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L’histoire de la langue grecque au carrefour des différentes disciplines: enjeux identitaires et cristallisation des mythologies linguistiques (1850-1900) Petros Diatsentos Dans le cadre de cet article, nous avons l'intention de présenter un aperçu de la conception de l'histoire du grec chez les milieux des savants grecs, dans la seconde moitié du XIXe siècle. L'article, qui n'est dans aucun cas un exposé approfondi, vise à expliquer comment l'historiographie grecque, les courants de la linguistique comparée et la laographie émergente fixent le cadre dans lequel se cristallisent les représentations et les postulats sur le grec moderne, ainsi que le récit de son histoire. D'autre part, nous préciserons comment la mise en place des concepts sur l'histoire du grec coule dans le moule de la conjoncture historique, en forgeant un récit conforme à une suite d'objectifs politiques et culturels. Plus précisément, l'objectif de l'article est de répondre à certaines questions qui se résument de la manière suivante: Tout d'abord, pouvons-nous parler d'une véritable histoire du grec au XIXe siècle? Ensuite, comment se dégagent l'image et les postulats d'une histoire du grec à travers des textes de référence ou des travaux fondateurs? Enfin, comment la langue devient un témoin identitaire primordial et acquiert une place capitale dans la concrétisation du projet national grec? 1. Quelle histoire du grec, au XIXe siècle? Depuis les « Lumières néo-helléniques » jusqu'au milieu du XIXe, nous observons l'absence des travaux portant sur l'histoire du grec. Néanmoins, une image de l'évolution du grec se dégage à partir des travaux des érudits, à chaque fois que leur discours porte sur le sort du grec ancien ou sur le rôle de la langue en tant que véhicule d'une éducation ayant comme objectif l'éveil national. Comme nous le savons, au XVIIIe siècle grec, les représentants du classicisme perçoivent les vernaculaires, ou si l’on veut « la langue orale », comme γραικοβάρβαρος ou μιξοβάρβαρος . Il s’agit, pour eux, d’une langue nouvelle, qui a rompu avec le grec ancien, d'une langue autre, différente . Ils lui opposent la langue commune des érudits,

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L’histoire de la langue grecque au carrefour des différentes disciplines: enjeux identitaires et cristallisation des mythologies linguistiques (1850-1900)

Petros Diatsentos

Dans le cadre de cet article, nous avons l'intention de présenter un aperçu de la

conception de l'histoire du grec chez les milieux des savants grecs, dans la seconde

moitié du XIXe siècle. L'article, qui n'est dans aucun cas un exposé approfondi, vise à

expliquer comment l'historiographie grecque, les courants de la linguistique

comparée et la laographie émergente fixent le cadre dans lequel se cristallisent les

représentations et les postulats sur le grec moderne, ainsi que le récit de son histoire.

D'autre part, nous préciserons comment la mise en place des concepts sur l'histoire du

grec coule dans le moule de la conjoncture historique, en forgeant un récit conforme à

une suite d'objectifs politiques et culturels. Plus précisément, l'objectif de l'article est

de répondre à certaines questions qui se résument de la manière suivante:

Tout d'abord, pouvons-nous parler d'une véritable histoire du grec au XIXe

siècle?

Ensuite, comment se dégagent l'image et les postulats d'une histoire du grec à

travers des textes de référence ou des travaux fondateurs?

Enfin, comment la langue devient un témoin identitaire primordial et acquiert

une place capitale dans la concrétisation du projet national grec?

1. Quelle histoire du grec, au XIXe siècle?

Depuis les « Lumières néo-helléniques » jusqu'au milieu du XIXe, nous

observons l'absence des travaux portant sur l'histoire du grec. Néanmoins, une image

de l'évolution du grec se dégage à partir des travaux des érudits, à chaque fois que

leur discours porte sur le sort du grec ancien ou sur le rôle de la langue en tant que

véhicule d'une éducation ayant comme objectif l'éveil national. Comme nous le

savons, au XVIIIe siècle grec, les représentants du classicisme perçoivent les

vernaculaires, ou si l’on veut « la langue orale », comme γραικοβάρβαρος ou

µιξοβάρβαρος. Il s’agit, pour eux, d’une langue nouvelle, qui a rompu avec le grec

ancien, d'une langue autre, différente. Ils lui opposent la langue commune des érudits,

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inaltérable depuis l’Antiquité et ne faisant qu'un avec le grec ancien, sauvegardé dans

la langue de l'Église et des lettres. De même, un courant des « Lumières néo-

helléniques », représenté notamment par Katartzis, Konstantas et Vilaras, admet la

distinction et la séparation entre la langue ancienne et le romaïque, en mettant

toutefois l’accent sur leur rapport de parenté. Pour les représentants de ce

mouvement, l'altération est un fait, et l’objectif global est d’étudier le grec ancien afin

d’élaborer, d’enrichir et de cultiver le romaïque, tout en abandonnant la langue

archaïsante des érudits.

