp

Θ.Rappelons qu’une suite (xn)n>1 d’un espace de Banach X est dite completedans X si l’enveloppe lineaire fermee engendree par les xn, notee span xn :n>1, est egale a X . Dans notre cas, en utilisant le theoreme de Hahn-Banach,il est facile de voir qu’une suite de noyaux reproduisants (kΘ(., λn))n>1 seracomplete dans Kp

Θ si et seulement si l’implication suivante

(f ∈ Kp′

Θ , f(λn) = 0, n>1) =⇒ f ≡ 0

est vraie pour toute fonction f ∈ Kp′

Θ . Par consequent, etudier la completuded’une suite de noyaux reproduisants (kΘ(., λn))n>1 dansKp

Θ se ramene a etudiersi la suite (λn)n>1 peut etre incluse ou non dans l’ensemble des zeros d’unefonction de Kp′

Θ non identiquement nulle. La question naturelle qui se posealors est de chercher un critere, en langage de Λ = (λn)n>1 et Θ, pour que lasuite (kΘ(., λn))n>1 soit complete dans Kp

Θ. Etant donne Λ = (λn)n>1 ⊂ D, ilest facile de montrer que la suite (kΘ(., λn))n>1 est complete dans Kp

Θ, pourtoute fonction interieure Θ, si et seulement si la suite Λ = (λn)n>1 n’est pasde Blaschke, c’est a dire si ∑

n>1

(1− |λn|) = +∞ .

Par consequent, la veritable question qui se pose est : etant donne Λ = (λn)n>1 ⊂D, une suite de Blaschke sans multiplicite, et Θ une fonction interieure fixee,

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peut-on trouver un critere suffisament explicite de completude pour la suite(kΘ(., λn))n>1 dans Kp

Θ ?Cette question est encore ouverte meme pour le cas particulier des exponen-

tielles. Rappelons que si Λ = (λn)n>1 ⊂ D, a > 0, et Θa := exp(az + 1z − 1

),

l’espace KΘa s’identifie de facon unitaire a l’espace L2(0, a) et la completudede la suite (kΘa(., λn))n>1 dans KΘa est equivalente a la completude de la suite

(exp(iµnt))n>1 dans L2(0, a), µn := i1 + λn1− λn

(voir [HNP81] ou [Nik86]). Meme

dans ce cas particulier donc, on ne connait pas de critere geometrique portantsur les frequences (µn)n>1. Les travaux les plus avances restent ceux de A.Beurling et P. Malliavin qui ont donne une methode pour calculer le rayon decompletude d’une suite d’exponentielles (exp(iµnt))n>1 en fonction d’une cer-taine densite (voir [BM62] et [BM67] pour les travaux originaux, [KT90] pourune reinterpretation de ces resultats, [Red77] et [Koo96] pour une presentationtres complete du sujet).

Dans cet article, nous allons etudier deux problemes plus particuliers relatifsa cette completude des noyaux reproduisants. Le premier probleme auquel nousnous interessons est un probleme de stabilite :

on se donne 1 < p < +∞, une suite Λ = (λn)n>1 ⊂ D et Θ1 une fonctioninterieure de H∞ tels que le systeme (kΘ1(., λn))n>1 est complet dans Kp

Θ1. Si

on perturbe la suite Λ ou (et) la fonction interieure Θ1, est-ce-que le nouveausysteme (kΘ2(., λ

′n))n>1 est complet dans Kp

Θ2?

Le deuxieme probleme concerne la completude de la biorthogonale associeeaux noyaux reproduisants de KΘ := K2

Θ :si (kΘ(., λn))n>1 est une suite minimale et complete dans KΘ, la question

naturelle qui se pose est de savoir si la biorthogonale associee a cette suite estaussi complete dans KΘ.

Le premier probleme peut etre motive par plusieurs raisons. D’une part,nous avons vu que le probleme general de completude dans lequel s’inscrit ceprobleme de stabilite est tres difficile et loin d’etre resolu. D’autre part, dansbeaucoup de cas, la famille donnee est une petite perturbation d’une familledont on sait deja qu’elle est complete. Un critere de stabilite permettrait donc,dans beaucoup d’applications, et notamment en theorie du controle, de prouverla completude des noyaux reproduisants.Il faut egalement signaler que ce probleme de stabilite est lie au problemed’unicite fondamental suivant : etant donnee (en)n>1 une famille complete dansun espace de Banach E, on cherche a caracteriser (εn)n>1 ⊂ R∗

+ tel que si

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f ∈ E∗, alors (|〈f, en〉|6εn‖f‖ , (∀n>1)

)=⇒ f ≡ 0 . (1)

Il est facile de voir que ce probleme d’unicite est equivalent a la stabilite de lacompletude de la suite (en)n>1 sous l’effet de petites perturbations en normecontrolees par εn.Remarquons que le probleme de l’existence d’une suite (εn)n>1 ⊂ R∗

+ verifiant(1) a ete resolu par V. Gurarii et M. Meletidi (voir [GM70]). Mais ce theoremeest un resultat de pure existence et il reste le probleme de trouver une esti-mation sur la decroissance des suites (εn)n>1 qui garantissent l’unicite ou lastabilite de la completude. Le probleme d’unicite precedent a ete abondammentetudie dans le cas ou E∗ = H∞(D) et en = kλn , n>1, est une suite de noyauxreproduisants telle que (λn)n>1 n’est pas de Blaschke. De nombreux auteurs sesont interesses a caracteriser la decroissance des suites (εn)n>1 ⊂ R∗

+ qui garan-tissent l’unicite (1). Citons notamment les travaux de S. Khavinson [Kha63],N. Danikas [Dan94], W. Hayman [Hay98], Y. Lyubarskii- K. Seip [LS97] etceux en cours de A. Nicolau, J. Pau-P. Thomas. Citons enfin les travaux deR. Redheffer qui a beaucoup etudie la stabilite de la completude des sytemesd’exponentielles (voir [Red68] et [Red77]).

Remarquons enfin que le probleme de completude des noyaux reproduisantsdans l’espace modele Kp

Θ peut se reformuler dans le langage des operateurs deToeplitz (voir le lemme 2.2.1 pour cette reformulation). Or, de nombreux au-teurs se sont interesses a la structure des noyaux des operateurs de Toeplitz.Citons notamment les travaux de E. Hayashi [Hay85], [Hay86], [Hay90]) etceux de K. Dyakonov [Dya]. Signalons cependant que les operateurs de Toe-plitz, comme les autres outils, n’ont pas permis, jusqu’a present, de progresvisibles sur ce probleme de completude des noyaux reproduisants dans KΘ.Dans cet article, nous utiliserons cette approche via les operateurs de Toeplitzpour obtenir un resultat de stabilite quand on perturbe a la fois la suite (λn)n>1

et la fonction interieure Θ.

