3. Fonction de Dirac - Cours en ligne de l'INSA de … · 32 Chapitre 3 : Fonction de Dirac...

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31 3. Fonction de Dirac 1. Fonctions fortement piqu´ ees. La “fonction” delta de Dirac 1.1. Exemple en ´ electrostatique O 1/2 -1/2 n = 8 n = 4 n = 2 ρ n (x) x Figure 1 n = 1 Consid´ erons, sur une droite, une suite de densit´ es de charges ρ n (x) repr´ esent´ ees par (Fig. 1) ρ n (x)= nΠ(nx), (1.1) o` u Π(x) est la “fonction porte”, d´ efinie par : Π(x)= 0, |x|≥ 1/2 1, |x| < 1/2. (1.2)

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3. Fonction de Dirac

1. Fonctions fortement piquees. La “fonction” delta de Dirac

1.1. Exemple en electrostatique

O 1/2-1/2

n = 8

n = 4n = 2

ρn(x)

x

Figure 1

n = 1

Considerons, sur une droite, une suite de densites de charges ρn(x) representeespar (Fig. 1)

ρn(x) = nΠ(nx), (1.1)

ou Π(x) est la “fonction porte”, definie par :

Π(x) =

{0, |x| ≥ 1/2

1, |x| < 1/2.(1.2)

32 Chapitre 3 : Fonction de Dirac

L’integrale de la fonction ρn(x), qui represente la charge totale en electrostatique,est independante de n : ∫ ∞

−∞ρn(x) dx = 1. (1.3)

Lorsque n tend vers l’infini, la charge totale, qui est restee egale a l’unite, est cepen-dant entierement concentree a l’origine. On a obtenu une charge unite ponctuellea l’origine.

Suivant Dirac, on peut songer a representer cette charge par une “fonction”δ(x) qui vaudrait

δ(x) ={

0, x 6= 0+∞, x = 0,

(1.4)

et telle que : ∫ ∞

−∞δ(x) dx = 1. (1.5)

Une telle fonction est cependant mathematiquement mal definie, car l’integraled’une fonction presque partout nulle est nulle.

1.2. La “fonction” delta

L’operation fondamentale a laquelle Dirac voulait soumettre δ(x) est l’evalua-tion de l’integrale ∫ ∞

−∞δ(x)f(x) dx, (1.6)

ou f est une fonction continue quelconque. Cette integrale peut etre evaluee parl’argument suivant : puisque δ(x) est nulle pour x 6= 0, les bornes d’integrationpeuvent etre remplacees par −ε et +ε, ou ε est un nombre positif petit. De plus,puisque f est continue en x = 0, ses valeurs dans l’intervalle (−ε,+ε) ne differentpas beaucoup de f(0). On ecrit donc approximativement :∫ ∞

−∞δ(x)f(x) dx =

∫ ε

−ε

δ(x)f(x) dx ' f(0)∫ ∞

−∞δ(x) dx. (1.7)

L’approximation s’ameliore au fur et a mesure que ε s’approche de 0. A la limiteε → 0, compte tenu de l’equation (1.5), on a exactement l’egalite :

∫ ∞

−∞δ(x)f(x) dx = f(0). (1.8)

La fonction delta agit en quelque sorte comme un filtre ou un tamis selection-nant, parmi toutes les valeurs possibles de f(x), sa valeur en x = 0.

Suites de fonctions possedant a la limite la propriete de filtrage 33

2. Suites de fonctions possedant a la limite la propriete de filtrage

La formule (1.8) ne permet pas de definir δ(x) comme une veritable fonction. Ilexiste cependant des suites de fonctions {φn(x)} fortement piquees qui approchenta la limite la propriete de filtrage, c’est-a-dire telles que :

limn→∞

∫ ∞

−∞φn(x)f(x) dx = f(0). (2.1)

2.1. Suite de fonctions porte

C’est par exemple le cas de la suite de fonctions porte consideree au para-graphe 1. On a en effet, en prenant φn(x) = ρn(x) :∫ ∞

−∞φn(x)f(x) dx =

∫ 1/2n

−1/2n

nf(x) dx. (2.2)

En utilisant le theoreme de la moyenne pour les integrales, on en deduit :

n

∫ 1/2n

−1/2n

f(x) dx = f(ξ), − 12n

≤ ξ ≤ 12n

. (2.3)

Lorsque n →∞, alors ξ → 0. De la continuite de f(x), il s’ensuit que f(ξ) → f(0).On a donc le resultat (2.1).