Le milieu du XIXe siècle marque le début d'une transition de cette conception.1

Quoique la première tentative sérieuse qui vise à donner un aperçu de l'histoire du

grec date de 1861,2 ce sera au crépuscule du XIXe siècle qu'il y aura les premiers

efforts systématiques pour la description de l'histoire de la langue. Jusqu'en 1880, les

interprétations globales, fondées sur des recherches linguistiques originales, portant

sur des périodes de plusieurs siècles, sont donc rares. Toutefois, la seconde moitié du

XIXe est la période où l'on observe la multiplication des références et des

spéculations portant sur l'histoire du grec. Il ne s'agit pas de recherches linguistiques

en soi, mais d'une suite d’interprétations fragmentaires, parfois stéréotypées, ainsi

que des reprises d'analyses de savants occidentaux, au sujet de l’histoire de la langue.

Un ensemble de travaux de la philologie européenne (ou plus rarement grecque) qui

examinent de façon systématique soit l'histoire du grec,3 soit l'évolution des langues

indo-européennes,4 offriront aux lettrés grecs des modèles interprétatifs et serviront 1 Pour un apperçu global des conceptions de l'évolution du grec du XVIIIe siècle jusqu'à l'enre-

deux-guerres, voir A. F. Christidis, « Iστορίες της Eλληνικής Γλώσσας », in A. F. Christidis (éd.), Iστορία της ελληνικής γλώσσας, από τις αρχές έως την ύστερη αρχαιότητα, Thessalonique, 2001, p. 3-17.

2 D. Mavrofrydis, Δoκίµιον ιστορίας της ελληνικής γλώσσης [Essai d’histoire de la langue grecque], Smyrne, 1871. L’Essai de Mavrofrydis voit le jour à Smyrne en 1871, mais sa préface a déjà été publiée dans la revue Filistor, dix ans auparavant (voir D. Mavrofrydis, « Σύνοψις της εξωτερικής ιστορίας της Ελληνικής γλώσσης », in Filistor, 3, 1861, p. 116-131, 166-182 et 289-295). L'ouvrage en question constitue le travail que Mavrofrydis a remis au concours de l'Université, en 1860 (Tsokaneios Diagonismos). Le sujet du concours a été publié en 1856 et nous pouvons supposer que l'essentiel de son travail a été réalisé entre ces deux dates.

3 Notamment les travaux de F. W. Mullach (voir entre autres Grammatik der griechischen Vulgärsprache in historischer Entwicklung, Berlin, 1856), de Deffner et ses recherches sur le tzakonien, ou encore l’étude de Mavrofrydis sur l’histoire du grec moderne.

4 Voir les travaux de Bopp sur la grammaire comparative des langues indo-européennes, d’Émile et d’Eugène Burnouf sur la langue et la littérature sanskrites ou celui de A. Pictet sur le rapport

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de base théorique à une série d'appréciations globales quant à l'évolution du grec.

L'ensemble de ces appréciations, commentaires ou opinions compose une image de

l'histoire du grec, même si elle ne se cristallise pas à un moment précis ou dans une

œuvre particulière. Vu que le sujet n'est pas traité de manière systématique, les

tentatives de décrire, d'expliquer et d'interpréter proviennent des disciplines ou des

domaines différents: de l'histoire, de l'histoire de la littérature, des études de la

lexicographie dialectale, de la laographie ou de la linguistique comparée.