Pour motiver le deuxieme probleme autour de la completude de la bior-thogonale, rappelons qu’une suite (xn)n>1 d’un espace de Hilbert H est diteminimale si, pour tout n>1, xn /∈ span xk, k 6= n. Par le theoreme de Hahn-Banach, ceci est equivalent a l’existence d’une suite (x′n)n>1 de H, dite bior-thogonale, telle que

〈x′n, xk〉 = δnk .

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Si (xn)n>1 est une suite minimale et complete dans H, on peut associer a toutelement x de H sa “serie de Fourier generalisee” :

ϕ : x 7→∑n>1

〈x, x′n〉xn ,

ou (x′n)n>1 est la biorthogonale associee a (xn)n>1. Pour travailler avec cesseries de Fourier generalisees, la premiere chose naturelle a demander, si on veutreconstruire x a partir de ses coefficients de Fourier (〈x, x′n〉)n>1, est que l’ap-plication ϕ soit injective, ce qui est equivalent a dire que (x′n)n>1 est completedans H. Ce n’est en general pas le cas ! (Voir, par exemple, [You81], pour uncontre-exemple). Cependant, pour les noyaux reproduisants de H2, la situationest totalement differente : si Λ = (λn)n>1 est une suite de Blaschke, alors labiorthogonale a (kλn)n>1 est complete dans KBΛ

, ou BΛ est le produit de Bla-schke associe a Λ. Dans [You81], R.M. Young a montre que pour les systemesd’exponentielles, la situation est la meme. Nous nous proposons, dans cet ar-ticle, d’etudier ce probleme pour les noyaux reproduisants (kΘ(., λn))n>1 del’espace modele KΘ.

Les resultats de cet article s’organisent de la facon suivante. Dans la section2, nous montrons que la completude des noyaux reproduisants (kΘ(., λn))n>1

reste stable sous l’effet de petites perturbations de la suite (λn)n>1 par rapporta la distance pseudo-hyperbolique (voir theoreme 2.1.1). Puis, en imposantune condition de Fredholm sur l’operateur de Toeplitz TΘBΛ

, nous prouvonsqu’il existe ε > 0 telle que la completude de (kΘ(., λn))n>1 est preservee si‖Θ − Θ1‖6ε et ‖BΛ − BΛ′‖6ε (voir theoreme 2.2.3). Si BΛ et BΛ′ sont lestransformees de Frostman d’une meme fonction interieure, alors (kΘ(., λn))n>1

et (kΘ(., λ′n))n>1 sont simultanement completes ou non dans KpΘ (voir theoreme

2.2.10). Ce resultat nous permet d’obtenir comme corollaire l’existence, pourtoute fonction interieure Θ de H∞, d’une suite de Blaschke (λn)n>1 ⊂ D telleque (kΘ(., λn))n>1 est complete dansKp

Θ (voir corollaire 2.2.11). Dans la section3, nous etudions le probleme de la completude de la biorthogonale pour lesnoyaux reproduisants. On montre que si (kΘ(., λn))n>1 est une suite completeet minimale dans KΘ et si sup

z∈D|Θ′(z)(1 − z)2| < +∞, alors la suite (fn)n>1,

biorthogonale a (kΘ(., λn))n>1, est aussi complete dans KΘ.

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2 Stabilite de la completude pour les noyaux

reproduisants.

2.1 Perturbations des frequences.

Le theoreme suivant etablit une condition de stabilite dans le cas des noyauxreproduisants, qui nous permettra de retrouver a la fois un resultat de R.Redheffer, un autre de K. Chan-S. Seubert et une generalisation d’un theoremede N. Levinson .

Theoreme 2.1.1 Soient 1 < p < ∞, Λ = (λn)n>1 ⊂ D et Θ une fonc-tion interieure dans H∞ telle que (kΘ(., λn))n>1 est complete dans Kp

Θ. Soit(λ′n)n>1 ⊂ D telle que ∑

n>1

|bλn(λ′n)| < +∞ . (2)

Alors (kΘ(., λ′n))n>1 est aussi complete dans KpΘ.

Rappelons que conformement aux notations usuelles |bλn(λ′n)| =∣∣∣∣ λn − λ′n1− λnλ′n

∣∣∣∣designe la distance pseudo-hyperbolique entre les points λn et λ′n.

Preuve Raisonnons par l’absurde. Supposons que la suite (kΘ(., λ′n))n>1 nesoit pas complete dans Kp

Θ. Par le theoreme de Hahn-Banach, il existe f ∈ KqΘ,

f 6≡ 0, telle que f(λ′n) = 0, pour tout n>1, avec q l’exposant conjugue associea p. Definissons par recurrence une suite de fonctions (φn)n>1 dans Hq :

φ0 := f , et φn :=bλ′n − bλ′n(λn)

bλ′nφn−1 , n>1 .

Il est facile de verifier que φn ∈ KqΘ, pour tout n>1. De plus, φn(λk) = 0,

∀k6n, et φn(λ′k) = 0, ∀k > n. D’autre part,

‖φn − φn−1‖q = |bλ′n(λn)|‖φn−1‖q (3)

Donc(1− |bλ′n(λn)|)‖φn−1‖q6‖φn‖q6(1 + |bλ′n(λn)|)‖φn−1‖q ,

et par recurrence, on obtient

n∏k=1

(1− |bλ′k(λk)|

)‖f‖q6‖φn‖q6

n∏k=1

(1 + |bλ′k(λk)|

)‖f‖q . (4)

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De l’hypothese (2), on deduit que les deux produits infinis+∞∏k=1

(1 − |bλ′k(λk)|

)et

+∞∏k=1

(1 + |bλ′k(λk)|

)sont convergents. Posons ci :=

∞∏k=1

(1 + εi|bλ′k(λk)|

), i = 1, 2, avec ε1 = 1 et ε2 = −1. Alors (4) implique que

‖φn‖q6c1‖f‖q , ∀n>1 . (5)

En utilisant l’inegalite triangulaire, les inegalites (3) et (5), nous obtenons alorsque

‖φn+p − φn‖q6c1‖f‖qp∑

k=1

|bλ′n+k(λn+k)| .

En utilisant (2), on en deduit finalement que (φn)n>1 est une suite de Cauchydans Kq

Θ. Par consequent, il existe φ ∈ KqΘ telle que limn→+∞ φn = φ, dans

KqΘ. Nous obtenons, d’apres (4), que c2‖f‖q6‖φ‖q, ce qui prouve que φ 6≡ 0.

Comme φ(λn) = limp→+∞ φp(λn) = 0, on en deduit que (kΘ(., λn))n>1 n’estpas complete dans Kp

Θ, ce qui contredit l’hypothese.

