Modélisation des transferts diffusifs dans les matériaux...

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Modélisation des transferts diffusifs dans les matériaux cimentaires Bogdan M. 1,3 , Benboudjema F. 1 , Colliat J.-B. 2 , Stefan L. 3 1 LMT-Cachan UMR 8535 61, avenue du Président Wilson 94230 CACHAN {benboudjema,bogdan}@lmt.ens-cachan.fr 2 LML UMR 8107 Boulevard Paul Langevin, 59655 Villeneuve d’Ascq Cédex [email protected] 3 Areva NC 33, rue la Fayette, 75009 Paris {mateusz.bogdan,lavinia.stefan}@areva.com RÉSUMÉ. Dans le présent travail nous présentons un modèle morphologique d’homogénéisation numérique particulièrement adapté aux matériaux cimentaires. Plus spécifiquement ici, l’étude de l’évolution des pâtes de ciment au cours de leur hydratation sera développée. Avec un modèle d’hydratation du ciment simple, qui ne prend en compte que trois phases (ciment anhydre, eau, produits d’hydratation) et une représentation morphologique originale que nous projetons sur des éléments finis volumiques, nous opérons une homogénéisation numérique qui mène à la prédiction de coefficients de diffusions effectifs. ABSTRACT. In this work we present a new morphological model for cement based materials, that is well suited for modeling the hydration process. The main application addressed here is a model for the evolution of cement paste with respect to the hydration degree, containing only anhydrous cement, water, and hydrated products. Secondly, those morphologies are projected on FE volumic meshes, which allow us to predict numerically homogenized effective diffusion coefficients. MOTS-CLÉS : modélisation morphologique, hydratation, diffusion, homogénéisation, multi-échelles KEYWORDS: morphological modeling, cement hydration, diffusion, homogenization, mutli-scales

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Modélisation des transferts diffusifs dans lesmatériaux cimentaires

Bogdan M.1,3, Benboudjema F.1 , Colliat J.-B.2 , Stefan L.3

1 LMT-Cachan UMR 853561, avenue du Président Wilson 94230 CACHAN{benboudjema,bogdan}@lmt.ens-cachan.fr

2 LML UMR 8107Boulevard Paul Langevin, 59655 Villeneuve d’Ascq Cé[email protected]

3 Areva NC33, rue la Fayette, 75009 Paris{mateusz.bogdan,lavinia.stefan}@areva.com

RÉSUMÉ.Dans le présent travail nous présentons un modèle morphologique d’homogénéisationnumérique particulièrement adapté aux matériaux cimentaires. Plus spécifiquement ici, l’étudede l’évolution des pâtes de ciment au cours de leur hydratation sera développée. Avec un modèled’hydratation du ciment simple, qui ne prend en compte que trois phases (ciment anhydre, eau,produits d’hydratation) et une représentation morphologique originale que nous projetons surdes éléments finis volumiques, nous opérons une homogénéisation numérique qui mène à laprédiction de coefficients de diffusions effectifs.

ABSTRACT.In this work we present a new morphological model for cement based materials, thatis well suited for modeling the hydration process. The main application addressed here is amodel for the evolution of cement paste with respect to the hydration degree, containing onlyanhydrous cement, water, and hydrated products. Secondly,those morphologies are projectedon FE volumic meshes, which allow us to predict numerically homogenized effective diffusioncoefficients.

MOTS-CLÉS :modélisation morphologique, hydratation, diffusion, homogénéisation, multi-échelles

KEYWORDS:morphological modeling, cement hydration, diffusion, homogenization, mutli-scales

31èmesRencontres de l’AUGC, E.N.S. Cachan, 29 au 31 mai 2013 2

1. Introduction

La modélisation des matériaux à matrice cimentaire a toujours été un enjeu detaille, spécialement au jeune âge. Pour l’industrie du nucléaire ou de la construc-tion de façon générale, l’objectif est de mieux comprendre les processus d’hydrata-tion qui mènent l’apparition de propriétés de transports, mécaniques, aux retraits, auxfluages. . .

Nous proposons ici un cadre d’étude multi-échelles séquencé qui se focalise sur lespâtes de ciment, bien que la structure générale soit applicable à des échelles différentes(mortier, béton).

