La théorie des cordes aujourd’hui

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La théorie des cordes aujourd’hui

Marios PetropoulosCentre de Physique Théorique, Ecole Polytechnique

Physique de l’espace Université Paul Sabatier

Toulouse, août 2012

A l’aube des découvertes scientifiques contemporaines

Unification des phénomènes magnétiques et électriques (Maxwell 1865)

et théorie de l’éther

∇ · �E = 4π� Gauss

∇× �B − 1c2

∂�E∂t

=4π

c2�j Ampere

∇ · �B = 0

∇× �E +∂�B∂t

= 0 Faraday

• Spectre du corps noir : Planck et la théorie des quanta

• Expériences de Michelson et Morley : Einstein et la relativité restreinte

La physique du 20e siècle est née de véritables énigmes expérimentales

Absence d’éther, nouveau monde microscopique, nouveaux défis ...

h = h/2π = 1, 054 571 68(18)× 10−34 J s

c = 299 792 458 m/s

• Dualité onde-corpuscule :

• Manifestation aux petites distances p. ex. dans l’atome d’hydrogène

La physique quantique

λ = 2πh/p

La relativité• Equivalence masse-énergie :

• Régime relativiste à hautes énergies p. ex. pour l’électron , au LEP

E =�

p2c2 + m2c4

a0 ≈ 0, 53 Å

mec2 ≈ 511 keV pc ≈ 100 GeV

• Petites distances, grandes énergies : mariage de

• Etudiée dans les collisionneurs (dès 1931 à Berkeley)

• Décrite par la théorie quantique des champs relativistes : des années 30 aux années 70 (Dirac, Fermi ... Dyson, Feynman, Schwinger, Tomonaga ... Gross, ‘t Hooft, Veltman, Wilson ...)

La physique quantique relativiste

h et c

• Principe : invariance sous un changement local de phase

• Caractéristique : un groupe de symétrie G

• Conséquence : interaction par échange d’un boson intermédiaire

Piliers de la théorie moderne des champs : théories de jauge

exemple : γ

e

e

ψ(x)→ eiΛ(x) ψ(x)

• U(1) × SU(2) × SU(3) : γ, Z0, W±, g

• leptons : νe, e ...

• hadrons - états liés de quarks : u, d ...

• Higgs - brisure de symétrie : H

L’avènement des théories de jauge et le modèle standard (’70 - ’80)

23 paramètres ajustables - extraordinaire accord expérimental (LEP, Tevatron)

mZ0≈ 91, 2 GeV/c

2

mW± ≈ 80, 4 GeV/c2

mνe� O(1) eV/c

2

me ≈ 511 KeV/c2

.

.

.

mτ ≈ 1, 8 GeV/c2

mu = O(1) MeV/c2

.

.

.

mt ≈ 174, 3 GeV/c2

mH ≈ 125, 3 GeV/c2

Z0,W± observés en 1983 - H observé en 2011 au CERN

• Peut-on expliquer le spectre de masse du MS ?

• Les paramètres du MS sont-ils tous fondamentaux ?

• Pourquoi la charge électrique est-elle quantifiée ?

• Pourquoi y a-t-il 3 familles de quarks et de leptons ?

• Peut-on unifier les interactions électrofaibles et fortes ?

Les défis du 21e siècle sont de nature conceptuelle ...

Recherche d’une théorie plus fondamentale - expérience largement anticipée par la théorie (à l’opposé de 1900)

• Aspects cosmologiques :

- origine de Λ ?

- nature de la matière noire ?

• Relation avec les autres interactions : pourquoi la gravité semble si différente ?

- très faible

- loi de Newton ↔ géométrie de l’espace-temps

• Propriétés quantiques :

... ou semi-conceptuelle : la gravitation

Force entre protons distants de 5 10-15 m-gravitationnelle : 10-37 N-autres : 10-2 N à 1000 N

LPlanck =√

GN h/c3 ≈ 1, 6× 10−25 Å

Λ = 8πGNc2 �vide

�vide ≈ 5, 3× 10−27 kg/m3

e

e

graviton Hors de portée expérimentale - Big-Bang ?