En utilisant l’isomorphisme naturel entre Hp et Hp(C+) , l’espace de Hardydu demi-plan superieur C+ = z ∈ C : =m(z) > 0 (voir par exemple [Dur70]ou [HNP81]), il est immediat de voir que le theoreme 2.1.1 admet l’analoguesuivant dans le demi-plan superieur.

Corollaire 2.1.2 Soient 1 < p < ∞, M = (µn)n>1 ⊂ C+ et Θ une fonctioninterieure de H∞(C+) telle que (kΘ(., µn))n>1 est complete dans K+

Θp := Hp

+∩zHp

+. Soit (µ′n)n>1 ⊂ C+ telle que∑n>1

|b+µn(µ′n)| < +∞ . (6)

Alors (kΘ(., µ′n))n>1 est aussi complete dans K+Θp.

Ici |b+µn(µ′n)| =

∣∣∣∣µ′n − µnµ′n − µn

∣∣∣∣ designe la distance pseudo-hyperbolique dans C+.

Remarque 2.1.3 En reprenant le raisonnement utilise, il est facile de voir quele theoreme 2.1.1 et son corollaire restent valables dans le cas (Kp

Θ)∗, p = 1,+∞,avec la topologie faible∗.

Dans le cas, ou Θ = 0, KpΘ = Hp, on a un resultat de stabilite uniforme qui

montre que le theoreme 2.1.1 n’est pas optimal.

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Theoreme 2.1.4 Soient 1 < p < +∞, (kλn)n>1 une suite de noyaux repro-duisants complete dans Hp et (λ′n)n>1 ⊂ D. Si

supn>1

|bλn(λ′n)| < 1 , (7)

alors (kλ′n)n>1 est aussi complete dans Hp.

Preuve Un resultat de Vinogradov-Havin (voir [HV74]) implique que, sousl’hypothese (7), on a (1−|λn|) (1−|λ′n|). Il est alors clair que les deux suites(kλn)n>1 et (kλ′n)n>1 sont completes ou non simultanement.

Remarque 2.1.5 (1) Ce resultat est optimal, a savoir qu’il existe des suites(λn)n>1 et (λ′n)n>1 ⊂ D telles que sup

n>1|bλn(λ′n)| = 1 avec (kλn)n>1 complete

dans Hp alors que (kλ′n)n>1 ne l’est pas. Par exemple, on peut prendre λn :=

1− 1n

et λ′n := 1− 1n2

, n>1.

(2) L’exemple du systeme trigonometrique montre aussi qu’il existe undecalage entre le theoreme 2.1.1 et certains resultats deja connus pour les ex-ponentielles. Passons au demi-plan superieur, et considerons

µn := n+ i , µ′n := n+ δn + i , n ∈ Z, δn ∈ R .

Un resultat de N. Levinson [Lev40] permet d’affirmer que si

|δn|612q, ∀n ∈ Z ,

alors (exp(iµ′nt))n∈Z est complete dans Lp(−π, π).D’autre part, si on calcule |b+µn

(µ′n)|, le corollaire 2.1.2 donne comme condi-tion suffisante de stabilite ∑

n∈Z|δn| < +∞ .

Ceci prouve que notre theoreme n’est pas optimal. Cependant, cet exemplemontre aussi que le resultat 2.1.4 n’est plus valide pour les noyaux repro-duisants de l’espace modele KΘ : il existe (µn)n∈Z, (µ′n)n∈Z ⊂ C+ telles quesupn∈Z

|b+µn(µ′n)| < 1 et (exp(iµnt))n∈Z est complete dans L2(−π, π) alors que

(exp(iµ′nt))n∈Z ne l’est pas. Considerons, par exemple, µn := n + i et µ′n :=n+ 1

4 + ε+ i, pour n>1, µ′0 := i, µ′n := n− 14 − ε+ i, pour n6− 1. Clairement,

(exp(iµnt))n∈Z est complete dans L2(−π, π) (c’est meme une base de Riesz !).De plus, N. Levinson a montre que (exp(i(µ′n−i)t))n∈Z n’est pas complete dansL2(−π, π).

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(3) Par contre, le theoreme 2.1.1 est optimal dans le sens ou on ne peut pasameliorer l’exposant dans la convergence de la serie. Cela signifie qu’il existedeux suites (λn)n>1, (λ′n)n>1 ⊂ D et une fonction interieure Θ telle que∑

n>1

|bλn(λ′n)|α < +∞ , ∀α > 1 ,

et la suite (kΘ(., λn))n>1 est complete dans KΘ alors que la suite (kΘ(., λ′n))n>1

ne l’est pas. Il suffit pour cela de considerer

λn := 1− 1n2

et λ′n := λn+1 , n>1

et de poser Θ := BΛ, le produit de Blaschke associe a Λ = (λn)n>1. Un calculsimple montre alors que |bλn(λ′n)| ∼ 1

n et (kΘ(., λn))n>1 est complete dans KΘ

alors que (kΘ(., λ′n))n>1 ne l’est pas, car la premiere suite est minimale.

Donnons maintenant les trois applications annoncees du theoreme 2.1.1. Lepremier resultat qu’on peut retrouver est un resultat de R. Redheffer [Red77].

Corollaire 2.1.6 Soient a > 0 et (µn)n>1, (µ′n)n>1 deux suites complexestelles que ∑

n>1

|µn − µ′n|1 + |=mµn|+ |=mµ′n|

<∞ .

Alors les familles (exp(iµnt))n>1 et (exp(iµ′nt))n>1 sont completes ou non si-multanement dans L2(−a, a).

Preuve Tout d’abord, on utilise un principe de reflexion classique qui permetde ramener toutes les frequences des exponentielles dans le demi-plan superieur.Pour cela, on definit

µ∗n :=

µn si =mµn>0µn si =mµn < 0

et µ′n∗ :=

µ′n si =mµ′n>0

µ′n si =mµ′n < 0

En utilisant la theorie des fonctions entieres et la factorisation d’Hadamard,on peut alors montrer (voir [Fri99], theoreme 2.2.4, page 61-62) que les suites(exp(iµnt))n>1 et (exp(iµ∗nt))n>1 d’une part et, les suites (exp(iµ′nt))n>1 et(exp(iµ′n

∗t))n>1 d’autre part, sont completes ou non simultanement dans L2(−a, a).Fixons maintenant δ > 0. Comme l’application φ(t) 7−→ φ(t) exp(−δt) estun isomorphisme sur L2(−a, a), on remarque que les suites (exp(iµ∗nt))n>1 et(exp(i(µ∗n + iδ)t))n>1 d’une part et, les suites (exp(iµ′n