L’étude proposée ici se focalise dans un premier temps sur unmodèle d’hydra-tation, qui nous permettra de décrire l’évolution des différentes phases d’une pâtede ciment (ciment anhydre, hydrates et eau) au cours du temps, plus spécifiquementen fonction du degré d’hydratation. Par la suite nous introduirons une modélisationmorphologique reposant sur des outils originaux. Issue destravaux de R.J. Adler[A DL 08], l’approche consiste à produire des morphologies multi-phasiques par seuillagede réalisations de champs aléatoires. Avec très peu de paramètres nous seront à mêmede décrire et contrôler des morphologies dans leur ensemble, et nous verrons qu’ilsera possible d’adapter le modèle d’hydratation au modèle morphologique. Finale-ment nous introduirons un cadre d’étude multi-échelles séquencé qui nous permet-tra au travers d’un ensemble de calcul d’arriver à une homogénéisation numérique,et donc une remontée d’information entre échelles. Ce dernier est présenté pour lespâtes de ciment, mais sera transposable pour les échelles supérieures, à savoir le mor-tier (grains de sable dans un matrice de pâte de ciment) et le béton (granulats dans unematrice de mortier). La démarche générale sera toujours d’entrer des paramètres ma-tériaux à une certaine échelle d’intérêt, avec des lois de comportements simples, puisgrâce à la modélisation morphologique et à l’homogénéisation numérique en déduiredes propriétés à l’échelle supérieure,i.e.celle d’un Volume Élémentaire Représentatif(VER).

2. Hydratation des pâtes de ciments

Afin de décrire au mieux la morphologie des pâtes de ciment hydratées, ou encours d’hydratation, nous devons utiliser un modèle permettant de décrire l’évolutiondu ciment anhydre et des hydrates au cours du temps. Nous avons choisi ici le modèlede Powers [POW 47] par souci de simplicité (peu de phases prises en compte, tantpour les réactifs que pour les produits d’hydratation).

Traditionnellement, ce modèle considère cinq phases : le ciment anhydre, les hy-drates, l’eau libre, l’eau du gel, et le retrait chimique. Pour chacune d’elles, est donnéeune description en terme de fraction volumique, ne dépendant que d’un paramètre tem-porel : le degré d’hydratationα. Nous avons choisi de ne garder que trois phases, enconsidérant que l’eau du gel fait partie des hydrates, et quele retrait n’est pas prit encompte (sa fraction volumique est incorporée à l’eau libre). Enfin, aux vues de ces hy-

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pothèses, nous avons considéré que le degré d’hydratation pouvait atteindre sa limitesupérieure,α = 1, afin de ne pas sous estimer la fraction volumique d’hydrates. Ainsila description de nos morphologies peut se résumer à :

p =e/c

e/c + ρe/ρc

Vanh = (1 − p)(1 − α)

Vhyd = 2, 12(1− p)α

Ve = 1 − Vanh − Vhyd (1)

où p est la porosité initiale du mélange à l’état frais,e/c le rapport massique eau surciment,α le degré d’hydratation,Vanh, Vhyd, Ve respectivement les fractions volu-miques de ciment anhydre, d’hydrates et d’eau, et enfinρe etρc les masse volumiquesde l’eau et du ciment anhydre.

Ce que l’on retiendra ici, c’est la simplicité de la description. Un seul paramètre(le degré d’hydratation) pilote l’évolution temporelle dechaque fraction volumique.D’un point de vue pratique, pour la description de nos morphologies nous utiliseronsdeux faits :

– la porosité initialep nous informe sur lafraction volumique initiale des grainsde ciment dans lapâte fraîche,

– l’évolution destrois phasesse fait à l’aide d’un unique paramètre.

Ce dernier point est important car il est primordial dans le choix de l’outil demodélisation morphologique.

3. Morphologies

Dans cette partie nous nous intéresserons plus particulièrement à la création desmorphologies, qui repose sur une technique originale de seuillage de réalisations dechamps aléatoires [ADL 81]. L’objectif est de pouvoir représenter une pâte de ciment àl’état frais, et de pouvoir la faire évoluer dans le temps avec l’apparition des hydrates.

La plupart des modèles de morphologies cimentaire entrent dans une des trois caté-gorie suivantes : les empilements de sphères évolutifs, telque HYMOSTRUC [V BR 91],les automates cellulaires, tel que CEMHYD3D [GAR 91], ou de mélange des deux[B IS 08]. Ces modèles sont aujourd’hui performants, mais ils demandent de gérer unnombre très important de paramètres (à titre d’exemple, il faudra 4 paramètres pourune sphère : position et rayon), du début à la fin du processus d’hydratation (chaquegrain doit pouvoir évoluer).

