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Chapitre III Ce chapitre présente l’influence des différents dopants sur certains coefficients diélectriques (ε r , pertes diélectriques) du PZT, ainsi que sur plusieurs coefficients piézoélectriques du mode longitudinal (k 33 ,d 33 et Qm). Un mécanisme de fluoration des PZT dopés au manganèse est suggéré. L’adoucissement des PZT fluorés est confirmé par l’étude de l’influence du rapport Zr/Ti sur les caractéristiques piézoélectriques et diélectriques et par les cycles d’hystérésis. Ce chapitre est également consacré à l’étude de l’influence de la fluoration sur la stabilité de la fréquence de résonance du mode longitudinal et du coefficient d33 respectivement en fonction de la température et de la contrainte mécanique. Un modèle est proposé pour expliquer la stabilité des murs de domaines durant un cycle thermique.

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Chapitre III

Ce chapitre présente l’influence des différents dopants sur certains coefficients

diélectriques (εr, pertes diélectriques) du PZT, ainsi que sur plusieurs coefficients

piézoélectriques du mode longitudinal (k33,d33 et Qm). Un mécanisme de fluoration des

PZT dopés au manganèse est suggéré. L’adoucissement des PZT fluorés est confirmé

par l’étude de l’influence du rapport Zr/Ti sur les caractéristiques piézoélectriques et

diélectriques et par les cycles d’hystérésis.

Ce chapitre est également consacré à l’étude de l’influence de la fluoration sur la

stabilité de la fréquence de résonance du mode longitudinal et du coefficient d33

respectivement en fonction de la température et de la contrainte mécanique. Un modèle

est proposé pour expliquer la stabilité des murs de domaines durant un cycle thermique.

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Table des matières Chapitre III

III.1 Introduction 101

III.2 Polarisation des céramiques 101

III.3 Mesures des constantes diélectriques et piézoélectriques 101

III.3.1 Mesures des constantes diélectriques 101

III.3.2 Mesures des constantes piézoélectriques 102

III.3.2.a Mesure du coefficient de charge d33 102

III.3.2.b Mesure du coefficient de couplage électromécanique k33 et du

coefficient Qm 102

III.4 Influence des dopants sur les propriétés diélectriques et électromécaniques

104

III.4.1 Influence du dopant en site B 105

III.4.2 Influence du dopant fluor en site anionique 108

III.4.3 Evolutions des caractéristiques en fonction du rapport Zr/Ti 113

III.5 Cycle d’hystérésis 118

III.6 Détermination du point de Curie 121

III.7 Evolution de certaines caractéristiques sous haut niveau de sollicitations

thermiques et mécaniques 124

III.7.1 Introduction 124

III.7.2 Evolution des caractéristiques des PZT dopés au manganèse sous

contrainte uniaxiale 124

III.7.2.a Principe de mesure 124

III.7.2.b Influence de la fluoration sur le coefficient d33 et la polarisation 125

III.7.3 Evolution de la constante de fréquence N33 et de la polarisation avec la

température 127

III.7.3.a Principe de la mesure 127

III.7.3.b Influence de la fluoration sur la constante de fréquence N33 et la

polarisation 128

III.8 Vieillissement des matériaux dopés au manganèse 129

III.9 Mécanisme de stabilisation de la configuration des murs de domaines 131

III.10 Conclusion 132

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 101

III.1. Introduction

Dans le chapitre précédent, nous avons donné les caractéristiques physico-

chimiques des céramiques PZT fluorées. Nous allons maintenant étudier l’influence du

dopage anionique sur les propriétés diélectriques et électromécaniques des matériaux

PZT et leur stabilité sous fortes sollicitations extérieures (contrainte mécanique,

température et champ électrique). Les caractéristiques et leurs évolutions sous différents

niveaux d’excitations sont indispensables pour vérifier l’adéquation avec l’application

visée et peuvent apporter des informations sur le rôle exact du dopant fluor. En effet les

céramiques fonctionnant sous haut niveau de sollicitation peuvent présenter des

phénomènes caractéristiques d’un comportement non linéaire qui peut conduire à un

endommagement de l’élément actif piézoélectrique. Ceci peut se traduire par une dérive

de la mesure. Enfin nous proposerons un modèle permettant d’expliquer la stabilité de

la configuration des murs de domaines des PZT fluorés et dopés au manganèse.

III.2. Polarisation des céramiques

Les céramiques massives obtenues après frittage sont rectifiées aux dimensions

données au paragraphe II.3.3.d.1 puis métallisées par sérigraphie. On dépose une pâte

d’argent (AG ES 7315 Cerdec) qui est séchée à 60°C pendant 30 minutes puis les

composés carbonés sont brûlés à 700°C pendant 15 minutes dans un four dit à passage.

La polarisation des céramiques est réalisée dans un bain d’huile silicone chauffé à

120°C. Cette étape s’effectue sous un champ électrique externe d’environ 3 kV/mm

(cela correspond à 2Ec (Ec champ coercitif)) qui est appliqué pendant 1 minute. Les

conditions de polarisation sont les mêmes pour toutes les compositions étudiées.

III.3. Mesures des constantes diélectriques et piézoélectriques

III.1.1. Mesures des constantes diélectriques

Les céramiques frittées sous forme de cylindres et de disques sont assimilées à

des condensateurs plans. La détermination de la capacité et des pertes diélectriques

(tan δ) se fait à l’aide d’un impédancemètre HP 4284A sous faible niveau d’excitation

(1 Volt) et à la fréquence de 1 kHz. La permittivité absolue ε (F.m-1) est déduite de la

relation suivante :

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 102

e×C0�

S(III.1)

Où C est la capacité mesurée (F), e la distance inter électrode (m) et S la surface

de l’électrode (m2). La permittivité diélectrique relative εr, sans dimension, est donnée

par :

9

r0

0 H×C×36�×100

0 6(III.2)

où ε0 est la permittivité du vide (F.m-1), 0 9

10

36�×10.

