Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

18
1 Transition laminaire-turbulent dans une conduite. Essai sur une explication phénoménologique de l’expérience de Louis SACKMANN. NOTATIONS Constantes : g = 9,81 m/s 2 (accélération de la pesanteur) ρ = 998,4 kg/m 3 (masse volumique de l’eau) μ = 1,03 10 -3 Pa s (viscosité dynamique de l’eau) Notations : Vitesse moyenne du fluide : U Nombre de Reynolds : Re (R avec la définition en [3]) Hauteur du niveau d’eau : H Diamètre du tube : D (rayon a = D/2) Longueur du tube : l Perte de charge totale : P Perte de charge dans le tube : p Correction de Couette-Hagenbach : p’ Coefficient e perte de charge : ψ INTRODUCTION Le professeur Louis SACKMANN a réalisé des expériences sur la transition entre régime laminaire et régime turbulent dans une conduite horizontale en 1947 et 1948 [Réf 1 à 3]. Ses résultats expérimentaux sont fascinants dans le sens où ils montrent l’existence de deux régimes bien définis correspondant respectivement à un régime purement laminaire et à un régime purement turbulent, qui se succèdent dans une séquence oscillante aléatoire. Les points représentatifs de l’écoulement (régime laminaire, turbulent et valeurs moyennes) se positionnent de façon très simple sur des diagrammes montrant la perte de charge en fonction de la vitesse d’écoulement ou montrant le coefficient de perte de charge en fonction du nombre de Reynolds. Le présent mémoire tente de modéliser ces résultats expérimentaux apparemment simples par une approche phénoménologique , qui n’a pas la prétention d’expliquer toute la complexité des phénomènes physique qui ont lieu au sein de la conduite, mais qui a l’avantage de fournir simplement des résultats très proches des données expérimentales de Louis SACKMANN.

Transcript of Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

Page 1: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

1

Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

Essai sur une explication phénoménologique de l’expérience de Louis SACKMANN.

NOTATIONS Constantes : g = 9,81 m/s2 (accélération de la pesanteur) ρ = 998,4 kg/m3 (masse volumique de l’eau)

µ = 1,03 10-3 Pa s (viscosité dynamique de l’eau) Notations : Vitesse moyenne du fluide : U

Nombre de Reynolds : Re (R avec la définition en [3]) Hauteur du niveau d’eau : H Diamètre du tube : D (rayon a = D/2) Longueur du tube : ∆l Perte de charge totale : ∆P Perte de charge dans le tube : ∆p Correction de Couette-Hagenbach : ∆p’ Coefficient e perte de charge : ψ

INTRODUCTION

Le professeur Louis SACKMANN a réalisé des expériences sur la transition entre régime laminaire et régime turbulent dans une conduite horizontale en 1947 et 1948 [Réf 1 à 3].

Ses résultats expérimentaux sont fascinants dans le sens où ils montrent l’existence de deux régimes bien définis correspondant respectivement à un régime purement laminaire et à un régime purement turbulent, qui se succèdent dans une séquence oscillante aléatoire. Les points représentatifs de l’écoulement (régime laminaire, turbulent et valeurs moyennes) se positionnent de façon très simple sur des diagrammes montrant la perte de charge en fonction de la vitesse d’écoulement ou montrant le coefficient de perte de charge en fonction du nombre de Reynolds.

Le présent mémoire tente de modéliser ces résultats expérimentaux apparemment simples par

une approche phénoménologique, qui n’a pas la prétention d’expliquer toute la complexité des phénomènes physique qui ont lieu au sein de la conduite, mais qui a l’avantage de fournir simplement des résultats très proches des données expérimentales de Louis SACKMANN.

Page 2: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

2

CHAPITRE 1 :

RAPPEL DES RESULTATS EXPERIMENTAUX DE LOUIS A. SACKMANN

Le Professeur Louis A. SACKMANN a réalisé dans les années 1940 une série d’expériences [1], [2] et [3] qui ont permis de quantifier la zone de transition entre le régime laminaire et le régime turbulent dans une conduite horizontale.