∗t))n>1 et (exp(i(µ′n∗ +

10

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iδ)t))n>1 d’autre part, sont completes ou non simultanement dans L2(−a, a).Le resultat se deduit alors aisement du corollaire 2.1.2 et du calcul suivant

|b+µ∗n+iδ(µ′n∗ + iδ)| = |µ∗n − µ′n

∗||µ∗n − µ′n

∗ + 2iδ|

6C|µ∗n − µ′n

∗|1 + |=mµ∗n|+ |=mµ′n

∗|

6C|µn − µ′n|

1 + |=mµn|+ |=mµ′n|

Dans [CS97], K. Chan et S. Seubert cherchent des conditions necessaireset suffisantes pour que le noyau d’un operateur de Toeplitz soit non trivial,dans le cas ou le symbole est le quotient de deux fonctions interieures. Ilsmontrent, en particulier, que si Θ0 et Θ1 sont deux fonctions interieures tellesque ker2 TΘ0Θ1

6= 0 alors

T ∩ σ(Θ1) ⊂ T ∩ σ(Θ0) ,

ou σ(Θ) designe le spectre de Θ. Si Θ0 et Θ1 sont deux produits de Blaschke in-finis, cette condition signifie que les zeros de Θ1 ne peuvent s’accumuler qu’auxpoints de T ou ceux de Θ0 s’accumulent. Les zeros de Θ1 doivent donc etre, enun certain sens, proches de ceux de Θ0. Dans le resultat qui suit, K. Chan et S.Seubert donnent une condition suffisante portant sur cette proximite des zerospour que ker2 TΘ0Θ1

6= 0, propriete qui admet une formulation equivalente enterme de completude d’une certaine suite de noyaux reproduisants (voir lemme2.2.1). Nous obtenons, en fait, ce resultat comme corollaire du theoreme 2.1.1.

Corollaire 2.1.7 Soient 1 < p < +∞, B1 un produit de Blaschke associe aune suite de Blaschke (βn)n>1 et Θ0 une fonction interieure qui s’annule en(αn)n>1. Si

∞∑n=1

|αn − βn|1− |αn|

<∞ ,

et si Θ0 possede au moins un autre zero en dehors des αn, alors kerq TΘ0B16=

0, c’est-a-dire que (kΘ0(., βn))n>1 n’est pas complete dans KpΘ0

.

Preuve Supposons que le systeme (kΘ0(., βn))n>1 soit complet dans KpΘ0

.D’apres notre hypothese, il est facile de voir que∑

n>1

|bαn(βn)| <∞ .

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Nous pouvons donc appliquer le theoreme 2.1.1 et conclure que la suite (kΘ0(., αn))n>1

est complete dans KpΘ0

. Mais, ceci est absurde car, si B designe le produit deBlaschke associe a la suite (αn)n>1, alors on a

KpΘ0

= spanKpΘ0kΘ0(., αn) : n>1 = spanHp kαn : n>1 = Kp

B ,

ce qui est impossible puisque Θ0 possede au moins un autre zero en dehors desαn.

En 1940, N. Levinson [Lev40] a montre que la completude d’une suite d’ex-ponentielles (exp(iµnt))n>1 n’est pas alteree si l’une des frequences µn est rem-placee par une autre µ, avec µ 6= µn, ∀n. Le theoreme 2.1.1 nous permet deretrouver ce resultat dans le cadre general des noyaux reproduisants, ce quiavait deja ete remarque dans [HNP81].

Corollaire 2.1.8 Soient 1 < p < +∞, (λn)n>1 ⊂ D et Θ une fonctioninterieure telle que (kΘ(., λn))n>1 soit complete dansKp

Θ. Alors (kΘ(., λn))n>N⋃

(kΘ(., λ′n))16n<N

est complete dans KpΘ, pour toute suite finie (λ′n)16n<N , λ′n 6= λi, λ

′n 6= λ′m.

Preuve Il suffit de noter que si

λn :=

λ′n : 16n < N

λn : n>N ,

alors ∑n>1

|bλn(λn)| =∑

16n<N

|bλn(λ′n)| < +∞ ,

et le theoreme 2.1.1 implique que (kΘ(., λn))n>1 est complete dans KpΘ.

2.2 Perturbation de la fonction interieure Θ.

Jusqu’a present, nous avons uniquement etudie les effets de perturbationssur les “frequences” (λn)n>1 mais on peut aussi perturber la fonction interieureΘ. Plus precisement, si (kΘ1(., λn))n>1 est une famille complete dans Kp

Θ1et si

Θ2 est une autre fonction interieure, quelle doit etre la proximite entre Θ1 etΘ2 pour que (kΘ2(., λn))n>1 soit une famille complete dans Kp

Θ2?

La premiere conjecture naturelle est de penser qu’il suffit que Θ1(λn) soitproche de Θ2(λn). Mais cela ne suffit pas comme le montre l’exemple suivant :soit (λn)n>1 une suite de Blaschke dans D et ζ un point de D tel que ζ 6= λn,∀n>1. Notons

Θ1 :=∏n>1

bλn , et Θ2 := bζΘ1 .

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Alors Θ1(λn) = Θ2(λn) = 0, ∀n>1 et (kΘ1(., λn))n>1 est une famille completedans KΘ1 alors que (kΘ2(., λn))n>1 n’est pas complete dans Kp

Θ2. En effet,

span kΘ2(., λn) : n>1 =span kλn : n>1=Kp

Θ1$ Kp

Θ2.

En fait, en utilisant les operateurs de Toeplitz et leurs liens avec le problemede la completude, nous allons montrer que, sous certaines hypotheses, on peutdonner des conditions qui garantissent la stabilite de la completude. Toutd’abord, precisons la reformulation de notre probleme de completude a l’aidedes operateurs de Toeplitz. Si ϕ ∈ L∞(T) et 1 < p < +∞, on notera

kerp Tϕ := f ∈ Hp : Tϕf = 0 .

On a alors le resultat suivant :

Lemme 2.2.1 Soient 1 < p < +∞, B un produit de Blaschke, a zeros simples,associe a une suite (λn)n>1 ⊂ D et Θ une fonction interieure. Alors

dim kerq TΘB = dim(Kq

Θ ∩BHq)

= codimKpΘ

(span kΘ(., λn) : n>1) .

En particulier, les assertions suivantes sont equivalentes :

(i) TΘB : Hq −→ Hq est injectif.

(ii) (kΘ(., λn))n>1 est complete dans KpΘ.

(iii) KqΘ ∩BHq = 0.

Le cas p = q = 2 trouve son origine dans [LS71] et est demontre dans [Nik86],(Lemme 97, Appendice 4, page 336). Le cas general se demontre exactementde la meme maniere et la preuve est laissee au lecteur.

