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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier 1 Introduction : ............................................................................................................... 2 Partie Ι : La convergence entre droit de la concurrence et compétition sportive. .... 9 Titre Ι : L’applicabilité du droit de la concurrence à la compétition sportive. ............. 9 Chapitre Ι : Le champ d’application du droit de la concurrence. .................................................... 9 Chapitre ΙΙ : L’applicabilité du droit de la concurrence à l’épreuve du droit public. .................... 20 Titre ΙΙ : L’application du droit de la concurrence à la compétition sportive. ............ 34 Chapitre I : Typologie des comportements anticoncurrentiels sanctionnables de la compétition sportive........................................................................................................................................................ 34 Chapitre II : Les entraves à la concurrence en compétition sportive. ........................................... 54 Partie ΙΙ : Le tempérament : la reconnaissance d’une Spécificité sportive. ............ 63 TITRE I : Les exemptions sportives. ............................................................................... 63 Chapitre I : Les causes de l’exemption individuelle. .................................................................... 64 Chapitre II : Les conséquences de l’application des exemptions à la compétition sportive. ......... 68 TITRE II : L’exception sportive. ..................................................................................... 76 Chapitre I : L’identification de la spécificité sportive. .................................................................. 76 Chapitre II : Les règles de concurrence et la spécificité sportive. ................................................. 86 CONCLUSION : ...................................................................................................... 100 TABLE DES MATIÈRES........................................................................................ 102 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................... 105

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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Introduction : ............................................................................................................... 2

Partie Ι : La convergence entre droit de la concurrence et compétition sportive. .... 9

Titre Ι : L’applicabilité du droit de la concurrence à la compétition sportive. ............. 9

Chapitre Ι : Le champ d’application du droit de la concurrence. .................................................... 9

Chapitre ΙΙ : L’applicabilité du droit de la concurrence à l’épreuve du droit public. .................... 20

Titre ΙΙ : L’application du droit de la concurrence à la compétition sportive. ............ 34

Chapitre I : Typologie des comportements anticoncurrentiels sanctionnables de la compétition

sportive........................................................................................................................................................ 34

Chapitre II : Les entraves à la concurrence en compétition sportive. ........................................... 54

Partie ΙΙ : Le tempérament : la reconnaissance d’une Spécificité sportive. ............ 63

TITRE I : Les exemptions sportives. ............................................................................... 63

Chapitre I : Les causes de l’exemption individuelle. .................................................................... 64

Chapitre II : Les conséquences de l’application des exemptions à la compétition sportive. ......... 68

TITRE II : L’exception sportive. ..................................................................................... 76

Chapitre I : L’identification de la spécificité sportive. .................................................................. 76

Chapitre II : Les règles de concurrence et la spécificité sportive. ................................................. 86

CONCLUSION : ...................................................................................................... 100

TABLE DES MATIÈRES. ....................................................................................... 102

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................... 105

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Introduction :

1. Desport ̶ « Sport » ; un mot, un phénomène culturel, un état d’esprit que tout

Homme en société, qu’elle soit moderne ou plus primitive, a pu découvrir, connaître et

apprécier.

Le terme en lui-même pourrait être une fierté nationale puisque s’enracinant au mot de vieux

français « desport » qui signifie « divertissement, plaisir physique ou de l’esprit ».Cet instinct

sportif particulier de l’Homme a naturellement muté, convergé vers la compétition : ainsi,

dès 776 avant Jésus-Christ, un certain Corœbus, un cafetier d’Elis remporte l’unique épreuve

des Jeux d’Olympie, la course du stade, et devient le premier athlète connu de l’histoire des

Jeux. Bernard Jeu estime que cet événement marque le début du sport en Occident1. Mais

plus tôt, dès le Vème millénaire avant Jésus-Christ des moines taoïstes regroupent un

ensemble d'exercices de thérapie par le mouvement destinés à assurer l'immortalité de l'âme,

connu par la suite sous le nom de Kung-fu. Platon, dans son œuvre « République »,

s'intéresse avant tout à la gymnastique, équilibrée par l'étude de la musique, comme moyen

de former les défenseurs de la Cité. Puis tout au long de l’Histoire le sport a continué pour

s’ancrer dans les sociétés, de la grande Rome en passant par l’année 1823 où Webb Ellis lors

d'un match de folk football, variante locale de la soule, prend le ballon à la main au mépris

des règles les plus élémentaires du jeu, s’agissant pour beaucoup l'acte fondateur du rugby

moderne.

2. Culture La Grèce antique, Rome, Byzance, l’Occident médiéval puis moderne,

sont tous marqués par l’importance du sport qui tendrait à en faire, pour reprendre les mots

1 « Histoire chronologique du sport », extrait Magazine L’Agora, novembre 2004

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de Frédéric Baillette, un « invariant culturel 2». Dès lors, pour reprendre une maxime

byzantine, « les peuples sans sport sont des peuples tristes ». Par quel miracle, des milliards

de gens de toutes les cultures et de toutes les conditions, se passionnent à travers le Monde

pour des gestes aussi simples que courir, sauter, ou maitriser un ballon. Le sport doit bien

toucher en nous une corde sensible pour provoquer autant d’émotions. Peut être vient il

mettre en jeu des besoins fondamentaux que nous avons tous un jour éprouvés : s’affronter,

s’unir, défendre ensemble une identité commune. Mais si tous les mammifères jouent, un

seul compte les points et à partir de là tout change.

3. Economie du sport ̶ Dès lors, société et sport étant naturellement imbriqués,

société moderne et sport moderne vont de pair. Le sport moderne se définit par quatre

éléments indispensables : le premier étant la mise en œuvre d’une ou plusieurs qualités

physiques ; le second, une activité institutionnalisée ; le troisième, une pratique

majoritairement orientée vers la compétition ; et enfin une pratique fédérée.

L’expansion spectaculaire du sport dans nos sociétés ne s’inscrit pas seulement dans un

phénomène purement social, culturel mais également dans une dynamique économique. « Le

sport répond à des logiques dont l’importance et l’impact ont évolué avec la place prise par

le sport dans la société lors de ces trente dernières années3».L’une des illustrations de cette

évolution du sport d’une logique de spectacle à une logique économique est l’ouverture des

Jeux Olympiques à tous. Le comité international olympique a décidé d’abolir la distinction

entre sport amateur et sport professionnel et autorisé le parrainage commercial des jeux,

entrainant de facto une commercialisation générale de sport.

2 F.Baillette « Les arrière-pensées réactionnaires du sport », réed.2005, extrait revue Quasimodo

(bulletin trimestrielle de l’actualité corporelle) « Sport en nationalisme » octobre 1996

3 Communication du député fédéral belge Jean Pierre Grafé au Groupe de Travail de la Commission

Européenne du 29 janvier 1999

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Ainsi, dans notre société moderne la perméabilité du sport à l’économie de marché met en

avant à la fois l’universalité du sport et la logique de compétition qui constitue le cœur même

de cette activité. Les enjeux économiques se démultipliant dans ce secteur, nous avons assisté

à une véritable émergence d’une économie du sport, autrement définit par le sport business,

et qui n’a pu que faciliter la pénétration du droit notamment économique au monde sportif.

Si, en effet, il constitue l’une des plus anciennes activités humaines, le droit a, en revanche,

bien tardé à s’y intéresser. Même si, aujourd’hui, l’activité sportive semble captée par le

droit, le droit économique se heurte souvent à l’organisation du sport. Ainsi, aux premiers

abords, beaucoup de personnes pensent difficile de croire en l’existence d’une quelconque

liaison entre le droit de la concurrence et la compétition sportive.

Or, ne serait-ce pas, aujourd’hui, être dans le déni de ne pas croire que le sport de

compétition peut être lié à une activité économique sur un marché et ainsi intéresser le droit

de la concurrence ?

Section Ι : Notions fondamentales, droit de la concurrence, compétition

sportive

4. Droit de la concurrence ̶ Le droit de la concurrence est un droit récent. Son éveil

tardif en Europe date de l’idée européenne et de la construction d’une Union Européenne

voulant concurrencer la marche folle des Etats-Unis en termes de compétitivité. Ainsi, datant

de la fin du XIXème siècle aux Etats-Unis, ce n’est que dans les années 50 que les politiques

de concurrence ont pu apparaître en Europe.

Dès lors, la difficulté est moindre pour ce qui est du travail de déterminer une définition du

droit de la concurrence. L’idée première serait que ce droit se définit à partir de la

concurrence elle-même. Ce nouveau concept est né avec la reconnaissance tout de même

ancienne de la liberté du commerce et de l’industrie, de libre concurrence proclamée par le

décret d’Allarde renforcée par la loi Le Chapelier de 1791, consacrant la liberté pour chaque

opérateur économique de s’affronter sur un marché afin de capter la clientèle. Mais

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comme toute liberté, il a fallu l’encadrer par des règles, règles de droit qui seront celles du

droit de la concurrence. Le droit de la concurrence est alors le droit d’une économie de libre

concurrence, constitué de l’ensemble des règles destinées à contrôler ou réguler la

concurrence, la compétition4.De manière stricte, ce serait donc le droit qui uniquement assure

de réguler le marché ,le droit antitrust5 notamment par le contrôle des ententes et des abus de

domination (TFUE, art,101 et 102) mais considérons de manière plus large qu’il s’agit de

l’ensemble des règles assurant le contrôle des actions des opérateurs économiques, incluant

règles pénales et règles civiles6.

5. Compétition sportive ̶ Après avoir tenté un éclaircissement sur la définition du

droit de la concurrence, il conviendrait de s’attarder sur la définition de « compétition

sportive ». Le sport présente cette caractéristique ; celle où la compétition peut faire

transcender des Hommes dans son sport, celle de faire vibrer une nation à chaque seconde

écoulée d’un match de 80 minutes de finale de Coupe du Monde. Le sport sans compétition

ne serait pas sport mais un jeu de grands enfants. La compétition est d’abord une mesure,

précisément une mesure de la performance7. Pierre de Coubertin avait déjà conceptualisé

cette idée avec son célèbre adage « altius, fortius, citius » (« plus haut, plus fort, plus vite »),

et démontrant que le sportif se confond souvent avec un compétiteur à la recherche d’une

performance. Ainsi, pour Gérald Simon, professeur à l’université de Bourgogne et Directeur

du laboratoire de droit du sport, « la compétition sportive apparaît au plus haut degré comme

4 D.Mainguy, M.Depincé, J-LRespaud ; Droit de la concurrence Litec éd.2010

5 Ernest Wolf, La législation antitrust des Etats-Unis et ses effets internationaux, Revue de droit

international comparé, volume 2, n°3, p. 440-477

6 D.Mainguy, M.Dépincé, J-LRespaud ; Droit de la concurrence Litec éd.2010,

7 G.Simon ; C’est de la compétition et d’elle seule que l’activité sportive tire sa spécificité,

droitdusport.com 23/01/2012

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le cadre et le lieu où s’expriment ces visées de performance communément et

contradictoirement recherchées par les compétiteurs ».

Alors comment ne pas aborder afin de cerner cette notion de compétition sportive, le fait

qu’elle-même est indissociable de la règle sportive. En effet, que serait la compétition sans

règles préalablement définies, que serait bien cette folie de courir ballon à la main ou aux

pieds pour aller marquer, en s’effectuant des passes en arrière ou d’une main, de marcher le

plus vite possible mais sans courir ? C’est donc la règle sportive qui a pour objet

l’organisation de la performance et qui présente alors une spécificité par rapport aux autres

règles de tout ordre. Dès lors, «le sport présente une irréductible spécificité résidant dans le

fait qu’en l’absence de règle, il n’existe pas et sa conception même s’avère impossible 8».

Pourquoi dès lors ne pas parler seulement que de sport ? Car sport dans notre société veut

tout dire. Rien ne vous empêche d’en faire ou de ne pas en faire, d’en faire un peu ou un peu

plus mais pour l’essentiel le sport se conçoit comme simplement une activité physique, de

bien-être et où la compétition est ignorée. La compétition sportive doit s’entendre en ayant à

l’idée la règle sportive qui soumet tous les concurrents et compétiteurs au même combat.

Nous pouvons également justifier que le droit aura tendance à s’intéresser davantage à la

compétition sportive organisée par des instances internationales qu’au sport qu’un inconnu

peut faire plus ou moins régulièrement. Dans le même sens, pensez-vous que les médias du

monde entier puissent s’intéresser au footing du dimanche matin plutôt qu’aux Jeux

Olympiques de Londres 2012 ? La compétition sportive n’est alors pas totalement semblable

au terme général qu’est le sport.

8 Ph.Jestaz, « Des chicanes sur une chicane », RJES, 1990, n°13, p.3

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Section ΙΙ : Confrontation et enjeux

6. Des liens ̶ L’étude de la confrontation entre une matière juridique et le monde

sportif paraitrait aux premiers abords maladroite tant les différences entre ces deux mondes

pourraient facilement l’emporter pour écarter toute quelconque liaison entre ces deux

matières. C’est alors avec la prétention de vouloir gommer ces doutes que ce travail tentera

d’établir, de recenser les liens existants entre le droit de la concurrence et la compétition

sportive.

Pour ce que l’on pourrait appeler un avant-goût, «l’idée de concurrence n’est pas une idée

appartenant exclusivement à l’univers de l’entreprise. La compétition sportive notamment

présente des similitudes factuelles avec la concurrence entre entreprises : des compétiteurs,

des juges, des fautes, des manipulations, du dopage…, des règles9».

7 Problématique ̶Les propos suivants auront ainsi pour fil directeur d’apporter les

éléments de réponse à la problématique qui serait de savoir si les règles du droit de la

concurrence s’appliquent elles à la compétition sportive ?

L’importance du sport de compétition dans notre société et essentiellement sur l’économie de

marché nécessite l’étude de l’application de droit de la concurrence, droit à caractère

économique, dans ce domaine. Par delà la définition de « compétition sportive », nous

entendrons par ce terme tout ce qui attrait à celle-ci et qui pourrait présenter une application

au regard du droit de la concurrence, notamment et essentiellement les activités

économiques, les marchés que peut faire naitre la compétition sportive.

8. Délimitation du sujet ̶ Le droit de la concurrence étant pour l’essentiel

communautaire, il s’agira notamment d’appuyer la démarche sur le Traité sur le

9 9 D.Mainguy, M.Depincé, J-LRespaud ; Droit de la concurrence Litec éd.2010,

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Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), mais aussi sur des éléments plus

spécifiques au droit du sport notamment présents en droit français dans le Code du sport.

Longtemps considéré comme tel, l’« exception sportive »10 au regard du droit de la

concurrence, le domaine sportif a évolué au regard de ce droit en véritable « spécificité

sportive »11 pour y trouver son application, notamment depuis la décision du Conseil d’Etat

du 19 avril 2001 UEFA.

Au-delà de l’importance de la compétition sportive sur l’économie et les marchés qui

gravitent autour de celle-ci et donc de l’étude théorique du lien entre droit de la concurrence

et compétition sportive, il s’agira dans ces travaux d’orienter une étude sur le coté pratique.

Parce qu’il ne s’agirait pas d’oublier que le droit débouche toujours sur la praxis, ces travaux

auront pour ambition de guider les professionnels du droit devant répondre à des problèmes

de droit du sport, mais aussi les professionnels du sport, fédérations, entreprises liées au

monde sportif afin d’étayer leurs réponses aux problèmes juridiques auxquels ils devront peut

être répondre. C’est une des raisons pour laquelle, nous traiterons dans l’essentiel de règles

matérielles en laissant de coté toutes les règles processuelles afférents au droit de la

concurrence d’une part mais aussi au droit du sport, droit qui présente des particularités au

regard des compétences juridictionnelles notamment.

9. Annonce du Plan ̶ Il s’agira dans une première partie d’étudier la connivence entre le

droit de la concurrence et la compétition sportive (Partie Ι). Nous verrons ensuite dans une

seconde partie que la compétition sportive ne saurait être étrangère à la spécificité sportive

entrainant parfois une difficile application du droit de la concurrence (Partie ΙΙ).

10 Comm. CE. ;Livre blanc sur le sport,11 juillet 2007

11 Déc. n°2001/478/CE, 19 avril 2001, UEFA, JOCE n°L171, 26 juin 2001, p12

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Partie Ι : La convergence entre droit de la

concurrence et compétition sportive.

Se poser la question de l’applicabilité du droit de la concurrence au domaine de la

compétition sportive peut choquer. Cependant, le sport et ses intervenants doivent s’adapter à

la montée des imbrications commerciales et le respect du droit de la concurrence apparaît

alors vital. Il est d’abord important de s’attarder sur l’applicabilité du droit de la concurrence

à la compétition sportive (Titre I) avant de réaliser qu’il est fait application de ce droit (Titre

II) dans tous les domaines de la compétition sportive.

Titre Ι : L’applicabilité du droit de la concurrence à la

compétition sportive.

Savoir si le droit de la concurrence s’applique à la compétition sportive, c’est d’abord

traiter du champ d’application du droit de la concurrence, aussi bien national que

communautaire (Chapitre 1). Enfin, le droit public peut créer des obstacles à l’applicabilité

des règles de concurrence. Le secteur public, concerné par la compétition sportive, dépend

naturellement du droit public. Toute la question est alors de savoir si le secteur public

pourrait être considérer, comme un élément, certes à part, du champ d’application du droit de

la concurrence. Nous étudierons alors le débat animé dans cette sphère du droit afin de

démontrer que ces différents obstacles peuvent être levés pour l’applicabilité du droit de la

concurrence au secteur public , et notamment le cas très controversé des fédérations

sportives.( Chapitre 2)

Chapitre Ι : Le champ d’application du droit de la concurrence.

Le droit de la concurrence, aussi bien français que communautaire, à vocation à

s’appliquer à des activités spécifiques. Nous verrons que le champ d’application repose sur

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deux notions importantes, celle d’« entreprise » et d’« activité économique » (Section I). Dès

lors, il conviendra de savoir comment la compétition sportive rentre assurément dans ce

champ d’application (Section II).

Section Ι : Les fondements théoriques de l’applicabilité du droit de la

concurrence.

Avant de cerner les problématiques liées à l’applicabilité du droit de la concurrence et

notamment au secteur de la compétition sportive, le droit de la concurrence impose pour sa

compréhension la nécessité de connaître des instruments tels que les notions d’ « activité

économique » (I) ou d’ « entreprise » (II).

I] La notion d’activité économique

10. Activité économique ̶ La notion d’activité économique n’est pas facile à

appréhender. Il ne faut pas se laisser tromper par l’emploi du mot « commerce ».Le

commerce désigne « l’échange de biens et de services »12, définition plus stricte par rapport à

ce représente l’activité économique. En effet, l’activité économique va au-delà du simple

échange et englobe les activités de production, de distribution ou de commercialisation de

produits et/ou de services.

Aux termes de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix

et de la concurrence, il est disposé que : « Les règles définies à la présente ordonnance

s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris

12 Cahiers de l’OCDE Commerces de marchandises et de services : tendances statistiques et problèmes

de mesure, novembre 2001, n° 1

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celles qui sont le fait de prérogatives de personnes publiques, notamment dans le cadre de

conventions de délégations de service public ».

Cet article définit le champ d’application du droit français de la concurrence. Seul compte

l’exercice d’une « activité de production, de distribution ou de services ». Cette énumération

de l’article 53 est destinée à soumettre l’ensemble de l’activité économique au respect des

règles de concurrence.

11. Commerce ̶ Le commerce constitue un échange à caractère économique. De

même, la nature du bien ou du service, le statut de l’exploitant n’offrent aucun critère de

l’activité économique. Dans l’article 60 du traité de Rome, définissant les services au sens de

la libre prestation de services, l’échange à caractère économique suppose une

« rémunération ». L’interprétation de cette condition ne doit pas se faire dans un sens

restrictif : c’est l’existence d’une « contrepartie », susceptible d’être évaluée pécuniairement

qui est visée.

De plus, il convient d’ajouter la précision apportée par la Commission européenne

dans sa décision relative à la distribution des forfaits pour la Coupe du Monde 1990 en

Italie : « Constitue une activité économique, toute activité qui participe aux échanges

économiques, abstraction faite de la recherche du profit »13 Cette précision ayant été faite au

sens des règles de concurrence, il est désormais plus clair de ce qui apparaît être une activité

économique. Or, il est bien des cas où des sujets inhérents à la compétition sportive, tels les

groupements sportifs, les fédérations sportives ou bien même les sportifs, sont les auteurs de

telles activités.

II] La notion d’entreprise en droit communautaire

13 Décision 92/521/CE, JO n°L 326, p.31

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12. Entreprise européenne ̶ Le droit communautaire peut aussi trouver à s’appliquer

dans le cas où le commerce entre Etats membres est susceptible d’être affecté. Le champ

d’application des articles 101 et 102 du TFUE est circonscrit à la notion d’ « entreprise ».

Cette notion est définie comme étant « toute entité exerçant des activités de nature

économique indépendamment de sa forme juridique. »14

On retrouve donc d’une part les « activités de nature économique » définies au

premier paragraphe dans le champ d’application du droit communautaire de la concurrence.

13. Indifférence la forme juridique ̶ D’autre part, le droit communautaire apporte

plus de précisions quant aux sujets de ces activités économiques. Ce droit a vocation à

s’appliquer aux « entreprises » au sens de « toute entité […] indépendamment de sa forme

juridique. ». Là encore, le droit communautaire insiste clairement que la forme juridique

n’est pas un critère pour l’application du droit de la concurrence : une personne physique tel

le sportif, une société tel un club, une association tel une fédération peuvent revêtir la forme

d’une entreprise et exercer ainsi une activité économique déterminée. L’entreprise se

caractérise donc par la nature de l’activité exercée : une activité économique.

Section ΙΙ : La compétition sportive, élément du champ d’application

du droit de la concurrence.

L’enjeu de ce qui suit est primordial. Primordial dans le sens où nous toucherons au

plus près à l’affirmation d’une applicabilité des règles concurrentielles au secteur de la

compétition sportive. Nous verrons en effet que ce dernier connaît des activités économiques

14 CJCE, 23 avril 1991, Klaus Höfner et Fritz Elser contre Macrotron GmbH, Aff. C-41/90, Rec. I-

1979, point21 ; CJCE 17 février 1993, Christian Poucet c/ assurances générales de France et Caisse mutuelle

régionale du Languedoc-Roussillon, Aff. C-159/91 et C-160/91, Rec. P I-637, point17

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propres et entre ainsi dans le champ d’application du droit de la concurrence (I). Egalement,

nous verrons que meme les statuts juridiques des sportifs peut tendre à l’application de ce

droit (II)

I] Les activités économiques « per se » de la compétition sportive

14. Principe de rattachement ̶ De ce qui précède, il apparaît alors de faire référence

logiquement à la décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) qui

énonce que le sport relève du droit communautaire dans la mesure où il peut constituer une

activité économique.15La décision ne concerne cependant que le sport dans sa dimension

commerciale mais n’empêche pas d’établir un premier principe fondateur de l’application des

règles de concurrence à la compétition sportive : la nature économique de l’activité a pour

conséquence l’application des règles du droit de la concurrence.

