CHIARADONNA: CAUSALITÉ ET HIÉRARCHIE MÉTAPHYSIQUE DANS LE NÉOPLATONISME: PLOTIN, PORPHYRE,...

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χώρα • REAM, 12, 2014, pp. 67‑85 CAUSALITÉ ET HIÉRARCHIE MÉTAPHYSIQUE DANS LE NÉOPLATONISME : PLOTIN, PORPHYRE, JAMBLIQUE Riccardo Chiaradonna (Università degli Studi Roma Tre) Abstract. The first part of this article focuses on Plotinus’ account of demiurgic causation in treatise VI, 7 [38]. Plotinus’ position is based on two assumptions : 1) the sensible cosmos is rationally ordered and its order depends on an intelligible prior cause ; 2) this order does not reflect any rational design on the part of the cause, since the cause has no reasoning or calculation in it. This view is spelled out against the background of Plotinus’ gradualist metaphysics (theory of the “double activity”) and with respect to Plotinus’ philosophical sources (Plato’s Timaeus and Aristotle’s Metaphysics). The second part of the article focuses on Porphyry, on the anonymous commentary on Plato’s Parmenides and on Iamblichus. Unlike Plotinus, Porphyry has no hesitation in employing concepts drawn from Aristotle’s logic as a resource for expressing his metaphysical theories. This approach can interestingly be set in parallel with that of the anonymous commentary to Plato’s Parmenides assigned to Porphyry by Pierre Hadot (see In Parm., XI, 5‑19). A hitherto unnoticed parallel between these lines and Porphyry’s view on the divine hierarchy criticised in Iamblichus’ Response to Porphyry (I, 4, p. 7, 21‑11, 4, Saffrey – Segonds) provides a new argument in support of Porphyry’s authorship of the Parmenides commentary. 1. Plotin Plotin associe très étroitement la doctrine des causes à sa théorie des êtres intelligibles 1 . Au sommet de sa hiérarchie métaphysique, on trouve l’Un, 1. Dans cette section, je reprends (avec quelques changements) l’article suivant : R. Chiaradonna, «Intelligibles as Causes in Plotinus’ Metaphysics : Enn. VI.7 (38)», in C. Natali (ed.), C. Viano (ed.), Aitia II : avec ou sans Aristote. Le débat sur les causes à l’âge hellénistique et impérial, Leuven, Peeters, 2014, pp. 185‑213.

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Néoplatonisme: Plotin, Porphyre, Jamblique

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REAM, 12, 2014, pp. 6785CAUSALIT ET HIRARCHIE MTAPHYSIQUE DANS LE NOPLATONISME : PLOTIN, PORPHYRE, JAMBLIQUERiccardo Chiaradonna (Universit degli Studi Roma Tre)Abstract. The first part of this article focuses on Plotinus account of demiurgic causation in treatise VI, 7 [38]. Plotinus position is based on two assumptions : 1) the sensible cosmos is rationally ordered and its order depends on an intelligible prior cause ; 2) this order does not reflect any rational design on the part of the cause, since the cause has no reasoning or calculation in it. This view is spelled outagainstthebackgroundofPlotinusgradualistmetaphysics(theoryofthe doubleactivity)andwithrespecttoPlotinusphilosophicalsources(Platos Timaeus and Aristotles Metaphysics). The second part of the article focuses on Porphyry, on the anonymous commentary on Platos Parmenides and on Iamblichus. Unlike Plotinus, Porphyry has no hesitation in employing concepts drawn from Aristotles logic as a resource for expressing his metaphysical theories. This approach caninterestinglybesetinparallelwiththatoftheanonymouscommentaryto Platos Parmenides assigned to Porphyry by Pierre Hadot (see In Parm., XI, 519). AhithertounnoticedparallelbetweentheselinesandPorphyrysviewonthe divinehierarchycriticisedinIamblichusResponsetoPorphyry(I,4,p.7, 2111, 4, Saffrey Segonds) provides a new argument in support of Porphyrys authorship of the Parmenides commentary.1.PlotinPlotin associe trs troitement la doctrine des causes sa thorie des tres intelligibles1.Ausommetdesahirarchiemtaphysique,ontrouvelUn, 1.Danscettesection,jereprends(avecquelqueschangements)larticlesuivant : R.Chiaradonna, Intelligibles as Causes in Plotinus Metaphysics : Enn. VI.7 (38), in C. Natali (ed.), C. Viano (ed.), Aitia II : avec ou sans Aristote. Le dbat sur les causes lge hellnistique et imprial, Leuven, Peeters, 2014, pp. 185-213.RICCARDO CHIARADONNA 68totalement simple et au-dessus de ltre et de la pense. On pourrait penser quePlotinregardelUncommelacausepremire,cequepourraitaussi suggrersadoctrineclbreselonlaquellelUnestlapuissancedetoutes choses ( : III, 8 [30], 10, 1 ; voir aussi V, 4 [7], 1, 36 ; VI, 8 [39], 9, 45)2. En effet, Plotin dcrit le pouvoir de lUn selon sa doctrine de la double activit qui nest rien dautre que sa doctrine standard de la causalit (voirinfra).Cependant,Plotinhsitesurcepointetrejetteouvertement lhypothsequelonpuissedcrirelUncommeun(VI,9[9],3, 49-51), car ce terme ne fournit aucune description de lUn et se borne le qualifierparrapportnous,parcequenousavonsquelquechosedelui. Ailleurs (V, 1 [10], 8, 4), Plotin dit que lUn est le pre de la cause (cest--dire de lIntellect) plutt que la premire cause.Pour Plotin, il ny a aucune description possible de lUn, et sa description comme cause ne fait pas exception. Il est certes difficile de poser lUn comme leprincipedetouteschoses,sansquepourtantcelui-cisoitunecauseen lui-mme. Il y a cependant une raison assez simple qui rend problmatique lestatutdelUncommecause,etcelamalgrlapositiondelUncomme premier principe. Cette raison est que, pour Plotin, les causes vritables sont en elles-mmes pourvues dun contenu formel ou essentiel et cest prcisment cequileurpermetdejouerunrlecausaldanslexplicationdecequien dpend(voir VI,7[38],2-3).Or,celanestpas le cas pour lUn, car lUn nest videmment pas une sorte de super-tre ou de super-essence : lUn, au contraire,estau-dessusdeltreetdelessenceprcismentparcequilna pas dtre ni dessence. Cest pourquoi Plotin souligne que lUn, la diffrence de ltre, nest pas un genre (VI, 2 [43], 10, 22-23 ; 10, 39-42). Cette doctrine pose beaucoup de problmes et Plotin lui-mme semble parfois dire que lon peut qualifier lUn de manire positive (voir notamment le trait VI, 8 [39]). Il nest donc pas tout fait surprenant quil applique parfois le terme aition lUn(voirVI,7[38],25,24).EnVI,8[39],18,PlotinprsentelUn comme cause de lui-mme (VI, 8 [39], 18, 49) et de lIntellect (voir VI, 8 [39],18,38 :,c--d.).Cependant,il narrive jamais la conclusion que lon peut regarder lUn comme une sorte dessence ou de ralit (et le trait VI, 8 [39] ne fait pas exception)3. Cest 2.VoirladiscussiondansG.Aubry,Dieusanslapuissance.Dunamisetenergeia chez Aristote et chez Plotin, Paris, Vrin, 2006, pp. 211-286.3.Voir sur ces points L. Lavaud, Dune mtaphysique lautre. Figures de laltrit danslaphilosophiedePlotin,Paris,Vrin,2008,pp.226-228.SurVI,8[39],onse rapportera au commentaire de L. Lavaud, Plotin : Trait 39 (VI, 8), in Plotin. Traits 3841, traductions sous la direction de L. Brisson et J.