Le dispositif expérimental est en principe assez simple (figure 1) : il est formé d’un réservoir qui alimente un tube horizontal. On s’arrange pour que la hauteur d’eau H (prise à partir de l’axe du tube) soit constante, et on mesure la vitesse de l’eau en sortie du tube, de diamètre D et de longueur ∆l.

Figure 1 : Dispositif expérimental de l’expérience de L.A.Sackmann. L’expérience montre que pour des hauteurs H faibles le régime est laminaire et que pour des hauteurs plus importantes le régime est exclusivement turbulent. Dans chacun de ces cas, la vitesse en sortie est définie univoquement et dépend de H. Dans le régime transitoire, on constate que la vitesse en sortie oscille entre deux valeurs, et l’expérience a permis de constater que les deux valeurs correspondent respectivement aux régimes laminaire et turbulent. L’expérience a pu déterminer également la fraction du temps passée dans chacun de ces régimes. 1.1 Résultats présentés par Louis A. Sackmann. Le système physique est décrit par les grandeurs et relations suivantes [3], que nous préciserons au chapitre 2 : Perte de charge totale : ∆P Correction de Couette Hagenbach (mise en vitesse du fluide) : ∆p’ Perte de charge dans le tube : ∆p

Page 3: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

3

Nombre de Reynolds : R =Uaρ

µ (1.1)

∆P = ρgH = ∆ p + ∆ p′ (1.2) Où : ∆ p′ = 1

2 k ρU2 avec klaminaire = 2,16 et kturbulent = 1,08 (1.3)

Et : ∆ p = ψ ∆lρU2

2a (1.4)

Avec : ψ = 16R

(laminaire) ψ =0,133R1 / 4 (turbulent) (1.5)

ψ est appelé le coefficient de perte de charge. Les paramètres de l’expérience de Louis A. SACKMANN sont donnés dans les unités du système CGS en [3] : Accélération de la pesanteur : 981 Densité de l’eau : 0,9984 Viscosité dynamique de l’eau : 0,0103 Longueur du tube : 89,1 Rayon intérieur du tube : 0,2107

Puis Louis Sackmann donne, pour 8 hauteurs d’eau dans le réservoir, les valeurs de la vitesse du fluide en sortie du tube (U), les nombre de Reynolds correspondant (R) et les coefficients de perte de charge (ψ), et ce pour le régime turbulent (indice t), le régime laminaire (indice l) et le régime moyen transitoire (sans indice). Dans le cas du régime transitoire, le point moyen est en fait dédoublé en deux points extrêmes, l’un turbulent et l’autre laminaire, ayant chacun une durée d’existence moyenne bien définie. Les résultats sont repris tels que publiés en 1947 dans le tableau suivant (en unités CGS).

Il est à noter que dans les définitions du nombre de Reynolds et du coefficient de perte de charge on a utilisé le rayon du tube et non le diamètre, ce qui introduit un facteur 2 par rapport aux définitions employées couramment aujourd’hui. Nous y reviendrons plus loin.

Page 4: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

4

1.2 Résultats synthétisés dans le Système International. Afin de rendre plus compréhensible la suite de cet article, nous convertissons les données du problème dans les unités du système international (SI) en utilisant les définitions usuelles modernes du nombre de Reynolds et du coefficient de perte de charge (voir chapitre 2). Accélération de la pesanteur : g = 9,81 m/s2 Densité de l’eau : ρ = 998,4 kg/m3 Viscosité dynamique de l’eau : µ = 1,03 10-3 Pa s Longueur du tube : ∆l = 0,891 m Rayon intérieur du tube : a = 2,107 10-3 m Nous remplaçons les relations (1.1), (1.4) et (1.5) par :

Nombre de Reynolds : Re =UDρ

µ (1.6)

∆ p = λ ∆lρU2

2D (1.7)

