Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche...

42
ÉCOLE POLYTECHNIQUE Espaces de Lebesgue Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand R´ emy 1 / 42

Transcript of Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche...

Page 1: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

Espaces de Lebesgue

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 1 / 42

Page 2: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

1. Construction des espaces de Lebesgue

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 2 / 42

Page 3: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Espaces L p(Ω)

Dans ce qui suit, Ω est un ouvert de RN muni de la mesure de Lebesgue.

Definition

Soit p ∈ [1,+∞[. On note L p(Ω) l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs reelles, quisont definies p.p. sur Ω, et qui verifient∫

Ω|f (x)|p dx < +∞.

L’inegalite de Minkowski, qui sera demontree dans la suite de cette section par des argumentselementaires (mais importants) de convexite, va permettre de prouver que l’espace L p(Ω) estun R-espace vectoriel et que

Np(f ) =

(∫Ω|f (x)|p dx

)1/p

definit une semi-norme sur L p(Ω) (mais pas une norme).Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 3 / 42

Page 4: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Espace de Lebesgue Lp(Ω)

Definition

Soit p ∈ [1,+∞[. L’espace de Lebesgue Lp(Ω) est defini par

Lp(Ω) := [f ] : f ∈ L p(Ω),

ou

[f ] := h ∈ L p(Ω) : h = f p.p. sur Ω .

Remarque : l’identification entre les fonctions est definie de la meme facon que pour L1(Ω) ;les espaces L p(Ω), ainsi que les espaces Lp(Ω), dependent de p.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 4 / 42

Page 5: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Notion de fonction convexe

Afin de prouver des inegalites integrales, dont l’inegalite de Minkowski, revenons sur la theoriedes fonctions convexes.

Soit I ⊂ R un intervalle ouvert non vide et soit F : I → R une fonction.

Definition

On dit que F est une fonction convexe sur I si pour tous x , y ∈ I et tout α ∈ [0, 1] on a :

F(αx + (1− α)y

)6 αF (x) + (1− α)F (y).

Remarques.

1. On ne fait pas d’hypothese de regularite sur F (et pour cause : on peut deduire de tellesproprietes a partir de la convexite, en tout cas p.p.).

2. Il est utile de voir les inegalites de la definition ci-dessus en termes de graphes et decordes tracees a partir de points du graphe de la fonction F .

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 5 / 42

Page 6: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Enonce des principales proprietes des fonctions convexes

Voici un resume des principales proprietes des fonctions convexes.

Proposition

Si F est convexe sur I , alors on a les proprietes suivantes.

(i) La fonction F est lipschtizienne sur tout compact de I ; elle est donc continue sur I .

(ii) La fonction F admet une derivee a droite et une derivee a gauche en tout point de I .

On note F ′g la derivee a gauche et F ′d la derivee a droite de F sur I .

(iii) Si x < y , alors on aF ′g (x) 6 F ′d(x) 6 F ′g (y) 6 F ′d(y).

En particulier, les fonctions F ′d et F ′g sont croissantes.

(iv) Pour tout x ∈ I et pour tout a ∈ [F ′g (x),F ′d(x)], on a l’inegalite :

F (y) > F (x) + a (y − x) pour tout y ∈ I .

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 6 / 42

Page 7: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Fonctions convexes : inegalites entre taux de variation

Preuve. On commence par prouver la croissance des fonctions taux de variation en chaquepoint.

Si x < y < z , on part de l’inegalite de convexite :

F((1− t) x + tz

)6 (1− t)F (x) + t F (z),

avec t = y−xz−x . Tous calculs faits, on obtient :

(z − x)F (y) 6 (z − y)F (x) + (y − x)F (z),

ce qui permet d’en deduire :

F (y)− F (x)

y − x6

F (z)− F (x)

z − x6

F (z)− F (y)

z − y.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 7 / 42

Page 8: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Fonctions convexes : existence des derivees a gauche et a droite

Ainsi, a x fixe, la fonction a 7→ F (a)− F (x)

a− xest croissante sur I − x. Elle admet donc une

limite a droite F ′d(x) et une limite a gauche F ′g (x) en x .

Par passages a la limite appropries dans la double inegalite precedente, on obtient en outre :

F ′g (x) 6 F ′d(x)

et

F ′d(x) 6F (z)− F (x)

z − x6 F ′g (z).