-F. Pradeau, Paris, GF Flammarion, 2007, pp. 173-326. Les prcisions de Lavaud sur les limites de la discussion positive de lUn en VI, 8 [39] sont tout fait convaincantes : voir L. Lavaud, Plotin : Trait 39 (VI, 8), op. cit., pp. 184-188.CAUSALIT ET HIRARCHIE MTAPHYSIQUE... 69pourquoi on ne peut pas dire que lUn est une cause pour le moins : on ne peut pas le dire sans fournir des prcisions supplmentaires.La thorie plotinienne de la causalit se trouve formule dans une section clbre du trait VI, 7 [38]. Comme cest trs souvent le cas, Plotin dveloppe ici une doctrine typique de Platon, doctrine selon laquelle les ides sont les causes vritables (voir Phdon 100 a). Mais, linterprtation que Plotin donne de Platon est trs originale et influence par sa lecture dAristote. Le trait VI,7[38]souvreparunesectionexgtiqueconsacreauTime.Plotin aborde la manire dont Platon dcrit la production du cosmos et du corps humain.Or,letextedePlatonposeunproblmepourPlotin,carPlaton prsente lactivit du dmiurge comme impliquant le raisonnement discursif et la dlibration ( : voir Tim. 30b 4 ; 33a 6 ; 34b 1). Plotin quant luiniequeleDieuproduiselecosmosdecettemanire,etdoncdune manire identique celle dun artisan humain.Ilfautdabordsoulignerque,danscettesection,Dieucorrespond lIntellectdivinplotinienetdoncausecondprincipedanssahirarchie mtaphysique o les actes de pense sont identiques aux Formes intelligibles. Ici, comme ailleurs dans le corpus (voir notamment les traits VI, 4-5 [22-23]), Plotin nglige les degrs intermdiaires entre lIntellect et le monde sensible et prsente une version simplifie de sa hirarchie mtaphysique, une version toute centre sur la distinction entre le niveau intelligible et causal dune part, et le niveau sensible dautre part. Sa position se fonde sur deux ides gnrales :1)Le monde sensible est pourvu dun ordre rationnel qui dpend de lactivit dune cause intelligible, antcdente dans lordre du rel.2)Cet ordre ne dpend pas dun plan ou dune dlibration de la part de la cause.Plotin, donc, rejette ce quon appelle dans les dbats actuels intelligent design theology, tout en affirmant que le monde a une structure ordonne qui est leffet dune cause suprieure.Cettepositionjoue,eneffet,unrletrsimportantdanslapolmique de Plotin contre les gnostiques, auxquels Plotin reproche justement davoir dvelopp une cosmologie grossirement anthropomorphique : ils conoivent lacausalitdmiurgiquecommeunactecontingentetarbitraire,etne rendent donc pas compte de la nature vritable des principes intelligibles (cf. II, 9 [22] 6, 10-28 ; V, 8 [31], 7, 1-17). Il est cependant erron de regarder la polmique contre les gnostiques comme la seule raison pour laquelle Plotin conoit le Dieu intelligible comme dpourvu de logismos4. Le sujet mriterait 4.Une telle interprtation a rcemment t propose par J.-M. Narbonne, Plotinus in Dialogue with the Gnostics, Leiden/Boston, Brill, pp. 118-119. Pour une critique, voir R. Chiaradonna, Plotinus account of demiurgic causation and its philosophical background, RICCARDO CHIARADONNA 70une discussion approfondie quil est impossible de dvelopper ici. Il suffira derappelerquecettethse(savoir,lidequeledmiurgeagitselonune dlibration)ntaitnullementunpatrimoineexclusifdesgnostiques,et quenoutreellenestpasessentiellementlieladoctrinedundmiurge mauvais que Plotin leur reproche. On la retrouve, en effet, un peu partout danslatraditionduMdio-platonisme(parexemplechezAtticusetchez Galien) et cela na rien de surprenant, car, aprs tout, il suffit de prendre le Time au pied de la lettre pour parvenir de telles conclusions5. Par ailleurs, avantPlotin,AlexandredAphrodiseavaitdjsoumiscettelecturedela causalitdmiurgiqueunecritiqueapprofondie(voirnotammentson ouvrageSurlaprovidencetransmisendeuxversionsarabes)etonpourrait montrer que la position de Plotin est troitement lie celle dAlexandre6.Pour Plotin, en effet, la dlibration et le raisonnement infrentiel () sont typiques de lme individuelle et descendue dans un corps, dont lactivit cognitive est dirige vers le monde sensible7. Cest pourquoi Plotin vise, pour ainsi dire, neutraliser la position de Platon, qui (si lon prend ses mots la lettre) parat suggrer que laction causale de Dieu ( savoir du Dieu intelligible) se fonde sur une sorte de calcul providentiel. La solution de Plotin est aussi simplequeradicale,carillitlesmotsdePlatoncommeunemtaphore suggrant que notre monde sensible est ordonn comme sil tait produit par un artisan prvoyant pourvu de raisonnement ( ; : VI, 7 [38], 1, 29-32). Ce qui arrive dans la ralit est, cependant, diffrent, car la drivationimposequelastructuredumondeintelligiblesetraduise,pour ainsi dire, comme un plan rationnel au niveau du sensible (VI, 7 [38], 1, 25), mais cela nimplique aucune dlibration.Enbref,Plotinremplacelaconceptionartisanaledelacausalitdivine parladoctrineselonlaquellenotremondenestriendautrequuneimage moindre qui dploie dans lextension ce qui existe tout ensemble au niveau inA.Marmodoro(ed.),B.Prince(ed.),CausationandCreationinLateAntiquity, Cambridge,CambridgeUniversityPress,2015,pp.31-50.Ontrouveraunexcellent aperudescritiquesadressesparPlotinauxgnostiquesenII,9[33]dansD.Burns, Apocalypse of the Alien God : Platonism and the Exile of Sethian Gnosticism, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2014, pp. 32-47.5.Voir Atticus, fr. 3 et 4, d. . des Places ; Galien, De usu partium III, p. 507, d. Khn ; voir aussi Alcinoos,Didaskalikos XII, p. 167, 13-15, d. Whittaker/Louis, avec les parallles en J. Whittaker, Alcinoos : enseignement des doctrines de Platon, introduction, texte tabli et comment par J. Whittaker, traduit par P. Louis, Paris, Les Belles Lettres, 1990, p. 110 n. 224.6.VoirAlexandredAphrodise,Deprovidentia,p.79,d.Ruland ;InMetaph., p.104, 3-10, d. Hayduck. Pour plus de dtails, voir R. Chiaradonna, Plotinus account, op. cit.7.VoirF.Karfik,Lmelogosdelintellectetlelogismosdelme.Aproposdes Ennades V, 1 [10] et IV, 3 [27], Chra, 9-10 (2011-2012), pp. 67-80.CAUSALIT ET HIRARCHIE MTAPHYSIQUE... 71intelligible. Cette drivation nimplique ni dlibration ni prvoyance de la part de Dieu, car ce qui drive du Dieu intelligible en dcoule de manire enquelquesorteautomatique.Delasorte,lecontenuessentielquiexiste, sur le plan intelligible, sans succession et sans aucune dficience, se trouve partag et vient lexistence sur le plan du monde corporel pourvu dextension. Cest dans ce contexte que Plotin fait mention de la notion de cause, la fin du chapitre VI, 7 [38], 1 :Donc tout tait dj l, tout tait toujours et tout tait de telle manire que plus tard on pourrait dire : ceci aprs cela. Car cest seulement aprs que tout a t dvelopp et dpli quil est possible de montrer le cela aprs ceci, mais le tout lui-mme, tant quil reste simultan, nest quun cela, ce qui veut dire donc que cetoutaenlui-mmejusqusapropreraisondtre.