15. Applicabilité large ̶ Afin de saisir l’application de ce principe, citons la décision

de la Cour d’Appel de Paris du 23 décembre 1991 qui apporte des conclusions intéressantes

de la notion d’activité économique dans le secteur du sport. L’affaire concernait les droits de

retransmissions télévisées des matches de football négociés par la Fédération Française de

Football (FFF).La Cour a estimé que la cession des droits de retransmissions des

manifestations sportives était une activité de service. Elle a en effet décidé que « l’article 53

de l’ordonnance de 1er décembre 1986 étant applicable à toute activité de production, de

distribution ou de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, il n’y a

pas lieu de rechercher si les personnes en cause entendaient se comporter en véritable

entreprise et se situer dans le domaine concurrentiel des activités industrielles et

commerciales ou si elles obéissaient à une logique de profit ».16

15 CJCE 12 décembre 1974, Walrave, affaire 36/74, Rec. p 1045

16 CA Paris 23 décembre 1991, La cinq S.A, BOCC 1992, n°3, p.42

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Cette décision témoigne de par sa largesse du fait que beaucoup d’activités liées au sport et

plus précisément à la compétition sportive peuvent être invariablement économique. Pour

étayer cette proposition, citons également la décision du Tribunal de Première Instance des

Communautés Européennes (TPICE) qui avait décidé que le fait de vendre les droits de

diffusion à des sociétés de télévision constituait incontestablement une activité de

distribution, pouvant ainsi être appréciée au regard du droit de la concurrence. De plus, dans

cet arrêt Scottish Football Association / Commission, l’association écossaise en question n’a

jamais contesté sa qualification d’entreprise dans ses moyens de défense17.Mais encore, la

Commission Européenne a évalué au regard du droit européen de la concurrence le système

de distribution des forfaits touristiques pendant la Coupe du Monde 1990 en Italie et a

reconnu le statut d’ entreprise à la FIFA et à la Fédération Italienne de football. Dans cette

affaire, avaient été considérées comme économiques les activités qui « concerne la

conclusion de contrats relatifs à la publicité, l’exploitation commerciale des emblèmes de la

Coupe du monde, la conclusion de contrats relatifs aux droits de retransmission avec la

télévision18 ».

16. Per se ̶ À la lecture de ces décisions, il est par conséquent quasiment acquis que

d’autres activités touchant de près ou de loin la compétition sportive peuvent être considérées

comme économiques : la vente d’espaces publicitaires sur les vêtements des athlètes, les

parrainages, la participation rémunérée des clubs à des manifestations non sportives… mais il

apparaît que finalement nous pouvons deviner assez facilement celles qui sans aucun doute

feront l’objet d’une qualification économique. Dès lors, les entreprises fournisseurs

d’équipements pour les sportifs sont un des exemples qui ne laissent planer aucun doute sur

l’application des règles de concurrence à leurs activités. C’est pourquoi le principe énoncé

précédemment présente une fiabilité telle pour connaître de l’application de ces règles de

17 CJCE 9 novembre 1994, Scottish Football Association /Commission

18 Décision « Forfaits touristiques », 27 octobre 1992, JO L n°326, p.31

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concurrence que l’on pourrait proposer que celui-ci révèle les activités économiques per se.

Par conséquent, constituent donc des entreprises sportives professionnelles soumises aux

dispositions du droit de la concurrence, pourvu qu’ils exercent de telles activités, les athlètes

en tant que prestataires indépendants, les clubs, les associations de club tant nationales

qu’internationales.

II] Les statuts juridiques du sportif

17. Nature de l’activité sportive ̶ Le sportif et plus précisément le compétiteur qui

exerce une des activités telles que définies ci-dessus est soumis sans contestation possible au

droit de la concurrence. Les activités propres du sportif peuvent être qualifiées pour la

plupart d’économiques. Pour exemple, les contrats individuels de parrainage avec des

équipementiers ou avec d’autres marques auxquelles leurs images peuvent être associés.

Cependant, il se pose à ce stade la question de savoir si l’activité sportive elle-même peut elle

considérer ou non comme une activité économique ?

18. Amateurisme ̶ Sur ce point, écartons d’ores et déjà, la situation des amateurs. En

effet, pour reprendre les mots de Gilles Parléani : « le bénévolat et l’amour du sport sont

leurs motivations19 ». Rares sont les cas où amateurs ont contractualisés leur rapport à leur

sport et aucune contrepartie financière n’est allouée pour leur pratique de la compétition si ce

n’est que le remboursement de frais éventuels. Bien au contraire, l’amateur doit le plus

souvent payer pour pratiquer son sport. L’activité économique éventuelle ne sera pas exercée

par le sportif lui-même mais le sera par l’association qui collecte les cotisations.

19 Gilles Parléani, « Un an après l’arrêt Bosman : que faire du foot en droit communautaire ? », JCP

1997, n° 30, p.318

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

16

19. Professionnalisme ̶ Pour les professionnels et semi-professionnels, la pratique

sportive peut constituer pour ces compétiteurs un métier ou un « second métier ».Dès lors, ils

y perçoivent une contrepartie pour leur activité. Il y a bien ici l’exercice d’une activité

économique. La CJCE a d’ailleurs reconnu que les sportifs professionnels ou semi-

professionnels de football exercent une activité économique dès lors qu’ils exercent une

activité salariée ou effectuent des prestations de services rémunérées20.

Cependant, la qualification juridique de l’activité du sportif a des conséquences sur

l’application du droit de la concurrence selon que celle-ci soit l’objet d’un sport individuel

(A) ou d’un sport pratiqué en équipe (B).

A) La compétition individuelle et en équipe distinguées

20. Objet de la distinction ̶ Cette distinction revient bien évidemment à distinguer le

cas du sportif individuel et celui du sportif pratiquant son sport en équipe. En effet, leur

situation est différente puisqu’au-delà de la différence par nature pouvant être devinée, il en

découle également une différence dans l’appréhension des règles de concurrence. Les sportifs

individuels peuvent, du fait du caractère personnel de leurs prestations, être soumis à

l’application de ces règles alors que cette application reste incertaine pour les sportifs

d’équipe.

21. Critères de distinction ̶ La notion de sportif individuel recouvre, en principe, les

activités sportives exercées par des individus à titre personnel. Il se retrouve seul en

compétition avec d’autres qui eux-mêmes aussi bénéficieront du résultat lié exclusivement à

la qualité de la prestation accomplie. Ces activités sportives individuelles peuvent s’exercer

par une confrontation directe de deux sportifs, telle est la pratique du tennis, du judo, de boxe

20 CJCE 14 juillet 1976, Donà, Rec. 1976 p.1333

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17

mais aussi par une confrontation de plusieurs sportifs, l’exemple même étant l’épreuve du

sprint en athlétisme ou les séries de natation. Le sport en équipe, quant à lui, recouvre les

activités sportives qui réclament la formation, la cohésion de tout un groupe d’individus

réunis pour façonner une prestation collective. Rugby, football, basket-ball et bien d’autres

répondent bien entendu à ces critères.

Mais ici aussi il est nécessaire de pouvoir apporter des nuances à cette distinction. En effet, le

caractère individuel de certains sports peut parfois s’effacer au profit du caractère collectif et

faire apparaître le sport individuel comme un sport collectif. Il en va ainsi des courses

cyclistes où les sportifs sont obligés, pour pouvoir y participer, de faire partie d’une équipe et

où parfois les classements des épreuves sont tantôt individuels et tantôt collectifs. Également

au tennis où le plus souvent le compétiteur joue individuellement et perd cette qualité quand

il pratique un double ou quand il représente sa Nation en étant sélectionné à la Coupe Davis.

B) Les conséquences juridiques de la distinction

22. Salarié ̶ La forme collective du sport pratiqué et l’appartenance à une équipe

implique généralement un lien de subordination entre le sportif et le club pouvant se

schématiser par une relation « salarié-employeur ». Chaque sportif représentant son équipe

est donc salarié du club qui l’embauche. Au-delà du jeu, le sportif professionnel reçoit un

salaire pour ses services et il apparaît donc qu’ici les relations sont dès lors régies par le droit

du travail et que le droit de la concurrence n’a pas vocation à s’appliquer en ce qui concerne

les activités sportives à proprement parler du compétiteur.

Un arrêt de la CJCE a pu définir clairement la notion de travailleur en énonçant les critères

d’identification. Selon les termes de cette décision, il s’avère que le travailleur est une

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18

personne qui accomplit une prestation, laquelle est exercée dans un lien de subordination et

qui donne lieu à une rémunération21.

En effet, il est clair qu’aux termes des dispositions des articles 101 et 102 du TFUE, le

travailleur subordonné n’est pas une entreprise. Louis Vogel a pu conclure en ce sens : «

l’objet de l’échange, dans un rapport de travail subordonné, n’est pas réductible à un bien

ou un service susceptible de donner lieu à un marché ».22

Cependant, nous n’éluderons pas le contraire de ce propos qui consisterait à dire que certains

sportifs professionnels auraient en réalité des relations atypiques avec leur club et se

détermineraient comme ayant un statut de sportif-entreprise. Au terme de la décision rendue

par la jurisprudence Bosman23, l’avocat général a en effet laissé planer le doute en soutenant

que les sportifs professionnels exerçant leur sport collectivement pourraient être considérés

comme des prestataires de services. Dès lors, ce sportif pourrait lui-même être considéré

comme une entreprise24.

Pour le sportif individuel la situation est bien différente. Il n’est subordonné à aucun

employeur et n’est donc pas un salarié. Dès lors, peut-on contrôler son activité au regard du

droit de la concurrence ?

21 CJCE, 3 juillet 1986, Lawrie-Blum, affaire 66/85,

22 Louis Vogel, Droit commercial européen , Dalloz, 5ème édition, p.353.

23 CJCE 15décembre 1995, Union royale belge des sociétés de football Association, Royal Club

liégeois et UEFA c/ Jean Marc Bosman , affaire C415/93, Recueil CJCE, I, p.4921-4922.

24 Revue Marché unique Européen, 1996, n°1, relative au point 201 des conclusions de l’avocat

général Carl-Otto Lenz.

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19

La teneur de la jurisprudence Deliège25 semble éclairer cette problématique. L’affaire

concerne mademoiselle Deliège, judoka de nationalité belge, qui désirait participer à un

tournoi international en vue de sa qualification pour les Jeux Olympiques d’Atlanta de 1996.

Or, d’après les règlements des fédérations, la participation à ce genre de tournoi est limitée

par des l’application de quotas nationaux et soumise à une présélection par les fédérations

nationales. Non sélectionnée par la ligue belge, la judoka saisit alors le tribunal de Namur

pour que la ligue soit obligée de lui assurer le droit de concourir au tournoi. Par Ordonnance

du 16 février 1996, la juridiction belge invite la CJCE à répondre à la question préjudicielle

suivante :

« Un règlement qui impose à un sportif professionnel, semi-professionnel ou candidat à un

tel statut, d’être en possession d’une autorisation ou d’une sélection de sa fédération

nationale pour pouvoir concourir dans une compétition internationale et qui prévoit des

quotas nationaux d’engagement ou de semblables compétitions, est ou non contraire au

traité de Rome et notamment aux articles 59 à 66, ainsi qu’aux articles 85 et 86 ».

Le sportif individuel, n’ayant pas de lien de subordination, effectue des prestations de

services du fait du caractère personnel de celles-ci. Dans l’affaire Deliège, l’avocat général

avait même conclu en précisant la nature économique de l’activité sportive de la judoka : « la

pratique d’un sport amateur à un niveau élevé peut être considérée comme une activité

économique26 ».

25 Tribunal de Première Instance de Namur, Chambre des Référés (8e), 6 février 1996, « Deliège

contre ASBL Ligue francophone de judo et autres »

26 www.europa.eu.int, Christelle Deliège v ASBL Ligue francophone de judo et autres , 18 mai 1999,

affaires jointes C 51/96 et C 191/97

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

20

Chapitre ΙΙ : L’applicabilité du droit de la concurrence à l’épreuve du

droit public.

La problématique de l’applicabilité du droit de la concurrence au secteur public a été

et constitue encore un volet non négligeable de la doctrine. Il faut en effet traiter avec la

dichotomie classique plus large entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif en droit

français. Ce volet, constituant également une des pierres angulaires de notre débat, se

caractérise par une réponse assez nette allant dans le sens d’une applicabilité certaine du droit

concurrentiel au secteur public mais sans quelques difficultés d’interprétation du droit. Le

secteur public est généralement traiter par le droit public dépendant de l’ordre administratif

et, de fait, la porte d’entrée pour l’applicabilité des règles du droit de la concurrence semble

étroite. Cependant, nous verrons que le secteur public est bel et bien un élément du champ

d’application du droit de la concurrence. Alors, il s’agira d’abord d’examiner le principe

selon lequel le droit de la concurrence est applicable au secteur public (Section I) permettant

de vérifier de l’application de ce droit à la compétition sportive. Nous verrons ensuite que ce

n’est pas sans difficulté que le droit de la concurrence soumet la compétition et notamment

les fédérations sportives à son applicabilité (Section II).

Section I : Le principe d’applicabilité du droit de la concurrence au

secteur public.

L’applicabilité du droit de la concurrence au secteur de la compétition sportive ne

peut passer outre la problématique de ses relations avec le droit public. Nous verrons que

d’abord le secteur est concerné dès lors qu’une applicabilité aux personnes publiques est

concevable (I). Il en sera de même dans le cas des délégations de services publics au profit de

personne appelés ci-après les « délégataires publics » (II).

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

21

I] Une applicabilité aux personnes publiques.

23. Interprétation stricte ̶ Pour commencer, il s’agirait de rappeler d’emblée les

dispositions de l’ancien article 53 de l’Ordonnance du 1er décembre 1986 désormais codifiés:

« Les règles définies à la présente ordonnance s’appliquent à toutes les activités de

production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de prérogatives de

personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégations de service

public ».

Dès lors, ces dispositions codifiés à l’article L 410-1 du Code de Commerce éclairent

sur l’étendu de l’applicabilité du droit de la concurrence au secteur public. Mais avant de

considérer les conséquences de ses dispositions, l’article L 420-1 du Code de Commerce

relatif à la prohibition des ententes dispose que les règles définies par la loi « s’appliquent à

toutes les activités de production, de distribution et de service, y compris celles qui sont le

fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de

service public ».

Les personnes publiques sont donc de facto soumises aux règles du droit de la

concurrence, peu importe que les actes aient été passés par la puissance publique elle-même

telle une collectivité territoriale27 ou par un établissement public à caractère administratif tels

que les Centre de Ressources, d'Expertise et de Performance Sportives, dit les « C.R.E.P.S »

que tout compétiteur connaît. En effet, l’ancien Conseil de la Concurrence a pu souligner à

diverses reprises que toute exception à la règle du libre jeu de la concurrence est

nécessairement d’interprétation stricte28. C’est ainsi que, et plus largement, nous pouvons

27 TGI Annecy, 19 janvier 1993, Lettre distrib. 1993, no 3, Actualités DGCCRF avril 1993

28 Rapport du Conseil de la Concurrence, 1991, p.6

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

22

conclure que les statuts législatifs régissant les personnes morales de droit public, les

entreprises publiques ou les personnes morales de droit privé investies d’une mission de

service public telles que, nous le verrons plus tard les fédérations sportives29, ne sauraient, en

l’absence de disposition législative expresse, les dispenser, dans l’exercice d’activités de

production, distribution ou de services, de respecter les obligations légales en matière de

concurrence.

II] Une applicabilité aux « délégataires publics ».

24. Le cas des délégations de service public ̶ De ce qui précède, il va de soi qu’a

fortiori les règles de droit de la concurrence soient applicables aux personnes morales de

droit privé investies d’une mission de service public. Les actes des personnes privées sont en

principe des actes de droit privé. Cependant, la jurisprudence a bel et bien distingué les cas

des personnes morales, qui, ayant un statut de droit privé, sont investies de mission de service

public ou chargées de la gestion d’un service public. Lorsque de tels organismes font usage

de « prérogatives de puissance publique » qui leur sont conférées pour l’accomplissement de

leur mission de service public, les actes qu’ils prennent revêtent le caractère d’acte

administratif.

Dès lors, attardons nous sur cette notion particulière et spécifique au droit

administratif (A) avant d’examiner les solutions dégagées dans le secteur sportif (B).

29 Franck Berthault, Les fédérations sportives face au droit de la concurrence, Les Echos, 22 novembre

1994, p.18

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

23

A) La notion de prérogative de puissance publique.

25. Définition ̶ La notion de prérogative de puissance publique a fait l’objet de peu

d’attention de la part de la doctrine. Le professeur René Chapus l’a définit comme

« l’exercice d’un pouvoir de décision destiné à satisfaire les exigences de l’intérêt général,

ou plus précisément les besoins du service public 30».Pour Gérald Simon, « une telle

définition si elle détermine le but dans lequel la prérogative doit être exercée, la satisfaction

des besoins du service, elle n’explicite en rien le sens de la notion ».

Selon le même auteur, les difficultés apparaissent lorsque la mission de service public se

confond avec l’objet social de la personne privée et en constitue la raison d’être. C’est le cas,

nous le verrons, en matière sportive où l’ensemble des fédérations ont, en vertu de leurs

statuts, la charge de l’organisation et du fonctionnement des compétitions de leur discipline.

B) Les solutions dégagées.

26. Remise en cause ̶ Ce n’est qu’après une longue hésitation de la jurisprudence

que l’on peut conclure à l’applicabilité des règles de concurrence au secteur public. En effet,

dans un arrêt du 4 novembre 1996, le Tribunal des Conflits a précisé que l’acte d’une

fédération sportive étant un acte administratif ne constituait pas « en conséquence » une

activité de production, de distribution ou de service à laquelle s’appliqueraient les règles de

l’ordonnance de 1986. Cette formulation semble exclure le droit de la concurrence en son

entier.

30 René Chapus, Droit Administratif Général, Montchrestien, 10ème ed., n°594,

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

24

27. Applicabilité confirmée ̶ Une série d’arrêts rendus le 3 novembre 1997 est venue

clarifier la position vis-à-vis du droit de la concurrence. Selon le Conseil d’Etat, il résulte des

dispositions de droit interne que :

« si le contrat par lequel une commune a concédé à une entreprise le service

extérieur des pompes funèbres ne saurait être utilement critiqué à raison du droit exclusif

d’exploitation du service public conféré à cette entreprise (…), les clauses de ce contrat ne

peuvent légalement avoir pour effet de placer l’entreprise dans une situation où elle

contreviendrait aux prescriptions susmentionnées de l’article 831 » et « à supposer que le

contrat litigieux ait contribué, en raison du droit exclusif qu’il comporte, à assurer à la

société des Pompes Funèbres Générales une position dominante sur une partie substantielle

du marché commun et soit susceptible d’affecter les échanges intracommunautaires, ses

clauses ne sauraient incompatibles avec l’article 86 du Traité de Rome que si l’entreprise

était amenée, par l’exercice du droit exclusif dans les conditions dans lesquelles il lui a été

conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive 32».

Il s’agit là d’une prise de position très claire en faveur de l’application du droit de la

concurrence par le juge administratif. Pour également attester du caractère indiscutable de

cette application, citons deux arrêts célèbres du 9 avril 1999 où le Conseil d’Etat a contrôlé

des actes administratifs au regard du droit de la concurrence. Une des affaires concernait la

décision du ministère de l’économie et des finances de refuser à la société The Coca-Cola

Company le droit de racheter à la société Pernod-Ricard la totalité des actifs industriels

relatifs aux boissons de la marque Orangina. Le Conseil d’Etat a rejeté la requête de la

société Coca-Cola en contrôlant la légalité interne de l’arrêté ministériel au regard des règles

31 CE section, 3 novembre 1997, Société Million et Marais, n° 169907

32 CE section, 3 novembre 1997, Société Yonne Funéraire, n° 148698

CE section, 3 novembre 1997, Société Intermarbres, n° 165260

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

25

du droit de la concurrence33. Dans la seconde affaire, l’affaire « Interbrew34 », le Conseil

d’Etat a annulé un arrêté autorisant une opération de concentration au motif qu’une entreprise

tierce intéressée n’avait pas été mise en demeure de présenter ses observations.

28. Conséquences préliminaires ̶ Dès lors, nous pouvons conclure que le secteur

public dans son ensemble, des personnes publiques aux personnes morales de droit privé

investies d’une mission de service public, sont soumises aux règles de concurrence. Nous

allons voir maintenant que ce postulat facilite l’application, certes particulière, à la

compétition sportive et notamment aux fédérations sportives.

Section II : Les fédérations sportives, objet de l’applicabilité du droit de

la concurrence.

Nous pourrions déjà supposées que les fédérations sportives, organisatrices des

compétitions sportives sont amenées à répondre de leurs actes au regard du droit de la

concurrence. Nous ferons ici que confirmer cette idée en essayant tout d’abord de procéder à

une identification de ces fédérations (I) avant de bel et bien connaître des quelques affaires

intéressant le droit de la concurrence (II).

I] Identification des fédérations sportives.

29. Définition ̶ En France, les fédérations sportives sont des associations dont le

statut est régi par la loi du 1er juillet 1901 dont le statut juridique est désormais codifié aux

articles L 131-1 à L 131-14 du Code du Sport. Elles peuvent néanmoins être agréées par le

ministre chargé des sports. Selon les dispositions de l’article L 131-8 :

33 CE, 9 avril 1999, The Coca-Cola Company, n°201853

34 CE, 9 avril 1999, Société Interbrew

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

26

« Un agrément peut être délivré par le ministre chargé des sports aux fédérations qui,

en vue de participer à l'exécution d'une mission de service public, ont adopté des statuts

comportant certaines dispositions obligatoires et un règlement disciplinaire conforme à un

règlement type. Les dispositions obligatoires des statuts et le règlement disciplinaire type

sont définis par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Comité national olympique et

sportif français ».

De plus, l’article L 131-9 dispose que :

« Les fédérations sportives agréées participent à la mise en œuvre des missions de

service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et

sportives ».

30. Ambivalence des actes pris par les fédérations ̶ A partir de la délégation du

ministre, les fédérations édictent des règlements sportifs et prennent différents actes pour

l’exécution de leur mission du service public. Mais il n’est pas impossible que les fédérations

interviennent aussi en dehors du cadre de leur mission de service public. Quoi qu’il en soit,

cette polyvalence des actes pris par les fédérations ne fait pas échec à l’application du droit

de la concurrence mais pose un simple de compétence entre les juridictions judiciaires et

administratives. D’après les propos de Gérald Simon, « toutes les incertitudes que révèlent

ces divergences tiennent à la nature des ambivalente des décisions des autorités sportives ».

Il ajoute également que « ces décisions par leur caractère unilatéral, s’apparentent aux

prérogatives de puissance publique reconnues aux personnes privées pour l’exécution d’une

mission de service public ; mais par ailleurs, leur objet commercial, sans rapport direct avec

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27

la mission d’organisation des compétitions déléguées par le ministre, peut les faire regarder

comme des actes de puissance privée35 ».