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 8 / 42

Page 9: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Fonctions convexes : croissance des derivees a gauche et a droite

Maintenant on se donne x < y < z < t. On peut ecrire

F ′d(x) 6F (y)− F (x)

y − x6

F (z)− F (y)

z − y6

F (t)− F (z)

t − z6 F ′g (t).

En particulier, F est lipschitzienne sur [x , t] puisque

|F (z)− F (y)| 6 max|F ′d(x)|, |F ′g (t)| · |z − y |.

En passant a la limite pour z y , puis pour y z , on trouve que :

F ′d(x) 6F (y)− F (x)

y − x6 F ′d(y) et F ′g (z) 6

F (t)− F (z)

t − z6 F ′g (t),

ce qui prouve que F ′d et F ′g sont croissantes.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 9 / 42

Page 10: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Fonctions convexes : inegalites de tangence

On a aussi les deux inegalites :

F (y) > F (x) + F ′d(x)(y − x) et F (z) > F (t) + F ′g (t)(z − t),

que l’on peut reecrire sous la forme :

F (y) > F (x) + F ′d(x)(y − x) si x < y ∈ I

et

F (y) > F (x) + F ′g (x)(y − x) si x > y ∈ I ,

ce qui termine la demonstration.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 10 / 42

Page 11: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Regularite et convexite

Remarque : une fonction convexe est deux fois derivable p.p. sur I .

Justification. Remarquer que les intervalles de la forme ]F ′g (x),F ′d(x)[, quand ils sont nonvides, sont disjoints.

Remarque : si F est derivable sur I , alors F est une fonction convexe si, et seulement si, F ′

est une fonction croissante. Donc si F est deux fois derivable sur I , alors F est une fonctionconvexe si, et seulement si, F ′′ > 0.

Justification. Si F ′ est croissante, alors le theoreme des accroissements finis donne

F (y)− F (x)

y − x6

F (z)− F (y)

z − y,

si x < y < z . Il suffit alors d’ecrire y = t x + (1− t) z pour obtenir l’inegalite de convexitedesiree.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 11 / 42

Page 12: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Inegalite de Jensen : le cas discret

Soit I un intervalle ouvert de R. On se donne :

1. une fonction convexe : Φ : I → R ;

2. des points x1, . . . , xn ∈ I ;

3. des poids ai ∈ [0, 1] tels quen∑

i=1

ai = 1.

Alors, par recurrence finie, l’inegalite definissant la convexite de Φ donne :

Φ( n∑i=1

ai xi)6

n∑i=1

ai Φ(xi ).

Exemple. En prenant Φ(x) = − ln x et a1 = . . . = an = 1/n, il vient :

x1 + . . .+ xnn

> (x1 . . . xn)1/n

pour tous x1, . . . , xn > 0.Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 12 / 42

Page 13: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Inegalite de Jensen : un cas particulier

Exemple : Soient Φ : R→ R une fonction convexe et f ∈ C ([0, 1]), alors

Φ

(∫ 1

0f (x) dx

)6

∫ 1

0Φ(f (x)

)dx .

Preuve. On utilise l’inegalite precedente avec

ai = 1/n et xi = f (i/n),

pour obtenir

Φ

(1

n

n−1∑i=0

f

(i

n

))6

1

n

n−1∑i=0

Φ

(f

(i

n

)).

Ensuite, on passe a la limite quand n→ +∞ en voyant les sommes precedentes comme dessommes de Riemann.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 13 / 42

Page 14: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Enonce de l’inegalite de Jensen

Soit Φ : R→ R une fonction convexe.

Soit g : Ω→ R mesurable et telle que :

1. on a : g > 0 p.p. sur Ω,

2. et :

∫Ωg(x) dx = 1.

Theoreme (inegalite de Jensen)

Soit f une fonction mesurable definie p.p. sur Ω et a valeurs reelles. On suppose que lesfonctions produit fg et Φ(f )g sont dans L 1(Ω). Alors on a :

Φ

(∫Ωg(x) f (x)dx

)6

∫Ωg(x) Φ

(f (x)

)dx .

Remarque : ceci est un analogue mesurable naturel de l’inegalite de convexite discrete quiprecede, la fonction g pouvant etre vue comme une version non discrete des poids ai .