(VI,7[38],1,54-57, trad. P. Hadot modifie)8Ceslignes,dontonvientdeciterlatraductiondeP.Hadotavecdes changements minimes, posent certains problmes textuels et de traduction sur lesquels nous ne pouvons nous attarder ici9. Quoi quil en soit, il suffit de noter que la notion de cause () apparat la fin, l o Plotin dit que lIntellect a en lui-mme sa propre raison dtre. Cest la manire plotinienne de traduire, dans son systme philosophique, la doctrine platonicienne des Ides comme causes.Si cela est vrai, il faut aborder deux questions. Dabord, comment Plotin regarde-t-il la drivation, si ce processus nest pas comparable la production artisanale ? A larrire-plan de cette question il y a, en effet, une autre question qui vise ce quon appelle usuellement la doctrine plotinienne de la double activit. Ses dtails sont ouverts au dbat, mais le noyau de cette doctrine est assez clair et pose que les causes relles agissent sans subir aucune affection, en vertu de leur essence (cest la premire energeia, savoir lacte interne qui constitue 8. , , . Pour le texte grec, nous suivons Plotiniopera,P.Henry(d.),H.-R.Schwyzer(d.),3vol.,Oxford,ClarendonPress, 1964-1982 (editio minor).9.VoirPlotin,Trait38,introduction,traduction,commentaireetnotesparP. Hadot, Paris, Cerf, 1988, p. 87 et n. 19, et F. Fronterotta,Plotin, Trait 38 (VI, 7), in Plotin. Traits 3841, traductions sous la direction de L. Brisson et J.-F. Pradeau, Paris, GF Flammarion, 2007, pp. 15-171, p. 113 n. 14 et 15. Nous retenons, la diffrence de Hadot, avec les mss. la ligne VI, 7 [38], 1, 55, sans suivre ici la leon transmise par Philopon, qui cite ce passage dans De Aeternitate Mundi, p. 39, 14-18, d. Rabe().NousnousrangeonsdonclasolutionadopteparHenryet Schwyzermaioretminor,quisuiventlesmss.contrePhiloponenVI,7[38],1,55,et Philopon contre les mss. en VI, 7 [38], 1, 56 en lisant et non .RICCARDO CHIARADONNA 72leur nature). Selon la premire activit, les causes relles sont ce quelles sont et demeurent en elles-mmes (cf. Platon, Tim., 42e 5). Cependant, un acte extrieur (la seconde energeia) dcoule de leur essence en vertu de leur nature mme,commeunesortedeproduitsecondaire(byproduct),sansquecela implique une transformation ou une diminution de leur part10. Lacte secondaire ne peut jamais tre spar de son origine et il est une image, alors que le premier acte a le statut dun paradigme. Plotin exprime ces caractres de la causalit par ses mtaphores rcurrentes du feu dont mane la chaleur dans lenvironnement et de la diffusion de la lumire. Dans une discussion rcente, Emilsson a ainsi synthtis les caractres de cette doctrine. 1) La double activit est prsente touslesniveauxdelahirarchie,delUnauniveaudesformessensibles (jajouterais,cependant,quesonapplicationlUnposedesproblmes supplmentaires, car comment on peut dterminer lenergeia premire propre de lUn nest pas du tout clair : voir I, 7 [54], 1, 15-20). 2) Lacte interne et lacte extrieur sont regards comme, respecti vement, un paradigme et son image.3)Lacteinterneetlacteextrieursontdcritspardesmtaphores qui renvoient lmanation. 4) Lacte extrieur dpend constamment de lacte interne et ne peut tre coup de lui. 5) Lacte interne est aussi une puissance11.De manire convaincante, Emilsson montre quil est difficile de dceler les sources prcises de cette doctrine, bien quil y ait plusieurs parallles avec Platon, Aristote et les stociens. Il est en revanche trs intressant de chercher pourquoi Plotin arrive concevoir la causalit de cette manire. Selon Emilsson, parsadoctrinedeladrivation,Plotinviseexpliquerlaparticipationde Platondupointdevuedescausesmmesetnonpasdupointdevuedes effets (from the viewpoint of the causes themselves rather than the effects). A travers la notion dmanation, Plotin vise expliquer ce quest la participation de Platon vue den haut vers le bas : what from the viewpoint of the subordinate itemsiscalledparticipationorimitationmaybedescribedinemanative languagefromabove12.Cettehypothseestconvaincanteetparfaitement cohrente avec la manire gnrale dont Plotin aborde la doctrine des intelligibles et de leur connaissance, en soulignant quil ne faut pas concevoir ces ralits partir de ce qui leur est infrieur, mais quil faut les comprendre partir des principes adquats elles (voir VI, 5 [23], 1-2), chose possible en vertu de notre me suprieure et non descendue de lIntellect13. Dans le trait VI, 10.Plotin prsente cette doctrine dans plusieurs passages. Voir notamment V, 1 [10], 6, 28-53 ; V, 2 [11], 1, 12-18 ; V, 3 [49], 7, 3-34 ; V, 4 [7], 2, 21-27 ; V, 9 [5], 8. 11-19. Dautres allusions se trouvent souvent dans les traits.11.Voir E.K. Emilsson, Plotinus on Intellect, Oxford, Clarendon Press, 2007, p. 61.12.E.K. Emilsson, Plotinus on Intellect, op. cit., p. 67.13.Voir R. Chiaradonna, Plotino e la scienza dellessere, in T. Bnatoul, E. Maffi, F. Trabattoni (ds.), Plato, Aristotle or Both ? Dialogues between Platonism and Aristotelianism in Antiquity, Hildesheim, Olms, 2011, pp. 117-137.CAUSALIT ET HIRARCHIE MTAPHYSIQUE... 737 [38], la causalit manative est luvre quand Plotin sefforce de montrer commentlescorpsici-basdriventdeleurscausesintelligiblesparun processus de dgradation dans lequel des parties extensionnelles sengendrent au fur et mesure que la puissance des intelligibles saffaiblit dans le processus de lmanation (VI, 7 [38], 9, 38-46).Si la doctrine de la double activit rpond la difficult qui ouvre le trait VI, 7 [38] (cest--dire comment lordre ici-bas peut driver de causes suprieures sansquecelaimpliqueraisonnementetdlibrationdeleurpart),ilfaut maintenantsedemandercommentPlotinconoitlastructurecausaledes tres intelligibles. Comme on vient de le voir, la fin du chapitre VI, 7 [38], 1 (selon la divisio textus de Ficin), Plotin dit que ltre intelligible a sa cause en lui-mme. Dans le chapitre qui suit, Plotin reprend cette discussion et dveloppe sadoctrineconcernantlastructurecausaledelIntellect.Larrire-plan pripatticiendelasectionestvident,carPlotinyreprendladistinction entre le hoti et le dia ti que lon trouve dans les Seconds Analytiques II, 2, 90a 15etdansMtaphysiqueVIII,4,1044b14.Plotinappliquecesnotions lIntellect. Cest en effet dans lIntellect que le hoti et le dia ti en viennent concider,cequiimpliquequelestressontidentiquesleurscauses.De manirefortintressante,Plotinarrivecetteconclusionparlacritique adressecontreuneconceptioninadquatedelintelligible,dontlerreur