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Rhétorique

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monymie).La rhétorique est à la fois la science et l'art de l'action

Démosthène s’exerçant à la parole, toile de Jean-Jules-AntoineLecomte du Nouy (1842-1923).

du discours sur les esprits. Le mot provient du latin rheto-rica, emprunté au grec ancien ῥητορικὴ τέχνη (rhêtorikêtekhnê), qui se traduit par « technique, art oratoire ». Plusprécisément, selon Ruth Amossy[1] : « telle qu’elle a étéélaborée par la culture de la Grèce antique, la rhétoriquepeut être considérée comme une théorie de la parole ef-ficace liée à une pratique oratoire. »Au-delà de cette définition générale, la rhétorique aconnu au cours de son histoire une tension entre deuxconceptions antagonistes, la rhétorique comme art de lapersuasion et la rhétorique comme art de l'éloquence.La rhétorique grecque, telle qu'elle fut pratiquée par lessophistes et codifiée par Aristote, se préoccupait prin-cipalement de persuader. Dans l'Antiquité romaine, sefait jour une nouvelle conception de la rhétorique commeart de bien dire « bene dicendi scientia » selon les motsde l'orateur romain Quintilien[2]. À l'époque classique, larhétorique s’étend à l'étude des textes écrits, et notam-

ment aux textes littéraires et dramatiques, la conceptionromaine de la rhétorique l'emporte progressivement surla conception grecque. La rhétorique s’est ainsi progres-sivement restreinte à la stylistique c'est-à-dire à un in-ventaire de figures relevant des ornements du discours.Il en résulte une conception de la parole rhétorique quise distingue de l'argumentation et de la dialectique parl'usage d'effets pathétiques et éthiques du discours surle public[3]. Contre cette évolution, l'école rhétoriquecontemporaine de Chaïm Perelman renoue avec la rhé-torique grecque en proposant une « nouvelle rhétorique »qui est une théorie de l'argumentation.

1 Problématiques de la rhétorique

1.1 Polémiques autour d'une définition

Nicolas Poussin, L'Inspiration du poète.

Marc Fumaroli comme Joëlle Gardes-Tamine ont étudiéles conceptions de la rhétorique au cours des siècles et re-lèvent que celles-ci peuvent se rattacher à deux traditionsphilosophiques[4] :

• la définition d'origine sophistique, selon laquelle larhétorique doit persuader. Bien que propagée par lessophistes comme Gorgias, il s’agit de la conceptionhéritée d'Aristote qui la définit comme « la facultéde considérer, pour chaque question, ce qui peut êtrepropre à persuader »[5] ;

• la définition d'origine stoïcienne qui pose qu'elle estl'art de bien discourir. Elle requiert une bonne mo-

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2 1 PROBLÉMATIQUES DE LA RHÉTORIQUE

ralité et se rapproche en cela d'une représentationde la sagesse. Ses représentants sont Quintilien etCicéron.

Cette double tradition a conduit les auteurs, au coursdes siècles, à multiplier les définitions de l'art rhéto-rique. « méta-langage (dont le langage-objet fut le “dis-cours”) qui a régné en Occident du Ve siècle av. J.-C. au XIXe siècle ap. J.C » pour Roland Barthes[6],la rhétorique est pour Arthur Schopenhauer ou JohnStuart Mill la technique du discours public[7], alors que,pour Antelme Édouard Chaignet, dans La Rhétoriqueet son histoire (1888), elle consiste à « persuader etconvaincre », deux buts qui lui sont associés systéma-tiquement dans la conscience populaire et même dansl'enseignement du français[note 1]. Pour le philosophe an-glais Francis Bacon, elle est « l'art d'appliquer la raisonà l'imagination pour mieux mouvoir la volonté »[8], alorsque, pour l'Américain Richard Weaver, elle est « un artde l'emphase ».En dépit de toutes ces définitions, parfois nettement di-vergentes, l'expression d'« art rhétorique » renvoie avanttout, et historiquement, au « système rhétorique », c'est-à-dire l'ensemble des techniques pour structurer sondiscours, en vue de convaincre ou persuader l'auditeur.Partant de là, selon Michel Meyer, il existe trois défini-tions historiques concurrentes de la rhétorique[9] :

• la rhétorique est une manipulation centrée surl'auditoire (cette idée prévaut chez Platon qui y voitun mouvement verbal fallacieux) ;

• la rhétorique est l'art de bien parler (suivant la for-mule latine de Quintilien, la rhétorique est un « arsbene dicendi » (un « art du bien dit »), notion quirenvoie à celle d'éloquence ;

• la rhétorique est le fait d'un orateur ; en ce sens elleest l'exposé d'arguments ou de discours qui doiventpersuader l'auditoire au sein d'un cadre social etéthique. Selon Michel Meyer, l'humanisme incarnecette définition.

Michel Meyer parle par ailleurs, dans son Histoire de larhétorique des Grecs à nos jours, de véritable « casse-tête » quant à donner une définition acceptable de la rhé-torique ; il ajoute : « on peut tirer la rhétorique de tous lescôtés, mais ça sera aux dépens de son unité, si ce n'est parréduction et extension arbitraires qui se verront de toutefaçon opposées par une autre »[note 2]. Le spécialiste etuniversitaire Jean-Jacques Robrieux souhaite quant à luimettre un terme au débat, dans Éléments de rhétorique, enexpliquant qu'on peut : « essayer de résumer très simple-ment : la rhétorique est l'art de s’exprimer et de persua-der »[10]. Enfin, Michel Meyer ajoute que « la rhétoriquelisse et arrondit les problèmes, qui s’estompent du mêmecoup sous l'effet du discours éloquent », se focalisant alorssur la portée utile de la discipline oratoire, qui reste un

assemblage de techniques prévalant dans une situation decommunication socialement cadrée.Les recherches contemporaines ont disséqué la rhéto-rique et les interprétations se sont multipliées. En dépit decela, remarque Michel Meyer, la rhétorique est demeuréecohérente avec ses fondements. En effet, « L'unité est uneexigence interne de la rhétorique » selon cet auteur[11],autrement dit, il existe un « noyau technique » irréduc-tible au sein de la discipline, en dépit d'applications trèsdifférentes les unes des autres. Il existe ainsi une rhéto-rique judiciaire, une autre politique, une troisième sco-laire etc. Cette logique interne à la discipline concerne eneffet à la fois le droit, la littérature, la vente, la publicité,le discours religieux comme politique et bien sûr le parlerquotidien. Ainsi pour les Grecs, la rhétorique est « la dis-cipline de la parole en action, de la parole agissante »[12].Une définition globale de l'art rhétorique doit doncprendre en considération l'acte de communication et ladimension proprement personnelle de celui-ci :

« La rhétorique est la discipline qui situe[les problèmes philosophiques, comme scienti-fiques] dans le contexte humain, et plus préci-sément inter-subjectif, là où les individus com-muniquent et s’affrontent à propos [des] pro-blèmes qui en sont les enjeux ; là où se jouentleurs liaison et leur déliaison ; là où il faut plaireetmanipuler, où l'on se laisse séduire et surtout,où l'on s’efforce d'y croire[13]. »

1.2 Trois notions centrales : le logos, le pa-thos et l'êthos

Articles détaillés : logos, pathos et êthos.La rhétorique utilise, dès ses fondements, trois notionscentrales dans la pensée grecque et latine, que résumeCicéron lorsqu'il dit que la rhétorique consiste à « prouverla vérité de ce qu'on affirme, se concilier la bienveillancedes auditeurs, éveiller en eux toutes les émotions qui sontutiles à la cause »[14].Michel Meyer les nomme les « instances oratoires »,dont les relations déterminent les genres rhétoriquesou « institutions oratoires » (juridique, politique, litté-raire ou economico-publicitaire principalement)[15]. Toutd'abord, la rhétorique est un discours rationnel, mot issudu grec λόγος / logos. L'argument permet ainsi, par lalogique, de convaincre l'auditoire. Mais le logos désigneà la fois la « raison » et le « verbe » (la parole). SelonJoëlle Gardes-Tamine en effet, dès les débuts grecs, lesdeux conceptions ont existé. La conception d'une rhéto-rique comme discours rationnel fut promue par le philo-sophe Socrate alors que celle d'un art (praxis) avant toutlié à la parole fut prônée par l'orateur Isocrate[note 3].Cependant, il existe aussi une relation émotionnelle, quevéhicule la notion de πάθος / pathos. L'auditoire doit êtreséduit ou charmé ; la raison n'est ainsi pas le seul but de

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1.3 Évolution de la définition : linguistique et rhétorique 3

Allégorie de la rhétorique.

la rhétorique. Selon Michel Meyer, le pathos comportetrois éléments passionnels : la question choc, le plaisir oule déplaisir qu'elle occasionne et la modalité sous formede jugement qu'elle engendre comme l'amour et la hainepar exemple. L'ἦθος / êthos, enfin est la dimension del'orateur, ses vertus et ses mœurs exemplaires, même sic'est avant tout une image que donne l'orateur de lui-même[note 4]. Cette notion est davantage romaine, miseen avant par Cicéron notamment, alors que le pathos etle logos sont des acquis grecs. Pour Aristote en effet lelogos est premier, a contrario de Platon pour qui « le pa-thos, et non la vérité, commande le jeu de langage »[16],la raison étant l'apanage de la philosophie, discipline maî-tresse pour Platon.La linguistique et la sémiotique modernes fonderont leurdiscours épistémologique sur la reprise de ces trois pôlesde la rhétorique classique. Roland Barthes liait ainsil'êthos à l'émetteur, le pathos au récepteur et le logos aumessage. Néanmoins, l'histoire de la rhétorique peut aus-si se voir comme, à certaines périodes, une focalisationparticulière sur l'une ou l'autre de ces notions.

1.3 Évolution de la définition : linguistiqueet rhétorique

Article détaillé : linguistique.

Cette triple conception de l'art rhétorique a ainsi parcou-ru toute l'histoire de la rhétorique, l'une ou l'autre des no-tions prenant le pas sur les autres, et, par extension, dé-

terminant tout un art oratoire d'une zone géographiqueou d'une période données. Ce phénomène fut largementle moteur de la dispersion de la rhétorique comme disci-pline, qui culmina en 1890, en France, avec sa disparitionau programme des bacheliers[17].Les conceptions modernes, qui ont vu le jour au XXe

siècle grâce aux travaux des linguistes comme Ferdinandde Saussure, John Searle, le Groupe µ ou Roman Ja-kobson parmi les plus importants, vont ainsi redécouvrirl'art oratoire. Les notions de logos, de pathos et d'êthossont réinterprétés à la lumière de la sociolinguistique no-tamment, discipline qui examine l'usage du langage ausein des groupes humains. Des concepts comme ceuxd'argumentation ou de négociation permettent ainsi de dé-passer les imperfections des définitions classiques pouraboutir, selon les mots de Michel Meyer à une concep-tion selon laquelle « la rhétorique est la négociation dela différence entre des individus sur une question don-née »[18], définition qui influence profondément les mo-dèles communicationnels actuels. Michel Meyer nommeces théories modernes foisonnantes de propositions, « lesrhétoriques ». Cependant, tout au long du XXe siècle, « larhétorique a été réduite à ce qu'elle a de plus linguis-tique, c'est-à-dire la théorie des figures », au mépris dudiscours en lui-même et de sa dimension relationnelle etsociale[19]. Elle ne fut dès lors comprise et étudiée qu'àtravers le prisme de la grammaire ou de la stylistique. Cen'est que récemment qu'elle fut redécouverte comme dis-cipline autonome ayant sa propre épistémologie.La redécouverte de la rhétorique, par les intellectuelscomme Kenneth Burke mais aussi par les profession-nels de la communication (publicité, médias, politique,etc.), permit de redécouvrir les textes classiques et toutela richesse et les techniques de cet art oratoire. PourJean-Jacques Robrieux, la « société du savoir » et de lacommunication y est pour beaucoup, le locuteur du XXe

siècle a en effet « un besoin d'expression [et] de décoderdes messages de plus en plus complexes »[20].Les termes « rhétorique » ou « sophistique » (qui lui estsouvent, par méconnaissance, associé) sont souvent uti-lisés de nos jours avec un sens péjoratif[note 5], quand lelocuteur souhaite opposer les paroles creuses à l'action,ou séparer l'information de la désinformation, de lapropagande, ou encore pour qualifier des formes dou-teuses de discours pseudo-argumentatif. Il est ainsi cou-rant d'entendre que tel politicien « fait de la rhétorique ».Michel Meyer résume ainsi la représentation de la disci-pline dans l'esprit commun : « Le sophiste est l'antithèsedu philosophe comme la rhétorique est le contraire dela pensée juste »[21]. Jean-Jacques Robrieux explique luique l'usage du terme est souvent en usage pour « dévalo-riser des modes d'expressions affectés, ampoulés ou arti-ficiels »[22]. La rhétorique est ainsi vue traditionnellementcomme l'apanage de la démagogie, du discours politique,de la publicité ou du marketing.

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4 2 HISTOIRE DE LA RHÉTORIQUE

1.4 Rhétorique et argumentation

Article détaillé : argumentation.

La confusion entre la rhétorique comme art del'éloquence, mise en œuvre de techniques de séduc-tion au moyen du langage, et l'argumentation commedéroulement d'un raisonnement, existe depuis les débutsde la discipline. Souvent confondue avec la dialectique,l'argumentation met « en œuvre un raisonnement dansune situation de communication » selon Philippe Bre-ton[23]. La dialectique (étymologiquement, l'« art dela discussion »), ancien terme pour désigner le champargumentatif, était en effet subordonnée à la rhétorique.Le philosophe grec de l'Antiquité Zénon d'Élée com-parait ainsi la dialectique, technique du dialogue, à un« poing fermé » alors que la rhétorique lui paraissaitsemblable à une « main ouverte »[24]. L'orateur romainCicéron explique ainsi que « L'argumentation devras’élever en proportion de la grandeur du sujet »[25].Pourtant, les différences tant théoriques que d'usagessont nombreuses.Pour Michel Meyer, la différence principale tient au faitque « la rhétorique aborde la question par le biais de laréponse, présentant [la question] comme disparue, doncrésolue, tandis que l'argumentation part de la questionmême, qu'elle explicite pour arriver à ce qui résout la dif-férence, le différend, entre les individus »[26]. La publicitéest à ce sujet éclairante : il s’agit, par la rhétorique, deplaire sans forcément démontrer le bien-fondé d'un pro-duit, alors que le milieu juridique, au tribunal, lui, used'argumentation pour « manifester la vérité »[27]. Uneautre différence notable tient aux buts des deux disci-plines. Si l'argumentation recherche la vérité (dans la dé-monstration mathématique par exemple), la rhétoriquecherche avant tout le vraisemblable. Aristote expliqueen effet le premier que « le propre de la rhétorique,c'est de reconnaître ce qui est probable et ce qui n'a quel'apparence de la probabilité »[28]. De là vient l'imagequelque peu péjorative, synonyme de « discours falla-cieux », que véhicule l'art rhétorique depuis ses débuts,notamment au sein de la sphère politique. Or, l'art ora-toire ne s’occupe que de l'opinion (doxa) selon JoëlleGardes-Tamine[19].

2 Histoire de la rhétorique

Article détaillé : Histoire de la rhétorique.

2.1 Préambule à l'histoire de la rhétorique

2.1.1 Une double histoire de la rhétorique

La rhétorique, qualifiée par Roland Barthes de« métalangage » (discours sur le discours), a com-porté plusieurs pratiques présentes successivement ousimultanément selon les époques[note 6]. La rhétorique n’ajamais été abandonnée tout au long de l’histoire car lesbesoins de convaincre et persuader ont toujours existé ausein de groupes sociaux. Mais, selon les époques, elle aeu des statuts bien différents. En schématisant fortementson évolution, on peut dire qu’elle a constammentoscillé entre une conception sociale et pratique et uneconception formaliste[29]. La rhétorique comme systèmeautonome a périclité au XIXe siècle, avant de renaître,de manière spectaculaire, au XXe siècle. L'histoire de larhétorique peut se lire suivant deux voies :

1. une histoire de sa conception sociale, qui est cellequi mise principalement sur le discours en publicet la controverse (philosophique et politique sur-tout). Cette conception de la rhétorique a surtout étédéfendue durant l'Antiquité par les stoïciens grecs,comme Démosthène, puis les romains Cicéron etQuintilien en particulier ;

2. une histoire à l'approche formaliste se focalise, elle,sur les techniques discursives, et notamment surcelles qu'étudiait l'élocution, à travers des auteurscomme Ramus, Dumarsais, Pierre Fontanier, ou, auXXe siècle Gérard Genette et le Groupe µ.

Dès la basse Antiquité, en effet, à la suite de la disparitionde la cité antique, la fonction politique de la rhétoriques’est perdue : l’éloquence perd son statut d'instrument po-litique pour devenir simple fin recherchée en elle-même.De pratique, la rhétorique devient un art pour l'art. Larhétorique se réduit alors à l'étude des ornements relevantde l'elocutio et en premier lieu les figures de style. C'estpourquoi l'approche sociale de la rhétorique tend à main-tenir intacte l'opposition entre rhétorique et poétique, laseconde à l'abolir, voyant dans les deux disciplines uneétude des structures des textes et discours. Pour GérardGenette la rhétorique n'a eu de cesse d'être dépouillée deses éléments constitutifs ; il parle en effet d'une « rhéto-rique restreinte » concernant la discipline actuelle, unerhétorique se focalisant d'abord sur l'élocution puis auxtropes[30].On peut constater parallèlement que peu à peu cha-cune des parties du grand édifice conceptuel qu’elleconstituait a pris son indépendance, tant dans le do-maine des disciplines théoriques que dans celui des dis-ciplines pratiques. Les moyens expressifs comme les fi-gures de style sont ainsi l'objet d'une discipline autonome,la stylistique. D'un autre côté, l'étude des mécanismesde démonstration a débouché sur la logique formelle.L'art mnémotechnique est devenu autonome et s’est sé-paré de la rhétorique également. La linguistique ou la

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2.2 Rhétorique dans l'Antiquité grecque 5

Paul Ricœur : « l'histoire de la rhétorique, c'est l'histoire de lapeau de chagrin »[31].

pragmatique se sont littéralement emparées du systèmerhétorique enfin.

2.1.2 Une discipline d'origine essentiellement euro-péenne

La rhétorique est un héritage gréco-romain qui ne peutêtre transposé que difficilement dans les autres cultureset civilisations. Cependant, des études ethnologiques ethistoriques ont montré que des arts oratoires, sans pourautant présenter une complexité de classification similaireà celle des Grecs et des Romains, se sont développés dansles différentes aires de civilisation. François Jullien a ain-si montré dans Le détour et l'accès. Stratégies du sens enChine, en Grèce[32] qu'il existait dans l'Empire du Milieuun art oratoire fondé également sur la persuasion. Les tra-vaux des anthropologues Ellen E. Facey[33] et de DavidB. Coplan[34], concernant les cultures orales d'Afrique etd'Australasie, vont également dans ce sens. La rhétoriqueconcerne également les civilisations proches du mondegréco-romain, comme l'Égypte. David Hutto[35] a en ef-fet montré que la civilisation égyptienne a développé sonpropre art de persuasion alors que Yehoshua Gitay[36] aanalysé les modes d'argumentation propres au judaïsme.Dans le monde indien, le « Kavyalankara » ou la sciencedes ornements poétiques qui traverse les poèmes sanskritsconnus sous le nom de « kavya » peut s’apparenter à uneelocutio, sans que pour autant le système rhétorique soit

aussi complexe que celui des Grecs puis des Romains tou-tefois.Cependant, la rhétorique au sens propre est une disciplinede tradition européenne, que le droit et la politique ontnotamment exportée de par le monde.

2.2 Rhétorique dans l'Antiquité grecque

Article détaillé : rhétorique grecque.

2.2.1 Polymnie, la muse de la rhétorique

Sur les rapports entre musique et rhétorique, voirArticle détaillé : rhétorique musicale.Polymnie, Πολυμνία, ou Polymnía, « celle qui dit de

Représentation de la muse Polymnie[37].

nombreux hymnes » étymologiquement, est la muse des

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6 2 HISTOIRE DE LA RHÉTORIQUE

chants nuptiaux, du deuil, et de la pantomime. Elle per-sonnifie la rhétorique mais aussi la musique. Le rap-port à la musique n'est cependant pas totalement incon-gru. Nombre d'auteurs voient dans l'architecture musi-cale une transposition savante des principes rhétoriques.Ainsi le professeur de musique canadien Michael Purves-Smith étudie les prologues composés, au XVIIe siècle, parPhilippe Quinault et Jean-Baptiste Lully dans leurs tra-gédies lyriques comme autant d’ouvertures ou d’exordesrhétoriques. Purves-Smith note également les métaphoresconstantes des musiciens qui comparent ces prologuesd'opéra à des vestibules ou à l’entrée d’un édifice[note 7].Polymnie est aussi connue sous le nom d'« Eloquen-tia » mais elle est peu représentée en littérature ou eniconographie. Elle apparaît cependant comme person-nage du conte de Charles Perrault, Fées ainsi que danscertains tableaux d'inspiration antique. Elle est couron-née de fleurs, quelquefois de perles et de pierreries, avecdes guirlandes autour d'elle, et est toujours habillée deblanc. Sa main droite est en action comme pour haran-guer, et elle tient de la main gauche tantôt un sceptre,tantôt un rouleau sur lequel est écrit le mot latin « sua-dere », signifiant « persuader » ainsi que les noms desdeux grands orateurs, Démosthène et Cicéron[38]. De fa-çon générale, le rhétorique est toujours personnifiée pardes femmes[39].

2.2.2 Un art politique

La rhétorique est le premier des « sept arts » à maîtriser dansle cursus scolaire du monde gréco-romain avec la grammaire,la dialectique, la géométrie, l'arithmétique, l'astronomie et lamusique.

Dans l'Antiquité la rhétorique s’intéressait à la persuasiondans des contextes publics et politiques, comme les as-semblées et les tribunaux[40]. À ce titre, elle s’est déve-loppée dans les sociétés ouvertes et démocratiques avecdes droits de libre expression, de libre réunion, et des

droits politiques pour une partie de la population, c'est-à-dire dans les sociétés tenant de la démocratie athénienne.Les théoriciens de la rhétorique (Anaximène, Aristote,Démétrios, Cicéron, Quintilien, Hermagoras de Temnos,Hermogène, d'autres encore), grecs et latins, ont forma-lisé la discipline, tant sur le plan pratique que sur le planthéorique et principalement au sein de la sphère politiqueou judiciaire.Dès les origines, la rhétorique a un versant pratique et unversant théorique et philosophique. D’un côté, elle s’estconstituée en ensemble de « recettes » se mettant à ladisposition de l'orateur ou de l'écrivain, au sein des dé-bats judiciaires ou politiques, ludiques également[note 8]Mais, très tôt, elle a mobilisé des questions théoriquesde première importance. En effet, elle situe son actiondans le monde du « possible » et du « vraisemblable » :« Elle se prononce sur l'opinion, non sur l'être ; elle a sasource dans une théorie de la connaissance qui se fondesur le vraisemblable (eikos), le plausible et le probable,non sur le vrai (alethes) et la certitude logique. » expliquePhilippe Roussin[41]. En s’occupant du vaste domaine dessentiments, des opinions, la rhétorique pose des questionscomme la crédibilité, le lieu commun ou l'évidence, quela sociologie ou les sciences du discours assumeront parla suite.La rhétorique en tant que discipline autonome naît vers465 av. J.-C. en Grèce antique lorsque deux tyrans sici-liens, Gelon et Hiéron, exproprient et déportent les po-pulations de l'île de Syracuse, pour le peuple de merce-naires à leur solde[42]. Les natifs de Syracuse se soule-vèrent démocratiquement et voulurent revenir à l'état an-térieur des choses, ce qui aboutit à d'innombrables procèsde propriété. Ces procès mobilisèrent de grands jurys de-vant lesquels il fallait être éloquent. Cette éloquence de-vint rapidement l'objet d'un enseignement dispensé parEmpédocle d'Agrigente, Corax et Tisias (à qui est attribuéle premier manuel), enseignement qui se transmit ensuiteen Attique par les commerçants qui plaidaient conjointe-ment à Syracuse et à Athènes.

