Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund...

40
φ Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse (1904) Première leçon 1. Le cas d’Anna O. 2 - l’impuissance des médecins. 3 - l’hypothèse de la psychogenèse : le concept de « traumatisme psychique » Breuer et la méthode cathartique. 4 - l’hypothèse des traumatismes psychiques... 5 - La maladie mentale comme trouble de la mémoire... Le symptôme comme symbole commémoratif. 6 - Apparition et disparition des symptômes : répression, affects coincés, fixation, conversion et décharge... 7 - Recours nécessaire à l’hypothèse d’un psychisme “ un ”, mais se dédoublant en conscient et inconscient. Deuxième leçon. 8 - Pour Janet la dissociation est la marque d’une faiblesse psychique... Critique de cette théorie. 9 - l’abandon du traitement cathartique au profit de la méthode de libre association. 10 - Un exemple de processus de défense du “ moi ” et de refoulement. l’image de la salle de conférence. Troisième leçon 11 - Le déterminisme psychique, une hypothèse qu il faut prendre comme principe pour interpréter et mener une investigation dans l’inconscient 12 - l’analyse du mot d’esprit comme allusion qui transgresse la censure sociale. Un exemple. 13 - Le concept de “ complexe ”, l’observation des “ résistances ” au cours des “ libres associations ”, l’accès au refoulé. 14 - l’interprétation des rêves “ voie royale de la connaissance de l’inconscient. 15 - Le “ travail du rêve ” ou comment opère la censure... 16 - Cauchemars et rêves d’angoisse ne sont pas une objection à le thèse du rêve comme expression d’un désir. 17 - Les actes manqués de la vie quotidienne de l’homme normal. 18 - La théorie freudienne échappe-t-elle à toute critique ? Quatrième leçon 19 - Importance de la “ sexualité ” infantile dans la formation des névroses 20 - Le stade Œdipien du développement de la Libido, complexe central de chaque névrose. Cinquième leçon 21 - La maladie comme refuge et danger... le sens des névroses : fuite hors de la réalité pénible.

Transcript of Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund...

Page 1: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

φ ☼ Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse (1904)

Première leçon1. Le cas d’Anna O.2 - l’impuissance des médecins. 3 - l’hypothèse de la psychogenèse   : le concept de «   traumatisme psychique   » Breuer et la méthode cathartique. 4 - l’hypothèse des traumatismes psychiques...5 - La maladie mentale comme trouble de la mémoire... Le symptôme comme symbole commémoratif.6 - Apparition et disparition des symptômes   : répression, affects coincés, fixation, conversion et décharge... 7 - Recours nécessaire à l’hypothèse d’un psychisme “   un   ”, mais se dédoublant en conscient et inconscient.

Deuxième leçon.8 - Pour Janet la dissociation est la marque d’une faiblesse psychique... Critique de cette théorie.9 - l’abandon du traitement cathartique au profit de la méthode de libre association.10 - Un exemple de processus de défense du “   moi   ” et de refoulement. l’image de la salle de conférence.

Troisième leçon11 - Le déterminisme psychique, une hypothèse qu il faut prendre comme principe pour interpréter et mener une investigation dans l’inconscient12 - l’analyse du mot d’esprit comme allusion qui transgresse la censure sociale. Un exemple.13 - Le concept de “   complexe   ”, l’observation des “   résistances   ” au cours des “   libres associations   ”, l’accès au refoulé.14 - l’interprétation des rêves “   voie royale de la connaissance de l’inconscient. 15 - Le “   travail du rêve   ” ou comment opère la censure... 16 - Cauchemars et rêves d’angoisse ne sont pas une objection à le thèse du rêve comme expression d’un désir.17 - Les actes manqués de la vie quotidienne de l’homme normal.18 - La théorie freudienne échappe-t-elle à toute critique   ?

Quatrième leçon19 - Importance de la “   sexualité   ” infantile dans la formation des névroses 20 - Le stade Œdipien du développement de la Libido, complexe central de chaque névrose.

Cinquième leçon21 - La maladie comme refuge et danger... le sens des névroses   : fuite hors de la réalité pénible. 22 - Le don artistique est une alternative à la névrose mais procède des mêmes causes23 - Le moment du transfert en cours de cure analytique 24 - Réponses à deux objections théoriques faites aux théories psychanalytiques.25 - l’avenir du refoulé mis à jour   : refus, sublimation, acceptation.

Première leçon

[* Série de conférences faites à l’université de Worcester par Freud en 1904. En cette année sont déjà publiés les ouvrages majeurs suivants : Etudes sur l’hystérie 1895 (col. avec Breuer), l’Interprétation des rêves en 1900, Psychopathologie de la vie quotidienne en 1901. Une présentation des concepts fondamentaux élaborés à cette époque pour un public de non spécialistes.]

Origine de la psychanalyse. Observation du Dr Breuer. Les traumatismes psychiques. Les hystériques souffrent de réminiscences. Le traitement cathartique. l’hystérie de conversion.

1. Le cas d’Anna O.

Ce n’est pas à moi que revient le mérite - si c’en est un - d’avoir mis au monde la psychanalyse. Je n’ai pas parti-cipé à ses premiers commencements. J’étais encore étudiant, absorbé par la préparation de mes derniers exa-mens, lorsqu un médecin de Vienne, le Dr Joseph Breuer, appliqua pour la première fois ce procédé au traite -

Page 2: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

ment d’une jeune fille hystérique (cela remonte aux années 1880 à 1882).1 Il convient donc de nous occuper tout d’abord de l’histoire de cette malade et des péripéties de son traitement. [...]2

La malade du Dr Breuer était une jeune fille de vingt et un ans, très intelligente, qui manifesta au cours des deux années de sa maladie une série de troubles physiques et mentaux plus ou moins graves. 3 Elle présenta une contracture des deux extrémités droites avec anesthésie ; de temps en temps la même affection apparaissait aux membres du côté gauche; en outre, trouble des mouvements des yeux et perturbations multiples de la capacité vi-suelle; difficulté à tenir la tête droite; toux nerveuse intense, dégoût de toute nourriture et, pendant plusieurs se-maines, impossibilité de boire malgré une soif dévorante. Elle présentait aussi une altération de la fonction du langage, ne pouvait ni comprendre ni parler sa langue maternelle. Enfin, elle était sujette à des “ absences ”, à des états de confusion, de délire, d’altération de toute la personnalité; ce sont là des troubles auxquels nous au-rons à accorder toute notre attention.4

Il convient de rappeler ici que les symptômes de la maladie sont apparus alors que la jeune fille soignait son père qu elle adorait (au cours d’une maladie à laquelle il devait succomber) et que sa propre maladie l’obligea à re-noncer à ces soins.5

2 - l’impuissance des médecins.

[La médecine de l’époque est tournée vers la « somatogenèse» des troubles mentaux : ils sont causés par des lésions organiques. Lorsqu’on n’en repère pas, mais que ces troubles on suivi un choc affectif, on se borne à faire un diagnostic d’hystérie. L’hystérie est assimilée à une exagération et simulation intentionnelles. Le ma-lade perd la sympathie et l’intérêt du médecin qui est pris au dépourvu et incompétent avec sa seule science anatomique et physiologique. Pour le médecin la maladie n’est pas grave et il suffit de laisser faire la bonne na -ture, c’est-à-dire le temps.]

△3 - l’hypothèse de la psychogenèse : le concept de « traumatisme psychique » Breuer et la méthode cathartique.1NB - Les italiques du texte sont le fait de Freud et non de l’édition. Les chiffres entre parenthèses renvoient à la pagination de l’édition Pe-tite Bibliothèque Payot (1966) ? l’hystérie est une névrose. Traditionnellement deux types d’hystérie. Hystérie de conversion   : les symptômes affectent des fonctions phy-siologiques (vue, motricité, digestion etc.) Hystérie d’angoisse, le symptôme majeur est la phobie, c’est-à-dire une crise d’angoisse quand on perçoit un objet particulier (cheval, souris etc.) ou dans une situation particulière (lieu clos : claustrophobie ; lieu ouvert : agora phobie .)2 Rappel des circonstances dans lesquelles Freud fait ses premières découvertes sur la causalité psychique des névroses hystériques, pen-dant la collaboration avec Breuer en 1880. Breuer expérimente une thérapie nouvelle de l’hystérie par l’hypnose.3 Le cas est celui d’Anna. O. Dans l’histoire de la constitution progressive de la théorie et de la pratique analytique, cette période où il pra-tique l’hypnose est une « préhistoire   » de la psychanalyse (1880/1882). Abandon de la technique de l’hypnose et de la pression des mains sur le front du patient pour la technique proprement analytique des "associations libres", où le malade reste en pleine possession de ses facultés conscientes. Comprendre que le choix de ces différentes techniques thérapeutiques successives, correspond à la constitution progressive de la théorie psychanalytique des mécanismes psychiques et la finalité de la cure. La pratique de l’hypnose permet d’élaborer les premières hypothèses sur la constitu tion de l’appareil psychique et ses mécanismes propres. La pratique de la "libre association" amènera un remaniement ultérieur de ces hypothèses. Il faut souligner que les avancées théoriques sont solidaires d’un ensemble d’observations cliniques faites à la fois dans le cadre de la cure et celui de sa propre auto-analyse.4 Anna O. l’origine psychogénétique des névroses : c’est une conception radicalement différente dans le champ de la médecine mentale " personne n’avait encore fait disparaître un symptôme hystérique de cette manière" c’est-à-dire selon des voies purement psychiques, "et n’avait pénétré si profondément dans la compréhension de ses causes," c’est-à-dire n’avait établi l’étiologie psychique des symptômes hysté-riques affectant l’organisme et les fonctions physiologiques du sujet. L étiologie de l’hystérie est transférée du registre du somatique à celui du psy chique , raison pour laquelle Freud se trouve dans la nécessité de "prendre congé" des médecins, pour suivre Breuer dans une voie tout à fait "originale". Cette originalité c’est la thèse du déterminisme psychique inconscient, c’est une thèse théorique déduite des résultats thérapeutique de la méthode cathartique.5 l’ordre de l’énumération n’est pas dû au hasard   : Freud commence à citer ceux qui semblent manifestement relever de la médecine or-ganique, bien qu elle soit impuissante à les traiter. Il passe ensuite à ceux que l’on qualifie traditionnellement de "nerveux" (sans qu on in-dique un quelconque traitement). l’ordre de l’énumération anticipe la thèse freudienne fondamentale des Etudes sur l’hystérie : que les symp-tômes aient une apparence somatique ou psychique, c’est toujours de souvenirs oubliés (c’est-à-dire refoulés, inconscients) que souffre l’hys-térique. "C est de réminis cences que souffre l’hystérique." Les symptômes hystériques sont dans leur ensemble les effets seconds d’un trau-matisme psychique précoce, survenu pendant l’enfance et dont la mémoire a été perdue.Autrement dit, les symptômes physiologiques sont des phénomènes de conversion pathologique : l’expression par le corps malade de conflits de nature psychiques et in conscients .Freud établit que ces symptômes sont guérissables par la voie de l’hypnose. Comme l’hypnose n’agit que par suggestion psychique, et sans intervention sur le corps du patient : le rôle et l’efficacité de la médecine traditionnelle pour ce type de symptômes sont sérieusement remis en question. Par la suite, la psychanalyse sera pratiquée soit par des médecins psychiatres, soit par des psychanalystes. Freud reconnaîtra aux non-médecins, ayant suivi une formation de psychanalyse didactique, le plein droit d’exercer la psychanalyse.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 2 / 24

Page 3: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

Le Dr Breuer, lui, n’a pas suivi une telle conduite. [...]6 On avait remarqué que dans ses états d’absence, d’altéra-tion psychique avec confusion, la malade avait l’habitude de murmurer quelques mots qui semblaient se rappor-ter a des préoccupations intimes. Le médecin se fit répéter ses paroles et, ayant mis la malade dans une sorte d’hypnose, les lui répéta mot à mot, espérant ainsi déclencher les pensées qui la préoccupaient. La malade tomba dans le piège et se mit à raconter l’histoire dont les mots murmurés pendant ses états d’absence avaient trahi l’existence. c’étaient des fantaisies d’une profonde tristesse, souvent même d’une certaine beauté - nous dirons des rêveries qui avaient pour thème une jeune fille au chevet de son père malade. Après avoir exprimé un certain nombre de ces fantaisies, elle se trouvait délivrée et ramenée a une vie psychique normale. l’amélioration, qui durait plusieurs heures, disparaissait le jour suivant, pour faire place à une nouvelle absence que supprimait, de là même manière, le récit des fantaisies nouvellement formées. Nul doute que la modification psychique mani-festée pendant les absences était une conséquence de l’excitation produite par ces formations fantaisistes d’une vive tonalité affective. La malade elle-même qui, à cette époque de sa maladie, ne parlait et ne comprenait que l’anglais, donna à ce traitement d’un nouveau genre le nom de talking cure; elle le désignait aussi, en plaisantant, du nom de chimney sweeping.7

On remarqua bientôt, comme par hasard, qu un tel “ nettoyage ” de l’âme faisait beaucoup plus qu éloigner mo-mentanément la confusion mentale toujours renaissante. Les symptômes morbides disparurent aussi lorsque, sous l’hypnose, la malade se rappela avec extériorisation affective à quelle occasion ces symptômes s’étaient produits pour la première fois. Il y avait eu, cet été-là, une période de très grande chaleur, et la malade avait beaucoup souffert de la soif, car, sans pouvoir en donner la raison, il lui avait été brusquement impossible de boire. Elle pouvait saisir le verre d’eau, mais aussitôt qu il touchait ses lèvres, elle le repoussait comme une hy-drophobe. Durant ces quelques secondes elle se trouvait évidemment en état d’absence. Elle ne se nourrissait que de fruits, pour étancher la soif qui la tourmentait. Cela durait depuis environ six semaines, lorsqu elle se plaignit un jour, sous hypnose, de sa gouvernante anglaise qu elle n’aimait pas. Elle raconta alors, avec tous les signes d’un profond dégoût, qu elle s’était rendue dans la chambre de cette gouvernante et que le petit chien de celle-ci, un animal affreux, avait bu dans un verre. Elle n’avait rien dit, par politesse. Son récit achevé, elle manifesta violemment sa colère, restée contenue jusqu alors. Puis elle demanda à boire, but une grande quantité d’eau, et se réveilla de l’hypnose le verre aux lèvres. Le trouble avait disparu pour toujours.8

4 - l’hypothèse des traumatismes psychiques...

Arrêtons-nous un instant à cette expérience. Personne n’avait encore fait disparaître un symptôme hystérique de cette manière et n’avait pénétré si profondément dans la compréhension de ses causes. Quelle découverte grosse de conséquences, si la plupart de ces symptômes pouvaient être supprimés de cette manière! Breuer n’épargna aucun effort pour en faire la preuve. Il étudia systématiquement la pathogenèse d’autres symptômes morbides plus graves. Dans presque chaque cas, il constata que les symptômes étaient, pour ainsi dire, comme des résidus

6 La relation au malade : entre le psychanalyste et le médecin, elle diffère. La psychanalyse comme un nouveau type de relation fondée dès les premiers temps d’expérimentation de l’hypnose sur l’écoute accordée à la parole consciente et in consciente . La rupture avec l’attitude "médicale" qui considère plus la maladie que le malade, considère le "corps-objet" sous la dépendance du médecin, intervenant au nom d’une "science" dont il ne se sent pas le devoir de communiquer le savoir au patient, ayant autorité pour prendre des décisions à son insu.7 Le traitement cathartique   : il a pour but de permettre au souvenir refoulé d’être réintégré à la conscience, par les voies de la réactualisation (répétition) et de la remémoration. En grec le terme "catharsis" signifie "purification", ou "purgation." " Le traumatisme psychique, et par suite son souvenir, agissent à la manière d’un corps étranger, qui, longtemps après irruption, continue à jouer un rôle actif. Une preuve de ce fait nous est donnée par un phénomène extrêmement curieux et bien fait pour conférer à nos décou-vertes une grande importance pratique. A notre grande surprise nous découvrîmes en effet que chacun des symptômes hystériques disparais-sait immédiatement et sans retour quand on réussissait à mettre en pleine lumière le souvenir de l’événement déclenchant, à éveiller l’affect lié à ce dernier et quand ensuite le malade décrivait ce qui lui était arrivé de façon fort détaillée et en donnant à son émotion une expression verbale. Un souvenir dénué de charge affective est presque toujours totalement inefficace. Il faut que le processus psychique originel se ré -pète avec autant d’intensité que possible, qu’il soit remis "in statum nascendi" (dans son état de naissance), puis verbalement traduit. S’il s’agit de phénomènes d’excitation : crampes, névralgies, hallucinations, on les voit une fois de plus, se reproduire dans toute leur intensité pour disparaître ensuite à jamais." (Freud et Breuer, Etudes sur l’Hystérie, PUF, 1956 p.4)8 c’est pour les mêmes raisons que Freud abandonnera la technique de l’hypnose. En effet, sous hypnose le malade perd son autonomie face au médecin, qui lui conserve le pouvoir de la suggestion hypnotique. Au cours des années, Freud donnera comme but à la cure, la conquête par le sujet lui-même de son propre désir et de l’autonomie de ses choix. Le psychanalyste refuse d’aliéner le patient à ses propres désirs (attitude "neutre") c’est à l’analysé que revient de définir ses propres normes et son bien. Freud remettra même en question la notion de "guérison" comme but de la cure. En effet, vouloir guérir quelqu un c’est projeter sur lui des visées "normalisantes", c’est se référer à des normes de comportements sociologiquement attendues, (ce qui est dit "normal" pour le plus grand nombre...) c’est vouloir réaliser pour l’autre ce que l’on estime soi-même être son bien. A la fin de son oeuvre, Freud abandonne l’idée ambiguë de "guérison" comme but de la cure et lui préfère l’idée de désaliéna tion , de conquête du sujet par lui-même, de conquête de sa propre vérité. Cf " La où "Ca" était, "Je" dois devenir." Sans quoi la psychanalyse pourrait devenir une entreprise de "normalisation".

