Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

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τ m. ISSN 0256-7873

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N°2/3 D 1992

Commission des Communautés européennes Document

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TERMINOLOGIE ET TRADUCTION N° 2/3-1992

Commission des Communautés européennes Service de traduction Unité « terminologie » Document

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Si vous désirez contribuer à notre revue, veuillez vous adresser à:

Wolfgang Osterheld Rédaction de Terminologie et traduction Commission des Communautés européennes Bâtiment Jean Monnet A2/95 L-2920 Luxembourg

Les opinions exprimées dans la présente revue n'engagent que les auteurs des articles.

Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes, 1993

© CECA-CEE-CEEA, Bruxelles · Luxembourg, 1993

Printed in Luxembourg

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Terminologie et Traduction

n° 2-3/1992

SOMMAIRE

1. Introduction

De Bessé, Bruno Introduction: le Colloque de Genève 9

Rey, Alain Traduire, interpréter: les mots pour le dire 13

Weibel, Ernest La politique linguistique en Suisse 25

2. Expériences de la traduction

Abdel Hadi, Maher Géographie politique et traduction juridique, le problème de la terminologie 43

Voisin, Marcel La culture, contexte inévitable 57

Bergmann, Henri Traducteur, co-auteur, terminologue? 63

Le-Hong, Khai Traitement rationnel de la traduction spécialisée: analyse, perspectives et développement 67

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3. Terminologie et traduction

Legros-Chapuis, Monique Traduction littéraire et terminologie 87

Durieux, Christine La terminologie en traduction technique: apports et limites 95

Rochard, Marcel Le traducteur face à la terminologie: consommateur ou acteur? . . 105

Hanáková, Milada Termes spécialisés: équivalences dynamiques ou de transcodage? . 113

4. Idiomaticité - Collocations et cooccurrents - Expressions et locutions

Macedo, Maria Elisa Noms composés: traitement automatique, traduction 119

Jorge, Guilhermina Les expressions idiomatiques correspondantes: analyse comparative 127

Moeschler, Jacques Idiomes et locutions verbales: à propos de quelques bizarreries syntaxiques et mystères sémantiques 135

Tagnin, Stella E. O. What's in a verbal colligation? A Project for a Bilingual Dictionary of Verbal Colligations: English-Portuguese/Portuguese-English 149

Martin, Willy Remarks on Collocations in Sublanguages 157

Colson, Jean-Pierre Ebauche d'une didactique des expressions idiomatiques en langue étrangère 165

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5. Phraséologie et langues de spécialité

Viezzi, Maurizio Medical Translation from English into Italian. Observations and Comments on Italian and English Medical Languages 181

Birraux, Denise La langue administrative: reflet d'une mentalité? Remarques comparatives à propos du grec moderne et du français 191

Dancette, Jeannette La complexité de la langue économique et commerciale au Québec, les défis du traducteur 197

Leblanc, Benoît Phraséologie et marques de fabrique 211

Parc, Françoise Phraséologie terminologique dans les textes législatifs et réglementaires 219

Neuhaus, Jean-Pierre La phraséologie dans l'entreprise: marotte de quelques linguistes ou pain quotidien du traducteur? 237

Hamilton, Ian Phraseology in Translation at The United Nations: some Examples 245

Hohnhold, Ingo Terminologisch relevante Phraseologie in Fachtexten : Erscheinungsformen, Funktionen im Text, Bedeutung für Texther­stellung und -Übersetzung, Nutzung als terminologische Daten . . 251

Bocquet, Claude Phraseologie et traduction dans les langues de spécialité 271

6. Phraséologie et terminologie en interprétation

Moser-Mercer, Barbara Terminology Documentation in Conference Interpretation 285

Giambagli, Anna Taxinomie et critères de sélection dans l'interprétation 305

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Snelling, David C. Taxonomy and simultaneous interpretation 313

7. Phraséologie et traduction

Marx, Sonia Phraseologie und literarische Übersetzung. Eine italienisch-deutsche Fallstudie 317

Sevilla Muñoz, Julia La terminologie parémiologique française et sa correspondance espagnole 331

Greciano, Gertrud Priorités phraséographiques pour l'allemand et le français 345

Lewicki, Roman Phrasematik im Übersetzungstext als Träger der Fremdkonnotation 359

Eisele, Herbert Retrouver le cliché en langue d'arrivée, ou du bon usage du cliché 367

Riabtseva, Nadezhda K. Metadiscourse Collocations in Scientific Texts and Translation Problems: Conceptual Analysis 375

Schmid, Annemarie Phraseologismen - Crux der Maschinenübersetzung 387

8. Terminologie et phraséologie: problématique

Gambier, Yves Socioterminologie et phraséologie: pertinecence théorique et méthodologique 397

Assai, Allai / Gaudin, François / Guespin, Louis Sémantique et terminologie: sens et contextes 411

Bühler, Hildegund Of Terms and Texts 423

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Goffin, Roger Du synthème au phraséolexème en terminologie différentielle . . . 431

9. Terminologie et phraséologie: pratiques

Reinau, Renato Le défi phraséologique: stratégies lexicographiques et terminologiques 439

Yallop, Colin Terms in social Welfare: Terminological and Linguistic Perspectives 447

Blampain, Daniel Traduction et écosystèmes terminologiques 457

Brisson, Hélène Le fichier de difficultés de traduction du Secrétariat d'Etat du Canada 467

Goetschalckx, Jacques Terminologie et phraséologie 477

Reichling, Alain Le traitement de la phraséologie dans EURODICAUTOM 485

10. Terminologie et phraséologie: perspectives

L'Homme, Marie-Claude Les unités phraséologiques verbales et leur représentation en terminographie 493

Cohen, Betty Méthodes de repérage et de classement des cooccurrents lexicaux 505

Béjoint, Henri / Thoiron, Philippe Macrostructure et microstructure dans un dictionnaire de collocations en langue de spécialité 513

Heid, Ulrich Décrire les collocations : deux approches lexicographiques et leur application dans un outil informatisé 523

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Gouadec, Daniel Terminologie et phraséologie: principes et schémas de traitement. 549

Budin, Gerhard / Galinski, Christian Übersetzungsorientierte Phraseologieverwaltung in Terminologiedatenbanken 565

11. Conclusions

Arntz, Reiner Phraseologie und Übersetzen - Ergebnisse und Perspektiven . . . . 575

Sager, Juan Carlos Future Developments and Research in Phraseology and Terminology related to Translation 583

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Introduction Bruno de Bessé

Le colloque de Genève

L'École de Traduction et d'Interprétation de l'Université de Genève (ETI) a organisé, à l'occasion de son 50e anniversaire, un colloque international qui a eu lieu à Genève, au Centre Médical Universitaire, les 2, 3 et 4 octobre 1991.

Ce colloque, qui s'adressait aux traducteurs, aux interprètes, aux terminologues, aux lexicographes, aux lexicologues et aux linguistes, a réuni plus de 350 spécialistes venus d'une trentaine de pays. Les chercheurs, les praticiens et les enseignants présents ont pu, pendant trois journées bien remplies, confronter leurs expériences et comparer leurs points de vue.