2.2.3 Les sophistes

La rhétorique fut ensuite rendue populaire au Ve siècleav. J.-C. les sophistes, rhéteurs itinérants qui donnaientdes cours de rhétorique. L'objet central de leur préoccu-pation était le logos ou de manière générale tout ce quiavait à voir avec le discours. La réputation de manipu-lateurs, qui date des actes des sophistes, a été propagéepar Platon, à tel point que l'historien Jacob Burckhardt aqualifié de « monstrueuse aberration » la rhétorique del'Antiquité[43].Ils définissent les parties du discours, analysent lapoésie, distinguent les synonymes, inventent des straté-gies d'argumentation. Leur but est en effet avant tout pra-tique : permettre de comprendre les types de discours etles modes d'expression les plus à mêmes de convaincre

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2.2 Rhétorique dans l'Antiquité grecque 7

leur auditoire et d'accéder aux plus hautes places dansla cité. « Les Sophistes s’adressent à quiconque veut ac-quérir la supériorité requise pour triompher dans l'arènepolitique » explique Henri-Irénée Marrou, dans Histoirede l'éducation dans l'Antiquité[44]. Les sophistes sont eneffet des enseignants réputés qui ont été les premiers àrépandre l'art rhétorique.Les sophistes les plus célèbres furent Protagoras, Gorgias(qui, auprès de Socrate disait pouvoir soutenir n'importequelle thèse[note 9]), Prodicos de Céos (l'un des premiers àétudier le langage et la grammaire) et Hippias d'Élis quiprétendait tout savoir. Protagoras est considéré comme lepère de l'éristique, l'art de la controverse. Son enseigne-ment repose sur l'idée que sur n'importe quelle question,l'orateur peut soutenir deux thèses contraires, le vrai etle faux étant inutiles pour convaincre. Gorgias était sur-tout connu pour le travail du style de ses textes épidic-tiques. Il développe une véritable prose d'art pour rem-placer la métrique et la musicalité du vers[45]. Il inau-gure quant à lui le genre épidictique. L'enseignement dessophistes enfin est fondé sur quatre méthodes : les lec-tures publiques de discours, les séances d'improvisationsur n'importe quel thème, la critique des poètes (commeHomère ou Hésiode) et l'éristique (ou art de la discus-sion).

2.2.4 Platon : la dialectique

Platon et Aristote discourant[note 10].

C'est contre les sophistes que Platon (428 av. J.-C. - env.347 av. J.-C.) s’élève en premier lieu. Posant que la véritédoit être l'objet et le but de la rhétorique, il en vient à rap-procher art oratoire et philosophie, à travers la méthodede la dialectique : la raison et la discussion mènent peu à

peu à la découverte d'importantes vérités. Platon pensaiten effet que les sophistes ne s’intéressaient pas à la vé-rité, mais seulement à la manière de faire adhérer autruià leurs idées. Ainsi il rejetait l'écrit et recherchait la re-lation verbale directe et personnelle, l'« ad hominatio ».Le mode fondamental du discours est le dialogue entre lemaître et l'élève.Platon oppose ainsi deux rhétoriques :

1. la « rhétorique sophistique », mauvaise, qui estconstituée par la « logographie », qui consiste àécrire n'importe quel discours et a pour objet la vrai-semblance et qui se fonde sur l'illusion ;

2. la « rhétorique de droit » ou « rhétorique philoso-phique », qui constitue pour lui la vraie rhétoriquequ'il appelle « psychagogie »[note 11],[46].

Les deux dialogues de Platon concernant précisément larhétorique sont le Gorgias et le Phèdre. Dans ce der-nier dialogue, Socrate explique que la rhétorique usede deux procédés antagonistes : la « division » et lerassemblement[47].Toute l'histoire de la rationalité en philosophie est traver-sée par le débat mis en forme par Platon entre la rhéto-rique, qui argumente sur des opinions probables et transi-toires afin de convaincre, et la philosophie, qui argumentesur des vérités certaines. Toute l'histoire de la philosophiepolitique également en est le reflet : depuis Platon il y aune politique du vrai, de l'absolu, du dogme, et des poli-tiques du possible, du relatif, du négociable (ce qui étaitprécisément comment les sophistes définissaient la pra-tique rhétorique, fer de lance, pour eux, de la démocratiedélibérative)[note 12].

2.2.5 Aristote et la logique des valeurs

Aristote (384 av. J.-C. - 322 av. J.-C.) est l'élève de Pla-ton. Il compose trois ouvrages de rhétorique majeurs :la Poétique, la Rhétorique[note 13] et les Topiques. En ma-tière de rhétorique, il est l'auteur le plus central, tant parson esprit d'analyse que par son influence sur les penseurssuccessifs[note 14]. Pour Aristote, la rhétorique est avanttout un art utile, plus précisément elle est un « moyend'argumenter, à l'aide de notions communes et d'élémentsde preuve rationnels, afin de faire admettre des idées à unauditoire »[48]. Elle a pour fonction de communiquer lesidées, en dépit des différences de langage des disciplines.Aristote fonde ainsi la rhétorique comme science oratoireautonome de la philosophie[note 15].Par ailleurs, Aristote va développer le système rhétorique,rassemblant l'ensemble des techniques oratoires. En dis-tinguant trois types d'auditeurs, il distingue ainsi, dans laRhétorique, trois « genres rhétoriques », chacun trouvantà s’adapter à l'auditeur visé et visant un certain type d'effetsocial :

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8 2 HISTOIRE DE LA RHÉTORIQUE

Aristote, le fondateur du système rhétorique.

• le délibératif qui s’adresse au politique et son objec-tif est de pousser à la décision et à l'action et qui apour fin le « bien » ;

• le judiciaire qui s’adresse au juge et vise l'accusationet/ou la défense et qui a pour fin le « juste » ;

• le démonstratif ou « épidictique » qui fait l'éloge oule blâme d'une personne et qui a pour fin le « beau »(en termes actuels : la « valeur »).

À chaque discours s’accordent une série de techniqueset un temps particulier : le passé pour le discours judi-ciaire (puisque c'est sur des faits accomplis que portentl'accusation ou la défense), le futur pour le délibératif(l'orateur envisage les enjeux et conséquences futures dela décision objet du débat), enfin le présent essentielle-ment mais aussi passé et futur pour le démonstratif (il estquestion des actes passés, présents et des souhaits futursd'une personne). Le mode de raisonnement varie aussi.Le judiciaire a le syllogisme rhétorique (ou enthymème)comme instrument principal, le délibératif privilégiel'exemple et l'épidictique met en avant l'amplification.Chaque ouvrage d'Aristote permettra ainsi de rendre uneméthodologie rationnelle de l'art oratoire. L'héritage pla-tonicien, en dépit de divergences fondamentales entreles deux philosophes, est ainsi conservé à travers ladialectique. Aristote en définit les règles dans les « livresV » des Topiques et VI des Réfutations sophistiques, del'Organon. Celles-ci se fondent sur la logique, égalementcodifiée par Aristote. Les Topiques définissent le cadre

des possibilités argumentatives entre les parties, c'est-à-dire les lieux rhétoriques. Pour Jean-Jacques Robrieux,« Ainsi est tracée, avec Aristote, la voie d'une rhétoriquefondée sur la logique des valeurs »[49]. Par ailleurs, Aris-tote a surtout permis la « tripartition « êthos, pathos, lo-gos » » selon l'expression de Michel Meyer[50].

2.3 Rhétorique dans l'Antiquité romaine

L'orateur, statue en bronze grandeur nature. Musée archéolo-gique national, Florence

Les Romains chez lesquels l'art oratoire était devenu unepartie importante de la vie publique, tenaient les rhé-teurs grecs en si grande estime qu'ils engagèrent certainsd'entre eux dans leurs écoles. La rhétorique faisait par-tie intégrante des « humanités » (« humanitas » en latin)qui promouvaient la réflexion sur l'homme et l'expressionécrite et orale. La rhétorique romaine repose donc large-ment sur des bases grecques bien qu'elle ait préféré uneapproche pratique à des réflexions théoriques et spécula-tives. En réalité, les Romains n'ont rien apporté de nou-veau à la pensée grecque[49]. L'orateur Cicéron et le pé-dagogue Quintilien furent les deux autorités romaines lesplus importantes dans l'histoire de la rhétorique. Leurstravaux s’inscrivent toutefois dans la lignée d'Isocrate, dePlaton et d'Aristote. Ces trois auteurs, et un quatrième

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2.3 Rhétorique dans l'Antiquité romaine 9

demeuré anonyme, ont marqué la rhétorique romaine.

2.3.1 La Rhétorique à Herennius

Bien que peu connu à l'époque romaine, l'ouvrage LaRhétorique à Herennius (parfois attribué à Cicéron ; sonauteur était probablement un rhéteur latin de l'île deRhodes), qui date des années 86 av. J.-C. ou 82 av. J.-C., est un des premiers textes de la rhétorique latine pré-sentant en détail et de manière formelle le système rhéto-rique. Les parties rhétoriques sont examinées, une à une.Les trois styles (« simple », « moyen » et « sublime »)sont également présentés[51]. Il s’agit d'une synthèse desapports d'Aristote, dans un esprit davantage pratique, té-moin de l'importance de l'éloquence à Rome, depuis leIIe siècle av. J.-C.. La Rhétorique à Herennius fournit unaperçu des débuts de la rhétorique latine et auMoyen Âgeet à la Renaissance. En effet, l'ouvrage fut largement pu-blié et utilisé comme un manuel de base de la rhétoriquedans les écoles de grammaire[52].

2.3.2 Cicéron

L'orateur et homme politique romain Cicéron (106 av. J.-C. - 43 av. J.-C.), est, aux côtés de Quintilien, l'expert enrhétorique romain le plus célèbre et le plus influent.Son œuvre inclut le De inventione oratoria, le De Ora-tore (un traité complet des principes de la rhétoriquesous forme dialoguée), les Topiques (un traité rhétoriquedes lieux communs dont l'influence fut très grande à laRenaissance), le Brutus (une histoire des orateurs grecs etromains les plus célèbres) et l'Orator ad Brutum enfin quiconcerne les qualités que doit avoir l'orateur idéal. Cicé-ron a laissé un grand nombre de discours et de plaidoiriesqui posent les bases de l’éloquence latine pour les généra-tions à venir. Il mit surtout en avant la notion d' êthos ainsique les valeurs civiques et citoyennes inévitablement à labase de tout discours. Ce fut la redécouverte des discoursde Cicéron (comme la Défense d'Archias) et de ses lettres(Lettres à Atticus), mais aussi des œuvres d'Aristote queCicéron commente, par des érudits et écrivains italienstels Pétrarque, qui fut à l’origine du mouvement culturelde la Renaissance.Le style et les principes mis en lumière par Cicéron ontconstitué les fondements, avec Aristote et Quintilien sur-tout, de l'art rhétorique en Europe. Il s’agit selon RolandBarthes d'une véritable tradition qu'il nomme « cicéro-nienne »[53] et qui influença notamment la démocratieaméricaine et le droit germano-romain.

2.3.3 Quintilien

La renommée de Quintilien (entre 30 et 35 - v. 100 ap.J.-C.) est très grande depuis l'Antiquité. Il est ainsi connucomme ayant placé la rhétorique comme science fonda-mentale :

Portrait de Cicéron, un des plus grands rhétoriciens de l'Antiquité.

Quintilien.

« L'éloquence comme la raison est la vertu

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10 2 HISTOIRE DE LA RHÉTORIQUE

de l'homme[54]. »

Sa carrière commença comme plaideur dans un tribunal.Sa réputation grandissait tant que Vespasien créa unechaire de rhétorique pour lui à Rome. Son Institutio ora-toria (Les Institutions oratoires), un long traité où il dis-cute de l’entraînement pour être un rhéteur accompli etrecense les doctrines et opinions de nombreux grands rhé-teurs qui l’ont précédé, a marqué l'histoire de la disci-pline. Quintilien y montre en effet l’organisation néces-saire des études de rhétorique qu’un futur orateur doitsuivre[55]. La première phase de cet enseignement com-mence ainsi par l'apprentissage du langage qui doit êtreassuré par des nourrices s’exprimant dans un langage im-peccable. La deuxième phase (à partir de 7 ans) reposesur l'apprentissage en classe du « grammaticus »[note 16] dela lecture, de la découverte de la poésie. L'élève doit aus-si réaliser des rédactions, comme raconter des fables. Latroisième phase débute vers 14 ans. Il s’agit de découvrirla rhétorique en rédigeant des narrations (panégyriquesélémentaires, parallèles et imitations) et des « declama-tiones » (ou discours sur des cas hypothétiques). La ré-daction de discours dans un cadre pédagogique ou pours’entraîner se répandit et se popularisa sous le nom de« déclamation ».Les différentes phases de l’entraînement rhétorique enlui-même étaient au nombre de cinq et furent suiviespendant des siècles, en devenant les parties du systèmerhétorique[56] :

1. Inventio (invention) ;

2. Dispositio (disposition, ou structure) ;

3. Elocutio (style et figure de style) ;

4. Memoria (apprentissage par cœur du discours et artmnémotechnique) ;

5. Actio (récitation du discours).

Quintilien tente de décrire non seulement l’art rhétoriquemais aussi la formation de l’orateur parfait comme uncitoyen politiquement actif et soucieux de la chose pu-blique. Sa mise en avant de l’application de l’entraîne-ment rhétorique dans la vie réelle témoigne d’une nos-talgie pour l’époque où la rhétorique était un instrumentpolitique important et en partie une réaction contre la ten-dance croissante dans les écoles romaines de rhétoriqueà séparer les exercices scolaires et la pratique juridiqueréelle.

2.4 Rhétorique au Moyen Âge en Europeet dans le monde

Au Moyen Âge européen, la rhétorique est une disci-pline faisant partie des arts libéraux. Essentiellementorale, elle est dispensée par des professeurs s’opposant

Les sept arts libéraux. Maison de Tübingen, bibliothèque del'université de Tübingen. De gauche à droite : Géométrie,Logique, Arithmétique, Grammaire, Musique, Physique, et laRhétorique.

aux écoles ecclésiastiques (Abélard par exemple a mar-qué cette période). Elle est inscrite, avec la grammaire etla dialectique au programme d'enseignement de base du« trivium » dans les écoles cathédrales et monastiques toutau long de la période :

« En enseignant l'art de comprendre etde se faire comprendre, d'argumenter, deconstruire, d'écrire et de parler, la rhétoriquepermettait d'évoluer avec aisance dans la so-ciété et de dominer par la parole. C'est àson école que se formaient les hauts fonction-naires, les magistrats, les officiers, les diplo-mates, les dignitaires de l'église, en un mot, lescadres. La rhétorique assurait une formation li-bérale, c'est-à-dire une formation profession-nelle à long terme. »

— Michel Meyer, La Rhétorique[57]

.Elle est ainsi surtout utilisée par les clercs pourl'élaboration des sermons et des prêches et nécessite unebonne connaissance du latin et des auteurs antiques, qu'ils’agit d'imiter. La rhétorique est néanmoins peu utiliséejusqu'à la Renaissance, où la poétique la fera ressusci-ter. Les érudits lui préfèrent en effet la grammaire, oùs’illustrent Aelius Donatus au IVe siècle et Priscien, oula logique qui « absorbe l'essentiel des sciences du lan-gage »[58] de l'époque.

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2.5 Rhétorique à la Renaissance et jusqu'au XVIIe siècle 11

Dans le monde arabo-musulman, le philosopheFarabi a écrit des traités de rhétorique de traditionaristotélicienne[59]. La rhétorique ou ‘ilm al-balagha(« science de l'éloquence », de tradition essentielle-ment arabe mais aussi perse) se fonde essentiellementsur l'œuvre d'Al-Jahiz et le commentaire coraniqued'Al-Farra'. La Balagha est elle plus particulièrementla rhétorique restreinte aux figures. Elle se fonde sur lapureté du langage (fasaha ou « éloquence »), dans lechoix des mots, dans la correction morphologique etenfin dans la clarté de la syntaxe[60].

2.5 Rhétorique à la Renaissance et jus-qu'au XVIIe siècle

2.5.1 Réhabilitation de l'art oratoire antique

À la Renaissance, c'est la dialectique, l'un des sept« arts majeurs », qui prend le pas sur la rhétorique.L'argumentation naît ainsi comme discipline autonome.« Antistrophe »[61] de la rhétorique selon Aristote,l'argumentation va influencer la naissance également dela grammaire. Néanmoins, dès le XIVe siècle, la rhéto-rique va prendre une place considérable dans le savoir re-ligieux, « jou[ant] un rôle dans tous les domaines liés deprès ou de loin au sacré »[62]. Les parties de l'« elocutio »et de l'« inventio » se détachent de la rhétorique ; la pre-mière se verra affiliée à la théologie alors que la secondedonnera naissance à la poétique.Une des figures centrales dans la renaissance de la rhéto-rique classique fut Érasme (1466 ap. J.-C. - 1536 ap. J.-C.). Son ouvrage, De Duplici Copia Verborum et Rerum(1512), connut plus de 150 tirages à travers toute l’Eu-rope et devint l'un des manuels de base sur le sujet. Sontraitement de la rhétorique est moins étendu que celui desouvrages classiques de l’Antiquité mais il fournit une ana-lyse classique de la « res verba » (« de la matière et de laforme du texte »). Son premier livre traite de l’« elocu-tio » montrant aux étudiants comment utiliser les tropeset lieux communs. Le deuxième recouvre l’« inventio ».Il insiste largement sur la notion de « variation » si bienque les deux livres donnent des recettes pour éviter les ré-pétitions, la paraphrase, et sur la manière d’introduire laplus grande variété dans le texte. L'Éloge de la Folie eutégalement une influence considérable sur l’enseignementde la rhétorique à la fin du XVIe siècle par l'utilisation quien est faite de l'allégorie et de l'ironie.Pierre de La Ramée (dit « Ramus ») et ses disciples,Omer Talon et Antoine Fouquelin, fondent dès 1545 legroupe des grammairiens du Collège de Presles qui, jus-qu'en 1562, publie des ouvrages d'étude rhétorique inti-tulés les Ciceronianus où ils proposent, entre autres, unetypologie des tropes et des procédés d'éloquence[63]. Ra-mus marque, selon Jean-Jacques Robrieux, la fin de larhétorique comme discipline maîtresse, notamment surla philosophie et les sciences[64]. Gérard Genette affirma

Pierre de La Ramée.

de son côté qu'à partir du XVIe siècle et depuis Ramus, larhétorique s’est réduite à l'élocution et au seul inventairedes figures[note 17]. L'influence de Ramus sera décisive surl'histoire de la rhétorique.C'est cependant surtout en Angleterre que les premierssignes d'apparition de la poétique se font jour, avecGeorge Puttenham (1530 ap. J.-C. - 1600 ap. J.-C.) sur-tout. Puttenham classe les tropes selon une échelle deseffets qu'ils réalisent sur l'auditeur ou le lecteur. Il dé-gage par ailleurs un certain nombre d'effets, qui vont dela mémorisation au plaisir que procure la figure de rhé-torique. Cette conception déjà « stylistique » de la rhéto-rique comme pathos, trouve sa concrétisation à travers lecourant éphémère de l'euphuisme.

2.5.2 Développement de l'héritage antique

Ce sont les écoles jésuites qui sont les principaux vec-teurs de l'enseignement rhétorique, et ce durant toute lapériode classique en Europe comme en France. Les jé-suites écrivent de nombreux ouvrages, en latin, reprenantle schéma d'Aristote, mais le perfectionnant. René Barypublie ainsi en 1653 La Rhétorique française et BernardLamy compose La Rhétorique ou l'art de parler en 1675.La pédagogie des jésuites en la matière est de qualité,notamment à travers l'exercice de composition littérairenommé « chries », qui inspirera les classes de rhétoriquejusqu'au XIXe siècle.Le magistrat parisien Guillaume du Vair synthétise cetesprit. Dans son Traité de l'éloquence française et desraisons pourquoi elle est demeurée si basse (1594), DuVair condamne la corruption de l'éloquence initiée de-

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12 2 HISTOIRE DE LA RHÉTORIQUE

Le magistrat Guillaume du Vair est à le représentant d'un usagejudiciaire de la rhétorique.

puis le début du siècle. Michel Meyer cite par ailleurs, enHollande, le courant de pensée représenté par GerardusJohannis Vossius (1577 ap. J.-C. - 1649 ap. J.-C.) qui dé-fend, au nom du libre-arbitre religieux, une conceptionéthique de la rhétorique ; « il est en cette matière la prin-cipale référence du XVIIe siècle protestant » explique-t-il[65].

2.5.3 Tournant du XVIIe siècle et Classicisme

D'une rhétorique universelle à une rhétorique natio-nale Pour Michel Meyer, « Ce siècle verra s’acheverle lent basculement de la tension entre l’êthos et le pa-thos vers une autre tension, cette fois entre le pathos etle logos »[66]. Selon lui, il faut attendre Bernard Lamy etsa Rhétorique pour voir apparaître une synthèse de cettedivision entre sensibilité et rationalité. Avant Lamy ce-pendant le mouvement artistique du baroque, associé àla Contre-Réforme, va opérer cette synthèse. Il s’agit enréalité bien plutôt d'une « confusion des notions d'êthoset de pathos »[67]. La sensibilité baroque trouve sa repré-sentation parfaite avec la monumentale encyclopédie (16livres) de la rhétorique de Nicolas Caussin (1583 ap. J.-C.- 1651 ap. J.-C.) intitulée Parallèles des éloquences sacréeet humaine (1619).Dès lors, la langue et la rhétorique deviennent le moyend'intégration sociale et l'outil d'existence du courtisan.Se développe selon Marc Fumaroli une « rhétorique deCour en France » et, a fortiori en Europe. La clar-

té française étant le modèle linguistique de l'époque.La période classique commence, avec l'avènement del'absolutisme royal de Louis XIII[note 18], dont les auteursphares (François de Malherbe et Pierre Corneille) re-jettent l'esthétique baroque. La dimension éthique dudiscours passe au second plan et le modèle social del'« honnête homme » privilégie la forme.