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 3 / 24

Page 4: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

d’expériences émotives que, pour cette raison, nous avons appelées plus tard traumatismes psychiques; leur ca-ractère particulier s’apparentait à la scène traumatique qui les avait provoqués. Selon l’expression consacrée, les symptômes étaient déterminés par les scènes dont ils formaient les résidus mnésiques, et il n’était plus nécessaire de voir en eux des effets arbitraires et énigmatiques de la névrose. Cependant, contrairement a ce que l’on atten-dait, ce n’était pas toujours d’un, seul événement que le symptôme résultait, mais, la plupart du temps, de mul -tiples traumatismes souvent analogues et répétés. Par conséquent, il fallait reproduire chronologiquement toute cette chaîne de souvenirs pathogènes, mais dans l’ordre inverse, le dernier d’abord et le premier à la fin; impos -sible de pénétrer jusqu au premier traumatisme, souvent le plus profond, si l’on sautait les intermédiaires.[...] Breuer raconte que les troubles visuels de sa malade se rapportaient aux circonstances suivantes : “ La ma-lade, les yeux pleins de larmes, était assise auprès du lit de son père, lorsque celui-ci lui demanda tout à coup quelle heure il était. Les larmes l’empêchaient de voir clairement ; elle fit un effort, mit la montre tout près de son oeil et le cadran lui apparut très gros (macropsie et strabisme convergent) ; puis elle s’efforça de retenir ses larmes afin que le malade ne les voie pas.” Toutes ces impressions pathogènes, remarquons-le, dataient de l’époque où elle s’occupait de son père malade. “ Une fois, elle s’éveilla, la nuit, très angoissée car le malade avait beaucoup de fièvre, et très énervée car on attendait un chirurgien de Vienne pour une opération. Sa mère n’était pas là; Anna était assise au chevet du malade, le bras droit posé sur le dossier de la chaise. Elle tomba dans un état de demi-rêve et vit qu un serpent noir sortait du mur, s’approchait du malade pour le mordre. (Il est très probable que, dans le pré, derrière la maison, se trouvaient des serpents qui avaient déjà effrayé la malade et fournissaient le thème de l’hallucination.) Elle voulut chasser l’animal, mais elle était comme paralysée ; le bras droit, pendant sur le dossier de la chaise, était “ endormi ”, c’est-à-dire anesthésié et parésié, et, lorsqu elle le re-garda, les doigts se transformèrent en petits serpents avec des têtes de mort (les ongles). Sans doute fit-elle des efforts pour chasser le serpent avec la main droite paralysée, et ainsi l’anesthésie et la paralysie s’associèrent-elles à l’hallucination du serpent. Lorsque celui-ci eut disparu, elle voulut, pleine d’angoisse, se mettre à prier, mais la parole lui manqua, en quelque langue que ce fût. Elle ne put s’exprimer qu en retrouvant enfin une poésie enfantine anglaise, et put alors penser et prier dans cette langue . ” Le rappel de cette scène, sous hypnose, fit disparaître la contracture du bras droit qui existait depuis le commencement de la maladie, et mit fin au traite-ment.

△5 - La maladie mentale comme trouble de la mémoire... Le symp-tôme comme symbole commémoratif.

[...] Nous pouvons grosso modo résumer tout ce qui précède dans la formule suivante : les hystériques souffrent de réminiscences. Leurs symptômes sont les résidus et les symboles de certains événements (traumatiques).9

Symboles commémoratifs, à vrai dire. Une comparaison nous fera saisir ce qu il faut entendre par là. Les monu-ments dont nous ornons nos grandes villes sont des symboles commémoratifs du même genre. Ainsi, à Londres, vous trouverez, devant une des plus grandes gares de la ville, une colonne gothique richement décorée : Charing Cross. Au XIIIème siècle, un des vieux rois Plantagenêt qui faisait transporter à Westminster le corps de la reine Eléonore éleva des croix gothiques à chacune des stations où le cercueil fut posé à terre. Charing Cross est le dernier des monuments qui devaient conserver le souvenir de cette marche funèbre. A une autre place de la ville, non loin du London Bridge, vous remarquerez une colonne moderne très haute que l’on appelle “ The monument ”. Elle doit rappeler le souvenir du grand incendie qui, en 1666, éclata tout près de là et détruisit une grande par-tie de la ville. Ces monuments sont des “ symboles commémoratifs ” comme les symptômes hystériques. La comparaison est donc soutenable jusque-là. Mais que diriez-vous d’un habitant de Londres qui, aujourd hui en -core, s’arrêterait mélancoliquement devant le monument du convoi funèbre de la reine Éléonore, au lieu de s’oc -cuper de ses affaires avec la hâte qu exigent les conditions modernes du travail, ou de se réjouir de la jeune et charmante reine qui captive aujourd hui son propre cœur ? Ou d’un autre qui pleurerait devant “ le monument ”

9 Le symptôme est symbole : Freud procède de l’observation de la guérison partielle des symptômes aux hypothèses sur leurs causes et leur nature. Il faut suivre pas à pas comment les symptômes d’Anna O. guérissent partiellement sous l’effet de cette "talking cure ". Les rêveries sous hypnose autour de la "veille au chevet de son père", ont une causalité sur sa confusion mentale et ses absences qui se voient atténuées parfois supprimés. Cette observation étaye la thèse selon laquelle c’est un conflit inconscient qui est à l’origine des symptômes. Freud s’appuie sur l’exemple spectaculaire de la disparition de l’hydrophobie d’Anna pour établir que la névrose hystérique est d’origine psychique (psychogenèse). Breuer porte son attention sur les "rêveries" les "fantaisies" les "pensées qui la préoccupent pendant ses ab -sences". La malade "verbalise" (talking cure) les pensées et affects agissants dans les symptômes et donc’les symptômes (qui étaient une sorte de "parole" autre) s’affaiblissent. Le soulagement apporté par la verbalisation est plus fort lorsqu’il s’accompagne d’une décharge émo-tionnelle. Ces constats permettent de formuler des hypothèses sur le plan théorique. Le traitement consiste en une "répétition" (revivre au présent la scène traumatique passée) une "remémoration" (la scène refoulée réapparaît à la conscience) une "verbalisation" (élaborer verbale-ment le contenu mnésique oublié permet de maîtriser les affects qui lui sont attachés). Si la répétition, la remémoration et la verbalisation par le langage provoquent une atténuation des symptôme physiologiques, alors c’est que ces symptômes sont une sorte d’autre "langage" d’une mémoire inconsciente, mais agissante.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 4 / 24

Page 5: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

la destruction de la ville de ses pères, alors que cette ville est depuis longtemps sortie de ses cendres et brille au -jourd hui d’un éclat plus vif encore que jadis ?Les hystériques et autres névrosés se comportent comme les deux Londoniens de notre exemple invraisemblable. Non seulement ils se souviennent d’événements douloureux passés depuis longtemps, mais ils y sont encore af-fectivement attachés ; ils ne se libèrent pas du passé et négligent pour lui la réalité et le présent. Cette fixation de la vie mentale aux traumatismes pathogènes est un des caractères les plus importants et, pratiquement, les plus significatifs de la névrose. Vous allez sans doute, en pensant à la malade de Breuer, me faire une objection qui, certainement, est plausible. Tous les traumatismes de cette jeune fille provenaient de l’époque où elle soignait son père malade et ses symptômes ne sont que les marques du souvenir qu elle a conservé de la maladie et de la mort de son père. Le fait de conserver si vivante la mémoire du disparu, et cela peu de temps après sa mort, n’a donc, direz-vous, rien de pathologique; c’est au contraire un processus affectif tout à fait normal. Je vous l’ac-corde volontiers : chez la malade de Breuer, cette pensée qui reste fixée aux traumatismes n’a rien d’extraordi -naire. Mais, dans d’autres cas, ainsi pour ce tic que j ai traité et dont les causes remontaient à quinze et à dix ans dans le passé, on voit nettement que cette sujétion au passé a un caractère nettement pathologique. 10 Cette sujé-tion, la malade de Breuer l’aurait probablement subie aussi, si elle ne s’était pas soumise au traitement cathar-tique peu de temps après l’apparition de ses symptômes.

△6 - Apparition et disparition des symptômes : répression, affects coincés, fixation, conversion et décharge...

Nous n’avons parlé jusqu ici des symptômes hystériques que dans leurs relations avec l’histoire de la vie des ma-lades. Mais nous avons encore à considérer deux autres circonstances dont Breuer fait mention et qui nous feront saisir le mécanisme de l’apparition de la maladie et celui de sa disparition. Insistons d’abord sur ce fait que la malade de Breuer, dans toutes les situations pathogènes, devait réprimer une forte émotion, au lieu de la laisser s’épancher par les voies affectives habituelles, paroles et actes. Lors du petit incident avec le chien de sa gouver-nante, elle réprima, par égard pour celle-ci, l’expression d’un dégoût intense; pendant qu elle veillait au chevet de son père, son souci continuel était de ne rien laisser voir au malade de son angoisse et de son douloureux état d’âme. Lorsque plus tard elle reproduisit ces mêmes scènes devant son médecin, l’émotion refoulée autrefois ressuscita avec une violence particulière, comme si elle s’était conservée intacte pendant tout ce temps. Bien plus, le symptôme qui avait subsisté de cette scène présenta son plus haut degré d’intensité au fur et à mesure que le médecin s’efforçait d’en découvrir l’origine, pour disparaître dès que celle-ci eut été complètement dé-masquée. On peut, d’autre part, constater que le souvenir de la scène en présence du médecin restait sans effet si, pour une raison quelconque, il se déroulait sans être accompagné d’émotions, d“ affects ”.11 c’est apparemment de ces affects que dépendent et la maladie et le rétablissement de la santé. On fut ainsi conduit à admettre que le patient, tombé malade de l’émotion déclenchée par une circonstance pathogène, n’a pu l’exprimer normalement,

10 Les symptômes sont donc’des " résidus mnésiques" d’un "traumatisme psychique"antérieur. (p. 14) Si l’on ne se réfère qu à la pen-sée consciente ils sont "énigmatiques", insensés. Si l’on se réfère à la logique de la pensée inconsciente, ils sont significatifs, ont leur logique, caractérisés essentiellement par des processus de condensation et de déplacement dont Freud a établi la théorie dans l’"Interprétation des Rêves." Les symptômes sont déterminés (déterminisme de l’inconscient psychique) c’est à dire reliés entre eux et avec leur origine causale par les "chaînes" que constituent les associations d’idées. Entre inconscient et conscient, rien d’arbitraire. La nature symbolique des symp-tômes est confirmée par l’exemples des troubles visuels d’Anna, de même la contracture du bras, qui sont re liés, et déterminés, donc ex-priment l’angoisse reliée à l’agonie de son père. Les symptômes physiologiques de la névrose sont analysés selon la méthode de décryptage des images du rêve. (p. 15)Le symptôme est symbole : Freud procède de l’observation de la guérison partielle des symptômes aux hypothèses sur leurs causes et leur nature. Il faut suivre pas à pas comment les symptômes d’Anna O. guérissent partiellement sous l’effet de cette "talking cure". Les rêveries sous hypnose autour de la "veille au chevet de son père", ont une causalité sur sa confusion mentale et ses absences qui se voient atténuées parfois supprimés. Cette observation étaye la thèse selon laquelle c’est un conflit inconscient qui est à l’origine des symptômes. Freud s’appuie sur l’exemple spectaculaire de la disparition de l’hydrophobie d’Anna pour établir que la névrose hystérique est d’origine psychique (psychogenèse). Breuer porte son attention sur les "rêveries" les "fantaisies" les "pensées qui la préoccupent pendant ses ab -sences". La malade "verbalise" (talking cure) les pensées et affects agissants dans les symptômes et donc les symptômes (qui étaient une sorte de "parole" autre) s’affaiblissent. Le soulagement apporté par la verbalisation est plus fort lorsqu’il s’accompagne d’une décharge émo-tionnelle. Ces constats permettent de formuler des hypothèses sur le plan théorique. Le traitement consiste en une "répétition" (revivre au présent la scène traumatique passée) une "remémoration" (la scène refoulée réapparaît à la conscience) une "verbalisation" (élaborer verbale-ment le contenu mnésique oublié permet de maîtriser les affects qui lui sont attachés). Si la répétition, la remémoration et la verbalisation par le langage provoquent une atténuation des symptômes physiologiques, alors c’est que ces symptômes sont une sorte d’autre "langage" d’une mémoire inconsciente, mais agissante.11 Les "affects" coincés jusqu alors, tant qu’ils n’avaient pu trouver à se décharger se trouvaient dirigés vers l’innervation corporelle ou des processus d’inhibition (paralysies) qui se traduisent par des dysfonctionnements. c’est le sens du mot "conversion" dans l’hystérie de conver-sion "où un conflit psychique se trouve trans posé en symptôme somatique moteur (paralysie par exemple) ou sensitif (anesthésies ou dou-leurs localisées). On suppose ici que la libido détachée de la représentation refoulée est transformée en énergie d’innervation." (Freud, Psy-cho-analysis, 1926,p.263) voir p. 18/19.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 5 / 24

Page 6: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

et qu elle est ainsi restée “ coincée ”. Ces affects coincés ont une double destinée. Tantôt ils persistent tels quels et font sentir leur poids sur toute la vie psychique, pour laquelle ils sont une source d’irritation perpétuelle. Tan-tôt ils se transforment en processus physiques anormaux, processus d’innervation ou d’inhibition (paralysie), qui ne sont pas autre chose que les symptômes physiques de la névrose. c’est ce que nous avons appelé l’hystérie de conversion.12 Dans la vie normale, une certaine quantité de notre énergie affective est employée à l’innervation corporelle et produit le phénomène de l’expression des émotions, que nous connaissons tous. l’hystérie de conversion n’est pas autre chose qu une expression des émotions exagérée et qui se traduit par des moyens inac-coutumés. Si un fleuve s’écoule dans deux canaux, l’un d’eux se trouvera plein à déborder aussitôt que, dans l’autre, le courant rencontrera un obstacle.

△7 - Recours nécessaire à l’hypothèse d’un psychisme “ un ”, mais se dédoublant en conscient et inconscient.

Vous voyez que nous sommes sur le point d’arriver à une théorie purement psychologique de l’hystérie, théorie dans laquelle nous donnons la première place au processus affectif. Une deuxième observation de Breuer nous oblige a accorder, dans le déterminisme des processus morbides, une grande importance aux états de la conscience. La malade de Breuer présentait, à côté de son état normal, des états d’âme multiples, états d’absence, de confusion, changement de caractère. A l’état normal, elle ne savait rien de ces scènes pathogènes et de leurs rapports avec ses symptômes. Elle les avait oubliées ou ne les mettait pas en relation avec sa maladie. Lorsqu’on l’hypnotisait, il fallait faire de grands efforts pour lui remettre ces scènes en mémoire, et c’est ce travail de rémi -niscence qui supprimait les symptômes. Nous serions bien embarrassés pour interpréter cette constatation, si l’expérience et l’expérimentation de l’hypnose n’avaient montré le chemin à suivre. l’étude des phénomènes hyp-notiques nous a habitués à cette conception d’abord étrange que, dans un seul et même individu, il peut y avoir plusieurs groupements psychiques, assez indépendants pour qu ils ne sachent rien les uns des autres . Des cas de ce genre, que l’on appelle “ double conscience ”, peuvent, à l’occasion, se présenter spontanément à l’observa -tion. Si, dans un tel dédoublement de la personnalité, la conscience reste constamment liée à l’un des deux états, on nomme cet état l’état psychique conscient, et l’on appelle inconscient celui qui en est séparé. Le phénomène connu sous le nom de suggestion post-hypnotique, dans lequel un ordre donné au cours de l’hypnose se réalise plus tard, coûte que coûte, à l’état normal, donne une image excellente de l’influence que l’état conscient peut re-cevoir de l’inconscient, et c’est d’après ce modèle qu il nous est possible de comprendre les phénomènes obser-vés dans l’hystérie. [...] Il se produit alors cette chose particulière qui est le symptôme, et qui pénètre dans l’état normal comme un corps étranger. d’autant plus que le sujet n’a pas conscience de la cause de son mal. Là où il y a un symptôme, il y a aussi amnésie, un vide, une lacune dans le souvenir, et, si l’on réussit à combler cette la-cune, on supprime par là même le symptôme.[...] Je crains que cette partie de mon exposé ne vous paraisse pas très claire. Mais soyez indulgents. Il s’agit de vues nouvelles et difficiles qu il est peut-être impossible de présenter plus clairement, pour le moment tout au moins.[...] Vous aurez aussi sans doute, et à bon droit, l’impression que les recherches de Breuer ne pouvaient vous donner qu une théorie incomplète et une explication insuffisante des faits observés. Mais des théories par-faites ne tombent pas ainsi du ciel, et vous vous méfieriez à plus forte raison de l’homme qui, dès le début de ses observations, vous présenterait une théorie sans lacune et complètement parachevée. Une telle théorie ne saurait être qu un produit de la spéculation et non le fruit d’une étude sans parti pris de la réalité.

Deuxième leçon.

12 Mise en place du concept de "refoulement" : S’il y a un lien de causalité et son "retour" sous la forme du symptôme, le travail de la cure doit suivre le chemin inverse. Freud modifiera par la suite cette théorie, ayant constaté que ce n’est pas toujours un souvenir d’enfance "réel" qui se trouve à l’origine du symptôme ; un désir, un "fantasme" non réalisé et refoulé peut avoir le même effet pathogène. Les résultats de la méthode cathartique permettent de fonder la thèse inaugurale de la psychanalyse, à savoir que le sujet humain est scindé en deux instances psychiques dis tinctes : le conscient et l’inconscient (c’est la première topique.) Seule cette coupure de l’appareil psychique en deux systèmes indépendants, (conscient et inconscient) permet de comprendre la psychoge-nèse des symptômes, qui est telle que le "symptôme pénètre dans l’état normal (conscient) comme un corps étranger," ce qui lui confère son statut d’étrangeté, et de fait "à interpréter." Le symptôme est étranger à la conscience de celui qui le vit car le sujet, ignore à la fois le contenu de ce qu’il refoule (le sens) mais aussi qu’il refoule (le mécanisme). Le processus du refoulement est inconscient : "le sujet n’a pas conscience de la cause de son mal." (p. 21)

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 6 / 24

Page 7: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

Conception nouvelle de l’hystérie. Refoulement et résistance. Le conflit psychique. Le symptôme est le substitut d’une idée refoulée. La méthode psychanalytique.

[Freud est élève de Charcot à la Salpêtrière, de 1885 à 1886. Il y rencontre Pierre Janet son disciple qui analyse lui aussi le phénomène de l’hystérie en terme de processus du dédoublement mental et dissociation de la per-sonnalité. Pour Janet la cause est à chercher une perte de la synthèse psychique due à une faiblesse psychique. Freud au contraire, renforce sa théorie dynamique de l’appareil psychique : la dissociation est l’effet d’un conflit entre désir refoulé et donc inconscient qui tente un retour et mécanisme de défense du “ moi ”.]

8 - Pour Janet la dissociation est la marque d’une faiblesse psy-chique... Critique de cette théorie.