Avec : λ = 64Re

(laminaire) λ =0,316Re

1 / 4 (turbulent Blasius) (1.8)

λ est appelé le coefficient de perte de charge ou coefficient de friction de Darcy. (Il existe un coefficient de friction de Fanning, égal au quart du coefficient de friction de Darcy). On a donc : R= Re / 2 et ψ = λ / 2 (1.9) En ce qui concerne les résultats graphiques, nous continuerons à utiliser R et ψ pour faciliter les comparaisons. Les résultats du §1.1deviennent dans les unités SI :

Les résultats peuvent être représentés sous forme graphique. La figure 2 représente la perte de charge dans le tube en fonction de la vitesse. La courbe rouge représente le régime turbulent de Blasius, la droite bleue le régime laminaire de Poiseuille. Les points rouges et bleus représentent les points expérimentaux de Louis Sackmann, reliés par un trait gris quand ils forment un doublet en régime transitoire. Les points et la courbe noirs représentent les points du régime moyen. Il est frappant de constater que le régime transitoire se décompose simplement en un sous-régime purement laminaire et un sous-régime purement turbulent, dont les points représentatifs sont

Page 5: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

5

distribués assez exactement le long des courbes correspondantes. C’est ce comportement apparemment très simple qui motive le présent travail.

Figure 2 : Perte de charge en fonction de la vitesse. La figure 3 représente le coefficient de perte de charge ψ en fonction du nombre de Reynolds R (notation de L.Sackmann) en coordonnées logarithmiques.

Figure 3 : Coefficient de perte de charge en fonction du nombre de Reynolds.

Page 6: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

6

CHAPITRE 2 :

GENERALITES SUR L’ECOULEMENT DANS UNE CONDUITE Dans ce chapitre, nous allons rappeler les équations gouvernant le système décrit au chapitre 1. 2.1 Equations générales. Nous rappelons les équations décrivant le système (voir §1.1) :

Nombre de Reynolds : Re =UDρ

µ (2.1)

∆P = ρgH = ∆ p + ∆ p′ (2.2) Où : ∆ p′ = 1

2 k ρU2 avec klaminaire = 2,16 et kturbulent = 1,08 (2.3)

∆ p = λ ∆lρU2

2D (2.4)

Avec : λ = 64Re

(laminaire) λ =0,316Re

1 / 4 (turbulent Blasius) (2.5)

La perte de charge totale ∆P représente la différence de pression qui agit sur les particules de

fluide entre le haut du réservoir (où elle est au repos) et la fin du tube. Elle se décompose en une perte de charge dans le tube ∆p, qui est due au frottement visqueux du fluide, et une contribution appelée correction de Couette-Hagenbach due à l’énergie cinétique nécessaire pour mettre le fluide en mouvement (ce qui induit une chute de pression). Nous allons expliciter la forme de ces différents termes dans les cas de l’écoulement laminaire (dit de Poiseuille) et de l’écoulement turbulent (dit de Blasius). 2.2 Ecoulement laminaire de Poiseuille. Des formules (2.4) et (2.5) on déduit la forme de la perte de charge par unité de longueur dans le tube, dans le cas laminaire :

∆ p∆l

= 64UDρ

µ

ρU2

2D=

32µD2 U (2.6)

On a donc : ∆ p∆l

= KL U avec KL =32µD2 (2.7)

Page 7: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

7

2.2 Ecoulement turbulent de Blasius. De même, dans le cas turbulent on déduit :

∆ p∆l

= KT U7 / 4 avec KT =0,158ρ

ρD

1 / 4

(2.8)

2.3 Correction de Couette-Hagenbach. Rappelons que la correction de Couette-Hagenbach (ou correction des forces vives) décrit la chute de pression liée à l’énergie cinétique reçue par le fluide quand il passe du repos à la vitesse de débit. Soit S la section du tube, le débit est donné par : Q = débit = vS (2.9) La puissance dissipée est alors :

W = puissance= dEdt

= Fdldt

= Fv = ∆ p′S v = ∆ p′ Sv = ∆ p′Q (2.10)

D’où la chute de pression : ∆ p′ = dE/dtQ (2.11)

Dans la section du tube, on a : v(r) = f (r / a) = f (x) (2.12)

D’où le débit : Q = v(r)dS0

a

= 2π v(r)rdr0

a

= 2πa2 f (x)xdx0

1

= πa2U par dé finition

où U est la vitesse de débit ou vitesse moyenne.