Nicolas Boileau.

La conception classique, qui marquera durablementl'histoire de France, trouvera son aboutissement avec lafondation de l'Académie française, en 1635, grâce à lavolonté de Richelieu. Celle-ci ne défend plus une rhéto-rique qui cherche à convaincre ou persuader mais qui am-bitionne d'offrir une vitrine à la politesse française, de re-présenter la bienséance et l'autorité monarchiques. Avecelle, le conformisme devient la règle et le logos est de nou-veau mis en avant. Prônée par Claude Favre de Vaugelasdans ses Remarques sur la langue française utiles à ceuxqui veulent bien parler et bien écrire (1647), Jean Cha-pelain et René Bary avec sa Rhétorique française (1653)mais aussi avec Les secrets de notre langue (1665), lepoète Nicolas Boileau surtout, la rhétorique a pour butde fortifier et de promouvoir une langue résolument na-tionale.La conception classiciste d'une langue claire et d'une rhé-torique à la faveur du pouvoir royal (celui de Louis XIV)s’institutionnalise. Le logos sert alors la foi chrétienne à laCour de France. L'École française de Spiritualité crééepar le cardinal de Bérulle est un courant christologique(qui considère que Jésus est le centre de l'histoire). Lesmodèles deviennent Saint Augustin, Longin et NicolasBoileau qui traduit le Traité du sublime du pseudo-Longinen français en 1674. L'Art poétique de ce dernier est unvéritable manifeste de la rhétorique classique dont le butest d'abord « de plaire et de toucher ».

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2.6 Rhétorique en France et ailleurs aux XVIIIe et XIXe siècles 13

La conception classique entend dépasser la simple imita-tion des Anciens. Il ne s’agit pas non plus, insiste MichelMeyer, d'annoncer les Modernes. En réalité, la rhétoriqueclassique marque un retour au pathos antique, tout en af-firmant la supériorité de son éloquence sur le passé.

Bernard Lamy et la « nouvelle rhétorique » Le pèreBernard Lamy (1640 - 1715), oratorien de renom, pu-blie en 1675 L'Art de parler qui expose une conceptionde la rhétorique à la charnière entre acquis classiques etlucidité moderne, cité par de nombreux auteurs. Lamyfait en premier lieu le tour des conceptions de l'époque,qu'il synthétise dans son ouvrage. En réalité il est le pre-mier à exprimer une réflexion non plus sur la forme maissur le langage en lui-même, vision qui influencera aprèslui Condillac, Denis Diderot, Jean-Jacques Rousseau etNicolas Beauzée. Pour Lamy, la rhétorique émane avanttout des passions, qui est la force du discours. Les fi-gures permettent ainsi de transmettre les sentiments del'orateur, ainsi que sa représentation du monde ; le lan-gage devient donc, par le discours, l'instrument de rela-tions interpersonnelles[68].

2.6 Rhétorique en France et ailleurs auxXVIIIe et XIXe siècles

2.6.1 Théories de la rhétorique et traités

Selon Michel Meyer, dès le XVIIe siècle le logos de-vient l'objet de la rhétorique, qui passe ainsi dans le dis-cours des philosophes comme, au Siècle des Lumières,Emmanuel Kant ou Jean-Jacques Rousseau. Cependant,cette rhétorique n'est pas coupée des sentiments et du pa-thos ; d'une part l'avènement du sujet permet de constituerun système rhétorique où le locuteur est premier. Celui-cipeut dès lors libérer à la fois ses idées personnelles et sesémotions[note 19] ; il parle aussi d'une « esthétique rhéto-rique préromantique »[69].D'autre part, certains types de discours ne défendent plusdes valeurs personnelles mais sont mis au service du pou-voir. En France elle est perçue, après la Révolution de1789, comme un élément de l'Ancien Régime ; elle serade fait exclue de l'enseignement jusqu'en 1814. Les ha-rangueurs de la Révolution française, dans toute l'Europe,useront ainsi d'une rhétorique à dimension éthique et col-lective, fondée sur la raison[note 20]. La conception fran-çaise se fixe en effet, jusqu'à aujourd'hui, à travers le Dis-cours sur l'universalité de la langue française d'AntoineRivarol, en 1784, qui associe la « clarté » à la raison, etdonc au français, langue claire et censée être « incorrup-tible ».Le grammairien et encyclopédiste César ChesneauDumarsais dans son Traité des Tropes (1730), sonœuvre principale, s’attache aux figures de rhétorique. Ilconsomme définitivement le divorce entre l'art oratoired'une part et l'art poétique d'autre part. Il expose d’abord

César Chesneau Dumarsais.

ce qui constitue le style figuré, et montre combien cestyle est ordinaire à l'écrit comme à l'oral. Il appelle« trope » une espèce particulière de figure qui modifiela signification propre d'un mot. Il détaille ainsi l’usagedes tropes dans le discours, en appuyant ses observationsd’exemples. Il définit le trope (notion non encore diffé-renciée de celle de « figure de style ») comme

« des figures par lesquelles on fait prendreà un mot une signification qui n'est pas préci-sément la signification propre de ce mot[70]. »

Grammairien avant tout, Dumarsais excelle néanmoinsdans l'analyse du genre de l'éloge.Le philosophe écossais George Campbell dans sa Phi-losophie de la rhétorique (1776) considère que la rhéto-rique ne doit pas persuader mais doit chercher l'adhésionvolontaire, par la démonstration de l'« évidence »,des interlocuteurs. Campbell entend par là contrer lescepticisme et le relativisme alors en développement etbattant en brèche le sentiment religieux. Il distingue deuxtypes de discours : celui de l'historien (qui est « pro-bable ») et celui du poète (qui est « plausible »). La véritédevient le maître-mot de la rhétorique anglaise, qui de-vient pragmatique en somme avant l'heure et au sein delaquelle le discours est

« une production et un déploiement d'effetsde sens et d'effets sur nos sens[71]. »

Pierre Fontanier, un grammairien français, est l'auteur de

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14 2 HISTOIRE DE LA RHÉTORIQUE

George Campbell.

deux manuels qui recensent et étudient de manière systé-matique les figures de style. Ces deux ouvrages formèrentla base de l'enseignement de la rhétorique en France auXIXe siècle. Il s’agit duManuel classique pour l'étude destropes (1821) et deDes figures autres que tropes (1827) in-séparables l'un de l'autre. Les Figures du discours (1821 -1830) constituent l'« aboutissement de la rhétorique fran-çaise »[72]. Les Figures du discours représentent une destentatives les plus rigoureuses pour définir avec précisionle concept de figure, pour établir un inventaire systéma-tique et pertinent. Mais Fontanier veut également définirle plus rigoureusement possible le concept de « figure destyle »[note 21].

2.6.2 Développement d'une rhétorique du discourspolitique

Selon Michel Meyer, la rhétorique perd son statut d'artnoble au profit de l'histoire et de la poésie au XIXe

siècle[73]. Sa dimension éthique disparaît et elle devientun instrument oratoire au service du pouvoir principa-lement, dimension accentuée par l'usage qui en est faitpar les révolutionnaires français. Il y a donc dans unpremier temps une réduction du champ rhétorique auprofit d'autres disciplines. Par ailleurs, au sein mêmedu système rhétorique, seule une tradition éthique de-meure au sein des cercles catholiques conservateurs quiaccusent la Décadence de l'éloquence, titre de l'ouvragede l'évêque de Troyes, Étienne Antoine Boulogne (1747 -1825), publié en 1818, se maintient. Parallèlement, par-tout en Europe, les manuels de rhétorique classique semultiplient, véhiculés par l'idéal de liberté amené parla Révolution française et propagés par les conquêtes

napoléoniennes[note 22].Cependant, le mouvement esthétique du Romantisme dé-clare la guerre à la rhétorique, art royaliste par excellence,symbolisant l'Ancien Régime. Victor Hugo, chef de filedes romantiques français proclame ainsi dans son recueilde poésie intitulé Les Contemplations[74] en 1856 :

« Guerre à la rhétorique et paix à la syn-taxe ! »

L'attaque romantique[note 23] aboutira, par le débat po-litique, vers la suppression de la rhétorique aux pro-grammes d'enseignement, en 1885, par Jules Ferry.

John Quincy Adams.

Aux États-Unis, selon Michel Meyer, la rhétorique est as-sociée au débat politique et démocratique, à l'élévationsociale et à la défense du justiciable. Les philosophesaméricains prennent en compte l'histoire de la rhétoriqueet comparent les différentes traditions. Ainsi, ThomasJefferson écrit un Manuel de pratique parlementaire etune partie de la Déclaration d'indépendance des États-Unis alors que Thomas SmithGrimké rédige lui uneCom-paraison des éloquences grecques et américaines. Le pro-fesseur de rhétorique John Quincy Adams sera ainsi éluen 1825 à la présidence.

2.7 Rhétoriques modernes au XXe siècle

2.7.1 Conditions d'un retour de la rhétorique

Pour J. Bender et D. E. Wellbery, dans The Ends ofRhetoric : History, Theory, Practise[75] le XIXe siècle a

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2.7 Rhétoriques modernes au XXe siècle 15

d'abord marqué la « mise à l’écart de la rhétorique ».La pensée positiviste, qui voit dans l’écriture scientifiquele seul type de discours permettant d'accéder à la vé-rité absolue, rejette la rhétorique comme l'art du men-songe institué, notamment dans l'enseignement. En litté-rature, le romantisme considère que l'art oratoire consti-tue une entrave à la liberté d’écriture et à l'inspirationde l'écrivain ; cette conception marquera durablement lalittérature du XXe siècle. La notion de style bat déjàen brèche l'institution du système rhétorique qui seraconsommé au début du XXe siècle[note 24].La différence essentielle avec la rhétorique ancienne estque la contemporaine n'entend plus fournir des tech-niques, mais avoir un caractère scientifique, en ceciqu'elle veut dégager les règles générales de la produc-tion des messages. Il ne s’agit plus de former des rhéteursmais de réfléchir sur les rhéteurs et le discours, sur lesrôles du locuteur et de l'interlocuteur. Il s’agit d'une pé-riode riche en conceptions et théories, parfois très per-sonnelles voire uniquement le fait d'un auteur[76]. Parailleurs, un ensemble de sciences éclairent le discours surl'art oratoire, qui s’enrichit des apports de la linguistique,de la psychologie ou encore des mathématiques. PourMichel Meyer, contrairement aux siècles précédents, leXXe siècle réalise la synthèse des trois rhétoriques origi-nelles, celles fondées alternativement sur l'êthos, le logoset le pathos[77]. Par ailleurs, remarque-t-il, la confusionentre argumentation et rhétorique est constante au seindes conceptions modernes tendant à établir un systèmegénéral du discours persuasif. C'est le cas des rhétoriquesde Chaïm Perelman[78] ou d'Oswald Ducrot par exemple.La rhétorique a surtout été étudiée par les spécialistesfrançais, mais aussi anglo-saxons. Les études françaisesont cependant considérablement marquées la discipline.Sept « néo-rhétoriques » de langue française naissentdans la seconde moitié du XXe siècle.

2.7.2 La Nouvelle Rhétorique : renouveau de la tra-dition aristotélicienne

Article détaillé : Nouvelle Rhétorique.

Le philosophe Chaïm Perelman a grandement contribuéà la résurrection de la rhétorique au XXe siècle en pro-posant en 1958 une « nouvelle rhétorique » dans sonTraité de l'argumentation, la nouvelle rhétorique[note 25],co-écrit avec Lucie Olbrechts-Tyteca. Perelman s’inscritdans la continuité de la tradition rhétorique d'Aristoteet d'Isocrate qui conçoit la rhétorique comme la théo-rie du discours persuasif. Perelman reprend notamment ladistinction aristotélicienne entre raisonnement analytiqueet raisonnement dialectique. A charge pour la logiqued'étudier le premier et pour la rhétorique le second. Au-trement dit, là où la logique s’occupe des arguments for-mels dont la vérité des conclusions suit nécessairementla vérité des prémisses par inférence déductive, la rhé-torique s’occupe de l'argumentation non-formalisée qui

est affaire de vraisemblance. Ainsi, Perelman affirme-t-ilque « le but d’une argumentation n’est pas de déduire lesconséquences de certaines prémisses, mais de provoqueret d’accroître l’adhésion d’un auditoire aux thèses qu’onprésente à son assentiment. »[79] Pour Perelman, la rhéto-rique se doit ainsi d'être une discipline distincte, quoiquecomplémentaire, de la logique. En outre, le point de dé-part de la nouvelle rhétorique est la recherche par Perel-man d'un fondement pour les jugements de valeur.La postérité de la Nouvelle Rhétorique est large dans lesétudes francophones sur la rhétorique et l'argumentation.Citons notamment le philosophe Michel Meyer qui s’ins-crit explicitement dans une filiation avec Chaïm Perel-man. Il s’en éloigne quelque peu en ce qu'il reprend la dé-finition de la rhétorique comme art de bien dire de Quinti-lien et critique les rhétoriques d'Aristote et Perelman pourleur trop grande focalisation sur le logos au détriment dupathos et de l’ethos. Dans une perspective voisine, OlivierReboul propose une synthèse de l'approche argumenta-tive de la nouvelle rhétorique et l'approche stylistique dugroupe µ. Ces travaux visent notamment à pallier le défautsouvent reproché à la nouvelle rhétorique d'abandonnerdes aspects importants de la rhétorique classique telle quel'élocution. Marc Angenot étudie quant à lui les effetsmanipulateurs du discours, dans La parole pamphlétaire(1982). Des auteurs américains[Qui ?] ont enfin complété laligne théorique de Perelman, évoqués par Christian Plan-tin dans Essais sur l'argumentation (1990) ; en Allemagne,Heinrich Lausberg poursuit ses travaux.

2.7.3 L'approche stylistique et sémiotique dugroupe µ et de Roland Barthes

Le schéma de la communication selon Roman Jakobson.

Dans les années 1960, la linguistique a en effet été enquête de structures linguistiques qui seraient spécifiquesà la littérature, recherche que la stylistique ne permet-tait pas de mener. Dès 1958, Roman Jakobson donnaitune nouvelle jeunesse au couple métaphore/métonymie,et dès 1964 Roland Barthes notait que la rhétorique méri-tait d'être repensée en termes structuraux. Cette approchemet l'accent sur la rhétorique des tropes ou figures d'écart,la réduisant à l'élocution. « La rhétorique n'est plus l'artde persuader, mais simplement de plaire »[80] dorénavant.Le Groupe µ (se prononce « mu ») de l'Université deLiège, est un collectif de linguistes dont les travauxportent essentiellement sur les mécanismes sémiotiques

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16 2 HISTOIRE DE LA RHÉTORIQUE

Le Groupe Mu (ou « µ ») en 1970, à Liège. De gauche à droite :F. Pire, J.-M. Klinkenberg, H. Trinon, J. Dubois, F. Edeline, P.Minguet.

à l'œuvre dans la figure et reposant davantage sur la rhé-torique classique. Visant une rhétorique générale (1982),les travaux du groupe µ ont permis d'adapter la notion defigure à d'autres sémiotiques que la langue, comme à lasémiotique visuelle.Sous l'impulsion de Marc Fumaroli, fondateur de la So-ciété internationale pour l'histoire de la rhétorique, avecNancy Struever et Brian Vickers, se développe, à par-tir des années 1970 et sur la base des études de laRenaissance et du classicisme, une « École françaisede rhétorique » qui incarne vraiment ce qu'on nommele « rhetorical turn »[note 26], suivi par la création d'unechaire de rhétorique au Collège de France et dont les pré-occupations s’étendent de la mythologie indo-européenne(Georges Dumézil) aux travaux de Jacques Derrida sur lavoix, en passant par le Moyen Âge latin avec Alain Mi-chel, la Renaissance avec Pierre Laurens, le 17e avec Ro-ger Zuber, Marc Fumaroli enfin pour l'époque moderneet contemporaine.Partant des techniques de persuasion, dès les années1950, à travers le discours publicitaire, l'approche com-municationnelle est une démarche sémiologique héri-tée du structuralisme. D'abord psycho-sociologique, avecVance Packard, dans La persuasion clandestine (1958),la sémiologie de Roland Barthes va marquer cette ap-proche qui place le discours rhétorique au cœur de la so-ciété de consommation. Barthes, dans son article Rhéto-rique de l'image analyse les codes et les réseaux de signi-fication d'une image publicitaire. Cette approche analyseégalement les messages non verbaux, conditionnés parla sociologie et le groupe. Pour Roland Barthes, rejointsur ce point par le Groupe µ, « Il est [même] probablequ'il existe une seule forme de rhétorique, commune parexemple au rêve, à la littérature et à l'image »[81], etpour laquelle la sémiologie donne les clés de compré-hension. Les figures de style deviennent ainsi un instru-ment d'analyse du discours et de l'imaginaire existant enarrière-plan de celui-ci (c'est notamment les travaux deJacques Durand, dans son article[82]). Kenneth Burke,poète, rhétoricien et philosophe américain est l'auteurd'une analyse des motivations psychologiques en rhéto-rique, à travers ses ouvrages : Counterstatement (1931),

A Grammar of Motives (1945), A Rhetoric of Motives(1950), et Language as Symbolic Action (1966). La rhéto-rique doit pour lui éduquer ; elle s’enracine dans la fonc-tion symbolique du langage.

2.7.4 La pragmatique

Initiée par Jean-Claude Anscombre et Oswald Ducrot,l'approche pragmatique dite de l'« école d'Oxford », s’ef-force de restituer les actes de langage dans le contexteénonciatif. Le discours est ainsi un ensemble de présup-posés et d'implicites. Néanmoins son objet reste la langueet non spécifiquement le discours, au sein desquels le lo-cuteur comme personne sensible et intentionnelle a uneplace prépondérante. Pour Claude Hagège[83], la rhéto-rique est l'ancêtre de la pragmatique actuelle, héritée dePeirce et de Searle. Les tropes et les figures sont ainsides moyens détournés, pour le locuteur, de convaincreson interlocuteur, par le recours à des spécifications dudiscours. Le travail de Ivor Armstrong Richards (1893 -1979) est lié à ce courant. Richards est un critique litté-raire, auteur de The Philosophy of Rhetoric (1936), texteimportant de la rhétorique moderne, dans lequel il définitl'art oratoire comme « une étude du malentendu et de sesremèdes » (« a study of misunderstandings and its reme-dies »)[84].

2.7.5 Orientations trans-disciplinaires

LeXXIe siècle est marqué par la naissance d'études trans-disciplinaires sur, ou partant, de la rhétorique. L’analysede discours est une première approche multidisciplinairequi s’est développée en France, en Grande-Bretagne etaux États-Unis à partir des années 1960. Elle empruntede nombreux concepts aux champs de la sociologie,de la philosophie, de la psychologie, de l’informatique,des sciences de la communication, de la linguistiqueet de l’histoire. Elle s’applique à des objets aussi va-riés que, par exemple le discours politique, religieux,scientifique, artistique. Néanmoins la multiplication deschamps d'études sur les modalités et l'implication socialede la rhétorique n'apparaît qu'avec le XXIe siècle. Lapsychologie d'abord s’y intéresse, et notamment dans lamesure où le discours reflète l'état d'esprit de celui qui leprofesse, des auteurs, surtout américains, la rapprochentd'autres domaines dans une dimension sociale et histo-rique. Dans At the Intersection : Cultural Studies and Rhe-torical Studies (ouvrage collectif sous sa direction) Tho-mas Rosteck établit une étude des rapports de la rhéto-rique avec la culture. Glenn Stillar quant à lui, dansAnaly-zing Everyday Texts : Discourse, Rhetoric and Social Pers-pectives explore les conditions sociologiques présidant à laconstitution des discours. Enfin, sur internet, la revueKai-ros rassemble de multiples universitaires travaillant surl'apport technologique à l'analyse du discours, à traversla notion de « technorhétorique » (l’écriture assistée parordinateur)[85].

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3.1 L'« Invention » 17

Enfin, la redécouverte du système rhétorique est pourcertains auteurs comme Olivier Reboul et Chaïm Per-elman un retour à une unité de la discipline, qui rede-vient une théorie générale de l'argumentation et de lacommunication. Le discours juridique, scientifique, pé-dagogique, philosophique etc. sont autant de pratiquesparticulières de la rhétorique. Ainsi conçue, elle couvre« le champ immense de le pensée non-formalisée »[86], àtel point que selon le philosophe allemand Walter Jens« elle est l'ancienne et nouvelle reine des sciences hu-maines »[87].

3 Système rhétorique

Le « système rhétorique » se présente sous la forme d'unclassement : « on décompose la rhétorique en quatreparties, lesquelles représentent les quatre phases par les-quelles passe celui qui compose un discours » expliqueOlivier Reboul[88]. Il s’agit en fait des grands chapitresdes premiers traités de rhétorique. Le « système rhéto-rique »[89] est traditionnellement, depuis Quintilien, di-visé en cinq éléments dans la rhétorique. Cependant,ce classement a surtout valu pour l'enseignement del'éloquence et de la rhétorique ; pour Aristote en effet,ces parties sont superflues alors que l'énoncé de la thèse etdes arguments qui la prouvent sont fondamentaux[90]. Cesphases sont surtout connues sous leur nom latin (en rai-son du fait que le traité de rhétorique de Quintilien a étélongtemps pris comme base d’enseignement) : « inven-tio », « dispositio », « elocutio », « actio » et « memoria ».Chacune de ces étapes suppose ou appelle l'élaboration oul'intervention de disciplines distinctes (la stylistique pourl'« elocutio », la logique pour la « dispositio », etc.).

3.1 L'« Invention »

L'invention (ou « inventio » ou « heurésis » en grec) estla première des cinq grandes parties de la rhétorique[91].L'invention est la recherche la plus exhaustive possible detous les moyens de persuasion relatifs au thème de sondiscours. La découverte du genre de discours le mieuxadapté au propos doit cependant être centrale. Cette par-tie correspond à l'adage « Rem tene, uerba sequentur »,qui se traduit par l'expression « Possède le sujet, les motssuivront » de Caton l'Ancien. Selon la Rhétorique à He-rennius :

« L'invention consiste à trouver les argu-ments vrais ou vraisemblables propres à rendrela cause convaincante[92]. »

L'invention pose par conséquent les fondamentaux dusystème rhétorique, à savoir : la cause (le sujet), le genreà utiliser, le cadre de l'argumentation et le raisonnement.

Le jugement de Justinien.

3.1.1 Connaissance du sujet : l'enjeu de la rhéto-rique

L'orateur doit parfaitement maîtriser son sujet, appeléaussi la « cause » (ou le « fait » dans le genre judiciaire),sans quoi, selon Aristote ou Quintilien, il ne pourra paspersuader ou convaincre son auditoire. Il s’agit, selonJoëlle Gardes-Tamine, d'un véritable « enjeu » que lestraités classiques nomment la « matière » (« materia »).Les auteurs recommandent d'user de questions permet-tant d'en cerner les contours (néanmoins ces questionscorrespondent au type de discours pris en charge) :

1. exploration du fait : le fait a-t-il lieu ou pas ?

2. définition : en quoi consiste le fait ?

3. qualification : en quoi peut-on le caractériser ?

4. référence à la légalité : en vertu de quel droitl'examine-t-on ?