Ce colloque, qui réunissait les principaux spécialistes concernés par le sujet, a permis, d'une part, d'examiner la place de la phraséologie et de la terminologie en traduction et en interprétation, ainsi que les rapports entre ces deux composantes du discours et, d'autre part, de réfléchir au meilleur moyen de pallier l'insuffisance des informations phraséologiques figurant dans les outils terminographiques.

Ce colloque, en permettant à des spécialistes d'échanger leurs expériences, leurs points de vue et le fruit de leurs réflexions, aura donc été l'occasion, non seulement de faire le point sur la pratique, mais aussi d'ouvrir de nouvelles perspectives de réflexion et de recherche.

Problématique

Toute traduction, comme toute interprétation, doit présenter le même degré d'authenticité et de spécialisation que l'énoncé de départ, que celui-ci relève de la langue générale ou des langues de spécialité. Le traducteur et l'interprète sont donc constamment à la recherche non seulement du mot juste ou du terme exact (la terminologie pertinente) mais aussi de l'expression, de la tournure la plus naturelle, la plus spontanée, la plus idiomatique (la phraséologie appropriée).

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En effet, chaque terme, comme chaque mot, se caractérise par un fonctionnement syntaxique particulier. Son utilisation n'est pas libre. Certains éléments lexicaux font habituellement partie de son environnement. La présence simultanée de certains mots et de certains termes dans le même énoncé permet de parler de cooccurrence. L'association fréquente et la proximité régulière des mêmes mots, des mêmes termes constituent de véritables réseaux de collocations.

Ainsi, dans la langue courante, on associera le plus souvent le mot curiosité aux verbes éveiller, exciter, piquer ou satisfaire et le mot intérêt aux verbes éveiller, susciter, prendre, présenter ou offrir. Dans la langue de spécialité, les verbes dresser, présenter, voter, discuter, adopter ou refuser sont fréquemment associés au terme budget.

De telles associations ne viennent toutefois pas toujours d'elles mêmes à l'esprit du traducteur ou de l'interprète. C'est la raison pour laquelle la phraséologie propre à chaque domaine et à chaque terme fait l'objet d'une demande des utilisateurs d'outils terminographiques. A preuve les fichiers de tournures et d'expressions que se constituent les traducteurs, faute de trouver ces informations dans les outils terminographiques.

Si la fiche terminologique, pour informative et utile qu 'elle soit, ne contient en général pas de véritables renseignements phraséologiques, c'est que les terminologues et les terminographes s'intéressent essentiellement aux problèmes de dénomination, de définition et d'équivalence.

La démarche de la terminographie, et à plus forte raison celle de la terminologie, est en effet onomasiologique, allant du concept au signe. Pour le terminographe, comme pour le termindlogue, le travail consiste à délimiter, à distinguer et à définir des concepts. L'entrée terminographique n'est pas vraiment le terme, mais plutôt la réalité décrite ou, plus précisément, sa représentation conceptuelle. La définition se fait par référence à la chose que le signe dénote, en dehors de la langue.

Le contexte (et à plus forte raison la phraséologie, les collocations, les cooccurrents) est souvent considéré comme une donnée terminologique secondaire. Le plus souvent, il sert soit à attester l'existence du terme, soit à l'associer à un domaine, soit encore à compléter la définition ou à pallier son absence. Il n'illustre que rarement le comportement syntaxique du terme.

Si la définition du concept est considérée ajuste titre comme fondamentale, elle ne suffit pas toujours à l'utilisateur et, en particulier, au traducteur et à l'interprète. En effet, la représentation du concept n'existe dans la langue que sous la forme du terme, qui appartient à un système fonctionnant selon des règles purement linguistiques, notamment morphologiques et syntaxiques, dont le traducteur et l'interprète, qui travaillent «en langue», doivent tenir compte.

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Pour permettre au traducteur et à l'interprète de trouver rapidement, pour chaque terme, la phraséologie appropriée et leur éviter les calques, il conviendrait de donner au contexte une fonction et une dimension nouvelles en y incorporant des listes de cooccurrents, accompagnées le cas échéant d'exemples d'emploi. Si la méthode de sélection et le mode de présentation des cooccurrents sont encore au stade expérimen­tal, il reste qu 'il est indispensable d'incorporer à la fiche des informations concernant les emplois réels des termes dans le discours. Il faut indiquer les exigences syntaxiques et les contraintes stylistiques auxquelles les termes sont soumis pour montrer leur fonctionnement et permettre ainsi à l'utilisateur de les insérer correctement dans la structure de la phrase. Comme l'article du dictionnaire bilingue, la fiche terminolo­gique doit permettre à l'utilisateur de produire des énoncés.

Les actes

Les communications constituant les Actes du colloque1, regroupées par thème, sont publiées dans Terminologie et traduction.

Les Actes comprennent également le texte de la conférence qu'a donnée M. Alain Rey, directeur littéraire des Dictionnaires Le Robert, dans le cadre de ce colloque, et au cours de laquelle il a étudié l'histoire des mots utilisés pour parler de traduction et d'interprétation, de même qu'une introduction à la politique linguistique suisse présentée par E. Weibel, professeur à l'Université de Neuchatel.

L'École de Traduction et d'Interprétation de l'Université de Genève remercie la Commission des Communautés européennes de bien vouloir publier ces documents dans la revue Terminologie et traduction. La publication de ces Actes devrait per­mettre de poursuivre, à tête reposée, l'examen des questions abordées.

Bruno de BESSÉ Chargé de cours

Université de Genève École de Traduction et d'Interprétation

102, boulevard Carl-Vogt CU-1211 Genève 4

La communication présentée par Mme Viasta Krecková, qui est intitulée «Les structures formelles des dénominations terminologiques de sylviculture en français et en slovaque contemporains», sera publiée dans la revue Parallèles.

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Traduire, interpréter: les mots pour le dire

Alain Rey

Faire l'histoire d'un mot est un exercice aussi délicat que conter la vie d'une personne. En effet, ni la biographie, ni l'évolution des formes et des significations ne s'effec­tuent en vase clos, et il s'agit toujours de restituer, en évoquant un passé disparu, une réalité active, dynamique, qui s'incarne en relations multiples, en effets sur un milieu.

Les mots sont des formes héritées d'un passé, des formes venues d'ailleurs, soit par voie orale, spontanée etprogressive, soit par un passage que permet la communication entre cultures - que ce soit par l'écriture, par les voyages, aujourd'hui par les médias -; on appelle ce passage l'emprunt.

Ainsi, les signes mêmes que nous employons, en quelque langue que ce soit, sont les produits d'une véritable traduction ou translation, les produits d'un transfert, d'une transmutation, d'une transmission... et je pourrais énumérer ainsi bien des composés en trans- marquant le passage réussi, la traversée. Cette traversée est à la fois concrète, concernant la vie sociale, économique, et intellectuelle ou même affective. Songeons aux valeurs du mot transport, qui vont du camion à la passion.