• Théories de Kaluza-Klein

• Objets étendus (membranes)

• Théories de grande unification

• Supersymétrie

Les propositions

Ingrédients naturels des théories de cordes - au prix d’une complexité croissante

Espace à 4 dimensions

- 3 dimensions infinies

- 1 dimension compacte de rayon R

- une seule interaction : gravitationnelle

Les premières tentatives : Kaluza-Klein (1921-1926)

• Aux échelles petites vis-à-vis de R, l’espace ressemble à un espace à 4 dimensions infinies

• Aux grandes échelles, l’espace effectif semble avoir

- 3 dimensions infinies

- gravité et électromagnétisme en 3 dimensions émergent de la gravité seule en 4 dimensions

Une dimension compacte de rayon R

• Spectre de masse : motif de Kaluza-Klein

• Ecarts par rapport à la loi de Newton

Loi exacte :

Comment observer la dimension compacte ?

m2 = m20 + n2

�h

Rc

�2

∆m2 = 1�

TeV/c2�2⇔ R = 1, 9× 10−19 m

f = GNmm�

r2

�coth

r2πR

+r

2πRsinh−2 r

2πR

r � R → f = GNmm�

r2 r � R → f = 4πRGNmm�

r3

• Idée intéressante de la réduction dimensionnelle

• Unification de e et GN sous condition : R ∼ 100 LPlanck

• Sans résolution des problèmes propres de la gravité

La méthode de KK d’origine

Opérationnelle à condition d’être plongée dans un cadre adéquat : celui des théories de cordes

• Electron comme membrane chargée de rayon r0

- énergie coulombienne finie

- spectre de vibration → spectre de leptons

• Pas de suite à cette approche

- absence de spin

- succès de la théorie quantique des champs

Objets étendus : la membrane de Dirac (1962)

ECoul ∝� ∞

r0

dr/r2

m0 = me, m1 ≈ mµ/4, . . .

Membranes réapparues dans les théories de cordes (1995)

• Paradigme d’unification des forces électrofaibles : extension de la symétrie de jauge

• Paradigme d’unification des champs électrique et magnétique : extension de la symétrie d’espace-temps

Grande unification et supersymétrie (’70)

‣Objectifs partiellement atteints - à cause de nouveaux processus physiques qui restent à découvrir ‣Plongement naturel en théorie de cordes

• Nombreux exemples étudiés dans les années 80

- grande liberté - attention à la durée de vie du proton

- SO(10) ou SU(5) s’ajustent remarquablement

• Succès mitigé comme « théories fondamentales »

- véritable unification des forces, charge quantifiée

- paramètres insuffisamment contraints

- multitude de particules nouvelles de masse élevée

‣ nouveaux bosons de jauge et « lepto-quarks »

‣ nouveaux secteurs de brisure de symétrie à la Brout-Englert-Higgs

Super-Kamiokande :τproton > 5 × 1033 années

La grande unification (GU)

• La symétrie de l’espace-temps

- translations, rotations, transformations de Lorentz

- particules : spin (0, ½, 1 ...) et masse (0 ou non)

• Seule extension possible : supersymétrie (Gervais-Sakita 1971, Gol’fand-Likhtman-Volkov-Akulov 1971, Wess-Zumino 1974)

- générateurs « fermioniques »

- multiplets de masse avec bosons et fermions

La supersymétrie (SUSY)

-spin 0 (boson scalaire) : boson de Higgs-spin ½ (fermion) : quarks et leptons (matière)-spin 1 (boson vecteur) : bosons de jauge (interactions)

• Absence de dégénérescence boson-fermion

• La supersymétrie - si elle existe - doit être brisée

Dans la nature ?

• Le mécanisme de brisure de SUSY : talon d'Achille

- contraintes phénoménologiques - chaque particule élémentaire connue doit faire partie d’un multiplet différent - tous les super-partenaires restent à découvrir

- nombreuses options - aucune optimale - 1 à 10 TeV ?