Michel Meyer note que le rhétoricien du XVIIe siècleVossius envisage une cinquième question, qu'il nommele « status quantitatis » qui permet de quantifier le fait (lepréjudice subi ou la violation du droit pour le discoursjudiciaire par exemple).

3.1.2 Les trois genres de discours

La rhétorique classique distingue trois grands genres dediscours : le « discours judiciaire », le « discours déli-bératif » et le « discours démonstratif ». Le terme de« genre » ne doit pas être ici confondu avec celui quidésigne les genres littéraires (roman, théâtre, poésie…)même s’ils entretiennent avec ces derniers des rapportsétroits[note 27] ; il s’agit en fait de la fonction qu'exerce lediscours sur les « trois sortes d'auditoires »[93]. Chaque

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18 3 SYSTÈME RHÉTORIQUE

genre étant spécifique, tous se démarquent quant auxactes, aux temps, aux valeurs et enfin aux arguments typesmis en avant :

Le théâtre antique emploie les trois genres rhétoriques. Rome,Théâtre de Marcellus.

Pour Chaïm Perelman, la distinction entre ces genresdiscursifs n'est qu'artificielle[94]. Perelman cite, en guised'exemple majeur le fameux discours d'Antoine dans leJules César de William Shakespeare qui mêle les troisgenres. Il propose donc de relativiser cette classification.

3.1.3 Les trois types d'arguments

Après avoir déterminé les discours, l'orateur doit trouverses arguments. Il s’agit des « moyens de persuader », tra-duction du grec « pisteis » mais qu'Aristote nomme les« preuves »[note 28] au nombre de trois :

1. l'« êthos » est le caractère que doit prendre l'orateurpour inspirer confiance ; son « équité est presquela plus efficace des preuves » explique Aristote[95].L'êthos regroupe alors la sincérité, la sympathie,la probité et l'honnêteté. Cette dimension du dis-cours est citoyenne, étroitement identifiée à l'idéaldémocratique ;

2. le « pathos » est l'ensemble des émotions, pas-sions et sentiments que l'orateur doit susciter. Aris-tote consacre ainsi le livre II de sa Rhétoriqueà l'examen des passions et de la psychologie desauditoires[note 29] ;

3. le « logos » concerne l'argumentation proprementdite du discours. Il s’agit pour Aristote de ladialectique, qu'il examine dans ses Topiques, se fon-dant sur deux types d'arguments : l'enthymème etl'exemple.

3.1.4 Les preuves

L'orateur a à sa disposition deux types de preuves.Aristote appelle les premières « atechnai », soit extra-

L'art oratoire repose sur une méthodologie et une pédagogieprécises[note 30].

rhétoriques, et les secondes « entechnai », intra-rhétoriques. La rhétorique moderne les nomme preuvesextrinsèques et intrinsèques (ou naturelles et artificiellesselon la conception du XVIIe siècle parfois, chez BernardLamy notamment).Les « preuves extrinsèques » sont celles données avanttoute invention. Selon Aristote elles sont au nombre decinq[96] et regroupent les textes de lois (jurisprudence etcoutume également), les témoignages anciens (autoritémorale des grands hommes) et nouveaux[97], les contratset conventions entre particuliers, les aveux sous la torture(des esclaves) et enfin les serments[98].Les « preuves intrinsèques » sont créées par l'orateurcomme l'amplification d'un détail biographique dans lecadre de l'éloge funèbre. Jean-Jacques Robrieux les classenéanmoins en deux catégories : l'exemple au sens larged'argument inductif, et l'enthymème[99],[100]) au sens desyllogisme.

3.1.5 Les lieux et la topique

Article détaillé : Topique (rhétorique).

Les « lieux » ou « topoï »[note 31] sont la façon de dé-couvrir les arguments dans le cadre intra-technique. Il

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3.2 La « Disposition » 19

s’agit du concept le plus important de la rhétorique, selonGeorges Molinié[101]. Il s’agit d'un « stéréotype logico-déductif » que la linguistique moderne a classé commefigure de style. Cependant les lieux rhétoriques dépassentles cadres de la phrase et concernent bien plutôt le texte.Molinié les nomme ainsi des figures « macrostructu-rales ».Dans la rhétorique ancienne, les lieux forment les preuvestechniques de l'argumentation, ainsi que la matière del'inventio[note 32]. La Logique de Port-Royal les définit ain-si : « chefs généraux auxquels on peut rapporter toutesles preuves dont on se sert dans les diverses matières quel'on traite »[102]. Aristote est le premier à en donner uneméthodologie, dans son ouvrage Topiques. Pour lui, le lieurhétorique est ce sur quoi se rencontrent un grand nombrede raisonnements oratoires, se développant sur certainssujets, selon certains schémas que l'art oratoire a prééta-bli. Selon Cicéron

« les lieux (...) sont comme les étiquettesdes arguments sous lesquelles on va chercher cequ'il y a à dire dans l'un ou l'autre sens[103]. »

La stylistique les classe dans les lieux communs, ou « cli-chés » lorsqu'ils deviennent trop usités et éculés. Parmices lieux communs, il y a le célèbre « Quis, quid, ubi,quibus auxiliis, cur, quomodo, quando ? » (c'est-à-dire le« Qui, quoi, où, par quels moyens, pourquoi, comment,quand ? »), les « lieux de la personne » (sa famille, sapatrie, sa façon de vivre, son métier etc.) ou les « lieuxlittéraires » (le lieu paisible et pittoresque, le lieu de larencontre amoureuse etc.)[104].

3.2 La « Disposition »

La disposition (« taxis » en grec) étudie la structuredu texte, son agencement, en cohérence avec les lieuxrhétoriques. Elle a pour Olivier Reboul une fonctiond'économie : elle permet de ne rien omettre ou de nepas se répéter au cours de l'argumentation. Elle a parailleurs une fonction heuristique (elle permet de s’interro-ger de façon méthodique) et est en somme en elle-mêmeun argument selon Olivier Reboul[105].La fonction de la disposition est de « rendre la causeintelligible, [de] faire adopter le point de vue del'orateur »[106]. Pour l'auteur anonyme de la Rhétoriqueà Herennius,

« la disposition sert à mettre en ordre lesmatériaux de l'invention demanière à présenterchaque élément à un endroit déterminé[107]. »

La disposition doit présenter les preuves et arguments,tout en ménageant des moments pour émouvoir. Les ca-nons rhétoriques de la disposition (garder le meilleur ar-gument pour la fin, aller aux faits le plus tôt possible, mé-

nager des transitions etc.) se retrouvent ainsi dans les mé-thodologies des dissertations ou des commentaires com-posés utilisés dans l'enseignement. Les plans analytiques,oppositionnels, par examen du problème, thématiques ouencore chronologiques en sont dérivés. La disposition estégalement un canevas très utilisée en littérature, dans lapoésie comme dans les lettres ou au théâtre[note 33].

La structure du discours permet de soutenir le raisonnement.

La rhétorique classique propose trois rythmes cano-niques :

1. celui qui consiste à instaurer des arguments forts enexorde et en épilogue et ménager le public entre-temps, appelé l'« ordre homérique »[108] ;

2. celui qui consiste à commencer par des argumentsfaibles puis à progresser de manière ascendante (oul'inverse) est recommandé par Quintilien ;

3. celui qui consiste enfin à mettre en premier les argu-ments logiques puis ceux qui plaisent et enfin ceuxqui émeuvent suivant l'ordre formulé par l'adage« docere, placere, movere ».

De nombreux auteurs ont proposé au cours de l'histoiredes plans-types, allant de deux à sept parties par-fois ; cependant, la tradition rhétorique n'en retient quequatre[note 34].

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20 3 SYSTÈME RHÉTORIQUE

3.2.1 L'exorde

L'exorde (ou « prooimion » en grec) est l'introduction dudiscours, sa fonction première est phatique : elle a pourbut de capter l'attention de l'auditoire (c'est la « captatiobenenvolentiae »). L'objectif est de le rendre selon OlivierReboul docile (en état d'apprendre), attentif (le mainte-nir dans le raisonnement) et bienveillant (par l'èthos). Legenre épidictique utilise ainsi un exorde qui cherche àimpliquer l'auditoire. La rhétorique de l'exorde consisteparfois à le supprimer et à commencer le discours exabrupto (dans le vif du sujet) comme dans cette phrasede Cicéron : « Jusqu'à quand, Catilina, vas-tu exploiternotre patience ? ». L'exorde doit néanmoins présenter lesujet ou les faits.

3.2.2 La narration

La narration (« narratio » ou « diegésis » en grec) estl'exposé des faits concernant la cause, sur un mode objec-tif, dans le sens du discours cependant. Selon Cicéron, lanarration est la source (« fons » en latin) de toutes lesautres parties car elle réclame le meilleur du talent del'orateur. Pas indispensable dans le genre délibératif, elleest centrale dans le judiciaire car elle permet de matéria-liser le raisonnement à suivre. La narration peut s’appuyersur l'histoire, la légende ou la fiction. Le logos constituela narration qui doit être :

• « claire » : le récit doit être chronologique ;

• « brève » : l'inutile doit être éliminé pour la clartédu propos ;

• « crédible » : par l'énoncé des faits et des causes. Lefait peut être faux mais doit être vraisemblable.

La narration deviendra auMoyenÂge une pratique à part,se détachant du genre judiciaire, à travers le sermon et lesexempla, et jusqu'à la propagande moderne.

3.2.3 La digression

La digression (ou « parekbasis » en grec) a pour fonctionde distraire l'auditoire, de le ménager avant la conclusion.Elle recourt souvent à des figures comme l'hypotyposeou l'ekphrasis, sortes de descriptions comme vivanteset mises sous les yeux de l'auditoire. Selon la Rhéto-rique à Herennius la partie de la digression peut présenter« l'indignation, la commisération, la détestation, l'injure,l'excuse, la conciliation, la réfutation des propos outra-geants »[109].C'est aussi, selon Joëlle Gardes-Tamine, le moment dela plaisanterie, de la raillerie ou de l'ironie permettantla distraction (mais toujours dans un but de persuasionou d'argumentation) du public. Pour Chaïm Perelman,

Faire rire est une des nombreuses techniques dont disposel'orateur, lors de la digression, pour gagner la faveur du public.

l'ironie (comme celle de Socrate) est fortement manipu-latrice en soi. Elle se fonde en effet sur l'accord explicitede l'interlocuteur, dont la recherche ponctue le discours,à des moments clés, de manière à le faire raisonner dansle cadre argumentatif voulu par l'orateur[110].

3.2.4 La péroraison

La péroraison (ou « epilogos » en grec) met fin au dis-cours. Elle se fonde elle-même sur trois parties :

1. l'« amplification » (ou « auxèsis ») qui convoque lepathos et les valeurs pour demander le châtiment parexemple dans le genre judiciaire et qui s’appuie prin-cipalement sur les lieux rhétoriques ;

2. la « passion », qui permet de susciter soit la pitiésoit l'indignation, au moyen des apostrophes notam-ment ;

3. la « récapitulation » (ou « anaképhalaiosis » en grec)qui résume l'argumentation, sans ajout de nouvel ar-gument cependant.

La péroraison est le domaine propre du pathétique :il s’agit d'émouvoir et de convoquer les passions del'auditoire. C'est le lieu de l'« appel à la pitié » selon JoëlleGardes-Tamine.

3.3 L'« Élocution »

L'élocution (« elocutio », ou « lexis » en grec) est larédaction (écrite) du discours, l'oral étant le ressort del'action. Pour Cicéron elle est le propre de l'orateur et

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3.3 L'« Élocution » 21

« adapte à ce que l'invention fournit des mots et desphrases appropriées[92]. »L'étude des figures de rhétorique constitue la partie géné-rale de l'élocution, qui forme l'apport du talent de l'orateurau sein du discours, le style étant purement personnel, endépit de règles prescrites. C'est aussi la partie la plus litté-raire de la rhétorique[note 35]. Pour Olivier Reboul elle esten effet le point de rencontre de l'art rhétorique avec lalittérature, se focalisant sur la notion de style. Elle doit eneffet être le lieu d'une bonne expression et de l'ornement(« ornatus »). Il s’agit selon Olivier Reboul d'une véri-table prose qui a su se démarquer de la poésie et de sescodes. L'élocution concerne ainsi le choix des mots etla composition des phrases (les membres de phrases ou« cola » doivent être équilibrés), le rejet des archaïsmeset des néologismes, l'usage de métaphores et des figuresadaptées aux propos (à condition toutefois qu'elles soientclaires, autrement il s’agit de fautes d'expression), en-fin, le rythme doit être souple et au service du sens. LaRhétorique à Herennius recommande ainsi « l'élégance,l'agencement des mots, la beauté »[111]. L'élocution re-pose sur deux éléments : le style d'une part et les figuresde rhétorique d'autre part.

3.3.1 Les styles

Article détaillé : Style (écriture).

Cicéron distinguait, dans les Divisions de l'art oratoiredeux types d'élocution : « l'une qui se déroule librement,l'autre à formes travaillées et variées »[112], distinction quicorrespond, aujourd'hui, à celle entre le style inspiré et lestyle travaillé. Le style[note 36], en rhétorique, doit s’adap-ter au sujet ; il existe ainsi trois style différents, délivréspar le traité Du Style de Démétrios (en fait un inconnu) etrepris dans la Rhétorique à Herennius[113] :

1. le « style noble », ou « grave » qui vise à émouvoir ;

2. le « style simple », ou « tenue » qui permetd'informer et d'expliquer ;

3. le « style agréable », ou «medium » qui met en avantl'anecdote et l'humour.

La distinction de la notion de style en trois, voire en da-vantage de catégories a une histoire complexe. Elle re-monte sans doute à Antisthène et à Théophraste, maisDenys d'Halicarnasse et Pline l'Ancien en parlent dé-jà. Dès ces origines, les types de style ont pour paran-gon des auteurs de renommée certaine. Ainsi, l'historienThucydide représente le style élevé (« noble ») alors quel'orateur Lysias utilise lui le style simple et qu'Isocrate aun style agréable (moyen).Il existe par ailleurs deux règles de style à respecter :

• la « convenance », pour laquelle l'usage d'un stylese retrouve pour un moment du discours et pour untype de preuve :

• la « clarté », c'est-à-dire l'adaptation du style àl'auditoire. Pour Quintilien, la clarté est la « pre-mière qualité de la parole »[114]. Elle permet d'éviterles amphigouris, l'implicite ou encore les ambiguï-tés.

La rhétorique classique, et en particulier romaine (qui a leplus insisté sur la notion de style) reconnaît d'autres quali-tés. Théophraste prône quant à lui la clarté, la correction,la convenance et l'ornement alors que Cicéron dans sesDivisions de l'art oratoire distingue cinq « flambeaux »(« lumina », c'est-à-dire des traits de style notables) : labrièveté, la convenance, l'éclat, l'agrément et la clarté. Àla suite de George Campbell, Olivier Reboul y adjointune troisième règle, tenant de l'orateur, qui doit se mon-trer vivant. Campbell la nomme « vivacity » (la vivacité)et explique qu'elle repose sur le choix des mots concrets,sur les maximes et sur la détermination à vouloir se fairecomprendre par tous[115].La notion de « style » a traversé toute l'histoire littéraire,jusqu'à nourrir une discipline fille de la rhétorique, lastylistique, née notamment des réflexions des écrivains,à l'aune de l'art rhétorique. Ainsi Victor Hugo définit lestyle littéraire[note 37] comme le respect de ces trois cri-tères alors que, au demeurant, il combat la rhétoriquecomme une discipline archaïque :

• la correction, « indispensable mérite d'un écrivaindramatique »[116] ;

• la simplicité, « vraie et naïve » ;

• la grandeur, c'est-à-dire l'art de toucher à des sujetsuniversels.

3.3.2 Les figures rhétoriques

Les figures de rhétorique (ou « schèmata » en grec) sontdes procédés stylistiques qui proviennent de la qualité del'orateur. Elles procurent en premier lieu un plaisir (ou« delectatio ») car « leur mérite manifeste [est] de s’éloi-gner de l'usage courant » selon Quintilien[117]. Pour larhétorique classique, la figure s’écarte de l'usage minimalde la langue. Cette conception de la figure comme écartest l'un des points théoriques sur lequel la linguistiquemoderne a achoppé. La rhétorique voit dans la figureun moyen de persuasion reposant sur l'imagination del'orateur. La stylistique est née de la scission de la partiede l'élocution d'avec le reste du système rhétorique. Lanotion de « figure de rhétorique » est ainsi à examiner,notamment au sein de la catégorie plus vaste des figuresde style.

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22 3 SYSTÈME RHÉTORIQUE

3.4 L'« Action »

L'action (« actio », ou « hypocrisis » en grec) est la phasede prononciation du discours, que l'on peut désigner par leterme actuel d'élocution, à ne pas confondre avec la par-tie rhétorique du même nom. Pour Démosthène il s’agitdu but de la rhétorique[118] alors qu'Aristote l'évoque aulivre III de sa Rhétorique, mais de manière elliptique. Laracine grecque renvoie également à l'hypocrisie ; en effetl'orateur doit paraître ce qu'il veut paraître durant l'action.Cicéron parle ainsi de l'« élocution du corps »[119] queconstitue l'action. Les gestuelles et les attitudes codées(tels les plis de la toge)[120] sont en effet importantes,ainsi que le travail de la voix (c'est l'éloquence propre-ment dite), du ton, du débit et du souffle. Le rythmeest capital et Quintilien rapproche l'action de la musique(eurythmie).

Jacques-Louis David, La Mort de Socrate (1787). Socrate estmort en discourant.

La voix est, en particulier, le noyau de l'action rhéto-rique. Elle doit, selon l'auteur de la Rhétorique à Heren-nius, être puissante, résistante et douée de souplesse[121].L'archétype est ici le rhéteur Démosthène qui réussità vaincre son handicap (il bégayait) par la pratiqued'exercices de déclamation, face à la mer et en dépit dubruit du ressac. Les expressions du visage, les mouve-ments des mains ainsi que les postures sont tous des élé-ments importants pour l'action, codifiés. La « chirono-mie » ou « art de régler les gestes des mains, et plus gé-néralement les mouvements du corps, dans la comédieet dans la chorégraphie »[122] est un élément importantde l'action rhétorique (un mouvement lent exprime ainsila promesse et l'assentiment par exemple), développé auXVIIe siècle par John Bulwer[123].L'art du spectacle, théâtral surtout, s’en est largement ins-piré. L'orateur y est un « actor », un acteur. Antoine Fou-quelin note quant à lui que c'est de l'action que l'échangetire toute sa force, car, contrairement aux mots, les gestessont universels et compréhensibles par tous[124].

3.5 La « Mémoire »

La mémoire (« memoria », ou « mnèmè » en grec) estl'art de retenir son discours. Partie souvent oubliée del'art rhétorique et des études modernes[note 38], Cicéron enfait néanmoins une qualité naturelle de l'orateur[125] alorsque Quintilien en fait une technique[126] se fondant sur lastructure du discours d'une part et sur les procédés mné-motechniques d'autre part. Il est important de remarquerà ce titre que la mémoire ne figure pas dans les traités derhétorique d'Aristote[note 39]. Le but de ces techniques estavant tout de retenir les arguments, lors des procès parexemple. La mémoire est une partie ajoutée tardivement,par certains traités latins, et notamment l'auteur anonymede la Rhétorique à Herennius qui la définit par ailleurscomme un « trésor qui rassemble toutes les idées four-nies par l'invention et qui conserve toutes les parties de larhétorique[127]. ». Cet auteur distingue par ailleurs deuxmémoires :

1. la « mémoire naturelle », qui demeure un don ;

2. la « mémoire artificielle » (au sens technique), liéeà l'apprentissage et à la pratique de l'art oratoire.

La mémoire artificielle prend ainsi appui principalementsur le sens visuel, sur des images et des techniques per-mettant de décrire un objet ou une personne commes’ils étaient sous les yeux de l'auditoire. Il faut ainsi pourCicéron ranger ces images et souvenirs dans des em-placements mentaux appropriés. Dans le système rhéto-rique, elle est ainsi mobilisée pour se souvenir des lieuxcommuns, elle requiert ainsi de se remémorer convena-blement et en détail (dans le cas des hypotyposes parexemple) des scènes constituant la culture greco-romaine,comme les scènes mythologiques ou épiques. La doc-trine de l'imitation (l'orateur doit faire référence aux An-ciens) se fonde donc sur l'art de mémoire. Parce qu'elleest le médium entre le passé et le présent, entre les ori-gines cosmogoniques (les mythes) et l'actualité du débat,la mémoire est un don divin. Cicéron considère, dans DeL'Orateur, qu'elle fut prodiguée par les dieux au poèteSimonide de Céos[128], lors d'un drame domestique. De-puis ce mythe, la mémoire est liée à l'ordre car c'estl'ordre des convives avant la chute du toit de la maisonqui permit au poète de retrouver les cadavres et de lesidentifier.L'art de mémoire a ainsi perpétué cette technique à tra-vers l'époque médiévale. Albert le Grand voit ainsi dansla métaphore l'expression de la mémoire, et qui per-met d'émouvoir. Pour Frances Yates elle est à l'originedes créations d'allégories médiévales, qui enrichirent lastatuaire[129].

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4.2 L'orateur 23

4 Fondements de la rhétorique

Si le système rhétorique est avant tout formel, il reposeégalement sur deux notions centrales : l'« argumentation »d'une part et les « figures de rhétorique » d'autre part,même si cette dernière compose, au XXe siècle la dis-cipline annexe de la stylistique[130]. Les arguments typesdoivent avoir une place à part, étant donné qu'ils sont sou-vent à la frontière des deux premières notions. Mais, lanotion d'auditoire donne tout son sens à l'art rhétorique.

4.1 L'auditoire : « convaincre » et « per-suader »

Le discours rhétorique s’adresse à un public, et ce mêmedans le cas d'un échange entre deux personnes car le dis-cours est alors du domaine littéraire puisqu'il peut êtreporté à la connaissance du lecteur. Depuis Aristote, laproblématique quant à la nature de l'auditoire est un pointclé du système rhétorique. Le philosophe grec en dis-tinguait trois différents, selon le discours rhétorique àmettre en pratique. Par ailleurs, les notions de « pathos »,d'« èthos » et de « logos » ne se comprennent qu'en te-nant compte de l'auditoire ; en d'autres mots, le discoursoratoire s’articule autour de deux verbes qui l'ont souventdéfinis : convaincre et persuader. Pour Chaïm Perelman,dont l'analyse a su reposer le débat, comme pour Cicéronen son temps, l'auditoire doit rester le sens de la rhéto-rique : « Le seul conseil d'ordre général qu'une théoriede l'argumentation puisse donner en l'occurrence, c'est dedemander à l'orateur de s’adapter à son auditoire »[131].La distinction de ces notions a une longue histoire ;Blaise Pascal pensait que la persuasion était du do-maine de l'imagination alors que la conviction tenait de laraison[132] et Emmanuel Kant y voyait l'opposition entrele subjectif et l'objectif[133]. Cependant, pour ChaïmPerelman, ces débats omettent la nature de l'auditoire,donnée élémentaire. Ce débat autour de la nature del'auditoire a pourtant été premier historiquement. PourCicéron et Quintilien, le citoyen est l'interlocuteur du dis-cours rhétorique. Or, cette définition demeure par tropphilosophique, la conscience de l'auditoire n'étant pasprise en compte. Perelman étend donc cette définition auchamp de la pratique en expliquant que l'auditoire est :« l'ensemble de ceux sur lesquels l'orateur veut influer parson argumentation »[134]. Perelman, qui est le spécialisteabouti de la rhétorique dumilieu judiciaire, distingue ain-si deux types d'auditoire :

1. un « auditoire universel » ;

2. un « auditoire particulier », d'« une infinie varié-té »[134] ajoute-t-il.