On mesure également les pertes diélectriques (tan δ) sous haut niveau

(400 V/mm, à 1 kHz) sur les disques. Cette méthode permet de mettre en évidence le

comportement linéaire ou non linéaire de la céramique soumise à un champ électrique.

L’appareil utilisé est un pont de Schering.

III.1.2. Mesures des constantes piézoélectriques

III.1.1.a. Mesure du coefficient de charge d33

La constante de charge d33 du mode longitudinal est mesurée grâce à un

Berlincourmètre (Channel Products Inc) suivant le principe de l’effet direct. Dans ce

dispositif, on applique une force F de 1 N à 100 Hz sur l’échantillon et on mesure la

variation de charge Q résultante. Le coefficient d33 est égal à :

33

Qd = en pC/N

F(III.3)

III.1.1.b. Mesure du coefficient de couplage électromécanique k33 et du

coefficient Qm

Le couplage électromécanique k33 et le facteur de surtension mécanique Qm sont

déterminés à partir de l’évolution du module et de la phase de l’admittance au voisinage

de la fréquence de résonance (fm) et d’antirésonance (fM) (Figure III.1).

L’enregistrement des courbes de la Figure III.1 est obtenu grâce à un analyseur de

réseau (HP 4194A). Les mesures sont réalisées sur des cylindres sous 1 V. Le

coefficient est calculé à partir de la relation suivante [6] :

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 103

2 M M33

m m

� I � Ik = × cotan ×

2 f 2 f

(III.4)

Figure III.1 : Evolution du module et de la phase de l’admittance d’un cylindre de

PZT dopé avec 1% de manganèse et fluoré à 1%

Le facteur de surtension mécanique Qm est calculé de la relation suivante :

1 2

2 1

f fQm =

f -f(III.5)

où f1 et f2 sont les fréquences quadrantales correspondant respectivement à une

phase à + 45° et – 45° (Figure III.2)

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 104

Figure III.2 : Evolution de la phase d’un cylindre de PZT dopé avec 1% de

manganèse et fluoré à 1% au voisinage de la fréquence de résonance.

Tous les coefficients diélectriques et électromécaniques sont mesurés 24 heures

après la polarisation à température ambiante, délai indiqué par les normes I.E.E.E. [8].

Pour toutes les compositions, les coefficients donnés dans la suite de ce chapitre

correspondent à la moyenne des grandeurs mesurées sur quatre céramiques. On préfère

mesurer les pertes diélectriques à haut niveau (400 V/mm, à 1 kHz) plutôt qu’à bas

niveau (0,5 V/mm, à 1 kHz) car la variation des pertes diélectriques avec l’amplitude du

champ électrique permet de mettre en évidence les caractéristiques d’un comportement

non linéaire.

III.4. Influence des dopants sur les propriétés diélectriques et

électromécaniques

Toutes les compositions considérées sont dopées en site A avec 11% molaire de

(BaSr) et le rapport Zr/Ti est fixé égal à 52/48 lors de la synthèse des poudres de PZT.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 105

III.4.1. Influence du dopant en site B

Nous avons fait varier la concentration en manganèse de 0,5% à 2%. La Figure

III.3 donne la variation des coefficients électromécaniques d33, k33, Qm et des grandeurs

diélectriques εr et tan δ en fonction du pourcentage molaire de manganèse. De l’étude

des caractéristiques des matériaux (Figure III.3), il ressort que chaque grandeur passe

par un extremum pour une concentration de manganèse comprise entre 1 et 1,5%.

En deçà de cette valeur, l’augmentation de la concentration de manganèse

provoque un abaissement de la constante diélectrique εr, du coefficient de charge d33et

du facteur de couplage k33. On observe également une stabilisation des pertes

diélectriques et une augmentation du facteur de qualité mécanique Qm. Ceci signifie

que le manganèse jouerait le rôle de dopant accepteur puisqu’il durcit le PZT.

Afin de confirmer cette interprétation, une recherche directe de la valence du

manganèse a été réalisée par résonance paramagnétique électronique (RPE) (Figure

III.4). La RPE est une technique spectroscopique puissante pour étudier les propriétés

magnétiques des matériaux et détecter la présence d’électrons célibataires dans les

échantillons. Toutes les mesures par RPE ont été réalisées à l’institut de recherche sur la

catalyse (CNRS UPR5401). Dans le cas du manganèse, la valence +3 ne peut pas être

observée car cet ion est diamagnétique. Quand on augmente la concentration jusqu’à

1% de manganèse, on constate une augmentation relative de l’importance de la

concentration de Mn2+ par rapport à la concentration de Mn4+ (Tableau III.1). Mn2+ est

bien un accepteur quand il substitue Zr4+ et Ti4+, ce qui renforce l’hypothèse que nous

avancions pour expliquer le durcissement du matériau (Figure III.3).

Au-delà de 1,5% de manganèse, on constate un adoucissement du matériau

(augmentation de εr, d33, k33 et diminution de Qm) malgré la présence de Mn2+ confirmé

par RPE. Ce taux correspond en fait à la solubilité limite du manganèse [1] dans la

structure perovskite. Cet adoucissement pourrait s’expliquer par la mise en concurrence

de l’effet durcisseur du à Mn2+ avec les effets plutôt adoucisseurs suivants :

• Rejet d’une partie du manganèse aux joints de grains même si aucune

confirmation expérimentale par microanalyse n’a pu être produite.

• Apparition de lacunes de plomb dans la maille

Un dopage supérieur à 1% paraît inutile.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 106

Figure III.3 : Evolution de εr , tan δ, d33, k33 et Qm en fonction de la concentration

de manganèse en site B

L’intérêt du manganèse par rapport à d’autres dopants accepteurs comme le

magnésium est son aptitude à faciliter le frittage et la polarisation. Les matériaux

obtenus sont denses et peuvent être polarisés à une température inférieure à 120°C sous

un champ externe de 2,5 kV/mm. Il faut garder à l’esprit que la valence du manganèse,

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 107

qui peut coexister sous la forme Mn2+, Mn3+ et Mn4+ dans les PZT [68, 67, 2], évolue

avec la concentration de manganèse en site B et avec les conditions de préparation

(Figure III.4).