principaleconsisteregarderlintelligibleenprenantcommemodlela structure des corps pour lesquels 1) les parties sont extrieures les unes aux autres ; 2) la cause est spare de la chose :Ici-bas, comme chacune des parties est spare des autres parties, il en rsulte que le pourquoi lui aussi est spar. Mais l-haut, tout est dans chacun en sorte que la chose et le pourquoi de la chose sont identiques. (VI, 7 [38], 2, 8-11, trad. P. Hadot)14Comme dit Plotin, dans notre connaissance ordinaire nous ngligeons les causes et nous concentrons sur le hoti (en somme : nous regardons la ralit sensiblefactuellesansrecherchersescausesauthentiques).Mmesinous considrons le dia ti, nous le regardons comme spar de la chose (VI, 7 [38], 2,4).Commecela,nousnousfondonssurlastructureextensionnelledes choses sensibles, sans saisir lunit des choses et de leur pourquoi, qui a lieu sur le plan de lIntellect. Pour Plotin, il est cependant fondamental de ne pas concevoir le monde intelligible sur le modle du monde physique, en repro-duisant ainsi, dans lintelligible, les aspects qui caractrisent la structure du sensible en lui-mme. Cest un point trs important que nous retrouverons, bien que de manire diffrente, chez Jamblique.14. , . , .RICCARDO CHIARADONNA 74Plotin, donc, adopte et transforme le langage aristotlicien afin dexprimer une doctrine fort diffrente, fonde sur lide que les corps nont pas de cause essentielle en eux-mmes (cest--dire que lon ne peut pas regarder lessence descorpscommeuneformehylmorphique)etqueleurscausesvritables sontplacesunniveausuprieur,htrogneparrapportauxcorps,un niveautelquelaconcidenceentreltreetsonpourquoipuisseavoirlieu. Cet argument parat, au prime abord, fallacieux. En incorporant les termes dAristote,toutenlesappliquantaumondeintelligibleetnonpasaux essences hylmorphiques, Plotin semble, en effet, se donner comme prouv ce quil devrait dmontrer dans sa discussion, savoir que lidentit entre la choseetsonpourquoinepeutpasavoirlieuauniveaudusensibleetquil faut postuler des causes essentielles intelligibles pour expliquer la structure des corps. Plotin est, en effet, fort bien conscient de cette difficult :Dailleurssouventaussi,ici-bas,lachoseetlepourquoidelachosesont identiques,commelorsquonsedemande :Questcequelclipse ?Quest-ce qui empche que, dans les autres choses aussi, chaque chose ne soit son propre pourquoi et que cela soit prcisment lessence de chaque chose ? Ou plutt cela estncessaireetceuxquisefforcentdesaisirainsilaquiddityrussissentde cette manire. Car cest prcisment ce que chacun est, qui est son pourquoi. (VI, 7 [38], 2, 11-16, trad. P. Hadot)15Ici, Plotin ne fait rien dautre que rsumer de manire fidle ( une exception prs,commenousleverronsdicipeu)ladoctrinepripatticienneselon laquelle certaines choses dici-bas sont identiques leur cause (par exemple lclipse, exemple quAristote utilise en Seconds Analytiques II, 2, 90a 14-16 pour montrer que, dans sa dfinition, on rend compte de la cause, savoir delinterpositiondelaterre).Plotinnerejettepasdemblecetteposition mais, pour ainsi dire, il la pousse lextrme pour la dpasser. Il ajoute donc que cela ne vaut pas que pour lclipse et que, mme dans dautres exemples tirs du monde sensible, la chose et son pourquoi sont identiques. Ceux qui sefforcent de saisir ainsi la quiddit ( noter lexpression aristotlicienne ) cest--dire les pripatticiens qui, on peut gloser, saisissent la quiddit en identifiant lessence et la cause y russissent de cette manire16.15., . , ; . , .16.Surceslignes,voirladiscussiondansA.Schiaparelli,EssenceandCausein PlotinusEnneadVI.7[38]2 :AnOutlineofSomeProblems,inD.Charles(d.), DefinitioninAncientPhilosophy,Oxford,ClarendonPress,2010,pp.467-492, pp.479-481.CAUSALIT ET HIRARCHIE MTAPHYSIQUE... 75Plotin rsume la position pripatticienne de manire globalement correcte, uneexceptionprs :lerlecausaldelamatiredisparat.ensuivrece rsum plotinien, on dirait que, pour les pripatticiens, la forme et lessence jouissentdunepositionexclusivedanslexplicationdescorps,sansquela matire y ait la moindre position ce qui, si lon se tient ce que dit Aristote, estvidemmentfaux.Onpeutproposerdeuxexplicationspossibles(et compatibles lune avec lautre) de cette distorsion, lune de type historique, lautredetypethorique.Dunpointdevuehistorique,ilfautnoterque Plotin avait trs probablement dans son esprit, ici comme ailleurs, une version prcise de laristotlisme, savoir celle du commentateur Alexandre dAphrodise, une version que M. Rashed a dsign juste titre comme idocentrique, car (pour sexprimer de manire un peu rapide) la doctrine de la forme et de lessence y jouent un rle central au dtriment de la matire17. Cet arrire-plan historique nempche pas de constater que Plotin expose la position pripa-tticienne de manire oriente et adapte son approche critique. En prsentant lessenceetlaformecommelaseulecausedeltrepourlescorps,Plotin prpare en effet ltape suivante de son argument, dans laquelle il dit que ce nest que la forme intelligible (et non la forme hylmorphique) qui peut avoir cette position cest--dire, la position causale que, selon Plotin, les pripa-tticiens euxmmes accordent la forme :Cequejeveuxdire,cenestpasquepourchaquechose,laFormeestla raisonde ltre de cette chose, cela est dailleurs vrai , mais cest que, si lon dploie par rapport elle-mme chaque Forme prise en elle-mme, on trouvera lintrieurdecetteFormesonpourquoi.Carcequiestinerteetsansvie18 naabsolumentpasdepourquoi,maiscequiestFormeetappartient lIntellect, dopourrait-ilrecevoirsonpourquoi ?(VI,7[38],2,16-20, trad.P. Hadot)1917.VoirM.Rashed,Essentialisme.AlexandredAphrodiseentrelogique,physiqueet cosmologie, Berlin/New York, De Gruyter, 2007. Le dossier Plotin et Alexandre dAphrodise est vaste et la bibliographie abondante. On trouvera plus de dtails dans R. Chiaradonna, Plotinus Metaphorical Reading of the Timaeus : Soul, Mathematics, Providence, in P. dHoine(d.),G.VanRiel(d.),Fate,ProvidenceandMoralResponsibilityinAncient, Medieval and Early Modern Thought. Studies in Honour of Carlos Steel, Leuven, Leuven University Press, 2014, pp. 187-210.18.Dans le passage VI, 7 [38] 2, 20, nous acceptons la correction de Theiler , correction retenue par Henry et Schwyzer. Sinon, il faudrait traduire : Ce qui est inerte, mme sil a la vie.19. , , , . , ;RICCARDO CHIARADONNA 76LapprochedePlotinestclaire.Ilapprouveunaspectdelaposition pripatticienne, savoir que, pour chaque chose, la Forme est la raison dtre decettechose(voirMtaphysiqueVII,17,1041b26).MaisPlotinnese limite pas cette conclusion. En effet, il suggre que, pour rendre compte du rle causal de la Forme, il faut passer de leidos ce quil appelle ,cest--direlaFormedanslIntellectquicontientenelle-mmeson