Pour lui, le discours s’adressant à un auditoire particuliervise à persuader alors que celui à destination d'un publicuniversel vise à convaincre[135].

4.2 L'orateur

L'orateur est une « personne que sa fonction conduit sou-vent à prononcer des discours devant un public »[136].Néanmoins le terme de « rhéteur » lui fait concurrence,désignant plus spécifiquement « celui qui fait professionde l'art de la rhétorique »[137] Ce statut existe dès la Grèceantique où l'orateur devient un homme politique et un en-seignant. Isocrate résume ainsi ce double aspect :

« (...) nous appelons orateurs ceux quisont capables de parler devant la foule et nousconsidérons comme de bons conseils ceux quipeuvent sur les affaires s’entretenir avec eux-mêmes de la façon la plus judicieuse[138]. »

L'orateur grec Isocrate, par Pierre Granier.

L'orateur, selon le type de discours qu'il met en œuvre,peut être un prédicateur, un avocat ou un sophiste. Néan-moins il y a autant d'orateurs qu'il y a de conversationset de genres discursifs note Olivier Reboul. Un hommed'église peut ainsi faire un sermon alors que l'homme deloi use d'apologie (défense d'une personne) ou de réqui-sitoire (attaque contre une personne). L'orateur dépenddonc avant tout de son public.Jean Starobinski, dans Les Lieux de mémoire[139] note queles lieux traditionnels de la rhétorique (la chaire, la tri-bune et le barreau) sont aujourd'hui éclatés et diversi-fiés en affiches, cortèges politiques ou syndicaux, télé-vision, publicité, conférence, « si bien que la figure de

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24 4 FONDEMENTS DE LA RHÉTORIQUE

l'orateur est devenue « anachronique » »[140]. Par ailleurs,ce statut, et sa perception dans la sphère publique, a évo-lué. Le sexe de la personne qui assume le discours, aumoyen des techniques oratoires a également évolué. Se-lon Philippe-Joseph Salazar en effet, il existe « deux ré-gimes de la parole publique », l'un oratoire, qui est mas-culin (en diplomatie, dans les domaines judiciaire, reli-gieux et parlementaire) et un second féminin, dévolue àl'art de la conversation pur et formant une véritable « ins-titution » selon Marc Fumaroli[141]. Salazar rappelle alorsqu'il existe en Suède, depuis le XIXe siècle une tradi-tion oratoire féminine inexistante ailleurs en Europe (saufpeut être lors de la préciosité), et laissée de côté par leshistoriens de la littérature.Enfin, pour la rhétorique classique, l'« orateur est hommede bien qui parle de bien », traduction de l'adage latin« uir bonus dicendi peritus » attribué au rhétoricien ro-main Quintilien[142], c'est-à-dire qu'il doit porter des va-leurs civiques de probité et de respect de l'interlocuteur.Dans les mondes grec puis romain surtout, l'orateur aune fonction de médiation : « la vie politique se nour-rit de cette transaction rhétorique, par quoi l'orateur per-suade de manière réglée afin que ceux qui sont persua-dés puissent, à leur tour, persuader d'autres » expliquePhilippe-Joseph Salazar[143]. Le « bien » dont parle Quin-tilien est alors le « bien commun », la justice sociale, la« res publica » des romains.

4.3 L'argumentation

Article détaillé : Argumentation.

4.3.1 Science du raisonnement

Scène de conversation. William Blades, Pentateuch of Printingwith a Chapter on Judges (1891).

L'argumentation constitue une « méthode de rechercheet de preuve à mi-chemin entre l'évidence et l'ignorance,entre le nécessaire et l'arbitraire. Elle est, comme la dia-lectique qu'elle continue sous d'autres formes, un des pi-liers de la rhétorique »[144]. Elle a souvent été confon-due, sans distinction, avec la rhétorique en tant quetelle[note 40], alors que, si la rhétorique peut s’appuyer sur

le discours argumentatif, l'inverse n'est pas vrai. Le butde l'argumentation est de faire progresser la pensée enpartant du connu pour faire admettre l'inconnu ; ce que lalogique formelle nomme l'inférence. Le maître-mot estalors le raisonnement, qui se divise lui-même en deuxnotions (la déduction et l'induction). Pour Joëlle Gardes-Tamine l'argumentation a pour but de réduire la distanceentre l'orateur et son public. Elle rappelle en effet queles latins appelaient également l'argumentation l'aptum,c'est-à-dire l'« adaptation au public »[145].Il existe néanmoins un type de raisonnement qui s’ex-clut du champ rhétorique remarque Jean-Jacques Ro-brieux. Il s’agit de la démonstration, qui est « unenchaînement de raisonnements, liés entre eux parun caractère de nécessité (...) et à peu près indé-pendant de la volonté de son auteur »[146], qui estl'apanage du domaine scientifique[note 41]. Contrairementà l'argumentation, dans laquelle l'orateur est libre desa stratégie argumentative, dans la démonstration (lamathématique par exemple, parmi les plus rigoureuses)la logique interne prime, « les axiomes ne sont pas en dis-cussion [et] (...) on ne se préoccupe guère de savoir s’ilssont ou non acceptés pas l'auditoire »[147].Il existe ainsi deux types d'argumentations, détermi-nant toute une gamme d'arguments utilisés dans lediscours[146] :

1. l'argumentation « ad rem » (sur la chose), ou « exconcessis », qui s’adresse à un auditoire universel ;

2. l'argumentation « ad hominem » (vers l'homme) quiest une opposition de thèses personnelles.

4.3.2 Déduction et syllogistique

La déduction est le principe de raisonnement qui va dugénéral au particulier. La syllogistique étudie ce modede raisonnement. Jean-Jacques Robrieux donne ainsi cetexemple[148] :

« Toute l'Europe est démocratique. LaFrance fait partie de l'Europe. Donc la Franceest un État démocratique. »

Les deux premières propositions (qui sont des« assertions » : elles énoncent un fait) sont appelées lesprémisses du raisonnement. La première assertion estdite « majeure » car elle énonce une loi générale alorsque la seconde est « mineure » car elle énonce un faitparticulier. Par ailleurs, les termes sont appelés « grandterme » (ici « États démocratiques »), « moyen terme »(« Europe ») et « petit terme » (« France »). Selon leurplace au sein des prémisses quatre figures sont possibles.Par ailleurs, la syllogistique distingue les « modes » ouagencement des termes selon deux couples de variables :

1. universel / particulier ;

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4.4 Les figures de rhétorique 25

BMA

Schéma du syllogisme de type : « Tout homme est mortel, or So-crate est un homme, donc Socrate est mortel ».

2. affirmatif / négatif.

qui donnent ainsi également quatre figures possibles (ou« syllogismes » de (grec ancien sun et logos, « qui utilise lediscours »)[note 42]. Les modes combinés aux possibilitésd'agencement des termes aboutissent à un ensemble de256 combinaisons dont seulement 19 sont rationnelles etlogiques. La scolastique les désigne au moyen de voyellespermettant de créer une matrice :

1. universelle affirmative (a) ;

2. universelle négative (e) ;

3. particulière affirmative (i) ;

4. particulière négative (o).

Les combinaisons forment ainsi des mots, par exemple« Barbara » (a, a, a), dans le cas de trois propositions uni-verselles et affirmatives. Néanmoins, il existe quatre syl-logismes dits « complexes », parmi les plus utilisés en rhé-torique, au-delà des syllogismes formels et logiques spé-cifiques :

1. le « sorite » (grec ancien sôreitês, « tas »)[note 43]. Lesorite se fonde sur la décomposition de la mineureen une suite de propositions enchaînées par des re-lations d'implications ; c'est un syllogisme continu ;

2. l'« épichérème » (latin scientia, « connaissance ») estun syllogisme qui apporte des arguments (preuves oulieux communs) aux prémisses. Il s’agit par exempled'user de digressions pour détailler un point précis,dans le cours du raisonnement ;

3. l'« enthymème » (grec ancien enthumeomaï, « je ré-fléchis »), est un syllogisme réduit car il y manqueune prémisse (qui est soit évidente et juste ou fausse,soit elle est masquée volontairement comme dans le« je pense, donc je suis » de René Descartes.

4.3.3 Induction et la généralisation

L'induction part de faits particuliers pour aboutir à une loigénérale. Elle prime notamment dans la démarche scien-tifique. Les rhétoriciens en distinguent deux types :

1. l'« induction complète » qui permet des inférences àpartir de la totalité des phénomènes sur lesquels sefonde l'orateur ;

2. l'« induction amplifiante » qui n'en retient qu'unéchantillon et extrapole ensuite en loi les propriétésdécouvertes.

Jean-Jacques Robrieux s’arrête sur la remarque selon la-quelle le raisonnement inductif ne fait pas que générali-ser ; il peut aussi induire des faits particuliers, c'est le casdes enquêtes de police par exemple.

4.4 Les figures de rhétorique

Articles détaillés : figure de style et liste des figures destyle.Il s’agissait à l'origine d'une partie de la rhétorique liée àl'« elocutio » mais également de l'agencement du discours(la « dispositio »), avant de devenir l'élément le plus ana-lysé et le plus discuté de la rhétorique, dépassant mêmele cadre de la discipline oratoire pour devenir un aspectdu style, surtout en littérature. La figure de rhétoriqueest perçue depuis les origines antiques de la disciplinecomme étant un « ornement du discours » (« colores rhe-torici »).Le classement des figures est un problème transversalà toute l'histoire de la rhétorique. Au XXe siècle, avecles recherches structuralistes surtout, les figures de stylequittent le terrain de la rhétorique pour devenir deséléments de la persuasion et de la communication. Lalinguistique moderne les classe majoritairement en quatreniveaux :

• niveau du mot (exemple : tropes) ;

• niveau du syntagme (exemple : oxymore) ;

• niveau de la proposition (exemple : inversions) ;

• niveau du texte (exemples : ironie, hypotypose).

Cependant, les classements proposés ne rendent quedifficilement compte des effets stylistiques des figures,complexes et reposant surtout sur le contexte (c'est le

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26 4 FONDEMENTS DE LA RHÉTORIQUE

Allégorie de la rhétorique par Hans Sebald Beham. Rhetoricatirée des Sept arts libéraux.

Cupidon est dans ce tableau l'allégorie de l'Amour.

cas notamment de l'ironie). Enfin, toutes les figures destyle ne concernent pas la rhétorique : seules celles af-fectant le discours et le rapport de locution sont ditesrhétoriques[note 44].Les figures de rhétorique permettent une vaste paletted'effets. La stylistique en étudie plus précisément les

effets sur le lecteur, sans tenir compte d'une situationd'éloquence particulière. Nombre de ces figures peuventdevenir des arguments spécifiques. L'allégorie est ain-si très employée dans le discours oratoire car elle per-met de donner à voir des concepts abstraits par défini-tion. Le recours aux allégories mythologiques (commeCupidon qui représente l'Amour) permet de rendre da-vantage didactique son discours. C'est le cas aussi de lamétaphore comme dans « Ma femme aux cheveux de sa-vane » d'André Breton ou du paradoxisme par exemple.Elles peuvent frapper l'esprit par le raccourci que consti-tue l'association des contraires dans l'oxymore : « Le su-perflu, chose très nécessaire […] » (Voltaire) ou produireun effet comique avec le zeugme : « On devrait fairel'amour et la poussière », (paroles de Zazie de RaymondQueneau). Si les figures permettent des effets sur le pa-thos et l'èthos, elles peuvent concerner également destactiques de manipulation davantage complexes. JoëlleGardes-Tamine, dans la Rhétorique[149] distingue cellesservant à polémiquer (comme l'ironie et l'analogie) ànommer (périphrase, antonomase), à frapper l'auditoire(par l'hyperbole et la description), à suggérer des idées(allusion, métonymie, euphémisme) ou encore à interpel-ler (apostrophe).

4.5 Les arguments

Article détaillé : argumentation.

Les arguments sont les éléments de discours servant àétayer un propos ou une thèse. Pour Quintilien :

« un argument est un raisonnement four-nissant une démonstration, qui permet d’infé-rer une chose d’une autre, et confirme ce quiest douteux par ce qui n’est pas douteux[150]. »

Les auteurs en distinguent deux catégories majeures :ceux provenant du domaine de la logique formelle et ceuxémettant un jugement. Jean-Jacques Robrieux distinguelui quatre classes d'arguments[151] :

1. les « arguments quasi logiques » ;

2. les « arguments empiriques » ;

3. les « arguments contraignants et de mauvaise foi » ;

4. les « arguments jouant sur le pathos ».

Il est important de rappeler que l'on appelle « thème »le sujet de la proposition (c'est-à-dire ce qu'on dit), et« prédicat » l'information sur ce sujet.Les arguments ont été l'objet de recherches impor-tantes, tant dans leur dimension linguistique que logique.Aristote les analyse dans son Organon et dans les Argu-ments sophistiques. Port-Royal a rédigé par ailleurs une

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4.5 Les arguments 27

Port-Royal[152]. Enfin, l'économiste John Stuart Mill aécrit lui aussi une Logique, et principalement le livre Vconsacré aux arguments paralogiques.

4.5.1 Les arguments quasi logiques

ChaïmPerelman est l'introducteur du concept d'argumentquasi-logique. Il faut comprendre ici le « quasi-logique »comme similitude avec les règles d'inférences de lalogique formelle[153]).Perelman identifie quatre types d'arguments quasi-logiques :

• l'incompatibilité

• la définition

• la transitivité

• la règle de justice

• la comparaison

L'incompatibilité est l'analogue dans l'argumentation dela contradiction logique dans un système formel. Pourillustration, la critique d'une personne sur le fait que sesactes ne sont pas conformes à ses propos est une formed'argument quasi-logique d'incompatibilité. Il n'y a danscet exemple à proprement parler aucune contradiction lo-gique, c'est-à-dire que ne sont pas mis en présence desénoncés se niant logiquement.La définition est un argument quasi-logique quand elleest choisie par l'orateur parmi différentes définitionspossibles d'un même concept. Ce choix est argumen-tatif en ce qu'il influence la pensée de l'auditoire.Dans un système formel, la définition est une rela-tion d'équivalence logique entre le défini et le définis-sant. Dans l'argumentation, il n'y a généralement pasd'équivalence logique en raison des différentes connota-tions portées par les termes du défini et du définissant.La relation logique de transitivité est la relation qui veutque si A implique B et B implique C alors A implique C.Dans l'argumentation, il est souvent mobilisé une formeaffaiblie de transitivité. Perelman cite comme exemple lefameux dicton : « Les amis de mes amis sont mes amis ».Cet énoncé ne contient pas une authentique relation lo-gique de transitivité en raison de ce qu'il admet des ex-ceptions selon le contexte.La règle de justice est l'analogue dans l'argumentation dela règle de symétrie dans un système formel. Un exempleest la formule de Quintilien : « Ce qui est honorabled'apprendre, il est également honorable de l'enseigner ».Enfin, Perelman conçoit également la comparaisoncomme un argument quasi-logique quand elle est une re-cherche d'identité. Il faut alors la distinguer de la figurede style du même nom.

4.5.2 Les arguments empiriques

Ces arguments se fondent sur l'expérience. Contraire-ment aux arguments logiques il ne peuvent exister sansune observation du champ de la réalité (appelée « em-pirie »). D'après Jean-Jacques Robrieux, ils se sous-divisent en trois groupes : les arguments fondés sur lacausalité et la succession comme la description, ceuxfondés sur la confrontation comme la disqualificationou l'argument d'autorité et enfin les arguments inductifscomme l'illustration ou l'analogie.

4.5.3 Les arguments contraignants et de mauvaisefoi

Ces types d'arguments sont hautement manipulateurs,mais à des degrés divers. Ainsi, les auteurs distinguentceux fondés sur le bon sens, l'appel au conformisme, laruse ou la violence. Ils sont également peu logiques. Peuétudiés au cours des siècles, Jean-Jacques Robrieux re-marque qu'ils font « l'objet d'un regain d'intérêt théo-rique depuis quelques décennies seulement, au momentoù les démocraties, le système consumériste et les médiasse sont mis à les employer abondamment »[154]. Certainsde ces arguments ont recours aux valeurs (ce sont les re-pères moraux admis par une société donnée et partagéespar tous), d'autres sont plus particulièrement des ruses so-phistiques destinées à gagner à tous prix le débat. Ils sont :le proverbe, les lieux communs et les questions.

Les « cubes impossibles » de Maurits Cornelis Escher sont desreprésentations graphiques de paradoxes.

Les « questions éristiques » sont elles polémiques ; ellescherchent à agresser l'interlocuteur[note 45]. Le philosopheArthur Schopenhauer en a proposé une étude précisedans L'Art d'avoir toujours raison ou Dialectique éristique(1830 - 1831).

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28 5 DOMAINES DE LA RHÉTORIQUE

Dans le domaine de la mauvaise foi il existe un ensembled'arguments particulièrement efficaces s’appuyant surune déficience de logique formelle (appelés de ma-nière générale les paralogismes) comme le sophisme, leparalogisme, la pétition de principe ou le paradoxe.

4.5.4 Les arguments jouant sur le pathos

Certains arguments ont pour but unique d'émouvoir ou desusciter la pitié. Le discours judiciaire y est particulière-ment sensible, notamment lorsque l'avocat de la défensetente d'émouvoir le jury par exemple. Ils sont l'argumentdémagogique, l'argument ad misericordiam ou as bacu-lum.

5 Domaines de la rhétorique

Étant avant tout une pratique, la rhétorique s’incarne ausein de divers domaines, principalement les discours phi-losophique, politique et publicitaire. Le domaine reli-gieux et pédagogique sont également très influencés parl'art oratoire, dans leur dimension historique mais aussipratique. Tous les spécialistes de la discipline s’accordentà dire que celle-ci vit un renouveau, à travers ces « rhé-toriques »[155] du fait de l'expansion des techniques etdes enjeux de la communication actuelle. Néanmoins, larhétorique n'est pas qu'une somme de techniques ; pourOlivier Reboul, Chaïm Perelman, selon les mots de Ber-trand Buffon elle « favorise l'exercice du jugement cri-tique face à ces manipulations grandissantes de l'opinionpar la parole et par l'image »[note 46].

5.1 Rhétorique et philosophie

5.1.1 Une histoire et des enjeux communs

Pour Michel Meyer, la philosophie et la rhétorique en-tretiennent des connexions certaines. D'une part, la phi-losophie est née de la rhétorique, avec Platon et Aristotesurtout. C'est avec ce dernier que « la nouvelle rhétoriquedevient alors l'instrument de la philosophie » selon ChaïmPerelman[156]. D'autre part, « Philosopher, c'est argu-menter, structurer un discours qui va aussi loin que pos-sible, du fondement aux conséquences »[157]. Platon scelladéfinitivement l’opposition entre la rhétorique « philoso-phique », et la rhétorique « littéraire ». Néanmoins, le dis-cours demeure toujours une interrogation philosophique,alors que la philosophie se fonde de même toujours surune méthodologie rhétorique. C'est surtout l'œuvre deCicéron qui symbolise le rapport intime qui existe entreles deux disciplines[158].S'il n'est pas public, le raisonnement philosophique doitnéanmoins convaincre, argumenter et persuader, autantd'objectifs rhétoriques. Chaïm Perelman a ainsi réaliséune étude de cette double influence, dans Rhétorique et

philosophie pour une théorie de l'argumentation en phi-losophie[159]. Perelman note également l'importance del'analogie et de la métaphore en philosophie, ce quele philosophe Paul Ricœur, dans La Métaphore vivepose comme un préalable au travail herméneutique. Parailleurs, le philosophe Jacques Derrida s’intéresse à laconstruction du discours dans Rhétorique et philosophie.Enfin, l'histoire des deux disciplines a souvent coévolué ;en effet, les préoccupations de la Renaissance, portantsur l'objet du langage les ont nourri. Il s’agissait alorsde savoir si le langage devait être compris comme uninstrument de compréhension (d'ouverture au divin) oubien de communication (de manipulation politique). Lesréponses de la philosophie ont considérablement, noteMichel Meyer[160], fait progresser la rhétorique ; parallè-lement, les conceptions des rhétoriciens jésuites notam-ment ont apporté à la philosophie la logique formelle etle logicisme.

5.1.2 Philosophies de la rhétorique

La rhétorique comme objet de connaissance et objetd'analyse philosophique a donné lieu à de nombreuses ré-flexions sur la nature du langage et sur le statut de la vé-rité au sein du discours. Les fonctions de la rhétorique etles notions de « pathos » et de « logos » vont passionnerles thèses philosophiques dès la Renaissance, en effet « Iln'est pas un philosophe duXVIIe siècle qui ne pose le pro-blème de la place et de la puissance du logos (...). »[161].

René Descartes a bâti son raisonnement scientifique sur la rhéto-rique. Portrait par Frans Hals.

Francis Bacon (1561 - 1626) est ainsi le premier à propo-ser d'étendre la partie de l'« inventio » au domaine scien-

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5.2 Rhétorique et politique 29

tifique. Tout dans la rhétorique peut aider le savant et lelangage construit peut venir à bout de chaque paradoxeet l'art oratoire est selon lui lié à l'imagination. ThomasHobbes (1588 - 1679) voit lui dans le pathos un dan-ger pour l'entreprise empirique, qui se fonde sur les faitsbruts. La rhétorique est ainsi le langage du pouvoir, duLéviathan, et un mensonge qui permet de contrôler leshommes.Mais c'est surtout René Descartes qui propose unrenouveau, en philosophie, de la rhétorique, à tra-vers son Discours de la méthode (1637). Confondantl'argumentation avec la rhétorique, Descartes voit dansl'art oratoire et ses techniques le moyen d'étudier les « rai-sons » des faits (leurs causes en somme). Il plaide égale-ment pour que la dialectique soit intégrée à la rhétorique ;selon lui une démonstration scientifique ne peut s’enpasser[162]. Enfin, Descartes doit à la partie de l'inventionrhétorique ses quatre préceptes déterminants sa méthodecartésienne. Michel Meyer voit en effet dans ces pré-ceptes, permettant d'étudier un fait, qui sont : l'évidence,la décomposition, la recomposition et le dénombrementsoit les quatre phases de l'invention[163]. Blaise Pascalpropose quant à lui un Art de persuader (1662) et affirmel'irréductibilité du pathos, qu'il formule par l'expressiondu « je ne sais quoi ». Pour lui, la rhétorique doit se can-tonner à l'étude des logiques et ne pas chercher à expli-quer la dimension pathétique de l'orateur.La philosophie moderne va beaucoup revenir sur les ac-quis de la rhétorique. Dans la Dialectique éristique[164](1830 - 1831), le philosophe Schopenhauer explore lesvoies de la controverse. Il considère que la dialectiqueéristique est l'art de la controverse. Il explore les causesde celle-ci puis aboutit à postuler que, dans le discoursrhétorique, la vérité n'existe pas, au contraire du discourslogique.