Figure III.4 Spectres RPE des compositions dopées avec du manganèse

Tableau III.1 : Evolution de l’intensité des pics associés au Mn4+ et Mn2+

Taux demanganèse (%)

Intensité du picMn4+ (u.a.)

Intensité du picMn2+ (u.a.)

4+

2+

Mn

Mn

I

I

0 0 0 0

0,5 1,95 0,31 6,30

1 4,10 1,95 2,10

1,5 4,42 4,05 1,28

2 3,55 1,85 1,91

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 108

III.1.2. Influence du dopant fluor en site anionique

La Figure III.5 donne l’évolution, en fonction du taux de fluor, des coefficients

diélectriques εr et tan δ. Quel que soit le taux de manganèse (0,5 ou 1%), les deux

grandeurs mesurées présentent une évolution similaire en fonction du taux de dopant en

site anionique. Les pertes diélectriques tanδ et la permittivité relative εr augmentent

lorsque le PZT est fluoré. A partir de 2% et jusqu’à 4%, εr et tanδ diminuent

progressivement. Ensuite, avec 5, 6 et 7% de fluor en site anionique, la tendance

s’inverse et on remarque que les deux grandeurs augmentent brutalement.

Figure III.5 : Evolution de εr et tan δ en fonction du taux de fluor pour des PZT

dopés avec 0,5 et 1% de manganèse

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 109

L’évolution des coefficients d33 et k33 pour les deux séries de PZT dopé avec du

manganèse est représentée Figure III.6 en fonction du taux de fluor. Les deux séries de

PZT fluorés présentent quasiment la même évolution que la constante diélectrique εr.

Les coefficients d33 et k33 augmentent lorsque les lacunes d’oxygène sont substituées

par le fluor. Ensuite pour un taux de fluor compris entre 2 et 4%, d33 et k33 restent à peu

près constants pour la série dopée avec 0,5% de manganèse et diminuent légèrement

pour l’autre série.

Au-delà de 4% de fluor, la présence de lacunes de plomb et l’absence de lacunes

anioniques dans les PZT dopés avec 1% de manganèse entraînent une forte

augmentation du coefficient de charge d33 et du facteur de couplage électromécanique

k33.

La variation de Qm en fonction du taux de fluor (Figure III.7) est surprenante,

compte tenu de l’évolution de d33, k33 et εr. Généralement, l’adoucissement d’un

matériau se traduit par une diminution du facteur de qualité mécanique mais pour les

deux séries de PZT, Qm varie de façon aléatoire. Il reste globalement élevé

(400 < Qm < 1000) pour des matériaux présentant les caractéristiques piézoélectriques

et diélectriques des PZT doux. Les valeurs de Qm sont comprises entre celles d’un PZT

doux (Q <100) et celles d’un PZT dur (Qm > 1500). Les courbes présentent néanmoins

un extremum qui se situe à 2% et 1% de fluor respectivement pour les PZT dopés avec

0,5 et 1% de manganèse.

Figure III.6 : Evolution du coefficient de charge d33 et du facteur de couplage

électromécanique k33, en fonction du taux de fluor, des PZT dopés au manganèse

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 110

Figure III.7 : Evolution du facteur de qualité mécanique Qm en fonction du taux

de fluor pour des PZT dopés avec 0,5 et 1% de manganèse

Les études antérieures menées au laboratoire [34-40], ont montré qu’il était

possible de stabiliser la configuration des murs de domaines (diminution εr, tan δ et d33)

en associant le fluor en site anionique à un dopant accepteur en site B. Par exemple les

matériaux dopés avec Mg2+ et fluorés présentent certaines caractéristiques de PZT très

durs. En effet la fluoration diminue les pertes diélectriques, la réponse piézoélectrique

qui est plus faible que celle des PZT uniquement dopés en site B par un accepteur et

augmente le facteur de surtension mécanique. Pour un certain taux de fluor, ces

matériaux sont également stables sous contrainte mécanique uniaxiale (120 MPa) et

durant un cycle de température (-40 - +85°C) (Figure III.8).Cette gamme de température

a été choisie en fonction de l’application visée (utilisation de la céramique dans les

gyroscopes). La stabilisation de la configuration des murs de domaines sous haut niveau

de sollicitation et les propriétés piézoélectriques résultantes dans les PZT fluorés sont

traitées en terme d’effet de volume. Les défauts dipolaires Mg2+ – F-, très peu mobiles

piègent de façon plus importante les murs de domaines que les défauts dipolaires

Mg2+ - ••OV qui sont beaucoup plus mobiles [40]. Ils contribuent donc à l’affaiblissement

de l’activité piézoélectrique et des pertes mécaniques et diélectriques.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 111

Figure III.8 : Evolution de la constante de fréquence N33 et du coefficient de charge

d33 respectivement en fonction de la température et de la contrainte mécanique

uniaxiale d’un PZT dopé avec 1% de magnésium et fluoré à 4%

Les caractéristiques des matériaux PZT dopés au manganèse ou au magnésium

et fluoré, présentées Figure III.5, III.6 et III.7, semblent montrer que le mécanisme de

fluoration associé au manganèse diffère de celui proposé par Eyraud et Guiffard

[39, 40, 3]. En effet la fluoration progressive de 1% à 4% des PZT dopés au manganèse

entraîne un adoucissement des matériaux qui se traduit par une augmentation de εr, tan

δ, d33 et k33. On peut noter que cet adoucissement n’est pas accompagné d’une

diminution du facteur de surtension mécanique. On ne peut pas attribuer

l’adoucissement des PZT dopés au manganèse et fluorés à une phase secondaire située

aux joints de grains car on ne détecte qu’une seule phase par microanalyse EDS.