L illustre clinicien, dont je fus l’élève en 1885-1886, était peu enclin aux conceptions psychologiques. Ce fut son disciple Pierre Janet qui tenta d’analyser de près les processus psychiques de l’hystérie, et nous suivîmes son exemple, en faisant du dédoublement mental et de la dissociation de la personnalité le pivot de notre théorie. [...] d’après cet auteur, l’hystérie est une forme d’altération dégénérative du système nerveux, qui se manifeste par une faiblesse congénitale de la synthèse psychique. Voici ce qu il entend par là : les hystériques seraient inca -pables de maintenir en un seul faisceau les multiples phénomènes psychiques, et il en résulterait la tendance à la dissociation mentale.13 Si vous me permettez une comparaison un peu grossière, mais claire, l’hystérique de Ja-net fait penser à une femme qui est sortie pour faire des emplettes et revient chargée de boîtes et de paquets. Mais ses deux bras et ses dix doigts ne lui suffisent pas pour embrasser convenablement tout son bagage, et voilà un paquet qui glisse à terre. Elle se baisse pour le ramasser, mais c’est un autre qui dégringole. Et ainsi de suite.Cependant, il est des faits qui ne cadrent pas très bien avec cette théorie de la faiblesse mentale. Ainsi, on constate chez les hystériques certaines capacités qui diminuent, d’autres qui augmentent, comme s’ils voulaient compenser d’un côté ce qui est réduit de l’autre. Par exemple, à l’époque où la malade de Breuer avait oublié sa langue maternelle ainsi que toutes les autres, sauf l’anglais, elle parlait celle-ci avec une telle perfection qu elle était capable, quand on lui mettait dans les mains un livre allemand, de faire à livre ouvert une traduction excel-lente.14

Lorsque, plus tard, j entrepris de continuer seul les recherches commencées par Breuer, je me formai bientôt une opinion différente sur l’origine de la dissociation hystérique (dédoublement de la conscience).Une telle diver-gence devait se produire, puisque je n’étais pas parti, comme Janet, d’expériences de laboratoire, mais de néces-sités thérapeutiques.15

9 - l’abandon du traitement cathartique au profit de la méthode de libre association.

Ce qui m importait avant tout, c’était la pratique. Le traitement cathartique, appliqué par Breuer, exigeait qu on plongeât le malade dans une hypnose profonde puisque seuls les états hypnotiques lui permettaient de se rappeler les événements pathogènes qui lui échappaient à l’état normal. Or, je n’aimais pas l’hypnose; c’est un procédé incertain et qui a quelque chose de mystique. Mais lorsque j eus constaté que, malgré tous mes efforts, je ne pou-vais mettre en état d’hypnose qu une petite partie de mes malades, je décidai d’abandonner ce procédé et d’ap-pliquer le traitement cathartique. J’essayai donc d’opérer en laissant les malades dans leur état normal. Cela sem-blait au premier abord une entreprise insensée et sans chance de succès. Il s’agissait d’apprendre du malade

13 Disciple de Charcot, Pierre Janet s’oriente vers une explication psychogénétique de l’hystérie. l’origine n’est pas un traumatisme circons-tanciel, externe, mais l’hystérie proviendrait d’une dégénérescence nerveuse, héréditaire et donc innée. l’hystérie est un phénomène de perte de la "force de synthèse mentale" qui se traduit par une dissociation mentale ou dédoublement de la personnalité.(23)14 Freud critique la théorie de la névrose comme "faiblesse mentale" (Janet) Les maladies mentales ne sont plus des déficits, des mala-dies par défaut, même si elles entraînent des incapacités. On ne peut plus considérer la maladie comme négativité face à une normalité conçue comme positivité, ce qui ne faisait que renforcer la norme et la normalité. Freud introduit une conception de fonctionnement dyna-mique et écono mique , où les forces se "compensent". Chez l’hystérique certaines capacités s’affaiblissent mais d’autres se renforcent. Consé-quence : on ne peut plus penser le rapport normal/pathologique en terme de plus et de moins ; rupture avec la description purement négative de la maladie au 19èmes. La maladie, provoque sans doute une inadaptation sociale et une souffrance, mais il faut également la comprendre aussi comme réponse adaptative à la souffrance interne, comme sens et positivité. 15 Traumatisme psychique ou déficit nerveux ? Des recherches parallèles aux hypothèses différentes : Parallèlement à Freud et Breuer, Chariot (à la Salpêtrière) étudie la névrose hystérique mais en conservant l’hypothèse d’une psychogenèse organique. Freud et Breuer em-pruntent à Chariot le concept de traumatisme, qui en chirurgie désigne une "blessure" organique, mais l’utilisent métaphoriquement sur le plan "psychique". Le traumatisme ainsi déplacé sur le plan psychique comme une situation affective dont l’intensité est insupportable et bou-leverse le sujet, produisant des troubles durables, dans l’organisation psychique, pouvant donner lieu à des désordres physiologiques (hysté-rie de "conversion"). Par la suite Freud abandonnera cette métaphore biologique parler en terme de "processus psychique ".

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 7 / 24

Page 8: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

quelque chose qu on ne savait pas et que lui-même ignorait. Comment pouvait-on espérer y parvenir? Je me sou-vins alors d’une expérience étrange et instructive que j avais vue chez Bernheim, à Nancy. Bernheim nous avait montré que les sujets qu il avait mis en somnambulisme hypnotique et auxquels il avait fait accomplir divers actes n’avaient perdu qu apparemment le souvenir de ce qu ils avaient vu et vécu sous l’hypnose, et qu il était possible de réveiller en eux ces souvenirs à l’état normal. Si on les interroge, une fois réveillés, sur ce qui s’est passé, ces sujets prétendent d’abord ne rien savoir; mais si on ne cède pas, si on les presse, si on leur assure qu ils le peuvent, alors les souvenirs oubliés reparaissent sans manquer.J’agis de même avec mes malades. Lorsqu ils prétendaient ne plus rien savoir, je leur affirmais qu ils savaient, qu ils n’avaient qu à parler, et j assurais même que le souvenir qui leur reviendrait au moment où je mettrais la main sur leur front serait le bon. De cette manière, je réussis, sans employer l’hypnose, à apprendre des malades tout ce qui était nécessaire pour établir le rapport entre les scènes pathogènes oubliées et les symptômes qui en étaient les résidus. Mais c’était un procédé pénible et épuisant à la longue, qui ne pouvait s’imposer comme une technique définitive.Je ne l’abandonnai pourtant pas sans en avoir tiré des conclusions décisives : la preuve était faite que les souve-nirs oubliés ne sont pas perdus, qu ils restent en la possession du malade, prêts à surgir, associés à ce qu il sait encore. Mais il existe une force qui les empêche de devenir conscients. l’existence de cette force peut être consi-dérée comme certaine, car on sent un effort quand on essaie de ramener à la conscience les souvenirs incons-cients. Cette force, qui maintient l’état morbide, on l’éprouve comme une résistance opposée par le malade.C est sur cette idée de résistance que j ai fondé ma conception des processus psychiques dans l’hystérie. La sup-pression de cette résistance s’est montrée indispensable au rétablissement du malade. d’après le mécanisme de la guérison, on peut déjà se faire une idée très précise de la marche de la maladie. Les mêmes forces qui, aujour-d’hui, s’opposent à la réintégration de l’oublié dans le conscient sont assurément celles qui ont, au moment du traumatisme, provoqué cet oubli et qui ont refoulé dans l’inconscient les incidents pathogènes. J’ai appelé refou-lement ce processus supposé par moi et je l’ai considéré comme prouvé par l’existence indéniable de la résis-tance.16

Mais on pouvait encore se demander ce qu étaient ces forces, et quelles étaient les conditions de ce refoulement où nous voyons aujourd’hui le mécanisme pathogène de l’hystérie. Ce que le traitement cathartique nous avait appris nous permet de répondre à cette question. Dans tous les cas observés on constate qu un désir violent a été ressenti, qui s’est trouvé en complète opposition avec les autres désirs de l’individu, inconciliable avec les aspi-rations morales et esthétiques de sa personne. Un bref conflit s’est ensuivi; à l’issue de ce combat intérieur, le dé-sir inconciliable est devenu l’objet du refoulement, il a été chassé hors de la conscience et oublié. Puisque la re-présentation en question est inconciliable avec “ le moi ” du malade, le refoulement se produit sous forme d’exi-gences morales ou autres de la part de l’individu. l’acceptation du désir inconciliable ou la prolongation du conflit auraient provoqué un malaise intense; le refoulement épargne ce malaise, il apparaît ainsi comme un moyen de protéger la personne psychique.17

10 - Un exemple de processus de défense du “ moi ” et de refoule-ment . Limage de la salle de conférence.

16 Présentation des observations cliniques qui amènent Freud à formuler la théorie psychanalytique de la division de l’appareil psychique en conscient et inconscient, mise en place des concepts de résistance et refoulement, et renoncement sur le plan pratique à la technique de l’hypnose, ("méthode cathartique") au profit de celle de "libre association ." 17 Point sur le apports théoriques de la "méthode cathartique" (Hypnose) et constitution de la "première topique." - Ce que le traitement sous hypnose a permis d’établir. 1/ Les scènes pathogènes oubliées n’ont pas disparu de l’appareil psychique puisqu on peut les faire réapparaître" : il existe donc un psychisme "inconscient" et actif. 2/ Ce qui a été refoulé du système conscient trouve son retour "direct" barré par une contre-force qui se manifeste sous forme de "résistances" (arrêt dans les libres associations, éluder la question, agressi-vité etc.)- Représentation topique et dynamique   : ces observations amènent Freud à construire une "représentation théorique" de l’appareil psychique en terme de "lieux psychiques" ("topos" en grec’= "lieu".) La première topique distingue dans l’appareil psychique deux systèmes : la conscience et l’inconscient. Cette première topique permet de rendre compte qu un souvenir oublié puise réapparaître. De plus c’est un rap-port de forces qui règle le passage des représentations d’un système dans un autre : c’est une théorie dynamique de l’appareil psychique. La résistance est l’effet apparent du refoulement, qui barre le retour direct (sans travestissement) du refoulé dans la conscience.Le "conflit" structure de la personnalité et origine de la névrose : Après avoir établi le comment ça ce passe ? Le fonctionnement et la relation résistance/refoulement, conscient/inconscient (décrire) , Freud formule l’hypothèse explicative du pourquoi cela se passe ainsi ? (ex-pliquer, indiquer la cause.) l’hypothèse causale est celle du conflit psychique. Le fil directeur est que la force qui refoule est celle qui satisfait aux exigences , introjectées dans le Moi conscient, de la moralité. Deux groupes de pulsions se trouvent en conflit : les pul sions sexuelles émanant du Ça et les pulsions du Moi. le refoulement est un moyen de protéger la personne psychique, c’est à dire une protection du Moi contre les pulsions sexuelles. Le cas clinique donné en exemple est celui de la jeune fille qui refoule l’attrait pour son beau frère par culpabi-lité envers sa sœur décédée.(27) Il illustre également les conflits entre le Moi et le Ca par l’image du conférencier qui expulse un membre de l’auditoire rebelle. Valeur strictement "pédagogique" de cette métaphore peu rigoureuse... (28)

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 8 / 24

Page 9: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

Je me limiterai à l’exposé d’un seul cas, dans lequel les conditions et l’utilité du refoulement sont clairement ré-vélées. Néanmoins, je dois encore écourter ce cas et laisser de côté d’importantes hypothèses. - Une jeune fille avait récemment perdu un père tendrement aimé, après avoir aidé à le soigner - situation analogue à celle de la malade de Breuer. Sa sœur aînée s’étant mariée, elle se prit d’une vive affection pour son beau-frère, affection qui passa, du reste, pour une simple intimité comme on en rencontre entre les membres d’une même famille. Mais bientôt cette sœur tomba malade et mourut pendant une absence de notre jeune fille et de sa mère. Celles-ci furent rappelées en hâte, sans être entièrement instruites du douloureux événement. Lorsque la jeune fille arriva au chevet de sa sœur morte, en elle émergea, pour une seconde, une idée qui pouvait s’exprimer à peu près ainsi : maintenant il est libre et il peut m épouser. Il est certain que cette idée, qui trahissait à la conscience de la jeune fille l’amour intense qu elle éprouvait sans le savoir pour son beau-frère, la révolta et fut immédiatement refoulée. La jeune fille tomba malade à son tour, présenta de graves symptômes hystériques, et lorsque je la pris en traitement, il apparut qu elle avait radicalement oublié cette scène devant le lit mortuaire de sa sœur et le mou-vement de haine et d’égoïsme qui s’était emparé d’elle. Elle s’en souvint au cours du traitement, reproduisit cet incident avec les signes de la plus violente émotion, et le traitement la guérit.J’illustrerai le processus du refoulement et sa relation nécessaire avec la résistance par une comparaison gros-sière. Supposez que dans la salle de conférences, dans mon auditoire calme et attentif, il se trouve pourtant un in -dividu qui se conduise de façon à me déranger et qui me trouble par des rires inconvenants, par son bavardage ou en tapant des pieds. Je déclarerai que je ne peux continuer à professer ainsi ; sur ce, quelques auditeurs vigou-reux se lèveront et, après une brève lutte, mettront le personnage à la porte. Il sera “ refoulé ” et je pourrai conti-nuer ma conférence. Mais, pour que le trouble ne se reproduise plus, au cas où l’expulsé essaierait de rentrer dans la salle, les personnes qui sont venues à mon aide iront adosser leurs chaises à la porte et former ainsi comme une “ résistance ”. Si maintenant l’on transporte sur le plan psychique les événements de notre exemple, si l’on fait de la salle de conférences le conscient, et du vestibule l’inconscient, voilà une assez bonne image du refoulement.C est en cela que notre conception diffère de celle de Janet. Pour nous, la dissociation psychique ne vient pas d’une inaptitude innée de l’appareil mental à la synthèse; nous l’expliquons dynamiquement par le conflit de deux forces psychiques, nous voyons en elle le résultat d’une révolte active des deux constellations psychiques, le conscient et l’inconscient, l’une contre l’autre. Cette conception nouvelle soulève beaucoup de nouveaux pro-blèmes. Ainsi le conflit psychique est certes très fréquent et le “ moi ” cherche à se défendre contre les souvenirs pénibles, sans provoquer pour autant une dissociation psychique. Force est donc d’admettre que d’autres condi-tions sont encore requises pour amener une dissociation. J’accorde volontiers que l’hypothèse du refoulement constitue non pas le terme mais bien le début d’une théorie psychologique; mais nous ne pouvons progresser que pas à pas, et il faut nous laisser le temps d’approfondir notre idée. [...]18

Le résultat le plus précieux auquel nous avait conduit l’observation de Breuer (cas d’Anna O.) était la découverte de la relation des symptômes avec les événements pathogènes ou traumatismes psychiques. Comment allons-nous interpréter tout cela du point de vue de la théorie du refoulement ? Au premier abord, on ne voit vraiment pas comment. Mais au lieu de me livrer à une déduction théorique compliquée, je vais reprendre ici notre compa-raison de tout à l’heure. Il est certain qu en éloignant le mauvais sujet qui dérangeait la leçon et en plaçant des sentinelles devant la porte, tout n’est pas fini. Il peut très bien arriver que l’expulsé, amer et résolu, provoque en-core du désordre. Il n’est plus dans la salle, c’est vrai; on est débarrassé de sa présence, de son rire moqueur, de ses remarques à haute voix; mais à certains égards, le refoulement est pourtant resté inefficace, car voilà qu au-dehors l’expulsé fait un vacarme insupportable; il crie, donne des coups de poing contre la porte et trouble ainsi la conférence plus que par son attitude précédente. Dans ces conditions, il serait heureux que le président de la réunion veuille bien assumer le rôle de médiateur et de pacificateur. Il parlementerait avec le personnage récalci-trant, puis il s’adresserait aux auditeurs et leur proposerait de le laisser rentrer, prenant sur lui de garantir une meilleure conduite. On déciderait de supprimer le refoulement et le calme et la paix renaîtraient. Voilà une image assez juste de la tâche qui incombe au médecin dans le traitement psychanalytique des névroses.Exprimons-nous maintenant sans images : l’examen d’autres malades hystériques et d’autres névrosés nous conduit à la conviction qu ils n’ont pas réussi à refouler l’idée à laquelle est lié leur désir insupportable. Ils l’ont bien chassée de leur conscience et de leur mémoire, et se sont épargné, apparemment, une grande somme de souffrances,19 mais le désir refoulé continue à subsister dans l’inconscient; il guette une occasion de se manifes-

18 Dernière critique de l’hypnose : Elle dissimule la résistance en l’annulant artificiellement, ne permet donc’pas d’interpréter les symp-tômes d’Anna O. en terme de re foulement , mais simplement en terme relation. Dire qu un symptôme est relié à un souvenir est une chose, expliquer comment et pourquoi le souvenir oublié est refoulé et construit un symptôme pathologique en est une autre.(29)19 Le refoulement "une adaptation manquée...": le refoulement qui engendre la névrose est une tentative de protection manquée de la part du Moi. Le Moi refoule le désir insupportable (une adaptation positive pour supprimer un malaise) mais du même coup il perd contrôle sur ce désir qui 1/ " continue à agir dans l’inconscient" 2/ "contourne" les résistances et arrive à réapparaître "travesti" dans la conscience, (ce que Freud appellera plus tard la "transgression" de la censure.) et perturbe le conscient apparaissant comme un corps étranger. On peut dire que le Moi pratique la politique de l’autruche, plutôt que de faire face au conflit, de le gérer, il s’en débarrasse et le refoule, et de se fait, se laisse "agir" par lui, plutôt que de réagir et de gérer. "Au lieu d’un court conflit, intervient maintenant une souffrance continuelle." La cure consiste à redonner au sujet la possibilité de réintégrer le refoulé et de le gérer (30)

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 9 / 24

Page 10: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

ter et il réapparaît bientôt à la lumière, mais sous un déguisement qui le rend méconnaissable; en d’autres termes, l’idée refoulée est remplacée dans la conscience par une autre qui lui sert de substitut, d’ersatz, et à laquelle viennent s’attacher toutes les impressions de malaise que l’on croyait avoir écartées par le refoulement. Ce sub-stitut de l’idée refoulée - le symptôme - est protégé contre de nouvelles attaques de la part du “ moi ”; et, au lieu d’un court conflit, intervient maintenant une souffrance continuelle. A côté des signes de défiguration, le symp-tôme offre un reste de ressemblance avec l’idée refoulée. Les procédés de formations substitutives se trahissent pendant le traitement psychanalytique du malade, et il est nécessaire pour la guérison que le symptôme soit ra-mené par ces mêmes moyens à l’idée refoulée. Si l’on parvient à ramener ce qui est refoulé au plein jour - cela suppose que des résistances considérables ont été surmontées -, alors le conflit psychique né de cette réintégra-tion, et que le malade voulait éviter, peut trouver sous la direction du médecin une meilleure solution que celle du refoulement. Une telle méthode parvient à faire évanouir conflits et névroses. Tantôt le malade convient qu il a eu tort de refouler le désir pathogène et il accepte totalement ou partiellement ce désir; tantôt le désir lui-même est dirigé vers un but plus élevé et, pour cette raison, moins sujet à critique (c est ce que je nomme la sublimation du désir); tantôt on reconnaît qu il était juste de rejeter le désir, mais on remplace le mécanisme automatique, donc insuffisant, du refoulement par un jugement de condamnation morale rendu avec l’aide des plus hautes ins-tances spirituelles de l’homme; c’est en pleine lumière que l’on triomphe du désir. [...]20

Troisième leçon

11 - Le déterminisme psychique, une hypothèse qu il faut prendre comme principe pour interpréter et mener une investigation dans l’inconscient.