L’idée générale est ici de créer des réalisations de champs aléatoires correctementchoisis, et ensuite, à l’aide d’un seuil, de séparer ce dernier en 2 parties - supérieure et

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inférieure au seuil. Nous obtiendrons ainsi des morphologies bi-phasiques, et commenous le verrons dans la suite, nous pourrons en contrôler lespropriétés.

3.1. Création de morphologies

Nous travaillons ici principalement avec des champs aléatoires corrélés Gaussiens,ou dérivés de Gaussiens. Ces derniers ont la particularité de ne nécessiter que deuxparamètres (longueur de corrélation et variance) pour êtredécrits (en choisissant deschamps aléatoires à moyennes nulles). Ainsi, avec peu de paramètres et uniquementune fonction de corrélation à définir, nous pouvons décrire un champ aléatoire.

Ces dernier seront ici considérés comme des fonctions aléatoire : γ(x, ω) : M ⊂R

N → Rk, oùM est un espace euclidien àN dimensions,x est la variable d’espace

etω la variable aléatoire. Dans le cadre de ce travail, nous travaillons uniquement avecchamps aléatoires définis au sein d’un cube de tailleT , à valeurs dansR. Ainsi, uneexcursionAu d’une réalisation d’un tel champ se définit par« l’ensemble des pointsdeM où mes valeurs deγ sont au dessus d’un certain seuilu » :

Au ≡ Au(γ, M) = {x ∈ M : γ(x ≥ u)} (2)

Un exemple uni-dimensionnel est présenté figure 1, pour une réalisationγ définiesur un segmentM . L’excursion est donc le segmentAu. Un second exemple figure2 montre l’équivalent tridimensionnel, et met en valeur la diversité des morpholo-gies qu’il est possible d’obtenir : type « matrice-inclusion », figure 2(a), et de type« mousse », figure 2(b).

γ

x

u

Au M

Figure 1. Excursion d’une réalisation de champ aléatoire en1D : Au

Cet outil de modélisation a été choisi pour plusieurs raisons. D’une façon qualita-tive, comme on peut voir sur l’exemple de la figure 2(a), on obtient des morphologiesoù les formes des différentes inclusions sont aléatoires, tout en restant raisonnable-ment réaliste vis-à-vis de ce que l’on modélise (grains de ciment dans de l’eau, sabledans de la pâte, graviers dans du mortier). L’application d’un unique seuil permet decréer une morphologie complète, avec des éléments déconnectés. De plus, l’évolution

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de cet unique seuil permet de faire varier la fraction volumique de l’ensemble desinclusions. Enfin, grâce aux travaux de R.J. Adler [ADL 09], il existe un lien probabi-liste entre d’une part les paramètres du champ aléatoire (longueur de corrélationLc etvarianceσ) et le seuilu, et d’autre part la géométrie et la topologie de l’excursion.

Afin de pouvoir décrire ces morphologies, il est choisi d’utiliser les courbures deLipschitz-Killing, que nous noterons LKCs. Dans un espace àN dimension on peutdéfinirN +1 LKCs, chacune d’elle étant une mesure de lajèmedimension. Dans notrecas tridimensionnel, nous aurons quatre LKCs, notéesLi, i = 0..3, qui donnerontune description à la fois géométrique -L3,L2,L1 - et topologiqueL0. Celles-ci sontdéfinies par :

– L3(Au) est le volume de l’excursionAu,

– L2(Au) est la demi surface deAu,

– L1(Au) est deux fois lecaliper diameter1 deAu,

– L0(Au) est la caractéristique d’Euler.

La caractéristique d’Euler (ci-aprèsEC) est la mesure topologique de nos morpholo-gies, elle en définit l’aspect. En trois dimensions elle se calcule par l’équation [3].