31. Conflit de compétence ̶ Dès lors, les règles de concurrence applicable doivent

être appréhendées tantôt par l’ordre judiciaire et tantôt par l’ordre administratif. Comme

convenu, nous laisserons volontairement cette séparation des ordres juridiques si ce n’est

sans préciser les principes élémentaires. On s’aperçoit que les fédérations sportives peuvent

prendre deux séries d’actes : ceux qui entrent dans le cadre de la mission de service public

dont sont investies les fédérations sportives et que l’on nomme « prérogatives de puissance

publique » et ceux qui sortent du cadre de cette mission. Si pour les premiers, le doute n’est

pas permis la compétence sera celle des juridictions administratives, pour les seconds le

Tribunal des Conflits a mis un terme à la relative quiétude qui régnait depuis une dizaine

d’années en opérant une nouvelle répartition des compétences dans une importante décision

« Gisserot36 ». Pour la première fois, en effet, le Tribunal s’est prononcé en faveur de la

compétence de l’Autorité de la Concurrence pour connaître de pratiques anticoncurrentielles

reprochées à un établissement public administratif en matière de marché public. Le Tribunal

indique en particulier que les marchés publics ne traduisent « la mise en œuvre de

prérogatives de puissance publique » ou ne concernent des actes portant sur l’organisation du

service public.

35 Gérald Simon, La nature juridique des règlements sportifs à objet commercial, Dalloz, 1999, Chron.

174

36 Trib.confl, 4 mai 2009, Préfet de région Ile de France, Préfet de Paris et Société Edition Gisserot c/

Centre des monuments nationaux, Revue Concurrences avril 2009, p.115,obs. Wachsmann A.

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28

II] Les affaires concurrentielles des fédérations sportives.

Les règles communes du droit de la concurrence ont pour vocation à s’appliquer aux

pratiques effectuées par les fédérations sportives dès lors que ces dernières concernent

l’exercice d’activités de production, distribution ou de prestations. Plusieurs arrêts élucident

des cas où cette hypothèse s’est révélée, ôtant dès lors tout doute à l’applicabilité du doit de

la concurrence aux fédérations sportives.

32. Affaire La Cinq ̶ En 1991, la chaine de télévision « La Cinq » saisit l’ancien

Conseil de la Concurrence d’une demande de mesures conservatoires suite au refus de la

Fédération Française de Football (FFF) de lui accorder l’autorisation de retransmettre des

rencontres de football disputées à l’étranger. Selon les statuts de l’Union Européenne de

Football Association (UEFA), une fédération peut s’opposer à la diffusion dans son pays de

matches se disputant hors du territoire. Devant le Conseil, la FFF souleva l’incompétence des

autorités de concurrence pour connaître de cette décision au motif que celle-ci constitue

l’exercice de prérogatives de puissance publique entrant dans le cadre de la délégation de

service public. Le Conseil de la Concurrence rejeta l’argument de la fédération au motif que

les décisions en question « ne sont pas susceptibles, en raison de leur nature, d’être

rattachées à la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique ; qu’en effet, la FFF,

association de droit privé, exerce, outre les missions d’intérêt général dont elle est investie,

une activité de prestations de services en signant avec les chaines de télévision des

conventions rémunérant la cession des droits de retransmission des événements sportifs37 ».

La FFF fit appel de cette décision devant la Cour d’appel de Paris, laquelle confirma, sur ce

point, la décision du Conseil de la concurrence38.

37 Conseil de la Concurrence, 19 novembre 1991, Recueil Lamy décembre 1991 n°470

38 Cour d’Appel de Paris, 23 décembre 1991, La cinq S.A, BOCC 1992, n°3, p.42

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29

En 1992, la FFF refusa une nouvelle fois d’autoriser « La Cinq » à retransmettre des

rencontres de la Coupe d’Italie régulièrement achetées par ladite société. La Cour de

Cassation alla dans le sens d’une applicabilité des règles de concurrence en considérant que

les décisions de la FFF « n’étaient pas des activités de service public ; qu’il s’agissait

d’activités de distribution et de services au sens de l’article 53 de l’ordonnance du 1er

décembre 198639 ».

33. Affaire de l’assurance-ski ̶ Le Conseil de la concurrence a été amené à se

prononcer sur les actes rendus par la Fédération Française de Ski (FFS). Au-delà du débat lié

à la compétence entre le juge administratif et judiciaire, l’ancien Conseil de la concurrence a

reconnu que la FFS exerçait « une mission de service public exclusive de toute activité

commerciale, économique, ou spéculative » et que cette mission n’entrait donc pas dans son

champ de compétence. Le Conseil s’est reconnu néanmoins compétent pour connaître des

pratiques incriminées au motif que « la diffusion par la FFS de produits d’assurance destinés

à couvrir les risques occasionnés par la pratique du ski, ne fait pas partie de la mission de

service public dont ladite fédération est investie ; qu’une telle activité constitue une activité

de services au sens de l’article 53 de l’Ordonnance du 1er décembre 1986 40».

34. Affaire Fédération Française de Squash Une fédération peut souhaiter imposer

à ses membres affiliés l’utilisation de matériels qu’elle aura préalablement agréés. La

Fédération Française de Squash (FFS) avait mis en place une procédure d’agrément

consistant à n’homologuer que les cours de squash fabriqués par des constructeurs agréés.

L’homologation reposait, d’une part, sur l’engagement des constructeurs de n’utiliser que

39 Cour de Cassation, Ch Com., 1er mars 1994, BOCC 1994, n°5, p.7

40 Conseil de la Concurrence, 28 juin 1994, Secteur de l’assurance ski, BOCC 16 septembre 1994,

p.395

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

30

certains produits de marque eux-mêmes agréés par la Fédération mondiale de squash ;

d’autre part, sur le versement d’une redevance par les constructeurs homologués.

Bien que la FFS ait argumenté que l’homologation n’avait pour but que l’équité entre les

joueurs et la préservation de leur sécurité, le Conseil de la concurrence décida qu’il ne

s’agissait pas de prérogative de puissance publique et que la procédure d’homologation, se

traduisant par la promotion de certains produits ou de certains services, constituait une

activité de services au sens de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986.

35. Affaire Adidas ̶ La société Adidas avait conclu un accord avec la Ligue

Nationale de Football (LNF) au terme duquel Adidas devenait le fournisseur exclusif de la

Ligue pour les compétitions qu’elle organise. Peu de temps avant l’officialisation de l’accord,

le conseil d’administration de la ligue avait décidé de modifier l’article 315 du règlement des

championnats de France de première et de deuxième division afin d’obliger les clubs à porter

les équipements fournis par la Ligue. Les principes concurrents de la société Adidas saisirent

le Conseil de la concurrence d’une demande de mesures provisoires afin de suspendre

l’accord passé entre la LNF et la société Adidas ainsi que l’application de l’article 315. Dans

une décision du 12 juillet 1995, le Conseil décida au contraire de se reconnaître compétent

pour connaître des deux actes au motif que « la mise en œuvre d’opérations promotionnelles,

se traduisant notamment par la fourniture exclusive d’équipements sportifs des joueurs

disputant le championnat de France, constitue une activité de distribution ou de service

détachable de l’exercice de prérogatives de puissance publique, et à laquelle s’applique

l’ordonnance du 1er décembre 198641 ».

La Cour de Cassation a été amenée, à, son tour, à se prononcer sur cette affaire après que la

LNF ait décidé de former un pourvoi contre la décision de la Cour d’appel de Paris du 23

41 Conseil de la Concurrence, 12 juillet 1995,BOCC 1995, n°13, P.391

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

31

août 1995. La chambre commerciale de la Cour de Cassation, par un arrêt du 2 décembre

1997, a remis en cause les décisions précitées des autres juridictions. La Haute Juridiction

confirma la compétence du Conseil de la Concurrence mais elle annula l’arrêt de la Cour de

l’appel de Paris en ce que celle-ci ne s’était pas reconnue compétente pour statuer sur

l’article 315 :

« Une telle disposition qui a pour seul objet la fourniture exclusive de vêtements et

d’équipements sportifs par la LNF aux clubs de première et deuxième division ne peut être

caractérisée comme une mesure mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique et

concerne seulement des activités commerciales de distribution de produits qui ne se

rattachent pas à la mission de service public reconnu à la LNF42 ».

Après renvoi devant la Cour d’appel de Paris, celle-ci décide que « il résulte de l’arrêt

[…]que la Ligue Nationale de Football, en se créant une exclusivité de fourniture des

équipements sportifs destinés aux clubs de première et deuxième division, a agi en dehors

des pouvoirs conférés par la délégation de service public dont elle bénéficie ; les activités de

la ligue à cet égard sont de nature commerciale et entrent en conséquence dans le champ

d’application de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ».

36. Affaire Datasport ̶ Dans cette affaire, le Tribunal des Conflits a eu à se

prononcer sur une affaire concernant la société Datasport et la LNF. Cette dernière, à qui la

Fédération Française de Football a confié l’organisation du championnat de France

professionnel de première et deuxième divisions, a décidé d’acquérir auprès de la société

Monacosoft, concurrente de Datasport, les droits d’exploitation d’un logiciel de gestion de

billetterie. La Ligue a mis ce logiciel, commercialisé sous le nom de « Ticket Foot », à la

disposition des clubs et leur a interdit l’utilisation de tout autre logiciel, exception faite au

42 Cour de Cassation, Ch Com., 2 décembre 1997

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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club du Paris-Saint-Germain qui pouvait utiliser le logiciel de Datasport. Estimant que ces

décisions de la LNF révélaient un abus de position dominante, la société Datasport a saisi le

Conseil de la Concurrence en lui demandant de prendre des mesures conservatoires pour

faire échec à la décision de la LNF.

Dans un arrêt rendu le 4 novembre 1996, le Tribunal des Conflits considéra « que si

l’application d’un logiciel par la Ligue Nationale de Football auprès de la société

Monacosoft peut être regardée comme une convention passée entre personnes privées, la

décision d’unifier, par ce logiciel, la billetterie informatique des clubs participant aux

manifestations sportives organisées par la Ligue Nationale de Football ressortit aux

pouvoirs d’administration et aux prérogatives de puissance publique qui ont été conférées à

ce groupement […] ; que dès lors, la délibération du Conseil d’administration de la Ligue

Nationale de Football […] a été prise dans le cadre de mission de service public assignée à

la Ligue Nationale de Football, et relève de l’exercice d’une prérogative de puissance

publique 43».

37. Non-remise en cause ̶ Cette arrêt est particulier car il semble être un séisme

après tout ce qui a été jusqu’à maintenant exposé notamment par le fait que celui-ci conclu

que l’exercice de prérogatives de puissance publique a pour effet d’entrainer la non-

application du droit de la concurrence aux activités des fédérations sportives. Mais ôtons tout

doute en affirmant que la jurisprudence suivante déjà évoquée plus haut a fait rendu caduque

celle-ci. Il semble que le Tribunal des Conflits a fait une mauvaise lecture de l’article 53 de

l’ordonnance de 1986. Cet article conditionne l’application d’un corps de règles, le droit de la

concurrence, à la présence d’une activité de production, de distribution ou de services. A

aucun moment ledit article ne parle de la nature des actes des opérateurs concernés, ni du

43 Tribunal des Conflits, 4 novembre 1996, Société Datasport c/ Ligue Nationale de Football, Revue

Concurrence Consommation avril 1997, p.11

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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statut de ceux-ci d’ailleurs. La nature administrative d’un acte n’est pas systématiquement

exclusive de la reconnaissance de l’exercice d’une activité économique de l’auteur de l’acte.

Il peut être administratif, cela n’enlève pas la nature économique de l’activité et la

soumission de celle-ci au droit de la concurrence.

38. Transition ̶ Cet arrêt est intéressant dans la mesure où on s’aperçoit de la

difficulté d’une pleine et claire reconnaissance de l’applicabilité du droit de la concurrence

compte tenu des hésitations des juges. Cependant, il reste esseulé et nous avons vu que le

principe d’applicabilité du droit de la concurrence à la compétition sportive est bel et bien au

goût du jour et se rencontre dans la jurisprudence. Ainsi, après avoir vu que les règles du

droit de la concurrence étaient applicable à la compétition sportive, nous allons voir que ces

règles sont largement appliquées (Titre II).

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

34

Titre ΙΙ : L’application du droit de la concurrence à la

compétition sportive.

Le droit de la concurrence est-il appliqué au domaine de la compétition sportive ? La

réponse à cette question, nous allons le voir, ne semble laisser place au doute. En effet, nous

verrons que même dans le domaine de la compétition sportive l’application du droit de la

concurrence peut être effective par la rencontre de comportements pouvant constituer des

pratiques anticoncurrentielles, sanctionnables par le droit de la concurrence (Chapitre I).

Nous examinerons ensuite que ces comportements peuvent être sanctionnés dès lors qu’ils

sont synonymes d’entraves à la concurrence (Chapitre II).

Chapitre I : Typologie des comportements anticoncurrentiels

sanctionnables de la compétition sportive.

Le « sport business » a développé l’activité des entreprises sportives et en a constitué

le moteur de l’activité économique du sport. Le marché de la compétition étant concerné,

certains agissements peuvent se rencontrer comme étant reprochables et sanctionnables vis-à-

vis du droit de la concurrence. Notamment, dans le domaine compétitif du sport peuvent être

retrouvés des comportements concernés par le droit des ententes (Section I) mais également

par le droit des abus de position dominante (Section II).

Section I : Les ententes dans la compétition sportive.

39. Sources légales ̶ Aux termes de l’ancien article 7 de l’ordonnance du 1er

décembre 1986, désormais codifié sous les articles L 420-1 du Code de Commerce :

« sont prohibées […], lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de

restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées,

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions […] »

Aux termes de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne :

« sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises,

toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont

susceptible d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet

d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché

intérieur. »

La qualification d’entente suppose donc, tant au niveau français que communautaire, un

concours de volonté, c'est-à-dire un accord entre entreprises ou groupe d’entreprises

disposant d’une autonomie décisionnelle suffisante quand au comportement à avoir sur le

marché. Pour autant, la forme de l’entente est indifférente. La concertation peut être

matérialisée par un écrit (I) ou résulter de décisions d’association d’entreprises (II).

I] Conclusion d’un contrat

Le contrat constitue la matérialisation d’une concertation. Pour autant, tout contrat ne

constitue par une entente prohibée. La nécessité d’un abus anticoncurrentiel est posée par

l’article 101. Dans le secteur du sport, le contrat est une forme très répandue. Cependant, les

domaines dans lesquels ils interviennent ne sont pas si variés. Cela concerne principalement

la commercialisation des compétitions (A) et la recherche, par les acteurs du monde sportif,

de financement extérieur.

A) La commercialisation des droits de diffusion.

41. Exploitation exclusive ̶ L’article 18-1 de la loi du 16 juillet 1984 prévoit que le

droit d’exploitation d’une manifestation ou d’une compétition sportive appartient à

l’organisateur de cet événement. Cette loi est désormais codifiés aux articles L 333-1 du

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

36

Code du sport qui disposent que :

« les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives

mentionnés à l'article L. 331-5, sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations

ou compétitions sportives qu'ils organisent ».

La loi du 16 juillet 1984 identifie le propriétaire des compétitions à leur organisateur, lequel

est généralement la fédération délégataire.

À partir de là, la fédération possède différents moyens de commercialiser sa compétition, le

moyen le plus rentable étant la commercialisation des droits de radiodiffusion. La

commercialisation des droits de diffusion télévisuels fait l’objet de contrats entre la

fédération délégataire et les entreprises audiovisuelles. Cet accord comprend les modalités

des diffusions (matchs décalés, horaires des matchs…) et le cahier des charges à respecter

(diffusion égalitaire ou non en fonction de l’équipe…). La convention fait généralement suite

à une décision du conseil d’administration de la fédération sportive par laquelle l’accord est

entériné.

42. Le cas de la formule 1 ̶ L’organisation de la retransmission télévisée des courses de

Formule 1 a fait l’objet d’une instruction par la Commission européenne. La commission

avait dans un premier temps fait part de ses doutes s’agissant de la compatibilité du système

actuel avec le droit communautaire. La FIA, qui regroupe les fédérations nationales

automobiles, se considère comme l’organisme régissant au niveau mondial le sport

automobile à quatre roues, y compris la Formule 1. En 1994 la FIA a notifiés à la

Commission européenne ses statuts et règlements afin de s’assurer de leur conformité aux

dispositions de l’article 85 §1 du TR. Ces documents prévoient notamment que la FIA détient

l’intégralité des droits relatifs aux manifestations organisées sous son contrôle.

La FIA a notifié à la Commission le 3 septembre 1997 un accord conclu avec la société

International Sportworld Communicator Limited (ISC), au terme duquel cette dernière se voit

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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confier la gestion de la promotion et de la retransmission de certains championnats dont la

Formule 1. Cet accord, conclu pour une durée allant du 27 aout 1996 au 31 décembre 2010, a

fait l’objet d’une première communication de la Commission indiquant qu’il risquait de

tomber sous le coup des dispositions de l’article 10144. Dans un communiqué de presse du 30

juin 1999, la Commission a fait savoir que les accords notifiés allaient faire l’objet de

procédures.

S’agissant toujours de la commercialisation des droits de diffusion, l’UEFA a, à son tour,

notifié à la Commission un accord et demandé une exemption et une attestation négative en

faveur de la commercialisation centralisée des droits commerciaux relatifs à la Ligue des

Champions qu’elle organise. Cette notification concerne à la fois la commercialisation des

droits de radiodiffusion télévisuelle, les droits de parrainage, les contrats de fourniture, les

licences et les droits de propriété intellectuelle. L’UEFA a précisé qu’elle ne commercialisait

que les droits relatifs aux matchs de groupe et à la phase finale de la compétition, les matchs

de qualification pouvant être commercialisés par les fédérations, organisations ou clubs

affiliés à l’UEFA.

B) Le parrainage.

43. Accord de partenariat ̶ Le parrainage a pour objet le financement d’une

manifestation. Ce dernier terme est interprété largement par l’Administration fiscale qui y

inclut non seulement « lé de ’ensemble des opérations ponctuelles auxquelles l’entreprise

peut participer mais également les opérations de parrainage à plus long terme, à caractère

pluriannuel ou continu ».Ce concept n’est portant pas éloigné de celui de promotion, c'est-à-

dire selon le sens étymologique « la mise en avant » de signes distinctifs de l’entreprise ou de

ses produits et constituant l’un des objectifs importants du parrainage. Le parrainage est une

44 Journal Officiel des Communautés Européennes, 27novembre 1997, n° 361

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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des sources de financement les plus recherchées dans le domaine du sport, où la publicité en

faveur des sponsors est particulièrement évidente allant jusqu’à utiliser les pratiquants eux-

mêmes comme supports publicitaires. Il consiste dès lors pour une entreprise à apporter un

soutien matériel en échange de l’utilisation de l’image du sportif ou du club parrainé. Comme

le relevait le Conseil de la concurrence, « il est de pratique courante que les clubs de football

professionnels engagés dans le championnat de France bénéficient d’une dotation

d’équipement sportifs de la part d’un fabricant concernés et les clubs. Ces contrats

définissent généralement les conditions dans lesquelles les parrains peuvent utiliser les

images et le nom du club et des joueurs (en tant que membres du club) » ce qui est plus rare,

c’est l’existence d’accord entre deux sponsors concernant le parrainage d’un même club.

44. L’affaire Adidas / Uhlsport / AJ Auxerre ̶ Une affaire mettant aux prises les

sociétés Adidas, Uhlsport et le club de l’AJ Auxerre a été portée devant le Conseil de la

concurrence45.

Une convention avait été passée entre Adidas et Uhlsport, d’une part, entre l’AJ Auxerre et

chacun des deux équipementiers, d’autre part. Le 12 octobre 1994, la société Uhlsport était

devenue le fournisseur officiel et exclusif du club bourguignon dans le domaine de

l’équipement textile, des chaussures et des sacs sportifs pour une durée de 5 saisons. Au soir

de la saison 1996, l’AJ Auxerre, qui venait de réaliser le doublé coup-championnat, décide de

mettre un terme à sa collaboration avec la société Uhlsport et de signer un nouveau

partenariat avec la société Adidas. En accord avec Adidas, Uhlsport conservait la fourniture

exclusive des ballons et des équipements complet des gardiens de l’équipe technique

(entraineurs, préparateurs physiques) et médicale du club. La société Adidas obtint le droit de

parrainer l’AJ Auxerre jusqu’au 30 juin 2000.

45 Conseil de la Concurrence, 7 octobre 1997, 97-D-72, BOCC n° 743

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39

Le 29 mai 1996, un accord était signé entre les sociétés Adidas et Uhlsport, la société Adidas

s’engageant à ne pas remettre en cause le partenariat que la société Uhlsport avait conclu

avec l’AJ Auxerre concernant, notamment, l’équipement des gardiens de but. Le Conseil de

la concurrence a été amené à se prononcer sur cette affaire par un arrêt en date du 7 octobre

1997.

45. L’affaire Adidas ̶ Dans cette affaire, déjà évoquée, il s’agissait d’un contrat

conclu entre LNF et la société Adidas aux termes duquel ladite société devenait le

« fournisseur exclusif de la LNF ». En contrepartie de cette exclusivité, Adidas s’était en

gagé à verser une dotation financière annuelle de 60 millions de francs. Les clubs de football

étaient jusqu’à alors libres de négocier de tels partenariats avec l’équipementier de leur

choix. Cet accord avait été précédé d’une décision du Conseil d’Administration de la LNF

modifiant l’article 315 des règlements des championnats de France de première et deuxième

division pour imposer aux clubs et aux joueurs le port des équipements fournis par la LNF.

Dans un premier temps, les concurrents de la société Adidas (Nike, Reebok, Asics et autres)

saisirent le Conseil de la concurrence d’une demande de mesures provisoires tendant à

suspendre à la fois l’accord entre Adidas et la LNF. Le Conseil de la concurrence a considéré

que le fait que la LNF de conclure un accord exclusif de parrainage avec un équipement

n’était pas en soi contraire au droit de la concurrence.

46. Fédération Française d’Escrime ̶ Le fait pour une fédération sportive de

conclure un accord exclusif avec des fournisseurs de produits pour l’organisation de

l’assistance technique de ses compétitions n’est donc pas, en principe, susceptible d’être

condamnée. Cependant, cet accord peut être prohibé si les conditions dans lesquelles il a été

négocié ou les clauses qu’il contient sont susceptibles de limiter l’accès à un marché.

Le Conseil de la Concurrence a pu en jugé ainsi à propos de la durée de l’accord conclu par

la Fédération Française d’Escrime avec un fabricant de chaussures, et la clause de tacite

reconduction que contenait cet accord. Le contrat d’une durée de quatre ans ne permettait pas

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

40

de préserver la possibilité pour les concurrents d’entrer sur ce marché et la clause de tacite

reconduction constituait également une barrière artificielle à l’entrée, qui avait pour effet de

soustraire ce marché à la concurrence46.

Comme le Conseil, l’Autorité de Concurrence, vérifie les conditions dans lesquelles l’accord

exclusif a été passé et notamment son champ d’application, sa durée, l’existence ou non

d’une justification technique à l’exclusivité et la contrepartie économique obtenue47.

Ainsi, l’entente peut être caractérisée matériellement par la conclusion d’un écrit.

Mais il ne vaut pas laisser de coté les décisions d’associations d’entreprises étant plus

officieuses et non matérialisées.

II] Décision d’associations d’entreprises.