[En insistant sur les résistance du discours du patient Freud fait bien surgir des idées, des souvenirs mais qui sont rarement directement l’événement refoulé qui aura provoqué le traumatisme. Il faut donc supposer que dans le psychisme les contenus mentaux sont liés entre eux pour pouvoir remonter d’idée en idée jusqu à l’évé-nement qui cause le trouble. Si ce lien nécessaire n’existait pas, il serait impossible de faire resurgir le refoulé à la conscience. Cette supposition nécessaire est le principe du déterminisme psychique.]

[...] Je m accrochai à un principe dont la légitimité scientifique a été démontrée plus tard par mon ami C.G. Jung et ses élèves à Zurich. c’est celui du déterminisme psychique, en la rigueur duquel j avais la foi la plus absolue. 21

A quoi bon la mise à jour des conflits ? : On peut se demander quel est le progrès accompli par l’analyse si elle se borne à replacer dans la conscience un conflit ancien... La réponse est dans l’attitude du sujet face à lui : on lui donne la possibilité de résoudre ce conflit de plusieurs manières. 1/ Soit le malade accepte ce désir refoulé : souvent il est très ancien, venu de l’enfance et les motifs du conflit et de la culpabilité sont caducs. 2/ Soit il "sublime" le désir, c’est à dire lui assigne un autre objet de satisfaction, plus élevé et en accord avec’les exigences mo-rales de son Moi, (plasticité des pulsions...) Par exemple la pulsion sexuelle infantile peut être sublimée en curiosité intellectuelle. 3/ Soit le désir est rejeté en pleine conscience, on fait le deuil volontaire du désir. Le renoncement volontaire, la condamnation consciente, redonne une maîtrise au Moi, et le désir perd sa force pathogène.Pourquoi le refoulement échoue-t-il ? Pourquoi se forme-t-il un substitut du désir ou symptôme ? :- La réponse à cette question sera fournie par la première théorie des pulsions. Au groupe des pulsions du Moi s’oppose le groupe des pul-sions sexuelles   : " nous admettons la façon populaire de distinguer entre les pulsions du Moi et les pulsions sexuelles, distinction qui semble concorder avec la double orientation biologique possédée par tout être vivant aspirant d’une part à sa propre conservation et d’autre part avec la conservation de l’espèce." (Cinq psychanalyses, p.318)- Cette première théorie des pulsions, rend compte de la théorie du refoulement des textes de Freud d’avant 1910. Le refoulement comme conflit psychique entre les repré sentants des pulsions sexuelles et la normalité ambiante, conflit produisant refoulement et symptôme. Le Moi est le système de représentation que se fait le sujet de ce qu’il doit être et faire pour satisfaire à la demande des autres, pour satisfaire aux exi-gences sociales. Il faut replacer cette théorie dans le cadre des la morale puri taine de la Vienne des années 1900, dans le cadre d’une critique fondée sur les effets pathogènes observés chez les malades d’une éthique souvent hypocrite.20 Le principe du "déterminisme" psychique : Freud marque bien que ce principe est un "a priori" de la recherche, " je m accrochai à un principe," il s’agit d’une "foi" sans laquelle le travail d’interprétation serait impossible. l’idée directrice est que psychisme est soumis à un "ordre intelligible", qu’il existe des liens entre tous les phénomènes psychiques, même si ces liens et cet ordre sont cachés. Affirmer ce déter-minisme psychique c’est donc affirmer qu aucun phénomène psychique n’est irrationnel, que tous ont un sens, même sous des apparences ir-rationnelles et insignifiantes. Le travail de l’analyste portera donc sur tous les comportements, actes et non seulement sur les idées (compor-tements verbaux) qui surgissent par libre association dans le dialogue. On prendra en compte les rêves, les mots d’esprits, les lapsus, les actes manqués symptomatique.21 Le travail de "masquage et déguisement" de l’inconscient, l’analyse comme traduction : la première idée qui vient à l’esprit du pa-tient n’est pas la cause pathogène, mais elle en est le "substitut", c’est-à-dire le symptôme, la déformation, qu’il faut interpréter. Contenu pensable, conscient, "manifeste", elle renvoie à un contenu "latent" qu elle exprime de manière masquée ; comme une "allusion" ou une "tra-duction." (34) Freud insiste sur ce "travail" auquel se livre l’inconscient, qui est donc actif. Cette déformation est d’autant plus forte que la résistance est plus forte. C est une autre dimension de la théorie psychanalytique. Jusqu ici l’appareil psychique était éclairé dans une perspective topique (deux sys-tèmes : conscient/conscient) et dynamique (rapports de force entre ces systèmes : refoulement et résistance). Le nouveau point de vue intro-

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 10 / 24

Page 11: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

Je ne pouvais pas me figurer qu une idée surgissant spontanément dans la conscience d’un malade, surtout une idée éveillée par la concentration de son attention, pût être tout à fait arbitraire et sans rapport avec la représen-tation oubliée que nous voulions retrouver. Qu elle ne lui fût pas identique, cela s’expliquait par l’état psycholo-gique supposé. Deux forces agissaient l’une contre l’autre dans le malade; d’abord son effort réfléchi pour rame-ner à la conscience les choses oubliées, mais latentes dans son inconscient; d’autre part la résistance que je vous ai décrite et qui s’oppose au passage à la conscience des éléments refoulés. Si cette résistance est nulle ou très faible, la chose oubliée devient consciente sans se déformer; on était donc autorisé à admettre que la déformation de l’objet recherché serait d’autant plus grande que l’opposition à son arrivée à la conscience serait plus forte. l’idée qui se présentait à l’esprit du malade à la place de celle qu on cherchait à rappeler avait donc elle-même la valeur d’un symptôme. c’était un substitut nouveau, artificiel et éphémère de la chose refoulée et qui lui ressem-blait d’autant moins que sa déformation, sous l’influence de la résistance, avait été plus grande. Pourtant, il de -vait y avoir une certaine similitude avec la chose recherchée, puisque c’était un symptôme et, si la résistance n’était pas trop intense, il devait être possible de deviner, au moyen des idées spontanées, l’inconnu qui se déro-bait. L’idée surgissant dans l’esprit du malade est, par rapport à l’élément refoulé, comme une allusion, comme une traduction de celui-ci dans un autre langage.22

12 - l’analyse du mot d’esprit comme allusion qui transgresse la censure sociale. Un exemple.

Nous connaissons dans la vie psychique normale des situations analogues qui conduisent à des résultats sem-blables. Tel est le cas du mot d’esprit. [...] Je vais vous en donner un exemple.On raconte que deux commerçants peu scrupuleux, ayant réussi à acquérir une grande fortune au moyen de spé -culations pas très honnêtes, s’efforçaient d’être admis dans la bonne société. Il leur sembla donc utile de faire faire leurs portraits par un peintre très célèbre et très cher. Les deux spéculateurs donnèrent une grande soirée pour faire admirer ces tableaux coûteux et conduisirent eux-mêmes un critique d’art influent devant la paroi du salon où les portraits étaient suspendus l’un à côté de l’autre. Le critique considéra longuement les deux por-traits, puis secoua la tête comme s’il lui manquait quelque chose, et se borna à demander, en indiquant l’espace libre entre les tableaux : “ Où est le Christ? ”Analysons cette plaisanterie. Evidemment, le critique a voulu dire : “ Vous êtes deux coquins, comme ceux entre lesquels on a crucifié Jésus-Christ. ” Cependant, il ne l’a pas dit. Il a dit autre chose qui, au premier abord, paraît tout à fait étrange, incompréhensible, sans rapport avec la situation présente. On ne tarde pourtant pas à discerner dans cette exclamation du critique d’art l’expression de son mépris. Elle tient lieu d’une injure. Elle a la même valeur, la même signification : elle en est le substitut.Certes, nous ne pouvons pas pousser trop loin notre parallèle entre le cas du mot d’esprit et les associations four -nies par les malades; cependant, il nous faut souligner la parenté que l’on constate entre les mobiles profonds d’un mot d’esprit et ceux qui font surgir une idée dans la conscience des malades au cours d’un interrogatoire. Pourquoi notre critique n’a-t-il pas exprimé directement sa pensée aux deux coquins ? Parce que, à côté de son désir de leur parler net, d’excellents motifs contraires agissaient sur lui. Il n’est pas sans danger d’insulter des gens dont on est l’invité et qui ont à leur disposition une nombreuse domesticité aux poings solides. Nous avons vu précédemment combien les tapageurs et ceux qui méprisent les convenances étaient rapidement “ refoulés ”. c’est pourquoi notre critique d’art se garde bien d’être explicite et déguise son injure sous la forme d’une simple allusion. De même, chez nos malades, ces idées-substituts qui surgissent à la place des souvenirs oubliés et dont elles ne sont qu un déguisement.

△duit est linguistique. Par la suite cette perspective aura de larges développements autour des travaux de Jacques Lacan, qui affirmera que "l’inconscient est structuré comme un langage."Définir la relation inconscient/conscient en terme de "traduction" suppose que les pensées qui passent d’un système à l’autre subissent des déformations comparables à celle d’une langue que l’on traduit dans une langue étrangère. Voie ouverte pour étudier les phénomènes psy-chiques comme étant réglés sur le modèle des règles qui régissent le langage. (34)22 Le "mot d’esprit" et ses rapports avec’l’inconscient : souligner qu’il s’agit d’un acte "normal" qui relève non de la névrose, mais de ce que Freud appelle la psychopathologie de la vie quotidienne. Entre normal et pathologique la frontière s’efface. Entre ce que dit le critique d’art dans son mot d’esprit au premier degré (contenu manifeste) et ce qu’il dit vraiment au second degré (contenu latent et réel) il y a une "allusion" ou "traduction". Le mot d’esprit est le "substitut" d’une injure "non-dite" parce que refoulée par les convenances. (35/36) Tout comme le symptôme-substitut ou l’idée substitut, le mot d’esprit semble absurde, insensé, mais cette irrationalité n’est qu apparente. L’ana-lyse met à jour l’intention cachée qui ne peut s’exprimer que par allusion, le mépris du critique qui ne peut s’exprimer que sous forme sym-bolique.Le désir qui s’exprime par le mot d’esprit est plus facile à comprendre que celui qui s’exprime dans les symptômes, car la résistance y est beaucoup moins forte. Dans les deux cas il s’agit de l’expression déguisée d’une pensée par le truchement d’une autre qui lui est liée pas as-sociation.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 11 / 24

Page 12: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

13 - Le concept de “ complexe ”, l’observation des “ résistances ” au cours des “ libres associations ”, l’accès au refoulé.

Suivons l’exemple de l’école de Zurich (Bleuler, Jung, etc.) et appelons complexe tout groupe d’éléments repré-sentatifs liés ensemble et chargés d’affect.23 Si, pour rechercher un complexe refoulé, nous partons des souvenirs que le malade possède encore, nous pouvons donc y parvenir, à condition qu il nous apporte un nombre suffisant d’associations libres. Nous laissons parler le malade comme il lui plaît, conformément à notre hypothèse d’après laquelle rien ne peut lui venir à l’esprit qui ne dépende indirectement du complexe recherché. Cette méthode pour découvrir les éléments refoulés vous semble peut-être pénible; je puis cependant vous assurer que c’est la seule praticable.Il arrive parfois qu elle semble échouer : le malade s’arrête brusquement, hésite et prétend n’avoir rien à dire, qu il ne lui vient absolument rien à l’esprit. S’il en était réellement ainsi, notre procédé serait inapplicable. Mais une observation minutieuse montre qu un tel arrêt des associations libres ne se présente jamais. Elles paraissent sus-pendues parce que le malade retient ou supprime l’idée qu il vient d’avoir, sous l’influence de résistances revê-tant la forme de jugements critiques. On évite cette difficulté en avertissant le malade à l’avance et en exigeant qu il ne tienne aucun compte de cette critique. Il faut qu il renonce complètement à tout choix de ce genre et qu il dise tout ce qui lui vient à l’esprit, même s’il pense que c’est inexact, hors de la question, stupide même, et sur-tout s’il lui est désagréable que sa pensée s’arrête à une telle idée. S’il se soumet à ces règles, il nous procurera les associations libres qui nous mettront sur les traces du complexe refoulé.Ces idées spontanées que le malade repousse comme insignifiantes, s’il résiste au lieu de céder au médecin, re-présentent en quelque sorte, pour le psychanalyste, le minerai dont il extraira le métal précieux par de simples ar-tifices d’interprétation.[...]

L examen des idées spontanées qui se présentent au malade, s’il se soumet aux principales règles de la psychana-lyse, n’est pas le seul moyen technique qui permette de sonder l’inconscient. Deux autres procédés conduisent au même but : l’interprétation des rêves et celle des erreurs et des lapsus.

△14 - l’interprétation des rêves “ voie royale de la connaissance de l’inconscient.

[...] l’interprétation des rêves est, en réalité, la voie royale de la connaissance de l’inconscient, la base la plus sûre de nos recherches, et c’est l’étude des rêves, plus qu aucune autre, qui vous convaincra de la valeur de la psychanalyse et vous formera à sa pratique.24 Quand on me demande comment on peut devenir psychanalyste, je 23 La notion de "complexe" : il faut être rigoureux, car c’est une notion déformée par la vulgarisation de la psychanalyse. Il s’agit d’un "groupe d’éléments représentatifs (inconscients) liés ensemble et chargés d’affects." (36) La méthode analytique de libre associations, permet de mettre à jour ce complexe en partant des mots induc teurs , ou idées inductrices apparaissant à la conscience et qui lui sont liés en vertu du principe du déterminisme psychique. Le thème inducteur dans le discours du patient se repère car il est entouré d’une résistance. (37)du patient. La règle d’or de l’analyse est la libre association, le sujet suspend autant qu’il le peut le contrôle de la censure consciente sur ses pensées, et les livrer qu elles lui semblent inintéressantes, ridicules, sans rapport avec’les symptômes ou choquantes. Ce sont autant de ju-gements dépréciatifs qui marquent la condamnation, la censure, exercée par le moi sur l’inconscient. La résistance est indice pour l’analyse de voie à poursuivre. (37)24 l’interprétation des rêves : "la voie royale de la connaissance de l’inconscient", noter l’importance que Freud prête à ce corpus à interpré-ter, que chacun a à disposition. Soin qu’il met à ne pas se présenter comme "déchiffreur de songe", prétendant comme dans l’antiquité décou-vrir l’avenir dans les rêves (rêves prophétiques ou pré monitoires .) Le rêve n’est pas parole à déchiffrer d’un Dieu, il ne fait que nous rensei-gner sur le rêveur et son inconscient. Ce que Freud établit c’est que le rêve a un sens, mais que ce sens est humain et individuel.Le rêve "ressemble intimement aux productions des maladies mentales." (38) Le rêve est symptôme, image substitut du désir refoulé, comme le symptôme névrotique. l’action de refoulement est attestée par la répugnance à leur accorder la moindre importance.(38/39) Bien que re-poussant toute croyance au caractère prophétique des rêves, Freud note que l’antiquité voit une conscience obscure de leur caractère sym - bolique et de la possibilité de les interpréter comme signe.Pour résumer on peut dire que le travail d’interprétation s’appuyant sur les associations libres consiste à refaire en sens inverse ce que le tra-vail du rêve a fait.* Rêves d’enfants/rêves d’adultes/ rêves d’angoisse : les rêves des enfants sont plus faciles à interpréter que ceux des adultes, car le travail de déformation du refoulement est plus faible. Le Moi de l’enfant n’a pas des mécanismes de défense aussi forts que celui de l’adulte. Par ailleurs certains rêves d’enfants comme d’adulte n’offrent aucune difficulté d’interprétation car ils réalisent sur le plan imaginaire un désir in-satisfait mais non refoulé, car il ne choque pas la censure. (39) Le rêve d’adulte est le plus souvent incompréhensible et l’affect qui lui est lié n’est pas toujours agréable... il peut y avoir des rêves d’angoisse et des cauchemars. c’est l’indice que le désir qu’ils expriment est refoulé par la censure, et que leur arrivée sur la scène du rêve bien que masquée est accompagnée d’une réprobation de la conscience du rêveur, une dé-fense du "moi."(42) Il faut donc’distinguer entre le contenu manifeste du rêve, le contenu travesti, déformé, masqué, et le contenu latent qui lui est inconscient mais auquel les associations me permettent d’accéder.(39/40) Freud précisera d’ailleurs que ce travail de déguisement est à double niveau, le désir est masqué au cours du rêve, (élaboration primaire), mais de plus au réveil quand je me rappelle le rêve, ma