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 14 / 42

Page 15: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Preuve de l’inegalite de Jensen

Preuve. On utilise une inegalite de tangence pour ecrire que p.p. sur Ω on a :

Φ(f (x)

)> Φ(m) + a (f (x)−m),

avec m =

∫Ωg(x) f (x)dx et a ∈ [Φ′g (m),Φ′d(m)]. On multiplie par g(x) et on integre :∫

Ωg(x) Φ(f (x))dx >

(∫Ωg(x)dx

)Φ(m) + a

(∫Ωg(x) f (x)dx −m

)ce qui fournit l’inegalite voulue (le second terme du minorant est nul et le coefficient dupremier vaut 1).

Remarque : pour f (x) = x , on obtient Φ

(∫Ωx g(x)dx

)6∫

ΩΦ(x) g(x) dx , qu’on retrouve

en probabilites sous la forme Φ(E(X )

)6 E

(Φ(X )

), ou X est une variable aleatoire et g(x) dx

une mesure de probabilite.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 15 / 42

Page 16: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Enonce de l’inegalite de Holder

Theoreme (inegalite de Holder)

Soient f , g : Ω→ R des fonctions mesurables et p, q > 1 deux nombres reels tels que

1

p+

1

q= 1.

Alors, on a : ∫Ω|f (x)g(x)| dx 6

(∫Ω|f (x)|p dx

)1/p (∫Ω|g(x)|q dx

)1/q

.

Remarque : on dit que les exposants p et q ci-dessus sont conjugues.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 16 / 42

Page 17: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Preuve de l’inegalite de Holder

Preuve. La convexite de x 7→ − ln x implique

1

plnX +

1

qlnY 6 ln

(X

p+

Y

q

)et donc X 1/p Y 1/q 6

X

p+

Y

q.

On prend X :=|f (x)|p∫

Ω |f (x)|p dxet Y :=

|g(x)|q∫Ω |g(x)|q dx

pour en deduire que

|f (x)|(∫Ω|f (x)|p dx

)1/p

|g(x)|(∫Ω|g(x)|q dx

)1/q6

1

p

|f (x)|p∫Ω|f (x)|p dx

+1

q

|g(x)|q∫Ω|g(x)|q dx

,

et on integre sur x , le majorant etant finalement egal a 1 puisque1

p+

1

q= 1.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 17 / 42

Page 18: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Enonce de l’inegalite de Minkowski

Theoreme (inegalite de Minkowski)

Soient f , g : Ω→ R des fonctions mesurables et soit p ∈ [1,+∞[. Alors on a :(∫Ω|f (x)+g(x)|p dx

)1/p

6

(∫Ω|f (x)|p dx

)1/p

+

(∫Ω|g(x)|p dx

)1/p

.

Inegalite de Holder – version discrete : pour tous p, q > 1 tels que 1p + 1

q = 1∣∣∣∣∣∑n∈N

xn yn

∣∣∣∣∣ 6

(∑n∈N

|xn|p)1/p (∑

n∈N

|yn|q)1/q

.

Inegalite de Minkowski – version discrete : pour tout p > 1(∑n∈N

|xn + yn|p)1/p

6

(∑n∈N

|xn|p)1/p

+

(∑n∈N

|yn|p)1/p

.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 18 / 42

Page 19: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Preuve de l’inegalite de Minkowski

Preuve. On a |f + g |p = |f + g |p−1|f + g | 6 |f + g |p−1(|f |+ |g |) et donc :∫Ω|f + g |pdx 6

∫Ω|f | |f + g |p−1dx +

∫Ω|g | |f + g |p−1dx .

On applique l’inegalite de Holder a chaque terme du majorant :∫Ω|(f + g)(x)|p dx 6

(∫Ω|(f + g)(x)|p dx

)(p−1)/p (∫Ω|f (x)|pdx

)1/p

+

(∫Ω|(f + g)(x)|pdx

)(p−1)/p (∫Ω|g(x)|pdx

)1/p

et on finit en simplifiant par

(∫Ω|(f + g)(x)|pdx

)(p−1)/p

.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 19 / 42

Page 20: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

2. Proprietes topologiques des espaces Lp

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 20 / 42

Page 21: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Resume sur les espaces de Lebesgue Lp(Ω)

Dans ce qui suit, Ω est un ouvert de RN muni de la mesure de Lebesgue. Comme pourl’espace L1(Ω), on peut prouver les assertions suivantes pour p ∈ [1; +∞[ :

1. L’espace Lp(Ω) muni de la norme

‖f ‖Lp(Ω) =

(∫Ω|f (x)|p dx

)1/p

,

est un espace vectoriel norme complet (i.e. un espace de Banach).