47. Les règlements des fédérations sportives ̶ Les membres d’une fédération

sportive ont souvent l’influence nécessaire pour parvenir à la modification des règlements de

cette fédération, de sorte qu’il ressort que les décisions des fédérations sont bien des

décisions d’association d’entreprises. Concernant les règlements des compétitions, l’actualité

a montré que le poids économique de certains grand clubs de football européen pouvait

obliger une fédération à modifier les règlements de ses compétitions dans le but de tirer le

maximum de profit de celle-ci. La conséquence a été l’éviction de certains clubs de cette

compétition ou, à tout le moins, l’édition des règles discriminatoires à leur égard. L’affaire

46 Conseil de la Concurrence, 13 mai 1998, 98-D-31, Secteur de l’escrime ; Revue Contrats

Concurrence Consommation, 1198, n°147

47 Autorité de la Concurrence,30 septembre 2009, Fédération Française de football et société

Sportfive, Bulletin d’actualité Lamy Droit du Sport, 2009

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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Bosman a apporté quelques éclaircissements concernant la notion d’association d’entreprises

sportives.

48. L’affaire Bosman ̶ Jean-Marc Bosman, footballeur professionnel de Royal Club

liégeois, avait vu son contrat de travail expirer le 30 juin 1990. Un contrat lui avait été

proposé mais avec une modification substantielle de son salaire, lequel était divisé par quatre.

M. Bosman refusa de signer ce contrat et prit contact avec l’US Dunkerque pour la saison

suivante. Le RC Liège accepta de « céder » son joueur moyennant une prime de transfert

pour la saison avec option d’achat pour la saison suivante. Mais, ayant des doutes sur la

solvabilité du club de Dunkerque, le RC Liège se ravisa et bloqua le transfert. Par ailleurs, le

club suspendit M. Bosman pour la saison et l’empêcha de ce fait de jouer pendant l’année.

Objet d’un boycott de l’ensemble des clubs européens susceptible de l’engager, M. Bosman

attaqua la décision du RC Liège devant les tribunaux belge. La Cour d’appel de Liège posa

deux questions préjudicielles à la CJCE :

« Les articles 48, 85 et 86 du Traité de Rome du 28 mars 1957 doivent-ils être

interprétés en ce sens qu’ils contredisent :

qu’un club de football puisse exiger et percevoir le paiement d’une somme d’argent à

l’occasion de l’engagement d’un de ses joueurs arrivé au terme se de son contrat, par un

nouveau club employeur ?

que les associations ou fédérations sportives nationales puissent prévoir dans leurs

réglementations respectives des dispositions limitant l’accès des joueurs étrangers

ressortissant de la Communauté européenne aux compétitions qu’ils organisent ?

La CJCE a refusé de s’engager dans le débat sur le droit de la concurrence bien que l’avocat

général Carl-Otto l’y ai invité. Ses conclusions en l’espèce ont démontré que l’article 85 du

Traité de Rome pouvait jouer.

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42

S’agissant des clauses de nationalité et des règles de transfert, M. Lenz a estimé que tout

portait à croire qu’il s’agissait de décision d’associations d’entreprises, lesdites règles étant

déposées dans les règlements des associations concernées. L’UEFA a cru bon de faire valoir

qu’il ne s’agissait pas de décisions d’associations d’entreprises mais d’accords entre les clubs

puisque les règlements en cause traduisent fidèlement la volonté des membres des

associations. Or, comme l’a souligné l’avocat général, l’article 85, actuellement 101 du

TFUE s’applique de la même manière à l’une ou l’autre forme de collaboration.

49. Les relations entre chaînes et télévisions ̶ Les chaînes de télévision peuvent-

elles s’entendre pour se répartir un marché ? La question mérite d’être posée quand on

regarde la façon dont les différentes chaines européennes s’organisent.

Le Conseil de la concurrence s’est prononcé, à l’initiative de la Cinq, sur certaines

pratiques constatées au sein de l’organisme de radiodiffusion et télévision française

(ORTF)48. L’ORFT a pour mission de coordonner la répartition de la programmation, dont

celle des événements sportifs, entre les différentes chaînes. Au niveau européen, l’équivalent

de l’ORTF s’appelle l’Union Européenne de Radiodiffusion (UER). A la suite de

privatisation de plusieurs chaînes Françaises, l’ORTF avait décidé de modifier ses statuts

pour pouvoir accepter des sociétés non publiques, comme TF1, la Cinq et M6. Le nouveau

règlement prévoyait que ses membres admis avant le 22 juin 1987 bénéficiaient d’un accès

prioritaire aux événements concernant le football français, pendant une durée de cinq ans. Or,

la Cinq avait adhéré après le 22 juin 1987 et se trouvait donc lésé.

Le Conseil de la concurrence a condamné le règlement de l’ ORTF en ce qu’il était contraire

à l’article 7 de l’ordonnance de 1986 puisqu’il avait pour effet de limiter l’accès des chaînes

nouvellement admises au marché des retransmissions télévisées de rencontre de football.

48 Conseil de la Concurrence, 19mars 1991, déc. n°91-D-11 ; Recueil Lamy, n°436

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43

La Cinq avait aussi saisi les instances communautaires sur le même dossier. La chaîne

française se plaignait de l’impossibilité d’avoir accès à des programmes sportifs à cause des

règlements de l’UER. Après avoir vainement demandé à la commission de prendre des

mesures provisoires, notamment en enjoignant l’UER de cesser toute discrimination, la Cinq

saisie le TPICE qui annula la décision de refus de la Commission européenne49 en

considérant que les pratiques de l’UER étaient susceptibles d’être qualifiées au regard de

l’article 85 du TR50 (actuellement 101 du TFUE).

50. Les ententes entre les fédérations ̶ Selon les règles de l’UEFA (article 14 des

statuts de l’UEFA), une fédération organisatrice d’une rencontre se déroulant sur son

territoire ne peut accorder à une chaîne de télévisons le droit de retransmettre cette rencontre

sur un autre territoire sans l’accord de la fédération de ce territoire.

L’affaire ayant opposé La Cinq à la FFF en atteste. La Cinq avait acquis

régulièrement les droits relatifs à des rencontres de football se disputant à l’étranger. Mais,

elle n’avait pu les diffuser suite au refus de la FFF, laquelle agissait sur le fondement de

l’article 14. Une telle pratique est susceptible d’enfreindre des droits. Dans l’affaire en

question, La Cinq avait pu se procurer les droits de diffusion auprès de leur propriétaire. Il

existe une potentialité d’entente entre les fédérations au cas où celle-ci conviendraient d’un

accord consistent à refuser la vente des droits sur le fondement de l’article 14.

51. L’affaire du Gazélec Ajaccio ̶ Durant l’intersaison 1999 /2000, une affaire a

mis aux prises la LNF et le club de football du Gazélec Ajaccio.

49 Commission des Communautés Européennes, 14 aout 1990, déc. 33-249, La Cinq SA c/ UER

50 TPICE, 24 janvier 1992, La Cinq SA c/ Commission des Communautés Européennes, RJCE, II, p.1

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44

Lors de la saison 1998/1999, le Gazélec Ajaccio évoluait dans le championnat national,

équivalant de la troisième division. A l’issue de la saison, le club corse avait gagné le droit

d’accéder au niveau supérieur : le championnat de division 2. La différence entre les deux

compétitions est de taille. Le Championnat de division 2 octroi, après un avis des instances

fédérales, le statut de club professionnel, cette compétition jouit d’une plus grande couverture

médiatique66 - et donc d’une plus grande dotation financière – et pour les joueurs eux-mêmes,

il s’agit d’une indéniable promotion, le niveau de jeu étant plus élevé.

La Ligue Nationale de football a néanmoins refusé l’accession du Gazélec d’Ajaccio sur le

fondement des règlements des championnats de France de première et deuxième division : il

n’est pas possible qu’il y ait deux clubs professionnels dans une ville de moins de 100 000

habitants. Or, un autre club d’Ajaccio, l’AC Ajaccio, évoluant déjà en Division 2, la ville

corse ne comptant pas plus de 100 000 habitants, toutes les conditions étaient réunies pour

refuser l’accès au championnat de deuxième division au Gazélec Ajaccio.

52. Affaire Piau ̶ Cette affaire récente concerne la réglementation gouvernant

l’activité d’agents de joueur, réglementation établie par la FIFA. Saisie de plaintes, la

Commission Européenne a dès lors engagée une procédure afin de connaître de la

compatibilité de cette réglementation avec les articles 101 et 102 du TFUE. Mais ce qui est

intéressant ici se trouve dans le postulat de la Commission ayant considéré, pour justifier son

intervention, que la FIFA était une association d’entreprises, qui, avait adopté une décision

au sens de l’article 101 du TFUE. La FIFA regroupe, en effet, des associations nationales,

qui regroupent elles-mêmes des clubs de football, lesquels exercent une activité économique,

sans que la présence des clubs « amateurs » remette en cause cette qualification. Obligées de

reverser des pourcentages sur les recettes encaissées, les associations sont également des

entreprises, puisqu’elles exercent une activité économique.

Les adhérents d’une association sont considérés comme autonomes les uns des autres. Par

conséquent, les statuts de telles structures « ne peuvent organiser un cloisonnement

géographique absolu des secteurs d’intervention respectifs ou interdire toute concurrence

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45

entre les adhérents 51»

L’affiliation des clubs sportifs à une fédération a été qualifiée d’association d’entreprises par

l’avocat général Carl-Otto Lenz dans ses conclusions lors de l’affaire Bosman. Mais, ne

pourrait-on pas au contraire se demander si les décisions des fédérations ne peuvent pas être

regardées comme n’émanant que d’une seule entreprise, la fédération sportive ? Dans pareil

cas, il faudrait se tourner vers le droit des abus de position dominante.

Section II : Une position dominante

53. Sources légales ̶ Aux termes de l’ancien article 8 de l’ordonnance du 1er

décembre 1986, désormais codifié sous les articles L 420-2 du Code de Commerce :

« Est prohibée l’exploitation abusive, par une entreprise ou un groupe d’entreprises,

d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci »

Aux termes de l’article 102 du TFUE,

« est incompatible avec le marché comme est interdit dans la mesure ou le commerce

entre Etats membres est susceptible d’en être affecté le fait pour une ou plusieurs entreprises

d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une

partie substantielle de celui-ci »

Les deux articles donnent ensuite des exemples d’abus de position dominante. Il

ressort de ces articles que la condition de déclenchement du droit des abus de position

51 Cour d’Appel de Paris, 3 juin 1993

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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dominante est l’existence d’une position dominante. Celle-ci se défini par la combinaison de

deux éléments : la détermination du marché (I) sur lequel est exercée une domination (II).

I] La notion de Marché

54. La détermination du marché ̶ La définition du marché est importante en ce

qu’elle délimite le champ d’action des entreprises. Avant le règlement n° 2790/99, c’est le

droit des abus de position dominante qui était le plus concernée par ce marché dès lors que

par la position dominante devait se calculé en pouvoir de marché. Mais, l’actualisation du

droit de la concurrence et l’apparition de la notion de l’effet sensible à extrapoler la notion de

marché à tous les domaines du droit de la concurrence. Pour certains auteurs, il s’agit de petit

à petit affiner la définition du marché en fonction de ce que l’on recherche. Le marché peut

s’entendre comme étant le « marché en cause » sur lequel les entreprises se font concurrence.

Certains auteurs ont même exprimé qu’il s’agissait parfois d’une tautologie en recherchant

des restrictions de concurrence sur des marchés qui s’apprécient en fonction de la

concurrence entre entreprises52. Mais au-delà de cette définition, il faudra dès lors l’affiner en

considérant plutôt un marché « pertinent » ou le véritable marché où l’offre et la demande se

rencontrent et sur lequel le juge devra repérer pour tout examen concurrentiel.

55. Le Marché pertinent ̶ Le marché pertinent se défini classiquement comme le

« lieu théorique ou se confrontent l’offre et la demande de produits ou de services qui sont

considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux mais non

substituable aux autres biens ou services offerts ».

La notion de « substituabilité » ou peut on dire d’ « interchangeabilité » est importante. En

effet, le marché pertinent doit s’entendre comme le marché dans lequel il n’existe pas

52 D. Mainguy, J-L Respault, M. Depincé, Le droit de la Concurrence, éd. Litec 2010, p.226

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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d’autres produits ou de services substituables à ceux identifiés en raison de divers facteurs

notamment les caractéristiques mêmes du produits, son prix, son usage, sa destination

comme l’a indiqué la Communication de la Commission sur la définition du marché aux fins

du droit communautaire de la concurrence53. Cette notion de substituabilité s’apprécie du

coté de la demande mais aussi de l’offre. Du coté de la demande, il s’agit de se mettre dans la

tête des clients en se demandant si tel produit peut être remplacé par un autre sans diminution

de « bien-être ». Ainsi, un arrêt a pu traiter du marché de la banane en le distinguant aux

autres marchés de fruits frais, compte tenu des qualités d’apparence, de goût, de consistance

différents des autres fruits54. Mais encore la substituabilité peut s’apprécier au regard de la

notoriété du produit, tel a été le cas pour les chaussures de football de marque Reebok55. Du

coté de l’offre, il s’agit de s’attarder sur le comportement des producteurs eux-mêmes en

vérifiant si le changement de coûts pour l’un entraine ou non le déplacement de la clientèle

vers un autre producteur d’un autre produit.

Plus communément, la méthode de l’élasticité croisée est plus souvent utilisée. De source

économique, cette technique consiste, pour démontrer le caractère substituable de produits

appartenant a priori à un même marché, à regarder l’effet d’une augmentation de prix pour un

produit donné et les conséquences sur la clientèle et notamment sur les comportements

d’achats. S’il s’avère que la clientèle se tourne vers un l’autre produit similaire, les produits

sont alors substituables et donc appartenant à un marché différent.

L’autre penchant important pour définir le marché pertinent est la dimension géographique.

L’article L 420-2 et l’article 102 du TFUE le souligne en disposant que la domination doit

porter sur « le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ». La zone territoriale

53 Louis Vogel, Revue Contrats Concurrence Consommation 1998, n° 45, point 7,

54 Commission c/ United Brands, 14 février 1978,

55 Conseil de la Concurrence, 7 octobre 1997, n° 97-D-72, Reebok France

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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est dès lors importante et doit se considérer comme la zone géographique où les entreprises

agissent et où les conditions de concurrence sont homogènes.

II] Définition de la position dominante.

56. Définition de la position dominante – La position dominante n’est pas définie par

les articles sanctionnant son abus. La doctrine oppose deux définitions. La première est

fondée sur la situation du marché, la seconde se réfère à l’autonomie de comportement de

l’entreprise. Cependant, à aucun moment la Commission européenne et la Cour de justice

n’ont indiqué que la position dominante résulterait de l’absence de concurrence effective sur

le marché. Elles ont énoncé que le pouvoir, caractéristique de la position dominante, est celui

de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective. Cette définition montre qu’une

situation de concurrences est compatible ave une position dominante. Elle souligne aussi que

c’est toujours au pouvoir de l’entreprise que les autorités communautaires s’attachent pour

définir la position dominante qui, en bref, recouvre une autonomie de stratégie sur le marché.

Quant au pouvoir en question, il peut s’agir du pouvoir de se soustraire à une concurrence

effective ou du pouvoir de faire obstacle au maintient d’une telle concurrence. Les deux

notions de recoupent : se soustraire a une concurrence effective implique qu’il est fait

obstacle à son maintient et réciproquement.

Dans la décision DEMA, la Commission déduit la position dominante de la société

Allemande de droit d’auteur de l’absence de concurrence effective sur le marché.

La position de la CJCE est consacrée pas les arrêts Hoffmann-La-Roche :

« La position dominante ainsi visée concerne la situation de puissance économique

détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintient d’une

concurrence effective sur le marché en lui fournissant la possibilité de comportements

indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et,

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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finalement, des consommateurs56. »

57. Les facteurs de la position dominante – Les autorités de la concurrence recourent

à différent critères pour qualifier une position de dominante. Mais le critère de la part de

marché reste le critère essentiel.

L’application de ce critère justifie la mise à l’écart des articles 8 et 86 lorsque la part

de marché est faible. A l’opposé ce critère justifie l’attribution d’une position dominante à

une entreprise détentrice d’un monopole sur le marché. Le monopole peut être de droit –

quand il est conféré à une entreprise publique ou privé par la puissance publique ou quand il

résulte d’un droit exclusif d’exploitation conféré par un droit de propriété intellectuelle – ou

de fait. Cette dernière hypothèse se rencontre quand une entreprise a conquis toutes les parts

de marchés et éliminé tous ses concurrents.

Dans l’affaire Deliège, la ligue belge de judo se trouve en situation monopolistique ou

quasi monopolistique sur le marché belge de l’organisation de tournoi de judo. Il en est de

même de la LNF sur le marché français de l’organisation des compétitions de football, ce

monopole ayant été conféré par la puissance publique par la loi du 14 juillet 1984 en son

article 17. Le raisonnement fondé sur le monopole des fédérations sportives en France est

valable pour toutes les fédérations sportives agréées par le ministre des sports. Au niveau

communautaire, les associations de fédérations ont, elles aussi, un monopole. Mais se dernier

n’émane pas d’une puissance publique, il est de fait.

Le juge communautaire avait déjà précisé que « la détention de la part de marché

considérable, comme élément d’une preuve de l’existence d’une position dominante, n’est

56 CJCE, 13 février 1979, Hoffman-La Roche, affaire 85/76 ; Recueil Dalloz 1979, p.461

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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pas une donnée immuable, et sa signification vrai de marché à marché, d’après la structure

de ceux-ci, notamment en ce qui concerne la production, l’offre et la demande57 ».

La domination va résulter de manière générale de la concentration manifeste de la puissance

économique. L’entreprise dominante doit avoir la capacité de se libérer des contraintes de la

concurrence et elle doit pouvoir imposer ses vue, ses conditions, ses objectifs, à ses

concurrents, à ses clients et, en fin de compte, à ses consommateurs.

58. L’affaire Bosman – L’avocat général Lenz et la Commission se sont demandé si

les règles de transfert et les clauses de nationalité posaient la question d’une éventuelle

position dominante au niveau des clubs ou des fédérations.

Il convenait dés lors de préciser tout d’abord si, dans le cas d’espèce, il fallait se placer au

niveau des clubs ou bien de leurs associassions. Les règles en question étant déposées dans

les règlements des différentes associations, il était logique de s’interroger sur la position que

celle-ci occupent sur le marché. S’il s’agissait par exemple de la question de la

commercialisation des droits de télévision relatifs à la Ligue de Champion de l’UEFA, il

aurait été clair que c’est à l’égard de l’UEFA que la question de la position sur marché se

serait posé, puisque c’est cette fédération qui organise et commercialise cette compétition.

Mais s’agissant du recrutement des joueurs, la Commission a fait observé que celui-ci

relèvent des clubs et non des associations qu’il faut déterminer l’existence ou non d’une

position dominante.

59. Une position dominante collective – Chaque club pris isolement n’occupe pas

une position dominante. Une telle position dominante ne pourrait exister qu’au regard des

57 CJCE, 13 février 1979, Hoffman-La Roche, affaire 85/76

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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clubs pris collectivement. La Commission, dans l’application des règles de concurrence, a

déjà reconnu la possibilité d’une position dominante collective. La jurisprudence n’a abordé

cette question que très rarement. Le TPICE a eu aussi l’occasion de se prononcer sur cette

notion en indiquant :

« On ne saurait exclure, par principe, que deux ou plusieurs entités économiques

indépendante soient, sur un marché spécifique, unies par de tels liens économiques que, de

se fait, elles détiennent ensemble une position dominante par rapport aux autres opérateurs

sur ce marché58 ».

Depuis, le juge communautaire semble être familiarisée au fait qu’une position

dominante collective puisse être présente au sein des entités du sport. Le TPICE a pu en effet

conclure que la FIFA détient une position dominante collective sur le marché des conseils

aux joueurs du fait que les clubs de football par l’intermédiaire de la FIFA se présente

comme une entité collective59.

Dans l’affaire Bosman, l’avocat général a indiqué qu’il était admissible « que les

clubs d’une division professionnelle soient unies par de tels liens économiques et qu’il

faudrait considérer qu’ils occupent ensemble une position dominante ». Il est intéressent de

souligner les liens entre les clubs d’une même division. Ils sont tributaires les uns des autres

s’ils veulent rencontrer le succès. Le football, comme tout sport, est caractérisé par les

dépendances économiques réciproques des clubs. Le sport s’exerce en opposant deux équipes

ou deux sportifs qui mesurent leurs forces. Chaque clubs a intérêt a se que les autres clubs

soient prospères. C’est une des particularités de la concurrence au niveau du sport : les clubs

58 TPICE, 10 mars 1992, SIV c/ Commission, affaire T-68/89,

59 TPICE, 26 janvier 2005, Laurent Piau, Revue Europe, mars 2005, n°3

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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qui évoluent en division ne visent pas à éliminer leur concurrent du marché comme tente de

la faire toute entreprise « normal ».

Toutefois, la question de l’application du droit des abus de position dominante ne peut se

poser réellement ici. Dans cette affaire, il ne s’agissait pas de la puissance que les clubs

détiennent dans leur ensemble sur le marché vis-à-vis de concurrent, de clients ou de

consommateurs. Les joueurs ne relèvent d’aucune de ces catégories. Mais comme l’a relevé

M. Lenz, on aurait à faire à une question de cette nature dans le cas ou les clubs eux-mêmes

intervenaient en se regroupant pour commercialiser les droits de télévision relatifs à leurs

matchs. Cette hypothèse est loin d’être utopique. Un regroupement des 14 plus grands clubs

européens de football, a été créé pour négocier avec l’UEFA et faire pression sur celle-ci afin

que les retombées financières soient plus importantes. En France, un regroupement a été

constitué entre les clubs français ayant l’habitude de participer aux compétitions

européennes.

Ce « Club Europe » est chargé de négocier les droits de télévision pour la participation aux

compétitions européennes. Une telle pratique, si elle devait révéler des pratiques illicites,

risquerait de tomber sous le coup de l’interdiction de l’article 102 du TFUE.

60. L’affaire Adidas – Dans sa décision du 7 octobre 1997, le Conseil de la

concurrence a considéré que la société Adidas était en position dominante sur le secteur de la

chaussure de football. Plusieurs critères ont amené le Conseil à une telle conclusion. La part

de marché tout d’abord puisque la société Adidas possédait une part supérieure à 40% sur

l’ensemble de ce secteur. Le Conseil a même distingué dans se secteur des sous-marchés en

fonction de la qualité de la chaussure, des chaussures haut de gamme étant habituellement

portées par les sportifs de haut niveau. Sur ce secteur particulier, la part de la société Adidas

montait jusqu’à plus de 68% contre 1,5% pour le marché des chaussures bas de gamme.

Le Conseil a aussi déduit la position dominante d’Adidas de la notoriété de la marque. Il a

considéré que la marque Adidas « jouissait notamment dans le secteur du football, d’un

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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prestige lié aux caractéristiques technique des chaussures mises sur le marché,

caractéristiques reconnues par de nombreux professionnels comme en attestent les contrats

d’exclusivité signé avec la FFF » et beaucoup d’autre association. Le Conseil de la

concurrence a aussi limité le marché géographique au seul territoire français.