2. Histoire du grec: postulats et schémas interprétatifs

Dimitrios Mavrofrydis est un des premiers qui fournit en 1861 une esquisse de

l'histoire du grec, dans son Essai d'histoire de la langue grecque.5 Dans son

introduction développe le schéma éolodorien emprunté à Christopoulos,6 assez

répandu dans les milieux des lettrés. Selon lui, après l’Âge d’or, la langue grecque a

suivi deux chemins parallèles. L'atticisme et la langue littéraire qu'il a produit,

incarnés par la koinè hellénistique, ont été prolongés à travers la variété écrite

byzantine des siècles suivants. Quant aux dialectes éoliens et doriens, après avoir subi

une certaine influence de l'attique, ils ont continué à exister de façon séparée mais

constante jusqu'à au XIXe siècle. En effet, au fil du temps, ces « deux langues » ont

évolué parallèlement. Ainsi, il admet que les dialectes éoliens et doriens ne

disparaissent pas à l'époque hellénistique et romaine, mais continuent à être « la

langue orale du peuple ». En réalité, au fil des siècles, ils évoluent ou fusionnent entre

eux tout en s'altérant. Mais, dans tous les cas, ils existent parallèlement à une variété

écrite, sans qu'il y ait d'osmoses entre les deux. De son côté, l'attique transformé en

koinè constituait l'instrument de communication et de production intellectuelle pour

les élites savantes plurilingues de l'univers gréco-romain. Cette variété littéraire et

commune à la fois, chez les élites lettrées, est passée dans la littérature byzantine et,

entre l'indo-européen et la filiation des peuples de l'Europe.5 Op.cit.6 A. Christopoulos, Γραµµατική της Αιολοδωρικής, ήτοι της οµιλουµένης τωρινής των Ελλήνων γλώσσας, Vienne, 1805. Au sujet de la théorie éolodorienne, voir aussi I. Kalitzopoulou-Papageorgiou, Η αιολοδωρική θεωρία : συµβολή στην ιστορία της ελληνικής γλώσσας, Thèse de doctorat, Université d’Athènes, 1991.

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sauvegardée par l'Église durant toute l'époque ottomane, elle est arrivée au XIXe

siècle pour constituer « la langue de la nation libérée ». Elle n'est autre que la langue

puriste des érudits et de l'État. De l'autre côté, « les dialectes populaires » de

l'Antiquité, éolodoriens dans l'essentiel, sont à l'origine des vernaculaires modernes et

ne remontent pas à la koinè. L'origine de la variété puriste et sa « nature »

déterminent en effet sa place et sa fonction dans l'univers grec du XIXe siècle. Ainsi,

la conviction d’après laquelle la koinè n'est pas une langue commune populaire de

l'univers gréco-romain contribue à renforcer la place de la katharevousa, héritière

légitime de la koinè, en tant que langue commune de la nation.

L'écologie linguistique contemporaine apparaît ainsi comme la reproduction

fidèle d'une situation qui se perpétue au fil des siècles. C'est ainsi que plusieurs lettrés

soutiennent que les divergences dialectales antiques n'ont nullement disparues à

quelque endroit que ça soit. D'autre part, il n'y a jamais eu une langue commune en

soi, mais uniquement une variété écrite commune dans les milieux des lettrés. Par

ailleurs, certains courants de la linguistique comparée viennent renforcer cette thèse.

D'après Max Müller, dont son livre Lectures on the Science of Language7 est connu

par les lettrés grecs depuis tôt, une variété cultivée qui, à un moment ou un autre, se

manifeste dans les textes religieux, littéraires, administratifs ou scientifiques, émerge

à travers l'élaboration d'une ou de plusieurs variétés à tradition orale. Toutefois, il est

impossible d'admettre le contraire : une langue savante ne donnerait jamais au cours

de son évolution une variété populaire à tradition orale.8 Par conséquent, pour tracer

l'origine d'un dialecte, ou d’un ensemble de dialectes vulgaires, on remonte à d'autres

dialectes de la même nature. Le processus qui mène un vernaculaire à l’état de

« dialecte poli » à travers son élaboration, et ensuite, à devenir la langue commune de

tout un peuple culturellement homogène, apparaît comme une contrainte historique.

Selon ce raisonnement, on peut très facilement envisager la koinè comme une

langue commune écrite des élites. De la même manière, il est impossible qu'elle

génère les dialectes populaires du grec moderne. Ainsi, le lien entre le schéma de la

7 M. Müller, Lectures on the Science of Language, Londres, 1994, (1e éd. 1861).8 Ibid., p. 49-50 et 58.

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linguistique historique et le cas du grec s'établit aisément. L'helléniste James Clyde,

dont les écrits sont cités assez souvent par les savants grecs, le formule de manière

explicite en 1854, dans son livre Romaic and Modern Greek. 9 Dans son schéma

d'interprétation de la généalogie du romaïque, Clyde recourt à une dichotomie entre

« la langue des instruits » et « la langue des illettrés » : un dialecte cultivé est utilisé

par les élites, tandis que les dialectes populaires10 sont employés par les gens illettrés.