L'histoire des mots que j'aborde maintenant est sous le signe du voyage, passage ou traversée, en tout cas exploration d'espaces sociaux à investir. Ce qui m'a frappé dans ce travail, c'est la ressemblance des lignes de force entre l'objet à décrire, qui est fait de formes du lexique, avec les idées qu 'elles ont pu transmettre. Rarement voit-on une telle homogénéité entre «les mots et les choses» - les choses étant ici des activités portant sur le langage, la traduction et l'interprétation. Ces pratiques semblent reproduire volontairement et difficilement, sur du discours, de l'énoncé ce que la société pratique spontanément, il est vrai de manière obscure et complexe, sur du langage, sur les langues.

On peut ainsi, en exergue, considérer la langue française, parmi d'autres, comme le produit d'une gigantesque et séculaire traduction du latin populaire parlé en Gaule, sur laquelle se sont greffés des éléments, traduits ceux-ci de manière plus délibérée,

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du latin ecclésiastique écrit au moyen âge, puis du latin classique, qui était depuis longtemps une langue morte, conservée par des écrits notoires, et encore du grec, enfin d'autres emprunts pris à des langues vivantes, à l'occasion des contacts internationaux qui tissent l'histoire des peuples.

L'histoire de toutes les langues, le français constituant un très riche exemple, ne cesse de manifester un dynamisme interne et des croisements d'influences extérieures, à l'image de tout organisme, structure et fonctions. La métaphore sévèrement critiquée de la «vie des mots» n'était au fond pas si mauvaise.

Nous prendrons pour simplifier deux repères lexicaux, à la source de toute une terminologie et aussi de polysémies troublantes. Traduire, un verbe, et interprète, un nom, tous deux apparus dans ce sens au XVIe siècle, sont en effet les supports objectifs de ce monde du transfert linguistique et culturel, dont je tente ici de définir les conditions de désignation.

Ces deux mots-sources ont en commun 1 Origine latine et une structure morphologique. Ce sont deux composés préfixés, où les préfixes sont clairement identifiés: trans- «à travers» et inter- «entre», c'est-à-dire deux itinéraires de passage, insistant l'un sur la difficulté qu'il faut traverser, l'autre sur l'espace qui sépare. Ils évoquent directement l'idée de difficulté vaincue pour réunir, et aussi pour abolir les murailles. En creux, s'impose l'idée d'espace à parcourir pour rapprocher ce qui était éloigné, et métaphoriquement l'effort, la difficulté.

Ces deux préfixes s'appliquent à deux radicaux dont les différences et les rapports révèlent un enracinement indoeuropéen profond, archaïque. Dans traduire, ou plutôt dans sa source latine transducere, c'est le verbe ducere «conduire». Ses emplois les plus anciens l'articulent à agere, qui a donné agir. En effet, agere c'est «pousser» et ducere c'est «mener derrière soi», s'agissant dans les deux cas des troupeaux. Celui qui conduit les bêtes - richesse principale du groupe social nomade - c'est le pasteur, le dux, métaphoriquement le chef, conducteur des hommes, le guide. L'idée du pouvoir contenue par ce terme a été récemment utilisée et avilie par des mots tristement célèbres, tels l'allemand Führer et l'italien duce, dont l'un vient directe­ment de l'étymon latin. De nombreuses métaphores portent sur cette conduite des troupeaux, richesse économique indispensable de ces peuples d'éleveurs qui, «des steppes aux océans» (A. Martinet), ont édifié ces civilisations indoeuropéennes, submergeant une partie notable de notre planète - à côté des continents culturels différents et autour de précieuses enclaves de résistance, en Europe les civilisations basque, hongroise ou finnoise.

Ainsi, le latin ducere a produit, outre le transducere qui a donné traduire, plusieurs termes intellectuels, deducere, inducere, un verbe plus général conducere, c'est-à-dire «conduire ensemble», et, avec le préfixe ex- «hors de», educare que l'on retrouve

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dans l'emprunt éduquer et qui signifie originellement «faire sortir». Traduction et éducation procèdent de ce même radical, ce qui nous fournit un thème de réflexion considérable, car la traduction a toujours été un facteur essentiel dans l'éducation des peuples, autrement dit dans leur civilisation.

Quant au latin interpres, où l'on identifie facilement l'élément inter-, il est formé avec pres, prestis d'où vient prix. C'est un terme juridique d'origine religieuse, prex désignant à la fois une requête aux dieux, une prière et une demande en justice. Par rapport à cette racine, interpres correspond à un renforcement de l'idée initiale de demande (prex) et de fixation mutuelle d'une valeur (c'est le sens de pres, le prix) par celle d'échange et de rapport entre les hommes (inter).

Si l'on veut élargir la scène et remonter plus loin dans le passé, on notera que ducere a de nombreux correspondants indoeuropéens qui vont du gotique à l'albanais et aux langues celtiques, avec l'idée primitive et concrète de «tirer, arracher, traîner», évoquant un mouvement et un effort sur un objet qu'on entraîne. Cet effort de tirer à soi, le traducteur le reconnaît encore. Quant à pres et prex, Benveniste a montré comment la prière aux dieux, la demande sacrée a engendré diverses notions juridiques ou économiques, exprimées par des mots latins qui ont des échos en français: procurer,précaire, déprécier, apprécieren fontpartie. Ce radical estd'ailleurs apparenté au verbe poseo,poseere «demander», qui adonné postulare. L'ancienneté du contexte juridique de cette racine apparaît par exemple dans le fait qu'elle ait fourni le sanskrit prat, qui signifie «juge». Ainsi, très profondément, historiquement, l'in­terprète est le juge des mots.

En outre, parallèlement à transducere, le latin a le verbe transferre, de ferre «porter», dont le supin est translatum, source d'une famille de mots qui nous concerne. C'est ici l'idée de «transfert», de «transport» qui importe le plus. Enfin, on n'oubliera pas qu'une troisième notion, celle de «retournement», est présente dans le mot version, affecté à la fin du XVIe siècle aux traductions de la Bible et plus tard aux «versions» latines ou grecques de l'école.

L'intérêt de cette remontée dans le temps, avant que le français et la plupart de nos langues européennes vivantes n'existent, est de montrer où sont les fondements réels, concrets et sociaux des sémantismes modernes, depuis la richesse matérielle des troupeaux et la «précation» sacrée, par le pouvoir et l'économie, jusqu'au langage et aux langues confrontées.

L'histoire des mots français qui nous intéressent commence, comme il est d'usage, par le latin médiéval. Alors que transferre signifie d'abord en latin classique «transporter» et «transplanter», il ne s'applique que secondairement au langage et correspond alors à «transcrire», à «prendre par métaphore», avant de concerner l'idée de traduire. Cette polysémie est résolue au IXe siècle, quand apparaît le dérivé - le

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barbarisme ­ translatare, spécialisé pour «rédiger d'une autre manière» et pour «traduire». De là, l'emprunt au XIIe siècle par translater et, un siècle plus tard, par l'ancien provençal translaxar. C'est le premier verbe qui exprime en français et essentiellement la notion de «faire passer d'une langue à l'autre un discours». Le dérivé translatement, là où nous disons traduction, se manifeste dès le ΧΠβ siècle (1160) et le provençal translat, qui lui correspond, au XIIIe siècle (1285).