L’existence d’une position dominante n’est pas sanctionnable en elle-même. Encore

faut il que l’operateur en position dominante abuse de celle-ci. Il en va de même des accords

entre entreprises. Pour être sanctionnés, ces comportements doivent générer des

conséquences par des abus anticoncurrentiels en constituant des entraves à la concurrence

(Chapitre II).

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

54

Chapitre II : Les entraves à la concurrence en compétition sportive.

Une position dominante ou une entente ne sont sanctionnés que s’il entrave la

concurrence. Celle-ci est définie par la réunion de trois éléments. Tout d’abord, pour les

entreprises, l’accès au marché doit être libre. Il n’est pas nécessaire que les entreprises soient

nombreuses, il est demandé qu’elles puissent pénétrer sur le marché, sans se heurter à des

obstacles artificiels. Ensuite, ces entreprises qui offrent les produits ou service doivent

disposer d’une liberté d’action. Certes, les entreprises sont amené à prêter attention aux

décisions prisent par leurs concurrents. La liberté d’action conditionne la politique que

chacune entend suivre sur le marché. Enfin, les utilisateurs et les consommateurs doivent

disposer d’une liberté de choix. Le choix garanti aux consommateurs passe par

l’intermédiaire des offreurs.

Toute entrave à l’un ou l’autre de ces trois éléments engendra une entrave susceptible

d’être sanctionnée par le droit de la concurrence. Celui-ci sanctionne alternativement l’objet

ou le résultat anticoncurrentiel de sorte que si l’on ne peut prouver l’intention malveillante, il

est toujours possible d’évaluer l’impact des pratiques prohibées sur le marché.

L’entrave à la concurrence dans le secteur du sport se manifeste soit souvent lors de la

commercialisation des compétitions sportives (Section I) ou soit dans l’organisation des

compétitions sportives (Section II).

Section I : La commercialisation des compétitions sportives.

61. Le principe du monopole – La gestion des compétitions sportives se fait par

l’intermédiaire de monopole combiné à un système hiérarchique. Dans chaque pays et dans

chaque discipline, une seule fédération sportive est compétente. Les fédérations sont ensuite

affiliées à une fédération internationale qui, elle-même, détient le monopole de l’organisation

des compétitions internationales dans sa discipline.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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En France, le monopole des fédérations sportives est avéré et codifié à l’article L 131-

14 du Code du Sport. Ce monopole a été consacré avant sa codification par la loi du 16

juillet 1984 au terme de laquelle « dans chaque discipline sportive, une seule fédération

reçoit délégation du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives ».

Le monopole des fédérations internationales est quant à lui un monopole de fait qui découle

de l’association des fédérations nationales.

Par essence, un monopole ôte toute concurrence sur un marché. L’opérateur est libre de ses

choix et décisions s’imposent aux utilisateurs. L’impact des décisions d’un opérateur en

situation monopolistique est très important sur le marché considéré. La compétition sportive

et les marchés qui gravitent autour et relativement à celle-ci ne sont pas une exception. La

mise en concurrence de la commercialisation des compétitions sportives se doit être

effective. Sur ce point, un groupe de travail avait déjà conclu en 1999 que « les organisations

sportives doivent être conscientes de la portée de leurs décisions qui peuvent hypothéquer

l’avenir de secteurs clés de l’activité économique tels que l’audiovisuel, le sponsoring ou

l’industrie du matériel sportif. Les concepts de transparence et d’objectivité doivent présider

à la négociation et à l’attribution de grands marchés sportifs60 ».

Cette dernière recommandation semble de nos jours avoir été entendue du fait d’une

progression, loin sans mal, d’une mise en concurrence des marchés liés à la compétition

sportive. Mais cette progression ne fait que finalement refléter l’application des règles de

concurrence. Cette mise en application se reflète essentiellement dans la commercialisation

des droits de retransmissions (I) et dans le mécénat (II).

60 www.europa.eu.int/comm/dg10/sport/publications/assises_concclusions_.fr ; Conclusions Assises du

sport 1999,

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

56

I] La commercialisation des droits de retransmissions.

La commercialisation des compétitions sportives représente la principale source de

revenus pour les clubs participant à ces compétitions. De leur coté, les radiodiffuseurs y

trouvent leur compte en vendant à prix d’or les secondes de publicité encadrant les diffusions

d’évènements sportifs.

En France, le principe selon lequel le droit d’exploitation d’une manifestation sportive

appartient à son organisateur lequel est généralement la fédération agréée par le ministre des

sports. L’organisateur peut en disposer librement sous réserve de respecter le droit à

l’information.

Au niveau européen, le régime de propriété diffère quelque peu concernant le football

notamment. En Allemagne, les clubs mandatent la fédération Allemande pour négocier les

droits. En Espagne et en Italie, les droits sont la propriété des clubs qui les vendent

directement au plus offrant. L’UEFA se considère au moins codétentrice avec les clubs en

lice, des droits de diffusion de la ligue des champions. Il s’agit pour elle d’une compétition

ayant sa propre identité et il est naturel que l’UEFA en soit propriétaire au vu des risques

qu’elle supporte. Enfin, au niveau international, les fédérations internationales se considèrent,

elles aussi, au moins copropriétaire des droits des compétitions qu’elles organisent. C’est le

cas de la FIFA pour la Coupe du Monde et de la FIFA pour tous les championnats

automobiles du monde.

61. La négociation des droits de retransmission – C’est dans les conditions de

négociations des droits de retransmission qu’une entrave à la concurrence peut naitre. Les

organisateurs de manifestations sportives négocient les droits de retransmission directement

avec les chaines de télévision. Par nature, c’est dernière bénéficient généralement d’une

exclusivité en ce qui concerne, les droits de diffusion du football français. Ce principe à été

battu en brèche. Surtout, le procédé d’attribution des droits s’est voulu respectueux du droit

de la concurrence.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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Dans un premier temps, en France, la LNF avait envisagé d’anticiper la fin du contrat

qui la liait à Canal+ et de renégocier celui-ci moyennent une hausse substantielle des

conditions financière. La LNF ne souhaitait pas faire un appel à la concurrence. Cela aurait

empêché que les droits de diffusion détenus par Canal+ soient remis sur le marché (marché

de la diffusion télévisuelle des matchs de football français). Il y aurait eu, à n’en pas douter,

une entrave à l’accès sur ce match pour les concurrents de Canal+, évincés par le seul fait

d’une décision de la LNF s’imposant à tous ses membres. Le conseil de la concurrence, dans

sa décision Adidas, avait sanctionné le fait pour la ligue de ne pas avoir précédé à un appel à

la concurrence. Finalement, la Ligue a marqué un cou d’arrêt. Celle-ci ne voulait pas se

trouver liée par les offres émises par les télévisions intéressées selon le principe de

l’allocation des droits aux mieux offrants. Après réception des offres, la Ligue à décidé de

partager les droits de diffusion entre Canal+ et TPS, ébranlant par la même le principe de

l’exclusivité qui régnait jusqu'à présent concernant les retransmissions d’évènements sportifs.

Cette double attribution, non égalitaire, aux deux chaînes souleva un tollé au sein de certains

clubs français dans la mesure où l’offre de TPS était substantiellement plus importante que

celle de Canal+. La ligue les considéra cependant « équivalent ».

Dans un second temps, la Commission Européenne a eu également à se prononcer sur

le respect des règles de concurrence dans le cadre des droits de retransmission des matches

de football et spécifiquement concernant la vente centralisée de tels droits. L’instance

communautaire a rendu trois décisions relatives à la commercialisation des matches de

football de la Ligue des Champions par l’UEFA, du championnat allemand « Bundesliga »

par la fédération allemande et de la première division anglaise « Premier League » par al

fédération anglaise. Concernant la vente en commun des droits médiatiques de la ligue

anglaise, en 2001, seule ladite fédération pouvait vendre en exclusivité les droits pour el

compte des clubs. La structure de ce marché avait donc des effets anticoncurrentiels aussi

pour les concurrents que pour les consommateurs du fait de l’attribution des droits aux plus

offrants. De facto, les concurrents se trouvaient dans l’impossibilité de se positionner sur le

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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marché des droits de retransmission tandis que les consommateurs n’avaient d’autre choix

que de souscrire à un abonnement à une chaine payante pour pouvoir suivre les matches.

Dans une communication adressée à la ligue anglaise en décembre 2002, la Commission

Européenne a considéré que la vente en commun de droits audiovisuels par la ligue anglaise

était visée par l’interdiction de l’ancien article 81 du Traité CE, actuellement 101 du TFUE.

En effet, même si la vente centralisée permettait la solidarité entre les clubs de Premier

League, une telle solidarité pouvait cependant être préservée sans provoquer d’effets

anticoncurrentiels. Suite à cela, la ligue anglaise s’est engagée à interdire l’attribution des

droits à un seul diffuseur, à augmenter le nombre de lots et à limiter la durée de l’exclusivité

accordée aux diffuseurs61.

62. Le recul du monopole d’exploitation – La plupart des événements sportifs

obéissent encore au principe du monopole de diffusion. Ce monopole dont bénéficient les

chaînes de télévision ne peut pas constituer en lui-même une infraction au droit de la

concurrence puisqu’il résulte d’une disposition légale. Mais, les conditions d’exploitation de

ce monopole, se sont vues sanctionnées du fait des cloisonnements opérés par celles-ci.

L’affaire de La Cinq en est encore une preuve : la Fédération française se voyait reprocher le

refus systématique du droit de retransmettre des rencontres de disputant à l’étranger. De

telles règles ont pour effet de limiter la liberté d’action de la fédération de traiter avec la

chaine de télévision, cloisonne ainsi le marché et doivent ainsi être condamnées. La

jurisprudence semble aller dans ce sens, de même que les instances communautaires, en

faisant prévaloir la mise en concurrence et condamnant les exclusivités absolues. L’actualité

semble en attester : les droits de retransmission des matches de Ligue 1 a été, en 2012,

négociés entre plusieurs acteurs ; la chaine Al-Jazeera venant ébranler par l’acquisition d’une

partie des droits la quasi-monopole de Canal+.

61 CJUE, 4 octobre 2011, Football Association Premier League, Karen Murphy, Revue Europe,

décembre 2011, n°12,

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

59

II] Le mécénat.

63. L’affaire Adidas – Déjà, dans l’affaire Adidas, la LNF a souhaité imposer aux

clubs de première et deuxième divisions le port des équipements Adidas. Cela a, dans un

premier temps, eu un effet d’éviction à l’encontre des sociétés concurrentes puisque la

société Adidas en s’adressant directement à la Ligue dotée d’un monopole sur l’organisation

des compétitions, avait trouvée un moyen de prendre la marché à son compte. Cependant,

l’ancien Conseil de la Concurrence a pu décider que « l’accord exclusif de parrainage

négocié entre Adidas et la LNF avait pour objet et pouvait avoir pour effet de fausser le jeu

de la concurrence entre Adidas et les autres équipementiers sur le marché de la chaussure de

football de marque en raison du fait que cet accord avait été négocié sans appel à la

concurrence qu’en raison du fait qu’il privait pour un durée artificiellement longue les

autres équipementiers de la possibilité de faire des offres pour l’obtention de contrat de

parrainage ».

64. L’affaire FFF/ Sportfive – Cette affaire concerne les droits marketing de

l’Equipe de France de Football et de la Coupe de France. Dans cette affaire, les deux

protagonistes avaient conclu des accords exclusifs de très longue durée sans faire appel à la

concurrence. L’Autorité de la Concurrence estime de part leur étendue, leur durée, la

caractère fréquemment anticipé de leur renouvellement, les clauses de tacite reconduction,

ces accords ont un caractère anticoncurrentiel dans la mesure où ils ont eu pour objet de

soustraire pendant une longue période la commercialisation de ces droits au libre jeu de la

concurrence.

Ici, l’Autorité n’a pas manqué de reprendre la teneur de ses décisions antérieures à savoir que

si les pratiques d’exclusivité ne sont pas interdites per se « il convient de s’assurer que les

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

60

clauses d’exclusivité n’instaurent pas, en droit ou en pratique, une barrière artificielle à

l’entrée sur le marché en appréciant l’ensemble de leurs éléments constitutifs62 ». Par là,

l’Autorité confirme sa grille d’évaluation pour une appréciation au cas par cas63. La FFF a

décidé alors de soumettre à une procédure de mise en concurrence le choix de

l’équipementier partenaire officiel de l’Equipe de France ainsi que tous les contrats

intermédiaires pour la commercialisation des ses droits marketing.

Section II : L’organisation des compétitions sportives.

65. Les restrictions de concurrence dans les compétitions individuelles – Les

fédérations sportives détiennent le monopole quant à la fixation des règles sportives , telles

que par exemple, la taille des cages au football et le nombre de joueurs sur un terrain de

rugby. Cependant, les fédérations ont aussi le monopole de la détermination des conditions

d’accès aux compétitions. Ce dernier monopole peut être de nature à permettre des abus dans

la mesure où les conditions fixées ne seraient pas objectives. Les pratiques abusives peuvent

notamment à imposer à ses partenaires commerciaux des transactions non équitables. Ou

encore des critères de sélection non objectifs pourraient être considérés comme des

conditions non équitables et abusives. Dans l’affaire Deliège, le fait que la présélection soit

exécutée par la fédération est légitime, intéressant uniquement le sport et non les règles de

concurrence, mais ces quotas pour être légitimes doivent être basés sur des règles objectives

et notamment sur les qualités sportives du sportif. A défaut, tout autre forme de limitation qui

serait basée sur la nationalité ou un autre critère qui ne tiendrait pas aux mérites

professionnels du candidat devrait constituer une restriction de concurrence injustifiable dans

la mesure où elle a pour objet d’éliminer un concurrent du marché.

62 Conseil de la Concurrence, 13mai 1998, n°98-D- 31, Fédération française d’escrime ;

63 Autorité de la Concurrence, Entrée libre, octobre 2009, n°6

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

61

66. La restriction de concurrence dans les compétitions par équipe – Dans l’affaire

Bosman, le juge communautaire ne s’est pas prononcé directement sur l’application du droit

de la concurrence aux restrictions dans les compétitions sportives. Cependant, l’avocat

général Lenz a conclu à l’existence de restrictions de concurrence en observant les règles de

nationalité et de transferts. Selon lui, les règles de nationalité « entament les possibilités des

différents clubs de se concurrencer par les joueurs qu’ils alignent ». Relativement aux règles

de transfert, ces règles substituent au régime normal de l’offre et de la demande un

mécanisme uniforme qui aboutit à, en quelque sorte, conserver la situation concurrentielle

existante et à priver les clubs de possibilité d’exploiter les occasions d’engager des joueurs

qui s’offriraient à eux dans des conditions normales de concurrence. Sans indemnités de

transferts, les clubs et les joueurs pourraient se rapprocher d’une situation où le club pourrait

librement s’offrir les services du joueur et ce dernier décidé librement du club en fonction

des rémunérations proposées.

Dès lors que les fédérations peuvent, par leur monopole organisationnel des

compétitions, entraver la concurrence on pourrait alors remettre en cause la compatibilité de

certains règlements sportifs avec le droit de la concurrence. En effet, comment se fait-il que

la Ligue des Champions comprennent des clubs pour lesquels les conditions d’accès ne sont

pas les mêmes ? En effet, certains clubs champions de la zone UEFA ne peuvent participer à

cette compétition alors que certains non titrés la saison précédente peuvent y participer. Ces

conditions disparates ne vont pas sans poser problème du point de vue du droit de la

concurrence. La présence d’une seconde division européenne (Coupe UEFA) n’est pas de

nature à laisser le marché ouvert. Il s’agit là d’un produit différent qui ne bénéficie pas du

même prestige ni de la même couverture médiatique.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

62

67. Annonce du Plan – Pour aller plus loin, pourquoi un club de football, qui est une

entreprise commerciale, ne pourrait il pas, exercer son activité en dehors de son pays ? Ce

n’est pas le droit de la concurrence qui nous donnera la réponse à cette question. En effet,

après avoir conclu que les règles du droit de la concurrence s’appliquent à la compétition

sportive du fait de son applicabilité et de son application à ce domaine, une analyse de la

spécificité sportive est nécessaire ; la compétition sportive n’étant pas une activité

économique comme les autres (PARTIE II).

C’est pourquoi nous verrons que les règles de concurrence ont du mal à pénétrer

réellement le domaine de la compétition sportive, notamment par la reconnaissance des juges

d’exemptions propres au domaine sportif (Titre I) mais aussi par la doctrine d’une réelle

« spécificité sportive » (Titre II).

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

63

Partie ΙΙ : Le tempérament : la reconnaissance d’une

Spécificité sportive.

68. Feuille de route – Par « Spécificité sportive » nous entendrons le fait que le sport

en général se doit d’être examiné d’une façon particulière et notamment lorsque l’on voudra

y appliquer les règles du droit de la concurrence. Certes son impact « business » non

négligeable entraine l’application des règles de concurrence comme nous l’avons vu mais ce

n’est sans compter sur ses multiples autres qualités que le sport, dont fait partie la

compétition sportive, doit être considéré comme une particularité et nous le verrons voire

comme une exception. Notre cheminement de pensée sera le suivant : les acteurs de la

compétition sportive peuvent être les auteurs de pratiques, bien que prohibées et

sanctionnables, se trouveront justifiées ou exemptées (Titre I). Ce développement ne sera

finalement que la première pierre à l’édifice tendant à déterminer ensuite que le monde

sportif veut aller plus loin en démontrant que le sport se doit d’être une exception sportive, à

l’image de l’exception culturelle (Titre II).

TITRE I : Les exemptions sportives.

Le droit de la concurrence tant français que communautaire a envisagé les hypothèses

où des pratiques, bien que prohibées et sanctionnables, se trouvent justifiées ou exemptées.

Cependant, les causes de l’exemption individuelle diffèrent légèrement entre le droit

communautaire et le droit national. C’est pourquoi nous examinerons d’abord les causes de

l’exemption individuelle tant en droit français que communautaire (Chapitre I) avant de

traiter des conséquences de l’exemption potentielle applicable à la compétition sportive

(Chapitre II).

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

64

Chapitre I : Les causes de l’exemption individuelle.

Les exemptions individuelles ne s’entendent pas tout à fait de la même manière selon

que l’on se place sous le droit communautaire ou selon le droit français. Nous verrons

succinctement l’exemption individuelle communautaire (Section I) et l’exemption

individuelle française (Section II).

Section I : L’exemption communautaire.

69. Exemption des ententes – Aux termes de l’article 101 § 3 du TFUE, il est disposé

que :

« Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables:

1. à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,

2. à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et

3. à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le

progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du

profit qui en résulte, et sans:

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour

atteindre ces objectifs,

b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause,

d'éliminer la concurrence ».

En d’autres termes, L’article 101(3) CE stipule que l’interdiction mentionnée à l’article

101(1) CE peut être déclarée inapplicable en présence d’accords qui contribuent à améliorer la

production ou la distribution de biens voire à promouvoir le progrès économique ou technique,

tout en octroyant aux consommateurs une part équitable des bénéfices qui en résultent,

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

65

qui n’imposent pas de restrictions non indispensables à la concrétisation de ces objectifs et qui ne

fournissent pas à ces entreprises l’occasion d’éliminer la concurrence en ce qui concerne une

partie significative des produits en question.

70. Bilan économique – Cet article qui pose les jalons de la justification des pratiques

anticoncurrentielles consiste en l’application de ce que nous verrons plus tard le « bilan

économique ».En effet, une telle justification sera très probablement d’application lorsque les

effets bénéfiques d’une règle l’emporteront sur ses effets négatifs. Nous remarquons ici que

cette exemption est située au sein de l’article 101 concernant les ententes et qu’ainsi cette

exemption individuelle ne concerne que les ententes et non les abus de position dominante de

l’article 102 du TFUE. Nous allons voir maintenant que cela diffère en droit français.

Section II : L’exemption française.

71. Exemption large – L’exemption en droit français est en fait plus large que celle

du droit communautaire dans le sens où le droit interne peut être plus restrictif que son

compère européen selon la théorie classique de primauté du droit communautaire.

En effet, aux termes de l’article L 420-4 du Code de Commerce dispose que :

« I. Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L 420-1 et L 420-2 les pratiques :

1. Qui résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire pris pour

son application ;

2. Dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès

économique y compris par la création ou le maintien d’emplois, et qu’elles réservent aux

utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises

intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits

en cause. Ces pratiques, qui peuvent consister à organiser, pour les produits agricoles ou

d’origine agricole, sous une même marque ou une même enseigne, les volumes et

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

66

la qualité de production, ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d’un

prix de cession commun, ne doivent pas imposer des restrictions à la concurrence que dans la

mesure où elles sont indispensables pour atteindre ces objectifs de progrès.

II. Certaines catégories d’accords ou certains accords, notamment lorsqu’ils ont pour objet

d’améliorer la gestion des entreprises moyennes ou petites, peuvent être reconnus comme

satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis conforme du Conseil de la

Concurrence ».

Ainsi que nous pouvons le constater, l’exemption en droit français vaut tant pour les

ententes que pour les abus de position dominante contrairement au droit communautaire. En

droit communautaire, le seul moyen de ne pas être condamné pour abus de position

dominante est de faire une demande d’attestation négative. Nous retrouvons en droit français

l’application du bilan économique comme cause de l’exemption mais aussi l’application d’un

texte législatif et réglementaire.

72. Arrêt Wouters – Avant d’examiner les exemptions appliquées à la compétition

sportive, un arrêt intéressant donne le ton pour démontrer ce qui pourra être dupliqué au

secteur du sport. Dans l’arrêt Wouters du 11 avril 2000, une clarification importante a été

apportée à l’application des règles de concurrence par l’ancienne Cour de justice des

Communautés européennes (CJCE). En effet, des critères ont été posés par la Cour

permettant d’évaluer quels accords ou décisions d’une association d’entreprises étaient

susceptibles d’échapper aux interdictions énoncées aux anciens articles 81 et 82, maintenant

101 et 102 du TFUE. A l’origine du débat, la juridiction néerlandaise dénommée Le

Nederlandse Raad van State posant une question préjudicielle afin de connaître de

l’application du droit communautaire aux professions libérales. La juridiction néerlandaise

est elle-même saisie d’une contestation portant sur la légalité d’un règlement adopté par

l’ordre néerlandais des avocats ; le règlement litigieux interdisant aux avocats exerçant aux

Pays-Bas de nouer une collaboration «intégrée» avec des membres de la catégorie

professionnelle des experts-comptables. La Cour était interrogée sur le fait de savoir si les

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

67

dispositions du traité en matière de concurrence s’appliquaient et, le cas échéant,

s’opposaient à une telle interdiction de collaboration.

La CJCE décide en rappelant que « tout accord entre entreprises ou toute décision d’une

association d’entreprises qui restreignent la liberté d’action des parties ou l’une d’elles ne

tombent pas nécessairement sous le coup de l’interdiction édictée à l’article [81 paragraphe

1,] du traité. En effet, aux fins de l’application de cette disposition à un cas d’espèce, il y a

lieu tout d’abord de tenir compte du contexte global dans lequel la décision de l’association

d’entreprises en cause a été prise ou déploie ces effets, et plus particulièrement de ses

objectifs, liés en l’occurrence à la nécessité de concevoir des règles d’organisation, de

qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité qui procurent la nécessaire

garantie d’intégrité et d’expérience aux consommateurs finaux des services juridiques et à la

bonne administration de la justice64. Il convient ensuite d’examiner si les effets restrictifs de

la concurrence qui en découlent sont inhérents à la poursuite desdits objectifs […]».