O a donc : Q = πa2U et U = 2 f (x)xdx0

1

(2.13)

La puissance dissipée est donnée par :

dEdt

= 12ρv2dV 1

dt= 1

2ρ v2dSdldt

= 12ρ v3dS= πρ v3rdr

0

a

= πρa2 f 3xdx0

1

(2.14)

D’où en remplaçant (2.13) et (2.14) dans (2.11) on trouve :

∆ p′ = dE/dtQ

=πρa2

2πa2

f 3xdx0

1

f xdx0

1= 1

2kρU2 =12kρ 2 f xdx

0

12

(2.15)

D’où : ∆ p′ = 12kρU2 et k= 1

4

f 3 xdx0

1

f xdx0

13 (2.16)

Page 8: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

8

On applique alors la formule (2.16) au cas de l’écoulement turbulent avec : f = cte

D'où kT = 14

xdx0

1

xdx0

13 = 1 (2.17)

On applique ensuite la formule (2.16) au cas de l’écoulement laminaire où l’on a : f = vmax 1 – x2 (2.18)

D’où : kL = 14

1 – x2 3xdx

0

1

1 – x2 xdx0

13 = 1

4

12 1 – u

3du

0

1

12 1 – u du

0

13 = 2 (2.19)

2.4 Conclusion. En rassemblant les résultats (2.2), (2.7),(2.8) et (2.16) on obtient la relation importante :

∆P∆l

=ρ g H

∆l= KL,TU

α + 12 k L,T

ρU2

∆l (2.20)

Avec dans le cas laminaire (Poiseuille) : α = 1 ; kL = 2,16 et KL = 1856,1 (SI) (2.21) Et dans le cas turbulent (Blasius) : α = 7

4 ; kT = 1,08 et KT = 4682,5 (SI) (2.22)

Les valeurs de k sont légèrement supérieures aux valeurs calculées dans le §2.3. Les valeurs données en (2.21) et (2.22) correspondent aux valeurs expérimentales. Les valeurs de K sont données avec les paramètres de l’expérience de Louis Sackmann. Il est important de noter que la relation (2.20) exprime H en fonction de U et de U seulement. Les relations déduites dans ce chapitre sont nécessairement vérifiées par le système défini au chapitre 1 et qui a fait l’objet des mesures effectuées par Louis Sackmann. Elles ne sont pas suffisantes pour en expliquer le comportement lors de la transition laminaire-turbulent.

Page 9: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

9

CHAPITRE 3 :

THEORIE BASEE SUR LA CROISSANCE DE PERTURBATIONS

Nous allons présenter dans ce chapitre une tentative d’explication phénoménologique du phénomène basée sur la croissance de perturbations dans un écoulement quasi-permanent. 3.1 Observation du comportement du système. La vitesse moyenne (vitesse de débit) en sortie du tube a l’allure présentée par la courbe bleue en figure 4. La vitesse passe successivement d’une valeur UL (laminaire) a une valeur UT (turbulent) et réciproquement. Ces états correspondent respectivement aux écoulements de Poiseuille et de Blasius, et sont occupés pendant des durées t1 et t2. Tout se passe comme si ces états étaient quasi-stationnaires et qu’une perturbation, initialement petite, croissait pour faire passer le système dans l’autre état.