La substitution F – O n’a pas le rôle escompté. En effet il apparaît clairement

que le défaut dipolaire Mn-F n’a pas la même aptitude à bloquer les murs de domaines

que le dipôle Mg-F ou Mn- ••OV . Il semblerait qu’au contraire il accroisse la mobilité des

parois de domaine. Deux interprétations peuvent être avancées :

• l’ion manganèse ne participe plus au mécanisme de stabilisation et la

fluoration progressive supprime les défauts dipolaires Mn-••OV ;

• les différentes valences du manganèse font que l’on substitue un dipôle Mn-F

très mobile à un dipôle Mg2+ - ••OV peu mobile.

Quand on augmente le taux de fluor dans le matériau, on favorise la valence +2

du manganèse et du même coup on se rapproche du modèle classique du défaut

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 112

dipolaire Mn2+-F- à cause de cette valence fixe majoritaire du manganèse

(Figure III.9 et Tableau III.2). L’effet est moins marqué que pour le magnésium car il

subsiste toujours la valence minoritaire +4 et peut être du Mn3+.

Quand tout le manganèse est sous la forme de Mn2+, l’augmentation du taux de

fluor crée des lacunes de plomb qui n’interdisent pas la mobilité des parois de domaines

comme les lacunes d’oxygène. Cet effet s’ajoute à l’effet donneur du fluor.

Les caractéristiques piézoélectriques et diélectriques semblent montrer que le

fluor lorsqu’il est associé au manganèse, se comporte comme un dopant donneur

classique dans la mesure ou les différentes valences du manganèse ne permettent pas au

défaut dipolaire de jouer son rôle. Néanmoins, cet adoucissement qui se traduit par une

forte activité piézoélectrique et un grand εr se fait au détriment des pertes diélectriques à

haut niveau (400 V/mm).

Figure III.9 : Spectres RPE des compositions dopées au manganèse en fonction du

taux de fluor

Tableau III.2 : Evolution de l’intensité des pics associés au Mn4+ et Mn2+ en

fonction du taux de fluor

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 113

Taux defluor (%)

Intensité du picMn4+ (u.a.)

Intensité du picMn2+ (u.a.)

4+

2+

Mn

Mn

I

I

0 42,9 20 2,145

1 11,6 30 0,386

2 11,7 60 0,195

3 17,1 39,1 0,437

4 17,7 60,3 0,293

La variation de Qm est plus difficile à interpréter et n’est pas reliée à une

modification de la microstructure puisque la taille des grains évolue peu avec le taux de

fluor. On peut supposer que le facteur de surtension mécanique Qm ne dépend pas de la

concentration de fluor en site anionique mais de la valence du manganèse. En effet Izaki

et al [4] ont montré que ce coefficient était proportionnel à la quantité de Mn2+ et Mn3+

dans le PZT. La diminution de la valence du manganèse engendrée par la fluoration et

par conséquent la variation de la concentration de Mn2+, Mn3+et Mn4+ dans le PZT,

serait responsable des fluctuations du facteur de qualité mécanique.

En résumé, l’introduction du fluor en site anionique adoucit les PZT dopés au

manganèse sans diminuer le facteur de qualité mécanique. On peut remarquer que

l’optimum des coefficients électromécaniques et diélectriques (hormis tan δ) est obtenu

pour le taux de fluor critique mis en évidence au Chapitre II (cf II.3.3.c) en ce qui

concerne le taux de phase rhomboédrique.

Au-delà de ce taux, on observe un faible durcissement des PZT puis pour les

matériaux fluorés à 5,6 et 7% la tendance s’inverse car les PZT deviennent lacunaires en

plomb. Le matériau dopé à 1% de manganèse et de fluor présente le meilleur

compromis entre les caractéristiques piézoélectriques, diélectriques et le facteur de

surtension mécanique pour des applications gyroscopiques sous réserve que la stabilité

des coefficients sous haut niveau de sollicitations soit avérée.

III.1.3. Evolutions des caractéristiques en fonction du rapport Zr/Ti

Cette étude a été menée sur les matériaux dopés avec 1% de manganèse non

fluoré et fluoré à 1%. Le rapport Zr/Ti varie de 70/30 à 40/60. La Figure III.10 montre

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 114

l’évolution de εr, d33 et k33 en fonction du rapport Zr/Ti des deux compositions étudiées.

Les deux séries présentent la même évolution que les PZT purs (Figure I.17) [12], à

savoir εr, d33 et k33 passe par une valeur maximale pour les compositions appartenant à

la frontière de phase morphotropique et majoritairement quadratique. En considérant

les coefficients εr, d33 et k33, on peut dire que la fluoration à 1% ne modifie pas

significativement la largeur de la zone morphotropique. Le taux de zirconium pour les

compositions appartenant à la FPM est compris entre 49 et 55%.

Figure III.10 : Evolution de εr d33 et k33, en fonction du rapport Zr/Ti, pour les

matériaux dopés avec 1% de manganèse non fluorés et fluorés à 1%.

Classiquement on étudie l’évolution du rapport εp/εnp qui dépend du rapport de

phase dans le PZT. Il est supérieur à 1 pour les compositions majoritairement

quadratiques [5]. εp est la permittivité de la céramique polarisée tandis que εnp est celle

de la céramique non polarisée.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 115

Les courbes de la Figure III.11 qui donnent l’évolution de εp/εnp en fonction du

rapport Zr/Ti, montrent que ce comportement est également observé sur les matériaux

dopés avec 1% de manganèse non fluorés et fluorés à 1% puisque εp/εnp est supérieur à

1 pour les compositions majoritairement quadratiques. On remarque que la variation de

ce rapport est plus abrupte au voisinage de la FPM pour les matériaux fluorés.