Et le juge poursuit en concluant qu’ « une réglementation nationale telle que

Samenwerkingsverodening 1993 adoptée par un organisme tel que l’ordre néerlandais des

avocats n’enfreint pas l’article[81, paragraphe 1,] du traité, étant donné que cet organisme

a pu raisonnablement considérer que ladite réglementation, nonobstant des effets restrictifs

de la concurrence qui lui sont inhérents, s’avère nécessaire au bon exercice de la profession

d’avocat telle qu’elle est organisée dans l’Etat membre concerné 65».

73. Parallèle – De cette décision, nous pouvons dès à présent nous interroger sur les

similitudes qui pourraient exister avec le secteur du sport en général et de facto de la

compétition sportive. En effet, nous pourrions de la même façon que diverses pratiques, en

64 voir en ce sens, arrêt du 12 décembre 1996, Reisebüro Broede, C-3/95, Rec. p. I-6511, point 38

65 CJCE, 10 juillet 2002, conclusions avocat général Léger, Rec. p. I-01577, point 2

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68

soi restrictives de concurrence, soient exemptées dès lors qu’une certaine compensation par

des effets positifs existe. L’avis est également partagé par la direction générale de la

concurrence qui a pu émettre l’idée selon laquelle « bien que cet arrêt porte sur l’application

des règles de concurrence à une mesure spécifique concernant une profession libérale dans

un Etat membre, un parallèle peut être établi entre ce secteur et celui du sport. Le sport en

tant que tel remplit des fonctions sociales, éducatives, culturelles qui relèvent également de

l’intérêt public66 ».

Cet arrêt nous laisse entrevoir la possibilité selon laquelle le sport pourrait être

considéré comme à part entière lorsqu’il sera confronté aux règles du droit de la concurrence.

Le chapitre suivant tombe donc à point nommé et confirmera que certaines pratiques liées à

la compétition sportive puissent être exemptées du fait de l’application d’un texte législatif

ou du bilan économique qui peut être réalisé (Chapitre II).

Chapitre II : Les conséquences de l’application des exemptions à la

compétition sportive.

L’application des exemptions déjà présentées peut se faire au secteur de la

compétition sportive. Les conséquences directes de l’exemption sont bien entendu que la

pratique apparemment restrictive ne sera pas condamnée. Plus généralement l’exemption

aura des conséquences sur les pratiques des acteurs de la compétition sportive, il est alors

intéressant de constater en pratique comment ces derniers peuvent être épargnés. Ces

conséquences résultent en droit français, nous l’avons déjà vu, soit de l’application d’un texte

législatif ou règlementaire (Section I), soit d’un bilan économique positif (Section II).

66 Corinne DUSSART-LEFRET et Christine SOTTONG-MICAS, Direction générale de la

Concurrence, Competition policy newsletter, Octobre 2002, p. 46-49

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Section I : L’application d’un texte législatif ou règlementaire.

I] Définition de la notion.

74. Interprétation large – L’exemption peut résulter de l’application d’un texte

législatif ou règlementaire, encore faut-il savoir ce qui est entendu par une telle application.

La jurisprudence a pu se prononcer sur l’interprétation qui devait être donnée quant à la

nature des textes pouvant justifier des pratiques a priori prohibées. De manière acquise, la

jurisprudence conçoit que la notion de texte législatif ou règlementaire doit être entendue

largement, admettant que la règle de l’exemption ne joue que lorsque la pratique en cause est

la conséquence d’une règle émanant d’un texte législatif ou règlementaire.

75. Problématique – Le problème qui se pose alors est de savoir quelle conclusion

donner dans le cas où il s’agit de règles émanant de textes qui ne sont pas des lois ou des

règlements. L’ancien Conseil de la concurrence a pu se prononcer sur ce point : il estime que

« l’expression texte législatif ou règlementaire […] ne doit pas être entendue de façon trop

stricte, et que des pratiques qui auraient été autorisées par une circulaire ou une lettre du

ministre de l’Economie et des Finances se présentant comme une interprétation formelle de

la réglementation en vigueur pourraient être couvertes, bien que ces actes ne constituent pas

à proprement parler des textes règlementaires67 ».

67 Rapport Comm. tech. Ententes pour 1975, p.999, voir aussi D.Mainguy, M.Depincé, J-LRespaud ;

Droit de la concurrence Litec éd.2010, p. 298

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70

II] Les cas d’espèces.

76. Affaire de l’assurance-ski – Bien entendu, cette prise de position de la part du

Conseil de la concurrence ne l’a pas empêché de refuser l’exemption dans l’affaire de

l’assurance-ski pour des pratiques faisant suite à un « protocole » signé entre un syndicat, une

fédération sportive et une association sportive et le ministre de la Jeunesse et des Sports, car

ce texte n’a pas de caractère règlementaire. En l’espèce, des pratiques anticoncurrentielles

étaient reprochées à la Fédération Française de Ski (FFS) et au Syndicat national des

téléphériques. Le syndicat avait invoqué l’existence d’une convention, dite « protocole de

Val d’Isère », signée avec la FFS, l’association des maires de stations françaises de sports

d’hiver, le syndicat national des moniteurs de ski français, l’association des entraineurs de ski

alpin et le ministère de la Jeunesse et des Sports. Au terme de cette convention, les parties

s’engageaient à promouvoir une « carte neige » et à ne pas promouvoir de produits

concurrents. La FFS pouvait-elle échapper à la condamnation du fait de l’existence du

protocole et également du fait que le ministère y avait pris part ? Le Conseil de la

Concurrence considéra que cette convention « ne constituait ni un texte législatif ni un texte

règlementaire pris pour l’application d’une loi68 », et ce même si le ministère concerné avait

participé à cette convention.

77. Affaire Adidas – Dans l’affaire Adidas, la Ligue Nationale de Football avait

invoqué, devant ce même Conseil de la concurrence, la convention qui l’a lié à la Fédération

Française de Football. La convention donnait compétence à la Ligue de règlementer la

publicité sur les équipements sportifs dans les stades. Le Conseil a considéré que la Ligue

68 Décision Conseil de la Concurrence, 28juin 1994, Assurance-ski ; Recueil Lamy, n°598, obs.

V.Sélinsky

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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n’était pas fondée à invoquer ladite convention « dans la mesure où cette convention entre

personnes morales de droit privé ne constitue pas un texte règlementaire pris pour

l’application d’une loi ».

78. Conséquence inéluctable – Une autre problématique peut être relevée. En effet,

sachant que la loi a prévu que seules les fédérations sportives peuvent recevoir délégation

pour organiser les compétitions sportives, les fédérations étant alors titulaires des droits

d’exploitation, pourrait-on alors concevoir que d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles

puissent être justifiées en application cette disposition de l’article L 420-4 ? La jurisprudence

ainsi que le Conseil de la concurrence s’oppose à concevoir une telle possibilité. En effet, si

un texte législatif ou règlementaire peut justifier des pratiques anticoncurrentielles, cela n’est

possible que si la pratique en cause est la « conséquence inéluctable » dudit texte. Dès lors,

une fédération sportive en position dominante n’est pas obligée d’imposer à ses partenaires

de refuser de promouvoir un produit concurrent au sien.

Section II : Le bilan économique des pratiques.

I] La méthode utilisée.

La méthode est simple : il s’agit de dresser un bilan afin de cerner les avantages et

inconvénients d’une pratique en cause. Nous verrons que la méthode elle-même a pour

origine de déterminer un certain « progrès économique » (A). Enfin, pour être exemptée la

pratique en cause doit satisfaire à la fois des conditions positives et négatives (B).

A) L’origine de l’exemption.

79. Progrès économique – La méthode du bilan économique repose elle-même sur la

notion de « progrès économique ». Il s’agit là d’une notion peu juridique et essentiellement

économique à l’habitude des notions clefs du droit de la concurrence. Cette notion qu’elle

soit analysée sous l’angle juridique ou économique est quoiqu’il en soit une notion dont la

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

72

définition et l’interprétation peut être large ou étroite. Les juges, compte tenu de cette

particularité, n’ont pas tenté de la définir juridiquement mais en font une interprétation in

concreto et décident ainsi si, dans tel ou tel cas de pratique en cause, il y a progrès

économique. En réalité, l’interprétation est dépendante du pouvoir souverain du juge et

certains auteurs avancent qu’il s’agit « d’un indicateur de la politique décisionnelle des

autorités de concurrence69 ».

80. Critères – Cependant, en pratique les juges ont pour habitude de tenir compte de

différents critères afin de dresser le bilan des avantages et inconvénients. Nous pouvons

penser qu’en quelque sorte ces critères ne sont finalement que la schématisation du progrès

économique. Ces critères sont essentiellement eux-mêmes économiques et établis sur la base

du bilan couts/ avantages. Pour exemples, il peut s’agir de l’amélioration des conditions du

marché par l’amélioration des débouchés de la production ou par des gains de productivité

notamment par l’allégement de la facture de frais, des techniques améliorées, un meilleur

amortissement. Ces critères dégagés par les juges font alors état du bilan qu’il fallait dresser

pour analyser la pratique en cause. Il faut alors que ce bilan réponde à plusieurs conditions.

B) Les conditions de l’exemption.

1. Conditions positives.

81. Effets favorables – En droit interne comme en droit communautaire, il faut

d’abord que la pratique en cause produise des effets favorables sur le marché. C’est ce que

l’article dispose par « améliorer la production ou la distribution des produits ou à

promouvoir le progrès technique ». Ici, il s’agit essentiellement de gains économiques ou de

gains d’efficacité de tout ordre : couts abaissés, innovations, maintien ou création d’emplois.

69 D.Mainguy, M.Depincé, J-LRespaud ; Droit de la concurrence Litec éd.2010, p. 299

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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82. Répartition équitable – En second lieu, la pratique en cause doit réserver aux

utilisateurs une part équitable des effets favorables. Dès lors, une pratique dont les effets

restrictifs n’auraient d’intérêts que pour son auteur ne pourra être exemptée. Plus

communément, des gains économiques doivent se traduire par des baisses de prix. Ainsi, une

pratique se résumant à un progrès économique dans le seul intérêt des clubs de football ne

pourra pas être exemptée.

2. Conditions négatives.

83. Restrictions nécessaires – En troisième lieu, il faut que la pratique en cause

génère des restrictions nécessaires dans les sens où la pratique ne doit pas générer de

restrictions non indispensables pour atteindre les avantages dégagés par la pratique elle-

même. En d’autres termes, il ne doit pas y avoir d’autres moyens pour atteindre ces

avantages. En pratique, il faut aussi que ces effets positifs nécessaires doivent être

proportionnés. En effet, la pratique restrictive de concurrence en cause qui produit des effets

qui dépassent ce qui est nécessaire pour atteindre des objectifs positifs ne pourra être

exemptée.

84. Maintien de la concurrence – En dernier lieu, la pratique en cause ne doit pas

aboutir à éliminer la concurrence pour une partie substantielle du marché.

II] Les cas d’espèces.

85. Affaire Adidas – Dans l’affaire Adidas, la Ligue Nationale de Football (LNF) a

fait valoir que l’accord de parrainage conclu avec la société Adidas échappait à l’interdiction

soutenant que le contrat en cause contribuait au progrès économique. La LNF a plus

particulièrement soutenu que le contrat de parrainage conclu avec la société Adidas

permettait aux clubs de football de bénéficier de ressources financières largement plus

importantes et mieux réparties.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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L’ancien Conseil de la concurrence n’a pas fait droit à cet argument. Il a tout d’abord rappelé

que le « progrès économique ne pouvait se résumer au seul intérêt des clubs de football ». Le

Conseil a précisé à cette occasion que les parties à une entente qui entendent se prévaloir

d’un progrès économique doivent démontrer que les pratiques en cause réservent aux

utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte. En outre, le Conseil a jugé qu’il

n’était pas établi que le progrès économique en l’espèce n’aurait pas pu être obtenu sans

fausser le jeu de la concurrence, d’une part en faisant jouer la concurrence entre les fabricants

d’article de sport pour l’attribution du contrat de parrainage des clubs de première et

deuxième division et , d’autre part en limitant la durée de l’exclusivité. Le Conseil a donc

considéré que les restrictions de concurrence en cause n’étaient pas indispensables pour

atteindre le progrès économique escompté et qu’aucune justification n’était possible.

86. Affaire UEFA c/ Commission – Le 1er février 1999, la Commission Européenne a

reçu notification70 de l’ Union des Associations européennes de football (UEFA) par

laquelle cette dernière demandait à bénéficier d’une attestation négative ou d’une exemption

en faveur de la commercialisation centralisée des droits commerciaux relatifs à la

compétition de la Ligue des Champions qu’elle organise. Les droits en question étaient les

droits de retransmission télévisuelle, les droits relatifs au parrainage, les contrats de

fourniture, les licences et les droits de propriété industrielle.

Les arguments avancés par l’UEFA en faveur d’une possibilité d’exemption reposaient sur la

copropriété, avec les clubs en lice dans la compétition, des droits précités dans le sens où

l’UEFA en créant le concept de cette compétition européenne, avait acquis une identité

propre tout à fait distincte de celle des clubs en lice. L’UEFA est également responsable de

toute l’organisation de la compétition, tel que l’administration et le règlement de la

70 UEFA c/ Commission, C99/24,1 février 1999, JOCE 30 avril 1999

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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compétition, la sélection des prestataires de services et la conclusion des contrats

d’assurance. Elle supporte en outre les risques financiers liés à la réussite de le Ligue des

Champions puisqu’elle garantit aux participants le versement d’un montant minimal, qu’elles

que soient les recettes réalisées.

L’UEFA a estimé lors de la notification que « la commercialisation centralisée de ces droits

n’entraine pas de restriction sensible de concurrence […], que la redistribution des recettes

favorise l’intensification de la concurrence au sein du football européen ». De plus, et cela

en faveur de l’exemption, l’UEFA a fait valoir que « ce système permet de rationaliser la

distribution des droits commerciaux. Il favorise la solidarité entre les clubs financièrement

plus forts et ceux qui le sont moins, il permet d’encourager le football amateur et la pratique

de ce sport pour les jeunes ».

87. Transition – À ce stade, nous avons donc vu que les règles du droit de la

concurrence sanctionnent les pratiques des acteurs du monde de la compétition sportive

pouvant restreindre la concurrence sur les différents marchés qui gravitent autour de la

compétition sportive. Mais, en guise d’avant goût, certaines de ces pratiques peuvent, nous

l’avons vu, être exemptées du fait que ces dernières sont tout aussi particulières que dans

d’autres secteurs. Du fait de leur particularité liée à celle qui définit le secteur de la

compétition sportive, l’application des règles du droit de la concurrence se voit tempérée et

connaît ici un net recul. Cependant, l’idée de pratiques exemptées est simple, trop simple

pour faire apparaître que la compétition sportive, et plus généralement le secteur sportif, doit

être une véritable exception en ce qui concerne l’application des règles du droit de la

concurrence. Nous allons voir que l’idée de cette dernière proposition secoue en effet le

monde juridique mais qu’en y regardant de plus près, nous pourrions tout à fait concevoir une

difficile application des règles de concurrence au secteur la compétition sportive à l’image de

la même exception qui a été consacrée pour la culture.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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TITRE II : L’exception sportive.

88. Etat de faits – Voilà plusieurs années que les politiques et juristes se sont penchés

sur la question très controversée de l’exception sportive aussi appelée « spécificité sportive ».

Au fil des années, il apparaît en réalité que cette spécificité sportive, dont les compétitions

font partie, devait être légitime et traduite dans tous les domaines et notamment en droit.

Cependant, depuis les prémices de la spécificité sportive émanant de la déclaration de Nice,

la spécificité sportive a du mal a être identifier. Saisir ce que la spécificité sportive englobe

n’est pas une mince affaire et de là en poser une définition est difficile. Ne parlons pas s’il est

possible de trouver une définition juridique de cette notion, le silence des textes en reflète la

réponse. Peut être que cette absence s’explique par le fait que le droit lui-même a du mal à

intégrer cette notion aux seins mêmes des règles de droit classiques. Le droit de la

concurrence n’est pas une exception. En effet, nous verrons plus tard que ce droit prend en

compte cette notion mais sans tout de même quelques difficultés.

Dès lors, il s’agira ici de tenter d’identifier cette notion de « spécificité sportive » en

examinant ses origines et en essayant de saisir ses éléments constitutifs (Chapitre I). Nous

verrons ensuite que les règles du droit de la concurrence doivent aussi prendre en compte

cette spécificité sportive (Chapitre II). Nous verrons alors que cela peut aboutir à un schéma

juridique lui-même spécifique et d’une certaine complexité.

Chapitre I : L’identification de la spécificité sportive.

La notion de spécificité sportive n’a pas, à ce jour, de définition en droit. Cette notion

est difficile à appréhender car, de manière générale, ses composantes peuvent être

hétérogènes. Alors, identifier la spécificité sportive, c’est tout d’abord cerner l’esprit de la

notion, telle que l’on pourrait le faire en examinant l’esprit d’une loi, en partant de ses

origines (Section I). Il s’agira ensuite d’évoquer ses principaux éléments constitutifs

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

77

(Section II).

Section I : Les origines de la spécificité sportive.

Les origines de la spécificité sportive se justifient d’abord par les origines d’ordre

culturelles et sociales (I). L’origine de la spécificité sportive se justifie également par la

reconnaissance des instances officielles notamment juridiques (II).

I] Les origines d’ordre culturelles et sociales.

89. Valeurs sportives – « Le sport fait partie du patrimoine de tout homme et de

toute femme et rien ne pourra jamais compenser son absence71 ». Ses mots de Pierre de

Coubertin en dit long sur ce que le sport peut représenter pour tout Homme. La compétition,

nous l’avons déjà évoqué, est une de ses composantes qui fait que l’activité sportive peut se

voire reconnaître une certaine spécificité. La compétition sportive véhicule certaines valeurs

communes au sport tel que la loyauté, le respect, la solidarité et l’esprit d’équipe qui en font

irréductiblement un phénomène à part, d’où une spécificité certaine d’un point de vue social

ou culturelle.

90. Fonctions sportives – Sur ce point, dès 1999 la Commission Européenne a pu

tenter de justifier cette spécificité sportive. D’ailleurs, il s’agit là du point de départ à partir

duquel les travaux qui suivront seront calqués en prenant en compte la reconnaissance par la

Commission sportive de cette spécificité. Ainsi la Direction générale X de la Commission

Européenne a pu établir que :

« Le sport remplit ainsi cinq fonctions qui constituent sa spécificité :

71 Pierre de Coubertin (1863-1937), fondateur des Jeux Olympiques modernes

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

78

- une fonction éducative : l’activité sportive constitue un excellent instrument pour

équilibrer la formation et le développement humain de la personne à tout âge ;

- une fonction de santé publique : l’activité physique offre l’occasion d’améliorer la

santé des citoyens et de lutter de manière efficace contre certaines maladies, telles que les

lésions cardiaques ou le cancer ; elle peut contribuer au maintien d’une bonne santé et

qualité de vie à un âge élevé ;

- une fonction sociale : le sport représente un instrument approprié pour promouvoir

une société plus inclusive, pour lutter contre l’intolérance et le racisme, la violence, l’abus

d’alcool ou l’usage de stupéfiants ; le sport peut contribuer à l’intégration des personnes

exclues du marché du travail ;

- une fonction culturelle: la pratique sportive permet au citoyen de mieux s’enraciner

dans un territoire, de mieux le connaître et de mieux s’intégrer, et pour ce qui concerne

l’environnement, de mieux le protéger ;

- une fonction ludique : la pratique sportive représente une composante importante

du temps libre et du divertissement individuel et collectif 72».

Dans le même sens, l’UEFA a pu déclarer que :

« Les activités sportives revêtent une importance fondamentale pour les citoyens européens

et apportent d’innombrables bénéfices à l’ensemble de la société, grâce aux structures du

modèle sportif européen. Leur pratique est bénéfique pour l’équilibre physique et

72 Direction générale de la Commission Européenne, 22 avril 1999, Le modèle européen du sport,

version2, p.2

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

79

psychologique des adultes et des enfants. Le football met plus particulièrement en exergue

des valeurs pédagogiques et culturelles fondamentales, comme par exemple l’esprit d’équipe,

la maîtrise de soi et le respect de l’autre, qui font du sport un facteur de cohésion,

d’intégration et de participation à la vie sociale. Ses vertus éducatives en font un outil

d’épanouissement non seulement de l’individu mais également du citoyen. La raison d’être

statutaire des fédérations sportives est à cet égard fondamentale puisqu’elle consiste à

promouvoir la pratique de leurs disciplines et des valeurs qu’elles véhiculent73 ».

91. Articulation avec le droit – Dès lors, ce modèle sportif européen ne faisant que

marquer d’autant plus la spécificité du sport n’a pu qu’entrainer une série d’interrogations

portant sur la façon dont le droit allait être touché par cette reconnaissance de la spécificité

sportive. En effet, comment la spécificité du sport pourra être intégrée en droit ? Notamment,

comment cette spécificité peut avoir des conséquences sur les règles du droit de la

concurrence ? Cela passe d’abord par la reconnaissance officielle de cette spécificité par les

instances juridiques (II).

II] La reconnaissance officielle de la spécificité sportive par les instances

juridiques.

91. Historique – Il faut attendre les années 1970 pour remarquer que des instances

intergouvernementales se penchent sur la question de la spécificité du sport. Les trois

premiers textes ont été la Charte européenne du sport pour tous adoptée en 1975 comme

recommandation par le Conseil de l’Europe à ses membres ; la Charte internationale de

l’éducation physique et du sport adoptée en 1978 par l’Assemblée générale de l’Unesco ; et

la Convention contre le dopage adoptée en 1990 par les Etats membres du Conseil de

l’Europe à la suite de plusieurs recommandations élaborées dès les années 1970.

73 Position de l’UEFA sur l’article 165 du traité de Lisbonne, www.uefa.com

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

80

La problématique de la spécificité du sport et de sa prise en compte juridique a continué

d’être discutée en 2000 lors du 9ème Forum européen du sport qui rassemble, sous l’égide de

la Commission européenne, toutes les organisations sportives européennes et les autorités

publiques concernées. Le dixième point des conclusions d’un groupe de travail de ce forum

affirme que:

« Les participants appellent à une réflexion approfondie sur ce qui fonde la spécificité du

sport (son rôle social, éducatif, etc.) et sur les conséquences de cette spécificité (respect de

l’autonomie du sport pour toutes les règles dont l’objectif n’est pas économique : règle du

jeu, protection des jeunes, disposition visant à garantir l’équité des compétitions, à assurer

la solidarité ou à promouvoir la pratique sportive au sein de la population)74».

