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THEOREME DE THALES Θαλής (625-547 av. J.-C.) I. Comment mesurer la hauteur d'une pyramide Thalès, visitant les pyramides, fut mis au défi d'en calculer la hauteur. Il aurait alors remarqué qu'à cette époque de l'année, à midi, l'ombre portée DF d'un homme ou d'un bâton égalait la taille de l'homme ou la longueur DE du bâton. Thalès en aurait déduit, suivant le principe de proportionnalité, qu'il en serait de même pour la hauteur BC de la pyramide et son ombre projetée AB. L'angle α que forme le soleil avec la verticale varie au cours de l'année, entre 6,73° en été et 53,27° en hiver. Cet angle n'égale 45° que deux fois dans l'année, le 21 novembre et le 20 janvier, et ces jours là l'ombre projetée AB égale la hauteur BC de la pyramide. Comment mesurer l'ombre projetée AB ? Thalès aurait repéré le sommet A de l'ombre projetée AB de la pyramide, mais pour la mesurer dans son entier, il lui aurait fallu partir du centre B de la pyramide qui n'était pas accessible. Mais Thalès aurait remarqué ceci : non seulement l'ombre portée AB égalait la hauteur BC de la pyramide, mais les rayons du soleil étaient ce jour là perpendiculaires à une arête [GH] de la base, car les pyramides sont orientées plein sud ou plein ouest. Le sommet A de l'ombre de la pyramide se trouve donc sur la médiatrice (AB) d'un côté [GH] de la base. Il suffit de mesurer la distance AI séparant l'extrémité A de l'ombre et le milieu I du côté [GH], puis d'ajouter à cette longueur un demi-côté HI pour obtenir la hauteur de la pyramide. Thalès se servit de sa propre taille comme unité de mesure, et trouva pour l'ombre AI 18 thalès, il mesura le côté GH de la base qu'il divisa par deux et obtint 67 thalès ; ajoutant ces deux longueurs il trouva la hauteur de la pyramide de Khéops : 85 thalès. Puis il convertit en coudées égyptiennes, le thalès valant 3,25 coudées il trouva finalement une hauteur de 276,25 coudées. Nous savons aujourd'hui que la hauteur de la pyramide de Khéops est de 280 coudées soit 147 mètres. Au XV ème siècle, Léonard de Vinci pour trouver la hauteur d'une tour proposa cette méthode : « Si tu veux mesurer une hauteur avec l'ombre du soleil, prends un bâton qui soit d'une brasse, fixe-le et attends que le soleil lui fasse faire deux brasses d'ombre ; et aussitôt mesure l'ombre de la tour, et si elle est de cent brasses, la tour sera de cinquante ; c'est une bonne règle ». Figure 1 Figure 1

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THEOREME DE THALES

Θαλής (625-547 av. J.-C.)

I. Comment mesurer la hauteur d'une pyramideThalès, visitant les pyramides, fut mis au défi d'en calculer la hauteur. Il aurait alors remarqué

qu'à cette époque de l'année, à midi, l'ombre portée DF d'un homme ou d'un bâton égalait la taille de l'homme ou la longueur DE du bâton. Thalès en aurait déduit, suivant le principe de proportionnalité, qu'il en serait de même pour la hauteur BC de la pyramide et son ombre projetée AB. L'angle α que forme le soleil avec la verticale varie au cours de l'année, entre 6,73° en été et 53,27° en hiver. Cet angle n'égale 45° que deux fois dans l'année, le 21 novembre et le 20 janvier, et ces jours là l'ombre projetée AB égale la hauteur BC de la pyramide.

Comment mesurer l'ombre projetée AB ? Thalès aurait repéré le sommet A de l'ombre projetée AB de la pyramide, mais pour la mesurer dans son entier, il lui aurait fallu partir du centre B de la pyramide qui n'était pas accessible. Mais Thalès aurait remarqué ceci : non seulement l'ombre portée AB égalait la hauteur BC de la pyramide, mais les rayons du soleil étaient ce jour là perpendiculaires à une arête [GH] de la base, car les pyramides sont orientées plein sud ou plein ouest. Le sommet A de l'ombre de la pyramide se trouve donc sur la médiatrice (AB) d'un côté [GH] de la base. Il suffit de mesurer la distance AI séparant l'extrémité A de l'ombre et le milieu I du côté [GH], puis d'ajouter à cette longueur un demi-côté HI pour obtenir la hauteur de la pyramide.

Thalès se servit de sa propre taille comme unité de mesure, et trouva pour l'ombre AI 18 thalès, il mesura le côté GH de la base qu'il divisa par deux et obtint 67 thalès ; ajoutant ces deux longueurs il trouva la hauteur de la pyramide de Khéops : 85 thalès. Puis il convertit en coudées égyptiennes, le thalès valant 3,25 coudées il trouva finalement une hauteur de 276,25 coudées. Nous savons aujourd'hui que la hauteur de la pyramide de Khéops est de 280 coudées soit 147 mètres.