Figure III.11 : Evolution du rapport εp/εnp, en fonction du rapport Zr/Ti, pour les

matériaux dopés avec 1% de manganèse non fluorés et fluorés à 1%.

La variation de Qm pour ces deux séries, en fonction du rapport Zr/Ti, est

représentée Figure III.12. Le facteur de surtension mécanique des PZT dopés avec 1%

de manganèse présente une évolution classique. Qm est élevé pour les compositions

quadratiques et majoritairement quadratiques et il diminue progressivement avec

l’augmentation du taux de zirconium. Pour les PZT fluorés à 1%, la variation de Qm est

différente notamment dans la région où les PZT sont majoritairement rhomboédriques.

On observe une augmentation brutale du facteur de qualité mécanique.

Deux mécanismes différents peuvent être proposés pour expliquer ce

phénomène. Le premier dépend de la valence du manganèse. En effet, nous avons vu au

paragraphe III.4.2 que le Qm dépendait de la concentration de Mn2+ et Mn3+ dans le

PZT. Le second est basé sur le concept des défauts dipolaires Mnα+ - F- détaillé au

paragraphe III.4.2. En effet la présence du manganèse sous ses trois valences dans le

matériau permet une variation d’amplitude des dipôles Mn-F et donc une certaine

mobilité des murs de domaines.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 116

D’après la Figure III.13, on peut écarter le premier mécanisme car la quantité de

Mn4+ augmente au fur et à mesure de l’augmentation du taux de zirconium. Le

changement de valence du manganèse (augmentation de la concentration en Mn4+)

diminue la variation d’amplitude des dipôles Mn-F. Ce phénomène stabilise alors la

configuration des murs de domaines et augmente Qm. Les valeurs élevées de Qm pour

les compositions fluorées riches en zirconium sont par conséquent dues au deuxième

mécanisme.

Figure III.12 : Evolution de Qm, en fonction du rapport Zr/Ti, pour les matériaux

dopés avec 1% de manganèse non fluorés et fluorés à 1%.

On peut noter pour les compositions appartenant à la FPM qu’une légère

fluctuation du rapport Zr/Ti pendant l’élaboration de la poudre ou l‘étape de frittage ne

modifie pas ou peu les caractéristiques des matériaux fluorés dopés au manganèse

(Tableau III.3). Ceci garantit une bonne reproductibilité dans l’élaboration du matériau.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 117

Tableau III.3 : Evolution des caractéristiques des matériaux dopés avec 1% de

manganèse et de fluor en fonction du rapport Zr/Ti

Rapport Zr/Ti d 33 (pC/N) k33 (%) Qm εp/εnp

52,5/46,5 335 71,0 910 1,39

52/47 350 69,9 916 1,38

51,5/47,5 331 69,8 900 1,40

52/48 344 70,4 970 1,39

Figure III.13 : Spectres RPE des compositions dopées au manganèse et fluorées en

fonction du rapport Zr/Ti

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 118

Tableau III.4 : Evolution de l’intensité des pics associés au Mn4+ et Mn2+ en

fonction du taux de zirconium

Taux deZr (%)

Intensité du picMn4+ (u.a.)

Intensité du picMn2+ (u.a.)

4+

2+

Mn

Mn

I

I

52 7,6 2,3 3,30

55 18,8 4,2 4,47

70 31,2 6,5 4.80

III.2. Cycle d’hystérésis

La méthode consiste, à mesurer la polarisation d’une céramique ferroélectrique

en fonction du champ électrique qui lui est appliqué. Les cycles P = f(E) d’un matériau,

réalisés à 120°C, permettent de déterminer la polarisation spontanée et rémanente (Ps et

Pr), ainsi que le champ coercitif (champ minimum pour retourner les dipôles). Les

cycles d’hystérésis sont réalisés à l’aide d’un dispositif de type Saywer – Tower (Figure

III.14) sur des céramiques de diamètre φ = 6,35 mm et d’épaisseur e = 1 mm.

Figure III.14 : Schéma du montage Saywer – Tower

La céramique de capacité C est placée dans un bain d’huile thermostaté en série

avec une capacité C0 très grande devant C (C0 = 10 µF). L’ensemble est soumis à une

tension V’. Le cycle d’hystérésis correspond à la variation de la tension V0 en fonction

de V’.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 119

On a D=ε0E + P, et comme ε0E << P, nous pouvons écrire :

0 0C VQ CVD=P= = =

S S S(III.6)

Où Q est la charge électrique sur les armatures de la céramique et S la surface

des armatures. On a V’=V0+V et 00

CV = V

C et comme C0>>C on a V0<< V et V’≈V.

Finalement V0=f(V’) équivaut P=f(E) avec V'

E=e

où e est l’épaisseur de la céramique.

Les Figure III.15 et III.16 montrent les premiers cycles d’hystérésis, réalisés à

120°C, de céramiques non polarisées dopées au manganèse et avec des taux de fluor

compris entre 0 et 7%. Pour toutes les compositions le rapport Zr/Ti est fixé égal à

52/48 lors de la synthèse par coprécipitation.

Figure III.15 : Cycle d’hystérésis de PZT : (a) dopé avec 0,5% de manganèse et (b)

dopé avec 1% de manganèse

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 120

Figure III.16 Cycle d’hystérésis de PZT : (a) dopé avec 1% de manganèse non

fluoré, (b) dopé avec 1% de manganèse et fluoré à 1%, (c) dopé avec 1% de

manganèse et fluoré à 4% et (d) dopé avec 1% de manganèse et fluoré à 7%

Les PZT non fluorés présentent des cycles d’hystérésis caractéristiques des PZT

durs lacunaires en oxygène, à savoir un cycle non saturé et un champ interne qui se

manifeste par un déplacement du cycle d’hystérésis le long de l’axe du champ externe.

Le comportement des PZT fluorés est totalement différent. En effet les cycles

d’hystérésis des PZT fluorés sont symétriques et saturés dès le premier cycle. On peut

également remarquer une augmentation de Pr et Ps et une diminution du champ coercitif.