pourquoi.Letexteestdifficile,maisonpeuttrouverdanslusageduverbe (cf. VI, 7 [38], 1, 40) une allusion la doctrine selon laquelle, danslIntellect,toutestentoutetonpourradonctrouver(etdplier), envelopp dans chaque Forme, lensemble du cosmos intelligible (et donc le pourquoi de cette Forme, cest--dire lensemble de lIntellect).En rsum, pour rendre compte de la thse aristotlicienne selon laquelle lessence est identique son pourquoi et fonder le rle causal que les pripa-tticiens eux-mmes accordent la forme, il faut concevoir la forme comme vivanteetintelligible(etdonc,commeunecauseplatonicienneselonla version plotinienne du Platonisme). Ainsi, Plotin passe de la manire aristo-tlicienne de regarder lidentit entre une chose et son pourquoi dans le monde corporel une manire diffrente de concevoir cette identit, manire qui, aux yeux de Plotin, est la seule adquate pour fonder lidentit dune chose et de son pourquoi et qui est enracine dans sa doctrine de lIntellect. En VI, 7[38],3,13-14,Plotinrsumesapositionparlaphraseennonantla cause, tu nonces tout ( ). Comme on vient de le voir,sathoriesuggreeneffetquechaquechosedansnotremondenest rien dautre que leffet (ou le dploiement un niveau moindre, extensionnel et moins vivant) de causes formelles intelligibles. Ainsi, le modle causal de la production artisanale se trouve remplac par le gradualisme. Comme corollaire de cette position, le rle causal de la matire tend disparatre.2.Porphyre et JambliqueIlestintressantdabordermaintenantlesdoctrinesdescausesetdela hirarchie mtaphysique chez Porphyre et chez Jamblique. Nous nous bornerons, cependant, prendre en compte uniquement certains points qui sont dun intrt tout particulier en regard avec ce quon vient de remarquer propos de Plotin. Dans son commentaire perdu de la Physique, Porphyre esquissait une classification des principes qui trouve des parallles prcis dans la tradition du Mdio-platonisme (et notamment dans la classification platonicienne des causes que Snque prsente dans lptre 65, 7-10). Cette classification ne fait rien dautre quincorporer les causes aristotliciennes en y ajoutant les causes distinctives de Platon, soit le principe paradigmatique ( CAUSALIT ET HIRARCHIE MTAPHYSIQUE... 77,)etlacauseinstrumentale()20.Cette approche se trouve confirme dans certains passages des Sentences et notamment danslaSentence42,danslaquellePorphyreproposeuneclassificationdes incorporels qui juxtapose des incorporels inhrents aux corps et des incorporels auto-subsistants. Quand il esquisse la liste des incorporels inhrents aux corps, Porphyre fait mention de la matire ( ) et de la forme hylmorphique ( )21. Trs probablement, dans ses commentaires aristo-tliciens, presque entirement perdus, Porphyre visait justement incorporer les doctrines logiques et physiques pripatticiennes dans le corpus doctrinal duPlatonisme.Cequenoussavonsdecescommentairessuggrequeson exgsetaitsobreetfidleauxsourcespripatticiennes22.Limportance historique de lentreprise porphyrienne est bien connue car, par ses commen-taires, lexgse dAristote en vint faire partie du curriculum noplatonicien, sansjamaisplusensortir.Cequinousintresseici,cestdemontrerla manire diffrente dont Plotin et son lve se rapportent, en tant que plato-niciens,aucorpusdAristote.ChezPlotin,ilyaunesortedecritique interne dAristote, quireprendlesconceptspripatticiensetlespousse lextrmejusqulesrenverser.Decettemanire,Plotinfaitressortirla ncessitdugradualismeplatonicienencreusantlesproblmesinternes lhylmorphismepripa tticien.LapprocheconcordistedePorphyreest semblable en apparence, mais diffrente en substance, car Porphyre ne semble avoir aucun problme incorporer lhylmorphisme dans son platonisme. Illuireconnatcertesunepositionsubordonneetsoulignequilfaut complter lesdoctrinesdAristoteenposantdesprincipessuprieurs(les 20.Apud Simplicius, In Phys., p. 10, 33-11, 4, d. Diels (= Porphyre, fr. 120, p. 122, 14-19, d. Smith). Voir J. Mansfeld, Plato, Pythagoras, Aristotle, the Peripatetics, the Stoics,andThalesandhisFollowersOnCauses(Ps.-PlutarchusPlacitaI11and Stobaeus Anthologium I 13), in J. Mansfeld (ed.), D.T. Runia (ed.), Aetiana : The Method and Intellectual Context of a Doxographer, Leiden, Brill, 2010, pp. 375-413, pp. 401-408 et, sur la doctrine de Porphyre, G. Karamanolis, Plato and Aristotle in Agreement ? Platonists onAristotlefromAntiochustoPorphyry,Oxford,ClarendonPress,2006,pp.272-277 ; A. Smith,TheSignificanceofPhysicsinPorphyry :TheProblemofBodyand Matter,in J. Wilberding (ed.), C. Horn (ed.), Neoplatonism and the Philosophy of Nature, Oxford, Oxford University Press, 2012, pp. 30-43. Sur la classification porphyrienne et sapostritdanslenoplatonismetardif,voirA.Falcon,Filosofiadellanatura,in R. Chiaradonna(d.),Filosofiatardoantica :Storiaeproblemi,Roma,Carocci,2012, pp.155-171, pp. 158-160.21.Porphyre, Sent. 42, p. 54, 7-10, d. Lamberz.22.Cetteconclusionsetrouveconfirmeparlasectiondugrandcommentaire porphyrienauxCatgoriesAdGedaliumredcouvertercemmentdanslepalimpseste dArchimde ;voirR.Chiaradonna,M.Rashed,D.Sedley,withN.Tchernetska,A Rediscovered Categories Commentary, Oxford Studies in Ancient Philosophy, 44 (2013), pp. 129-194.RICCARDO CHIARADONNA 78paradigmes). Cependant, la question de la compatibilit entre le gradualisme platonicien et lhylmorphisme pripatticien, fondamentale pour Plotin, ne se pose pas chez Porphyre.Comme nous le verrons, dans sa Rponse Porphyre, Jamblique reproche Porphyredenourriruneconfianceexcessiveenlusagedecatgories aristotliciennes, notamment de la diffrence spcifique, dans la discussion concernantlestresdivins.Untelreprochesaccordebienaveclapproche gnrale que nous venons desquisser. Chose trs intressante, on retrouve la mme position dans le commentaire anonyme du Parmnide, attribu par P. HadotPorphyre23.Lattributiondecetexteestdispute.Sanspouvoir, videmment, aborder ici un dossier aussi vaste, nous nous bornerons dire que les nombreuses objections adresses contre Hadot ne sont pas toujours dcisivesetcela,mmesicertainsargumentsdveloppsparHadotsont, sans aucun doute, critiquables24. Notamment, lhypothse selon laquelle le commentaire serait dater davant Plotin hypothse qui jouit dune certaine popularit ces dernires annes apparat comme assez mal fonde (et parfois trs mal argumente). Comme exemple de cette situation, il est intressant dediscuterbrivementcertainsargumentscontreladatationpostrieure Plotin du commentaire, arguments apports par K. Corrigan dans un article souvent regard comme un point de rfrence dans le dbat25. (1) Le commen-taireduParmnidenepeutpastrepostrieurPlotin,carlAnonymey affirme que Dieu ne reste jamais dans lignorance du futur et quil a connu les choses