Ainsi, la série de translater l'emporte en ancien français, comme en ancien anglais, sur celle de traduire. En effet, traducere en latin signifie surtout «conduire au­delà», «faire passer» et aussi «donner en spectacle» ­ valeurs qu'évoque plutôt en français le verbe interpréter mais que traduire a conservées, par exemple dans traduire des sentiments, des idées.

Le verbe français traduire apparaît au XVe siècle, après le substantif traduction (XIIIe s.), mais ces mots signifient alors «faire passer en justice» et «déplacement, transfert».

On voit donc, avant le XVIe siècle, se dégager difficilement la notion de passage d'une langue à l'autre, notamment grâce à interpréter, verbe apparu au XIIe siècle au sens latin de «rendre clair, expliquer», et à interprétation. Ces mots viennent des dérivés latins de interpres, qui désigne le courtier, l'intermédiaire, puis l'explicateur et le traducteur. Au XVe siècle donc, on translate et on interprète, ce demier mot ayant d'autres significations encore.

C'est à la Renaissance, comme il est normal, que la scène change. Grâce à l'italien tradurre, de même origine que traduire, ce dernier vient alors concurrencer translater et interpréter. Il est suivi par un mot nouveau et essentiel, traducteur (1540), et par traduction, qui rejoint cet espace sémantique et prend un double sens: «action de traduire» (1543) et «texte traduit» (1555, Peletier Du Mans). Alors, pour désigner la personne qui traite un texte écrit en une langue pour le faire passer dans une autre, on dispose de plusieurs termes, traducteur, interprète (qui prend ce sens en 1562), interprétateur (1595), translateur, encore employé au XVIIe siècle (à propos de Scarron).

Cette activité était ancienne et essentielle, puisqu 'une bonne part de l'enrichissement des vocabulaires et des terminologies en français se fait, surtout à partir des XIIIe et XIVe siècles, par des traductions. Mais au XVIe siècle, elle devient consciente, massive et s'articule avec une réflexion globale sur la langue. Ce mouvement concerne l'Europe entière; il coïncide avec la diffusion d'une révolution technique: l'imprimerie, avec l'expansion coloniale de l'Espagne et du Portugal. Sur le plan du langage, l'explosion traductrice coïncide avec l'apparition d'un véritable flot de dictionnaires bilingues, d'abord en Italie (Calepino), puis en France, en Espagne, en Angleterre...

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La littérature portant sur les langues modernes, confrontées avec les langues ancien­nes - surtout le latin - et entre elles, devient alors abondante et concerne très souvent la traduction. Intellectuellement, tout est parti de l'Italie avec Dante qui, dans son De vulgari eloquentia, expose en latin le programme de ce qu'il nomme le «vulgaire illustre». Un «vulgaire», c'est-à-dire une langue vivante, maternelle, spontanée, un dialecte comme il s'en est formé par centaines depuis les VIIe et VIIIe siècles en Europe sur les débris du latin, sur les parlers apportés par les invasions germaniques, sur les restes de substrats celtiques ou d'autres plus anciens encore. Ces parlers attendent, pour acquérir le statut de langues, - c'est-à-dire de systèmes sémiotiques écrits, valorisés, issus d'une volonté politique -, d'être normalisés et «illustrés» par une expression culturelle et esthétique, par ce que nous appelons aujourd'hui une littérature. Du «vulgaire illustre» de Dante, ce toscan florentin qui va devenir la référence commune des Italiens avant d'être promu beaucoup plus tard - en fait aux XDCe et XXe siècles -, au statut de langue nationale, le chemin est comparable à celui des parlers gallo-romans d'Île-de-France et de Paris vers le français, à celui de cent dialectes aux quelques grandes langues européennes. La Renaissance et la Réforme marquent un grand tournantdans cette évolution. Avec d'autres facteurs, la traduction devient alors un moyen majeur dans l'établissement, la défense et l'illustration des langues de l'Europe. Ainsi, la Bible luthérienne fixe l'allemand. Ainsi, Calvin contribue fortement à élaborer la prose moderne en français.

On a reconnu le thème du célèbre ouvrage de Joachim Du Bellay. Ce thème est présent un peu partout au XVIe siècle et s'appuie notamment sur l'activité traductrice. Jacques Peletier Du Mans, dans son Art poétique de 1555, fait une analyse très fine de cette activité et insiste sur son caractère créateur et novateur. «Une bonne traduction, écrit-il, vaut trop mieux qu'une mauvese invancion». En outre et surtout, les traductions «peuvent beaucoup enrichir une langue». Et l'on pourrait citer Amyot, les Pasquier, beaucoup d'autres, qui élaborent une très riche théorie de la traduction, qu'il faudrait aujourd'hui revisiter.

La théorie et le commentaire littéraires sont alors indissociables de la pratique traductrice. Dans un recueil comme la Bibliothèque d'Antoine du Verdier (1575), à la fois bibliographie, dictionnaire d ' auteurs et anthologie française, les créateurs et les traducteurs ont une importance égale. Si le traducteur est célèbre, c'est sous son nom que l'on résume l'oeuvre traduite (Plutarque sous Jacques Amyot, par exemple); s'il l'est moins, l'auteur grec ou latin est commenté en tant que source d'une version française. Cet immense mouvement va alors du latin, du grec, de l'italien et de l'espagnol vers le français, auquel ces langues apportent non seulement la littérature occidentale, mais la science grecque, arabe, hébraïque, le droit, l'histoire et toutes sortes de savoirs.

Les mots, les désignations accompagnent la pratique, au XVIIe siècle comme au XVIe siècle: aux verbes déjà employés s'ajoute transférer, qui prend lui aussi la

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valeur de «traduire» (1636). Les problèmes et les difficultés de la traduction sont exprimés aussi par le lexique. Signe de désillusions, mais aussi d'une réflexion plus profonde, l'adjectif intraduisible apparaît au XVIIe siècle (1687), avant traduisible (1725)! À l'école, on ne fait quasiment que traduire, puisqu'on apprend sa langue par le latin: à la version s'ajoute le thème, mot qu'enregistre dans ce sens Furetière et qui doit donc dater du milieu du XVIIe siècle.

Il ne s'agit pas d'un enrichissement sans contrepartie. C'est au début de l'époque classique, au temps de Malherbe, que le verbe traduire l'emporte sur translater, cinquante ans plus tard, Richelet et Furetière considèrent que ce dernier est «un vieux mot qui ne peut trouver place que dans l'ancien burlesque». Ce serait aujourd'hui en français un anglicisme qualifié.

Un mouvement inverse, mais plus lent, s'observed'ailleursen anglais, où to translate, pris soit au latin, soit au français avec le sens latin de «transporter», avait pris la valeur qui nous intéresse vers 1300 et l'a conservée, alors que to traduce, qui reflète vers 1530 l'influence italienne passée par la France, est, comme traduction, un mot élé­gant, didactique, qui s'éteindra au début du XIXe siècle sous les plumes romantiques de Byron et de Walter Scott.