L0(Au) = #{composants connectés dansAu} − #{« anses » dansAu}

+ #{« trous » dansAu} (3)

(a) Seuil « bas » (b) Seuil « haut »

Figure 2. Variétés de morphologies dépendant du seuil

Enfin, ce lien entre d’une part les LKCs et d’autre part les paramètres du champaléatoire (Lc, σ) et le seuil (u) est exprimé en espérance. D’une réalisation de champ

1. Distance moyenne entre deux plans parallèles qui effectuent toutes les rotations possiblesautour d’un objet.

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aléatoire à l’autre, ces mesures peuvent varier, mais nous savons prédire les espérancesde ces mesures. Ainsi, on peut relier et contrôler les paramètres géométriques (Vv lafraction volumique,S la surface volumique) et topologiques (pour des morphologiesde type « matrice - inclusions »EC représente le nombre d’éléments disjointsN ) defaçon explicite. SiT est la taille du cube modélisé, ce lien s’exprime par l’équation [4]pour plusieurs réalisations du même champ aléatoire.

L3(u, σ) = E{

VvT 3}

L2(u, σ, Lc) = E

{

ST 3

2

}

L0(u, σ, Lc) = E {N} (4)

Pour de plus amples détails sur ces formules, leur explicitations et leur démonstra-tions, se référer à [ADL 08] et [ADL 09].

Dans le cadre de l’étude présenté ici, nous nous intéressonsplus précisément àl’hydratation d’une pâte de ciment. La première étape va donc être pour nous de créerla morphologie initiale. En choisissant habilement la fonction de corrélation, la lon-gueur de corrélation, la variance et le seuil, nous sommes à même de la représenter(cf. figure 3(b)).

3.2. Évolution des morphologies

De la même façon qu’en posant un seuil, nous arrivons à séparer le champ aléatoireen une partie supérieure et une partie inférieure à ce seuil,il est possible d’ajouterdes seuils supplémentaires dans le but de créer des phases « concentriques ». Si l’onconsidère deux seuilsu et v (avecu ≥ v) une première phase correspondra à tous lespoints deM où γ est au dessus deu, puis une phases concentrique qui correspondraà l’ensemble des points deM où γ est entreu et v, et enfin le complémentaire. Leprincipe est illustré figures 3(c) et 3(d).

Les formules [4] peuvent s’adapter au cas de deux seuils. Cela permet finalementde créer des morphologies tri-phasiques, avec d’une part, des inclusions dont la frac-tion volumique est gérée par un premier seuilu (en augmentantu, on réduit les inclu-sions, en diminuantu on les fait grossir), et d’autre part une phase qui sera autour desinclusions (figure 3(d)) dont la fraction volumique est gérée par les seuilsu etv.

Nous retiendrons ici la simplicité de création de phases concentriques, et le peude paramètres nécessaires pour faire évoluer la morphologie dans son ensemble enrespectant des lois prédéfinies (cf partie 2 et équation [1]).

Il est aussi important de noter que ce modèle ne prend pas en compte pour l’instantd’autres interactions, comme les fronts de dissolutions oude précipitations. Nous necontrôlons que les fractions volumiques, et avons accès à lasurface et à une mesure

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(a) Une réalisation de champ aléa-toire, avec un seuilu

(b) Morphologie correspondant à unétat initial : grains de ciment et eau

(c) Même réalisation, avecv ≥ u, andw ≤ u

(d) Morphologie en cours d’hydrata-tion : grains de ciment, eau et hydrates

Figure 3. De la génération du champ aléatoire à l’hydratation

de la connectivité (EC). La façon dont « grossissent » les hydrates est dépendante duchamp aléatoire.

3.3. Projections

La dernière étape de ce processus sera la projection sur des maillage de type Éle-ments Finis volumiques. Pour une composition de ciment donnée, nous pouvons dé-terminer les paramètres du champ aléatoire les plus pertinents, puis analytiquementdéterminer les seuils correspondants à un degré d’hydratation donné (inversion desformules [4]). Ensuite, on créedesréalisations de ce champ aléatoire, que l’on vientprojeter sur un maillage, afin de prédire des propriétés moyennes.

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Du fait de l’évolution possible de nos morphologies, et du fait que pour avoir desrésultats exploitables nous avons besoin plusieurs réalisations pour chaque morpholo-gie, il a été choisi d’utiliser des maillage non-adaptés. Ces derniers ont la particularitéde ne pas s’adapter à la morphologies. L’ensemble des sommets est placé aléatoire-ment, et s’il arrive qu’un élément soit « coupé » et se retrouve dans deux matériaux àla fois, ce dernier sera enrichie localement avec des discontinuités faibles [ORT 87]( enrichissementE-FEM, issu de travaux de N. Benkemoun [BEN 10], ainsi que destravaux de thèse d’E. Roubin [ROU 13] ) afin d’être capable de représenter deuxpropriétés matériaux.