passes (IV, 32-34, trad. P. Hadot). Selon Corrigan, un disciple de Plotin ne pourrait pas utiliser de telles expressions, aprs la critique approfondie que Plotin adresse au modle anthropomorphique et temporel de la causalit 23.Voir P. Hadot, Porphyre et Victorinus, Paris, tudes Augustiniennes, 1968, 2 vol. Lattribution propose par Hadot a dabord t conteste par les interprtes qui regardent le commentaire comme luvre dun noplatonicien postrieur Porphyre. Voir notamment A. Linguiti, Commentarium in Platonis Parmenidem, in Corpus dei papiri filosofici greci e latini, Parte III, Commentari, Firenze, Olschki, 1995, pp. 63-202, qui donne aussi un compterendududbatprcdent.LattributionunplatonicienantrieurPlotinet prochedeNumniusatdfendueparG.Bechtle,TheAnonymousCommentaryon Platos Parmenides, Bern/Stuttgart/Wien, Haupt, 1999. Le compte rendu le plus rcent du dbat critique se trouve dans M. Chase, s.v. Porphyre : Commentaires Platon et Aristote,inR.Goulet(d.),Dictionnairedesphilosophesantiques,Vb,Paris,CNRS ditions, 2012, pp. 1349-1376.24.On trouvera plus de dtails dans R. Chiaradonna, Nota su partecipazione e atto dessere nel neoplatonismo : lanonimo Commento al Parmenide, Studia graecoarabica, 2 (2012), pp. 87-97.25.Voir K. Corrigan, Platonism and Gnosticism : The Anonymous Commentary on the Parmenides : Middle or Neoplatonic ?, in R. Majercik, J. Turner (eds.), Gnosticism and Later Platonism : Themes, Figures, and Texts, Atlanta, Society of Biblical Literature, 2000, pp. 141-177.CAUSALIT ET HIRARCHIE MTAPHYSIQUE... 79dmiurgique(voirV,8[31],7etVI,7[38],1-13)26.Cependant,dansce mme passage (IV, 35-V, 2), lAnonyme remarque que nous transportons en Dieunospropresaffections,alorsqueDieuestenlui-mmeparfaitement simple27.Bref,lAnonymeneprsentenullementladescriptionanthropo-morphiquecommeadquatepourexprimerlanaturedeDieu.Unetelle descriptionprendcommepointdedpartnosaffections,maislAnonyme est parfaitement conscient que la connaissance de Dieu nimplique aucune transition temporelle (voir V, 7-20). (2) Dans un passage bien connu, lAnonyme ditquelesecondUnparticipedupremierUn(voirXII,22-35).Selon Corrigan, cette doctrine sopposerait la thse que Syrianus et Proclus attribuent Porphyre :seulslessensiblesparticipentdesIdes,nonlesintelligibles28. Encoreunefois,ilsagitdunargumentsansfondement.LAnonyme,en effet, ne dit nullement que le second Un participe des Ides. En revanche, pour expliquer un passage difficile de Platon (Parmnide 142b 5-6 : lUn participe del),lAnonymeproposeprudemmentderegarderlepremierUn commeunanaloguedesIdes(XII,32-33 :ilestenquelquesortelIdede ltre ), duquel le second Un participerait. Voici la paraphrase que Corrigan donne de ce passage : the Second One receives beingfromtheideaofbeingwhichistheFirstOne,whichistosaythat participation in the First One is simultaneously participation in the generative idea of intellect which is the first moment of intellects own being ; and this issurelytomaketheequivalentclaimthatdeterminatebeingorbeings participate in the highest object of their own vision, i.e., the ideas qua unified in the Good (nos italiques)29. On voit bien que la phrase trs prudente de lAnonyme ( ) devient, sous la plume de cet interprte, laffirmation nette que le premier Un est une Ide, savoir the idea of being. Lusage de surely pour suggrer des conclusions si arbitraires (et confuses) est un signal parlant du niveau de ces dbats rudits.Quoi quil en soit, il est fort intressant daborder une section de ce texte, car on y trouve luvre une mthode qui parat typique de Porphyre (ou de quelquun influenc par sa pense), savoir lusage massif, et mme un peu dsinvolte, des outils propres de la logique dAristote (doctrine du genre 26.Voir K. Corrigan, Platonism and Gnosticism, op. cit., pp. 153-154.27.Voir la note ad loc. en P. Hadot, Porphyre et Victorinus, op. cit., vol. 2, p. 79 n. 1 : PorphyreveutdirequenoustransportonsenDieularelationquenousavonslui, pensant par exemple que si nous le connaissons, il nous connat.28.VoirSyrianus,InMetaph.,p.109,12-14,d.Kroll : , . Proclus, In Tim., III, 33, 31-33, d. Diehl : , , , .29.K. Corrigan, Platonism and Gnosticism, op. cit., p. 165.RICCARDO CHIARADONNA 80etdeladiffrence)pourexpliquerlastructuredespremiersprincipes.Le passageenquestionsetrouvedansleclbrefragment5ducommentaire (Ltreetltant,selonlintitulquendonneP.Hadot)30,lolauteur aborde le second Un et se confronte la phrase problmatique du Parmnide de Platon rappele plus haut, phrase selon laquelle lUn de la seconde hypothse participe lousia (Platon, Parm., 142b 5-6 : . , ,;).Le commentateur propose deux solutions. La seconde solution, quon vient de mentionner,estclbreetdistingueuntatverbaldeltreetdelagir (,),propredupremierUn,duntatnominalis(, ),propredusecondUn :lauteurregardeltatverbaldeltre comme,enquelquesorte,uneIdedeltre(voirXII,23-35).Encesens prcis,onpeutdirequelesecondUnparticipelousia.Nousnenous attarderons pas sur ce passage, qui a suscit beaucoup de dbats concernant lapossibilitdattribueraucommentateurunedoctrinedelactedtre commedistingudeltant31.Cest,enrevanche,lapremiresolutiondu commentateur qui nous intresse ici.Mais puisque, posant comme sujet lUn, il a dit quil participait la substance, ilfautsavoirquecestparcequelUnnestplusalorslUnensapuret,mais parce que cette proprit quest ltre, venant sajouter lui, saltre avec lui, que Platon,pourcetteraison,ditquelUnparticipelasubstance ;commesi quelquun, dans la dfinition qui nonce ce quest lhomme, ayant pris animal, disait quil participe de raisonnable, bien que lhomme soit animal raisonnable, en tant quun, animal changeant en sajoutant raisonnable, et raisonnable changeant en sajoutant animal. Il en est de mme ici : Un sajoute substance en se transformant et substance sajoute Un et il ny a pas une juxtaposition de Un et de tant, sinon lUn serait sujet et ltre serait comme un accident []. (XI, 5-19, trad. P. Hadot)32Pour une exgse dtaille, on se rapportera aux commentaires ad loc. de P. Hadot et dA. Linguiti33. Nous nous bornerons souligner deux points. 30.Voir P. Hadot, Porphyre et Victorinus, op. cit., vol. 2, p. 99.31.Pouruncommentairedeceslignes,voirR.Chiaradonna,Notasuparte-cipazione, op. cit.32.[] , , , , . , , , []33.Voir supra, n. 23.CAUSALIT ET HIRARCHIE MTAPHYSIQUE... 