Figure 4 : Vitesse de débit en sortie du tube en fonction du temps. 3.2 Croissance d’une perturbation turbulente dans un écoulement laminaire. Nous reprenons le point de vue de Lev LANDAU [4] en observant que l’on peut décomposer la vitesse du fluide en la somme d’un état laminaire stable v0 et d’une perturbation turbulente v1. En supposant que la perturbation reste petite, on peut linéariser les équations de Navier-Stokes en v1. L’équation ainsi obtenue comporte une dérivée du premier ordre en t et des termes linéaires en v1. On a donc une équation différentielle linéaire du premier ordre en t. La solution d’une telle équation est de la forme :

Page 10: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

10

v1 = cteexp(γ1t) (3.1)

Si γ1 est positif, la perturbation croît, si γ1 est négatif, elle s’amortit.

En suivant le raisonnement de Lev LANDAU, on peut considérer que γ1 a la forme suivante :

γ1 = hL ReL– Re1 (3.2)

En effet, en se conformant à la figure 4, on peut considérer que la perturbation turbulente ne va croître que si le nombre de Reynolds du régime laminaire ReL est supérieur à une valeur critique Re1 (correspondant à une vitesse U1). Et que sa croissance sera d’autant plus rapide que ReL est grand par rapport à Re1 ce qu’exprime la relation (3.2). Nous allons donc supposer (et c’est une approximation) que la perturbation v1 garde la forme donnée par les équations (3.1) et (3.2) du début jusqu’à ce que le régime d’écoulement bascule et devienne turbulent. La perturbation v1 doit donc croître de sa valeur initiale V0T jusqu’à la valeur UL-UT . On a donc : UL – UT = V0T exp(γ1t1) = V0T exp hL(ReL– Re1)t1 (3.3)

Et la durée du régime laminaire est donc de :

t1 = 1hL(ReL– Re1)

lnUL – UT

V0T

(3.4)

3.3 Croissance d’une perturbation laminaire dans un écoulement turbulent. Par un raisonnement symétrique on peut déduire ce qui se passe quand on est en écoulement turbulent quasi-stable. Si nous sommes dans la zone transitoire, le régime est turbulent, mais une perturbation laminaire peut apparaître. Sa croissance (ou son amortissement) prendra la forme :

v1 = cteexp(γ2t) (3.5)

Avec γ2 = hT Re2– ReT (3.6).

En effet, on peut considérer que la perturbation laminaire va s’amortir si ReT est supérieur à une valeur critique Re2 (correspondant à une vitesse U2), puisque dans ce cas le régime turbulent est stable. Par contre, si ReT est inférieur à Re2 , alors le régime turbulent est instable, et la perturbation laminaire croît. Et sa croissance sera d’autant plus rapide que ReT est petit par rapport à Re2 ce qu’exprime la relation (3.6). Nous allons supposer (et c’est une approximation) que la perturbation v1 garde la forme donnée par les équations (3.5) et (3.6) du début jusqu’à ce que le régime d’écoulement bascule et devienne laminaire. La perturbation v1 doit donc croître de sa valeur initiale V0L jusqu’à la valeur UL-UT . On a donc : UL – UT = V0L exp(γ2t2) = V0L exp hT(Re2– ReT)t2 (3.7)

Et la durée du régime turbulent est donc de :

Page 11: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

11

t2 = 1hT(Re2– ReT)

lnUL – UT

V0L

(3.8)

3.4 Rapport cyclique du régime oscillant. En utilisant (3.4) et (3.8) nous trouvons l’expression du rapport cyclique :

θ L =t1

t1 + t2=

1hL(ReL– Re1)

lnUL – UT

V0T

1hL(ReL– Re1)

lnUL – UT

V0T

+ 1hT(Re2– ReT)

lnUL – UT

V0L

(3.9)

En supposant que les intensités initiales des perturbations sont égales (ce qui paraît raisonnable, et de toute façon elles interviennent logarithmiquement) :

V0L =V0T =V0 (3.10)

On obtient : θL =t1

t1 + t2=

Re2– ReT

Re2– ReT +hL

hT(ReL– Re1)

(3.11)

En posant : h =hL

hT (3.12)

On aura finalement : θ L = 1 – θT =Re2– ReT

Re2– ReT + h(ReL– Re1) (3.13)

3.5 Valeurs de UL et UT. Les valeurs de UL et UT sont déterminées en résolvant l’équation (2.20) pour chaque valeur de H. Elles sont donc parfaitement déterminées.