Le tableau de l'enrichissement lexical du XVIe siècle, sur ce sujet, sera complet quand on saura que le mot interprète, qui désignait en général le traducteur, se spécialise alors au sens moderne de «traducteur oral». L'exercice que nous appelons aujourd'hui interprétation existait depuis longtemps, certes, et les mots qui 1 ' exprimaient en français manifestaient le contexte dominant de cette activité. Ce sont notamment drogman, pris au XIIIe siècle à l'italien dragomanno, qui vient lui-même du grec byzantin dragoumanos, emprunt à l'arabe classique tardjuman. Toute la Méditerranée est ainsi convoquée. La nécessité des échanges suscités par les croisades et développés par les besoins économiques est évoquée. Drogueman a été peu à peu remplacé par truchement, apparu deux siècles plus tard par influence directe de l'arabe, et qui acquiert des valeurs figurées dès le XVIe siècle. Drogueman et truchement sont restés attachés aux circonstances: brassage des langues autour de la mer Méditerranée, commerce et négociations entre Français, Vénitiens, Grecs byzantins et «Barbaresques». Ces mots ne convenaient guère à d'autres formes de traduction orale, entre Français et Allemands ou Anglais, par exemple. La latinisation de cette désignation par le mot interprète correspond à une mise en parallèle avec le traducteur - qui s'exerce surtout sur l'écrit - et à une généralisation socio-historique. L'attestation de ce sens d'interprète, en 1596, n'est donc ni un hasard, ni un fait insignifiant, puisqu'il achève un mouvement d'unification lexicale.

En cette fin du XVIe siècle, le domaine de la traduction est exprimé par des mots latins préfixés, comme on l'a vu, de manière significative, et véhiculant deux idées-forces, celle de conduite et celle d'échange. Cette situation restera stable, même si la notion de traduction évolue, même si sa pratique change à plusieurs reprises.

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Les mots n'ont d'intérêt historique que par leurs effets, qui sont sémantiques et pragmatiques, hors du fonctionnement formel du discours, où joue leur pouvoir syntactique.

Sur le plan conceptuel, c'est le substantif traduction et ses équivalents en d'autres langues, tel translation en anglais, qui est le plus riche; quant à la pratique, interprète et traducteur sont essentiels. Les verbes correspondants se colorent des nuances de ces substantifs et leur confèrent le dynamisme de renonciation.

Sans prétendre retracer une histoire de l'activité traductrice, on peut poser quelques jalons, selon les définitions successives et surtout les implications sociales de cette pratique. Au XVIe siècle, comme on l'a vu, on tente de définir les conditions optimales de cette activité. Qu'elle soit technique, juridique, scientifique ou littéraire, la traduction vise alors essentiellement l'exactitude. Comme l'écrit Etienne Dolet (Manière de bien traduire d'une langue dans une autre, 1540), il s'agit d'abord de «comprendre parfaictement le sens et matière de l'autheur traduit.» «Matière» correspond ici au réfèrent et aux concepts, «sens» à l'analyse sémantique du discours tenu. De son côté, Peletier Du Mans inclut la «traducción» dans l'imitation, c'est-à-dire la mimesis d'Aristote: le traducteur, fidèle à ce concept dynamique très différent de notre «imitation», doit s'affranchir du mot à mot, pour retrouver et simuler l'activité énonciatrice de l'auteur. Tous les humanistes visent plusieurs objectifs: respecter le texte à traduire, mais aussi et surtout le transmettre socialement, en enrichissant du même coup la langue, notamment le lexique, et la culture françaises.

L'époque classique, sans rompre avec ces tendances, va accentuer la recherche d'une efficacité sociale, parfois au détriment de l'exactitude. C'est alors que Ménage trouve la formule sans cesse reprise «les belles infidèles» qui définit élégamment une partie de cette production. Cependant, il arrive que la rigueur s'accorde au style, par exemple lorsque Oudin rend en français le Don Quichotte de Cervantes. Le plus souvent, on glisse de la traduction à l'adaptation, en donnant la priorité à l'effet culturel global: ainsi au XVIIIe siècle Mme Dacier et surtout Houdard De La Motte, qui théorise la réécriture à la française de Homère. C'est très consciemment que ces auteurs valorisent la célèbre formule italienne du traduttore, tradittore. D'ailleurs les XVIIe

et XVIIIe siècles pratiquent la confusion volontaire entre oeuvre originale, qui se dit inspirée d'une source étrangère, et traduction: on ressent identiquement lesFables qui viennent d'Ésope ou les Caractères qui s'inspirent de Théophraste - alors que les textes de La Fontaine et de La Bruyère sont pour nous des chefs-d'oeuvre bien français - et les oeuvres où le traducteur fait renaître un original antique, comme Y Art poétique de Longin traduit en prose par Boileau. Voltaire assure: «Il faut écrire pour son temps, et non pour les temps passés», ce qui interdit en fait une véritable traduction des Anciens. Pourtant, Letourneur rend alors justice, moyennant quelques coupures, à Shakespeare, que Ducis travestit en tragédies néo-classiques, de manière pour nous ridicule: précisément, Voltaire accable Letourneur de sarcasmes. Galland

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réussit le prodige: écrire un texte gracieux, fort et subtil pour le public occidental du

XVIIIe siècle tout en faisant passer le ton inimitable de l'original arabe, qu 'il expurge

mais respecte toujours.

Ces Mille et Une Nuits sont d'abord un chef­d'oeuvre de prose française. Tous ces

textes, comme les romans anglais que traduit (Pamèla de Richardson, 1740), adapte

ou pastiche l'abbé Prévost, jouent sur deux tableaux: le transfert d'un style et d'un

récit étrangers; un effet social visé parfaitement homogène. Le comble de l'ambiguïté

est atteint avec Macpherson, qui fait mine de traduire en anglais un barde gaélique,

Ossian, et invente en fait un genre littéraire. Cette fausse traduction sera vite traduite

dans d'autres langues (en français par Letourneur, 1777).

Avec le romantisme, c'est le retour du balancier: le traducteur se rapproche de

l'auteur, quitte à violenter les habitudes littéraires de son milieu. Il a sans doute été

préparé par le souci d'exactitude venu du passé et qui s'était parfaitement conservé

en sciences, en technique, en philosophie. Des collaborations exemplaires, comme

celle de Locke, qui maîtrisait le français, avec son traducteur Coste; des plurilinguismes

comme celui de Leibniz, capable d'écrire avec la même sûreté l'allemand, le français

et le latin, sans parler du langage logique, accompagnent alors des transferts

didactiques majeurs, comme celui qui part de la Cyclopaedia de Chambers et aboutit

à Diderot et d'Alembert. La plupart des savants sont alors polyglottes et traducteurs.