81Dabord,lasignificationdedanscepassageest,pourainsidire, horizontaleetdsignelerapportsubsistantentrelUnetltrelintrieur du second principe. Selon P. Hadot, cet usage de drive du Sophiste de Platon, car Platon utilise dans ce dialogue le verbe pour dsigner la des genres suprmes ou la participation rciproque des Ides34. Lhypothseestplausible,maisonpourraitajouterquedanscepassage abondentlestermeslogiquestirsdAristoteetqueaaussiune signification logique fort bien connue des noplatoniciens et prsente dans lIsagoge de Porphyre35. Selon cette signification (voir Aristote, Topiques IV, 1,121a11-13)siAparticipedeB,BestprdiqudeAetAadmetla dfinitiondeB36.OnnepeutpasexclurequelAnonymefasseallusion cette signification logique du terme .Quoi quil en soit, dans notre texte, le commentateur analyse la relation entrelUnetltreselonleschmepripatticiendeladfinitionetdela prdicationessentielle.Lesmotsquilutilisesontissusdelexgsedes Catgories. LUn a la position dun genre (comme animal dans la dfinition de lhomme), alors que tant (ou la proprit dtre : ) a la position dune diffrence spcifique (comme rationnel dans la dfini-tion).LUn-trecorrespondlobjetuniquedeladfinition(homme). Ala fin du passage, le commentateur distingue cette relation (dtermination dun genre par sa diffrence spcifique) de la relation qui subsiste entre un accidentetsonsujetsubstantieldinhrence.justetitre,P.Hadotfait mention dans son commentaire de plusieurs passages parallles dans lIsagoge et dans le commentaire aux Catgories de Porphyre par questions et rponses37. Le moins que lon puisse dire, cest que ce commentateur est trs laise avec les doctrines logiques des pripatticiens, quil y a des parallles prcis entre sesargumentsetlesuvreslogiquesdePorphyre,etquilfaitusagedes doctrines logiques dAristote dans son explication des premiers principes. On ne peut rien trouver de comparable dans les allusions aux catgories chez les platoniciens antrieurs Plotin, et cela mme dans les passages (peu nombreux) 34.Platon,Sophiste,256a8. VoirP.Hadot,Porphyreet Victorinus,op.cit.,vol.1, p.130.35.Porphyre,Isagoge :,p.17,6 ;p.18,11-13 ;p.19,4-6 ;p.20,14-15 ; , p. 17, 8 ; , p. 21, 15 ; p. 22, 10 (d. Busse).36.Voir J. Barnes, Porphyry : Introduction, Translated, with a Commentary by J. Barnes, Oxford, Clarendon Press, 2003, p. 138.37.Porphyre, Isag., p. 12, 25, d. Busse, sur le rapport entre et ; In Cat., 95, 22, d. Busse, sur la doctrine des qualits essentielles et constitutives de leurs sujets ; Isag., p. 8, 21, d. Busse, o Porphyre dit que les diffrences rendent autre le genre auquel elles sajoutent. Voir P. Hadot, Porphyre et Victorinus, op. cit., vol. 1, pp.109 et 131. Pour les dtails, voir J. Barnes, Porphyry : Introduction, op. cit., pp. 222-225, p. 317 et pp. 350-356 (Additional Note (L) : Differences and Qualities).RICCARDO CHIARADONNA 82qui, pour certains interprtes, suggrent lexistence dune lecture mtaphysique de cette doctrine et son lien avec le Parmnide de Platon38.38.La discussion de G. Bechtle, The Anonymous Commentary on Platos Parmenides and Aristotles Categories : Some Preliminary Remarks, in J.D. Turner, K. Corrigan (eds.), Platos Parmenides and Its Heritage, vol. 1, Atlanta, Society of Biblical Literature, 2010, pp.243-256,estassezconfuseetlespassagesquildiscutenedmontrentnullement lexistence dune tradition conjointe Parmnide / Catgories dans le Mdio-platonisme (voirBechtle,TheAnonymousCommentary,op.cit.,p.251).Sansentrerdansles dtails,ilsuffitderappelerquetoutcequontrouvedanslespassagesdeClment dAlexandrie mentionns par cet interprte (voir Bechtle, The Anonymous Commentary, op. cit., pp 251-253) est lusage dun vocabulaire (plus ou moins directement) tir des Catgories dAristote pour dvelopper une thologie ngative vraisemblablement inspire de la premire hypothse du Parmnide (voir notamment Strom. V, 12, 81, 5 : , ).Lachosenestenelle-mmepas surprenante,surtoutsilonrappellequeClmenttaitsansaucundoutefamilieravec les manuels de logique et notamment avec le trait de Galien Sur la dmonstration (voir M.Havrda,GalenusChristianus ? TheDoctrineofDemonstrationinStromataVIII andtheQuestionofitsSource,VigiliaeChristianae,75(2011),pp.343-375).Quoi quil en soit, la mthode luvre dans le commentaire anonyme au Parmnide est tout fait diffrente, car on ny trouve pas un simple usage du vocabulaire logique pour dire ce que le premier principe nest pas : le commentateur, en revanche, adapte avec une excellente matrise des dtails techniques une doctrine prcise de la logique dAristote (notamment la doctrine de la prdication essentielle et de la diffrence) pour expliquer la relation mtaphysique entre les deux premiers principes. Alcinoos (voir Bechtle, The AnonymousCommentary,op.cit.,p.253)sebornedirequePlatonaindiqules Catgories dans le Parmnide et ailleurs (voir Didaskalikos, VI, p. 159, 43-44, d. Whittaker/Louis :). Cette remarque se comprend bien lintrieur de la mthode mdio-platonicienne visant antidater chez Platon les doctrines formuls par Aristote (voir G. Karamanolis,Plato and Aristotle in Agreement ?, op. cit., p. 23). Elle ne dit rien ni dune tradition exgtique conjointe du Parmnide et des Catgories dans le Mdio-platonisme (il faut par ailleurs bien noter quAlcinoos fait allusion au Parmnide et dautres lieux platoniciens : ), ni de lusage des catgories dAristote dans une mtaphysique issue du Parmnide de Platon. Bref, il ny a aucun parallle significatif entre le texte dAlcinoos et les passages logiquesducommentaireanonymeauParmnide.Finalement,lepassageoAtticus sattaque la division des biens selon les dix catgories dAristote (fr. 2, 136-139, d. des Places :, ;) passage discut par Bechtle, The AnonymousCommentary,op.cit.,pp.253-254narienvoirniavecunelecture mtaphysique des Catgories, ni avec une exgse conjointe Catgories / Parmnide. Il ny a aucun doute que certains Platoniciens taient bien familiers avec les Catgories dAristote partir du premier sicle av. J.-C., quand Eudore avait probablement propos une lecture pythagorisante de ce trait dont nous trouvons les traces surtout dans le trait pythagoricien apocryphe de ps.-Archytas (pour les dtails, voir R. Chiaradonna, Autour dEudore. Les dbuts de lexgse des Catgories dans le Moyen Platonisme, in M. Bonazzi, J. Opsomer, The Origins of the Platonic System. Platonisms of the Early Empire and their Philosophical Contexts, Leuven, Peeters, 2009, pp. 89-111). Il est tout aussi vrai que CAUSALIT ET HIRARCHIE MTAPHYSIQUE... 83Il est maintenant intressant daborder Jamblique et notamment la toute premire section de sa Rponse Porphyre : car Jamblique critique Porphyre pour son usage indu de la diffrence spcifique dans le classement des tres divins39. Selon Jamblique, Porphyre distingue les tres divins par des quil regarde comme des diffrences spcifiques (I, 4, p. 7, 21-11, 4, d. Saffrey Segonds).Onauraitainsi,danslanaturedestresdivins,unestructure identique celle quon trouve dans les espces composes dun genre commun et de diffrences propres. De la sorte, les classes des tres divins ne seraient rien dautre que des espces qui se correspondent sous le mme genre en se situant au mme niveau de la division (les cornes dune : voir Aristote, Topiques V, 136b 3). Leur relation hirarchique serait ainsi perdue :[] nous nadmettons absolument pas ce type [de proprits caractristiques] dans le cas des tres qui ne prsentent ni une unique communaut dessence, ni dans le second sicle apr. J.