• Le MS peut être plongé dans le MSSM

- plus de 110 paramètres (23 pour le MS)

- partiellement exclu par le LHC

En pratique

‣LEP (CERN 1989-2000) : 209 GeV/c2

‣Tevatron (Fermilab 1999-2011) : 1 TeV/c2

‣LHC (CERN 2009-) : 10 TeV/c2Et après ?

• Motivations conceptuelles

- réduire

- unifier

• Méthodes

- plus de symétrie, plus de dimensions

- briser la symétrie, ajuster la taille des dimensions

Les propositions d’extension du MS et de la gravitation : bilan

‣Bénéfice conceptuel modéré par la pléthore d’options, de paramètres et de particules à découvrir‣Progrès insignifiant dans le secteur gravitationnel

‣Théories de Kaluza-Klein‣Objets étendus‣Théories de GU‣Supersymétrie

Les propositions d’extension du MS et de la gravitation : échelles des énergies

MPlanck =√

hc/GN ≈ 1, 2× 1019 GeV/c2

• Préhistoire : modèles duaux (1967-1974)

• Histoire : théorie de la gravitation (1974-1984)

• Temps modernes : théorie de tout (1984-1994)

• Age mur : théorie de services (1994-)

Et les cordes ?

• Entité « corpuscule ponctuel » → corde

- particule ↔ corde en vibration

- spectre de particules ↔ spectre des fréquences propres

• Si T est la tension de la corde relativiste

Le principe et le rôle pour la gravitation

mn = nhν0c2 = n

�hTc3 n ∈ N

• Les masses des particules élémentaires forment-elles des suites arithmétiques ?

- non, mais le secteur de masse nulle est instructif

• Présence d’un mode de spin 2 : graviton ?

- condition nécessaire : introduire GN

- restituer la relativité générale aux échelles

� � LPlanck

T = hc/2πL2Planck = c4/2πGN ≈ 1, 9× 1043 N

• Le spectre massif est inobservable (m > MPlanck)

• Le spectre de masse nulle : spins 0, ½, 1 et ³⁄₂

- ressemble-t-il au spectre du modèle standard ou d’une extension SUSY/GU ?

- si oui

‣ peut-on fournir un processus pour lever la dégénérescence de masse ?

‣ les interactions sont-elles justes ?

Et le reste du spectre ?

Vaste programme lancé vers 1985 ...

• Oui ...

- la relativité générale est la limite des cordes aux échelles macroscopiques

- on peut trouver dans le spectre une structure

‣ du type SUSY/GU

‣ plus contrainte que dans les SUSY/GU

- les cordes sont ouvertes et fermées

- les cordes sont définies en 10 dimensions

- les cordes sont accompagnées de D-branes

Réponses ...

D : Dirichlet

• ... mais

- la compactification 9 → 3 engendre

‣ une grande liberté de paramètres

‣ des myriades de modèles presque standard

- on est loin du modèle standard (secteurs cachés)

... définitives ?

• Progrès conceptuel : unifie les méthodes antérieures

• Unification des forces : oui

• Paramètres libres : trop

• Gravité quantique : oui mais applications limitées à quelques aspects des trous noirs - pas du Big-Bang

• Constante cosmologique : non

• Inflation et matière noire : pas plus que SUSY/GU

Le bilan des cordes dans la perspective initiale

• Dualités en théorie des champs et des cordes (1994)

• Holographie gravitationnelle « AdS/CFT » (1997)

- applications à la chromodynamique quantique

- application aux collisions d’ions lourds : plasma quark-gluon

- applications aux supraconducteurs à haute Tc, aux superfluides, aux transitions de phase quantiques et aux fermions fortement corrélés

Au delà : l’évolution du sujet

Outil au service de la physique théorique moderne

Cordes et unification : l’éther du 20e siècle ?

Bibliographie

Cette présentation est inspirée de

- Histoire de la théorie des cordes, des hadrons à l’échelle de Planck, Reflets de la Physique 22 (2010) 8

- Cordes et théories d'unification, l'éther du 20ème siècle ?, Reflets de la Physique 30 (2012) 12

par P.M. Petropoulos - une bibliographie plus complète est disponible dans ces articles

Pour plus d’informations : marios@cpht.polytechnique.fr