2. L’espace Cc(Ω) s’identifie a un sous-espace vectoriel dense de Lp(Ω).

3. Pour tout f ∈ Lp(RN), on a lim|y |→0

‖f (· − y)− f ‖Lp(RN) = 0.

Ces proprietes ont deja ete vues pour p = 1. Nous allons reviser la preuve de certaines d’entreelles, avec des formulations un peu differentes eventuellement.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 21 / 42

Page 22: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Completude de Lp(Ω)

Theoreme (de Fischer-Riesz)

Pour tout exposant p > 1, l’espace L p(Ω) est complet pour la semi-norme Np.

Plus precisement, si unn>1 est une suite d’elements de L p(Ω) telle que∑n>1

Np(un) < +∞,

alors il existe U ∈ L p(Ω) telle que l’on ait presque partout

U(x) =∑n>1

un(x)

et telle que la serie∑

n>1 un converge vers U dans L p(Ω), i.e. : limn→∞

Np(U −n∑

k=1

un) = 0.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 22 / 42

Page 23: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Preuve de la completude de Lp(Ω)

Preuve. On a vu en exercice que pour verifier la completude d’un espace vectoriel norme, ilsuffit de voir que toute serie normalement convergente est convergente (astuce d’accelerationde convergence) : il suffit donc de verifier la seconde partie de l’enonce.

Pour cela, posons

f (x) =∑n>1

|un(x) |6 +∞.

En combinant le theoreme de convergence croissante et l’inegalite de Minkowski (pour lessommes partielles), on a l’inegalite de Minkowski generalisee :(∫

f p dµ

) 1p

6∑n>1

Np(un) < +∞,

prouvant que f (x) est fini presque partout. Posons A = f = +∞ : c’est un ensemblemesurable negligeable et la serie numerique

∑n>1 un(x) est absolument convergente hors de A.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 23 / 42

Page 24: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Preuve de la completude de Lp(Ω), fin

Pour chaque n > 1, on note vn la fonction definie par vn(x) = 0 si x ∈ A et vn(x) = un(x)sinon. C’est une fonction mesurable et la serie

∑n>1 vn(x) est absolument convergente pour

tout x : on note U(x) sa somme. D’apres l’inegalite de Minkowski generalisee, on a :

Np(U −n∑

k=1

uk) = Np(U −n∑

k=1

vk) = Np(∞∑

k=n+1

vk)

6 Np

( ∞∑k=n+1

|vk |)6

∞∑k=n+1

Np(vk) =∞∑

k=n+1

Np(uk),

et le majorant tend vers 0 par hypothese.

Ceci prouve que U =(U −

n∑k=1

uk)

+n∑

k=1

uk est un element de L p(Ω) et que la serie∑n>1

un

converge vers U dans L p(Ω).

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 24 / 42

Page 25: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Theoreme de sous-convergence ponctuelle p.p.

Theoreme

De toute suite convergente dans L p(Ω) (avec 1 6 p < +∞) on peut extraire une sous-suitequi converge presque partout.

Preuve. Soit (fn)n>0 une telle suite. Comme elle est de Cauchy on peut en extraire unesous-suite (fϕ(n))n>0 telle que l’on ait :

∑n>0 Np(fϕ(n+1) − fϕ(n)) < +∞.

D’apres la seconde partie du theoreme precedent, la serie

fϕ(1)(x) +∑n>1

(fϕ(n+1) − fϕ(n)

)est absolument convergente pour presque tout x , et donc

(fϕ(n)

)n>1

est convergente pourpresque tout x .

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 25 / 42

Page 26: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Theoreme de densite

Theoreme

(i) L’espace Cc(Ω) s’identifie a un sous-espace dense de Lp(Ω).

(ii) L’ensemble des fonctions etagees integrables est dense dans L p(Ω) (avec 1 6 p < +∞).

Preuve. On prouve le second point. La premiere remarque est qu’une fonction etageeappartient a tous les espaces L p(Ω) des qu’elle appartient a l’un d’eux, et donc des qu’elle estintegrable. Soit f un element positif de L p(Ω). On sait qu’il existe une suite croissante defonctions etagees positives ϕn convergeant vers f (voir le cours sur l’integration des mesures :c’est le point de depart de la theorie). Chaque fonction ϕn est dans L p(Ω), et parconvergence monotone, on voit que

Np(f − ϕn) =

(∫| f − ϕn |p dµ

) 1p

tend vers 0 quand n→∞. On conclut au moyen des notions de partie positive et negative,puis de partie reelle et imaginaire.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 26 / 42

Page 27: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Supremum essentiel

Nous passons maintenant a la definition d’un tout dernier espace de classes de fonctions enlien avec la theorie de la mesure, mais sans hypothese d’integrabilite.