-C., le platonicien Nicostratos, en sinspirant de lnigmatique Lucius,avaitadressuneobjectiongnralecontrelesCatgoriesdAristote,visant montrer leur insuffisance dans le cadre de laZweiweltenlehre platonicienne (la division dAristote nglige les intelligibles), et quon retrouve cette objection gnrale au dbut destraitsdePlotinSurlesgenresdeltre(voirSimplicius,InCat.,p.73,15-28,d. Kalbfleisch = Lucius T. 5, d. Gio ; p. 76, 13-17, d. Kalbfleisch = Nicostrat. T. 13, d. Gio ; Plotin, Enn., VI, 1 [42], 1 : ces dossiers se trouvent maintenant discuts dans M. Griffin, Aristotles Categories in the Early Roman Empire, Oxford, Clarendon Press, 2015). Tout cela montre que certains platoniciens avant Plotin taient conscients des implications mtaphysiques de la doctrine dAristote. Il sagit cependant de parallles trs gnriques, qui ne servent nullement expliquer la prsence des doctrines logiques dAristote dans la mtaphysique du commentaire anonyme auParmnide, alors que les parallles entre cetexteetlesuvreslogiquesdePorphyresonttoutfaitprcisetponctuels.Ilfaut aussinoterquilnyaaucunerfrenceauxcatgoriesdAristotedanslathologiede Numnius dApame et que les doctrines dAristote sont, en gnral, trs peu prsentes danscequinousrestedeNumnius.Ilsagitdunfaitdautantplusremarquableque cest justement dans le milieu de Numnius que les spcialistes ont parfois situ lorigine du commentaire anonyme au Parmnide. La section logique du commentaire ne confirme nullement cette hypothse et sert, plutt, la dmentir.39.Sur la Rponse Porphyre de Jamblique (plus prcisment, selon le titre donn partoutelatraditionmanuscrite :RponsedeMatreAbamnlaLettredePorphyre Anbon et solutions des difficults quelle contient), on se reportera maintenant la magistrale ditioncommenteparSaffrey,SegondsetLecerf :Jamblique,RponsePorphyre(De mysteriis),textetabli,traduitetannotparH.D.SaffreyetA.-P.Segondsavecla collaboration de A. Lecerf, Paris, Les Belles Lettres, 2013. H.D. Saffrey a depuis longtemps dmontrqueletitreDemysteriisgyptiorum,Chaldaeorum,Assyriorum,assign louvrage par Ficin et ensuite abrg enDe mysteriis gyptiorum, peut tre fourvoyant et il est donc prfrable de labandonner. La polmique entre Porphyre et Jamblique sur lesrituelsthurgiquesafaitlobjetdenombreusesrecherches.Pourunaperu,voirS. Knipe, Filosofia, religione, teurgia, in R. Chiaradonna (d.), Filosofia tardoantica, op. cit., pp. 253-272.RICCARDO CHIARADONNA 84une division en parts opposes et gales, et qui nadmettent pas une composition qui rsulte dun lment indtermin, le commun, et dun lment dterminant, le propre. (I, 4, p. 8, 2-6, d. SaffreySegonds)40On sous-estime souvent la technique trs raffine de Jamblique, technique qui affleure mme dans son ouvrage thurgique41. En effet, toute cette section sefondesurdesquestionsasseztechniqueslieslexgsedesCatgories, questionsquelonpeutrsumerainsi :commentpeut-onexprimerparle biais de la logique dAristote la relation entre les termes antrieurs et postrieurs dune hirarchie ? Peut-on faire de ces termes des espces sous un mme genre ? Onpourraittrouverplusieursparalllesparticulirementintressantsdans les traits de Plotin Sur les genres de ltre et dans les commentaires noplatoniciens (notamment dans le commentaire aux Catgories de Simplicius, dont la source principale ou unique est Jamblique)42. Ces parallles pourraient enrichir les apparatsdelditionrcentedelaRponsePorphyreparH.D.Saffreyet A.-P. Segonds, en dcelant ce quon peut appeler larrire-plan logique de la thurgie de Jamblique.Anotreconnaissance,onnapasencoreremarququelaposition porphyrienne conteste par Jamblique est trs proche de (voire identique ) celle du commentateur anonyme au Parmnide, qui lit la structure du second Un comme si ctait une espce compose du genre Un et de la diffrence tant, ce que le commentateur appelle (XI, 8) : noter le parallle avec les / diffrences spcifiques porphyriennes critiques par Jamblique (I, 4, p. 7, 21, d. Saffrey Segonds). La position est la mme : onutiliseleschmedugenreetdeladiffrencespcifique(animal+ rationnel) bref : on utilise le schme de larbre de Porphyre pour rendre compte de la hirarchie qui subsiste entre des ralits divines. On peut ajouter aussi que dans un fragment transmis par Simplicius (In Cat., p. 78, 20, d. 40. , .41.Les lectures de la Rponse Porphyre ngligent souvent larrire-plan philosophique de cet ouvrage. Parmi les exceptions, on peut signaler A. Smith, Iamblichus Views on the Relationship of Philosophy to Religion in De Mysteriis, in H. J. Blumenthal, E. G. Clark (eds.), The Divine Iamblichus : Philosopher and Man of Gods, London, Bristol ClassicalPress,1993,pp.74-86(rimprimdansA.Smith,Plotinus,Porphyryand Iamblichus. Philosophy and Religion in Neoplatonism, Burlington, Ashgate, 2011) ; D.P. Taormina,JambliquecritiquedePlotinetdePorphyre.Quatretudes,Paris, Vrin, 1999,pp.133-157.VoiraussiL.I.Martone,Giamblico,DeAnima.IFrammenti,la dottrina, Pisa, Pisa U.P., 2014, qui donne un aperu dtaill des positions philosophiques de Jamblique.42.Je me borne citer Plotin, Enn., VI, 1 [42], 3 ; Simplicius, In Cat., 76, 22-78, 3 ; 83, 20-29, d. Kalbfleisch.CAUSALIT ET HIRARCHIE MTAPHYSIQUE... 85Kalbfleisch=Porphyre,fr.58,23,d.Smith),Porphyreappellelaforme hylmorphique , en appliquant le vocabulaire des espces correspondantes sous le mme genre (les cornes dune ) la relation entre la matire et la forme. Ici, nous ne pouvons que signaler ces parallles. Une discussion plus approfondie de ce dossier pourrait mieux clairercequinousapparatcommeunargumentintressant,etjusqu prsent inconnu, en faveur de la paternit porphyrienne de lIn Parmenidem.Comme Jamblique, Plotin rejette trs soigneusement lhypothse que les termesdunehirarchiesontdesespcessousunmmegenre,lescornes dune (voir ses remarques propos des niveaux de la vie en I, 4[46],3,16-24),carPlotinesttrssensibleauxmmesrisquesdnoncs par Jamblique : il ne faut pas suggrer que des degrs de ralit ordonns selon une hirarchie sont des espces coordonnes sous le mme genre, en nivelant aussi leur diffrence rciproque. De ce point de vue, Jamblique et Plotin ont les mmes soucis, alors que le commentateur anonyme au Parmnide et Porphyre (selon Jamblique) sont beaucoup plus optimistes sur la possibilit dexprimer la hirarchie mtaphysique en reprenant le schme du genre et de la diffrence. CequispareJambliquedePlotinest,videmment,leurpositionsurla manire dont nous pouvons accder la connaissance des principes.