Rappelons maintenant un lemme de L. Coburn dont nous allons avoir besoinpar la suite.

Lemme 2.2.2 (L. Coburn) Si 1 < p < +∞ et ϕ ∈ L∞, ϕ 6≡ 0, alors soitkerq Tϕ = 0 soit kerp T

∗ϕ = 0.

Pour le cas p = q = 2, nous renvoyons le lecteur a [Cob66] ou [Nik86],(Appendice 4, page 318). Le cas general suit, en fait, exactement le memeschema et sa demonstration est laissee au lecteur.

En imposant une condition de Fredholm, nous obtenons un resultat de stabilite.Si ϕ est une fonction de L∞(T) telle que Tϕ est de Fredholm dans Hq alors

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indq Tϕ designera l’indice de Tϕ vu comme operateur de Hq dans Hq, c’est-a-dire, par definition,

indq Tϕ = dim kerq Tϕ − dim kerp T ∗ϕ .

Theoreme 2.2.3 Soient 1 < p < +∞, Λ = (λn)n>1 ⊂ D et Θ1 une fonctioninterieure dans H∞. Supposons que l’operateur de Toeplitz TΘ1BΛ

soit Fred-holm dans Hq. Alors il existe ε > 0 tel que pour toute suite Λ′ = (λ′n)n>1 ⊂ Det toute fonction interieure Θ2 satisfaisant

‖BΛ −BΛ′‖∞ < ε et ‖Θ1 −Θ2‖∞ < ε , (8)

on a

codimKpΘ1

(span kΘ1(., λn) : n>1) = codimKpΘ2

(span kΘ2(., λ

′n) : n>1

).

Nous allons decomposer la preuve de ce theoreme en 2 lemmes.

Lemme 2.2.4 Soient 1 < q < +∞, Θ1 et B1 deux fonctions interieures deH∞. Supposons que l’operateur de Toeplitz TΘ1B1

soit de Fredholm dans Hq.Alors, il existe ε > 0 tel que pour toutes fonctions interieures Θ2, B2 satisfaisant‖Θ1 −Θ2‖∞ < ε et ‖B1 −B2‖∞ < ε, l’operateur TΘ2B2

est de Fredholm dansHq et

indq TΘ1B1= indq TΘ2B2

.

Preuve Comme TΘ1B1est de Fredholm dans Hq, il existe η > 0 tel que

TΘ1B1+A est de Fredholm dansHq, pour tout operateur A satisfaisant ‖A‖ < η

(voir [Kat67]). De plus, nous avons

indq(TΘ1B1

+A)

= indq(TΘ1B1

).

D’autre part,

‖TΘ1B1− TΘ2B2

‖ =‖TΘ1B1−Θ2B2‖

= supf∈Hq

‖f‖q61

‖P+(Θ1B1 −Θ2B2)f‖q

6‖Θ1B1 −Θ2B2‖∞6‖B1 −B2‖∞ + ‖Θ1 −Θ2‖∞ .

Donc, si ‖B1 − B2‖∞ < η2 et ‖Θ1 − Θ2‖∞ < η

2 , alors TΘ2B2= TΘ1B1

+(TΘ2B2

− TΘ1B1

)est Fredholm dans Hq et

indq TΘ1B1= indq TΘ2B2

.

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Lemme 2.2.5 Soient 1 < q < +∞, ϕ , ψ ∈ L∞(T) telle que indq Tϕ =indq Tψ . Alors

dim kerq Tϕ = dim kerq Tψ .

Preuve Premier cas : kerq Tϕ = 0. Alors indq Tψ = indq Tϕ = −dim kerp T ∗ϕ60.Supposons que kerq Tψ 6= 0. Alors, d’apres le lemme 2.2.2, necessairementkerp T ∗ψ = 0 et donc indq Tψ = dim kerq Tψ > 0, ce qui est absurde. Donckerq Tψ = 0.

Deuxieme cas : kerq Tϕ 6= 0. D’apres le lemme 2.2.2, kerp T ∗ϕ = 0 et doncindq Tψ = indq Tϕ = dim kerq Tϕ > 0. Un raisonnement analogue montre quekerp T ∗ψ = 0 et donc indq Tψ = dim kerq Tψ. Par consequent, on obtient

dim kerq Tϕ = dim kerq Tψ .

Preuve (du theoreme 2.2.3) D’apres le lemme 2.2.4, il existe ε > 0 tel que,pour toute suite Λ′ = (λ′n)n>1 ⊂ D et toute fonction interieure Θ2 satisfaisant(8), l’operateur TΘ2BΛ′

est de Fredholm dans Hq et

indq TΘ1BΛ= indq TΘ2BΛ′

.

Le lemme 2.2.5 entraıne alors que

dim kerq TΘ1BΛ= dim kerq TΘ2BΛ′

,

ce qui est equivalent, d’apres le lemme 2.2.1, a

codimKpΘ1

(span kΘ1(., λn) : n>1) = codimKpΘ2

(span kΘ2(., λ

′n) : n>1

).

Remarque 2.2.6 Si Λ = (λn)n>1 est une suite dans D et Θ est une fonc-tion interieure dans H∞ telles que TΘB est de Fredholm et (kΘ(., λn))n>1 estcomplete dans Kp

Θ, alors le theoreme 2.2.3 montre qu’il existe ε > 0 tel quepour toute suite Λ′ = (λ′n)n>1 ⊂ D satisfaisant

‖BΛ −BΛ′‖∞ < ε , (9)

la suite (kΘ(., λ′n))n>1 est aussi complete dans KpΘ. La question naturelle qui se

pose est de comparer les deux conditions de stabilite (2) et (9). Tout d’abord,notons que la condition (9) n’implique pas la condition (2). En effet, considerons

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BΛ =∏n>1 bλn un produit de Blaschke. Le theoreme de Frostman implique

l’existence de ζ ∈ D, suffisamment petit, pour que

BΛ′ :=BΛ − ζ

1− ζBΛ

soit un produit de Blaschke tel que ‖BΛ′ −BΛ‖∞ < 1. Il est alors facile de voirque, pour tout n>1, on a |bλ′n(λn)|>|BΛ′(λn)| = |ζ| > 0 et donc∑

n>1

|bλ′n(λn)| = +∞ .

Par contre, la reciproque est vraie dans le sens suivant :

Theoreme 2.2.7 Soit Λ = (λn)n>1 une suite de Blaschke telle que λn 6= 0,n>1. Il existe C = C(Λ) > 0 tel que, pour toute suite Λ′ = (λ′n)n>1 verifiant∑

n>1

|bλn(λ′n)| < C ,

alors la suite (λ′n)n>1 est de Blaschke et

‖BΛ −BΛ′‖∞ < 1 .