Il considère que ces deux variétés peuvent manifester des écarts considérables. Or, il

accepte que la masse des gens illettrés11 arrive à comprendre la langue des instruits,

même s’ils ne sont pas capables de la reproduire. Il considère cela comme une règle

qui régit tout ensemble social utilisant la même langue. Il en conclut que le romaïque

est en réalité issu d'une telle catégorie de dialectes, c’est-à-dire de certaines variétés

parlées d'un grec populaire fortement antique. Les variétés populaires, d'où le

romaïque est issu, ont coexisté avec l'attique, elles ont peut-être même précédé ce

dernier. L'attique que l'on connaît aujourd'hui n'était que la langue des classes

cultivées d'Athènes et non pas celle de toute la population en Attique ; en d'autres

termes, elle n'était que la variété d'une élite.12 Par conséquent, dans l'interprétation de

l'évolution linguistique qu'il avance, Clyde met l'accent sur la répartition des variétés

du grec dans l'espace social (peuple - élites) et considère cette évolution en partant de

deux principes : chacune de ces variétés a ses propres qualités internes, elles évoluent

parallèlement, tout en ayant un rapport particulier.

Cette conception qui constitue le point de vue de nombreux hellénistes attribue

en effet une « certification scientifique » à la thèse du caractère à la fois antique et

hellénique du grec dialectal. Pour ce qui est donc de l'étude du grec, outre le fait que

l'approche éolodorienne ouvre la voie à une démarche comparatiste, elle fournit

également une sorte de revêtement scientifique au récit des origines de celui-ci. En

même temps, d'après les postulats de cette théorie, il devient évident que le grec

dialectal accéderait difficilement au niveau de la langue cultivée et il aurait peu de

9 J. Clyde, Romaic and Modern Greek. Compared with one another and with Ancient Greek, Édimbourg, 1854., p. 26.

10 D'après ses propos, « the ruder forms of speech », ibid., p. 27.11 « The masses », ibid., p. 27.12 Ibid., p. 29.

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chance d’être instauré comme langue nationale. Au contraire, ce qui lui est réservé,

c'est un certain rôle dans le processus de fixation de la langue cultivée et future

langue de tous les Grecs.

3. Le récit de l'évolution du grec dans la conjoncture de la seconde moitié du siècle

En effet, la vague de la lexicographie dialectale qui se déclenche dans les

années 1850 et qui deviendra une composante essentielle de la laographie mettra

l'accent sur l'origine éolodorienne des vernaculaires. Le modèle éolodorien

constituera pendant toutes ces décennies un terrain fécond qui fera fermenter les

prémisses des travaux dialectologiques et qui légitimera une vision précise de la

réforme de la langue en l'enveloppant de l'habit scientifique. De son côté, la

lexicographie dialectale arrive à dégager une autre image des vernaculaires et de leur

histoire, qui supplante progressivement celle d'une langue corrompue et gréco-

barbare, un stéréotype qui a persisté pendant plusieurs siècles. En faisant le tri entre

les parlers qui sont jugés « dignes d'étude », la lexicographie dialectale va opérer des

« fouilles », afin de mettre en lumière les « trésors antiques » et d'attribuer des

certificats d'une « origine hautement antique » à travers l'établissement de

généalogies remontant parfois à des langues disparues ou hypothétiques.13 Ainsi, dans

la seconde moitié du siècle, les puristes parviennent à « abolir » la séparation entre le

grec ancien et les vernaculaires modernes. Les « dialectes populaires » se font une

place aux côtés de la katharevousa et deviennent témoins de « l'unité » de la langue et

de la « continuité ininterrompue » du grec ancien. La réhabilitation des vernaculaires

répond en effet au besoin de la refonte de l'identité et de l'histoire des couches

populaires rurales, dans une conjoncture historique particulière. La première vague

dialectologique se déclenche vers la fin des années 1850, c'est à dire au moment où le

Royaume grec voit ses revendications irrédentistes anéantis, à la sortie de la guerre de

Crimée.