Definition

Pour toute f , fonction mesurable definie p.p. sur Ω, on note

‖f ‖∞ := infM > 0 : x ∈ Ω : |f (x)| > M est negligeable

,

le supremum essentiel de la fonction f .

Remarque : par convention, on a : inf ∅ = +∞.

Exemple : ‖1Q‖∞ = 0 alors que supR 1Q = 1.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 27 / 42

Page 28: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

L’espace L∞(Ω)

On definit L∞(Ω) comme l’ensemble des fonctions mesurables, definies p.p. sur Ω, telles que‖f ‖∞ < +∞.

Definition

On definit L∞(Ω) parL∞(Ω) := [f ] : f ∈ L∞(Ω),

ou [f ] := h ∈ L∞(Ω) : h = f p.p. sur Ω.

L’ensemble L∞(Ω) est un R-espace vectoriel, muni de la norme

‖[f ]‖L∞(Ω) := infM > 0 : x ∈ Ω : |f (x)| > M est negligeable

.

Proposition

L’espace L∞(Ω), muni de la norme ‖ · ‖L∞ , est un espace vectoriel norme complet (i.e. unespace de Banach).

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 28 / 42

Page 29: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Particularites de l’espace L∞(Ω)

Remarques.

1. Attention : l’espace Cc(Ω) s’identifie a un sous-espace vectoriel de L∞(Ω), mais quicette fois n’est pas dense dans L∞(Ω). Par exemple, pour tout f ∈ Cc(R) on a

‖f − 1[−1,1]‖L∞(R) > 1/2,

donc Cc(R) n’est pas dense dans L∞(R).

2. Pour tout y 6= 0, on a :

‖1[−1,1](· − y)− 1[−1,1]‖L∞(R) = 1,

En particulier

limy→0‖1[−1,1](· − y)− 1[−1,1]‖L∞(R) 6= 0,

ce qui contredit aussi la continuite des translations dans ce cas.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 29 / 42

Page 30: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Completude de l’espace L∞(Ω)

Preuve. Soit fn ∈ L∞(Ω) telle que, pour tout ε > 0, il existe N > 0 tel que

n,m > N ⇒ ‖fn − fm‖L∞ < ε.

On construit une application n 7→ ϕ(n) strictement croissante, telle que‖fϕ(n+1) − fϕ(n)‖L∞ < 1

2n . Il existe Z negligeable tel que |fϕ(n+1)(x)− fϕ(n)(x)| < 12n pour tout

x ∈ Ω−Z. Definissons, pour tout x ∈ Ω−Z

f (x) := fϕ(0)(x) +∑n>0

(fϕ(n+1)(x)− fϕ(n+1)(x)

)La fonction f est mesurable et

|fϕ(n)(x)− f (x)| < 1

2n,

pour tout x ∈ Ω−Z. Conclusion, (fϕ(n))n>0 converge vers f dans (L∞(Ω), ‖ ‖L∞) et, parconsequent, (fn)n>0 converge egalement vers f dans (L∞(Ω), ‖ ‖L∞).

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 30 / 42

Page 31: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Remarque sur les espaces mesures

Dans cette section et la precedente, on s’est restreint a la construction des espaces deLebesgue associes a des ouverts de RN .

Cependant la construction des espaces L p(X ,A , µ) et Lp(X ,A , µ) fait sens pour tout espacemesure (X ,A , µ). La nouveaute est qu’il n’y a pas de topologie, ni de structure algebrique surX a priori.

Dans ce cadre general, L p(X ,A , µ) est un espace vectoriel muni de la semi-norme Np etL p(X ,A , µ) est un espace vectoriel norme pour la norme ‖ · ‖p. Les proprietes mentionneesci-dessus sont valides, sauf celles qui n’ont pas de sens a priori, a savoir :

– la densite d’espaces de fonctions continues (car X n’a pas de topologie) ;– la continuite des translations (car X n’est pas un espace vectoriel).