5.2 Rhétorique et politique

Article détaillé : rhétorique politique.

5.2.1 Véhicule de l'idéologie

Analysé par Constantin Salavastru, dans Rhétorique etpolitique. Le pouvoir du discours et le discours du pou-voir[165], l'art oratoire entretient une « vieille complicitéavec l'art de gérer [la Cité] ». Déjà, en 1815 - 1816 le rhé-toricien français Edgar Quinet remarquait que la rhéto-rique s’est toujours accommodée de l'autorité politique :« Une seule chose s’était maintenue dans les collèges dé-labrés de l'Empire : la Rhétorique. Elle avait survécu àtous les régimes, à tous les changements d'opinion et degouvernement, comme une plante vivace qui naît natu-rellement du vieux sol gaulois »[166]. Enfin, « le discourspolitique est l'archétype du genre dit délibératif »[167].En réalité, pour la linguistique, le discours est naturelle-

ment implicite. La communication et la langue sont enelles-mêmes des systèmes « flous » car soit fragiles (le« bruit » ou le « blanc » peuvent altérer l'échange) soitpolysémiques (un mot a ainsi plusieurs sens réels, desdénotations mais aussi des connotations). Oswald Ducrota ainsi proposé une théorie dite de la « présupposition »dansDire et ne pas dire[168]. À chaque instant de l'échangeles locuteurs et interlocuteurs émettent un ensemble deprésuppositions permettant le décodage dumessage. C'estsur ces présupposés cognitifs que, selon Marc Angenot,l'idéologie et la politique se fondent. Ils les nomment des« idéologèmes » et constate qu'ils accompagnent certainsmots spécifiques, à forte connotation, comme « juif » parexemple, au sein de ce qu'il appelle les « discours so-ciaux », fortement idéologiques.

5.2.2 Rhétorique et démocratie

La manipulation par le verbe et le discours est sou-vent perçue comme un attribut du pouvoir politique.La rhétorique est ainsi considérée comme le cœur dela propagande ou de la démagogie. Or, pour nombred'auteurs, la rhétorique est surtout un instrument démo-cratique.

« La rhétorique prend le masque de la politique et ceux qui ontl'intention de la pratiquer font de même » (Aristote[169]). « Stoad'Attalus », restes de l'agora à Athènes.

Pour Jean-Jacques Robrieux, spécialiste de la rhétoriqueclassique, « s’il n'est pas nécessairement manipulateur, il[le discours politique] est toujours rhétorique, tendu versla persuasion, soit parce qu'il faut se mettre à la portéedu public (cas de la pédagogie) soit parce qu'il existe un

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30 5 DOMAINES DE LA RHÉTORIQUE

antagonisme (cas du judiciaire), ou au moins des diver-gences de vue (cas du délibératif) »[170]. Autrement dit,l'équation selon laquelle la rhétorique est synonyme demanipulation reste un cliché que ni l'histoire, ni l'usagen'infèrent. En effet, pour certains auteurs, paradoxale-ment, la rhétorique ne peut se fonder que sur la libertéindividuelle, ainsi que sur un climat de liberté sociale.Jacqueline de Romilly remarque, sur le plan de la mé-thode historique, que, à Athènes, au siècle de Périclès,la rhétorique progressait d'autant plus que progressait laliberté[171].Pour Philippe-Joseph Salazar, dans Pratiques de la rhé-torique dans la littérature de la fin du Moyen Âge et de lapremière modernité, la rhétorique a permis l'avènementde la démocratie, par le maintien de principes d'équité,tels l'égalité de temps de parole ou le débat contradic-toire. Reprenant le néologisme de la spécialiste du mondegrec en France, Barbara Cassin : « Je citoyenne, nouscitoyennons » [sic][172], Salazar explique que l'art ora-toire se fonde sur trois valeurs démocratiques : ce qui est« juste » (rhétorique judiciaire), ce qui est « utile » (rhé-torique délibérative) et ce qui est « valable » (rhétoriqueépidictique). Pour synthétiser, il voit dans l'enseignementrhétorique le noyau de la démocratie :

« La formation rhétorique sert à établir, au-tant que possible, un équilibre entre la notionfondamentale, en démocratie, que le sens com-mun est également partagé et la réalité brutaleque ce partage s’effectue mal[173]. »

5.3 Rhétorique et psychologie

5.3.1 Un substitut à la violence

Depuis les débuts de la discipline, les auteurs remarquentque la rhétorique recherche en priorité les solutions del'ordre des représentations. Loin de son image actuellede moyen verbal au service de l'idéologie, la rhétoriquea avant tout à voir avec le processus de civilisation et lanotion de catharsis décrite par Aristote. Olivier Rebouldit ainsi :

« La polémique n'est pas la guerre. Elle estmême exactement le contraire, car elle n'estpossible que là où l'on dépose les armes, oucedant arma togae, où le combat fait place audébat. Sans doute le débat peut-il être long,épuisant et cruel. Mais il n'est pas la guerre,la guerre où triomphe la causalité aveugle etla mort. Tant qu'on parle, on ne se tue pas.Mieux encore, dans la joute rhétorique, on neperd ni ne gagne jamais tout à fait par hasard,et ni la victoire ni la défaite ne sont irrémé-diables. Les Anciens n'avaient pas tort de com-parer la rhétorique au sport ; l'un et l'autre cana-lisent l'agressivité humaine et constituent une

victoire de l'art sur la guerre, du raisonnablesur l'arbitraire[174]. »

C'est surtout l'approche « communicationnelle » (étu-diant en quoi la rhétorique est avant tout une méthode decommunication entre personnes) qui s’intéresse à la di-mension psychologique de l'art oratoire. Selon Aron Ki-bédi Varga, dans Rhétorique et littérature[175], « à la basede toute rhétorique il y a le désir de communication ».Pour nombre d'auteurs, les débuts quasi mythiques de ladiscipline, relatés par Aristote, selon qui la rhétorique estnée après que les tyrans de Sicile aient été expulsés parle peuple, au Ve siècle av. J.-C., éclairent cette dimen-sion. Il fallut en effet redistribuer aux paysans les terresconfisquées, ce qui obligea de mettre en place un cadreprocédurier ainsi qu'une technique de prise de parole. End'autres termes, note Joëlle Garde-Tamine, la rhétoriquedevint un substitut à la violence[note 47].

5.3.2 Des processus cognitifs à l'œuvre dans le sys-tème rhétorique

La psycholinguistique a permis au XXe siècle de rele-ver l'importance des processus de cognition que l'orateurou l'interlocuteur mettent en pratique au sein du dis-cours. La mémoire est ainsi particulièrement sollicitée,ainsi que l'imagination, à travers le pourvoir de figuration.Les figures de style sollicitent en effet les compétencesd'imagerie mentale que le cognitivisme a pu mettre enexergue. Rudolf Arnheim, dans La pensée visuelle (1976)énumère les processus cognitifs liés au sens de la vue aux-quels à recours la communication.Déjà, au XVIIe siècle, le cartésien Géraud de Cordemoy,dans son Discours physique de la parole (1668) voyaitdans la rhétorique le résultat de l'interaction intime del'âme et du corps, interaction consistant en « une heureusedisposition du cerveau »[176] qui explique, par exemple,la force du pathos et des affects. S'il manipule, le dis-cours rhétorique agit en premier lieu au niveau sentimen-tal. La publicité redécouvre la puissance suggestive del'art oratoire, que les sémioticiens comme Jacques Du-rand[177] ou Roland Barthes ont étudiée. Roland Barthesvoit ainsi dans la rhétorique un langage général à l'esprit :« Il est probable qu'il existe une seule forme rhéto-rique, commune par exemple au rêve, à la littérature età l'image »[178].Le discours publicitaire[179] se fonde enfin sur la dimen-sion psychologique de la rhétorique. À partir de l’analysed’affiches électorales, Olivier Reboul conclut ainsi quela nature rhétorique de l’image concerne principalementl’èthos et le pathos alors que, au contraire, l’argumenta-tion n'est pas première[180]. Jacques Durand a lui abordéla fonction de l’usage des figures dans le discours de vente.Il propose de considérer la rhétorique de l’image publici-taire comme une rhétorique de recherche du plaisir quipermet au consommateur un double bénéfice : « d’unepart en lui épargnant, le temps d’un regard, l’effort psy-

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5.5 Rhétorique et religion 31

La publicité tente de convaincre sa cible : le consommateur, etpour cela, les figures mais aussi les techniques rhétoriques sontutilisées. Publicités à Times Square, New York.

chique nécessité par « l’inhibition ou par la répression »et, d’autre part, en lui permettant de rêver à un monde oùtout est possible »[181].La manipulation verbale enfin utilise des effets psycho-logiques, plus ou moins conscients. Ainsi, par exemple,cite Chaïm Perelman, le fait de hiérarchiser les valeurs(les qualifications destinées à présenter les idées ou lesfaits) conduit subliminalement à imposer un point de vueà l'auditeur[182]. En effet, « par un curieux effet psycho-logique, ce qui perd en importance devient, par le faitmême, abstrait, presque inexistant » dans la consciencede l'auditoire[183]. Des figures de style permettent ainside jouer particulièrement sur ce genre d'effets (telles lamétabole ou l'amplification par exemple).

5.4 Rhétorique et psychanalyse

Avec le psychanalyste Jacques Lacan apparaît lanotion d'une relation étroite entre la rhétorique etl'inconscient : « Qu’on reprenne donc l’œuvre de Freudà la Traumdeutung pour s’y rappeler que le rêve a lastructure d’une phrase, ou plutôt, à nous en tenir à salettre, d’un rébus, c’est-à-dire d’une écriture, dont lerêve de l’enfant représenterait l’idéographie primor-diale. [...] C’est à la version du texte que l’importantcommence, l’important dont Freud nous dit qu’il estdonné dans l’élaboration du rêve, c’est-ā-dire dans sarhétorique. Ellipse et pléonasme, hyperbate ou syllepse,

régression, répétition, anaphore, apposition, tels sont les« déplacements » syntaxiques, métaphore, catachrèse,antonomase, allégorie, métonymie et synecdoque, les« condensations » sémantiques, où Freud nous apprend àlire les intentions ostentatoires ou démonstratives, dissi-mulatrices ou persuasives, rétorsives ou séductrices, dontle sujet module son discours onirique »[184]. En résumé,il fait coïncider, quant aux procédés de constitution durêve, la condensation de Freud avec la métaphore, etle déplacement avec la métonymie. « La métaphore estconstitutive de l'inconscient », énonce-t-il par ailleurs.

5.5 Rhétorique et religion

La rhétorique prend une forme particulièrement vivanteau sein des grandes religions. Les discours prophétiquesemploient en effet un ensemble de moyens de persuasionallant de l'image (ou « parabole ») à la logique dans lespropos théologiques.

Le « sermon sur la montagne » de Jésus-Christ.

Tout d'abord, la rhétorique et l'analyse du discours sontutilisées pour décrypter les logiques implicites des dis-cours religieux. D. Marguerat et Y. Bourquin, dans LaBible se raconte. Initiation à l’analyse narrative posentainsi les bases de cette dimension descriptive de la disci-pline rhétorique. La rhétorique sémitique est par ailleursune forme de composition littéraire propre aux textes bi-bliques ou coraniques. Elle est étudiée en tant que telledepuis au moins le IXe siècle. Michel Cuypers indiquequ'Al-Mutazz tentait déjà de définir, en 887, de quellemanière la structure des textes arabo-musulmans se dif-férenciait de la rhétorique grecque. Cependant, il faut at-tendre le XVIIIe siècle, avec les travaux de Robert Lowth,pour que la rhétorique sémitique soit développée par lalinguistique.

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32 5 DOMAINES DE LA RHÉTORIQUE

Pour Philippe-Joseph Salazar, citant Georges Dumé-zil[185], les religions font souvent le lien entre la rhétoriqueet la justice. Il prend ainsi comme exemple la déesse Vacdans l'hindouisme, dont le nom signifie « la Voix » et qui,dans le Rig-Veda préside aux arts de la parole ainsi qu'aulien social, par la justice rendue[186]. Pour certains MichelMeyer, la rhétorique a une fonction sociale liée au sacré.Selon lui, le processus de « rhétorisation » est aussi celuid'un rationalisme de plus en plus réflexif destiné à leverles superstitions. Il explique en effet que

« La rhétorisation du discours fait suite àl'effondrement des vieux mythes explicatifs del'univers et de l'arrangement social en vigueur.Les mythes étaient de belles histoires, desfables, chefs-d’œuvre de style et d'éloquence, etils vont d'ailleurs apparaître comme tels, per-dant ainsi leur crédibilité initiale[187]. »

Si la rhétorique est née en Grèce ce n'est pas un ha-sard, c'est aussi le lieu qui a produit le discours ration-nel et scientifique ; dans cette optique la rhétorique, parla dialectique, a une fonction contre-religieuse.

5.6 Rhétorique et stylistique

Article détaillé : Stylistique.

La rhétorique, née dans le milieu judiciaire, couvre po-tentiellement l’ensemble des messages sociaux, y comprisles textes à visée esthétique. La pensée classique avait en-visagé, à côté de la rhétorique, l’existence de la poétique,œuvrant dans le monde de l'imaginaire et ce dès les dé-buts de l'art oratoire. Aristote a ainsi écrit une Poétique,même si c'est à la Renaissance surtout que se multiplientles traités de poétique. Mais les textes à visée esthétique,parce qu'ils appartiennent à l’espace du vraisemblable, re-lèvent aussi d'une rhétorique comprise dans un sens large.De sorte qu'entre poétique et rhétorique, les passages sontpossibles : des concepts élaborés dans le cadre de la se-conde ont été sans difficultés transposés à la première.La poétique est ainsi devenue avec le temps une disciplineà part, la stylistique, utilisée actuellement, dans le milieuuniversitaire comme étant la science de la production lit-téraire, au sens de création d'un discours spécifique. Elle« étudie la valeur affective des faits du langage organisé,et l’action réciproque des faits expressifs qui concourent àformer le système desmoyens d’expression d’une langue »selon Charles Bally[188]. Au XXe siècle, se nourrissant desapports de la sémiologie des années 1970 (avec RolandBarthes et le Groupe µ surtout), cette poétique se mue enstylistique qui se définit ainsi comme la « discipline quia pour objet le style, qui étudie les procédés littéraires,les modes de composition utilisés par tel auteur dans sesœuvres ou les traits expressifs propres à une langue »[189].La stylistique aujourd'hui se focalise sur l'énonciation, sur

La stylistique s’attache à mettre en lumière la spécificité du texte.

les figures de style et sur la narratologie parmi les do-maines les plus importants.

5.7 Rhétorique et enseignement

Le jeune Cicéron lisant, fresque de Vincenzo Foppa de Brescia,datée vers 1464.

Dès l'Antiquité, la rhétorique est enseignée. Isocrate yvoit la condition d'une formation exemplaire de l'esprit ci-toyen, parallèlement à la formation physique, par le sportet la musique. En Grèce comme à Rome, l'enseignementse fondait sur la connaissance parfaite des textes clas-siques et sur la rédaction de commentaires, à l'écrit ouà l'oral. Ces commentaires consistaient en des éloges depersonnages d'autorité. L'« invention », qui persiste en-core aujourd'hui au Baccalauréat, devait permettre de senourrir du style de ces auteurs. De 7 à 15 ans l'élève(garçon ou fille) est sous la tutelle d'un « grammairien »(« magister ») ; à 15 ans il est enseigné par un « rhéteur »(« rhetor ») qui lui apprend l'éloquence. Il s’agit dès lorsd'étudier la rhétorique et non plus seulement de la pra-tiquer. Les exercices préparatoires (« progymnasmata »et « declamationes ») permettaient d'évaluer les élèves.Or, note Joëlle Gardes-Tamine, le but de ces enseigne-

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6.1 Références 33

ments était double[190] : développer l'esprit critique d'unepart (former le citoyen) mais aussi développer l'espritcréatif[191]. Les jésuites reprendront l'enseignement tra-ditionnel romain, en y incluant la pratique du théâtre. Cen'est qu'au XVIIIe siècle que les auteurs français commeBossuet ou Racine deviennent objets d'étude rhétorique.À l'époque contemporaine, l'enseignement de la rhéto-rique connaît un net repli. En France, le républicanismeoscille, à partir du XIXe siècle, entre un usage de larhétorique dans la formation du citoyen par l'école etle rejet de la rhétorique, d'après Philippe-Joseph Sala-zar[réf. nécessaire]. C'est finalement l'attitude de rejet quil'emporte, le déclin de l'art oratoire aux programmesétant consommé depuis Jules Ferry, en 1902. Cepen-dant, il y a périodiquement des débats concernant saréintroduction[192]. Pourtant l'histoire littéraire portantsur la rhétorique témoigne d'un intérêt croissant depuisles années 1970, en France comme dans les pays anglo-saxons.Au Québec, pour des raisons historiques et culturelles,la rhétorique fut largement enseignée via ce qu'on ap-pelait le cours classique, une formation qu'offrait la plu-part des collèges francophones du Canada jusque dansles années 1960. Ce programme découlait du modèled'enseignement créé par les jésuites au début de la co-lonie, avant la conquête anglaise.

6 Notes et références

6.1 Références[1] Ruth Amossy, p. 6.

[2] Quintilien, ch.II, 15, 34.

[3] Michel Blay,Dictionnaire des concepts philosophiques, La-rousse, CNRS éditions, 2005, (ISBN 2-03-582657-8), en-trée « Rhétorique », p. 727.

[4] Joëlle Gardes-Tamine, p. 8

[5] Aristote, I, II, 1355b.

[6] Roland Barthes, « L'ancienne rhétorique : aidemémoire »,in L'aventure sémiologique, Points Essais, Seuil, Paris,1985, p. 173

[7] Cité par Chaïm Perelman, p. 33

[8] Cité par Chaïm Perelman, p. 58.

[9] Michel Meyer, p. 5

[10] Jean-Jacques Robrieux, p. 2.

[11] Michel Meyer, p. 326.

[12] Joëlle Gardes-Tamine, p. 11.

[13] Michel Meyer, p. 329.

[14] Cicéron, XXXVII.

[15] MichelMeyer, p. 280 : « En fait, une institution oratoire serepère à son autonomie dans le traitement des problèmes,qui tient à la présence des trois composantes êthos-pathos-logos en son sein. ».

[16] Michel Meyer, p. 7.

[17] « la rhétorique, loin de se restreindre, s’est métastaséeau prix d'une unité de champ perdue. », explique MichelMeyer, p. 9.

[18] Michel Meyer, p. 10.

[19] Joëlle Gardes-Tamine, p. 11.

[20] Jean-Jacques Robrieux, p. 3.

[21] Michel Meyer, p. 3

[22] Il ajoute que lemot « rhétorique » est employé de nos joursau même titre que des expressions comme « cinéma » ou« cirque », in Jean-Jacques Robrieux, p. 11

[23] Philippe Breton, in L’argumentation dans la communica-tion, 1996, p. 16.

[24] Quintilien, vol. I, livre II, ch. XX §7.

[25] Cicéron, XXXVI.

[26] Michel Meyer, p. 13.

[27] Michel Meyer, p. 295-297.

[28] Aristote, I, I, 1355b.

[29] Michel Meyer, p. 2.

[30] Gérard Genette, « La rhétorique restreinte », in FigureIII, Seuil, Paris, 1972, pp. 21-40, également publié dansla revue Communications, 1970, no 16, pp. 158-171,consultable en ligne.

[31] Paul Ricœur, La Métaphore vive, p. 13.

[32] François Jullien, Le détour et l'accès. Stratégies du sens enChine, en Grèce, Grasset, Paris, 1995.

[33] Ellen E. Facey,Nguma Voices. Text and Culture from Cen-tral Vanuatu, University of Calgary Press, 1988.

[34] David B. Coplan, In the Time of Cannibals, The WorldMusic of South Africa’s Basotho Migrants, University ofChicago Press, 1994.

[35] David Hutto, « Ancient Egyptian Rhetoric in the Old andMiddila Kingdoms », in Rhetorica, 20, 3, 2002.

[36] Y. Gitay, Isaiah and his Audience. The Structure and.Mea-ning of Isaiah 1-12, Studia Semitica Neerlandic, Van Gor-cum, Assen et Maastrich, 1991.

[37] [image] Statue de Polymnie. Marbre, œuvre romaine duIIe siècle ap. J.-C. Provenance : villa de Cassius près deTivoli découverte en 1774.

[38] Polymnie sur le site Cosmovisions.

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34 6 NOTES ET RÉFÉRENCES

[39] Voir le site du colloque « Femmes, rhétorique et élo-quence sous l’Ancien RégimeUniversité » qui s’est tenu auQuébec, à Rimouski les 13-15 septembre 2007, résumésdes interventions consultables en ligne.

[40] Voir sur ce point et pour plus de détails l'ouvrage deLaurent Pernot, La rhétorique dans l'Antiquité, Ldp Ré-férences, no 553, 2000, (ISBN 2253905534).

[41] « Article Rhétorique » par Philippe Roussin, p. 167, inNouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du lan-gage, Paris, 1995.

[42] Cette origine, peut être mystifiée, de la rhétorique est rap-portée notamment dans l'article « L'ancienne rhétorique »de Roland Barthes, p. 90 in L'aventure sémiologique, Paris,1985 ainsi que par Jean-Jacques Robrieux, p. 7.

[43] Jacob Burckhardt, Histoire de la civilisation grecque(1898-1902).

[44] Henri-Irénée Marrou, p. 85.

[45] Voir le discours de Gorgias : Défense d'Hélène, 9.

[46] Platon, Phèdre [détail des éditions] [lire en ligne] 261a,271b

[47] Platon, Phèdre, 265d-271c.

[48] Jean-Jacques Robrieux, p. 11.

[49] Jean-Jacques Robrieux, p. 13.

[50] Voir le chapitre correspondant, inMichelMeyer, p. 47-52.

[51] « L'ancienne rhétorique » de Roland Barthes, p. 97 inL'aventure sémiologique, Paris, 1985.

[52] Pour une étude de cet ouvrage voir le site d'Agnès Vinas.

[53] Roland Barthes, p. 97.

[54] Quintilien, II, 20, 9.

[55] Roland Barthes, p. 99.

[56] Quintilien, livres VIII à X.

[57] Michel Meyer, p. 30-31.

[58] Jean-Jacques Robrieux, p. 15.

[59] Michel Cuypers, entrée « Rhétorique et structure » inDictionnaire du Coran, p. 759 explique que la rhétoriquearabe a su profiter de celle des Grecs. Beaucoup de nomsde figures de style sont en effet calquées sur les nomsgrecs.

[60] Dictionnaire du Coran, p. 759

[61] Aristote, I, 1, 1354a.

[62] Michel Meyer, p. 92.

[63] Voir sur ce sujet la Thèse : La théorie et la taxonomie destropes dans les ouvrages rhétoriques du Collège de Presle

[64] Jean-Jacques Robrieux, p. 24.