L’autonomie du sport est vue dans cette conférence comme une conséquence de la spécificité

qui occupe tous les esprits à la suite de l’arrêt Bosman. A la fin de l’année 2000, à la suite du

rapport sur le sport remis par la Direction générale X de la Commission européenne au

Conseil européen à Helsinki en 1999, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union

européenne, réunis à Nice sous la présidence française, adoptent une déclaration relative au

sport. Cette « Déclaration de Nice » est restée, jusqu’à la ratification du traité de Lisbonne

donnant une compétence sur le sport à la Commission européenne, le texte de référence le

plus élevé pour les 27 pays membres de l’Union. Le septième point de cette déclaration

affirme que :

« Le Conseil européen souligne son attachement à l’autonomie des organisations sportives et

à leur droit à l’auto-organisation au moyen de structures associatives appropriées. Il

reconnaît que les organisations sportives ont, dans le respect des législations nationales et

communautaires, et sur la base d’un fonctionnement démocratique et transparent, la mission

74Position de l’UEFA sur l’article 165 du traité de Lisbonne, www.uefa.com

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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d’organiser et de promouvoir leur discipline, notamment quant aux règles spécifiquement

sportives, la constitution des équipes nationales, de la façon qu’elles jugent la plus conforme

à leurs objectifs75 ».

La problématique de la spécificité sportive est également abordée du Livre blanc sur le sport

de la Commission des Communautés européennes, publié en juillet 2007. On y lit

notamment :

« La Commission reconnaît l’autonomie des organisations sportives et des structures

représentatives sportives (telles que les ligues). Elle reconnaît en outre que la responsabilité

de la gestion incombe principalement aux organismes de tutelle du sport et, dans une

certaine mesure, aux Etats membres et aux partenaires sociaux. Un certain nombre de

domaines, traités ci-après, n’en ont pas moins été portés à l’attention de la Commission

grâce au dialogue avec les organisations sportives. La Commission considère que la plupart

des difficultés qui se posent peuvent être résolues par une autoréglementation conforme aux

principes de bonne gestion et respectueuse du droit communautaire ; elle est prête à jouer un

rôle de médiateur et à prendre des mesures si nécessaire76 ».

92. Premier tempérament – Ainsi, à ce stade, nous remarquons que la spécificité

sportive a bien trouvé réception au sein des plus hautes instances juridiques. Ce qui en

découle est nécessairement sa prise en compte au sein des règles de droit. Le droit

communautaire en reconnaissant l’existence de cette spécificité sportive, reconnaît également

l’existence d’un schéma juridique prenant en compte lui-même cette notion. Le droit de la

concurrence, communautaire pour une partie, doit alors concilier avec l’existence de la

spécificité sportive. Il s’agit là des prémices du tempérament à apporter au principe que nous

75 Conseil Européen de Nice, Conclusions de la présidence, 7 décembre 2000, Annexe IV, p.2

76 Commission Européenne, 11 juillet 2007, Livre blanc sur le sport, p.14

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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avons jusqu’ici tenté de reconnaître de l’application certaine des règles de concurrence à la

compétition sportive. Dès lors, ces règles du droit de la concurrence devront prendre en

compte les règles spécifiques qui constituent la le modèle sportif. Mais quelles sont ces

règles ? Nous allons voir ce qu’il en est en examinant les éléments constitutifs de la

spécificité sportive (Section II).

Section II : Les éléments constitutifs de la spécificité sportive.

La spécificité sportive se caractérise à tout niveau. Nous verrons qu’elle se caractérise

par des règles organisationnelles spécifiques (I) mais aussi par l’hétérogénéité des règles

sportives (II).

I] Des règles organisationnelles spécifiques.

93. Une organisation propre – Le premier niveau où l’on peut remarquer que la

spécificité sportive se manifeste est au niveau organisationnel. En effet, la spécificité sportive

au regard du sport professionnel dont l’essence même est la compétition, se caractérise par

l’existence d’un ordre juridique sportif indépendant. Le sport possède ses propres organes

décisionnels, ses propres juridictions, ses propres sanctions. La juridiction sportive la plus

connue est le Tribunal arbitral du Sport (TAS), créé en 1983 par el mouvement olympique.

La cohabitation de la réglementation sportive et du droit pose problème de leur articulation.

C’est pourquoi, au fil des années, le TAS a contribué à une adaptation des règles sportives

aux principes de base du droit (égalité de traitement, droit d’être entendu, sanction

proportionnelle à la faute, etc.). Autrement dit, les organisations sportives ont modifié

volontairement leurs règles pour éviter de se trouver systématiquement contredites par le

TAS ou par les juges étatiques. Le TAS est donc de fait le tribunal suprême de la lex

sportiva, c’est-à-dire de l’ensemble des règles émanant des organisations sportives. Il a

incontestablement renforcé l’autonomie des organisations sportives internationales, même si

celles-ci ont progressivement adapté leurs règles aux principes généraux du droit.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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De par cet ordre juridique sportif, dont l’indépendance tend à s’accroître, se manifeste

un premier niveau de la spécificité du sport.

II] Des règles sportives hétérogènes : la lex sportiva.

94. Lex sportiva – L’ensemble des règles émanant des organisations sportives ou

« lex sportiva 77» sont hétérogènes. Elles émanent en effet de diverses instances et vouloir

toutes les identifier parait difficile. Avant de voir que malgré tout un regroupement par genre

est possible, il faut dire que ces règles sportives manifestent elles-mêmes le concept de

spécificité sportive. En effet, les règles des instances sportives sont notamment destinées à

maintenir un championnat équilibré et d’éviter la concentration de tous les meilleurs

éléments au sein d’une même formation. Il faut que se perpétue la glorieuse incertitude du

sport. La concurrence sportive a aussi cela de particulier qu’une entreprise sportive est

fortement dépendant de ses concurrents. Un championnat rentable est un championnat

incertain dans lequel plusieurs équipes d’égales valeurs s’affrontent. Leur objectif n’est alors

pas d’éliminer définitivement le concurrent comme sur tout marché économique classique,

mais de l’emporter, et de préférence de la manière la plus serrée possible.

Dans le même ordre de pensée, la Commission Européenne a pu noter que la lex

sportiva constitue cette spécificité du sport en écrivant, dans son Livre blanc sur le sport, que

cette spécificité peut être examinée sous les deux perspectives suivantes :

« la spécificité des activités sportives et des règles qui s'y appliquent, comme

l'organisation de compétitions distinctes pour les hommes et les femmes, la limitation

du nombre de participants aux compétitions ou la nécessité d'assurer l'incertitude des

77 Voir sur ce point Thèse Franck Latty, La lex sportiva, Recherche sur le droit transnational, publiée

en 2005, Université Paris X-Nanterre

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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résultats et de préserver l'équilibre compétitif entre les clubs participant à une même

compétition;

la spécificité des structures sportives, notamment l'autonomie et la diversité des

organisations sportives, la structure pyramidale des compétitions du sport de loisir

au sport de haut niveau, les mécanismes de solidarité structurée entre les différents

niveaux et les différents intervenants, l'organisation du sport sur une base nationale

et le principe d'une fédération unique par sport78».

95. Classification – La lex sportiva, étant un vaste ensemble de texte recouvre plus

d’une centaine de sports, Par exemple, la Charte olympique n’est finalement que le sommet

d’un énorme iceberg qui se modifie et se complexifie chaque jour. Malgré tout, il est habituel

de distinguer trois types de « règles sportives » :

– les règles du jeu ;

– les règles de tournoi ;

– les règles de club.

96. Règles du jeu – Les règles du jeu sont les règles techniques qui constituent la base

même de la façon de pratiquer un sport donné. Par exemple, un penalty en football se tire à 9

mètres des buts adverses ; les obstacles du 110 mètres haies d’athlétisme doivent avoir une

hauteur de 1,06 mètre et être espacés de 9, 15 mètres. Ce sont donc les règles sportives pour

tous et que les instances tentent d’uniformiser pour avoir des règles similaires mondialement.

Elles ont très rarement été contestées auprès des juges étatiques du fait du trop grand degré

78 Commission Européenne, 11 juillet 2007, Livre blanc sur le sport, p.14

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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de spécialisation que ces dernières demanderaient. Ces juges n’ont en général pas voulu se

mêler de ces règles ou de leur interprétation qui revient naturellement aux juges et arbitres

sur les terrains de sport ou, après la compétition, à des commissions d’appel. Un règle de

hors jeu ne peut en aucun cas être de l’interprétation d’un juge étatique.

97. Règles de club – Ensuite, ce que l’on peut appeler les règles de club, sont celles

qu’adopte chaque organisation sportive non gouvernementale sans but lucratif pour régler

son fonctionnement interne. Ces règles doivent être conformes au droit de l’Etat siège de

l’organisation et très souvent au droit des associations sans but lucratif de ce pays.

98. Règles de tournoi – Enfin, les règles de tournoi sont l’ensemble des normes

réglant les compétitions organisées dans un sport donné pour une période donnée. Par

exemple, les championnats du monde de ski alpin ont lieu tous les deux ans dans un lieu

désigné par la Fédération internationale de ski; seuls trois joueurs de plus de 23 ans par

équipe peuvent participer au tournoi olympique de football. Parmi les règles de tournoi, on

peut distinguer celles qui concernent directement les athlètes (âge, nationalité, genre,

comportement, prise de substances interdites, etc.) de celles concernant les conditions

d’organisation proprement dite du tournoi (date, lieu, équipement, logistique, sponsoring,

diffusion, paris, etc.).

99. Transition – A partir de ce que nous venons de dire, l’hétérogénéité des règles

sportives semble être un élément caractérisant le monde sportif. C’est de cela que nous

pouvons déduire la spécificité sportive. Néanmoins, malgré l’existence de celle-ci,

l’organisation du sport ne semble pas être bouleversée tout comme son autonomie par rapport

au droit. En effet, ces règles sportives qui pourraient être considérées comme des règles

« purement sportives » ne semblent pas être touchés par une quelconque application des

règles du droit de la concurrence. L’autonomie du sport permet donc d’éluder d’une certaine

façon l’applicabilité et l’application de ce droit de la concurrence. Il est temps d’évoquer

cette possibilité à ce stade du travail. Nous allons ainsi désormais examiner les règles de

concurrence se confrontant à la spécificité sportive (Chapitre II). Nous verrons que

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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l’application du droit de la concurrence semble être a priori « mis sur la touche » du fait de la

spécificité sportive mais qu’il arrive d’une certaine façon à s’appliquer à la compétition

sportive en tenant compte de cette spécificité.

Chapitre II : Les règles de concurrence et la spécificité sportive.

Nous avons vu jusqu’ici l’importance de la reconnaissance de cette spécificité

sportive. Egalement, des développements qui précèdent, nous avons bien saisi que le droit

devrait faire face à ce concept, en conciliant ses règles avec les règles propres à la

compétition sportive. Le droit de la concurrence, et nous avons commencé à le dire, n’est pas

une exception et l’applicabilité et l’application de ce dernier semble être sur le recul lorsqu’il

se heurte à la spécificité sportive. Cependant, l’articulation entre cette spécificité et ce droit a

fait l’objet de débats notamment en jurisprudence européenne. On peut y voir une articulation

spécifique entrainant l’application du droit de la concurrence au secteur sportif malgré ces

éléments de spécificité sportive (Section I). Nous verrons cependant que cette articulation

semble reposer sur un schéma compliqué (Section II).

Section I : L’articulation spécifique entre droit de la concurrence et

spécificité sportive.

100. Nécessité d’un cadre juridique – Afin de donner le ton, citons ici ces quelques

mots de Michel Platini, président de l’UEFA :

« Le mouvement sportif européen ne veut pas être au-dessus des lois. Au contraire,

nous avons besoin des lois afin de protéger les véritables valeurs du sport. Mais ces lois

doivent être rédigées et interprétées de façon à reconnaître la spécificité et l’autonomie de

ses institutions. En effet, le sport n’est pas une activité économique comme une autre. Nous

avons besoin d’un cadre juridique qui protège ce qui fait l’essence et la beauté du sport : ses

valeurs éducatives, sociales et citoyennes. Le sport connaît aujourd’hui beaucoup de dérives

à cause notamment de l’application aveugle du droit européen au sport : le droit européen

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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de la concurrence ne peut être celui qui réglemente automatiquement et exclusivement le

monde du sport79 ».

De ces mots, il semble bien que le droit de la concurrence ne rencontre pas

d’obstacles pour ce qui est de son application à la compétition sportive malgré sa spécificité.

Cependant, nous verrons que la limite à son applicabilité réside de l’existence des règles

purement sportives (I). Egalement, nous verrons que, du fait de la spécificité sportive, le

schéma de son applicabilité est particulier (II).

I] Inapplicabilité aux règles purement sportives.

101. Irréductible inapplication –Le développement qui suit n’est finalement que la

conséquence logique de ce qui précède et notamment de l’identification de la spécificité

sportive. Ce concept s’identifie particulièrement par l’existence de règles concernant la

compétition sportive propres à ce secteur. C’est en effet de la compétition que le sport peut

en tirer une irréductible spécificité. Dès lors, les règles « purement sportives » ou plus

généralement la lex sportiva intéressent elles le droit de la concurrence ? Bien évidemment

que non. La problématique de l’applicabilité et de l’application du droit de la concurrence à

la compétition sportive y trouve ici une réponse.

Cette réponse des plus logiques semble partagée par des spécialistes du droit du sport. En

2001, le commissaire européen à la concurrence Monti déclare lors d’une conférence sur la

gouvernance des organisations sportives organisée par les Comités olympiques européens et

la FIA :

79 Jean Loup Chappelet, Accord élargi sur le sport, L’autonomie du sport en Europe, Edition du

Conseil de l’Europe, avril 2010, p.42

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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« La Commission n’est, en général, pas concernée par les vraies « règles sportives ». Les

règles sans lesquelles un sport ne pourrait exister (c’est-à-dire des règles inhérentes à un

sport ou nécessaires à son organisation ou pour l’organisation des compétitions) ne

devraient pas en principe être soumises à l’application du droit européen de la

concurrence80 ».

On reconnaît dans cette affirmation du commissaire européen Monti l’identification de la lex

sportiva. Celle-ci n’intéresse guère le droit de la concurrence « en principe ». Les règles d’un

sport doivent rester de la décision des instances sportives qui travaillent pour défendre les

valeurs du sport, et ne pas dépendre d’un droit plus général parfois très éloigné dont les

règles peuvent être inadaptées au secteur auquel il s’applique. Cette solution semble être la

plus logique. Cependant, cette affirmation est elle si évidente ? Pourquoi le commissaire

européen Monti a pris soin de préciser « en principe » ?

Nous allons voir que le droit est intervenu là encore pour apporter des tempéraments.

Nous verrons que même des règles qui pourraient intéresser uniquement le sport et les

instances spécialisées de ce secteur, se trouveront interprétées selon le droit de la

concurrence. Toutefois, cette application semblera particulière (II).

II] La reconnaissance d’une applicabilité particulière.

102. Recul de la spécificité sportive – Ici, nous allons voir que la lex sportiva peut

être tout de même soumise au respect des règles de concurrence. Il s’agit là d’un net recul

pour la spécificité sportive, ce recul ayant pour origine l’arrêt « Meca-Medina » rendu par la

Cour de Justice des Communautés Européennes (A). Nous verrons que finalement la

80 Jean Loup Chappelet, Accord élargi sur le sport, L’autonomie du sport en Europe, Edition du

Conseil de l’Europe, avril 2010, p.28

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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problématique de l’applicabilité du droit de la concurrence aux règles intéressant le sport

dépend du montage posée par le juge européen (B).

A) L’origine du recul de la spécificité sportive.

103. L’affaire Meca-Medina – C’est en juillet de l’année 2006 que les craintes

concernant la reconnaissance en droit de la spécificité sportive se sont accrues. Jusque là, la

jurisprudence avait pris compte de la spécificité sportive et semblait ne pas s’intéresser

directement aux règles intéressant uniquement la compétition sportive. Le droit de la

concurrence faisait de même et ses règles ne semblaient pas s’appliquer aux règles sportives.

L’affaire Meca-Medina et notamment l’arrêt rendu par la CJCE est venu alors semer le

trouble, les conclusions de l’affaire étant une application du droit de la concurrence aux

règles mondiales anti-dopage.

104. Contexte factuel – Afin de mieux saisir ce qui se trame derrière cette

jurisprudence, rappelons brièvement son contexte factuel. Deux nageurs professionnels ont

été interdits de compétition pendant quatre ans pour avoir fait usage d’une substance

prohibée, la nandrolone, peine infligée par le panel antidopage de la Fédération Internationale

de Natation Amateur (FINA). Après avoir interjeté appel devant le Tribunal arbitral du Sport

(TAS) à Lausanne, ce dernier a d’abord maintenu la peine puis ,un peu plus tard , réduit de

quatre à deux ans la peine de suspension car un nouvel élément scientifique était apparu. Non

satisfaits de cette décision, les nageurs ont alors déposé le 30 mai 2001 une plainte devant la

Commission Européenne arguant du fait que les règles du CIO sur le dopage étaient

contraires aux dispositions du Traité CE relatives à la concurrence (anciens articles 81 et 82).

105. Solution logique de la Commission – Aux termes d’une décision prise en août

2002, la Commission rejeta la plainte au motif que les règles anti-dopage étaient des règles

purement sportives qui échappent à l’application des règles de concurrence du Traité CE. A

cette occasion, le commissaire Monti déclarait même que :

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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« Il est compréhensible que les plaignants veuillent mettre tout en œuvre pour attaquer leur

suspension décidée en application de la réglementation antidopage FINA du CIO. Mais ceci

ne justifie pas l’intervention de la Commission qui est d’avis qu’il ne lui appartient pas de se

substituer aux instances sportives afin de choisir l’approche qui leur semble la meilleure

pour combattre efficacement le dopage81 ».

106. Recours devant le TPI – Après avoir été déboutés à Bruxelles, les nageurs

décidèrent néanmoins de faire appel de la décision de la Commission devant le TPI. Ce

dernier ne fît que confirmer la décision de la Commission de rejeter la plainte. Le TPI a

conclu, à juste titre, qu’il ne revenait pas vraiment aux institutions européennes de chercher à

déterminer quelle concentration de nandrolone devait être autorisée dans le corps d’un nageur

professionnel. Il a souligné que puisque les règles contestées étaient de nature sportive,

l’affaire ressortissait aux organisations sportives qui devaient dès lors la traiter par le biais de

leurs instances compétentes pour le règlement des litiges sportifs.

107. Appel devant la CJUE – Quoi qu’il en soit, la ténacité des plaignants les ont

amené à interjeter appel de la décision du TPI devant la plus haute instance juridique,

l’ancienne CJCE aujourd’hui CJUE. C’est alors à la suite de sa décision du 18 juillet 2006

que toute la problématique a de nouveau sombré dans la confusion. Le point 28 de l’arrêt

précise ce qui suit :

« Si l’activité sportive en cause entre dans le champ d’application du traité, les conditions de

son exercice sont alors soumises à l’ensemble des obligations qui résultent des différents

obligations du traité 82».

81 Communiqué de presse de la Commission, IP/02/1211.

82 CJCE, 18 juillet 2006, Meca-Medina & Majcen c. Commission, aff. C-519/04 P, point 28

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91

108. Net recul – Cette phrase fait très fortement réagir les fédérations sportives

européennes ainsi que le CIO et la FIFA (Fédération internationale de football association)

car ces organisations y voient un retour en arrière important par rapport aux arrêts antérieurs

de la CJCE qui faisaient jurisprudence, et perçoivent donc un risque accru pour leur

autonomie. En effet, la plupart des activités sportives ont une dimension économique et

rentrent ainsi dans le champ d’application des traités de l’Union. De plus, la notion de «

conditions d’exercice » d’une activité sportive est très vaste et comprend notamment des

thèmes comme la nationalité des athlètes et les règles antidopage qui étaient jusqu’alors

considérées comme du ressort autonome des organisations sportives. Le titre du communiqué

de presse de la CJCE affirme même que « la réglementation antidopage du CIO relève du

droit communautaire de la concurrence83 ».

Dès lors, cet élargissement du champ d’application du droit de la concurrence aux

règles purement sportives paraît difficile à mettre en œuvre. La Commission a alors tenté de

clarifier ce nouvel élément à prendre en compte afin de savoir comment les règles de

concurrence s’appliquent aux règles sportives jusqu’alors considérées comme étant des

éléments de la spécificité sportive. La Commission propose en fait une approche

méthodologique à adopter lors de l’évaluation d’une règle sportive aux termes des articles

101 et 102.

B) Le montage juridique en vue de l’applicabilité aux règles sportives du droit

de la concurrence.

109. Le « test » – Le jugement Meca-Medina rendu par la Cour européenne est le

premier jugement dans lequel les Cours de la Communauté ont appliqué les articles 101 et

83Revue La semaine juridique, 27 juillet 2006, n°30, CJCE, 3e ch., 18 juillet 2006, aff. C-519/04 P,

Meca-Medina et Majcen

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

92

102 à une règle sportive adoptée par une association sportive et associée à une activité

sportive, en l’occurrence la natation. Le jugement dans cette affaire donne des indications

précieuses en ce qui concerne l’approche méthodologique à adopter lors de l’évaluation

d’une règle sportive aux termes des articles 101 et 102 du TFUE.

110. Conclusions de Meca-Medina – La CJCE a tout d’abord conclu que les

exigences spécifiques des anciens articles 81 et 82 CE devaient être examinées, et ce

indépendamment de la nature de la règle. Il convient tout particulièrement de déterminer « si

les règles qui régissent ladite activité sportive émanent d’une entreprise, si celle-ci restreint

la concurrence ou abuse de sa position dominante, et si cette restriction ou cet abus affecte

le commerce entre les États membres 84».

La Cour a conclu, toutefois, que les règles antidopage en question n’avaient pas enfreint

l’article 81(1) CE, et ce en dépit du fait que les sanctions encourues conformément aux règles

antidopage pouvaient produire des effets restrictifs sur la concurrence puisqu’elles pouvaient

déboucher sur l’exclusion d’athlètes à des compétitions sportives. La CJCE est parvenue à

cette conclusion sur base des principes stipulés dans le jugement Wouters. À cet égard, la

Cour a réitéré qu’il convient de prendre en compte d’abord le contexte global dans lequel les

règles ont été adoptées ou produisent leurs effets et leurs objectifs et de déterminer si les

effets restrictifs sont inhérents à la poursuite des objectifs visés et y sont proportionnés. Dans

l’affaire Meca-Medina la Cour a trouvé que les règles antidopage avaient pour objectif de

garantir des compétitions sportives loyales caractérisées par une égalité des chances pour

tous les athlètes ainsi que de s’assurer de la protection de la santé des athlètes, de l’intégrité

et de l’objectivité du sport concurrentiel et des valeurs éthiques dans le sport. La Cour a

qualifié la restriction d’action que les règles antidopage ont imposé aux athlètes « d’inhérente

84 CJCE, 18 juillet 2006, Meca-Medina & Majcen c. Commission, aff. C-519/04 P, point 30 et 33

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

93

à l’organisation et au bon déroulement de la compétition sportive85 ». La CJCE a également

examiné si les règles se limitaient au strict nécessaire en ce qui concerne le seuil de substance

proscrite en question et la sévérité des sanctions. La Cour a considéré les règles comme

proportionnées dans les deux cas. Par conséquent, l’appel interjeté a été refusé.