Ce résultat confirme l’adoucissement des PZT fluorés qui se traduit par une plus grande

mobilité des murs de domaines. Il est donc plus facile dans ces PZT de retourner les

dipôles.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 121

III.3. Détermination du point de Curie

Le point de Curie des matériaux est mesuré à l’aide d’un analyseur de réseau

HP4194 A. On enregistre l’évolution de la permittivité et des pertes diélectriques bas

niveau (1 volt) avec l’augmentation de la température. Les céramiques non polarisées de

diamètre φ = 16 mm et d’épaisseur e = 2 mm sont chauffées de 50 à 450°C dans un four

bien isolé avec une vitesse de montée de 1°C/mn. La précision sur la mesure de la

température est de 0,5°C.

La Figure III.17 donne l’évolution de εr en fonction de la température de trois

compositions (Zr/Ti = 52/48) : un PZT dopé avec 1% de manganèse et non fluoré, un

PZT dopé avec 1% de manganèse et fluoré à 1% et un PZT dopé avec 1% de manganèse

et fluoré à 7%. L’évolution de εr est classique et la transition de phase

ferroélectrique – paraélectrique des trois compositions est légèrement diffuse

(largeur à mi-hauteur ∆T ≈ 100°C) par rapport au PZT pur (largeur à mi-hauteur ∆T =

65°C). Le dopage des PZT avec le fluor et/ou le manganèse accroît le désordre dans les

sites cationiques et anioniques ce qui entraîne l’état diffus de la transition à Tc. Pour ces

matériaux dopés avec le couple Mn,F, on n’observe pas de décalage en fréquence du

point de Curie. L’augmentation continue de εr vers 400°C du PZT dopé au manganèse

est certainement due à un phénomène de conduction par lacunes d’oxygène qui est

activé à cette température.

Figure III.17 : Evolution de εr en fonction de la température pour différents PZT

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 122

La variation du point de Curie des PZT fluorés en fonction du taux de fluor est

donnée Figure III.18. Dans un premier temps, la substitution F – O progressive entraîne

une chute du point de Curie induite par la diminution des distorsions de maille perovkite

au niveau des octaèdres BO6 et donc de l’anisotropie en raison de la diminution de la

covalence des liaisons B-X (B : Zr, Ti, Mn ; X : O, F) [6]. Au-delà de 4% de fluor, le

point de curie reste à peu près constant.

Figure III.18 : Evolution du point de Curie en fonction du taux de fluor pour des

PZT dopés au manganèse

On peut également déterminer le point de Curie en suivant l’évolution de la

polarisation rémanente avec la température. On mesure alors le courant qui passe entre

les deux électrodes de la céramique à l’aide d’un ampli de courant (KETHLEY 428) et

l’enregistrement des données se fait avec un enregistreur (KIPP & ZONEN) dont la

fréquence d’échantillonnage est fixée à 1Hz. Une représentation schématique du banc

expérimental est donnée Figure III.19. L’intégrale du courant divisé par la surface de

l’électrode au cours du temps, nous donne en négligeant le courant de fuite, la variation

de la polarisation de l’échantillon (Figure III.20). La vitesse de montée en température

est de 1°C/mn. Ces mesures nous renseignent sur la nature de la transition

ferroélectrique – paraélectrique. Le point de Curie est déterminé quand Pr - ∆P = 0. Par

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 123

cette méthode, on retrouve bien la même température de transition de phase

ferroélectrique – paraélectrique. On peut noter que la polarisation présente une

discontinuité à Tc caractéristique d’une transition de phase du premier ordre.

Céramique piézoélectrique

Four

Ampli de courant

Enregistreur (Kipp and Zonen)

Figure III.19 : Représentation schématique du banc expérimental

Figure III.20 : Evolution de la polarisation (∆P) en fonction de la température

pour le PZT dopé avec 1% de manganèse et de fluor

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 124

III.4. Evolution de certaines caractéristiques sous haut niveau de

sollicitations thermiques et mécaniques

III.4.1. Introduction

Pour les applications gyroscopiques, il est indispensable de connaître le

comportement des céramiques sous contrainte uniaxiale (0 – 40 MPa) et durant un cycle

de température allant de –40 à 85°C. Néanmoins il est possible de réaliser la mesure du

coefficient d33 sous contrainte mécanique jusqu’à 120 MPa pour mettre en évidence la

contrainte maximale de dépolarisation ou contrainte critique notée T3c. D’après le cahier

des charges, le coefficient d33 doit varier linéairement et de façon non hystérétique sur la

gamme de contrainte considérée (0 – 40 MPa). La constante de fréquence N33 doit

présenter la même évolution que le coefficient d33 durant un cycle thermique.

III.4.2. Evolution des caractéristiques des PZT dopés au manganèse

sous contrainte uniaxiale

III.4.2.a. Principe de mesure

Pour caractériser une céramique sous contrainte uniaxiale, on étudie la variation

du coefficient de charge d33 en fonction de la contrainte mécanique sur des cylindres

(e = 15 mm) polarisés. La contrainte mécanique est appliquée suivant l’axe de

polarisation (axe 3) et notée T3. Le principe de la mesure consiste à soumettre la

céramique à une force statique uniaxiale importante parallèle à la direction de

polarisation comprise entre 0 et 5000 N et à lui superposer une force dynamique

sinusoïdale basse fréquence (120 Hz) de faible amplitude (quelques mN) [38]. La force

statique appliquée est égale à Fs = T3.S où S est la surface de l’électrode ( §�������FP2).