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 31 / 42

Page 32: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Construction de formes lineaires

Proposition

Soient p et q des exposants conjugues, i.e. 1p + 1

q = 1, avec p ∈]1; +∞[. Soit

g ∈ Lq(X ,A , µ). Alors l’application f 7→∫fg dµ(x) est une forme lineaire continue sur

Lp(X ,A , µ) et sa norme vaut exactement ‖ g ‖Lq .

Preuve. Notons G la forme lineaire en question. Alors l’inegalite de Holder implique que

|G (f ) |6 ‖ g ‖Lq · ‖ f ‖Lp .

Ceci entraıne la continuite de la forme lineaire G et la majoration de sa norme d’operateur par‖ g ‖Lq . Pour prouver l’egalite, on peut supposer g non nul presque partout et poser

f (x) =g(x)

|g(x) |2−q.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 32 / 42

Page 33: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Construction de formes lineaires, fin de preuve

Alors

G (f ) =

∫|g |q dµ = ‖ g ‖Lq ·

(∫|g |q dµ

)1− 1q

= ‖ g ‖Lq · ‖ f ‖Lp ,

ce qui prouve l’egalite cherchee.

Remarque. Il existe des constructions analogues dans les cas limites non pris en charge parl’enonce precedent.

1. Toute g ∈ L1 definit par la formule precedente f 7→∫fg dµ une forme lineaire continue

de norme ‖g ‖L1 sur L∞.

2. Toute g ∈ L∞ definit de meme une forme lineaire continue sur L1 de norme 6 ‖g ‖L∞ , eton a egalite dans le cas ou toute partie mesurable de mesure infinie contient une partiemesurable de mesure finie non nulle.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 33 / 42

Page 34: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Le cas hilbertien : retour au theoreme de Riesz

Dans le cas des espaces de Hilbert, c’est-a-dire quand p = 2, le theoreme de Riesz est unereciproque au dernier enonce dans le sens ou il dit que la construction

f 7→∫

fg dµ

permet de reconstituer tout le dual topologique d’un espace L2(X ,A , µ).

Dans la section qui suit, on va chercher a decrire le dual de certains autres espaces Lp aumoyen de la construction ci-dessus.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 34 / 42

Page 35: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

ÉCOLE POLYTECHNIQUE –

3. Theoreme de Radon-Nikodym et dualite

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 35 / 42

Page 36: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Densites

Dans tout ce qui suit, (X ,A ) est un espace mesurable.

Definition

Soit µ une mesure sur (X ,A ) et soit p une fonction mesurable positive sur X . L’applicationqui a toute partie mesurable A ∈ A associe la quantite

ν(A) =

∫Ap(x)dµ(x) 6 +∞,

est une mesure qu’on appelle la mesure de densite p par rapport a µ et qu’on note ν = pµ.

Que pµ soit bien une mesure vient du fait que si A est une reunion denombrable de partiesmesurables An, alors on peut ecrire 1A =

∑n 1An et appliquer le theoreme d’integration terme

a terme pour verifier le second axiome des mesures.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 36 / 42

Page 37: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Formule d’integration pour les densites

Proposition

Soit µ une mesure sur (X ,A ) et soit p une fonction mesurable positive sur X . On noteν = pµ. Alors pour toute fonction mesurable positive f , on a :∫

f (x)dν(x) =

∫f (x)p(x)dµ(x).

Preuve. C’est vrai (par definition) sur les fonctions caracteristiques des parties mesurables,donc par additivite sur les fonctions etagees, et grace au theoreme de Beppo Levi c’est vraipour toute fonction mesurable positive.

On tire de cette proposition deux consequences.

1. Soit f : X → C une fonction mesurable. Alors f est ν-integrable si et seulement si fp estµ-integrable, auquel cas on a

∫f (x) dν(x) =

∫f (x)p(x)dµ(x).

2. Si p et q sont deux fonctions mesurables positives sur X alors on a : q(pµ) = (qp)µ.Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 37 / 42

Page 38: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Mesure absolument continue par rapport a une autre

Definition

Soit µ une mesure sur (X ,A ).

(i) On dit que µ est σ-finie si X est reunion denombrable de parties de A de µ-mesure finie.

(ii) Une mesure ν sur (X ,A ) est dite absolument continue par rapport a µ si toute partieµ-negligeable est ν-negligeable.