Lassés du détournement des classiques, les critiques et les écrivains souhaitent donc

se rapprocher de leur objet. Le critique allemand Schleiermacher, en 1813, suggère

de manière prémonitoire un mouvement de rapprochement à trois termes: de même

que l'auteur de l'oeuvre s'est rapproché du lecteur, il convient que le traducteur s'en

rapproche, cette fois pour de nouveaux lecteurs. Ce rapprochement, récemment

théorisé par Edmond Cary, transcende 1 ' approche rhétorique des classiques; il ne peut

s'opérer que par une analyse du style et de la manière d'écrire de l'auteur, tels qu'ils

sont inscrits dans le texte original. Chateaubriand déclare procéder même «aux

dépens de la syntaxe» française pour retrouver le Milton du Paradise lost, Nerval a

conscience de présenter à son lecteur quelques «passages singuliers» et s'en excuse

en renvoyant à l'allemand du Faust de Goethe. Aucune traduction, reconnaît­il, ne

pourra donner «une idée complète de l'original.» Pourtant, par une rencontre

miraculeuse et restée inexpliquée, deux poètes sont entrés dans la forme et dans

l'esprit, dans le style et dans l'univers de Γ Américain Edgar Poe pour en donner deux

versions françaises admirables, dont on oublie qu'elles sont traduites. Baudelaire et

Mallarmé, le premier avec une connaissance limitée de l'anglais, ont fait exploser les

limites du genre. À croire que l'anglais d'Edgar Poe, d'ailleurs modérément célébré

par les critiques anglo­saxons, contenait en germe une francité secrète, celle même de

la «modernité» baudelairienne...

Au XIXe siècle, la traduction bénéficie aussi de la réflexion scientifique sur le

langage. Plus que les grands comparatistes, c'est un linguiste philosophe, Wilhelm

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von Humboldt, fort d'un extraordinaire savoir sur les langues les plus diverses et d'une philosophie neuve, héritée de Hegel, qui théorise les différences entre langues et leurs dynamismes propres. Ses vues seront précisées au XXe siècle par Sapir et Whorf, avec quelques excès d'ailleurs, et fourniront à la théorie de la traduction des bases plus fermes.

Il en sort une idée simple, mais trop souvent occultée: la traduction est un processus complexe, où le discours-source, produit par une énonciation disparue ou absentée, doit être analysé, compris en profondeur, avant de pouvoir procéder, en puisant à d'autres lois formelles et à d'autres sémantismes, à une nouvelle énonciation, articulée à la fois sur l'énoncé de départ et sur les règles et le matériel lexical tout différentsde la langue d'arrivée. Ainsi, le traducteur estd'abord un lecteur exceptionnel, un analyste des formes et du sens et, comme l'exprime métaphoriquement Hugo, «un peseur d'acceptions.» Ce que reprend presque textuellement un grand traducteur du XXe siècle, Valery Larbaud: «Tout le travail de la traduction est une pesée des mots.» Cette figure de la pesée (mot étroitement apparenté à pensée) retrouve l'idée éty­mologique d'appréciation, d'estimation d'une valeur qui est inscrite, on l'a vu, dans le mot interprète.

Ces remarques, qui nous paraissent aujourd'hui évidentes, ne seront jamais assez formulées. Ainsi, l'échec, durant 30 ans et plus, des projets prématurés de traduction automatique venait d'un oubli fondamental. Avant de traduire, pour traduire, la machine, tout comme l'être humain, doit d'abord comprendre. Mais étant dénuée d'intuition, la machine doit comprendre analytiquement, systématiquement; en maîtrisant la morphosyntaxe de la phrase, mais aussi la syntaxe totale du texte; en épuisant la sémantique des unités, mais aussi celle de toutes leurs combinaisons; en maîtrisant la conceptualisation formée par les terminologies, mais aussi ses ambiguïtés et ses irrégularités. La tâche préalable du traducteur technoscientifique s'arrête là, en première analyse - et c'est immense. Encore n'est-ce pas certain, car le style, la rhétorique, la marque personnelle de l'énonciateur, les intentions esthétiques, po­lémiques, les sous-entendus ne sont pas absents des discours de spécialité et de savoir. Quant au traducteur littéraire, il se heurte à la difficulté la plus extrême: son matériel de départ résiste et il est fait pour résister. En supprimant le poids formel des mots, des énoncés, en lui substituant d'autres phonèmes, d'autres lettres, d'autres mots, d'autres énoncés, le traducteur est condamné à la création poétique. Et si, comme le prétend Cocteau, la traduction est un mariage d'amour, il est contraint au crime passionnel.

L'histoire lexicale ne s'arrête pas; elle reste liée à ses objets. Si, depuis le XVIIe siècle, le vocabulaire fondamental de la traduction est resté stable en français, ses connotations et ses effets phraséologiques se sont multipliés. Des syntagmes comme traduction automatique, aide à la traduction, traduction assistée par ordinateur, d'où le

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sigle TA.O., qui sont apparus récemment, font entrer cette activité dans l'ère de la technique informatique et de ce qu'on appelle les industries de la langue. D'autres, par exemple traducteur-interprète, école de traduction, interprète de conférences, manifestent l'apparition d'un autre phénomène majeur. La traduction n'a pas cessé d'être une activité personnelle, mais elle est devenue une profession et tend à s'institutionnaliser. Mouvement inévitable, nécessaire, parallèle à celui qui a suscité l'apparition au XXe siècle de nouvelles désignations pour les activités langagières: documentaliste et, plus près de nous, terminologue..., sans parler de ce mot québécois que nous aimons bien, langagier.

Ce souci de professionnalisme se marque même par des mots critiquables, comme interprétariat, enregistré en 1890, ou par les disgracieux neologismes que sont traductionnel, traductologie, voire traductique.

Avec l'aménagement plus rationnel du monde babélien, la connaissance théorique et pratique du processus de traduction, celle des fonctions sociales que remplissent les textes traduits ont fait de grands progrès, auxquels ont contribué l'ensemble des sciences sociales et singulièrement la linguistique, ainsi que la lexicologie et la théorie du discours, ainsi que les études pragmatiques et cognitives. L'activité du traducteur et celle de l'interprète mobilisent en outre la complexe articulation de l'écrit à l'oral. Les différences évidentes entre la pratique de la traduction de spécialité, notamment technoscientifique, et la traduction littéraire impliquent une mise en rapport plus générale entre énonciation de contenus notionnels, repérables par des terminologies, et énonciation stylistique. Les réflexions sur ces versants en apparence opposés de la traduction gagneraient à être confrontées : la bibliothèque commune de tout traducteur et de tout interprète devrait inclure Walter Benjamin et Nida, Valery Larbaud et Cary, Catford et Meschonnic. Cet oecuménisme interdisciplinaire et fransculturel convient aux références d'une pratique de rigueur et de goût, de parole et d'écriture, de précision et de style.

Comme le notait le subtil Larbaud, le traducteur, débarrassé par l'auteur qu'il traduit du souci de produire de la pensée, du savoir, du récit ou de l'émotion, peut se concentrer sur la production du langage, sur cette incarnation de l'inouï par des formes justes, belles... et fidèles. Lecteur suprême, le traducteur pourrait bien être aussi le plus pur des écrivains.

Pour revenir aux sources étymologiques que j'ai évoquées, ce traducteur, cet interprète, trop mal perçus par la société, sont en fait dans le monde moderne deux des principaux acteurs du langage. Le traducteur est le passeur et le pasteur des mots, qui les conduit jusqu'aux lecteurs. Et l'interprète, par le pouvoir obscur de la parole, est un oracle du dieu-langage.