Entre deux points expérimentaux, la force varie de 120 N. Le coefficient de charge d33

est calculé à partir de la charge débitée Q et de la force dynamique appliquée F selon :

33

E=constante

Qd =

F(III.7)

L’incertitude de mesure sur le coefficient d33 est de 5%

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 125

On peut également mesurer la variation de polarisation en fonction de T3. On

mesure le courant qui passe entre les deux électrodes de la céramique (cf III.6). La

variation de la polarisation est calculée à partir de la relation suivante :

T

0

idtû3 �DYHF�6�VXUIDFH�GH�Oélectrode

S∫ (III.8)

III.4.2.b. Influence de la fluoration sur le coefficient d33 et la polarisation

La Figure III.21 montre l’effet de la contrainte uniaxiale sur le coefficient de

charge d33 de matériaux dopés au manganèse non fluorés et fluorés. Le d33 des PZT non

fluorés présente une allure classique de PZT lacunaires en oxygène [7]. Après un cycle

de contrainte, ils sont proches de leurs valeurs initiales et associés à une « boucle ». Par

contre, le comportement des matériaux fluorés sous contrainte uniaxiale est différent

dans le sens ou l’évolution du d33 est non linéaire et hystérétique. Toutes les courbes

passent par un maximum qui correspond à la contrainte critique T3c. Au-delà de T3c, il

apparaît des basculements de certains domaines à 180° et on observe une dépolarisation

importante partielle du matériau (Figure III.22) [27]. Les sites Mn-F, fixes dans le

réseau, n’entraînent pas un blocage sévère des murs de domaines. Les différents états de

valence du manganèse permettent une variation d’amplitude des dipôles Mn-F et donc

une certaine mobilité des murs de domaines qui rend instable le matériau sous

contrainte mécanique uniaxiale. Cependant ils supportent un niveau de contrainte

mécanique supérieur à celui des PZT doux. La courbe du PZT dopé avec 1% de

manganèse et de fluor, montre que le coefficient d33 après un cycle de contrainte est

voisin du d33 initial.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 126

Figure III.21 : Evolution du coefficient d33 sous contrainte uniaxiale de matériaux

dopés au manganèse non fluorés et fluorés

Figure III.22 : Evolution de la polarisation (Pr - ∆P) sous contrainte uniaxiale de

matériaux dopés avec 1% de manganèse non fluorés et fluorés à 1%

Pour l’application visée, il n’est pas indispensable que le coefficient d33 soit

stable sous contrainte uniaxiale jusqu’à 120 MPa. Il doit varier linéairement et de façon

non hystérétique sur la gamme de contrainte considérée 0 – 40 MPa. Ce comportement

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 127

est obtenu pour les PZT dopés avec 1% de manganèse non fluoré et fluoré à 1% mais le

coefficient d33 du PZT non fluoré est trop faible pour les applications gyroscopiques

(Figure III.23).

Figure III.23 Evolution du coefficient de charge d33 du PZT dopé avec 1% de

manganèse et de fluor sur la gamme de contrainte 0 –40 MPa

III.4.3. Evolution de la constante de fréquence N33 et de la polarisation

avec la température

III.4.3.a. Principe de la mesure

La constante de fréquence N33 des PZT est calculée à partir de la fréquence de

résonance fm d’une céramique polarisée et vieillie de diamètre φ = 6,35 mm et

d’épaisseur e = 15 mm. Les échantillons sont placés dans une étuve et reliés à

l’analyseur de réseau HP4194A. Les deux appareils sont pilotés par un ordinateur qui

permet l’acquisition simultanée de la température et la fréquence de résonance fm. La

précision est de ±25 Hz et ±0,3°C respectivement pour fm et la température. La

céramique subit le cycle thermique décrit Figure III.24. La cinétique de

chauffage/refroidissement est égale à 1°C/mn pendant toute la durée de la mesure. La

variation de la polarisation est mesurée en même temps que la température par la

méthode donnée dans le paragraphe III.6.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 128

Figure III.24 : Schéma du cycle de température

III.4.3.b. Influence de la fluoration sur la constante de fréquence N33 et la

polarisation

La Figure III.25 représente, en fonction de la température, l’évolution de la

constante de fréquence N33 de PZT (Zr/Ti = 52/48) dopé avec du manganèse et

différents taux de fluor. Quelle que soit la composition la variation du N33 est positive

lorsque la température augmente. Cette constatation confirme que les PZT sont

majoritairement quadratiques. La Figure III.25 met en évidence l’excellent

comportement de la constante de fréquence N33 dans le cycle thermique –40°C, + 85°C

pour la formulation à 1% de fluor. Ce matériau présente en effet une grande stabilité de

ce coefficient sans aucune hystérésis même dès le premier cycle, contrairement au

matériau non fluoré. L’instabilité du N33 lors du premier chauffage est due à un

déplacement réversible des murs de domaines qui adoptent à la température maximale

de chauffage (ici 85°C) une nouvelle configuration plus stable. Ensuite le

refroidissement à pour seul effet de figer la configuration haute température des murs de

domaines.

Les courbes de la Figure III.26 montrent l’évolution de la polarisation en

fonction de la température sur la gamme 5 – 140°C. Le PZT non fluoré présente une

dépolarisation partielle importante durant le premier cycle de chauffage/refroidissement

qui est due à la présence de lacunes d’oxygène créées par le dopant accepteur en site B.

En raison de la mobilité de ces lacunes, activée par la température, les murs de

domaines se déplacent et se figent dans une position plus stable. La polarisation du

matériau fluoré évolue peu avec la température ce qui confirme que ce PZT n’est pas

lacunaire en oxygène. La stabilité thermique de ce matériau sera expliquée

ultérieurement.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 129

Figure III.25 : Evolution de la constante de fréquence N33 en fonction de la

température pour des matériaux dopés au manganèse

Figure III.26 : Evolution de la polarisation en fonction de la température des

matériaux dopés avec 1% de manganèse non fluorés et fluorés à 1%

III.5. Vieillissement des matériaux dopés au manganèse

Nous avons étudié la variation de d33, k33, N33, Qm et ε33 au cours du temps pour

des PZT dopés au manganèse non fluorés et fluorés à 1%. La Figure III.27 montre

l’évolution de ces caractéristiques au cours du temps. La variation des coefficients est

différente pour les deux séries. La décroissance des propriétés piézoélectriques et

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 130

électromécaniques qui suit une loi logarithmique , est plus importante pour le matériau

non fluoré.