13 Sur le déclenchement de la lexicographie dialectale et son poids sur la nouvelle image des vernaculaires, voir P. Diatsentos, La question de la langue dans les milieux des savants grecs au XIXe siecle : projets linguistiques et reformes, thèse de 3e cycle, E.H.E.S.S., Paris 2009, p. 127-184.

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La guerre de Crimée joue en effet un rôle déterminant dans le déclenchement

de la lexicographie dialectale, pendant ces années.14 Rappelons qu'à ce moment-là, le

nationalisme grec est en quête d'appuis idéologiques face aux revendications bulgares

qui émergent, étant appuyées, en outre, par l'Empire russe. Ainsi, les doutes qui

planent, dans le milieu des érudits européens avant 1853, sur l'origine ethnique des

populations du sud de la péninsule,15 se transforment pour les Grecs en réel danger,

dans le nouveau contexte politique. L'argument historique « de populations slaves,

grécisées pendant le Moyen Age », sortant du domaine du débat académique et

dépassant le cercle des érudits, devient un argument potentiel qui légitime les thèses

politiques des nationalismes concurrents dans la nouvelle conjoncture. Au moment

même où les revendications grecques d'annexion de territoires sont rejetées par la

France et la Grande-Bretagne, et où les nationalismes slaves trouvent l'appui politique

russe, la refondation d'une identité hellénique pour les couches populaires devient à la

fois une urgence et une responsabilité collective de l'ensemble des personnes

instruites. C'est dans ce cadre que se dégage nettement l'enjeu politique de l'étude des

dialectes et de leur origine, et qu'au même moment, la langue devient un argument

stratégique dans le processus d'unification de l'espace national et dans la

légitimation des objectifs politiques du nationalisme grec. Pendant ces années, se

manifeste donc le besoin d'apporter les preuves de la continuité historique des

vernaculaires, méprisés jusqu'alors. Cette continuité est certes un fait incontestable

pour la linguistique d'aujourd'hui, mais au fil de ces années là, elle sera bâtie sur un

terrain qui est destiné à accueillir avant tout les aspirations du projet national grec.

Suite à cet événement majeur se consolide la cible de la réforme de la langue et

se cristallise un projet qui désigne la réforme comme une condition indispensable

pour l'accomplissement des objectifs nationaux. Dans la mesure où le projet national

14 En ce qui concerne l'importance de cet événement et notamment son impact dans le déclenchement de la lexicographie dialectale, voir P. Diatsentos, ibid., p. 65-72 et 146-151.

15 Il s'agit certes des publications de J. F. Fallmerayer qui font bruit dans les milieux grecs dans les années 1840, mais aussi des témoignages qui datent même des décennies précedentes. A propos de l'image des vernaculaires chez les lettrés occidentaux jusqu'à l'aube du XIXe siècle, voir Giakovaki N., « H Eυρωπαϊκη Συνάντηση µε την Kαθοµιλουµένη : οι Περιηγητές », in A. F. Christidis (éd.), Iστορία της ελληνικής γλώσσας από τις αρχές ως την ύστερη αρχαιότητα, Thessalonique 2001, p. 942-946.

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ne semble pas avancer avec des moyens militaires, la diffusion de la langue et des

lettres helléniques en vue d'une « conquête culturelle » des Balkans devient un

objectif stratégique pour les élites grecques. C'est dans ce cadre que l'on forge

pendant ces années l'idée de la « mission civilisatrice de l'hellénisme ». Les

conditions nécessaires sont d'une part la multiplication des écoles et des associations

culturelles grecques dans les Balkans et d'autre part le rapprochement de la

katharevousa d'un modèle archaïque. En même temps, la mission du grec en Orient

est fondée sur un ensemble d'arguments historicistes portant sur la nature du grec et

sur son rôle dans l'histoire.

Ainsi, à travers les textes des initiateurs de ce projet (notamment de M.

Renieris en 185516 et I. Vasiadis en 1862 et 186917) le grec ancien se voit comme une

langue vivante qui a conservé un génie inaltéré au fil des siècles. Cette thèse implique

qu'il n'a pas suivi le sort du latin, et qu'il n'a pas donné naissance à d'autres langues.