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 12 / 24

Page 13: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

réponds : par l’étude de ses propres rêves. Nos détracteurs n’ont jamais accordé à l’interprétation des rêves l’at -tention qu elle méritait ou ont tenté de la condamner par les arguments les plus superficiels. Or, si on parvient à résoudre le grand problème du rêve, les questions nouvelles que soulève la psychanalyse n’offrent plus aucune difficulté.Il convient de noter que nos productions oniriques nos rêves - ressemblent intimement aux productions des mala-dies mentales, d’une part, et que, d’autre part, elles sont compatibles avec une santé parfaite. Celui qui se borne à s’étonner des illusions des sens, des idées bizarres et de toutes les fantasmagories que nous offre le rêve, au lieu de chercher à les comprendre, n’a pas la moindre chance de comprendre les productions anormales des états psychiques morbides. Il restera, dans ce domaine, un simple profane... Et il n’est pas paradoxal d’affirmer que la plupart des psychiatres d’aujourd’huidoivent être rangés parmi ces profanes !Jetons donc un rapide coup d’œil sur le problème du rêve.D ordinaire, quand nous sommes éveillés, nous traitons les rêves avec un mépris égal à celui que le malade éprouve à l’égard des idées spontanées que le psychanalyste suscite en lui. Nous les vouons à un oubli rapide et complet, comme si nous voulions nous débarrasser au plus vite de cet amas d’ incohérences. Notre mépris vient du caractère étrange que revêtent, non seulement les rêves absurdes et stupides, mais aussi ceux qui ne le sont pas. Notre répugnance à nous intéresser à nos rêves s’explique par les tendances impudiques et immorales qui se manifestent ouvertement dans certains d’entre eux.. - l’Antiquité, on le sait, n’a pas partagé ce mépris, et aujourd hui encore le bas peuple reste curieux des rêves auxquels il demande, comme les Anciens, la révélation de l’ave-nir.Je m empresse de vous assurer que je ne vais pas faire appel à des croyances mystiques pour éclairer la question du rêve; je n’ai du reste jamais rien constaté qui confirme la valeur prophétique d’un songe. Cela n’empêche pas qu une étude du rêve nous réservera de nombreuses surprises.D abord, tous les rêves ne sont pas étrangers au rêveur, incompréhensibles et confus pour lui. Si vous vous don-nez la peine d’examiner ceux des petits enfants, à partir d’un an et demi, vous les trouvez très simples et facile-ment explicables. Le petit enfant rêve toujours de la réalisation de désirs que le jour précédent a fait naître en lui, sans les satisfaire. Aucun art divinatoire n’est nécessaire pour trouver cette simple solution ; il suffit seulement de savoir ce que l’enfant a vécu le jour précédent. Nous aurions une solution satisfaisante de l’énigme si l’on dé-montrait que les rêves des adultes ne sont, comme ceux des enfants, que l’accomplissement des désirs de la veille. Or c’est bien là ce qui se passe. Les objections que soulève cette manière de voir disparaissent devant une analyse plus approfondie.Voici la première de ces objections : les rêves des adultes sont le plus souvent incompréhensibles et ne res-semblent guère à la réalisation d’un désir. - Mais, répondons-nous, c’est qu ils ont subi une défiguration, un dé-guisement. Leur origine psychique est très différente de leur expression dernière. Il nous faut donc distinguer deux choses : d’une part, le rêve tel qu il nous apparaît, tel que nous l’évoquons le matin, vague au point que nous avons souvent de la peine à le raconter, à le traduire en mots; c’est ce que nous appellerons le contenu ma-nifeste du rêve. d’autre part, nous avons l’ensemble des idées oniriques latentes, que nous supposons présider au rêve du fond même de l’inconscient. Ce processus de défiguration est le même que celui qui préside à la nais-sance des symptômes hystériques. La formation des rêves résulte donc du même contraste de forces psychiques que dans la formation des symptômes. Le “ contenu manifeste ” du rêve est le substitut altéré des “ idées oni-riques latentes ” et cette altération est l’œuvre d’un “ moi ” qui se défend; elle naît de résistances qui interdisent absolument aux désirs inconscients d’entrer dans la conscience à l’état de veille; mais, dans l’affaiblissement du sommeil, ces forces ont encore assez de puissance pour imposer du moins aux désirs un masque qui les cache. Le rêveur ne déchiffre pas plus le sens de ses rêves que l’hystérique ne pénètre la signification de ses symptômes.25

conscience ne retient pas tout de ce contenu manifeste, elle oublie, ce qui est une manière de censurer, (" élaboration secondaire. ")Le relâchement de la censure pendant le sommeil n’est pas absolu, ce qui explique que "le rêveur ne déchiffre pas plus le sens de ses rêves que l’hystérique ne pénètre le sens de ses symptômes." (40) le déchiffrement du rêve se fait pas associa tion libre à partir du contenu mani-feste pour découvrir, le sens, la réalité, c’est-à-dire le contenu latent. (40/41) Remarquer que Freud note que le refoulé peut être récent (désir de la veille) mais que le plus souvent le désir ou les impressions refoulées sont issues de la petite enfance. " Par le rêve, c’est l’enfant qui continue à vivre dans l’homme, avec’ses particularités et ses désirs, même ceux qui sont devenus inutiles." (41)25 Travail du rêve ou "travail onirique." : l’inconscient dans son travail de déguisement du désir, opère un véritable travail, dont Freud in-dique deux processus : la condensation et le déplacement dont on retrouve l’action dans tous les "formations de l’inconscient" : rêve, mais aussi lapsus, actes manqués, oublis, symptômes névrotiques. Cette notion a une grande importance théorique, puisqu elle définit les pro-cessus propres à l’inconscient et à leur "traduction" dans la conscience.La condensation consiste à représenter plusieurs pensées en une seule. Ainsi en se remémorant un fragment de rêve récent, si on associe li -brement ce qui s’y rattache, ce fragment peut renvoyer à de multiples séries qui partent "en écheveaux" et peuvent de fil en aiguille remonter à des souvenirs de la prime enfance. Le déplacement est le processus par lequel une pensée est représentée par une autre qui lui est asso ciée. Comme l’inconscient ignore le temps, (principe de plaisir, processus primaires) des souvenirs très anciens peuvent garder leur actualité et leur puissance. L interprétation analytique contrairement à l’interprétation populaire des rêves accorde de l’importance aux détails du rêve et refuse une in-terprétation globale. Important, car cela montre que le symbolisme est individuel, propre à chaque rêveur. l’interprétation doit donc’se faire pas la méthode de libre association, on ne peut prétendre traduire avec’un code général, un dictionnaire des symboles du rêve. Freud met en garde contre cette tendance à une interprétation "sauvage", qui voudrait faire l’économie du travail associatif, et négligerait par ailleurs l’im-portance de la relation de transfert entre l’analysé et l’analyste. l’interprétation analytique n’est pas simple et mécanique, (un effet, une cause) Freud souligne qu un même symptôme peut renvoyer à une "multiple motivation", (44) c’est ce qu’il appellera dans d’autres textes la

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 13 / 24

Page 14: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

Pour se persuader de l’existence des “ idées latentes ” du rêve et de la réalité de leur rapport avec le “ contenu manifeste ”, il faut pratiquer l’analyse des rêves, dont la technique est la même que la technique psychanalytique dont il a été déjà question. Elle consiste tout d’abord à faire complètement abstraction des enchaînements d’idées que semble offrir le “ contenu manifeste ” du rêve, et à s’appliquer à découvrir les “ idées latentes ”, en recher-chant quelles associations déclenche chacun de ses éléments. Ces associations provoquées conduiront à la dé-couverte des idées latentes du rêveur, de même que, tout à l’heure, nous voyions les associations déclenchées par les divers symptômes nous conduire aux souvenirs oubliés et aux complexes du malade. Ces “ idées oniriques la-tentes ”, qui constituent le sens profond et réel du rêve, une fois mises en évidence, montrent combien il est légi-time de ramener les rêves d’adultes au type des rêves d’enfants. Il suffit en effet de substituer au “ contenu mani -feste ”, si abracadabrant, le sens profond, pour que tout séclaire : on voit que les divers détails du rêve se rat-tachent à des impressions du jour précédent et l’ensemble apparaît comme la réalisation d’un désir non satisfait. Le “ contenu manifeste ” du rêve peut donc être considéré comme la réalisation déguisée de désirs refoulés.

△15 - Le “ travail du rêve ” ou comment opère la censure...

Jetons maintenant un coup d’oeil sur la façon dont les idées inconscientes du rêve se transforment en “ contenu manifeste ”. J’appellerai “ travail onirique ” l’ensemble de cette opération. Elle mérite de retenir tout notre inté-rêt théorique, car nous pourrons y étudier, comme nulle part ailleurs, quels processus psychiques insoupçonnés peuvent se dérouler dans l’inconscient ou, plus exactement, entre deux systèmes psychiques distincts comme le conscient et l’inconscient. Parmi ces processus, il convient d’en noter deux : la condensation et le déplacement. Le travail onirique est un cas particulier de l’action réciproque des diverses constellations mentales, c’est-à-dire qu il naît d’une association mentale. Dans ses phases essentielles, ce travail est identique au travail d’altération qui transforme les complexes refoulés en symptômes, lorsque le refoulement a échoué.Vous serez en outre étonnés de découvrir dans l’analyse des rêves, et spécialement dans celle des vôtres, l’im-portance inattendue que prennent les impressions des premières années de l’enfance. Par le rêve, c’est l’enfant qui continue à vivre dans l’homme, avec ses particularités et ses désirs, même ceux qui sont devenus inutiles. c’est d’un enfant, dont les facultés étaient bien différentes des aptitudes propres à l’homme normal, que celui-ci est sorti. Mais au prix de quelles évolutions, de quels refoulements, de quelles sublimations, de quelles réactions psychiques, cet homme normal s’est-il peu à peu constitué, lui qui est le bénéficiaire - et aussi, en partie, la vic-time - d’une éducation et d’une culture si péniblement acquises!J’ai encore constaté, dans l’analyse des rêves (et je tiens à attirer votre attention là-dessus), que l’inconscient se sert, surtout pour représenter les complexes sexuels, d’un certain symbolisme qui, parfois, varie d’une personne à l’autre, mais qui a aussi des traits généraux et se ramène à certains types de symboles, tels que nous les retrou-vons dans les mythes et dans les légendes. Il n’est pas impossible que l’étude du rêve nous permette de com-prendre à leur tour ces créations de l’imagination populaire.26

△16 - Cauchemars et rêves d’angoisse ne sont pas une objection à le thèse du rêve comme expression d’un désir.

On a opposé, à notre théorie que le rêve serait la réalisation d’un désir, les rêves d’angoisse. Je vous prie instam-ment de ne pas vous laisser arrêter par cette objection. Outre que ces rêves d’angoisse ont besoin d’être interpré-tés avant qu on puisse les juger, il faut dire que l’angoisse en général ne tient pas seulement au contenu du rêve, ainsi qu on se l’imagine quand on ignore ce qu est l’angoisse des névrosés. l’angoisse est un refus que le “ moi ” oppose aux désirs refoulés devenus puissants; c’est pourquoi sa présence dans le rêve est très explicable si le rêve exprime trop complètement ces désirs refoulés.Vous voyez que l’étude du rêve se justifierait déjà par les éclaircissements qu elle apporte sur des réalités qui, autrement, seraient difficiles à comprendre. Or, nous y sommes parvenus au cours du traitement psychanalytique des névroses. d’après ce que nous avons dit jusqu ici, il est facile de voir que l’interprétation des rêves, quand elle n’est pas rendue trop pénible par les résistances du malade, conduit à découvrir les désirs cachés et refoulés,

"surdétermination", effet de la condensation par laquelle une image ou symptôme peut renvoyer à plusieurs désirs refoulés. Insistance sur le caractère individuel du symbolisme, bien que l’hypothèse de symboles "typiques", culturels puisse expliquer les images des mythes et lé-gendes populaires. Jung développera contrairement à Freud cette idée qui aboutit à l’hypothèse d’un "inconscient collec tif ." (42)26 "Actes manqués " et psychopathologie de la vie quotidienne : matériaux innombrables soumis aux mêmes processus que le symptôme névrotique ou le rêve. Ils ont un sens et expriment des pulsions, intentions issues de désirs et complexes refoulés.(43) Freud en donne de multiples exemples dans l’Introduction à la psychanalyse. Le Moi ne leur accorde aucun sens ni intérêt, ce qui est une forme de la résistance. l’homme normal, dans ces actes habituels et fréquents "trahit" ses secrets intimes. Leur existence tend à effacer la frontière entre le normal et le pathologique.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 14 / 24

Page 15: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

ainsi que les complexes qu ils entretiennent. Je peux donc passer au troisième groupe de phénomènes psychiques dont tire parti la technique psychanalytique.

△17 - Les actes manqués de la vie quotidienne de l’homme normal.

Ce sont tous ces actes innombrables de la vie quotidienne, que l’on rencontre aussi bien chez les individus nor-maux que chez les névrosés et qui se caractérisent par le fait qu ils manquent leur but : on pourrait les grouper sous le nom d’actes manqués. d’ordinaire, on ne leur accorde aucune importance. Ce sont des oublis inexpli-cables (par exemple l’oubli momentané des noms propres), les lapsus linguae, les lapsus calame, les erreurs de lecture, les maladresses, la perte ou le bris d’objets, etc., toutes choses auxquelles on n’attribue ordinairement au-cune cause psychologique et qu on considère simplement comme des résultats du hasard, des produits de la dis-traction, de l’inattention, etc. A cela s’ajoutent encore les actes et les gestes que les hommes accomplissent sans les remarquer et, à plus forte raison, sans y attacher d’importance psychique : jouer machinalement avec des ob-jets, fredonner des mélodies, tripoter ses doigts, ses vêtements, etc. Ces petits faits, les actes manqués, comme les actes symptomatiques et les actes de hasard, ne sont pas si dépourvus d’importance qu on est disposé à l’ad-mettre en vertu d’une sorte d’accord tacite. Ils ont un sens et sont, la plupart du temps, faciles à interpréter. On découvre alors qu ils expriment, eux aussi, des pulsions et des intentions que l’on veut cacher à sa propre conscience et qu ils ont leur source dans des désirs et des complexes refoulés, semblables à ceux des symptômes et des rêves. Considérons-les donc comme des symptômes; leur examen attentif peut conduire a mieux connaître notre vie intérieure. c’est par eux que l’homme trahit le plus souvent ses secrets les plus intimes. s’ils sont habi-tuels et fréquents, même chez les gens sains qui ont réussi à refouler leurs tendances inconscientes, cela tient à leur futilité et à leur peu d’apparence. Mais leur valeur théorique est grande, puisqu ils nous prouvent l’existence du refoulement et des substituts, même chez des personnes bien portantes.

Vous remarquerez déjà que le psychanalyste se distingue par sa foi dans le déterminisme de la vie psychique. Celle-ci n’a, à ses yeux, rien d’arbitraire ni de fortuit; il imagine une cause particulière là où, d’habitude, on n’a pas l’idée d’en supposer. Bien plus : il fait souvent appel à plusieurs causes, à une multiple motivation, pour rendre compte d’un phénomène psychique, alors que d’habitude on se déclare satisfait avec une seule cause pour chaque phénomène psychologique.Rassemblez maintenant tous les moyens de découvrir ce qui est caché, oublié, refoulé dans la vie psychique : l’étude des associations qui naissent spontanément dans l’esprit du malade, celle de ses rêves, de ses mal-adresses, actes manqués, actes symptomatiques de toute sorte, ajoutez-y l’utilisation d’autres phénomènes qui se produisent pendant le traitement psychanalytique et sur lesquels je ferai plus tard quelques remarques quand je parlerai du transfert, vous conclurez avec moi que notre technique est déjà assez efficace pour ramener à la conscience les éléments psychiques pathogènes et pour écarter les maux produits par la formation de symp-tômes-substituts. Nous voyons, et nous nous en félicitons, que nos efforts thérapeutiques ont encore pour consé-quence d’enrichir nos connaissances théoriques sur la vie psychique, normale et pathologique.

△18 - La théorie freudienne échappe-t-elle à toute critique ?

Je ne sais si vous avez eu l’impression que la technique dont je viens de vous décrire l’arsenal est particulière-ment difficile. Je crois qu elle est tout à fait appropriée à son objet. Pourtant, cette technique n’est pas évidente d’elle-même; elle doit être enseignée, comme la méthode histologique ou chirurgicale. Vous serez peut-être étonnés d’apprendre que nous l’avons entendu juger par une quantité de personnes qui ne savent rien de la psy-chanalyse, qui ne l’emploient pas et qui poussent l’ironie jusqu à exiger que nous leur prouvions l’exactitude de nos résultats. Il y a certainement, parmi ces adversaires, des gens qui ont l’habitude de la pensée scientifique; qui, par exemple, ne repousseraient pas les conclusions d’une recherche au microscope parce qu on ne pourrait pas les confirmer en examinant la préparation anatomique à l’oeil nu, et qui, en tout cas, ne se prononceraient pas avant d’avoir considéré eux-mêmes la chose au moyen du microscope. Mais la psychanalyse, il est vrai, est dans une situation spéciale, qui lui rend plus difficile d’obtenir l’approbation. Que veut le psychanalyste, en effet ? Ramener à la surface de la conscience tout ce qui en a été refoulé. Or, chacun de nous a refoulé beaucoup de choses que nous maintenons peut-être avec peine dans notre inconscient. La psychanalyse provoque donc, chez ceux qui en entendent parler, la même résistance qu elle provoque chez les malades. c’est de là que vient sans doute l’opposition si vive, si instinctive, que notre discipline a le don d’exciter. Cette résistance prend du reste le masque de l’opposition intellectuelle et enfante des arguments analogues à ceux que nous écartons chez nos ma-lades au moyen de la règle psychanalytique fondamentale. Tout comme chez eux, nous pouvons aussi constater

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 15 / 24

Page 16: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

chez nos adversaires que leur jugement se laisse fréquemment influencer par des motifs affectifs, d’où leur ten-dance à la sévérité. La vanité de la conscience, qui repousse si dédaigneusement le rêve par exemple, est un des obstacles les plus sérieux à la pénétration des complexes inconscients ; c’est pourquoi il est si difficile de persua-der les hommes de la réalité de l’inconscient et de leur enseigner une nouveauté qui contredit les notions dont s’est accommodée leur conscience.27

△Quatrième leçon

19 - Importance de la “ sexualité ” infantile dans la formation des névroses

[...] La première découverte à laquelle la psychanalyse nous conduit, c’est que, régulièrement, les symptômes morbides se trouvent liés à la vie amoureuse du malade; elle nous montre que les désirs pathogènes sont de la na-ture des composantes érotiques et nous oblige à considérer les troubles de la vie sexuelle comme une des causes les plus importantes de la maladie.