2.2. Autres exemples

On souhaite construire d’autres suites de fonctions possedant a la limite lapropriete de filtrage, notamment des suites de fonctions qui soient continues etdifferentiables (ce qui n’est pas le cas des fonctions porte). Les exemples les pluscouramment utilises sont les suivants :

• suite de lorentziennesOn pose :

φn(x) =n

π

11 + n2x2

. (2.4)

• suite de gaussiennesOn pose :

φn(x) =n√π

e−n2x2. (2.5)

Toutes ces fonctions sont normalisees a l’unite :∫ ∞

−∞φn(x) dx = 1. (2.6)

Par des raisonnements analogues a ceux effectues au paragraphe 2.1 pour les suitesde fonction porte, on peut demontrer que les suites de lorentziennes et les suitesde gaussiennes definies respectivement par les formules (2.4) et (2.5) possedent ala limite n →∞ la propriete de filtrage (formule (2.1)).

34 Chapitre 3 : Fonction de Dirac

3. Calculs faisant intervenir la fonction delta

Le traitement de δ(x) en tant que fonction au sens ordinaire (ce qu’elle n’estpas) est un raccourci commode permettant d’obtenir des resultats qui dependentde certains processus de passage a la limite. On peut developper les regles de cecalcul par des operations formelles, en partant des proprietes suivantes :∫ ∞

−∞δ(x)f(x) dx = f(0), (3.1)

δ(x) ={

0, x 6= 0+∞, x = 0, (3.2)∫ ∞

−∞δ(x) dx = 1, (3.3)

et en ignorant, pour le moment, leur justification mathematique1.

Si la variable x represente une grandeur physique, c’est en general une quantitedimensionnee. Il en est alors de meme de δ(x), dont les dimensions sont inversesde celles de la grandeur x.

3.1. Signification de δ(x− a). Peigne de Dirac

On considere l’integrale∫∞−∞ δ(x − a)f(x)dx. On pose x − a = ξ et on ecrit

f(ξ + a) = g(ξ). On a :∫ ∞

−∞δ(x− a)f(x) dx =

∫ ∞

−∞δ(ξ)g(ξ) dξ = g(0) = f(a). (3.4)

La fonction

P(x) =∞∑

n=−∞δ(x− na) (3.5)

a des proprietes interessantes. Elle porte le nom de peigne de Dirac. On a :∫ ∞

−∞P(x)f(x) dx =

∞∑n=−∞

f(na). (3.6)

3.2. Changement d’echelle

On cherche a demontrer la relation :

δ(ax) =1|a|

δ(x), a 6= 0. (3.7)

1 Elle peut etre effectuee de facon rigoureuse dans le cadre de la theorie des distributions.

Representations de Fourier de la fonction delta 35

On pose ax = ξ. On a, si a > 0 :∫ ∞

−∞δ(ax)f(x) dx =

∫ ∞

−∞δ(ξ)f

( ξ

a

)1a

dξ =1af(0). (3.8)

Si a < 0, un calcul analogue conduit a :∫ ∞

−∞δ(ax)f(x) dx =

∫ −∞

∞δ(ξ)f

( ξ

a

)1a

dξ = −1af(0). (3.9)

Ceci demontre la formule (3.7).

4. Representations de Fourier de la fonction delta

Il est essentiel, en vue des applications dans de nombreux domaines de laphysique, de disposer pour la fonction delta d’une representation de Fourier, no-tamment d’une representation en integrale de Fourier. L’ecriture de cette represen-tation integrale necessite certains passages a la limite. C’est pourquoi nous com-mencons par ecrire une representation en serie de Fourier.

4.1. Representation en serie de Fourier

On part de la fonction porte (ou impulsion) φa(x) representee sur la Figure 2.Cette fonction est normalisee a l’unite. Elle a pour largeur 2a. L’intervalle dedefinition est choisi comme etant −L ≤ x ≤ L.