4. Homogénéisation Numérique

4.1. Propriétés effectives : procédure d’homogénéisation

Fondée sur les equation deFick [5], ainsi que sur l’analogie avec la thermique,nous utilisons ci-après une mesure de la dissipation localepour le processus de diffu-sion (équation [6]).

q = −D · ∇c

∂c

∂t+ divq = 0

(5)

−δ =q · ∇c

c(6)

Les propriétés effectives du matériaux considéré seront déterminées en soumet-tant unVERà une famille de calculs permettant une remontée d’information fiableentre échelles, en assurant l’equivalence énergétique entre l’échellemicro et macro.De façon similaire au principe de Hill [HIL 63] pour l’élasticité linéaire, nous vou-lons que la moyenne spatiale de l’énergie microscopique〈q ·∇c〉 soit égale à l’énergiemacroscopique calculée à partir des champs moyens〈q〉 et 〈∇c〉 (équation [7]).

〈q · ∇c〉!= 〈q〉 · 〈∇c〉 (7)

où 〈•〉 représente la moyenne volumique dans unVER.

Pour satisfaire à ces conditions, nous introduisons, en chaque point, des fluctua-tions•̆ de chaque champ :

{

q̆ := q − 〈q〉

∇̆c := ∇c − 〈∇c〉,(8)

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et ces dernières doivent disparaitre si nous sommes bien en présence d’unVER:

〈q̆〉!= 0 et 〈∇̆c〉

!= 0 (9)

En combinant les équations [7], [8] et [9], on arrive à :

0!= 〈q · ∇c〉 − 〈q〉 · 〈∇c〉

⇔ 0 = 〈(q − 〈q〉) · (∇c − 〈∇c〉)〉

⇔ 0 = 〈q̆ · ∇̆c〉 (10)

Enfin, comme nous souhaitons calculer ces dissipations uniquement à partir desvaleurs en surface, tout en respectant la conservation du flux (div(q) = 0), nous ob-tiendrons à l’aide du théorème de Green :

〈q̆ · ∇̆c〉!= 0

= 〈q · ∇c〉 − 〈q〉 · 〈∇c〉

=1

V

V

(∇c − 〈∇c〉) (q − 〈q〉) dV

=1

V

V

div {(c − 〈∇c〉 · x) (q − 〈q〉)} dV

=1

V

Γ

(c − 〈∇c〉 · x) (q · n − 〈q〉 · n) dΓ

〈q̆ · ∇̆c〉 = 0 ⇔1

V

Γ

(c − 〈∇c〉 · x) (q · n − 〈q〉 · n) dΓ = 0 (11)

Finalement on se retrouve avec l’équation [11], dont les solutions triviales sontdonnées par :

– c = 〈∇c〉 · x surΓ ( Kinematic Uniform Boudary Condition (KUBC)),

– q · n = 〈q〉 · n surΓ ( Stress Uniform Boundary Condition (SUBC)).

En appliquant donc ces conditions limites spécifiques, nouspourrons déterminer lamatrice de diffusivité effective de l’échelle macroscopique (cf. eq. 14). Pour chacunedes conditions limites, un famille de calcul nous donnera des bornes respectivementsupérieures et inférieures. Dans le cadre de ce travail seuls les conditions aux limitesde typeKUBC ont été mise en place.

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5. Résultats et discussions

Comme introduit dans la première partie, l’objectif est icide retrouver des co-efficients de diffusion effectifs (homogénéisés, macroscopiques) de pâte de ciment,avec comme paramètres d’entrés les propriétés matériaux (voir tableau 1) de l’échellemicroscopique.

Avec le modèle d’évolution proposé, deux types d’application sont possibles : onpeut soit s’intéresser à l’évolution d’une pâte de ciment aucours de l’hydratation duciment, et observer l’évolution de ses propriétés, soit s’intéresser à des pâtes de ciment« durcies » , et évaluer des propriétés à l’état final. C’est cette dernière démarche qui aété choisie ici. Nous nous sommes intéressés aux coefficients de diffusions effectifs deciments dits « classiques » (CEM-I), en ne faisant varier quele rapporte/c de la pâteinitiale. Donc pour chaque cas, un champ aléatoire a été déterminé, plusieurs réalisa-tions ont été produites, que l’on a seuillées, projetées, puis soumises aux conditionslimites satisfaisant [11].