En particulier, on peut alors en déduire la pente des doublets de points formés par la représentation dans le plan (U, dp/dl ) comme en figure 2.

Valeur absolue de la pente =

dpdl T

–dpdl L

UL – UT=

KTUT7 / 4 –KLUL

UL – UT (3.14)

La pente des doublets est donc parfaitement déterminée par la résolution des équations (2.20). 3.6 Paramètres pour la détermination des points de fonctionnement. Nous voyons dans l’équation (3.13) que le rapport cyclique θL est déterminé par trois paramètres : Re1, Re2 et h. Nous pouvons utiliser les résultats de Louis Sackmann pour calculer les valeurs du rapport cyclique pour ses points de mesure, et en déduire les valeurs des trois paramètres par ajustement (en utilisant la méthode des moindres carrés). Rappelons-nous que les valeurs du nombre de Reynolds données par Louis Sackmann sont la moitié de la définition moderne.

Page 12: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

12

Le point expérimental n° 8 est purement laminaire. Donc le début de la transition se passe entre le point 7 et le point 8. Donc le nombre critique Re1 est compris entre les deux valeurs de ReL correspondant aux points 7 et 8, soit 2*870 et 2*1050, ou encore 1740 et 2100. D’où 1740 ≤ Re1 ≤ 2100 (3.15)

Le point expérimental n° 1 est purement turbulent. Donc le début de la stabilité du régime turbulent s’effectue entre le point 1 et le point 2. Donc le nombre critique Re2 est compris entre les deux valeurs de ReT correspondant aux points 1 et 2, soit 2*1350 et 2*1390, ou encore 2700 et 2780. D’où 2700 ≤ Re2 ≤ 2780 (3.16) On calcule le rapport cyclique en utilisant le fait que :

U = ULθ L + UT(1 – θ L) d′où θ L =U – UT

UL – UT (3.17)

Et on obtient les valeurs suivantes :

L’ajustement donne alors : Re1 = 1883,5 Re2 = 2706,1 h = 1.132 (3.18) On vérifie que les valeurs trouvées sont bien dans les intervalles définis en (3.15) et (3.16). Ce sont les valeurs que nous allons utiliser dans la suite. 3.7 Résultat : position des doublets. A ce stade, nous sommes en mesure de comparer les résultats expérimentaux de Louis Sackmann avec les prévisions de la procédure exposée plus haut. Commençons par les doublets.

Pour chaque hauteur H, la position des points laminaires et turbulents est donnée par les formules (2.20) et la pente des doublets est donnée par la formule (3.14).

Les résultats expérimentaux de Louis Sackmann donnent :

Page 13: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

13

Notre théorie donne :

On peut résumer ces résultats dans les figures 5 et 6 :

Figure 5 : Perte de charge en fonction de la vitesse. Expérience : points rouges et bleus. Théorie : courbes, croix noires.

Page 14: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

14

Figure 6 : Pente des doublets en fonction de la hauteur H. Expérience : points noirs. Théorie : courbe, points bleus. Sur la figure 5, on a représenté les points expérimentaux (rouges et bleus) superposés aux prédictions théoriques. On voit que l’accord est très satisfaisant. On a également tracé en gris la pente des doublets. La valeur absolue de cette pente est montrée sur la figure 6. La courbe en bleu est l’estimation théorique, et le résultat expérimental est donné par les points noirs. Compte tenu des incertitudes de mesure, on ne peut pas vraiment conclure, sinon pour constater qu’il y a accord à 20 % près et que les points expérimentaux sont très dispersés. On peut rapprocher la courbe théorique de la figure 6 avec le graphique donné par Louis Sackmann dans [1] et que l’on reproduit en figure 7. On constate qu’elles sont identiques (aux unités de mesure près).