[65] Michel Meyer, p. 151.

[66] Michel Meyer, p. 144.

[67] Michel Meyer, p. 153.

[68] Michel Meyer, p. 189.

[69] Michel Meyer, p. 198.

[70] Des Tropes ou Des diferens sens dans lesquels on peutprendre un même mot dans une même langue (sic)

[71] Michel Meyer, p. 227.

[72] Voir l'Introduction de Gérard Genette, in Pierre Fontanier,p. 6.

[73] Michel Meyer, p. 230.

[74] Les Contemplations, (1856), « Réponse à un acted'accusation », I, 7.

[75] (en) The Ends of Rhetoric : History, Theory, Practise, J.Bender, D. E. Wellbery éd., Stanford, 1990. (Non encoretraduit en Français).

[76] La lecture du chapitre « la période contemporaine », inMichel Meyer, p. 247-287 est recommandée pour prendreconnaissance de la complexité des conceptions modernes.

[77] Michel Meyer, p. 252.

[78] « [...] c'est à l'idée d'évidence, comme caractérisant laraison, qu'il faut s’attaquer si l'on veut faire une place àune théorie d'argumentation, qui admette l'usage de la rai-son pour diriger notre action et pour influencer sur cellesdes autres. »in Chaïm Perelman et Lucie Olbrecht-Tyteca,Traité de l'argumentation, la nouvelle rhétorique, 1958, p.4. cité dans La nouvelle rhétorique, Dictionnaire Culturelen langue française sous la direction d'Alain Rey 2006, p.322.

[79] L'Empire rhétorique, Paris, Vrin, 1988, p. 23

[80] Jean-Jacques Robrieux, p. 27.

[81] Roland Barthes, p. 49-50.

[82] Rhétorique et image publicitaire, paru dans la revue Com-munications, no 15, 1970, pp. 70-95.

[83] L'Homme de parole, Fayard, Folio-Essais, 1985, pp. 310-311.

[84] (en) Richards, The Philosophy of Rhetoric, New York :Oxford, 1936, p. 3.

[85] La revue Kairos est disponible en ligne.

[86] Chaïm Perelman, p. 198.

[87] (de) Walter Jens, Von deutscher Rede, 1969.

[88] Olivier Reboul, p. 55.

[89] Philippe Roussin, p. 168.

[90] Aristote, livre III 1414a30-1414b10.

[91] George Molinié, p. 209.

[92] Rhétorique à Herennius, I, 3.

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6.1 Références 35

[93] Aristote, I, 1358a.

[94] Chaïm Perelman, p. 38-39 propose de voir dans le dis-cours épidictique un genre davantage éducatif, source dela philosophie pratique.

[95] Aristote, p. 1356a.

[96] Aristote, I, 1375a - 1377b.

[97] Voire la rumeur publique selon la Rhétorique à Hérennius,II, 12.

[98] Jean-Jacques Robrieux, p. 19.

[99] en latin « argumentum » selon Quintilien

[100] Quintilien, V, 10, 1.

[101] La section consacrée aux lieux rhétoriques de cet articleest fondée sur : Georges Molinié, p. 223-241.

[102] Georges Molinié, p. 234.

[103] Cicéron, p. 46.

[104] Voir à ce sujet La littérature européenne et le Moyen Âgelatin, de Curtius, 1948 pour une étude des thèmes et lieuxcommuns de la littérature européenne.

[105] Olivier Reboul, p. 71.

[106] Joëlle Gardes-Tamine, p. 97.

[107] Rhétorique à Herennius, III, 16.

[108] Rhétorique à Herennius, V, 12, 14.

[109] Rhétorique à Herennius, IV, 3, 15.

[110] Chaïm Perelman, p. 52.

[111] Rhétorique à Herennius, IV, 17.

[112] Cicéron, Divisions de l'art oratoire, V, 16.

[113] Rhétorique à Herennius, IV, 11.

[114] Rhétorique à Herennius, II, 3, 8.

[115] Olivier Reboul, p. 74.

[116] Victor Hugo, Préface de Cromwell.

[117] Quintilien, II, 13, 11.

[118] Répondant à la question : « quelle est la première quali-té de l'orateur ? » Démosthène répondit : « l'action ; et laseconde : l'action ; et la troisième : l'action », in Cicéron,Brutus, 142.

[119] Cicéron, XVII, 54.

[120] Leo H. Hoek, Kees Meerhoff, Rhétorique et image, Ro-dopi, 1995, p. 105

[121] Rhétorique à Herennius, III, 19-20.

[122] Entrée « Chironomie » du Trésor Informatisé de la LangueFrançaise.

[123] Quintilien, XI, 3, 102 donnait néanmoins déjà un en-semble de règles chironomiques.

[124] Antoine Fouquelin, p. 443.

[125] Brutus, 140, 215 et 301 notamment.

[126] Quintilien, XI, 2.

[127] Rhétorique à Herennius, III, 28.

[128] Cicéron, II, LXXXVII, 352-353.

[129] Frances Yates, p. 118.

[130] Pour Olivier Reboul la rhétorique se compose del'argumentatif et de l'oratoire, c'est-à-dire de l'affectifdans le discours, de la subjectivité du locuteur, soit lesfigures de style.

[131] Chaïm Perelman, p. 31. Il faut rappeler que pour Perel-man « argumentation » et « rhétorique » sont des notionséquivalentes.

[132] Blaise Pascal, Pensées, 470.

[133] Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, PUF, 1927,p. 634.

[134] Chaïm Perelman, p. 33.

[135] Chaïm Perelman, p. 36.

[136] Entrée « Orateur » du Trésor Informatisé de la LangueFrançaise.

[137] Entrée « Rhéteur », opcit.

[138] Isocrate, Nicoclès, 8.

[139] Jean Starobinski, sous la direction de Pierre Nora, LesLieux de mémoire, Gallimard, Quarto, 1997, 3 tomes.

[140] Joëlle Gardes-Tamine, p. 35.

[141] Marc Fumaroli, « La conversation », in Trois Institutionslittéraires, Gallimard, 1994. Il cite, comme personnalitésféminines représentant cette institution de la conversation :Madame de Sévigné, Anna de Noailles par exemple.

[142] Quintilien, XII, I. Pour une histoire de cet adage, voirl'article de Sophie Aubert, Stoïcisme et romanité. L’orateurcomme « homme de bien habile à parler » en ligne [PDF].

[143] « Pour une renaissance de l'art citoyen de rhétorique.Quelques remarques », in Pratiques de la rhétorique dansla littérature de la fin du Moyen Âge et de la première mo-dernité, Dominique de Courcelles, 2008, p. 4.

[144] Olivier Reboul, p. 99.

[145] Joëlle Garde-Tamine, p. 70

[146] Jean-Jacques Robrieux, p. 37.

[147] Chaïm Perelman, p. 27. Aristote dans les Topiques en aégalement parlé, 101, a. et b.

[148] Jean-Jacques Robrieux, p. 32.

[149] Joëlle Gardes-Tamine, p. 130

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36 6 NOTES ET RÉFÉRENCES

[150] « ratio probationem praestans, qua colligitur aliud peraliud, et quae quod est dubium per id, quod dubium nonest, confirmat » in Quintilien, V, 10, §11.

[151] La plupart des arguments cités, ainsi que le mode de clas-sement, proviennent de la classification de Jean-JacquesRobrieux, p. 94-167. La classification de Chaïm Perel-man, p. 98-145 en est très proche.

[152] Port-Royal, Logique, 3e partie, chapitres XIX et XX pourl'essentiel.

[153] Perelman affirme que les arguments quasi-logiques étaienttrès employés dans l'Antiquité, lorsque la pensée scien-tifique d'allure mathématique était moins développée, inChaïm Perelman, p. 80.

[154] Jean-Jacques Robrieux, p. 154.

[155] [Où ?]Bertrand Buffon.

[156] Chaïm Perelman, p. 23.

[157] Michel Meyer, p. 89.

[158] Rapport étudié par Alain Michel dans Les rapports de larhétorique et de la philosophie dans l'œuvre de Cicéron,Peeters Publishers, 2003, (ISBN 9042912723).

[159] Chaïm Perelman, L. Olbrechts-Tyteca, et Émile Bré-hier, Rhétorique et philosophie pour une théorie del'argumentation en philosophie, PUF, 1952, (ASINB0017V7Y64).

[160] Michel Meyer, p. 152-153.

[161] Michel Meyer, p. 173.

[162] René Descartes, Règles pour la direction de l'esprit, « règleX ».

[163] Michel Meyer, p. 181.

[164] Parfois publiée en France sous le titre L'Art d'avoir tou-jours raison.

[165] Constantin Salavastru, Rhétorique et politique. Le pou-voir du discours et le discours du pouvoir, ÉditionsL'Harmattan, coll. « Psychologie politique », 2005, 215p., (ISBN 2747576523) consultable en ligne.

[166] Edgar Quinet : Histoire de mes idées, autobiographie,œuvres Complètes, tome X, éd. Germer-Baillière, Paris,1880, pp. 166-167.

[167] selon Bertrand Buffon Bertrand Buffon, p. 331.

[168] Oswald Ducrot, Dire et ne pas dire, Herman, 1991.

[169] Aristote, I, 2, 1356a.

[170] Jean-Jacques Robrieux, p. 39.

[171] Jacqueline de Romilly, Les grands sophistes dans l'Athènesde Périclès, 1988, p. 78, cité par Gardes-Tamine, p. 15.

[172] in L'Effet sophistique, Gallimard, 1995. Le néologismeverbal provient en réalité du sophiste grec Antiphon.

[173] « Pour une renaissance de l'art citoyen de rhétorique.Quelques remarques », in Pratiques de la rhétorique dansla littérature de la fin du Moyen Âge et de la première mo-dernité, Dominique de Courcelles, 2008, p. 3.

[174] Olivier Reboul, p. 121.

[175] A. Kibédi Varga, p. 20.

[176] Michel Meyer, p. 184.

[177] Article « Rhétorique et image publicitaire », in revueCommunications, no 15, 1970, p. 70-95 disponible enligne.

[178] Roland Barthes, revue Communications no 4, p. 50

[179] « Le discours publicitaire a pour but de promouvoir unproduit pour en faciliter la vente. il relève ainsi de deux destrois grands genres rhétoriques : le délibératif qui conseilleet l'épidictique, qui loue », in Bertrand Buffon, p. 393 ;Michel Meyer, p. 282 dit quant à lui : « La publicité estla rhétorique par laquelle l'offre se fait connaître de la de-mande et cherche à la susciter en fonction des problèmesque les produits prétendent résoudre. À l'inverse de lalittérature, la publicité joue sur le modulation de la dis-tance ».

[180] Olivier Reboul, p. 92-93.

[181] Martine Joly, Introduction à l’analyse de l’image, p. 75.

[182] « Des expressions telles que « sinon », « à l'exception de »,minimisent le fait qu'elles introduisent », in Chaïm Perel-man, p. 71.

[183] Chaïm Perelman, p. 59.

[184] Jacques Lacan, « L’instance de la lettre dans l’inconscientou la raison depuis Freud » in Écrits, Seuil, coll. « Lechamp freudien », 1966.

[185] in Apollon sonore et autres essais. Vingt-cinq esquisses demythologie, Gallimard, Paris, 1987, pp. 11-24.

[186] La déesse Vac apparaît dans l'hymneX, 125 du Reg-Veda.

[187] « Aristote et les principes de la rhétorique contempo-raine », Michel Meyer, introduction à Aristote, Rhéto-rique, Livre de Poche, 1996, p. 9.

[188] Charles Bally, Traité de stylistique française, vol. 1, 1.

[189] Définition du Trésor Informatisé de la Langue Française.

[190] Joëlle Gardes-Tamine, Rhétorique, p. 29, fiche sur« l'enseignement de la rhétorique ».

[191] L'auteur de la Rhétorique à Herennius, II, 4, 7 dit ainsi :« La nature qui me donnera le moins d'espérance, chez lesenfants, est celle où la faculté critique se développe plustôt que l'imagination. »

[192] Voir la circulaire ministérielle publiée dans le B.O. no 6,12 août 1999, qui pose que« la maîtrise progressive del'expression est un élément essentiel dans l'accès à la ci-toyenneté » reprise dans le journal Libération, numéro defévrier-mars 2000 en ligne, par HélèneMerlin, et citée parP-J Salazar.

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6.2 Notes 37

6.2 Notes

[1] . Le document d’accompagnement des programmes defrançais pour la voie générale série littéraire, novembre2006, p. 8, stipule en effet qu’« en seconde les élèvesont été amenés à réfléchir à la différence entre un moderationnel et un mode affectif de l’argumentation (endistinguant entre démontrer et convaincre, d’une part,et persuader, d’autre part » « consultable en ligne »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), consulté le 2013-11-07.

[2] Le chapitre « La problématologie comme clé pour l'unitéde la rhétorique » in Michel Meyer, p. 289-293.qui pré-sente toutes les conceptions historiques autour de la défi-nition de rhétorique.

[3] Joëlle Gardes-Tamine, p. 10. Joëlle Gardes-Tamineajoute que selon Isocrate la parole est l'instrument del'intelligence et la rhétorique différencie les hommes desanimaux mais aussi les Grecs des « barbaros », des étran-gers. Par ailleurs on peut voir dans la dichotomie moderneà propos du langage, divisé en une fonction cognitive et unefonction communicative la reconduction de ces postulatsfondateurs.

[4] Roland Barthes résume ainsi l'ambivalence de l'êthos aris-totélicien : « ce sont les traits de caractère que l’orateurdoit montrer à l’auditoire (peu importe sa sincérité) pourfaire bonne impression : ce sont ses airs. L’orateur énonceune information, et en même temps il dit : « je suis ce-ci, je ne suis pas cela ». », Roland Barthes, « L’anciennerhétorique », in Communications, 16, 1966, p. 212.

[5] « Péj.. Ensemble de procédés d'éloquence apprêtés, décla-matoires et pompeux. », in entrée « Rhétorique », TrésorInformatisé de la Langue Française.

[6] « Rhétorique » ou « rhéto » est également un belgicismepour désigner la Terminale. En France, elle a constituéun enseignement, au programme de l’enseignement secon-daire qui disparut en 1902.

[7] Michael Purves-Smith, George Frideric Händel’s. MusicalTreatment of Textual Rhetoric in His Oratorio, Susanna..Il s’agit d'une étude de la rhétorique en musique. L'auteurmontre comment Händel construit des figures de rhéto-rique grâce aux rythmes, aux tons, à l’usage de la pédaleet aux arrangements vocaux. Certaines figures de stylepeuvent également être transposées en musique, c'est lecas de la métonymie, de la métaphore, de l’hypotypose etde la synecdoque.

[8] Il existait aux Jeux olympiques antiques des concours ora-toires qui vont inspirer les joutes oratoires médiévales.

[9] Dans le dialogue Le Gorgias rapporté par Platon, le so-phiste délivre les clés de son art à Socrate.

[10] Légende de l'image : Luca della Robbia, 1437 - 1439. Pan-neau en marbre provenant de la façade nord, registre infé-rieur, du campanile de Florence.

[11] Du grec ancien signifiant « formation des âmes par la pa-role ».

[12] Voir les travaux de Barbara Cassin et notamment Le Plai-sir de parler : études de sophistique comparée.

[13] Il s’agit en réalité de trois livres.

[14] C. Benoît dans son Essai historique sur les premiers ma-nuels d'invention oratoire, Vrin, 1984, p. 4, explique ainsila postérité d'Aristote. Il cite Cicéron faisant l'éloge duphilosophe grec comme une démonstration de cette in-fluence indéniable : « Tous les anciens rhéteurs, depuisTisias, le premier de tous et l'inventeur de l'art, ont été ras-semblés en un seul corps par Aristote, qui recueillit avec leplus grand soin le nom de chacun d'eux et les préceptes quileur appartenaient, les exposa avec autant de netteté qued'exactitude, et les éclaircit par d’excellentes explications :il surpassa tellement ses premiers maîtres par l'élégance etla précision de son style que personne ne va plus chercherleurs leçons dans leurs propres ouvrages, et que tous ceuxqui en veulent prendre quelque connaissance ont recoursà Aristote comme à un interprète bien plus facile. », inCicéron, II, 38.

[15] Aristote, I, 1355a. qui développe particulièrement cepoint.

[16] Il s’agit de l'enseignement romain du latin. Voir pour plusde détails historiques « L'école du grammaticus » en ligne.

[17] Chaïm Perelman, p. 20 confirme ce point de vue maisporte le préjudice de Ramus sur la tradition héritéed'Aristote. Il explique que Ramus « enlève à la rhétoriqued'Aristote ses deux parties essentielles, l'invention et ladisposition, pour ne lui laisser que l'élocution. » De là datela rhétorique des figures.

[18] Michel Meyer, p. 160 explique en effet : « L'absolutismemonarchique qui se met lentement en place produira soncadre esthétique propre, le classicisme ».

[19] Michel Meyer explique qu'il s’agit d'« une montée des évi-dences rationnelles et sensibles ».

[20] Michel Meyer, p. 221 : « Mais la Révolution aidant, c'estfinalement la thèse la plus radicale, celle des grammai-riens philosophes, celle de l'universalité du logos, qu'ill'emportera », avec notamment Antoine Rivarol.

[21] « Le souci fondamental de Fontanier, qui s’était déjà ex-primé avec force dans sa critique de Dumarsais, c'est eneffet de définir ce concept le plus rigoureusement possible,dans son extension et sa compréhension, et de dresser uninventaire scrupuleusement fidèle, dans le détail de ses ex-clusions et de ses annexions, à la lettre et à l'esprit de ladéfinition. » in l'Introduction de Gérard Genette, in PierreFontanier, p. 9.

[22] Michel Meyer cite, entre autres : le Candidatus rhetori-cae du jésuite Joseph de Jouvancy, le Traité des études deCharles Rollin, laNouvelle rhétorique de Joseph-Victor LeClerc (1789 - 1865).

[23] À noter qu'en dépit de ces attaques, les romantiques n'ontpas totalement refusé d'employer la rhétorique parlemen-taire, brillante et techniciste. Victor Hugo, dans Réponseà un acte d'accusation par exemple, comme Alphonse deLamartine par ailleurs, mettront en œuvre les discours lesplus éloquents de l'historie de la République française.

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38 7 VOIR AUSSI

[24] L'universitaire Antoine Compagnon parle même du« meurtre de la rhétorique », in Marc Fumaroli, p. 1215-1247.

[25] L'ouvrage Chaïm Perelman résume le Traité.

[26] Le « tournant rhétorique » en anglais.

[27] Le genre judiciaire est ainsi très présent dans la tragédie,où les conflits abondent alors que le genre épidictique seretrouve en poésie.

[28] « Les preuves administrées par le moyen du discours sontde trois espèces : les premières consistent dans le carac-tère de l’orateur ; les secondes, dans les dispositions oùl’on met l’auditeur ; les troisièmes dans le discours même,parce qu’il démontre ou parait démontrer », in Aristote,Livre I, 2, 1356a-1.

[29] « la rhétorique a créé une véritable psychologie, dont pro-fitera toute la littérature en particulier le théâtre. Toutel'analyse des sentiments et des passions dérive de la rhéto-rique » explique Olivier Reboul, p. 60.

[30] Illustration d'un poème d'Omar Khayyam, tr. EdwardFitzgerald : The Rubaiyat of Omar Khayyam (1905-1912)

[31] Le mot grec « topoï » se traduit par « lieu géographique »,mais aussi « sphère, cercle, source, puits » d'après GeorgesMolinié, p. 234. Il est l'équivalent technique du terme de« lieu rhétorique », qui ne se confond pas, en stylistique,avec le lieu commun, appelée aussi « cliché ». Pour Oli-vier Reboul il existe en fait trois sens de ce mot, qui pro-duisent les ambiguïtés les plus complexes de l'histoire dela rhétorique, in Olivier Reboul, p. 62-64.

[32] Il s’agit selon Olivier Reboul de l'usage d'« inventaire » dela partie rhétorique de l'invention, qui est, par définition,création d'arguments via le talent de l'orateur.

[33] Par exemple, Joëlle Gardes-Tamine, p. 103-111 cite etanalyse le poème de Charles Baudelaire, L'Albatros, unelettre de les Liaisons dangereuses de Choderlos de Lacloset un extrait de l'acte V, scène 7 de la pièce Bérénice deJean Racine.

[34] L'auteur de la Rhétorique à Herennius distingue lui 6 par-ties : l'exorde, la narration, la division, la confirmation, laréfutation et la conclusion alors que Cicéron n'en retientque deux fondamentales : l'exposition et la démonstration.

[35] Selon A. Kibédi-varga, p. 16 « elle recouvre à peu près ceque nous entendons aujourd'hui par stylistique ».

[36] La notion de « style » est parmi les plus complexes etles plus irréductibles à l'analyse de la linguistique. Pour J.Marouzeau (in Introduction au Traité de stylistique latine,p. 14) le style est « l’attitude que prend l’usager, écrivantou parlant, vis-à-vis du matériel que la langue lui four-nit » alors que pour le linguiste allemand Leo Spitzer c'est« la mise en œuvre méthodique des éléments fournis parla langue ».

[37] Le « style littéraire » correspond au genre rhétorique dudémonstratif, appelé également par Hermogène le « genrepanégyrique » car il fait l'éloge de quelque chose ou dequelqu'un.

[38] Voir notamment l'ouvrage de Frances Yates.

[39] Aristote en parle néanmoins dans De l'âme, appendice« De Memoria et reminiscentia ».

[40] C'est le cas de Chaïm Perelman, professeur de droit, quiréduit la rhétorique au champ argumentatif, notammentdans Chaïm Perelman.

[41] Richard Rorty et Ian Hacking postulent néanmoins queles énoncés scientifiques eux-mêmes ont constitutivementun statut rhétorique, car ils sont conjecturaux et vrai-semblables, donc toujours remis en question, qui est àrapprocher de la théorie de Thomas Samuel Kuhn, enépistémologie, selon laquelle les paradigmes scientifiquesse distinguent des autres par leur réfutabilité.

[42] Le syllogisme est connu en latin sous l'expression «modusponendo ponens » signifiant « manière d'affirmer, d'établiren affirmant » ou par contraction « modus ponens »).

[43] L'étymologie dumot « sorite » se réfère aumot grec « tas »car c'est à l'origine un paradoxe relatif à la constitutiond'un tas de grains, soutenu par le dialecticien Eubulide.

[44] Olivier Reboul, p. 122 distingue par ailleurs les « figuresde rhétorique », qui jouent un « rôle persuasif » et quiforment une classe de procédés fonctionnels, des figuresautres dites « non-rhétoriques » et qui peuvent être « poé-tiques, humoristiques et lexicales ».

[45] Lorsque l'argument prend la forme d'une menace de vio-lence, on parle de « commination ».

[46] Bertrand Buffon, p. 16 énumère quatre facteurs militanten faveur d'un « apprentissage renouvelé de la rhétoriqueet de la dialectique » : a) un premier d'ordre historiqueet politique (elle permet le débat citoyen), b) un facteurd'ordre technique et économique, c) un facteur social etculturel (« la maîtrise de la parole est un facteur de dis-crimination sociale ») et d) un facteur ontologique (ellefacilite la connaissance, du monde et de soi).