Par conséquent, le grec moderne (savant ou vernaculaire) n'est pas une langue

distincte de l'ancien, mais une nouvelle phase de celui ci. Ainsi, on voit naître le

postulat de l'inséparabilité du grec et de son unicité par rapport aux autres langues,

unicité qui est due avant tout à sa nature. Dans le cadre d'une vision organiciste de la

langue, on attribue au grec un ensemble de qualités essentielles et inaliénables dans le

temps. Ici encore, nous pouvons déceler l'influence de certains linguistes ou

hellénistes tels que Humboldt ou d'Eichtal, sur la pensée de nos auteurs.

Appuyé sur les écrits de Humboldt, Vasiadis soutient que le grec occupe une

place supérieure dans la hiérarchie des langues, car il contient cette sorte d'énergie

qui stimule l'esprit de manière à ce qu'il puisse considérer les choses dans leurs

16 Renieris M., « De l'impopularité de la cause grecque en Occident » in Spectateur de l’Orient, 35-36, 1855, p. 342-360.

17 I. Vasiadis, Προκήρυξις, Constantinople, 1862 et Discours du Président de la Société Littéraire Hellénique de Constantinople M. Hiroclis Basiadis. Il s'agit d'un discours que Vasiadis prononce au Syllogue Littéraire Hellénique de Constantinople le 16 mai 1869. Ce discours paraît dans l'Annuaire de l'Association pour l'Encouragement des Études Grecques, (I. Vasiadis, « Discours du Président de la Société Littéraire Hellénique de Constantinople M. Hiroclis Basiadis, prononcé le 4/16 mai 1869 » in Annuaire de l'Association pour l'Encouragement des Études Grecques en France, 4, 1870, p. 150-183), puis il est réédité (publication bilingue, grec et français) dans le livre de d'Eichtal, De la réforme progressive et de l'état actuel de la langue grecque, Paris, 1870. Les extraits que nous avons employé ici sont tirés de la publication de d'Eichtal.

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relations plutôt que les choses elles-mêmes.18 En outre, Renieris, suivant G. d'Eichtal

et le courant des hellénistes, considérera le grec comme une langue comportant une

série de qualités inaliénables dont une vitalité primitive, une plasticité parfaite, un

caractère logique et une euphonie notable.19 Le fait que les deux hommes de lettres

publient conjointement, nous indique qu’ils partagent le même point de vue quant à

l’histoire du grec et quant à son rôle dans le monde. En réalité, d'Eichtal reprend et

complète l’argumentation que Renieris développe neuf ans auparavant, afin de fonder

sa thèse sur l'universalité du grec. Son aspiration à faire du grec une langue

internationale est fondée sur fait qu'il le considère comme une langue qui, par sa

nature et son parcours à travers l'histoire est prédestinée à accomplir cette mission.

Dans son article, il tâche de déterminer les spécificités du grec, qui, en dernière

instance, le rendent unique face à d’autres langues qui pourraient prétendre à la même

place. Ces spécificités sont d’une part un ensemble des qualités internes et d’autre

part sa place unique dans l'histoire de la civilisation universelle, ce qui constitue en

effet la preuve de ses qualités.

Dans le cadre de cette vision organiciste de la langue et sous l'emprise de

certains concepts des philosophes allemands,20 l'érudition grecque reste fortement

ancrée sur le concept du génie de la langue, ce qui l'empêche de percevoir l’évolution

du grec comme un produit de l’histoire : une fois l’idée du génie du grec antique

18 I. Vasiadis, « Discours », in G. d'Eichtal, De la réforme progressive ..., op.cit., p. 53. Cette image du grec constitue une sorte d’héritage qui s’est bâti peu à peu dans les générations précédentes d'hellénistes. L'apport de Humboldt est néamoins important dans la mesure où ses ouvrages semblent être connus, au moins par les savants grecs de Constantinople. D'après J. Quillien, « Humboldt présente la langue comme un vestige important dans l'ensemble des vestiges littéraires que nous a laissés la Grèce. [...] Ce qui ressort de l'exposé de 1793 [Uber das studium], c'est la quasi-perfection du grec, qui tient à sa pureté (peu d'emprunts sur le plan lexical, à des langues étrangères, aucun sur le plan morphologique et syntaxique), à son harmonie avec le caractère des locuteurs, à quoi s'ajoute une unité remarquable entre une abondance en métaphores (témoignage d'une riche imagination) et, pourtant, l'aptitude à dire des concepts abstraits et universels (preuve d'un entendement sain) » (J. Quillien, G. de Humboldt et la Grèce. Modèle et histoire, Lille, 1983, p. 75).