Au XVème siècle, Léonard de Vinci pour trouver la hauteur d'une tour proposa cette méthode : « Si tu veux mesurer une hauteur avec l'ombre du soleil, prends un bâton qui soit d'une brasse, fixe-le et attends que le soleil lui fasse faire deux brasses d'ombre ; et aussitôt mesure l'ombre de la tour, et si elle est de cent brasses, la tour sera de cinquante ; c'est une bonne règle ».

Figure 1Figure 1

II. Triangles semblablesLa méthode de Thalès, comme celle de Vinci, repose sur une propriété de proportionnalité : les

longueurs des côtés du triangle ABC sont proportionnelles aux longueurs des côtés correspondants dans le triangle FDE. La question est maintenant de savoir pourquoi a-t-on une telle situation de proportionnalité entre ces deux triangles ?

Définition. Deux triangles sont dit semblables si les longueurs des côtés de l'un sont proportionnelles aux longueurs des côtés de l'autre.

Théorème. Si deux angles d'un triangle sont égaux à deux angles d'un autre, alors ces deux triangles sont semblables.

Démonstration. Etant donnés deux triangles ABC et FDE avec A = F et B = D (figure 2). L'angle A est égal à l'angle F on peut donc superposer deux côtés d'un triangle avec deux côtés de l'autre (figure 3).

Il s'agit de montrer que les triangles ABC et ADE sont semblables (figure 3). Les angles correspondants ABC et ADE étant égaux, les droites (BC) et (DE) sont donc parallèles. Intéressons nous maintenant à certaines parties de cette figure 3.

Les triangles ADE et ADC ont la même hauteur relative au sommet D. Or deux triangles ayant la même hauteur ont des aires dans la même proportion que leur bases (Euclide, VI, prop. I), ainsi :

aire ADEaire ADC

=AEAC

et aire ADEaire ABE

=ADAB

D'autre part, les triangles CDE et BDE ont la même base DE et la même hauteur, du fait que (BC) est parallèle à (DE). Or deux triangles construits sur la même base et entre les mêmes parallèles ont la même aire (Euclide, I, prop. XXXVII), ainsi :

aire CDE = aire BDEOn en déduit que aire ADC = aire ABE

et donc que aire ADEaire ADC

=aire ADEaire ABE

c'est-à-dire AEAC

=ADAB

.

Figure 2

Figure 3Figure 3

Trouvons maintenant le troisième rapport. L'angle B étant égal à D , on superpose différemment deux triangles ABC et FDE (figure 3).

Par un raisonnement analogue au précédent, on prouve que BEBC

=BFBA

Or BE = DE et BF (figure 4) est égale à AD (figure 2) ; ainsiDEBC

=ADAB

.

Finalement AEAC

=ADAB

=DEBC

Les triangles ABC et ADE sont donc semblables. cqfd.

Corollaire. Si l'on coupe un triangle parallèlement à l'un de ses côtés alors le triangle obtenu est semblable au triangle initial.

Les droites parallèles (BC) et (DE) déterminent avec la sécante (AB) deux angles correspondants ABCet ADE égaux. Ainsi deux angles du triangle ABC sont égaux à deux angles de ADE, ces deux triangles sont donc semblables.

III. Théorème de ThalèsAucune source ne permet d'attribuer effectivement le "théorème de Thalès" à Thalès ! Le calcul par

Thalès de la hauteur d'une pyramide à partir de son ombre serait une légende. La première démonstration de ce théorème fut donnée par Euclide au livreVI des Élements, proposition 2.

L'expression "théorème de Thalès" apparaît pour la première fois en en France, dans la seconde moitié du XIX siècle, dans l'ouvrage de Rouché et Comberousse† : « Nous avons déjà prouvé par de nombreux exemples combien la théorie des figures semblables offrait de ressources. Le théorème de Thalès sur la proportionnalité des côtés homologues des triangles équiangles, […]». Il s'agit donc du théorème du paragraphe précédent.

Le théorème de Thalès que nous trouvons aujourd'hui dans les manuels scolaires est une réécriture plus formelle du corollaire du paragraphe précédent :

Théorème de Thalès (version scolaire). Soient ABC un triangle, D un point de [AB], E un point de [AC]. Si (DE) est parallèle à (BC) alors

AEAC = AD

AB = DEBC .

――――――●――――――

† Eugène Rouché & Charles Jules Félix de Comberousse, Traité de géométrie élémentaire, Gauthier-Villars, Paris, 1864 (volume 1, partie 1, page 229).

Figure 4

Figure 5