Preuve Le resultat de Vinogradov-Havin, deja mentionne ci-dessus, montreque si C < 1, alors la suite (λ′n)n>1 est necessairement de Blaschke. Com-mencons, tout d’abord, par evaluer ‖bλ−bµ‖∞, ou λ, µ ∈ D. On a ‖bλ−bµ‖∞ =‖bλ b−1

µ − z‖∞. Un calcul elementaire montre alors que

bλ b−1µ (z) = cλµ

z − bµ(λ)1− bµ(λ)z

,

ou cλµ := |λ|λ

µ|µ|

1−λµ1−λµ . On en deduit donc que

‖bλ − bµ‖∞6|cλµ − 1|+ 2|bµ(λ)|

1− |bµ(λ)|.

Or, un calcul facile montre que |cλµ−1|6 4|λ| |bλ(µ)|. Par consequent, on obtient

‖bλ − bµ‖∞6

(4|λ|

+ 2)

|bλ(µ)|1− |bλ(µ)|

62(

4|λ|

+ 2)|bλ(µ)| . (10)

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Comme (λn)n>1 est une suite de Blaschke et λn 6= 0, n>1, on a c := infn>1 |λn| >0. Montrons alors que, pour toute suite (λ′n)n>1 ⊂ D satisfaisant∑

n>1

|bλn(λ′n)| <1

2(4c + 2)

,

on a‖BΛ −BΛ′‖∞ < 1 .

En utilisant (10), on montre facilement, par recurrence, que∥∥∥∥∥n∏k=1

bλk−

n∏k=1

bλ′k

∥∥∥∥∥∞

62(

4c

+ 2) n∑k=1

|bλk(λ′k)| ,

et en faisant tendre n vers +∞, on obtient

‖BΛ −BΛ′‖∞62(

4c

+ 2) ∑k>1

|bλk(λ′k)| < 1 .

Si Θ0 et Θ1 sont deux fonctions interieures, considerons l’application ϕdefinie par

ϕ : [0, 1] → H∞

t 7→ ϕ(t) := tΘ1 + (1− t)Θ0 .

Si on impose une condition de Fredholm sur les operateurs TΘϕ(t), on a leresultat suivant :

Theoreme 2.2.8 Soient 1 < p < +∞, Θ, Θ0 et Θ1 trois fonctions interieuresdans H∞. Supposons que, pour tout t ∈ [0, 1], TΘϕ(t) est de Fredholm dans Hq.Alors

indq TΘΘ0= indq TΘΘ1

.

En particulier, si Θ0 = BΛ et Θ1 = BΛ′ sont deux produits de Blaschke a zerossimples, nous avons

codimKpΘ

(span kΘ(., λn) : n>1) = codimKpΘ

(span kΘ(., λ′n) : n>1

).

Preuve Posonsφ : [0, 1] → N

t 7→ indq TΘϕ(t) .

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Rappelons que l’application ind est continue (voir [Kat67]) et donc l’applicationφ est necessairement constante. Par consequent,

indq TΘΘ0= indq TΘΘ1

.

Dans le cas particulier ou Θ0 = BΛ et Θ1 = BM , il suffit d’appliquer les lemmes2.2.5 puis 2.2.1.

Dans le cas ou Θ0 et Θ1 sont des perturbations de Frostman d’une memefonction interieure, il n’est pas necessaire de supposer que TΘϕ(t) est Fredholm.Le cadre est le suivant. Soit Θ une fonction interieure. Pour λ ∈ D, notonspar Θλ la “transformee de Frostman” de Θ, c’est-a-dire la fonction interieuredefinie par

Θλ :=Θ− λ

1− λΘ.

Pour preciser un peu plus les choses, nous allons avoir besoin d’une versionamelioree du theoreme de O. Frostman qui est un fait bien connu des specialistes.

Remarque 2.2.9 Soit Θ une fonction interieure. Alors il existe un ensembleΩ ⊂ D, de mesure nulle, tel que, pour tout λ ∈ D \ Ω, la fonction Θλ est unproduit de Blaschke a zeros simples.

Preuve D’apres le theoreme de Frostman classique (voir [Gar81] ou [Nik86]),il existe Ω0 ⊂ D, de mesure nulle, telle que pour tout λ ∈ D \ Ω0, Θλ est unproduit de Blaschke. D’autre part, il est facile de verifier que

Θ′λ =

(1− |λ|2)Θ′

(1− λΘ)2.

ConsideronsΩ := Ω0 ∪Θ(Θ′−1(0)) .

Comme Θ′ est analytique, Θ′−1(0) est denombrable et donc Θ(Θ′−1(0)) est demesure nulle. Par consequent, Ω est aussi de mesure nulle. De plus, si λ ∈ D\Ω,alors par definition, Θλ est un produit de Blaschke. Notons par (λn)n>1 la suitedes zeros de Θλ. Comme λ ∈ cΘ(Θ′−1(0)), on a

Θ′(λn) 6= 0 ∀n>1 .

En effet, supposons qu’il existe n0>1 tel que Θ′(λn0) = 0. Alors, λ = Θ(λn0) ∈Θ(Θ′−1(0)), ce qui est absurde. Par consequent,

Θ′λ(λn) 6= 0 ∀n>1 ,

et Θλ est bien un produit de Blaschke a zeros simples.

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On a alors le resultat suivant

Theoreme 2.2.10 Soient 1 < p < +∞, Θ1 et Θ deux fonctions interieures.Alors

dim kerq TΘ1Θλ≡ cte, et dim kerq TΘ1Θλ

≡ cte, ∀λ ∈ D .

D’autre part, si λ, λ′ ∈ D \ Ω, avec Θλ :=∏n>1

bλn et Θλ′ :=∏n>1

bλ′n , on a

codimKpΘ1

(span kΘ1(., λn) : n>1) = codimKpΘ1

(span kΘ1(., λ

′n) : n>1

).

Preuve Soit ζ ∈ D. Nous avons ΘΘζ =h

h, avec h := 1− ζΘ. Comme

0 < 1− |ζ|6|h(z)|62 , ∀z ∈ D ,

la fonction h est exterieure et h, h−1 ∈ H∞. Par consequent,

TΘ1Θ =TΘ1ΘζΘζΘ

=TΘ1Θζhh

=(Th−1)∗TΘ1ΘζTh .

Comme h, h−1 ∈ H∞, les operateurs Th et Th−1 sont inversibles, et donc

dim kerq TΘ1Θζ= dim kerq TΘ1Θ .

On en deduit aussi que

TΘ1Θ = T ∗Θ1Θ

= T ∗hTΘ1ΘζTh−1 ,

et doncdim kerq TΘ1Θζ

= dim kerq TΘ1Θ .

