L -synucléine et la maladie de Parkinson : le grand méchant...

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  • 956 m/s n 8-9, vol. 16, aot-septembre 2000

    NOUVELLESmdecine/sciences 2000 ; 16 : 956-7

    L-synucline et la maladie de Parkinson :le grand mchant petit chaperon

    La signature histochimique de nom-breuses maladies neurodgnratives estlapparition dans le cerveau de dptsdagrgats protiques insolubles intra-ou extracellulaires. Ces inclusions, dontlaspect et la localisation varient selonles maladies, contiennent des compo-sants communs comme lubiquitine oul-synucline. L-synucline, unepetite phosphoprotine de 14 kDa, est la fois le prcurseur dun peptide hydro-phobe retrouv dans les plaques snilesde la maladie dAlzheimer (peptideNAC) [1] et le composant principal descorps de Lewy, les inclusions intracyto-plasmiques caractristiques de la mala-die de Parkinson. Cette protine saccu-mule galement dans les neuritesdystrophiques des patients atteints desclrose latrale amyotrophique. Lamise en vidence de mutations ponc-tuelles de l-synucline associes derares formes hrditaires dominantes dela maladie de Parkinson avait permisdvoquer un rle de cette protinedans la physiopathologie de cette mala-die (et m/s 1997, n 10, p. 1218) mmesi, dans la grande majorit des cas, lesinclusions contiennent la forme nonmute de cette protine. Des rsultatsrcents dmontrent que l-synucline,aussi bien dans sa forme sauvage quemute, est une toxine qui, lorsquellesaccumule, peut entraner la mort cel-lulaire et pourrait donc jouer un rlecl dans le mcanisme des neurodg-nrescences.La surexpression in vitro de l-synu-cline sauvage ou mute induit en effetla mort de cellules embryonnaireshumaines en culture (cellules HEK) et,inversement, linhibition de son expres-sion par un ARN anti-sens a des effetsprotecteurs vis--vis dun stress toxiquepour les cellules [2]. Des agrgats d-synucline introduits dans le milieu deculture dune ligne de neuroblastomepeuvent provoquer la mort cellulairepar apoptose [3]. Ces rsultats sugg-rent que la libration dans le milieu

    extracellulaire des inclusions contenantl-synucline pourrait avoir des effetsdltres sur les neurones. Plus rcemment, la surexpression invivo de l-synucline humaine a permisdobtenir deux modles gntiques demaladie de Parkinson, lun chez la dro-sophile [4] et lautre chez la souris [5].Chez la drosophile, il est assez faciledexprimer un transgne de faon slec-tive dans un tissu donn par le systmeUAS-GAL4, dj utilis pour tudier lesneurodgnrescences induites par despeptides polyglutamins [6]. La surex-pression de l-synucline humainedans tous les neurones de la drosophilenaltre ni le dveloppement, ni la viabi-lit des animaux mutants [4]. Cepen-dant, lexpression de l-synuclinenative ou mutante induit lapparitiondinclusions intracytoplasmiquesdaspect trs semblable aux corps deLewy. On observe galement au coursdu vieillissement, cest--dire aprs30 jours, la disparition slective de cer-taines sous-populations de neuronesdopaminergiques du cerveau. Cesdgnrescences vont de pair aveclapparition de troubles locomoteurs.Lensemble de ces effets rcapitulenttonnamment bien les symptmescaractristiques et laspect progressif dela maladie de Parkinson. Des rsultatssemblables ont t obtenus par la surex-pression non plus de la protine native,mais de la protine mutante.Lexpression cible de l-synuclinehumaine dans tous les neurones de lasouris a t obtenue en plaant le trans-gne sous le contrle du promoteur dugne PDGF-, qui induit une expressionpan neuronale. Comme chez la droso-phile, des inclusions riches en -synu-cline apparaissent dans le cerveau dessouris mutantes. Ces inclusions contien-nent aussi de lubiquitine et leur struc-ture non fibrillaire est un peu atypiquepar rapport aux corps de Lewy. Ltudedune ligne exprimant plus fortementl-synucline rvle des pertes significa-

    tives des terminaisons nerveuses dopa-minergiques dans le striatum (bien quela densit des cellules positives pour latyrosine hydroxylase ne soit pas modi-fie au niveau de la substance noire).Ces souris prsentent galement, lgedun an, des anomalies du comporte-ment locomoteur.Ces rsultats suggrent fortement quelaccumulation d-synucline dans lecerveau provoque des pertes cellulaires,en particulier celle des neurones dopa-minergiques qui seraient, pour une rai-son encore inconnue, plus sensibles cette toxine. Mais quelle est la fonctionphysiologique normale de l -synucline ? Bien que cette protine soitabondante dans le systme nerveux cen-tral des mammifres, linactivation deson gne chez la souris na aucun effetsur la survie, la fertilit ou le dveloppe-ment du cerveau [7]. Les sourismutantes prsentent cependant des alt-rations de la transmission dopaminer-gique dans le striatum, indiquant quunedes fonctions de l-synucline serait decontrler ngativement la libration destransmetteurs. Cette hypothse est enaccord avec la localisation prsynaptiquede cette protine et son association auxvsicules synaptiques [8].Lanalyse de la structure primaire de l-synucline (figure 1) montre troisdomaines distincts : une rgion amino-terminale prsentant des variationspriodiques dhydrophobicit avec deslysines rcurrentes, une rgion centralehydrophobe correspondant au peptideNAC des plaques amylodes, et unergion carboxy-terminale trs acide carriche en rsidus Glu et Asp et contenantun site de phosphorylation constitutivepar les casine kinases [9]. Le domaineamino-terminal serait impliqu en parti-culier dans la formation de dimres d-synucline et dans lassociation de laprotine des lipides membranaires ; lafonction des autres domaines nest pasconnue. Les mutations associes auxformes hrditaires de maladie de Par-