[...] . l’expérience prouve que les tendances d’origine non sexuelle ne jouent pas un tel rôle, qu elles peuvent par -fois renforcer l’action des facteurs sexuels, mais qu elles ne les remplacent jamais. Je n’affirme pas ici un postu -lat théorique[...] j ai dû m y convertir après des expériences nombreuses et concluantes. Mes amis et mes parti -sans les plus fidèles ont commencé par se montrer parfaitement incrédules à cet égard, jusqu à ce que leurs expé-riences analytiques les aient convaincus. l’attitude des malades ne permet guère, il est vrai, de démontrer la jus-tesse de ma proposition. Au lieu de nous aider à comprendre leur vie sexuelle, ils cherchent, au contraire, à la ca-cher par tous les moyens. Les hommes, en général, ne sont pas sincères dans ce domaine. Ils ne se montrent pas tels qu ils sont : ils portent un épais manteau de mensonges pour se couvrir, comme s’il faisait mauvais temps dans le monde de la sensualité. Et ils n’ont pas tort; le soleil et le vent ne sont guère favorables à l’activité sexuelle dans notre société ; en fait, aucun de nous ne peut librement dévoiler son érotisme à ses semblables. Mais, lorsque les malades ont commencé à s’habituer au traitement psychanalytique, lorsqu ils s’y sentent à l’aise, ils jettent bas leur manteau mensonger, et alors seulement ils peuvent se faire une opinion sur la question qui nous occupe. Malheureusement, les médecins ne sont pas plus favorisés que les autres mortels quant à la ma-nière d’aborder les choses de la sexualité, et beaucoup d’entre eux subissent l’attitude, faite à la fois de pruderie et de lubricité, qui est la plus répandue parmi les hommes dits “ cultivés ”.Continuons à exposer nos résultats. Dans une autre série de cas, la recherche psychanalytique ramène les symp-tômes, non pas à des événements sexuels, mais à des événements traumatiques banals. Mais cette distinction perd toute importance pour une raison particulière. Le travail analytique nécessaire pour expliquer et supprimer une maladie ne s’arrête jamais aux événements de l’époque où elle se produisit, mais remonte toujours jusqu à la pu-berté et à la première enfance du malade; là, elle rencontre les événements et les impressions qui ont déterminé la maladie ultérieure.28 Ce n’est qu en découvrant ces événements de l’enfance que l’on peut expliquer la sensi-bilité à l’égard des traumatismes ultérieurs, et c’est en rendant conscients ces souvenirs généralement oubliés que nous en arrivons à pouvoir supprimer les symptômes. Nous parvenons ici aux mêmes résultats que dans l’étude des rêves, à savoir que ce sont les désirs inéluctables et refoulés de l’enfance qui ont prêté leur puissance à la formation de symptômes sans lesquels la réaction aux traumatismes ultérieurs aurait pris un cours normal. Ces puissants désirs de l’enfant, je les considère, d’une manière générale, comme sexuels.29

27 Les "résistances" des adversaires de la théorie psychanalytique : Freud marque l’importance de l’arsenal de "symptômes substituts" sur lequel peut porter l’interprétation. Insistance sur l’apport de la psychanalyse tant sur le plan de la thérapie de l’homme malade que sur la compréhension de l’homme normal. La résistance des adversaires à la psychanalyse est interprétée sur le même plan que la résistance chez les malades. Prétendant accomplir un retour du refoulé, " la psychanalyse provoque donc, chez ceux qui en entendent parler, la même résis-tance qu elle provoque chez les malades." (44/45) Cet argument est à peser car... à la limite il réfute toute possibilité de perspective critique à l’égard du système d’interprétation que constitue la théorie analytique, qui reçoit un sens à l’intérieur même de cette théorie.28 De l’observation à la théorie : La troisième leçon expose le principe du détermi nisme psychique qui est le fondement théorique de la pra-tique. Le chemin est inverse dans cette quatrième leçon où Freud fait appel à l’observation clinique pour étayer la théorie de la sexualité in-fantile. Les exemples sont empruntés à la vie quotidienne et non à des cas morbides. Raisons sans doute pédagogiques car le projet est délicat à l’époque d’amener chacun à reconnaître sa propre sexualité infantile, puisque les souvenirs que nous en avons sont refoulés, et que cela choque la conscience esthétique et l’idée commune de la "pureté" enfantine.29 Une opinion contestée : Nombre de savants accusent Freud d’exagérer "la part étiologique du facteur sexuel" dans la vie psychique de l’individu "normal" ou non. On a accusé la psychanalyse d’être un pansexualisme, qui réduirait les comportements les plus élevés à la sexua-lité. Freud invoque l’expérience clinique et se défend d’être en ce domaine un "doctrinaire" (47). Cette critique étant encore courante il convient d’être précis. - Les événements qui déclenchent la maladie à un moment de l’histoire du névrosé, ne sont pas tous de la sphère de la sexualité. c’est leur in-terprétation psychanalytique, qui au fil des associations, conduit toujours à les relier à des souvenirs de la puberté ou prime enfance qui sont liés à la sexualité.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 16 / 24

Page 17: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

Mais je devine votre étonnement, bien naturel d’ailleurs. Y a-t-il donc, demanderez-vous, une sexualité infan-tile? l’enfance n’est-elle pas plutôt cette période de la vie où manque tout instinct de ce genre ? A cette question je vous répondrai : non, l’instinct sexuel ne pénètre pas dans les enfants à l’époque de la puberté (comme, dans l’Évangile, le diable pénètre dans les porcs). l’enfant présente dès son âge le plus tendre les manifestations de cet instinct; il apporte ces tendances en venant au monde, et c’est de ces premiers germes que sort, au cours d’une évolution pleine de vicissitudes et aux étapes nombreuses, la sexualité dite normale de l’adulte. Il n’est guère dif-ficile de le constater. Ce qui me paraît moins facile, c’est de ne pas l’apercevoir! Il faut vraiment une certaine dose de bonne volonté pour être aveugle à ce point !30 [Freud cite comme argument une étude quantitative sur menée par le Dr Sanford Bell sur l’existence de la sexualité infantile] Si la plupart des individus, médecins ou non, se refusent à l’admettre, je me l’explique sans peine. Sous la pres-sion de l’éducation, ils ont oublié les manifestations érotiques de leur propre enfance et ne veulent pas qu on leur rappelle ce qui a été refoulé. Leur manière de voir serait tout autre s’ils voulaient prendre la peine de retrouver, par la psychanalyse, leurs souvenirs d’enfance, les passer en revue et chercher à les interpréter.Cessez donc de douter, et voyez plutôt comment ces phénomènes se manifestent dès les premières années . l’ins -tinct sexuel de l’enfant est très compliqué;31 on peut y distinguer de nombreux éléments, issus de sources variées. Tout d’abord, il est encore indépendant de la fonction de reproduction au service de laquelle il se mettra plus tard. Il sert à procurer plusieurs sortes de sensations agréables que nous désignons du nom de plaisir sexuel par suite de certaines analogies. La principale source du plaisir sexuel infantile est l’excitation de certaines parties du corps particulièrement sensibles, autres que les organes sexuels : la bouche, l’anus, l’urètre, ainsi que l’épi -derme et autres surfaces sensibles. Cette première phase de la vie sexuelle infantile, dans laquelle l’individu se satisfait au moyen de son propre corps et n’a besoin d’aucun intermédiaire, nous l’appelons, d’après l’expression créée par Havelock Ellis, la phase de l’auto-érotisme.32 Ces parties propres à procurer le plaisir sexuel, nous les appelons zones érogènes. La succion ou têtement des petits enfants est un bon exemple de satisfaction auto-éro-tique procurée par une zone érogène. [...] Une autre satisfaction sexuelle de cette première époque est l’excita-tion artificielle des organes génitaux, qui conserve pour la suite de la vie une grande importance et que certains individus ne surmontent jamais complètement. A côté de ces activités auto-érotiques, et d’autres du même genre, se manifestent, très vite, chez l’enfant, ces composantes instinctives du plaisir sexuel, ou, comme nous l’appe -lons volontiers, de la libido, qui exigent l’intervention d’une personne étrangère.Ces instincts se pressentent par groupes de deux, opposés l’un à l’autre, l’un actif et l’autre passif, dont voici les principaux : le plaisir de faire souffrir (sadisme) avec son opposé passif (masochisme); le plaisir de voir et celui d’exhiber (du premier se détachera plus tard l’exhibition artistique et dramatique).33 d’autres activités sexuelles

- La notion de sexualité est redéfinie par Freud, en même temps qu’il établit l’existence d’une sexualité infantile. L’acceptation courante est restrictive et limitée à l’acte génital entre deux partenaires. l’observation clinique conduit à donner à ce concept une extension plus large : tout acte ayant pour but la recherche du plaisir peut au sens freudien être qualifié de sexuel.- Il faut parler de "pulsion" et non d’"instinct sexuel" pour traduire le mot de "trieb" employé par Freud. L’instinct renvoie à un patrimoine génétique qui se développe mécaniquement, aveuglément, strictement physiologiquement. La pulsion est un "concept frontière" entre le phy-siologique et le psychologique, le désir pulsionnel prend des déterminations historiques particulières. l’instinct ne produit qu un acte détermi-né, au contraire la pulsion sexuelle une force qui peut se satisfaire de multiples manières produire des actes différents. (Voir déf. Pulsion) - Les pulsions sexuelles génitales n’apparaissent que relativement tard, à la puberté. Auparavant et dès les premiers moments de la vie, se sont déjà développées tout un ensemble de pulsions sexuelles sans doute, mais non génitales. Ce qui fait confondre génitalité et sexualité, c’est que la sexualité génitale est la dernière étape d’un long développement et correspond à la "sexualité normale de l’adulte." Une fois de plus on a pensé la diversité des faits sur le modèle restrictif de la norme qui est celle de l’adulte.30 Les Névroses adultes sont des produits de la sexualité infantile : Freud présente d’emblée sa thèse sur l’étiologie des névroses : réguliè-rement, les symptômes névrotiques sont rattachés à des troubles sexuels originels de la petite enfance. Un certain flottement conceptuel, Freud parle de "la vie amoureuse" de "composantes érotiques", puis de "troubles de la vie sexuelle" (47) puis de "sensualité infantile" (50) d’"instinct sexuel" (53) pour enfin évoquer la notion de "libido." (57)* Les stades de "fixations" : Stade oral, primat de la bouche, liée à la satisfaction du besoin de nutrition chez le nourrisson mis en contact avec’la mère. Stade anal lié aux satisfactions liées aux fonctions d’excrétion. Stade phallique, primat érotique des organes génitaux, auto-éro-tisme et moment Oedipien.(P.51/52) (Voir Q.S’.J. Daniel Lagache La psychanalyse p. 29/31 pour l’exposé de ces stades de maturation des pulsions ou de la libido.)31 "La complexité... de la sexualité infantile" : La sexualité infantile est compliquée, "on peut y distinguer de nombreux éléments issus de sources variées" (51) En effet, le plaisir génital y est souvent absent, et les sources de plaisir sont aussi variées que les divers organes corpo-rels (bouche, anus, yeux,oreilles etc...) et des différentes fonctions qui mettent en oeuvre ces organes. On peut parler d’une sensualité diffuse et mobile. l’organe ou la partie du corps qui concentre la majeure partie des activités hédonistes du moment s’appelle "zone érogène." A un stade psycho-sexuel correspond au primat d’une zone érogène sur les autres. Tous les stades de la sexualité infantile prégénitale sont auto-érotiques. 32 " Libido"... un concept élargi ou flou ? c’est un terme latin qui signifie "désir" au sens très large, ainsi on peut parler de "libido sciendi" du "désir de savoir". " Libido est une expression empruntée à la théorie de l’affectivité. Nous appelons ainsi l’énergie (...) de ces pulsions qui ont à faire avec tout ce que l’on peut comprendre sous le nom d’amour." (Freud, in Psychologie des masses et analyse du moi.) La libido est "la manifestation dynamique de la pulsion sexuelle". Freud utilise ce terme pour désigner le désir dans ses dimensions soma-tiques et psychiques. Dans les Trois essais sur la théorie de la sexualité, il montre que la libido est le désir sexuel qui cherche satisfaction en se concentrant sur certains objets, s’y fixant un temps, puis les abandonnant pour en chercher d’autres, plus satisfaisants. 33 "Ambivalence de la libido" : Les pulsions sexuelles composantes de la libido "se présentent par groupe de deux" (52) opposés quant à leur but. Sadisme : instinct actif qui se satisfait à faire souffrir. Masochisme : instinct passif qui se satisfait à souffrir. Voyeurisme   : plaisir de

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 17 / 24

Page 18: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

de l’enfant appartiennent déjà au stade du choix de l’objet, choix dans lequel une personne étrangère devient l’essentiel.34 Dans les premiers temps de la vie, le choix de cette personne étrangère dépend de l’ instinct de conservation. La différence des sexes ne joue pas le rôle décisif dans cette période infantile. Sans crainte d’être injuste, on peut attribuer à chaque enfant une légère disposition à l’homosexualité.35

Cette vie sexuelle de l’enfant, décousue, complexe, mais dissociée, dans laquelle l’instinct seul tend à procurer des jouissances, cette vie se condense et s’organise dans deux directions principales, si bien que la plupart du temps, à la fin de la puberté, le caractère sexuel de l’individu est formé.36 d’une part, les tendances se soumettent à la suprématie de la “ zone génitale ”, processus par lequel toute la vie sexuelle entre au service de la reproduc-tion, et la satisfaction des premières tendances n’a plus d’importance qu en tant qu elle prépare et favorise le vé-ritable acte sexuel. d’autre part, le désir d’une personne étrangère chasse l’auto-érotisme, de sorte que, dans la vie amoureuse, toutes les composantes de l’instinct sexuel tendent à trouver leur satisfaction auprès de la per-sonne aimée. Mais toutes les composantes instinctives primitives ne sont pas autorisées à prendre part à cette fixation définitive de la vie sexuelle. Avant l’époque de la puberté, sous l’influence de l’éducation, se produisent des refoulements très énergiques de certaines tendances; et des puissances psychiques comme la honte, le dé-goût, la morale, s’établissent en gardiennes pour contenir ce qui a été refoulé.37 Et, lorsque à la puberté surgit la grande marée des besoins sexuels, ceux-ci trouvent dans ces réactions et ces résistances des digues qui les obligent à suivre les voies dites normales et les empêchent d’animer à nouveau les tendances victimes du refou-lement. Ce sont les plaisirs coprophiles de l’enfance, c’est-à-dire ceux qui ont rapport aux excréments; c’est en-suite l’attachement aux personnes qui avaient été tout d’abord choisies comme objet aimé.Il y a, en pathologie générale, un principe qui nous rappelle que tout processus contient les germes d’une disposi-tion pathologique, en tant qu il peut être inhibé, retardé ou entravé dans son cours. Il en est de même pour le dé-veloppement si compliqué de la fonction sexuelle.

voir et Exhibitionnisme   : plaisir de montrer, qui donneront plus tard naissance aux formes d’expression artistiques et dramatiques. 34 " Les choix d’objets " de la libido: la libido se fixe sur des objets autres que l’enfant. (52) Dans un premier temps la libido se satisfait sur le propre corps de l’individu. c’est le stade de l’auto-érotisme qui porte sur le moi et qui est la phase du narcissisme. Par la suite la libido qui est une énergie mobile s’investira sur des objets exté rieurs , (objets , ou personnes.) Facteur économique : l’énergie investie sur le Moi (nar-cissisme) est en raison inverse de celle investie sur les objets. La fixation ou régression à l’un de ces stades sera une des causes de la névrose des adultes (fuir la réalité pénible, par retour à une satisfaction infantile) également des perversions telles le fétichisme. 35 " La différenciation sexuelle " : Freud émet l’hypothèse d’une "légère disposition à l’homosexualité" infantile, qui ne se résoudra par choix que vers la fin de la puberté.(52) Il ne faut pas comprendre que la différenciation ne préoccupe pas l’enfant, au contraire c’est pour lui un sujet préoccupant, mais cette différenciation ne forme pas barrage, il peut aussi bien élire un objet du même sexe que du sexe opposé. Il y a cohabitation entre homosexualité et hétérosexualité. Cette ambivalence permet même l’adaptation sociale, au moment du complexe d’Oe-dipe, c’est grâce à l’identification au père, l’amour porté au père, que le petit garçon arrivera à se détourner de ses préoccupations inces-tueuses.36 l’enfant "pervers polymorphe": Cette expression célèbre se trouve dans l’Introduction à la Psychanalyse 1917, mais elle recoupe la des-cription de la sexualité infantile (53) " décousue, complexe, dissociée." Elle est en effet composée de pulsions partielles et contradictoires (sadiques, masochistes, voyeuristes etc.) qui ne sont pas encore unifiées. Développement anarchique de ces pulsions. "Pervers" au sens où ces pulsions ne sont pas ordonnées aux normes socialement admises de la sexualité adulte. "Polymorphe", au sens où l’on peut trouver en germe chez l’enfant normal, des prédispositions aux déviations sexuelles possibles chez l’adulte. Ainsi la sexualité normale infantile ouvre virtuellement sur les possibilités pathologiques ultérieures. La "normalité" ne se constituera que par le refoulement rendu nécessaire dans la rencontre conflictuelle entre le désir et la "loi du père", qui orientera le développement dans le sens de l’adaptation, - toujours forcée, à la normalité sociale ambiante. c’est au moment de la puberté que cesse la profusion anarchique des pulsions partielles, unifiées sous le primat de la génitalité, qui renvoie l’ensemble des formes archaïques de satisfactions au rang de "plaisir préliminaires" à l’acte sexuel génital. Unifi -cation par refoulement (et donc’répression) des pulsions partielles aux pulsions génitales, de l’auto-érotisme au choix d’objet. Freud insiste sur les refoulements "très énergiques" qui donnent naissance à des puissances psychiques gardiennes de la normalité comme " la honte, le dé-goût, la morale" et qui sont le fruit de l’éducation conçue comme une répression des instincts. (53)37 L"adaptation" par refoulement : (53/54) l’ensemble des pulsions non intégrées et refoulées expliquent le "retour du refoulé" sous forme de processus pathologiques (névroses, perversions) à moins qu elles n’aient été sublimées. Selon la théorie des stades, il existe des étapes de développement psycho-sexuel qui possèdent chacune une organisation pulsionnelle spécifique (orale, anale, phallique, génitale). Cette suc-cession peut se faire soit dans cet ordre qui définit une "normalité" aboutissant au primat de la génitalité. Elle peut se faire dans un autre ordre, qui aboutit au primat maintenu d’une phase infantile, déterminant une "anormalité" pathologique définie en termes d’inhibition, fixa-tion, régression. Du coup la notion de "perversion" est relativisée. Le pervers n’est plus compris comme un dégénéré, mais comme un imma-ture resté fixé ou régressant à un stade infantile. Il n’y aurait plus de perversion en termes absolus, mais uniquement en termes relatifs. Rela -tivement aux diverses cultures qui répriment d’une manière variable la sexualité, chacune ayant ses normes et sa normalité. Ainsi l’homo-sexualité est, on le sait, réglée par des modes d’acceptation et de répression très variables dans l’histoire, selon les ethnies et leur culture. D où l’hypothèse de l’ethnologue Claude Lévi-Strauss (né en 1908) : à partir de la perversité polymorphe de l’enfant, chaque culture opére-rait des choix particuliers, valorisants certains comportements sexuels et en dévalorisant d’autres, selon des in terdits et des règles relatifs, qui définissent le cadre du normal et du pathologique ou pervers. Cela pose le problème de l’existence d’une nature humaine universelle, ou de natures selon les cultures.* Perversions et névroses : la distinction n’est pas de nature mais de degré. Chez le névrosé les pulsions sexuelles sont inhibées et trouvent des voies d’expression pathologiques dans les symptômes. Chez le pervers, les pulsions se manifestent sans travestissement. Expression la-tente, expression manifeste. "Les névroses sont aux perversions ce que le négatif est au positif..." l’origine de la névrose adulte est à chercher dans l’extériorisation trop forte des instincts lors de l’enfance qui provoque une fixation partielle et provoque un point faible. l’adulte bute, le refoulement est rompu, sur ces points de fixation. (54,2ème par.) Il faut souligner que Freud ne réduit pas l’ensemble des composantes psy -chiques à la sexualité au sens restreint, puisque chaque stade sexuel (oral, sadique anal etc.) est en réalité psycho- sexuel , enveloppe un cer-tain mode de relation à soi, à autrui, un mode de pensée et une relation générale au monde. La fixation au stade oral déterminant des compor-tements de soumission passive sur le plan affectif et intellectuel, le stade anal de maîtrise possessive et d’entêtement etc.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 18 / 24