[47] Il existe ainsi de nombreuses notions rattachées à la rhé-torique qui possèdent une étymologie proche du champlexical de la guerre. Ainsi, « agône », qui signifie les « dé-bats d'idées » sont aussi les « combats physiques » en grecancien ; l'« éristique » est la « discussion contradictoire »mais elle signifie avant tout « la querelle ».

7 Voir aussi

7.1 Articles connexes

• Argumentation

• Art de mémoire

• Analyse du discours

• Propagande

• Rhétorique politique

• Rhétorique sémitique

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8.1 Traités et ouvrages historiques 39

• Sophisme

• Dialectique

• Éristique

• Raisonnement

7.1.1 Wikisource

• La Rhétorique d'Aristote

• Le Monde comme volonté et comme représentationd'Arthur Schopenhauer, chapitre XI « À propos de larhétorique »

• Gorgias ou sur la Rhétorique de Platon

7.2 Liens externes

• Définitions lexicographiques et étymologiques de« Rhétorique » du Trésor de la langue françaiseinformatisé, sur le site du Centre national de res-sources textuelles et lexicales

• Introduction à la rhétorique, cours de Carine Duteil-Mougel - ATILF / CNRS Nancy.

• Les ouvrages classiques antiques sur la rhétorique entexte intégral

• Les figures de style recensées dont certaines illus-trées par différents médias

• Lexique des figures de style de l'Office québécois dela langue française

• La mise en scène du discours par Jean-Pierre vanElslande, 2003, département de Français moderne,Université de Neuchâtel. Étude complète de la rhé-torique.

• Introduction à la rhétorique

• Fleurs de rhétorique : articles et thèmes sur la rhéto-rique

• Rhétorique & argumentation, par Françoise Douay-Soublin

8 Bibliographie

• Luc Brisson (dir.), Phèdre : Platon, Œuvres Com-plètes, Éditions Gallimard, 2008 (1re éd. 2006)(ISBN 978-2-0812-1810-9)

8.1 Traités et ouvrages historiques

• Platon, Gorgias, Paris, Flammarion, coll. « GarnierFlammarion / Philosophie », 1993, 380 p. (ISBN2080704656)Texte intégral en ligne

• Aristote (trad. Michel Magnien), Poétique, Paris,LGF, coll. « Livre de Poche », 1990, 216 p. (ISBN2253052418)Texte intégral en ligne

• Aristote (trad. Pierre Chiron), Rhétorique, Paris,Flammarion, coll. « Garnier Flammarion », 2007,570 p. (ISBN 2080711350)Texte intégral en ligne

• Pseudo-Longin, Traité du sublime, Rivages, coll.« Petite bibliothèque Rivages », 1991 (ISBN 2-86930-420-X)

• Quintilien (trad. Jean Cousin), Institutions oratoires,t. I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Bude SerieLatine », 1989, 392 p. (ISBN 2251012028)Texte intégral en ligne

• (la) Anonyme (trad. G. Arcand), La Rhétorique àHerennius, Les Belles Lettres, coll. « Collectiondes universités de France Série latine n° 287 », 485p. (ISBN 978-2-251-01346-6)Texte intégral en ligne

• Cicéron, L'Orateur, Paris, Les Belles Lettres,coll. « Bude Serie Latine », 2001, 314 p. (ISBN2251010475)Texte intégral en ligne

• Antoine Fouquelin, La Rhétorique Françoise, Paris,A. Wechel, 1557 (ASIN B001C9C7IQ, lire en ligne)

• César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des di-ferens sens dans lesquels on peut prendre un mèmemot dans une mème langue, Impr. de Delalain,1816, 362 p. (ASIN B001CAQJ52, lire en ligne)Nouvelle édition augmentée de la Constructionoratoire, par l'abbé Batteux.

• Pierre Fontanier, Les Figures du discours, Paris,Flammarion, 1977 (ISBN 2080810154, lire en ligne)

• Yūsuf ibn Muḥammad Ibn Ṭumlūs (trad. MarounAouad), Le livre de la rhétorique, Vrin, 2006, 177p.

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40 8 BIBLIOGRAPHIE

8.2 Ouvrages utilisés

• Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnairede rhétorique et de poétique, Paris, LGF - Livre dePoche, coll. « Encyclopédies d'aujourd'hui », 1996,350 p. (ISBN 22531-3017-6)

• Marc Fumaroli, Histoire de la rhétorique dansl'Europe moderne : 1450-1950, Presses universi-taires de France, 1999 (ISBN 978-2130495260)

• Jean-Jacques Robrieux, Éléments de rhétoriqueet d'argumentation, Paris, Dunod, 1993 (ISBN 2-10001480-3)

• Olivier Reboul, La Rhétorique, Paris, Presses uni-versitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1998,128 p. (ISBN 978-2130453802)

• Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Pa-ris, Presses universitaires de France, coll. « Premiercycle », 2009 (4e édition) ouvrage fondamental, 256p., 15 cm × 22 cm (ISBN 2-13-043917-9)

• Michel Meyer, La rhétorique, Paris, Presses univer-sitaires de France, coll. « Que sais-je ? n° 2133 »,2004 (ISBN 2-13-053368-X)

• Michel Meyer, Histoire de la Rhétorique des Grecsà nos jours, Paris, Le Livre de Poche, coll. « Biblio-Essais » (ISBN 2-253-94283-9)

• Françoise Desbordes, La Rhétorique antique, Paris,Hachette, coll. « HU Langues et civilisations an-ciennes », 1996, 304 p.

• Joëlle Gardes-Tamine, La rhétorique, Paris, Ar-mand Colin, coll. « Cursus », 1996, 180 p. (ISBN2-200-01461-9)

• Ruth Amossy, L’argumentation dans le discours,Nathan, 2000 (ISBN 978-2200340766)

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9 Sources, contributeurs et licences du texte et de l’image

9.1 Texte• Rhétorique Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rh%C3%A9torique?oldid=129664329 Contributeurs : Youssefsan, Lionel Allorge,

Looxix, David Latapie, OlivierWeb, Orthogaffe, Vincent Ramos, Kelson, Hopea, Ploum’s, Florian~frwiki, Cdang, HasharBot, NucleoS,Robbot, Rip~frwiki, Almooxo, Outis~frwiki, Archeos, Phe, Sebb, MedBot, Wishmaster, Pgreenfinch, Iznogood, Nnemo, TigH, Phe-bot,François-Dominique, Psychoslave, Bibi Saint-Pol, Yves1953, Manuel~frwiki, Ollamh, Al1, Rinjin, Urban, Markadet, Goliadkine, Cest-logique, Jef-Infojef, .melusin, Nicolas Ray, Adamantane, Analogisub, Piku, Mogador, JeanClem, Luc Vaillancourt, Titzel, BrightRaven,Neptune, Ripounet, DocteurCosmos, Riba, Wart Dark, Gede, Aucassin, OlivierK, RobotE, Stanlekub, Taguelmoust, Zetud, David Be-rardan, Ethernaute, A3nm, Arnaud.Serander, Yelkrokoyade, Pok148, Ursus, Gzen92, Buddho, Zwobot, Hoplaaaa, Coyau, RobotQuistnix,N'importe lequel, Gpvosbot, Ultrogothe, LeonardoRob0t, Jerome66, Ficelle, Litlok, Bouette, Arthur Laisis, 16@r, Attaleiv, DonCamillo,Ludovic89, Mutatis mutandis, Conchita, Schtong~frwiki, Mb06cs, Archibald Tuttle, Rune Obash, Pautard, Prosope, Néfertari, FabriceFerrer, Xofc, Papa6, Frannie, Olmec, TiChou, Malost, Perky, Pld, Gemini1980, Linan, Hadrianus, Matti Schneider, Acer11, Thijs !bot,HYUK3, Bouchecl, Jarfe, O2, Anne97432, Rémih, Hadrien, Pj44300, JAnDbot, Éclusette, Calcineur, Manuguf, Sebleouf, Zawer, Com-monsDelinker, Verbex, Eybot, Wiolshit, Yves Dubugnon, Olivier Hammam, Lucius Esox, LeGéantVert, Irønie, Jplm, Wikig, Salebot,Pamputt, Iouri84, Lykos, LPLT, Basilus, Jean-Louis Lascoux, DodekBot~frwiki, Isaac Sanolnacov, VolkovBot, Theoliane, Nanoxyde, Ben-jiBot, Renommé20150606, Félix Potuit, Ftug, MoussuMiroul, Acélan, Ontoraul, SieBot, Louperibot, Stalla, Stéphane P, Jeangagnon, Kyro,Wanderer999, Torsade de Pointes, Ange Gabriel, Vlaam, Dhatier, J. Clef, Hercule, Addacat, Lewis orne, PlexusSolaris, Alphos, Cgolds,Sardur, Ben23, Aruspice, Superjuju10, Payre, Adalgise, Ertezoute, Golmote, BodhisattvaBot, HerculeBot, WikiCleanerBot, Stockholm,Prosopee, SilvonenBot, ZetudBot, Ggal, AnticRab, Randall Flagg, Bub’s wikibot, Huesca, Coquefredouille, Wikinade, Windreaver, W2S,Salignac, Utopies, Bruno2wi, Leszek Jańczuk, Blackcorbac, Ismail.salmi, CarsracBot, Espacefr, 44Charles00, Luckas-bot, Celette, Micbot,Thoral2000, Chéana, Giovanni-P, ChenzwBot, Dark Attsios, Archimëa, JmCor, Anne Bauval, Jérôme6210, Long John Silver, Cantons-de-l'Est, Mutig, Ziron, Lmalosse, RibotBOT, JackBot, Camico, Skull33, Kanthor, Lomita, Orlodrim, RedBot, Tikehau09, LeBarMarân,Eymery, LockSher, Olyvar, Achard2000, BotdeSki, EmausBot, Salsero35, Est Ter, Les3corbiers, LD, LexisVD, Pougeoise, Toujourser1,Skouratov, Avinain, MerlIwBot, OrlodrimBot, Fsojic, Aenesidemus, Courgette123, Etiennekd, EyedMoon, SyntaxTerror, Roll-Morton,Delaforest, Addbot, AméliorationsModestes, Orlandop, Musicarhetorica, BerAnth, ScoopBot, Dalecarlien, Matthieu Muraille, La femmede menage, Gzen92Bot, Crcvp, Jb.scherrer, PaulMaury et Anonyme : 162

9.2 Images• Fichier:027-myself-when-young-did-frequent--Doctor-and-saint-q75-780x1170.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/

wikipedia/commons/f/f8/027-myself-when-young-did-frequent--Doctor-and-saint-q75-780x1170.jpg Licence : Public domain Contri-buteurs : Omar Khayyam, tr. Edward Fitzgerald : “The Rubaiyat of Omar Khayyam” (1905, 1912) [1] Artiste d’origine : AdelaideHanscom

• Fichier:Andrea_pisano_(attr.),_retorica,_1343-60_ca.,_dal_lato_est_del_campanile.JPG Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f2/Andrea_pisano_%28attr.%29%2C_retorica%2C_1343-60_ca.%2C_dal_lato_est_del_campanile.JPG Licence :CC BY 3.0 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Sailko

• Fichier:Aristotle_Bust_White_Background_Transparent.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/35/Aristotle_Bust_White_Background_Transparent.png Licence : CC BY 2.5 Contributeurs : jlorenz1 Artiste d’origine : jlorenz1

• Fichier:Auguste_Rodin_-_Penseur_50px.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/63/Auguste_Rodin_-_Penseur_50px.png Licence : CC-BY-SA-3.0 Contributeurs : Photo par user:Hansjorn Artiste d’origine : retouche par Walké

• Fichier:Bloch-SermonOnTheMount.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/96/Bloch-SermonOnTheMount.jpg Licence : Public domain Contributeurs : http://4.bp.blogspot.com/_Ycv0BE0wFr4/TU8WRXJmxYI/AAAAAAAAAgI/2QjVrd4bEHo/s1600/Sermon_on_the_Mount_Carl_Bloch.jpg et Carl Bloch, p. 313, ISBN 9788798746591 Artiste d’origine : CarlHeinrich Bloch

• Fichier:Cicero.PNG Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/41/Cicero.PNG Licence : Public domainContributeurs :Cicero aus Baumeister : Denkmäler des klassischen Altertums. 1885. Band I., Seite 396. Artiste d’origine : Visconti - Iconograph rom. pl.12 N. 1 (Abb. 428) (Publisher K. A. Baumeister)

• Fichier:César_Chesneau_Dumarsais.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f6/C%C3%A9sar_Chesneau_Dumarsais.jpg Licence : Public domain Contributeurs : http://www.memo.fr/Media/Dumarsais.jpg Artiste d’origine : ?

• Fichier:David_-_The_Death_of_Socrates.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8c/David_-_The_Death_of_Socrates.jpg Licence : Public domain Contributeurs : http://www.metmuseum.org/collection/the-collection-online/search/436105 Ar-tiste d’origine : Jacques-Louis David

• Fichier:DemosthPracticing.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/52/DemosthPracticing.jpg Licence : Pu-blic domain Contributeurs : ? Artiste d’origine : Jean-Jules-Antoine Lecomte du Nouÿ

• Fichier:Disambig_colour.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3e/Disambig_colour.svg Licence : Public do-main Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Bub’s

• Fichier:Discobolus_icon.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/93/Discobolus_icon.png Licence : Public do-main Contributeurs : Image:Discus_Thrower_Copenhagen.jpg (in PD) taken by Zserghei Artiste d’origine : of this version : Eric Gaba (Sting- fr:Sting)

• Fichier:Discourse-into-the-night.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/74/Discourse-into-the-night.jpg Li-cence : Public domain Contributeurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:Escher_Cube.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fe/Escher_Cube.png Licence : CC-BY-SA-3.0Contributeurs : by me !! Artiste d’origine : Len zuò (Renzo)

• Fichier:Fairytale_bookmark_gold.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/66/Fairytale_bookmark_gold.svgLicence : LGPL Contributeurs : File:Fairytale bookmark gold.png (LGPL) Artiste d’origine : Caihua + Lilyu for SVG

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42 9 SOURCES, CONTRIBUTEURS ET LICENCES DU TEXTE ET DE L’IMAGE

• Fichier:Frans_Hals_-_Portret_van_René_Descartes.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/73/Frans_Hals_-_Portret_van_Ren%C3%A9_Descartes.jpg Licence : Public domain Contributeurs : André Hatala [e.a.] (1997) De eeuw vanRembrandt, Bruxelles : Crédit communal de Belgique, ISBN 2-908388-32-4. Artiste d’origine : D'après Frans Hals (1582/1583–1666)

• Fichier:Groupe_Mu_1970.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/93/Groupe_Mu_1970.jpg Licence : GFDLContributeurs : J.-M. Klinkenberg Artiste d’origine : J.-M. Klinkenberg

• Fichier:Guillaume_du_Vair_LP_484.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1b/Guillaume_du_Vair_LP_484.jpg Licence : CC BY-SA 3.0 Contributeurs :Miniwark (2006) Artiste d’origine : Anonyme

• Fichier:Hildebrandslied1.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/59/Hildebrandslied1.jpg Licence : Public do-main Contributeurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:John_Quincy_Adams.jpeg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/50/John_Quincy_Adams.jpeg Li-cence : Public domain Contributeurs : [1]Artiste d’origine : Charles Robert Leslie

• Fichier:Joseph_Gurney_Cannon_cartoon.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/81/Joseph_Gurney_Cannon_cartoon.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Ce média est disponible dans le catalogue de la National Archives andRecords Administration sous l’identifiant ARC (National Archives Identifier) 306107 Artiste d’origine : Clifford Kennedy Berryman

• Fichier:Justin_Trial.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/00/Justin_Trial.jpg Licence : Public domainContributeurs : http://www.peculiarpress.com/ekklesia/archive/Ekklesia73.htm Artiste d’origine : Fra Angelico (vers 1395–1455)

• Fichier:L'Arringatore.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2f/L%27Arringatore.jpg Licence : CC BY 2.0Contributeurs : http://www.flickr.com/photos/corneliagraco/5224254259/ Artiste d’origine : corneliagraco

• Fichier:Manuscrit_cinq_sonnets_et_un_poeme_pour_jacob_-labyrinthe-.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9a/Manuscrit_cinq_sonnets_et_un_poeme_pour_jacob_-labyrinthe-.jpg Licence : GPL Contributeurs : Travail personnelArtiste d’origine : Olivier Dhénin

• Fichier:Nicolas_Boileau.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8b/Nicolas_Boileau.jpg Licence : Public do-main Contributeurs : Inconnu Artiste d’origine : Hyacinthe Rigaud

• Fichier:Nuvola_apps_kmessedwords.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9a/Nuvola_apps_kmessedwords.png Licence : LGPL Contributeurs : http://icon-king.com Artiste d’origine : David Vignoni / ICON KING

• Fichier:Nuvola_apps_ksig_horizonta.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/58/Nuvola_apps_ksig_horizonta.png Licence : LGPL Contributeurs : http://www.icon-king.com Artiste d’origine : David Vignoni

• Fichier:Parc_de_Versailles,_Rond-Point_des_Philosophes,_Isocrate,_Pierre_Granier_MR1870_03.jpg Source :https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0c/Parc_de_Versailles%2C_Rond-Point_des_Philosophes%2C_Isocrate%2C_Pierre_Granier_MR1870_03.jpg Licence : CC BY-SA 3.0 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Coyau

• Fichier:Paris_Bordone_002.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/ba/Paris_Bordone_002.jpg Licence : Pu-blic domain Contributeurs : Inconnu, probablement Web Gallery of Art Artiste d’origine : Paris Bordone

• Fichier:Paul_Ricoeur.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1d/Paul_Ricoeur.jpg Licence : Public domainContributeurs : wiki en : at en:Image:Ricoeur paul.jpg. Original uploader : en:User:Joelr31. Image from the Library of Congress. Artisted’origine : US Federal Government

• Fichier:Petrus_Ramus.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/29/Petrus_Ramus.jpg Licence : Public domainContributeurs : Originally from en.wikipedia ; description page is (was) here Artiste d’origine : User Magnus Manske on en.wikipedia

• Fichier:Plato_Aristotle_della_Robbia_OPA_Florence.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/70/Plato_Aristotle_della_Robbia_OPA_Florence.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Jastrow, own picture Artiste d’origine : Luca della Rob-bia

• Fichier:Polyhymnia_Pio-Clementino_Inv287.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a6/Polyhymnia_Pio-Clementino_Inv287.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Jastrow (2006) Artiste d’origine : In-connu<a href='//www.wikidata.org/wiki/Q4233718' title='wikidata:Q4233718'><img alt='wikidata:Q4233718' src='https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/ff/Wikidata-logo.svg/20px-Wikidata-logo.svg.png' width='20' height='11'srcset='https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/ff/Wikidata-logo.svg/30px-Wikidata-logo.svg.png 1.5x,https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/ff/Wikidata-logo.svg/40px-Wikidata-logo.svg.png 2x' data-file-width='1050'data-file-height='590' /></a>

• Fichier:Portrait_of_George_W._Campbell.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e0/Portrait_of_George_W._Campbell.jpg Licence : Public domain Contributeurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:Poussin_Inspiration_of_the_poet_Louvre.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/81/Poussin_Inspiration_of_the_poet_Louvre.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Inconnu Artiste d’origine : ?

• Fichier:Promlog.gif Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/bc/Promlog.gif Licence :CCBY-SA 3.0Contributeurs :Travail personnel Artiste d’origine : Tkoletsis

• Fichier:Quintilian.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9a/Quintilian.jpg Licence : Public domain Contribu-teurs : Scan de [1] Artiste d’origine : Inconnu<a href='//www.wikidata.org/wiki/Q4233718' title='wikidata:Q4233718'><img alt='wikidata:Q4233718' src='https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/ff/Wikidata-logo.svg/20px-Wikidata-logo.svg.png'width='20' height='11' srcset='https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/ff/Wikidata-logo.svg/30px-Wikidata-logo.svg.png 1.5x, https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/ff/Wikidata-logo.svg/40px-Wikidata-logo.svg.png 2x'data-file-width='1050' data-file-height='590' /></a>

• Fichier:Rhetorica.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/65/Rhetorica.jpg Licence : Public domain Contribu-teurs : Private collection Artiste d’origine : Scan by Nick Michael

• Fichier:Roma_jakobson_theory.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3e/Roma_jakobson_theory.png Li-cence : Public domain Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Artist2426

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9.3 Licence du contenu 43

• Fichier:Schéma_Syllogisme.svg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/61/Sch%C3%A9ma_Syllogisme.svg Li-cence : CC BY-SA 3.0 Contributeurs : Cette image vectorielle a été créée avec Inkscape. Artiste d’origine : <a href='//commons.wikimedia.org/wiki/User:-Strogoff-' title='User :-Strogoff-'>Frédéric MICHEL</a>

• Fichier:Stoa_of_Attalus_-_Ancient_Agora_in_Athens.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/41/Stoa_of_Attalus_-_Ancient_Agora_in_Athens.jpg Licence :CCBY 2.0 Contributeurs : originally posted to Flickr as Ancient Agora in AthensArtisted’origine : linz_ellinas

• Fichier:The_Young_Cicero_Reading.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4f/The_Young_Cicero_Reading.jpg Licence : Public domain Contributeurs : Web Gallery of Art : <a href='http://www.wga.hu/art/f/foppa/y_cicero.jpg' data-x-rel='nofollow'><img alt='Inkscape.svg' src='https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/6f/Inkscape.svg/20px-Inkscape.svg.png' width='20' height='20' srcset='https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/6f/Inkscape.svg/30px-Inkscape.svg.png 1.5x, https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/6f/Inkscape.svg/40px-Inkscape.svg.png 2x' data-file-width='60'data-file-height='60' /></a> Image <a href='http://www.wga.hu/html/f/foppa/y_cicero.html' data-x-rel='nofollow'><img alt='Informationicon.svg' src='https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/35/Information_icon.svg/20px-Information_icon.svg.png'width='20' height='20' srcset='https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/35/Information_icon.svg/30px-Information_icon.svg.png 1.5x, https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/35/Information_icon.svg/40px-Information_icon.svg.png2x' data-file-width='620' data-file-height='620' /></a> Info about artwork Artiste d’origine : Vincenzo Foppa

• Fichier:TheatreofMarcellus.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f6/TheatreofMarcellus.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : Alexander Z.

• Fichier:Times_square.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/64/Times_square.jpg Licence : CC BY-SA 1.0Contributeurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:Tuebinger_Hausbuch_Freie_Kuenste.jpg Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a3/Tuebinger_Hausbuch_Freie_Kuenste.jpg Licence : Public domain Contributeurs :

• http://idb.ub.uni-tuebingen.de/diglit/Md2 Artiste d’origine : Tübingen house-register. Manuscript, The library of University Tübingen.• Fichier:VictorHugosmallColor.png Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ac/VictorHugosmallColor.png Li-cence : CC-BY-SA-3.0 Contributeurs : Originally from commons.wikimedia ; description page is/was here. Artiste d’origine : Léon Bonnat(1833-1922)

9.3 Licence du contenu• Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0