Si λ, λ′ ∈ D\Ω, avec Θλ :=∏n>1

bλn et Θλ′ :=∏n>1

bλ′n deux produits de Blaschke

a zeros simples, il suffit d’appliquer le lemme 2.2.1.

Corollaire 2.2.11 Soit Θ une fonction interieure de H∞. Alors il existe unesuite de Blaschke Λ = (λn)n>1 ⊂ D telle que (kΘ(., λn))n>1 est complete dansKp

Θ, pour tout 1 < p < +∞.

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Preuve D’apres le theoreme 2.2.10, on a

dim kerq TΘΘλ≡ cte , ∀λ ∈ D .

D’autre part, TΘΘ0= TΘΘ = TI ou I designe l’application identiquement egale

a 1 et doncdim kerq TΘΘλ

= 0 ∀λ ∈ D .

Il suffit alors de choisir λ ∈ D tel que Θλ :=∏n>1

bλn soit un produit de Blaschke

a zeros simples, ce qui est possible d’apres la remarque 2.2.9

Remarque 2.2.12 Dans [Nik86], N. Nikolski a pose la question suivante :etant donnee une fonction interieure Θ arbitraire, existe-t-il une suite Λ =(λn)n>1 ⊂ D telle que (kΘ(., λn))n>1 forme une base inconditionnelle de KΘ ?Dans [Dya92], K. Dyakonov a obtenu le resultat suivant : il y a une constanteabsolue N ∈ N telle que, pour toute fonction interieure Θ, il existe un produitde Blaschke B d’interpolation et verifiant

dist (B,ΘH∞) < 1 , et dist (ΘN , BH∞) < 1 .

Une amelioration de ce resultat avec N = 1 permettrait de repondre par l’af-firmative au probleme pose par N. Nikolski. Cependant, jusqu’a present ceprobleme reste ouvert.Le corollaire 2.2.11 montre que l’analogue de cette question pour la completudeadmet une reponse positive.

3 Completude de la biorthogonale pour les

noyaux reproduisants.

3.1 Resultat principal

Cette section est consacree a l’etude de la completude de la biorthogonalepour les noyaux reproduisants. On se donne Λ = (λn)n>1 ⊂ D et Θ une fonctioninterieure de H∞ telle que la suite (kΘ(., λn))n>1 est complete et minimale dansKΘ. Nous nous demandons alors si la biorthogonale a (kΘ(., λn))n>1 est, elleaussi, complete dans KΘ.

Rappelons la definition suivante :

Definition 3.1.1 Une suite a la fois minimale et complete est dite exacte.

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Remarquons que si (kΘ(., λn))n>1 est exacte dans KΘ alors Λ = (λn)n>1 estune suite de Blaschke. En effet, si Λ = (λn)n>1 n’est pas de Blaschke alors

span kΘ(., λn) : n>2 = KΘ ,

ce qui contredit la minimalite de la suite.Par consequent, sans perte de generalite pour le probleme de la completude

de la biorthogonale, on peut supposer que Λ = (λn)n>1 est une suite de Bla-schke, sans multiplicite.

En imposant une condition sur Θ, nous donnons un resultat de completudepour la biorthogonale, qui nous permettra, en outre, de retrouver le resultatde Young sur les systemes d’exponentielles.

Theoreme 3.1.2 Soit Θ une fonction interieure deH∞(D) telle que supz∈D

|Θ′(z)(1−

z)2| < +∞. Soit (λn)n>1 ⊂ D telle que la suite (kΘ(., λn))n>1 est exacte dansKΘ. Alors sa biorthogonale est aussi exacte dans KΘ.

Pour des raisons de lisibilite de la preuve, nous allons passer au demi-plansuperieur C+. Il est facile de voir, en utilisant l’isomorphisme entre H2(D) etH2(C+) que l’analogue du theoreme 3.1.2 dans le demi-plan superieur est :

Theoreme 3.1.3 Soit Θ une fonction interieure dans H∞(C+) telle que Θ′ ∈L∞(R). Soit M = (µn)n>1 ⊂ C+ telle que (kΘ(., µn))n>1 est exacte dans K+

Θ .Alors, sa biorthogonale, (ψn)n>1, est aussi exacte dans K+

Θ .

Remarque 3.1.4 La condition Θ′ ∈ L∞(R) est verifiee, par exemple, pourΘ(z) = exp(iaz)B(z) ou B est un produit de Blaschke d’interpolation pourlequel dist (B−1(0),R) > 0. En fait, J. Garnett (voir [Gar81]) a montre que lacondition Θ′ ∈ L∞(R) est equivalente a l’une des deux conditions suivantes :(i) il existe h > 0 tel que inf|Θ(z)| : 0 < =mz < h > 0(ii) Θ est inversible dans l’algebre de Douglas [H∞, exp(−ix)], c’est-a-dire

l’algebre engendree par H∞ et l’ensemble de toutes les fonctions uni-formement continues et bornees sur R.

Pour la preuve de ce theoreme, nous allons avoir besoin du resultat suivant,qui est une consequence simple du resultat de D. Clark [AC70].

Lemme 3.1.5 Soit Θ une fonction interieure dans H∞(C+) telle que Θ′ ∈L∞(R). Alors, il existe une suite (γp)p>1 ⊂ R et |c| = 1 tels que Θ(γp) = c,p>1, et la famille (

kΘ(z, γp) := i1− cΘ(z)z − γp

)p>1

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forme une base orthogonale de K+Θ . De plus, lim

p→+∞|γp| = +∞.

Le fait suivant, bien connu et dont la preuve est laissee au lecteur, seraegalement utile :

Lemme 3.1.6 Soient f ∈ K+Θ et µ ∈ C+ tels que f(µ) = 0. Alors

f

z − µ∈ K+

Θ .

Preuve (du theoreme 3.1.3) Considerons f := (z − µ1)ψ1.Fait 1 : les seuls zeros de f sont les µn et chaque µn est un zero simple.

Supposons qu’il existe µ 6= µn tel que f(µ) = 0. Alors necessairementψ1(µ) = 0 et donc ψ1 est orthogonale a (kΘ(., µn))n>2 ∪ (kΘ(., µ)). D’autrepart, l’analogue du corollaire 2.1.8 pour le demi-plan superieur montre que(kΘ(., µn))n>2 ∪ (kΘ(., µ)) est complete dans K+

Θ , ce qui entraıne une contra-diction car ψ1 6≡ 0.Remarquons maintenant que, ∀n>1, f ′(µn) 6= 0. En effet, supposons qu’il existen0>1 tel que f ′(µn0) = 0. On a

f ′(z) = ψ1(z) + (z − µ1)ψ′1(z) ,

et donc f ′(µ1) = 1 Necessairement n0>2 et ψ′1(µn0) = 0. Considerons alorsµ 6= µn, n>1, et

g :=z − µ

z − µn0

ψ1 .