Page 19: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

Tous les individus ne le supportent pas sans encombre; il laisse après lui des anomalies ou des dispositions à des maladies ultérieures par régression. Il peut arriver que les instincts partiels ne se soumettent pas tous à la domi-nation des “ zones génitales ”; un instinct qui reste indépendant forme ce que l’on appelle une perversion et sub-stitue au but sexuel normal sa finalité particulière. Comme nous l’avons déjà signalé, il arrive très souvent que l’auto-érotisme ne soit pas complètement surmonté, ce que démontrent les troubles les plus divers qu on peut voir apparaître au cours de la vie. l’équivalence primitive des deux sexes comme objets sexuels peut persister, d’où il résultera dans la vie de l’homme adulte un penchant à l’homosexualité, qui, à l’occasion, pourra aller jus-qu à l’homosexualité exclusive. Cette série de troubles correspond à un arrêt du développement des fonctions sexuelles; elle comprend les perversions et l’infantilisme général, assez fréquent, de la vie sexuelle.La disposition aux névroses découle d’une autre sorte de troubles de l’évolution sexuelle. Les névroses sont aux perversions ce que le négatif est au positif ; en elles se retrouvent, comme soutiens des complexes et artisans des symptômes, les mêmes composantes instinctives que dans les perversions; mais, ici, elles agissent du fond de l’inconscient; elles ont donc subi un refoulement, mais ont pu, malgré lui, s’affirmer dans l’inconscient. La psy-chanalyse nous apprend que l’extériorisation trop forte de ces instincts, à des époques très lointaines, a produit une sorte de fixation partielle qui représente maintenant un point faible dans la structure de la fonction sexuelle. Si l’accomplissement normal de la fonction à l’âge adulte rencontre des obstacles, c’est précisément à ces points où les fixations infantiles ont eu lieu que se rompra le refoulement réalisé par les diverses circonstances de l’édu-cation et du développement.Peut-être me fera-t-on l’objection que tout cela n’est pas de la sexualité. J’emploie le mot dans un sens beaucoup plus large que l’usage ne le réclame, soit.38 Mais la question est de savoir si ce n’est pas l’usage qui l’emploie dans un sens beaucoup trop étroit, en le limitant au domaine de la reproduction. On se met dans l’impossibilité de comprendre les perversions ainsi que la relation qui existe entre perversion, névrose et vie sexuelle normale; on ne parvient pas à connaître la signification des débuts, si facilement observables, de la vie amoureuse soma-tique et psychique des enfants. Mais, quel que soit le sens dans lequel on se décide, le psychanalyste prend le mot de sexualité dans une acception totale, à laquelle il a été conduit par la constatation de la sexualité infantile.

△ 20 - Le stade Œdipien du développement de la Libido, complexe central de chaque névrose.

Revenons encore une fois à l’évolution sexuelle de l’enfant. Il nous faut réparer bien des oublis, du fait que nous avons porté notre attention sur les manifestations somatiques plutôt que sur les manifestations psychiques de la vie sexuelle. Le choix primitif de l’objet chez l’enfant (choix qui dépend de l’indigence de ses moyens) est très intéressant. l’enfant se tourne d’abord vers ceux qui s’occupent de lui ; mais ceux-ci disparaissent bientôt der-rière les parents. Les rapports de l’enfant avec les parents, comme le prouvent l’observation directe de l’enfant et l’étude analytique de l’adulte, ne sont nullement dépourvus d’éléments sexuels. l’enfant prend ses deux pa-rents, et surtout l’un d’eux, comme objets de désirs. d’habitude, il obéit à une impulsion des parents eux-mêmes, dont la tendresse porte un caractère nettement sexuel, inhibé il est vrai dans ses fins. Le père préfère générale-ment la fille, la mère le fils. l’enfant réagit de la manière suivante : le fils désire se mettre à la place du père, la fille, à celle de la mère. Les sentiments qui s’éveillent dans ces rapports de parents à enfants et dans ceux qui en dérivent entre frères et sœurs ne sont pas seulement positifs, c’est-à-dire tendres : ils sont aussi négatifs, c’est-à-dire hostiles. Le complexe ainsi formé est condamné à un refoulement rapide; mais, du fond de l’inconscient, il exerce encore une action importante et durable. Nous pouvons supposer qu il constitue, avec ses dérivés, le com-

38 Elargissement de la notion de sexualité : (54/55 p.14) insistance de Freud à marquer que la notion psychanalytique de sexualité est plus large ("une acception to tale " ? !) que l’usage courant qui la limite au domaine de la reproduction. Raisons invoquées pour ce remaniement conceptuel : " rendre intelligibles" les observations cliniques sur les enfants, comprendre les relations nouvelles entre perversion, né vrose, normalité.* Le complexe d’Oedipe complexe central de chaque névrose : (55 à 57 p.15 à 18)- Le premier choix d’objet de la sexualité infantile porte tout naturellement sur ceux qui l’entourent : les parents et surtout l’un d’eux. Noter que les parents pro voquent cet attachement par leur tendresse, la mère pour le fils et le père pour la fille. Entre le petit garçon et ses parents vont se nouer des rapports affectifs am bivalents (positifs/négatifs, amour/haine) qui vont former un complexe central et ac tif sur l’affectivité de l’adulte, bien que refoulé. Contre le désir infantile se dresse la barrière de l’inceste et la loi du père.- Le petit garçon aime sa mère, est jaloux de son père qui forme obstacle. La présence du père le contrarie lorsque celui-ci manifeste à la mère des marques de tendresse, entre eux s’établissent des relations de rivalité. Il tente d’éliminer le père comme concurrent mais en même temps parfois s’identifie à lui, l’admire, tente de lui ressembler en tout point ce qui est une manière de prendre sa place. " ...il voudrait deve-nir et être ce qu’il est , le remplacer à tous égards. Il fait de son père son idéal, (...) un modèle à imiter (...) il s’aperçoit que le père lui barre le chemin vers la mère ; son identification prend une teinte hostile et finit par se confondre avec le désir de le remplacer." (Essais... p. 126) Ce couple ambigu est la marque de l’ambivalence affective qui associe la haine à l’amour. - Complexe de castration et complexe familial : issus du triangle Oedipien : le complexe de castration né de la crainte que le père n’exerce des représailles dangereuses. Le complexe familial : les premiers nés sont jaloux des derniers nés qui menacent de les frustrer de l’affection des parents.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 19 / 24

Page 20: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

plexe central de chaque névrose, et nous nous attendons à le trouver non moins actif dans les autres domaines de la vie psychique.39 Le mythe du roi Œdipe qui tue son père et prend sa mère pour femme est une manifestation peu modifiée du désir infantile contre lequel se dresse plus tard, pour le repousser, la barrière de l’inceste. Au fond du drame d’Hamlet, de Shakespeare, on retrouve cette même idée d’un complexe incestueux, mais mieux voilé.A l’époque où l’enfant est dominé par ce complexe central non encore refoulé, une partie importante de son acti-vité intellectuelle se met au service de ses désirs. Il commence à chercher d’où viennent les enfants, et, au moyen des indices qui lui sont donnés, il devine la réalité plus que les adultes ne le pensent. d’ordinaire, c’est la menace que constitue la venue d’un nouvel enfant, en qui il ne voit d’abord qu un concurrent qui lui disputera des biens matériels, qui éveille sa curiosité. Sous l’influence d’instincts partiels, il va se mettre à échafauder un certain nombre de théories sexuelles infantiles; il attribuera aux deux sexes les mêmes organes; les enfants, pense-t-il, sont conçus en mangeant et ils viennent par l’extrémité de l’intestin ; il conçoit le rapport des sexes comme un acte d’hostilité, une sorte de domination violente. Mais sa propre constitution encore impubère, son ignorance notamment des organes féminins, obligent le jeune chercheur à abandonner un travail sans espoir. Toutefois, cette recherche, ainsi que les différentes théories qu elle produit, influe de manière décisive sur le caractère de l’enfant et ses névroses ultérieures.Il est inévitable et tout à fait logique que l’enfant fasse de ses parents l’objet de ses premiers choix amoureux. Toutefois, il ne faut pas que sa libido reste fixée à ces premiers objets; elle doit se contenter de les prendre plus tard comme modèles et, à l’époque du choix définitif, passer de ceux-ci à des personnes étrangères. l’enfant doit se détacher de ses parents: c’est indispensable pour qu il puisse jouer son rôle social. A l’époque où le refoule-ment fait son choix parmi les instincts partiels de la sexualité, et, plus tard, quand il faut se détacher de l’in -fluence des parents (influence qui a fait les principaux frais de ce refoulement), l’éducateur a de sérieux devoirs, qui, actuellement, ne sont pas toujours remplis avec intelligence.40

Ces considérations sur la vie sexuelle et le développement psycho-sexuel ne nous ont éloignés, comme il pourrait le paraître, ni de la psychanalyse, ni du traitement des névroses. Bien au contraire, on pourrait définir le traite -ment psychanalytique comme une éducation progressive pour surmonter chez chacun de nous les résidus de l’enfance.

△Cinquième leçon

21 - La maladie comme refuge et danger... le sens des névroses : fuite hors de la réalité pénible.

Nature et signification des névroses. La fuite hors de la réalité. Le refuge dans la maladie. La régression. Rela -tions entre les phénomènes pathologiques et diverses manifestations de la vie normale. l’art. Le transfert. La su -blimation.41

39 Les avatars de l’Oedipe : l’Œdipe considéré par Freud comme une nécessité de nature, universel. (par.17) Mais le cours normal passe par une "liquidation" du complexe, un détachement des parents. Cependant cette situation va servir de "modèle" aux situations affectives ulté-rieures qui peuvent les reproduire d’une manière répé titive . - Les névroses : l’affectivité névrotique qui reproduit (comme un destin fatal le triangle Oedipien) sur les éducateurs ou les partenaires affec-tifs,(paternalisme, jalousie maladive, recherche d’une affection maternante, culpabilité liée à la relation etc.) Les névrosés échouent dans ce travail de détachement. " On pourra définir le traitement psychanalytique comme une éducation progressive pour surmonter chez chacun de nous les résidus de l’enfance." (57) - La constitution du Surmoi : c’est de la période Oedipienne que naît la constitution de l’Idéal du Moi, (appelé à partir de 1920) Surmoi. Il existe en nous au-dessus du Moi réel, instance d’adaptation consciente et raisonnable à la réalité, un Surmoi qui juge et impose , sans que nous en soyons conscients, des obligations et exigences parfois absolues et surhumaines. Ce Surmoi se constitue par intégration des règles morales imposées par les parents à l’amoralité infantile, par injonctions, punitions et récompenses. L’enfant s’identifie au discours des pa-rents, il l’intériorise et se l’assimile : cause de souffrances et de culpabilité. Il importe que le Surmoi, "dépositaire du phénomènes que nous nommons conscience morale," soit détaché de l’affectivité infantile, soit devenu impersonnel et qu’il puisse donc être tenu à distance cri -tique. Ce n’est pas le cas chez le névrosé " Son Surmoi est demeuré, en face du Moi tel un père sévère pour son enfant, et sa moralité s’exerce de cette façon primitive : le moi doit se laisser punir par le surmoi." (Psychanalyse et médecine, 1928)40 Développement de l’activité intellectuelle pendant la période Oedipienne : elle est tourné vers la question fondamentale de l’origine des enfants, à cause de la menace que présenterait l’arrivée d’un nouveau concurrent. Lien entre la curiosité et la crainte, naissance chez l’en-fant de l’éveil de l’intelligence théorique à partir d’éléments partiels sur fond d’angoisse. Les théorisations sexuelles infantiles dépendent des stades qu’ils vivent. La prédominance du stade oral favorisera une "explication" orale, (le baiser engendre la grossesse) le stade anal privilé-giera l’explication selon laquelle il faut "manger quelque chose de spécial" pour que l’enfant naisse comme... un excrément. Le stade sa-dique-anal privilégiera une conception des relations sexuelles comme combat violent, échange de souffrance. 41 En mettant à jour les composantes sexuelles inconscientes de la névrose, la psychanalyse montre que les symptômes répondent à la re -cherche d’une satisfaction imaginaire de désirs refoulés. Face à une réalité insatisfaisante ou angoissante qui entre en conflit avec les désirs, la névrose est une fuite, un refuge dans l’imaginaire que constitue la maladie qui du coup est un compromis une manière de s’adapter au conflit. Inversement certaines formes d’adaptations sociales, de conformismes, ayant l’apparence de la santé peuvent être de nature névro-tiques, ce qui amène à poser que la société, (famille, relations de travail etc.) peuvent être à l’origine des maladies du siècle. Dans certains

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 20 / 24

Page 21: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

La découverte de la sexualité infantile et la réduction des symptômes névrotiques à des composantes instinctives érotiques nous ont conduits à quelques formules inattendues sur l’essence et les tendances des névroses. Nous voyons que les hommes tombent malades quand, par suite d’obstacles extérieurs ou d’une adaptation insuffi-sante, la satisfaction de leurs besoins érotiques leur est refusée dans la réalité. Nous voyons alors qu ils se réfu-gient dans la maladie, afin de pouvoir, grâce à elle, obtenir les plaisirs que la vie leur refuse.42 Nous avons constaté que les symptômes morbides sont une part de l’activité amoureuse de l’individu, ou même sa vie amou-reuse tout entière; et s’éloigner de la réalité, c’est la tendance capitale, mais aussi le risque capital de la maladie. Ajoutons que la résistance de nos malades à se guérir ne relève pas d’une cause simple, mais de plusieurs mo-tifs. Ce n’est pas seulement le “ moi ” du malade qui se refuse énergiquement à abandonner des refoulements qui l’aident à se soustraire à ses dispositions originelles; mais les instincts sexuels eux-mêmes ne tiennent nullement à renoncer à la satisfaction que leur procure le substitut fabriqué par la maladie, et tant qu ils ignorent si la réa-lité leur fournira quelque chose de meilleur.La fuite hors de la réalité pénible ne va jamais sans provoquer un certain bien-être, même lorsqu elle aboutit à cet état que nous appelons maladie parce qu il est préjudiciable aux conditions générales de l’existence. Elle s’ac-complit par voie de régression, en évoquant des phases périmées de la vie sexuelle, qui étaient l’occasion, pour l’individu, de certaines jouissances. La régression a deux aspects : d’une part, elle reporte l’individu dans le pas-sé, en ressuscitant des périodes antérieures de sa libido, de son besoin érotique ; d’autre part, elle suscite des ex-pressions qui sont propres à ces périodes primitives. Mais ces deux aspects, aspect chronologique et aspect for-mel, se ramènent à une formule unique qui est : retour à l’enfance et rétablissement d’une étape infantile de la vie sexuelle.43

△22 - Le don artistique est une alternative à la névrose mais pro-cède des mêmes causes

Plus on approfondit la pathogenèse des névroses, plus on aperçoit les relations qui les unissent aux autres phéno-mènes de la vie psychique de l’homme, même à ceux auxquels nous attachons le plus de valeur. Et nous voyons combien la réalité nous satisfait peu malgré nos prétentions; aussi, sous la pression de nos refoulements inté -rieurs, entretenons-nous au-dedans de nous toute une vie de fantaisie 44qui, en réalisant nos désirs, compense les insuffisances de l’existence véritable. l’homme énergique et qui réussit, c’est celui qui parvient à transmuer en réalités les fantaisies du désir.45 Quand cette transmutation échoue par la chute des circonstances extérieures et de la faiblesse de l’individu, celui-ci se détourne du réel; il se retire dans l’univers plus heureux de son rêve; en cas de maladie il en transforme le contenu en symptômes. Dans certaines conditions favorables il peut encore trouver un autre moyen de passer de ses fantaisies à la réalité, au lieu de s’écarter définitivement d’elle par ré-gression dans le domaine infantile; j entends que, s’il possède le don artistique, psychologiquement si mysté-

cas la vie affective d’un individu peut se trouver massivement détournée de tout choix d’objet, entièrement satisfaite par l’imaginaire et résis-ter au traitement, le sujet refusant de renoncer à ces satisfactions.42 La maladie comme "fuite du réel" : Le symptôme névrotique n’est pas uniquement une cause de souffrance pour le Moi, mais égale-ment de satisfactions inconscientes. La maladie est refuge. Conséquence la tâche de l’analyste sera dure puisque le désir de guérir (qui fait que le malade consulte...) se trouve couplé avec son contraire, le refus inconscient de la guérison. L’analyste se trouve ainsi face à deux résis-tances, celle du Moi qui refuse d’abandonner les refoulements pour se protéger des instincts, celle des instincts qui ne tiennent pas à renoncer à la satisfaction que leur procure la maladie. (59 p.1) Le Moi tente d’adapter l’individu au réel en continuant à refouler, le désir s’épanouit dans la "régression" infantile où il revit les plaisirs primitifs. (60 p.2)43 Rôle de la "sexualité" : La compréhension freudienne de l’origine des névroses restitue à la sexualité un rôle que l’on avait sous estimé, mais insiste aussi sur le rôle de la sexualité dans l’économie psychique globale ou l’on ne peut distinguer et séparer dans la même personne les pulsions sexuelles, les choix affectifs, les traits de caractère, les goûts, les choix intellectuels " même ceux auxquels nous attachons le plus de valeur " (60 p. 3) qui étaient distincts dans la psychologie spiritualiste. Or dans la vie sociale, l’insatisfaction est inévitable. l’interdit originel que chacun rencontre porte sur les désirs infantiles, l’Oedipe, interdic -tion de l’inceste liée à l’angoisse de la castration. Par la suite les formes de la sexualité infantile se heurtent à toutes sortes de réprobations al-lant de la réprobation diffuse, au rejet par le groupe. Face à ces interdits, ces répressions, et à l’impossible satisfaction qu offre la réalité les pulsions peuvent subir plusieurs destins :44 Le détour dans l’imaginaire, (fantaisie) s’il offre des satisfactions de substitution, mais qui provoque les dangers d’une perte du sens du réel, accompagné de ses souffrances. c’est l’homme malade, qui se réfugie dans le rêve face aux échecs de l’adaptation, et qui peut transfor-mer le contenu du rêve en symptôme névrotique. c’est la voie de la régression vers des formes infantiles de satisfaction. Entre le rêveur et le névrosé une différence de degré.45 La sublimation ou "transmutation des fantaisies du désir " en réalité. (Entendre par "fantaisie" : production imaginaires, fantasmes, dé-lires, symptômes) c’est le cas de l’homme "énergique qui réussit" il s’agit de la "sublimation". (60 p. 3) Par sublimation Freud entend que certaines pulsions de la libido sont "détournées de leur but sexuels et orientés vers des buts socialement supérieurs qui n’ont rien de sexuel." (Introduction à la Psychanalyse p.13) ce qui suppose la plasticité des pulsions, opposée à la rigidité de l’instinct. La civilisation agit par ré-pression et sublimation instinctuelle de l’individu, vers des buts sociaux, culturels, intellectuels, artistiques qui servent ses fins.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 21 / 24