19 G. d'Eichtal, De l’usage pratique de la langue Grecque, Paris, 1864, p. 6-7. Notons que les deux hommes collaborent étroitement dans les années 1860. Le fruit de leur collaboration sera entre autres la publication de la brochure susmentionnée qui comprendra également un extrait de l’article de Renieris dont nous avons parlé plus haut (M. Renieris, « De l’impopularité… » art.cit.), ainsi qu’un commentaire de d’Eichtal, intitulé « Note » (p. 21-24).

20 Notamment de Herder et de ses épigones.

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forgée dans la littérature linguistique et philologique occidentale, les lettrés grecs la

reprennent aisément à leur compte. Or, en présentant ce génie comme une qualité

organique, on parvient à « neutraliser », ou même à supprimer de l'analyse les

facteurs historiques et sociaux. En d'autres termes, « le génie du grec ancien » n'est

pas considéré comme le produit historique d'une société donnée de l'Antiquité, mais

comme un trait diachronique.

Ainsi, le rythme d'évolution du grec est imputé à une série des facteurs qui se

rapportent à sa nature, ce qui forge au fil des années le stéréotype du caractère

conservateur du grec. D'autre part, le génie du grec sera considéré être à l'origine du

mouvement de la Renaissance. D'après Renieris ou Vasiadis, le redressement de

l'Occident a eu lieu grâce à son contact avec l'esprit antique et par le moyen de la

langue grecque.21 Le développement des lettres et des sciences en Occident, depuis la

Renaissance, est le résultat du contact avec l'esprit antique, qui, par le biais des lettres

et de la langue antique, a favorisé l’éclosion de la production intellectuelle aux XVIe

et XVIIe siècles. D'après cette conception du grec et de son évolution, la nation

grecque a donc une mission a accomplir au delà de ses frontières et la langue est

l'instrument nécessaire à l'accomplissement de cette mission.

L'historiographie grecque de la seconde moitié du siècle donnera, de son côté,

d'appuis supplémentaires, consolidant un récit de l'évolution du grec conforme aux

attentes nationales. S. Zampelios et C. Paparrigopoulos œuvrent pendant ces années,

pour l’appropriation et l’hellénisation du passé de l’Empire byzantin. Ils mettent en

avant la suprématie grecque à tous les niveaux, pendant l’ère byzantine et le rôle

hégémonique des Grecs, malgré les apparences d’un vernis romain, en réussissant, en

dernière instance à faire entrer l'histoire byzantine dans l’histoire de la nation

grecque. D'autre part, dans son oeuvre historiographique, Paparrigopoulos réserve

une place particulière à la langue. Le grec, qui est d'après ses propos « le témoin de la

survie de notre la civilisation » à travers les millénaires, est défini comme la loi

immuable de l’histoire nationale.22 Il considère que la langue constitue une qualité

21 M. Renieris, « De l'impopularité ... » op.cit. et I. Vasiadis, « Discours... » op. cit. 22 C’est l’une de deux lois immuables de l’histoire nationale, l’autre étant la patrie (la terre des

ancêtres). D’après lui, il en existe d’autres, qui sont néanmoins des lois subissant des mutations

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particulière de la nation étant donné qu’elle a assuré sa survie à travers un passé agité

et c’est uniquement à travers elle qu’on sera capable « d’accomplir notre futur

mandat civilisateur ».23 Le grec vernaculaire de l’époque byzantine, ne pourrait donc

pas avoir subi le même sort que les autres langues qui ont disparu avec les peuples

qui les parlaient. Le postulat d'un grec ancien vivant et inaltéré dans son essentiel

devient un des piliers dans la construction de l'histoire du grec.

D'autre part, le fait de considérer le grec ancien comme une langue morte, tout

comme le latin, aurait de sérieuses répercussions sur l’interprétation de la continuité

historique de la nation. Ce qui embarrasse en réalité les érudits, c’est le rapport entre

l'Empire Romain et les nations de l'Europe moderne, ou plutôt avec les peuples

modernes parlant les langues romanes, issus des migrations qui ont eu lieu depuis la

fin de l'Antiquité. Ces migrations ont en effet conduit à la destruction tant de

l’Empire que de sa langue. Les Français, les Italiens ou les Espagnols sont considérés

comme le fruit du contact entre les anciens peuples de l’Empire Romain et « les

barbares », et il est sous-entendu que ces derniers ont, en fin du compte, envahi,

dominé sa partie occidentale et éliminé la langue et la civilisation des anciens

habitants. Cela présuppose aussi que les peuples d’Europe ont été coupés de leur

passé antique. L’histoire des langues romanes implique une vision de l’histoire

politique qui a un sens bien précis chez les savants grecs : le latin a disparu car la

civilisation romaine a été écrasée et anéantie sous le poids des invasions barbares.