Figure 7 : Pente des doublets en fonction de la hauteur H publiée dans [1]. 3.8 Résultat : position du point de fonctionnement moyen. Maintenant que nous avons déterminé la position des doublets, il nous reste à trouver le rapport cyclique, ce qui nous permettra de définir le point de fonctionnement moyen.

L’abscisse du point moyen correspond à la vitesse moyenne du fluide dans le tube. C’est la vitesse de débit donnée par la formule (3.17) que nous rappelons ici :

Page 15: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

15

U = ULθ L + UT(1 – θ L) (3.19)

Cette équation nous dit simplement que le débit moyen est la moyenne temporelle des débits relatifs aux écoulements laminaires et turbulents. L’ordonnée du point moyen est obtenue en calculant la moyenne des pertes en puissance. Des équations (2.9) et (2.10) on déduit que la puissance volumique dissipée dans le tube est donnée par :

Puissance volumique= WVol

= WS∆l

=∆ p QS∆l

=∆ p USS∆l

=∆ p∆l

U (3.20)

Elle est donc donnée par le produit de la perte de charge linéique et de la vitesse du fluide. La puissance volumique dissipée moyenne est donc égale à :

WVol

=∆ p∆l L

ULθL +∆ p∆l T

UT 1 – θL =∆ p∆l

U (3.21)

C’est cette équation qui détermine l’ordonnée ∆ p∆l

du point moyen. Dans les résultats qui suivent,

pour rester cohérent avec les représentations graphiques de Louis Sackmann, on utilise sa définition du nombre de Reynolds (1.1) et sa définition du coefficient de perte de charge (1.4), qui sont reliées

aux définitions modernes par (1.9). Pour les résultats expérimentaux, on déduit ∆ p∆l

de ψ, pour les

résultats théoriques on fait l’inverse. Les résultats expérimentaux de Louis Sackmann donnent :

Notre théorie donne :

Page 16: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

16

On peut mettre ces résultats sous forme graphique dans les figures 8 et 9 :

Figure 8 : Perte de charge en fonction de la vitesse du point moyen : Expérience : points noirs Théorie : Courbe orange et croix vertes

Page 17: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

17

Figure 9 : Coefficient de perte de charge en fonction du nombre de Reynolds du point moyen : Expérience : points noirs Théorie : Courbe orange. Ces courbes avaient été publiées par Louis Sackmann dans [3].

On constate un excellent accord entre la présente théorie (bien que phénoménologique) et l’expérience. 3.9 Conclusion.

L’explication donnée dans ce chapitre est très approximative, mais malgré son extrême simplicité, elle reproduit assez bien les résultats expérimentaux de Louis Sackmann, en particulier la position des points moyens, l’allure de la pente des doublets et le rapport cyclique.

C. Maennel - Savigny sur Orge, décembre 2012.

Page 18: Transition laminaire-turbulent dans une conduite.

18

BIBLIOGRAPHIE

[1] Louis A. Sackmann : « Sur les changements de régime dans les canalisations. Etude expérimentale de la dispersion parallèle ». Comptes Rendus de l’Académie des Sciences , vol 226 pp 1343-1345 , séance du 26 avril 1948. [2] Louis A. Sackmann : « Sur les changements de régime dans les canalisations. Mesures instantanées des caractéristiques ». Comptes Rendus de l’Académie des Sciences , vol 224 pp 793-795 , séance du 17 mars 1947. [3] Louis A. Sackmann, François Codaccioni : « Sur les changements de régime dans les canalisations. Etude sélective de la perte de charge ». Comptes Rendus de l’Académie des Sciences , vol 224 pp 1326-1328 , séance du 12 mai 1947. [4] L. Landau, E.Lifchitz : Physique théorique, tome6 – Mécanique des fluides, ch3 §26 « Stabilité des écoulements permanents », pp 136-141, Ed. Mir, 1989.