Page 22: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

rieux, il peut, au lieu de symptômes, transformer ses rêves en créations esthétiques.46 Ainsi échappe-t-il au destin de la névrose et trouvent-il par ce détour un rapport avec la réalité. Quand cette précieuse faculté manque ou se montre insuffisante, il devient inévitable que la libido parvienne, par régression, à la réapparition des désirs in-fantiles, et donc à la névrose. La névrose remplace, à notre époque, le cloître où avaient coutume de se retirer toutes les personnes déçues par la vie ou trop faibles pour la supporter.Je voudrais souligner ici le principal résultat auquel nous sommes parvenus, grâce à l’examen psychanalytique des névrosés : à savoir que les névroses n’ont aucun contenu psychique propre qui ne se trouve aussi chez les personnes saines, ou, comme l’a dit C. G. Jung, que les névrosés souffrent de ces mêmes complexes contre les -quels nous aussi, hommes sains, nous luttons. Il dépend des proportions quantitatives, de la relation des forces qui luttent entre elles, que le combat aboutisse à la santé, à la névrose ou à des productions surnormales de com -pensation.47

△23 - Le moment du transfert en cours de cure analytique

Je dois encore mentionner le fait le plus important qui confirme notre hypothèse des forces instinctives et sexuelles de la névrose. Chaque fois que nous traitons psychanalytiquement un névrosé, ce dernier subit l’éton-nant phénomène que nous appelons transfert.48 Cela signifie qu il déverse sur le médecin un trop-plein d’excita-tions affectueuses, souvent mêlées d’hostilité, qui n’ont leur source ou leur raison d’être dans aucune expérience réelle; la façon dont elles apparaissent, et leurs particularités, montrent qu elles dérivent d’anciens désirs du ma-lade devenus inconscients. Ce fragment de vie affective qu il ne peut plus rappeler dans son souvenir, le malade le revit aussi dans ses relations avec le médecin; et ce n’est qu après une telle reviviscence par le “ transfert ” qu il est convaincu de l’existence comme de la force de ses mouvements sexuels inconscients. Les symptômes qui, pour emprunter une comparaison à la chimie, sont les précipités d’anciennes expériences d’amour (au sens le plus large du mot), ne peuvent se dissoudre et se transformer en d’autres produits psychiques qu à la température plus élevée de l’événement du “ transfert ”. Dans cette réaction, le médecin joue, selon l’excellente expression de Ferenczi, le rôle d’un ferment catalytique qui attire temporairement à lui les affects qui viennent d’être libérés.[...] Il ne faut pas croire, d’ailleurs, que le phénomène du “ transfert ”, dont je ne puis malheureusement dire ici que peu de chose, soit créé par l’influence psychanalytique. Le “ transfert ” s’établit spontanément dans toutes les relations humaines, aussi bien que dans le rapport de malade à médecin; il transmet partout l’influence théra-peutique et il agit avec d’autant plus de force qu on se doute moins de son existence.49 La psychanalyse ne le crée donc pas; elle le dévoile seulement et s’en empare pour orienter le malade vers le but souhaité. Mais je ne puis abandonner la question du “ transfert ” sans souligner que ce phénomène contribue plus que tout autre à persua-der non seulement les malades, mais aussi les médecins, de la valeur de la psychanalyse. Je sais que tous mes partisans n’ont admis la justesse de mes suppositions sur la pathologie des névroses que grâce à des expériences 46 La sublimation "artistique" : certains possédant le "don artistique psychologiquement si mystérieux" arrivent à transformer le rêve en "création esthétique" ce qui est une manière d’échapper à la névrose.(61) " l’artiste comme le névropathe s’est retiré loin de la réalité insa-tisfaisante dans ce monde imaginaire, mais à l’inverse du névropathe il s’entend à trouver le chemin du retour et à reprendre pied dans la réalité. " (Ma vie et la psychanalyse, p.102) l’œuvre est satisfaction imaginaire de désirs inconscients, compromis face au refoulement, mais contrairement aux rêves asociaux et narcissiques elle s’offre à l’autre et provoque chez lui les mêmes aspirations inconscientes au désir. L’ar-tiste compense dans l’oeuvre, le névrosé dans la maladie. Toulouse-Lautrec, gnome infirme, invente des images irréelles d’acrobates et de danseurs. Il faut cependant souligner que Freud reconnaît les limites de l’explication par la sublimation. " Si Léonard de Vinci, enfant illégi-time, aimé excessivement pas sa mère, refoule toute sexualité et la sublime dans une soif de savoir et de créer, il aurait pu sombrer dans la névrose et la maladie, tous ceux qui ont connu sa situation n’ont pas eu son génie... " (Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci p 209/212) 47 La sublimation évite l’écueil des souffrances névrotiques. Dans la création intellectuelle, artistique, dans l’exercice du pouvoir, les pul-sions infantiles trouvent satisfaction, tout en échappant à la condamnation sévère du Surmoi , instance ou l’individu s’autocensure et se ré-prime. Freud souligne cependant que la voie de la maladie ou de la sublimation, sont des schémas simplificateurs... chaque individu dans son histoire réalise des compromis complexes où ces deux voies ont part. Une fois de plus Freud efface les frontières : entre l’homme sain , le né-vrosé et l’artiste qui sublime, il n’y a que des différences de "proportions qualitatives." (61, p. 4)48

49 Le "transfert" affectif comme confirmation de l’origine sexuelles de la névrose : (61 p. 5) La relation analytique médecin patient s’or-ganise autour du phénomène du "transfert". Dans l’attitude qu’il adopte en cure, le sujet adopte et reproduit des comportements qui ont mar-qué son enfance. Il attribue imaginairement à l’analyste, il projette, (mais avec certitude actuelle) des sentiments, intentions qui sont en réali-té ceux des personnages (père, mère, frère etc.) ou des situations affectives de son enfance. Le malade revit dans la relation avec le médecin le refoulé dont il n’arrivait pas à se souvenir. Il s’agit d’une relation affective forte, un "trop plein qui se déverse", sous forme positive (amour) ou négative (haine.) c’est à cette occasion que le patient prend conscience de l’événement traumatique originel. Freud use de méta-phores : l’analyste joue le rôle de "catalyseur", il n’induit pas le transfert, mais le révèle d’où l’importance de neutralité affective de l’ana-lyste pendant la cure. Pour favoriser sans les influencer ces projections affectives du patient, l’analyste se met hors du champ de vision, der-rière le patient. Une psychothérapie en face à face n’est pas à strictement parler de la psychanalyse. De la même manière l’analyste est une tombe quant à ce qui touche à sa personne privée. Idéalement il tend à être un miroir qui renvoie au patient ses paroles et sentiments. Tout le dispositif analytique de la cure tend à favoriser le transfert. Freud précise que le processus de la projection et du transfert déborde le cas de la relation thérapeutique et "s’établit spontanément dans toutes les relations humaines" quotidiennes, que l’on peut ainsi analyser comme maté-riau. (62 p. 6) Il s’agit d’une projection imaginaire et répétitive de relations affectives infantiles dans les relations actuelles. La situation ana-lytique ne fait qu isoler et analyser le transfert, sans qu’il y ait contamination et influence comme dans les relations humaines ordinaires.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 22 / 24

Page 23: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

de “ transfert ”, et je peux très bien concevoir que l’on ne soit pas convaincu tant qu on n’a pratiqué aucune psy-chanalyse ni constaté les effets du “ transfert ”.

△24 - Réponses à deux objections théoriques faites aux théories psychanalytiques.

J’estime qu il y a deux principales objections d’ordre intellectuel à opposer aux théories psychanalytiques. Pre-mièrement, on n’a pas l’habitude de déterminer d’une façon rigoureuse la vie psychique; deuxièmement, on ignore par quels traits les processus psychiques inconscients se différencient des processus conscients qui nous sont familiers. Les critiques les plus fréquentes chez les malades comme chez les personnes en bonne santé se ra-mènent au second de ces facteurs. On craint de faire du mal par la psychanalyse, on a peur d’appeler à la conscience du malade les instincts sexuels refoulés, comme si cela faisait courir le risque d’une victoire de ces instincts sur les plus hautes aspirations morales. On remarque que le malade a dans l’âme des blessures à vif, mais on redoute d’y toucher, de peur d’augmenter sa souffrance.Adoptons cette analogie. Il y a, certes, plus de ménagement à ne pas toucher aux places malades si on ne sait qu aggraver la douleur. Mais le chirurgien ne se refuse pas d’attaquer la maladie dans son foyer même, quand il pense que son intervention apportera la guérison. Personne ne songe à reprocher au chirurgien les souffrances d’une opération, pourvu qu elle soit couronnée de succès. Il doit en être de même pour la psychanalyse, d’autant plus que les réactions désagréables qu elle peut momentanément provoquer sont incomparablement moins grandes que celles qui accompagnent une intervention chirurgicale. d’ailleurs, ces désagréments sont bien peu de chose comparés aux tortures de la maladie. Il va sans dire que la psychanalyse doit être exercée selon toutes les règles de l’art. Quant aux instincts qui étaient refoulés et que la psychanalyse libère, est-il à craindre qu en réap-paraissant sur la scène ils ne portent atteinte aux tendances morales et sociales acquises par l’éducation ? En rien, car nos observations nous ont montré de façon certaine que la force psychique et physique d’un désir est bien plus grande quand il baigne dans l’inconscient que lorsqu il s’impose à la conscience. On le comprendra si l’on songe qu un désir inconscient est soustrait à toute influence; les aspirations opposées n’ont pas de prise sur lui. Au contraire, un désir conscient peut être influencé par tous les autres phénomènes intérieurs qui s’opposent à lui. En corrigeant les résultats du refoulement défectueux, le traitement psychanalytique répond aux ambitions les plus élevées de la vie intellectuelle et morale.50

△25 - l’avenir du refoulé mis à jour : refus, sublimation, accepta-tion.

Voyons maintenant ce que deviennent les désirs inconscients libérés par la psychanalyse. Par quels moyens peut-on les rendre inoffensifs ? Nous en connaissons trois.Il arrive, le plus souvent, que ces désirs soient simplement supprimés par la réflexion, au cours du traitement. Ici, le refoulement est remplacé par une sorte de critique ou de condamnation. Cette critique est d’autant plus aisée qu elle porte sur les produits d’une période infantile du “ moi ”. Jadis l’individu, alors faible et incomplètement développé, incapable de lutter efficacement contre un penchant impossible à satisfaire, n’avait pu que le refouler. Aujourd hui, en pleine maturité, il est capable de le maîtriser.51

Le deuxième moyen, par lequel la psychanalyse ouvre une issue aux instincts qu elle découvre, consiste à les ra-mener à la fonction normale qui eût été la leur, si le développement de l’individu n’avait pas été perturbé. Il n’est, en effet, nullement dans l’intérêt de celui-ci d’extirper les désirs infantiles. La névrose, par ses refoule-

50 Réponse à deux objections à la psychanalyse : (63 à 66) "La peur de faire du mal par la psychanalyse" (p.7) : double car on ignore comment l’analyse agit (ignorance des relations inconscient/conscient) et donc on craint que le remède soit pire que le mal : les instincts ramenés à la conscience (retour du refoulé) ne risquent-ils pas de vaincre les "plus hautes aspirations morales ?" Freud répond par une analogie : on ne reproche pas au chirurgien les souffrances d’une opéra-tion si c’est pour un mieux-être, (p. 8.) Il se réfère ensuite à l’expérience clinique : un désir refoulé dont on a pris conscience a moins de force que s’il baigne dans l’inconscient "soustrait à toute influence" sans que le Moi ait prise sur lui, il n’a pas d’opposition. Le traitement analytique répond aux ambitions les plus élevées de la vie intellectuelle et morale" puisqu’il tend à la maîtrise de soi, du Ca par le Moi. 51 " La où " ça" était, "je" dois devenir" disait Freud (dans ses Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse 1938) Le traite-ment consiste à libérer le patient d’un combat interne qu’il ne maîtrise pas, à traduire l’Inconscient dans le Conscient, pour que le combat puisse aboutir sur le même terrain. Le conflit pathogène est une lutte entre forces inégales, les unes inconscientes, adversaires invisibles et les autres conscientes. " c’est pourquoi le conflit ne peut aboutir à une solution (....) Une vraie solution ne peut aboutir que lorsque les deux se retrouvent sur le même terrain. Et je crois que la seule tâche de la thérapeutique est de rendre cette rencontre possible." (Introduction à la psychanalyse) Le but avoué de Freud pour le traitement est de faire que l’être scindé, déchiré, "décomposé" puisse se "recomposer".

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 23 / 24

Page 24: Sigmund Freud - Overblogddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/FREUD-5L… · Web viewSigmund Freud Author merlan Last modified by Bouzigue Created Date 11/18/2007 10:35:00 PM

ments, l’a privé de nombreuses sources d’énergie psychique qui eussent été fort utiles à la formation de son ca -ractère et au déploiement de son activité.Nous connaissons encore une issue, meilleure peut-être, par où les désirs infantiles peuvent manifester toutes leurs énergies et substituer au penchant irréalisable de l’individu un but supérieur situé parfois complètement en dehors de la sexualité : c’est la sublimation. Les tendances qui composent l’instinct sexuel se caractérisent préci-sément par cette aptitude a la sublimation : à leur fin sexuelle se substitue un objectif plus élevé et de plus grande valeur sociale. C’est à l’enrichissement psychique résultant de ce processus de sublimation, que sont dues les plus nobles acquisitions de l’esprit humain.52

Voici enfin la troisième des conclusions possibles du traitement psychanalytique : il est légitime qu un certain nombre des tendances libidinales refoulées soient directement satisfaites et que cette satisfaction soit obtenue par les moyens ordinaires. Notre civilisation, qui prétend à une autre culture, rend en réalité la vie trop difficile à la plupart des individus et, par l’effroi de la réalité, provoque des névroses sans qu elle ait rien à gagner a cet excès de refoulement sexuel. Ne négligeons pas tout à fait ce qu il y a d’animal dans notre nature. Notre idéal de civili-sation n’exige pas qu on renonce à la satisfaction de l’individu. Sans doute, il est tentant de transfigurer les élé-ments de la sexualité par le moyen d’une sublimation toujours plus étendue, pour le plus grand bien de la société. Mais, de même que dans une machine on ne peut transformer en travail mécanique utilisable la totalité de la cha-leur dépensée, de même on ne peut espérer transmuer intégralement l’énergie provenant de l’instinct sexuel. Cela est impossible. Et en privant l’instinct sexuel de son aliment naturel, on provoque des conséquences fâcheuses.Rappelez-vous l’histoire du cheval de Schilda. Les habitants de cette petite ville possédaient un cheval dont la force faisait leur admiration. Malheureusement, l’entretien de la bête coûtait fort cher; on résolut donc, pour l’ha-bituer à se passer de nourriture, de diminuer chaque jour d’un grain sa ration d’avoine. Ainsi fut fait; mais, lorsque le dernier grain fut supprimé, le cheval était mort. Les gens de Schilda ne surent jamais pourquoi.Quant à moi, j incline à croire qu il est mort de faim, et qu aucune bête n’est capable de travailler si on ne lui fournit sa ration d’avoine. »

NB - l’étude des textes à option n’est pas séparée du cours. Certains passages choisis font l’objet de commen-taires détaillés pour éclairer une notion. Leur connaissance sert de référence au travail de dissertation et de com-mentaire à l’écrit. Ils sont présentés à l’oral sans qu une liste d’extraits soit fournie à l’examinateur.

52 Quelles issues au "retour du refoulé" ? : - Soit le désir refoulé est critiqué et condamné par la conscience, rejeté comme infantile par un Moi devenu mature. (64 p.10) Voie de la re-nonciation. - Soit le désir est ramené à sa fonction "normale", et quitte les satisfactions de substitution (64 p.11) Voie de l’acceptation.- Soit le désir est sublimé vers un but plus élevé et socialement utile (65 p.12) Voie de la sublimation.* Une critique des excès de la répression : Freud achève en considérant que la répression des désirs par la morale puritaine est parfois ex-cessive. " Notre civilisation, rend en réalité la vie trop difficile à la plupart des individus et, par l’effroi de la réalité, provoque des névroses sans qu elle n’ait rien à gagner à cet excès de refoulement sexuel." (65 p.13) Il faut cependant se défier d’un contresens qui consiste à voir en Freud l’apologiste sans réserve d’une quelconque libération sexuelle débridée et de la recherche de la jouissance sous toutes ses formes. Fa -vorable à un certain assouplissement (celui de la société Viennoise du début du siècle, à la fois prude, hypocrite et déliquescente) il prône ce -pendant la nécessité des renoncements salutaires à la fois pour l’individu et pour le groupe. Il s’agit plus d’une éthique de désaliénation que d’une éthique de l’hédonisme.

Freud : Cinq leçons sur la psychanalyse extraits (Philopolis) 24 / 24