Le vieillissement du matériau non fluoré est du aux lacunes d’oxygène qui

diffusent et s’orientent progressivement avec le temps vers des positions d’équilibres

plus stables. Il s’ensuit une dégradation des propriétés piézoélectriques en fonction du

temps. Pour le matériau fluoré, le très faible vieillissement peut être expliqué par un

relâchement des contraintes mécaniques internes, apparues lors de la polarisation, qui

amènent la céramique vers un état d’équilibre plus stable. L’étude des coefficients

piézoélectriques et diélectriques en fonction du temps laisse à penser que le matériau

dopé avec 1% de manganèse et de fluor est non lacunaire en oxygène.

Figure III.27

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 131

Figure III.27 : Evolution de d33, k33, N33 et Qm en fonction du temps pour des PZT

dopés avec 1% de manganèse non fluorés et fluorés à 1%

III.6. Mécanisme de stabilisation de la configuration des murs de

domaines

Le couple (Mn,F) joue un rôle adoucisseur par rapport au couple (Mg,F)

introduit comme dopant. La composition (1% de manganèse, 1% de fluor) peut être

considérée comme optimale dans sa série. Le comportement de cette céramique (grand

ε, pas de champ interne, grande stabilité thermique et peu de vieillissement) laisse

supposer que cette céramique est non lacunaire en oxygène, c’est à dire que la valence

moyenne est +3 dans la phase paraélectrique pour assurer l’électroneutralité de la

céramique. Dans la phase ferroélectrique (cf Figure III.9), le manganèse peut exister

sous ses trois valences (+2, +3 et +4). Les sites (Mn4+,Ti4+), (Mn3+,F-) et (Mn2+,2F-) se

sont formés pour minimiser ou annuler les divergences de P. La configuration des murs

de domaines est stabilisée par la création d’une polarisation induite de compensation.

Cette polarisation est créée par la présence de sites donneurs et accepteurs pouvant

échanger des électrons entre eux. Ce transfert de charges tend à diminuer les charges

d’espaces existant aux murs de domaines.

Le dopant en fonction de sa valence et du site qu’il occupe est susceptible de

créer directement ou indirectement des sites donneurs et accepteurs. Ces sites peuvent

échanger plus ou moins facilement des électrons.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 132

Dans une position d’équilibre et selon le mécanisme de « hopping » que nous

suggérons, un site donneur est susceptible en particulier sous l’influence d’un champ

alternatif extérieur de donner un électron à un site accepteur. Selon la facilité avec

laquelle s’effectue le transfert d’électrons entre les sites donneurs et accepteurs, on

obtient soit un matériau doux, soit un matériau dur. Or, avec quelques réserves, on peut

dire que les calculs classiques utilisant les potentiels « redox » des ions dans les

solutions aqueuses peuvent être étendus aux solutions solides pour donner, semi

quantitativement un ordre de grandeur des activités des constituants des sites. On peut

admettre que les potentiels « redox » faibles ou voisins correspondent à des transferts

d’électrons faciles. C’est le cas pour les matériaux doux dopés au nobium si l’on

considère que les valences +3 et +5 coexistent dans le matériau. En effet le potentiel

redox Vredox est faible et égal à –0,37 V. Nous pensons que c’est également le cas dans

les matériaux au manganèse et au fluor.

Dans le cas des matériaux au manganèse et fluorés, un taux de fluor convenable

rend le matériau non lacunaire en oxygène. Le manganèse existe sous les valences +2,

+3 et +4. A ces trois valences sont associés les couples Mn3+/Mn2+, Mn4+/Mn2+ et

Mn4+/Mn3+ dont les potentiels redox Vredox sont voisins (Mn3+/Mn2+ E0 = 1,5 Volt,

Mn4+/Mn2+ E0 = 1,24 Volt et Mn4+/Mn3+ E0 = 1,0 Volt). Le transfert de charge d’un site

à l’autre se ferait de la manière suivante [8]:

4+ - 3+ 3+ - 2+( Mn + e Mn Mn + e Mn )↔ ↔

Dans le cas du magnésium, la valence fixe de ce substituant n’autorise que des

sites accepteurs et par conséquent ne permet pas de transfert d’électron. De nouvelles

compositions sont en cours d’élaboration pour valider le mécanisme proposé dans ce

paragraphe.

III.7. Conclusion

Les résultats expérimentaux montrent clairement que la fluoration augmente

l’activité piézoélectrique des matériaux dopés (d33 et k33 plus élevés) ainsi que la

permittivité et ce dès les faibles taux de fluor. Au-delà de 1% de fluor ces

caractéristiques évoluent peu.

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Chapitre III : Evolution des propriétés diélectriques et électromécaniques des céramiques PZT 133

La composition (1% de Mn et de F) peut être considérée comme optimale dans

sa série et présente les caractéristiques suivantes :

• Une polarisabilité facile à température inférieure ou égale à 120°C, avec

une conductivité minimale

• Une très faible hystérésis en montée et descente en température et sous

contrainte mécanique uniaxiale sur la gamme (0 – 40 MPa)

• De faibles pertes jusqu’à des niveaux moyens de champ électrique

inférieur à 100V/mm

• Une grande stabilité de la constante de fréquence (N33)

• Un cycle d’hystérésis symétrique

Ce matériau semi-dur, possède tous les avantages d’une céramique douce

Le comportement particulier des matériaux au manganèse et au fluor s’explique

alors par un mécanisme d’échange d’électrons entre les différents sites donneurs et

accepteurs qui permet d’accroître l’activité piézoélectrique en favorisant une certaine

mobilité des parois de domaines.

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Reférences

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Reférences

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[5] WI, S., KIM, H . Domain reorientation effects on the temperature dependence of

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