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Annexe 1

Traduire, translater, de langue an autre: Verto, Conuerto, ti, sum, tere. Traduco, xi, ctum, ere. Transfero, tuli, latum, erre.

Traduire un poëte, de Grec an François: Poëtam Graecum Gallicè interpretan, Gallica interpretatione reddere. Poëtam è Græco in Gallicum vertere, conuertere, traducere, transferre.

Traduire, non mot à mot, mais santance par santance: Scriptorem, non ad verbum, sed ad integras sententias, interpretan. Scriptoris, non singula verba, sed solida membra, ex ratione sententiæ, vertere. Scriptoris mentem, non totidem alterius linguae verbis, sed membris, ae sententiis exprimere, explicare, reddere. Pass. Or.

Traducteur: hic Interpres, tis.

Traduction: haec Interpretatio, onis. In alteram linguam versio, conuersio, editio. Voies Tourner, Translater.

Le père Monet, en 1636, résume les rapports entre français et latin (sa garantie) à propos de l'activité traductrice. Le problème de l'analyse de l'énoncé (en mots ou en «sentences») est clairement posé.

Annexe 2

TRADUCTEUR. Substantif masculin verbal. Qui traduit d'une langue en une autre. Bon, fidèle, élégant, élégant, exact traducteur. Mauvais tra­ducteur. Traducteur servile. Froid traducteur. J'ai lu tous les traducteurs de Platon, d'Aristote.

TRADUCTION. Subst. fém. verbal. L'action de celui qui traduit. IM traduction demande une grande intelligence de deux langues, et de la manière dont il s'agit. TRADUCTION, Signifie aussi, La version d'un ouvrage mis dans une langue différente de celle où il a été écrit. Traduction nouvelle, fidèle, exacte. Excellente traduction. Vieille traduction. Mauvaise traduction. Traduction servile. Traduction libre. Traduction littérale. Je ne m'arrête pas aux traductions, je veux voir les originaux. Traduction de la Bible. Traduction de Plutarque. Traduction en prose. Traduction en vers.

La deuxième édition du Dictionnaire de l'Académie répertorie l'usage du XVIIe siècle classique.

On lit entre les lignes le conflit entre deux conceptions: la «fidélité» va-t-elle jusqu'à la «servilité»? L'élégance et la «liberté» sont-elles compatibles avec l'exactitude?

Alain REY Directeur littéraire

Dictionnaires «Le Robert» 53, rue Pergolèse

F-75116 Paris

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La politique linguistique en Suisse Ernest Weibel

Sommaire

1. Introduction 2. Les langues en Suisse 3. Les mécanismes de la paix linguistique 4. Les institutions fédérales et les langues 5. Les cantons bilingues 6. Les Grisons 7. Tessin 8. L'avenir du plurilinguisme suisse

Annexes

1. Introduction

La coexistence linguistique (La Suisse est quadrilingue: allemand, français, italien et romanche) et religieuse (La population résidante de la Suisse compte 50,5% de Catholiques romains et 43,6% de Protestants en 1980) passe, à maints égards, pour l'un des aspects les plus significatifs du «Sonderfall» suisse.

Cette cohabitation des langues est d'autant plus remarquable qu'elle plonge ses racines dans une longue tradition historique de diversité linguistique (qui remonte à la fin du XVe siècle)1. Celle-ci s'intègre, d'autre part, dans une société, bénéficiant d'une économie prospère (La Suisse est l'un des pays les plus riches du monde en produit national brut par habitant) et dynamique, jouissant d'une paix sociale enviable (la paix du f avail entre partenaires sociaux date de 1937), dotée d'une stabilité hors du commun2 et qui a maintenu, entre autres, des formes de démocratie semi-directe et de milice.

Le fédéralisme suisse, de par ses principes, ses équilibres internes et son respect de l'autonomie locale, apréservé cette hétérogénéité qui s'appuie sur les particularismes 1 Les données du recensement fédéral de la population de 1990 ne sont pas encore disponibles.

Nous ne pouvons, de ce fait, que nous référer au dénombrement de 1980. 2 C'est ainsi que la composition politique du gouvernement'suisse (le Conseil fédéral) n'a pas

changé depuis le mois de décembre 1959 (2 Radicaux, 2 Démocrates Chrétiens, 2 Socialistes et 1 de l'Union Démocratique du Centre).

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des cantons et des communes (3022 en 1987). Mais ce pluralisme culturel n'est pas

toujours harmonieux et des dissonances s'y produisent parfois, d'autant plus que les

mutations socio­économiques s'y répercutent. Il implique donc des soins et des

ajustements constants, ainsi qu'une pratique et une expérience de pragmatisme et de

tolérance.

Enfin, il y a contraste entre cette pluralité culturelle et la tendance vers Γ uniformisation

des besoins et des modes de vie, qui se manifeste de plus en plus intensément dans la

société industrielle avancée suisse.

2. Les langues en Suisse

La statistique linguistique suisse est assez rudimentaire. Elle ne permet pas de ce fait,

d'élaborer une véritable géographie des langues. Son maniement implique, d'autre

part, de la circonspection et une approche complexe.

Tout d'abord, la Suisse ne reconnaît pas de régions linguistiques. Celles­ci n'ont

aucune existence légale ou administrative. En fait, elles représentent uniquement des

ensembles statistiques. De même, les recensements décennaux de la population (dont

le premier date de 1860) ne comportent aucune mention du bilinguisme. Nous ne

savons pas de la sorte le nombre exact de Suisses s'exprimant en plusieurs langues3.

Les renseignements concernant la langue maternelle, définie comme l'idiome «dans

lequel on pense et qu'on parle le mieux» (Recensement fédéral de la population de

1980) sont les seuls que nous possédons. Nous n'avons pas, d'autre part, des

informations au sujet de la langue d'usage et la langue dans laquelle la personne

recensée a été scolarisée. En outre, une population étrangère importante et mouvante

complique l'investigation linguistique. En août 1987, la Suisse comptait 966Ό00 étrangers résidants sur 6 millions et demi d'habitants (soit près de 14,8%), sans compter 115'000 saisonniers, 130Ό00 frontaliers, et 21 '000 fonctionnaires interna­tionaux et membres de leurs familles4.

Selon une enquête faite par un institut suisse de sondages (Isopublic) en automne 1986 concernant les connaissances linguistiques des Suisses romands et des Suisses alémaniques, il résulte que 21 % de ces derniers peuvent s'exprimer couramment en français, 33% y parviennent plus ou moins bien, 26% y réussissent avec peine et 18% n'y comprennent rien. Du côté francophone, les pourcentages correspondant sont respectivement 15,13,34 et 37. Dans les deux cas, nous avons un pourcentage résiduel de sans réponse. Cf. Andreas Heller. «Beim Sprung über den Graben refusiert der Schweizer», in: Die Weltwoche, n°3,15 janvier 1987. «A la fin du mois d'août 1987, l'effectif total des étrangers actifs en Suisse (établis, annuels, saisonniers et frontaliers) se chiffrait à 822'746 personnes contre 787'647 une année auparavant (+35Ό99 ou +4,5%)... Parmi les 822*746 étrangers qui travaillaient en Suisse à la fin du mois d'août 1987, les Italiens occupaient la première place avec 287'379 ou 34,9%. Venaient ensuite, loin denière, les Espagnols (92'660 ou 11,3%), les Yougoslaves (89' 144 ou 10,8%), les Français (88'660 ou 10,8%), les ressortissants de la RFA (74'416 ou 9,0%), les Portugais (61'753 ou

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Nous pouvons également observer que le principe de la territorialité des langues qui

s'applique en Suisse, présuppose dans le domaine des données linguistiques à la fois

une étude globale et une analyse plus pointue au niveau des cantons et des communes.