Or, toute ressemblance du Moyen Age occidental avec Byzance24 pourrait

entraîner des répercussions sur la conception de l'histoire nationale grecque.

Admettre que le grec ancien est une langue morte impliquerait une interprétation

incompatible avec le sens que les savants grecs essaient d’attribuer à l’évolution

historique grecque. Le fait de nier l'inséparabilité du grec et le caractère singulier de

la langue dissocierait ses locuteurs, en l’occurrence l’ensemble national grec, de leurs

dans l’histoire (Voir C. Paparrigopoulos, “ Ποίον το εκ της Iστορίας όφελος και πώς δέον να σπουδάζοµεν αυτήν », in K. Th. Dimaras, K. Παπαρρηγόπουλος [C. Paparrigopoulos], Athènes, 1986 (1ère 1872), p. 270-271).

23 Ibid., p. 271.24 Les éventuelles ressemblances concernent notamrnent les questions des colonisations slaves et

albanaises au sud de la péninsule balkanique pendant cette époque.

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aïeuls, ce qui aurait comme résultat qu'en définitive l’identité nationale serait

dépourvue du contenu que les savants forgent pendant ces années. La thèse que le

grec ancien, tout comme le latin, est une langue morte impliquerait alors la

prépondérance des facteurs socio-historiques, elle réfuterait la force assimilatrice de

la nation et sous-entendrait que le brassage ethnique et culturel pendant le Moyen âge

était semblable, aussi bien à l'ouest qu’à l'est de l’Europe, ce qui, en dernière

instance, remettrait en question la survie du génie antique. C'est dans cet état d'esprit

que les érudits grecs essayent de démontrer, par tous les moyens, la divergence entre

les deux cas, en tentant de dégager les éventuelles différences entre l'évolution

historique du grec moderne et celle des langues romanes. Cet arsenal théorique qui

est mis en oeuvre pour expliquer l'histoire de la nation et de sa langue sert également

à fonder un projet politique qui se dessine dans les années 1855-1870.

Au fil des décennies alors, le grec moderne se débarrasse du mythe de la

décadence et de la dégénérescence, pour bâtir la fable de l’unité inaltérable et

inaliénable.25 À travers ce récit de l’histoire du grec, devenu la langue de la nation

grecque, nous constatons alors l'unification de la langue du XIXe siècle avec les

origines de la langue hellénique. Dans ce même récit, on rattache aussi bien la

katharevousa que les « dialectes populaires » du XIXe à la langue hellénique pour

attribuer un sens précis à l’identité du grec moderne et de ses locuteurs. Il s’agit, en

effet, d’une nouvelle conception de l’histoire et de l’évolution du grec, allant de pair

avec les prémisses et le récit de l’histoire nationale qui se forge pendant ces mêmes

décennies. La construction donc de nouvelles identités collectives, d'une histoire qui

se veut nationale et la mise en place des objectifs du nationalisme grec affectent les

premières tentatives d'interpréter l'évolution de la langue grecque. 25 Pendant cette période se posent en effet les fondements pour l'étude du grec moderne et du grec

d'une façon plus générale. Le cadre idéologique qui se forme et les postulats qui se cristalisent créent un contexte intellectuel au sein duquel se dévéloppent, à partir du nouveau siècle, les efforts d'étudier l'histoire du grec (moderne) de manière systématique. Nottons que la façon particulière d'aborder l'histoire de la langue en Grèce au XXe siècle est parfois tributaire de contexte. Les particularités dans l'approche de l'histoire du grec ont été brillament analysées dans l'article de Ch. Karvounis, «Ιστορία της ελληνικής γλώσσας: συγκρίσεις, απολογισµός και προοπτικές µε γνώµονα τη νέα ελληνική», in Studies in Greek Linguistics 30, Thessaloniki 2010, 303-313.

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