En utilisant les équations [5], on veut mesurer un flux résultant q, pour chaquegradient unitaire de concentration imposé∇c. En régime stationnaire, la premièreligne de [5] peut se réécrire :

q = −Deff · ∇c (12)

∇c1 =

100

, ∇c2 =

010

, ∇c3 =

001

(13)

Le premier calcul avec∇c1 comme condition aux limites, nous donnera la pre-mière colonne deDeff par détermination du fluxq. On reproduit ensuite la mêmechoses pour les deux autres directions. Les résultats se présentés donc sous la formesuivante (e/c = 0, 4, et hydratation total :α = 1, valeurs enm2s−1) :

Deff =

6, 09 · 103 6, 03 3, 13 · 106, 03 6, 33 · 103 1, 4 · 102

3, 13 · 10 1, 4 · 102 6, 05 · 103

× 10−12 (14)

On se retrouve bien avec une matrice symétrique, et on voit que les termes diago-naux sont un à deux ordres de grandeurs au dessus des autres. On se retrouve donc uncoefficient de diffusion effectif moyen deDeff = 6, 16 · 10−12m2s−1.

En répétant cette série de trois calculs numériques sur chacune des réalisations onarrive à des valeurs moyennes, et en répétant ce même schéma pour chaque rapporte/c, on obtient les résultats de la figure 4. En ordonnée, on peut lire les coefficientsde diffusions effectifs homogénéisés, et en abscisse les rapportse/c. De plus ont étéajouté plusieurs séries de résultats expérimentaux : [BEJ 06], [MEJ 99], [NGA 05]et [TOG 98].

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Phase Coefficient de diffusion×10−9, (m2s−1)Ciment anhydre 2 · 10−6

Hydrates 2 · 10−3

Eau 2

Tableau 1.Coefficients de diffusions à l’échelle microscopique

Figure 4. Évolution deDeff en fonction dee/c, comparaison avec résultats expéri-mentaux ([BEJ 06],[MEJ 99], [NGA 05] et [TOG 98])

Comme on le voit sur la figure 4, pour lese/c élevés (entre 0,6 et 0,8), nos ré-sultats sont un ordre de grandeur trop haut. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cephénomène :

– Tout d’abord, le modèle d’hydratation sous-estime la fraction volumique d’hy-drate. De ce fait, les transports diffusifs vont s’opérer préférentiellement dans le réseauporeux, qui est très largement surestimé (pas de retrait).

– Les résultats présentés correspondent aux familles de calculsKUBC, qui doiventdonner un borne supérieure.

Un autre point remarquable est le changement de pente de la courbe continue. Eneffet, très peu de modèles d’homogénéisations (numériquesou analytiques) arrivent àla retrouver. La tendance semble bien se poursuivre sur la gauche du graphique, avec

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poure/c = 0, 4 une valeur proche de l’expérimentale. Cependant, nous n’avons pasencore réussi à descendre en dessous dee/c = 0, 4, car les morphologie initiales detel pâtes de ciment ont une compacité trop importante à l’état frais. Nous ne savonspas encore correctement les représenter (on peut trouver les bons champ aléatoires,mais le lien probabiliste entre le champ aléatoire et l’excursion se perd dans beaucoupde cas).

6. Conclusions et Perspectives

Nous avons présenté ici un cadre d’étude multi-échelles séquencé morphologiquepour les matériaux cimentaire. Particulièrement adapté à l’étude de l’hydratation, cemême cadre d’homogénéisation pourra être utilisé dans les échelles supérieures (mor-tier, béton). L’outil utilisé pour la modélisation repose sur le seuillage de champs aléa-toires. Ce dernier souffre encore de quelques problèmes (principalement les fractionsvolumiques aux états initiaux), mais des pistes sont à l’étude, notamment en utilisantles unions / intersections de champs. Enfin, par projection puis homogénéisation nu-mérique nous remontons à une information macroscopique.

Un développement supplémentaire est en cours pour améliorer la qualité de ladescription de l’échelle microscopique, avec un modèle d’hydratation plus poussé,prenant en compte la composition du ciment anhydre, plusieurs phases d’hydrates,ainsi que la possibilité de prendre en compte des ajouts telsque les laitiers ou la fuméede silice.

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