-L

Figure 2

x

φa(x)

L

1/(2a)

a-a••

On repete cette fonction periodiquement, la periode choisie etant 2L > 2a.Les coefficients de Fourier de la fonction ainsi periodisee sont bn = 0 (la fonctionφn(x) est paire), a0 = 1/L et an = (1/nπa) sin(nπa/L) pour n ≥ 1. On a donc :

φa(x) =1

2L+

∞∑n=1

1nπa

sinnπa

Lcos

nπx

L, −L ≤ x ≤ L. (4.1)

36 Chapitre 3 : Fonction de Dirac

Apres passage a la limite a → 0, on obtient une serie de Fourier pour δ(x) :

δ(x) =1

2L+

1L

∞∑n=1

cosnπx

L, −L ≤ x ≤ L. (4.2)

La serie au second membre de l’equation (4.2) est divergente, ce qui n’est pasetonnant, car, si elle etait convergente, alors δ(x) serait une vraie fonction, ce quin’est pas le cas.

4.2. Passage a une representation en integrale de Fourier

On reecrit tout d’abord la formule (4.2) sous la forme equivalente suivante :

δ(x) =1

2L

∞∑n=−∞

exp(inπx

L

), −L ≤ x ≤ L. (4.3)

Lorsque L → ∞, la serie au second membre de l’equation (4.3) se transforme enintegrale (divergente) :

δ(x) =12π

∫ ∞

−∞eikx dk. (4.4)

La representation integrale (4.4) de la fonction delta est largement utilisee enphysique2.

On peut ecrire aussi

δ(x− x′) =12π

∫ ∞

−∞eik(x−x′) dk, (4.5)

ou : ∫ ∞

−∞eik(x−x′) dk = 2πδ(x− x′). (4.6)

5. Fonction delta et convolution

5.1. Definition du produit de convolution de deux fonctions

Rappelons que l’on appelle, lorsqu’il existe, produit de convolution de deuxfonctions f(x) et g(x) la fonction h(x) definie par la formule

h(x) =∫ ∞

−∞f(u)g(x− u) du, (5.1)

2 Elle peut etre etablie de facon rigoureuse dans le cadre de la theorie des distributions.

Fonction delta et convolution 37

et que l’on ecrit symboliquement :

h = f ∗ g. (5.2)

Lorsque f et g sont deux fonctions de L1, f ∗ g = g ∗ f a toujours un sens et estaussi une fonction de L1.

La fonction h(x) represente une moyenne de f(u) ponderee au voisinage dechaque point x par g(x − u). Il s’ensuit que, si g(x) est suffisamment reguliere,h(x) presente des fluctuations moins rapides que f(x). Ce phenomene intervienttoujours dans une mesure physique : f(x) represente alors la veritable fonctiona mesurer, tandis que g(x) represente l’effet de l’instrument de mesure, qui estincapable de discerner les variations trop rapides de f(x). La fonction h(x) est leresultat de la mesure. On peut citer comme exemples :

• l’effet du a la resolution finie des instruments d’optique qui ne peuventseparer deux points lumineux trop rapproches, ou d’un spectroscope qui ne permetpas de distinguer deux raies trop serrees,

• l’effet du a la resolution finie dans le temps des appareils de mesure electriquequi ne peuvent distinguer deux impulsions trop rapprochees dans le temps.

5.2. Convolution par une fonction porte

Un cas particulier interessant est celui ou l’on a

g(x) =1aΠ

(x

a

), (5.3)

la fonction Π(x) etant la fonction porte. Dans ce cas, la formule (5.1) s’ecrit :

h(x) = f(x) ∗ 1aΠ

(x

a

)=

1a

∫ ∞

−∞f(u)Π

(x− u

a

)du =

1a

∫ x+(a/2)

x−(a/2)

f(u) du. (5.4)

La fonction h(x) represente alors simplement la valeur moyenne de f(x) entrex− (a/2) et x + (a/2).

5.3. Passage a la limite a → 0

A la limite a → 0, d’apres la formule (5.4), on s’attend a avoir :

f(x) ∗ δ(x) = f(x). (5.5)

Ainsi la fonction δ apparaıt comme l’unite du produit de convolution (convoluerune fonction par la fonction delta ne change rien). En physique, cette proprietes’ecrit souvent de la facon suivante :

∫ ∞

−∞f(u)δ(x− u) du =

∫ ∞

−∞f(x− u)δ(u) du = f(x). (5.6)