On a g = ψ1 + (µn0 − µ)ψ1

z − µn0

et donc le lemme 3.1.6 montre que g ∈ K+Θ .

D’autre part, g(µ) = 0 et g(µn) = 0, n>2. L’analogue du corollaire 2.1.8pour le demi-plan superieur permet encore d’aboutir a une contradiction. Parconsequent, f ′(µn) 6= 0, ∀n>1, ce qui acheve la preuve du fait 1.

Soit h ∈ K+Θ telle que

〈h, ψn〉 = 0 , ∀n>1 . (11)

Il s’agit de montrer que h ≡ 0.En utilisant le lemme 3.1.6 et par unicite de la biorthogonale, il est facile

de voir que

ψn =f

f ′(µn)(z − µn), n>1 .

D’autre part, d’apres le lemme 3.1.5, il existe une suite (γp)p>1 ⊂ R, Θ(γp) = c,p>1, telle que la famille(

kΘ(z, γp) := i1− cΘ(z)z − γp

)p>1

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forme une base orthogonale de K+Θ . De plus, lim

p→+∞|γp| = +∞.

Comme h ∈ K+Θ , on peut ecrire

h =∑p>1

apkΘ(., γp) , avec ‖h‖22 =

∑p>1

|ap|2‖kΘ(., γp)‖2 < +∞ .

En utilisant (11), on obtient∑p>1

apf(γp)γp − µn

= 0 , n>1 . (12)

Supposons qu’il existe p0 ∈ N tel que γp0 = 0 et, pour p 6= p0, posons cp :=apf(γp)γp

(sinon, on definit cp de la meme maniere, pour tout p>1).

Fait 2 : on a, pour tout n>1,

−ap0f(γp0)µn

+ r + µn∑p6=p0

cpγp − µn

= 0 , (13)

ou r :=∑p6=p0

cp.

Remarquons tout d’abord que (cp)p6=p0 ∈ `1. En effet, on a

cp =ap(γp − µ1)ψ1(γp)

γp

=γp − µ1

γp︸ ︷︷ ︸borne

ap‖kΘ(., γp)‖︸ ︷︷ ︸∈`2

〈ψ1,kΘ(., γp)‖kΘ(., γp)‖

〉︸ ︷︷ ︸∈`2

,

ce qui montre que (cp)p6=p0 ∈ `1. D’apres (12), en ecrivant γp = (γp−µn) +µn,on obtient alors aisement (13). Considerons

g(z) := −i(1− cΘ(z))

−ap0f(γp0)1z

+ r + z∑p6=p0

cpγp − z

.

Fait 3 : g s’ecrit g = g1 + zg2, avec g1, g2 ∈ K+Θ et g(µn) = 0, pour tout n>1.

D’apres (13), il est immediat de voir que g(µn) = 0, n>1. De plus, on a

g(z) = ap0f(γp0)kΘ(z, γp0)︸ ︷︷ ︸∈K+

Θ

−ir(1− cΘ(z))︸ ︷︷ ︸∈zK+

Θ

+z∑p6=p0

cpkΘ(z, γp) ,

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et donc, il reste a montrer que∑p6=p0

cpkΘ(z, γp) ∈ K+Θ . Or, on a

|cp|2‖kΘ(., γp)‖2 = |ap|2‖kΘ(., γp)‖2

∣∣∣∣γp − µ1

γp

∣∣∣∣2 |ψ1(γp)|2 .

La condition Θ′ ∈ L∞(R) entraıne alors que K+Θ ⊂ L∞(R) (voir [Dya94a])

ce qui implique que (ψ1(γp))p>1 est bornee. La suite(γp − µ1

γpψ1(γp)

)p6=p0

est

donc aussi bornee et ∑p6=p0

|cp|2‖kΘ(., γp)‖2 < +∞ .

Ceci prouve que∑p6=p0

cpkΘ(z, γp) ∈ K+Θ , et acheve la preuve du fait 3. Comme

g = g1 + (z − µ1)g2 + µ1g2, en utilisant le lemme 3.1.6, on montre que

g :=g

z − µ1= g2 +

g1 + µ1g2z − µ1

∈ K+Θ .

Remarquons, d’autre part, que pour tout p>1,

g(γp) = apf(γp)‖kΘ(., γp)‖2 . (14)

Si g(µ1) = 0, comme la suite (kΘ(., µn))n>1 est complete dansK+Θ , cela implique

que g ≡ 0, et donc, g ≡ 0. En utilisant (14), on obtient donc

apf(γp)‖kΘ(., γp)‖2 = 0 , ∀p>1 ,

et comme f(γp) 6= 0, on a ap = 0, p>1, ce qui donne h ≡ 0.On peut donc supposer que g(µ1) 6= 0, c’est a dire que g′(µ1) 6= 0. D’apres lelemme 3.1.6, la fonction

g

g′(µ1)(z − µ1)− f

f ′(µ1)(z − µ1)

est dans K+Θ et s’annule aux points µn, n>1. Par consequent, elle est identi-

quement nulle et il existe A ∈ C tel que

g ≡ Af .

D’apres (14),Af(γp) = apf(γp)‖kΘ(., γp)‖2 ,

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ce qui donne, comme f(γp) 6= 0,

|ap|2‖kΘ(., γp)‖2 =|A|2

‖kΘ(., γp)‖2.

D’autre part, on a‖kΘ(., γp)‖2 = |Θ′(γp)|6‖Θ′‖∞ ,

et donc|A|2

‖Θ′‖∞6|ap|2‖kΘ(., γp)‖2 → 0 ,

ce qui implique necessairement que A = 0 et donc ap = 0, p>1, c’est-a-direh ≡ 0.

En utilisant le fait que la propriete de completude pour la biorthogonalereste invariante par transformation unitaire et en appliquant le theoreme 3.1.3 ala fonction Θ(z) := exp(iaz),il est facile de voir qu’on retrouve tres facilementle resultat de Young. Signalons que ce resultat sur les exponentielles a eteredecouvert par Yu. Lyubarskii (1996 ; manuscrit) avec une preuve differentede celle de Young.

Corollaire 3.1.7 (Young, [You81]) SoitM = (µn)n>1 ⊂ C telle que infn>1

=mµn >−∞.Si la suite d’exponentielles (exp(iµnt))n>1 est exacte dans L2(−π, π) alors sabiorthogonale est aussi exacte dans L2(−π, π).

Remerciements : une grande partie de ce travail a ete effectuee durantma these, encadree par N. Nikolski. Je voudrais a cette occasion le remercierchaleureusement.

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