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    kinson (A30P et A53T) sont localisesdans le domaine N-terminal, dans desrgions dont la squence prsente unehomologie denviron 40% avec les pro-tines chaperons de la famille 14-3-3(figure 1). De fait, l-synucline peut selier la fois aux protines 14-3-3 et cer-taines protines qui lient normalementles protines 14-3-3, comme la protinekinase C, la protine pro-apoptotiqueBad ou les MAP kinases ERK [2].Les chaperons molculaires sont desprotines ubiquitaires qui lient diversesprotines et stabilisent leur conforma-tion tridimensionnelle, soit pour lesmaintenir dans un tat actif ou inactif,

    soit pour moduler leur trafic intracellu-laire, soit encore pour prvenir lagrga-tion de peptides altrs ou en cours debiosynthse. Les plus connues sont lesprotines de stress HSP (heat shock pro-tein), dont lexpression est induite parun choc thermique. La conformationnative des chaperons est une formeouverte non globulaire, ce qui fait queces protines ont tendance sagrger :l-synucline prsente effectivementces deux proprits [10-12]. Les don-nes obtenues avec les modles transg-niques suggrent que lagrgation de cepetit chaperon pourrait tre une causedirecte des neurodgnrescences dans

    la maladie de Parkinson. Lutilisation deces modles animaux permettra peut-tre de comprendre par quels mca-nismes la surexpression de l-synu-cline humaine provoque la mortslective des neurones dopaminer-giques, et didentifier des agents thra-peutiques ou des gnes capablesdempcher la formation des corpsdinclusions.

    1. Lavedan C. The synuclein family. Genone Res1998 ; 8 : 871-80.2. Ostrerova N, Petrucelli L, Farrer M, et al. Alpha-synuclein shares physical and functional homo-logy with 14-3-3 proteins. J Neurosci 1999 ; 19 :5782-91.3. El-Agnaf OM, Jakes R, Curran MD, et al. Aggre-gates from mutant and wild-type alpha-synucleinproteins and NAC peptide induce apoptotic celldeath in human neuroblastoma cells by formationof beta-sheet and amyloid-like filaments. FEBS Lett1998 ; 440 : 71-5.4. Feany MB, Bender WW. A Drosophila modelof Parkinsons disease. Nature 2000 ; 404 : 394-8.5. Masliah E, Rockenstein E, Veinbergs I, et al.Dopaminergic loss and inclusion body formationin alpha-synuclein mice: implications for neuro-degenerative disorders. Science 2000 ; 287 : 1265-9.6. Birman S. La drosophile, un modle gntiquepour ltude des maladies neurodgnratives.Med Sci 2000 ; 16 : 164-70.7. Abeliovich A, Schmitz Y, Farinas I, et al. Micelacking alpha-synuclein display functional deficitsin the nigrostriatal dopamine system. Neuron2000 ; 25 : 239-52.8. Murphy DD, Rueter SM, Trojanowski JQ, LeeVM. Synucleins are developmentally expressed,and alpha-synuclein regulates the size of the pre-synaptic vesicular pool in primary hippocampalneurons. J Neurosci 2000 ; 20 : 3214-20.9. Okochi M, Walter J, Koyama A, et al. Consti-tutive phosphorylation of the Parkinsons diseaseassociated alpha-synuclein. J Biol Chem 2000 ; 275 :390-7.10. Weinreb PH, Zhen W, Poon AW, Conway KA,Lansbury PT, Jr. NACP, a protein implicated inAlzheimers disease and learning, is nativelyunfolded. Biochemistry 1996 ; 35 : 13709-15.11. Conway KA, Harper JD, Lansbury PT. Accele-rated in vitro fibril formation by a mutant alpha-synuclein linked to early-onset Parkinson disease.Nat Med 1998 ; 4 : 1318-20.12. Narhi L, Wood SJ, Steavenson S, et al. Bothfamilial Parkinsons disease mutations acceleratealpha-synuclein aggregation. J Biol Chem 1999 ;274 : 9843-6.

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    N

    O

    U

    V

    E L

    L E

    S

    BB

    3 2 1 0-1-2-3-4

    10050 AA

    CC

    Acides

    Basiques

    10050 AA

    AA P

    NAC

    10050

    A30 A53

    AA

    36%43%

    Figure 1. Structure molculaire de l-synucline. A. Reprsentation schmatique destrois domaines de l-synucline : le domaine amino-terminal (rsidus 1 61) contientdeux rgions homologues aux protines 14-3-3 (en gris), le pourcentage dhomologieest indiqu pour chacune delles, ainsi que la position des rsidus alanine muts dansdes formes hrditaires de la maladie de Parkinson (A30 et A53) ; le domaine central(rsidus 61 95) correspond au composant non-amylode (NAC) des plaques de lamaladie dAlzheimer ; le domaine carboxy-terminal (rsidus 96 140) est trs acide etcontient un site majeur de phosphorylation constitutive par les casine kinases (indi-qu en position 129). B. Profil dhydrophobicit de la protine (reprsentation de Kyteet Doolittle), montrant en particulier la priodicit dans le domaine amino-terminal.Les valeurs positives sur lchelle sont les plus hydrophobes. C. Distribution desacides amins acides et basiques. Grandes barres : glutamate ; barres moyennes :aspartate ou lysine ; petites barres : histidine. Il ny a pas de rsidus arginine dans cetteprotine. Les graphes B et C ont t obtenus avec le logiciel DNA Strider.

    Serge Birman

    Gntique de la neurotransmission, Labo-ratoire de neurobiologie cellulaire et fonc-tionnelle, Cnrs, 31, chemin Joseph-Aiguier, 13009 Marseille, France.