111. Eléments du test – La Commission suit alors l’approche méthodologique décrite

ci-dessus pour évaluer si une règle adoptée par une association sportive associée à

l’organisation du sport enfreint les articles 101 et 102 du TFUE.

La phase 1 correspond à trouver une réponse à la question suivante : L’association sportive

qui a adopté la règle doit-elle être considérée comme une «entreprise» ou une «association

d’entreprises ? »

La phase 2 correspond à trouver une réponse à la question suivante : La règle en question

restreint-elle la concurrence dans le sens prévu à l’article 101(1) TFUE ou constitue-t-elle un

abus de position dominante en vertu de l’article 102 TFUE? Cela dépendra, en l’application

des principes établis dans le jugement Wouters, des facteurs suivants:

le contexte global dans lequel la règle a été adoptée, produit ses effets, et plus

spécifiquement, ses objectifs;

si les restrictions à la règle sont inhérentes à la concrétisation des objectifs;

si la règle est proportionnée par rapport aux objectifs poursuivis.

85 CJCE, 18 juillet 2006, Meca-Medina & Majcen c. Commission, aff. C-519/04 P, point 44

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

94

La Phase 3 consiste quant à elle à savoir si le commerce entre les États membres s’en trouve

affecté et une dernière phase pour savoir si la règle peut bénéficier d’une exemption en

remplissant les conditions stipulées à l’article 101(3).

Concernant la phase 2 ci-dessus évoqué, la CJCE a reconnu explicitement dans l’arrêt

Meca-Medina que, même dans des cas où une règle sportive restreint la liberté d’action des

sportifs, elle peut ne pas enfreindre les articles 101 et 102 dans la mesure où la règle en

question poursuit un objectif légitime et où ses effets restrictifs sont inhérents à la poursuite

de cet objectif et proportionné à celui-ci.

112. Objectifs légitimes – Les objectifs légitimes des règles sportives auront

normalement trait à « l’organisation et au bon fonctionnement de la compétition sportive86 »

; il s’agira notamment de la garantie de compétitions sportives loyales avec une égalité des

chances pour tous les sportifs, la garantie de l’incertitude des résultats, la protection de la

santé des sportifs, la protection de la sécurité des spectateurs, l’encouragement de la

formation des jeunes sportifs, la garantie de la stabilité financière des équipes/clubs de sport

ou la garantie de la pratique uniforme et cohérente d’un sport donné. La spécificité du sport,

autrement dit les caractéristiques distinctives qui permettent de différencier le sport des

autres activités économiques, telles que l’interdépendance entre les adversaires concurrents,

sera prise en compte lors de l’évaluation de l’existence d’un objectif légitime.

113. Restrictions inhérentes – De plus, les restrictions occasionnées par une règle

sportive doivent être inhérentes à la poursuite de son objectif. La CJCE a conclu, par

exemple, que les sanctions dont il est fait mention dans les règles antidopage de l’arrêt Meca-

Medina étaient inhérentes au bon fonctionnement de la compétition sportive et à la rivalité

saine des sportifs. En outre, les règles inhérentes à l’organisation et au bon déroulement de la

86 Cf. idem point précédent

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

95

compétition sportive englobent les « règles du jeu », à savoir les règles qui déterminent le

nombre de joueurs, leur fonction, la durée de la compétition/du jeu, etc. La règle selon

laquelle une équipe de football doit être composée de onze joueurs ou la règle qui régit les

dimensions des buts en sont des exemples flagrants.

114. Proportionnalité – De plus, la règle sportive doit être proportionnée à son

objectif pour ne pas enfreindre les articles 101 et 102 et doit être appliquée de manière

transparente, objective et non discriminatoire. Dans son arrêt Meca-Medina, la CJCE a

examiné si la limite quant à la présence de la substance proscrite en question dans le corps du

sportif était disproportionnée et a conclu que les règles n’allaient pas au-delà du strict

nécessaire pour garantir le bon fonctionnement de la compétition sportive. Par conséquent, il

faudra évaluer la proportionnalité de chaque règle sportive au cas par cas tout en tenant

compte des circonstances et des faits adéquats.

De cette approche méthodologique de la Commission concernant l’application des

règles du droit de la concurrence, nous pouvons conclure que les affaires concernant la

compétition sportive devront être examinées au cas par cas. De plus, cette approche peut

avoir des conséquences sur l’appréciation des règles de concurrence en rendant plus

compliqué leur compréhension. Nous allons maintenant tenter de tirer les conséquences de

cette prise en compte difficile de la spécificité sportive.

Section II : L’articulation compliquée entre droit de la concurrence et

spécificité sportive.

Cette nouvelle approche méthodologique abordée par la Commission complexifie

totalement l’univers juridique. La casuistique s’en trouve être multiplié (I) et les

conséquences sur la sécurité juridique ne sont pas négligeables (II).

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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I] Les nouvelles affaires portant sur la prise en compte des règles de

concurrence.

115. Casuistique – L’approche de la Commission a sans aucun doute eu pour but de

signifier que les cas portant sur l’application des règles de concurrence à la compétition

sportive, notamment à ces règles spécifiques telles que l’organisation d’un sport, devaient

être examinées au cas par cas. L’affaire Meca-Medina est alors la référence et plusieurs

affaires déjà jugées pourraient être examinées en vertu de la méthode illustrée dans cette

affaire. En effet, nous pouvons nous interroger sur le devenir d’arrêts déjà rendus. En vertu

de la nouvelle approche, est-ce que les conclusions seraient elles différentes quant à

l’application des règles de concurrence ? Nous verrons ici quelques exemples de règles

sportives non susceptibles d’enfreindre les règles de concurrence.

116. Affaire Mouscron – La première affaire concerne l’organisation territoriale d’un

sport. La communauté urbaine française de Lille a porté plainte contre l’UEFA aux termes de

l’article 82 CE pour ce qui est d’une règle applicable aux compétitions de l’UEFA avec pour

effet que chaque club doive jouer son match à domicile sur son propre terrain. Le club de

football belge Excelsior Mouscron s’est donc vu refuser le droit de jouer son match à

domicile de la Coupe de l’UEFA 1997/98 contre le FC Metz à Lille plutôt qu’à Mouscron.

La Commission a rejeté la plainte attendu qu’elle a considéré la règle «At home and away

from home» ainsi que les exceptions y afférents comme une règle sportive qui n’était pas

régie par les articles 101 et 102. La Commission a stipulé que l’organisation du football sur

le territoire national n’était pas mise en doute par le droit communautaire. La Commission a

qualifié la règle d’indispensable à l’organisation des compétitions nationales et

internationales afin d’assurer une certaine égalité des chances entre les clubs. Par ailleurs, la

Commission a ajouté que la règle n’allait pas au-delà du strict nécessaire. Il semblerait

probable que la règle ne constitue pas une violation de l’article 102 conformément aux

principes stipulés dans Meca-Medina) attendu que la règle poursuit un objectif légitime, que

les restrictions éventuelles engendrées par la règle sont inhérentes à l’organisation des

compétitions de clubs et que la règle n’est pas disproportionnée.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

97

117. Affaire Enic – La seconde affaire concerne la propriété multiple d’équipe de

sport. ENIC, une société qui détenait des parts dans six clubs de football professionnel au

sein de divers États membres, a porté plainte contre une règle adoptée par l’UEFA en 1998,

qui stipulait qu’aucun des deux clubs ni aucun autre club participant à la compétition des

clubs de l’UEFA ne pouvait être contrôlé directement ou indirectement par la même entité ni

géré par la même personne. La Commission a rejeté la plainte en concluant qu’il ne s’agissait

pas d’une restriction à l’ancien article 81(1) CE puisque l’objectif visé par la règle était de ne

pas altérer la concurrence mais de garantir l’intégrité des compétitions organisées par

l’UEFA. Elle a ajouté que la règle « vise à s’assurer de l’incertitude des résultats et à

garantir que le consommateur a le sentiment que les matches sont des compétitions sportives

honnêtes87…» La Commission a ajouté que la règle n’allait pas au-delà du strict nécessaire

pour s’assurer que son objectif est légitime: autrement dit pour protéger l’incertitude des

résultats dans l’intérêt du public. Au vu des considérations susdites, il semblerait probable

que la règle n’enfreigne pas l’article 101 sur base des critères Wouters appliqués dans

l’affaire Meca-Medina.

118. Affaire Lehtonen – Une dernière affaire concerne les échéances de transfert. Le

jugement Lehtonen portrait sur les règles de transfert de la Fédération internationale de

basket-ball relatives aux transferts de joueurs en Europe. Ces règles, mises en application par

les associations nationales de basket-ball, interdisaient aux clubs en Europe de faire jouer des

joueurs étrangers dans des championnats nationaux qui avaient déjà joué dans un autre pays

d’Europe. Il était encore possible, toutefois, pour les joueurs en provenance de clubs non

européens de faire l’objet d’un transfert et de jouer. Eu égard à l’importance et à la nécessité

des échéances de transfert pour concrétiser leur objectif, à savoir une compétition sportive

loyale et non faussée, la Commission considère que la réglementation des périodes de

87 Décisions du 25 juin 2002 dans l’affaire 37806 ENIC/UEFA (publiées sur

http//europa.eu.int/comm/competition/antitrust/cases).

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

98

transfert forme probablement des règles sportives qui n’enfreignent pas les articles 101 et

102 en vertu de Meca-Medina.

La prise en compte de cette nouvelle méthodologique a pour première conséquence la

prolifération d’arrêts de par le fait que l’examen au cas par cas doit être la méthode adoptée.

Cependant, d’autres conséquences non négligeables peuvent être identifiées.

II] Les conséquences de la nouvelle prise en compte des règles de

concurrence.

119. Proliférations de jugements – Outre le recours au cas par cas qui monte et ainsi

l’insécurité juridique, la prise en compte des règles de concurrence au secteur de la

compétition sportive et son articulation avec la spécificité sportive entraine d’autres

conséquences qui peuvent être ici critiquées. Certains sportifs songent désormais à contester

les règles sportives jusqu’auprès de la CJUE Par exemple, en 2007, le tennisman argentin

Cañas, insatisfait de la décision du Tribunal arbitral du sport dans son grief contre

l’Association of Tennis Professionals (ATP), en appelle à la Direction générale de la

concurrence de la Commission européenne contre l’ATP, mais aussi contre le TAS et

l’AMA. Il prétend aller jusqu’à la CJUE si nécessaire. Pourtant le cas qui concerne cet

Argentin s’est déroulé au Mexique, l’ATP est une société du Delaware (Etats-Unis) et le

TAS est basé en Suisse. La même année, le cycliste kazakh Kashechkin actionne l’Union

cycliste internationale (UCI) devant le tribunal belge de son lieu de résidence à propos d’une

suspension pour dopage. Il perd son premier procès, mais a l’intention de poursuivre jusqu’à

la Cour car il pense que ses droits d’être humain ont été violés. Si ces plaintes devaient

aboutir, l’autonomie de fixation des règles antidopage par les organisations sportives

deviendrait très limitée. On peut même dire que tout l’édifice patiemment construit par le

Mouvement sportif pour préserver le plus possible son autonomie au travers du recours

systématique à l’arbitrage du TAS serait mis en danger.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

99

120. Conséquences pratiques – A la suite de l’affaire Meca-Medina, on peut

considérer qu’une « boîte de Pandore » de problèmes juridiques potentiels a été ouverte.

Presque toutes les mesures disciplinaires sportives pour quelque infraction que ce soit sont

susceptibles d’être considérées comme relevant des « conditions d’exercice » d’une activité

sportive. Par conséquent, toute mesure disciplinaire pourrait être dorénavant contestée sous

l’angle du droit communautaire de la concurrence. Ainsi, pourrait-on affirmer que la décision

de réduire le nombre de club au sein d’une ligue nationale doive être vérifiée afin de

déterminer si cette restriction du nombre de clubs est véritablement limitée à ce qui est

nécessaire à la protection du sport de compétition ? On pourrait même se poser la question à

propos d’une sanction sportive reléguant une équipe dans une division inférieure. Bien qu’il

doit exister des raisons sportives évidentes d’imposer de telles décisions il semble que le

droit de la concurrence puisse être invoqué afin d’établir si cette limite ne va pas au-delà de

ce qui est nécessaire pour protéger la compétition sportive, puisqu’une telle limite pourrait

notamment affecter l’accès au marché de l’emploi.

121. Clarification nécessaire – De fait, la prolifération de plaintes est à craindre à

cause de ce transfert effectif des compétences règlementaires connues habituellement des

instances sportives à la Commission Européenne et aux Cours Européennes. Dès lors, une

clarification semble être nécessaire et entré en marche. A cet égard, l’Etude indépendante sur

le sport européen réalisé par Jose Luis Arnaut avait pour principale recommandation de

clarifier la nature des règles sportives qui échappent au champ d’application du TFUE.

L’activisme judiciaire doit être limité concernant ces questions de l’application du droit de la

concurrence à la compétition sportive.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

100

CONCLUSION :

Nous arrivons ici aux termes de nos développements. Nous avons vu que la réponse à

notre problématique ne doit pas être figée. Savoir si les règles du droit de la concurrence

s’appliquent au secteur de la compétition sportive demande d’être nuancé dans l’analyse.

La compétition sportive et plus généralement le secteur sportif devrait être analysé de

façon unique de par les valeurs que ce dernier peut véhiculer. Cette dernière particularité en

fonde sa spécificité. L’irréductible spécificité du sport vient du fait qu’une compétition

puisse exister et que ses règles doivent être suivies et justes pour tous. Mais cette spécificité

sportive entraine-t-elle une inapplication des règles juridiques ? Le droit de la concurrence ne

doit-il pas s’appliquer à un secteur dont le poids économique et financier a décuplé durant

ces dix dernières années ?

Depuis la jurisprudence Walrave ou Donà, en passant par la célèbre affaire Bosman,

tout le monde s’accorde à dire que le secteur de la compétition sportive est soumis à

l’applicabilité des règles du droit de la concurrence dès lors que les pratiques en cause

constituent des activités économiques. Le secteur de la compétition sportive n’est alors qu’un

élément du champ d’application du droit de la concurrence.

Les doutes de l’applicabilité du droit de la concurrence à ce secteur peuvent être

cependant plus marqués quant à l’application de ses règles à des organismes faisant objet

d’une délégation de services publics, telles que les fédérations sportives. Ces doutes doivent

être cependant effacés puisque la jurisprudence tend à mettre en légalité les pratiques de ces

fédérations sportives avec les règles de concurrence, du fait que les personnes délégataires

d’un service public sont du ressort du champ d’application du droit de la concurrence en

France.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

101

L’applicabilité au secteur de la compétition sportive entraine donc l’application des

règles de concurrence à tous les protagonistes intéressés de près ou de loin à la compétition

sportive. Le droit communautaire et national des ententes et des abus de position dominante

peut donc se rencontrer à des affaires concernant le monde sportif. Négociation des droits

audiovisuels, affaires de mécénat, activités des fédérations sportives sont des cas où ententes

et abus de position dominante ont pu apparaître. Nous n’imaginons pas que le droit de la

concurrence puisse être ignoré dans ces affaires économiques afin de protéger le bon ordre et

la répartition équitable des forces sportives en présence.

Cependant, nous avons vu que l’applicabilité et l’application des règles de

concurrence au secteur de la compétition sportive devait être tempérée du fait de ce que la

spécificité sportive constitue. Les valeurs du sport, son poids dans l’éducation mais surtout

son organisation propre qui a tendance à régler ses problèmes en interne laissent peu de place

au droit de la concurrence. L’articulation de ce droit à ce secteur est difficile du fait de cette

spécificité mais peut se concevoir d’une manière particulière. L’affaire Meca-Medina a

beaucoup apporté dans l’univers juridique. Cette affaire a permis d’établir une méthodologie

à adopter quant à l’application des règles de concurrence aux règles « purement sportives »

ou organisationnelles de la compétition sportive. Ici, le droit de la concurrence tend à se faire

une place et son application dépend de certaines conditions notamment de savoir si les règles

sportives en question correspondent à des objectifs légitimes inhérents au bon déroulement

du sport et s’ils sont proportionnés.

Application du droit de la concurrence à la compétition sportive est nécessaire pour

quelques penchants de celle-ci mais ne doit pas être le maitre mot. Tenir compte des

spécificités du sport doit entrainer une prise en compte particulière au sein de l’univers

juridique. Les règles de concurrence peuvent être inadaptées pour régler des cas qui

pourraient être réglées en interne. L’application de ce droit pourrait entrainer des dérives et

finalement une érosion des fondements de la spécificité sportive. Le droit de la concurrence

ne doit pas ainsi être l’objet d’une application systématique.

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

102

TABLE DES MATIÈRES.

Introduction : ............................................................................................................... 2

Partie Ι : La convergence entre droit de la concurrence et compétition sportive. .... 9

Titre Ι : L’applicabilité du droit de la concurrence à la compétition sportive. . 9

Chapitre Ι : Le champ d’application du droit de la concurrence. .......................... 9

Section Ι : Les fondements théoriques de l’applicabilité du droit de la

concurrence. ................................................................................................................ 10

I] La notion d’activité économique ............................................................. 10

II] La notion d’entreprise en droit communautaire ..................................... 11

Section ΙΙ : La compétition sportive, élément du champ d’application du droit

de la concurrence. ....................................................................................................... 12

I] Les activités économiques « per se » de la compétition sportive ............ 13

II] Les statuts juridiques du sportif ............................................................. 15

Chapitre ΙΙ : L’applicabilité du droit de la concurrence à l’épreuve du droit

public............................................................................................................................... 20

Section I : Le principe d’applicabilité du droit de la concurrence au secteur

public........................................................................................................................... 20

I] Une applicabilité aux personnes publiques. ............................................ 21

II] Une applicabilité aux « délégataires publics ». ...................................... 22

A) La notion de prérogative de puissance publique. ............................... 23

B) Les solutions dégagées. ...................................................................... 23

Section II : Les fédérations sportives, objet de l’applicabilité du droit de la

concurrence. ................................................................................................................ 25

I] Identification des fédérations sportives. .................................................. 25

II] Les affaires concurrentielles des fédérations sportives. ......................... 28

Titre ΙΙ : L’application du droit de la concurrence à la compétition sportive. 34

Chapitre I : Typologie des comportements anticoncurrentiels sanctionnables de

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

103

la compétition sportive. ................................................................................................... 34

Section I : Les ententes dans la compétition sportive. .................................... 34

I] Conclusion d’un contrat .......................................................................... 35

A) La commercialisation des droits de diffusion. ................................... 35

B) Le parrainage. ..................................................................................... 37

II] Décision d’associations d’entreprises. ................................................... 40

Section II : Une position dominante................................................................ 45

I] La notion de Marché ................................................................................ 46

II] Définition de la position dominante. ...................................................... 48

Chapitre II : Les entraves à la concurrence en compétition sportive. ................. 54

Section I : La commercialisation des compétitions sportives. ........................ 54

I] La commercialisation des droits de retransmissions. .............................. 56

II] Le mécénat. ............................................................................................ 59

Section II : L’organisation des compétitions sportives. .................................. 60

Partie ΙΙ : Le tempérament : la reconnaissance d’une Spécificité sportive. ............ 63

TITRE I : Les exemptions sportives. ................................................................... 63

Chapitre I : Les causes de l’exemption individuelle. .......................................... 64

Section I : L’exemption communautaire. ........................................................ 64

Section II : L’exemption française. ................................................................. 65

Chapitre II : Les conséquences de l’application des exemptions à la compétition

sportive. ........................................................................................................................... 68

Section I : L’application d’un texte législatif ou règlementaire. ..................... 69

I] Définition de la notion. ............................................................................ 69

II] Les cas d’espèces. .................................................................................. 70

Section II : Le bilan économique des pratiques. ............................................. 71

I] La méthode utilisée.................................................................................. 71

A) L’origine de l’exemption. .................................................................. 71

B) Les conditions de l’exemption. .......................................................... 72

1. Conditions positives. ....................................................................... 72

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

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2. Conditions négatives. ...................................................................... 73

II] Les cas d’espèces. .................................................................................. 73

TITRE II : L’exception sportive. ......................................................................... 76

Chapitre I : L’identification de la spécificité sportive. ....................................... 76

Section I : Les origines de la spécificité sportive. ........................................... 77

I] Les origines d’ordre culturelles et sociales. ............................................ 77

II] La reconnaissance officielle de la spécificité sportive par les instances

juridiques................................................................................................................. 79

Section II : Les éléments constitutifs de la spécificité sportive. ..................... 82

I] Des règles organisationnelles spécifiques. .............................................. 82

II] Des règles sportives hétérogènes : la lex sportiva. ................................. 83

Chapitre II : Les règles de concurrence et la spécificité sportive. ...................... 86

Section I : L’articulation spécifique entre droit de la concurrence et spécificité

sportive. ....................................................................................................................... 86

I] Inapplicabilité aux règles purement sportives. ........................................ 87

II] La reconnaissance d’une applicabilité particulière. ............................... 88

A) L’origine du recul de la spécificité sportive. ..................................... 89

B) Le montage juridique en vue de l’applicabilité aux règles sportives du

droit de la concurrence. ....................................................................................... 91

Section II : L’articulation compliquée entre droit de la concurrence et

spécificité sportive. ..................................................................................................... 95

I] Les nouvelles affaires portant sur la prise en compte des règles de

concurrence. ............................................................................................................ 96

II] Les conséquences de la nouvelle prise en compte des règles de

concurrence. ............................................................................................................ 98

CONCLUSION : ...................................................................................................... 100

TABLE DES MATIÈRES. ....................................................................................... 102

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................... 105

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Droit de la concurrence et compétition sportive, par Mathieu Sabatier

105

BIBLIOGRAPHIE

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o Lexique de termes juridiques, éd.2012

o D.Mainguy, M.Depincé, J-LRespaud ; Droit de la concurrence Litec éd.2010

o Louis Vogel, Droit commercial européen , Dalloz, 5ème édition,

o René Chapus, Droit Administratif Général, Montchrestien, 10ème ed., n°594

II] Ouvrages spéciaux

o Livre blanc sur le sport, 11 juillet 2007, disponible sur site officiel de la

Commission

o Dictionnaire permanent droit du sport, Parrainage

o Dictionnaire permanent droit du sport, Télévision

o Cahiers de l’OCDE Commerces de marchandises et de services : tendances

statistiques et problèmes de mesure, novembre 2001, n° 1

o Thèse Franck Latty, La lex sportiva, Recherche sur le droit transnational, publiée

en 2005, Université Paris X-Nanterre

III] Articles de revues

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revue Quasimodo (bulletin trimestrielle de l’actualité

corporelle) « Sport en nationalisme » octobre 1996

o Histoire chronologique du sport », extrait Magazine L’Agora, novembre 2004

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o Gérald Simon, « La nature juridique des règlements sportifs à objet commercial »,

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o Ernest Wolf, La législation antitrust des Etats-Unis et ses effets internationaux,

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o www.uefa.com: Position de l’UEFA sur l’article 165 du traité de Lisbonne,

o Site officiel Commission européenne www.europa.eu.int.: Décisions du 25 juin

2002 dans l’affaire 37806 ENIC/UEFA