Exemple : pour toute fonction mesurable positive p sur X , la mesure pµ est absolumentcontinue par rapport a µ. Cela provient de la formule de definition de ν = pµ :

ν(A) =

∫Ap(x)dµ(x) 6 +∞.

Sous des hypotheses de σ-finitude, il existe une reciproque a l’exemple precedent.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 38 / 42

Page 39: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Theoreme de Radon-Nikodym

Theoreme (de Radon-Nikodym)

Soient µ et ν des mesures σ-finies sur (X ,A ). Pour que ν soit absolument continue parrapport a µ il faut, et il suffit, qu’il existe une fonction mesurable positive p telle que ν = pµ.

Preuve (esquisse). On ne fait qu’esquisser la preuve, l’idee etant de voir une belle illustrationde plus du theoreme de representation de Riesz.

Tout d’abord, en partitionnant convenablement X , un peu de travail montre qu’on peut seramener au cas ou µ(x) et ν(X ) sont finies.

L’idee est ensuite d’introduire la mesure auxiliaire λ = µ+ ν. On peut alors donner un sens a∫f dν pour toute classe de fonction f de L2(X , λ) : en effet, si f et f ′ sont egales λ-presque

partout, elles le sont ν-presque partout (par hypothese d’absolue continuite) et ont doncmeme integrale contre ν. Ceci definit alors une forme lineaire Φ : L2(X , λ)→ R par

Φ(f ) =

∫f dν.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 39 / 42

Page 40: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Theoreme de Radon-Nikodym, esquisse de preuve

La forme lineaire Φ est continue sur L2(X , λ) car on a (par Cauchy-Schwarz pour la fin) :

|Φ(f ) |= |∫

f (x)dν(x) |6∫| f (x) | dν(x) 6

∫| f (x) | dλ(x) 6

√λ(X )· ‖ f ‖L2(X ,λ) .

Par Riesz, il existe donc une classe de fonctions g ∈ L2(X , λ) telle que Φ = 〈·, g〉, soit∫f dν =

∫fg dλ =

∫fg dν +

∫fg dµ,

ou encore :

(∗)∫

f (1− g)dν =

∫fg dµ pour toute f ∈ L2(X , λ).

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 40 / 42

Page 41: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Theoreme de Radon-Nikodym, esquisse de preuve (fin)

Affirmation 1. On a µ-presque partout : g > 0.

Justification. Par la reunion denombrable g < 0 =⋃n>1

g 6 −1

n, si l’affirmation n’etait

pas verifiee on trouverait α > 0 et A ∈ A de mesure > 0 tels que g(x) 6 −α pour toutx ∈ A : la fonction f = 1A injectee dans (∗) aboutirait a une contradiction.

Desormais, on suppose que g est une fonction partout strictement positive.

Affirmation 2. On a ν-presque partout : g < 1.

Justification. Si ce n’etait pas le cas, on pourrait trouver une partie A ∈ A de ν-mesure > 0,et donc de µ-mesure > 0 par hypothese d’absolue continuite, sur laquelle g > 1. Cecifournirait a nouveau une contradiction en prenant f = 1A dans (∗).

Ceci permet de trouver h > 0 qui ν-presque partout vaut 1− g et est telle que∫fg dµ =

∫fh dν. Comme f peut etre toute fonction caracteristique de partie mesurable, on

peut conclure que gµ = hν, puis finalement que : ν =g

hµ.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 41 / 42

Page 42: Espaces de Lebesgue - Centre national de la recherche ...bremy.perso.math.cnrs.fr/MAT311-2016-SlidesAmphi9... · On note Lp() l’ensemble des fonctions mesurables a valeurs r eelles,

Application a la dualite

Le theoreme de Radon-Nikodym permet de prouver le theoreme suivant, qui relie entre euxcertains espaces Lp au moyen de la notion de dual topologique.

Theoreme

Soit µ une mesure σ-finie sur (X ,A ). Soit p ∈ [1; +∞[. Si Φ est une forme lineaire continue

sur Lp(X , µ), il existe g ∈ Lq(X , µ) avec1

p+

1

q= 1 telle que Φ(f ) =

∫fg dµ pour toute

f ∈ Lp(X , µ).

Remarques.

1. Le dual topologique de L∞(X , µ) est beaucoup plus difficile a decrire.

2. Si p ∈]1; +∞[, on a un isomorphisme de bidualite de Lp(X , µ) sur lui-meme.

Cours 9 : Espaces de Lebesgue Bertrand Remy 42 / 42