Quoi qu'il en soit, la répartition de la population résidante en pourcentage selon les

familles linguistiques a évolué sensiblement depuis 1910 (voir tableau II). Mais ces

écarts sont peu significatifs compte tenu de la population étrangère qui s'y trouve

incluse. En examinant l'évolution de la composition linguistique des citoyens suisses

domiciliés dans le pays, il est possible d'observer quelques variations intéressantes

(voir tableaux III et IV). Celles­ci font apparaître, entre autres, un raffermissement de

l'élément germanophone, accentué encore de nos jours parla «concentration dans les

métropoles alémaniques des centres majeurs de décision de l'économie privée»5. De

même, on peut noter une légère régression en pourcentage de l'élément romand ou

suisse français de 1910 à 1980.

Du point de vue statistique, chaque commune est classée dans l'une des quatre zones

linguistiques en fonction de la langue maternelle de la majorité ou d'une minorité

importante de sa population. Quant aux enclaves linguistiques, elles sont en règle

générale englobées dans le domaine linguistique environnant. Les trois grands

espaces linguistiques (allemand, français et italien) sont relativement homogènes, en

particulier si l'on se réfère aux citoyens suisses. Les migrations intérieures de ces

derniers ne semblent pas avoir altéré fondamentalement leur homogénéité. Cette

absence de conflictualité liée au flux migratoire interne est due, entre autres, au

principe de la territorialité. Celui­ci garantit la cohésion des aires linguistiques et

oblige tout migrant à s'assimiler et à apprendre la langue de son pays d'accueil pour

y communiquer avec les autorités cantonales et communales.

Quant aux frontières linguistiques entre les trois langues officielles, elles ontpeu varié

au cours de ce siècle. Toutefois il convient de noter la lente dégradation du territoire

romanche, qui met en péril à longue échéance la survie même de la Quarta Lingua.

Il est souvent fait mention dans l'analyse du système suisse du «cross­cutting»,

autrement dit de la non­coïncidence des frontières cantonales, linguistiques et

confessionnelles. Cet entrecroisement éviterait de la sorte un face­à­face linguistique,

tel qu'il existe en Belgique.

... 7,5%), les Autrichiens (3Γ707 ou 3,9%) et les Turcs (27'930 ou 3,4%)... Si l'on examine la répartition des étrangers actifs selon leur nationalité et les régions linguistiques, on constate que...91 % des ressortissants de la RFA et 95% des Autrichiens travaillent en Suisse alémanique et 73% des Français en Suisse romande.» La vie économique. Rapports économiques et de statistique sociale. 1 le/12e fascicule, Berne, novembre/décembre 1987, Publiée par le Départe­ment fédéral de l'économie publique.

5 Cf. André Donneur. Le nationalisme romand est­il possible? in R. Knusel et D.L. Seiler, Vous avez dit Suisse romande? Institut de Science politique, Mémoires et documents, 17, Lausanne, 1989, p. 34 et ss.

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Il assurerait la bonne entente entre Confédérés. Cette fragmentation interne de chaque groupe linguistique serait telle qu'elle entraverait toute conscientisation linguistique. Elle garantirait, de la sorte, la paix interethnique. Pourtant, elle n'est pas à l'abri de critiques. L'atténuation des clivages religieux et l'identification linguistique par le biais des média audiovisuels6 laissent peut-être présager une évolution vers une plus grande sensibilité linguistique. Toujours est-il que cette non-superposition des différents clivages culturels et institutionnels constitue toujours l'une des pierres de voûte de la concorde linguistique.

L'appareil politique et fédéraliste implique, d'autre part, un enchevêtrement et une multitude complexe de contrôles, d'équilibres, de dosages, de traditions, de pesan­teurs sociologiques, de lenteurs décisionnelles et de processus consultatifs et légis­latifs, qui atomisent les problèmes linguistiques. Ceux-ci sont dilués, par ailleurs, dans l'autonomie des cantons et des communes ainsi que dans les procédures de démocratie semi-directe. En somme le fédéralisme fonctionne un peu comme un brise-lames endiguant les tensions linguistiques. Il en réduit l'impact et les banalise.

3. Les mécanismes de la paix linguistique

De nombreux mécanismes règlent la coexistence linguistique. Sans les décrire en détail et sans mentionner toutes leurs implications, notamment sur le plan du fédéralisme et de l'autonomie communale, limitons-nous à en esquisser les grands traits. Tout d'abord, rappelons que le droit des langues est déterminé en Suisse par la réglementation et la jurisprudence et qu'il dépend à la fois de la sphère de compétence fédérale et des attributions cantonales. Quelques grands principes en déterminent l'application à chacun de ces deux niveaux.

Tout d'abord la Constitution fédérale suisse de 1874 ne comprend que deux articles mentionnant le problème linguistique. Le premier, l'article 107, traite, entre autres, de la représentation des langues au tribunal fédéral, et le deuxième, l'article 116, distingue deux sortes de langues: les langues nationales (allemand, français, italien et romanche) et les langues officielles (en l'occurrence les trois premières précitées). Il en résulte sur le plan fédéral l'égalité des trois langues officielles ou d'État, et dans une certaine mesure des quatre idiomes nationaux, encore que certains auteurs estiment que la reconnaissance du caractère national du romanche en 1938 (à la suite

La Schweizerische Radio- und Fernsehgesellschaft est divisée sur le plan institutionnel en trois sociétés: Radio- und Fernsehgesellschaft der deutschen und der rätoromanischen Schweiz (Zürich), Société de radiodiffusion et télévision de la Suisse romande (Lausanne) et Società cooperativa per la radiotelevisione della Svizzera italiana (Lugano). Les Romanches sont inclus dans la société de la Suisse allemande où ils ont quelques heures d'émission. Voir Claude Torracinta. Télévision. Identitésuisseetidenti té romande, in: Wir unddieWelt. Hrsg. JürgAltwegg. Verlag Sauerländer, Aarau, Frankfurt am Main, Salzburg, 1987, pp. 74-86.

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d'un vote populaire) revêt plutôt un aspect symbolique que pratique. Bref, aucune langue officielle ne jouit d'un privilège au dépens d'une autre et il n'y a pas de notion juridique de minorité linguistique7.

L'autonomie linguistique cantonale découle de la souveraineté résiduelle des cantons face au pouvoir fédéral, selon l'article 3 du texte constitutionnel fédéral. Celui-ci stipule, en effet, que les cantons «sont souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la Constitution fédérale, et, comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral». En vertu de ces dispositions, les collectivités cantonales peuvent fixer la (ou les) langues officielles sur l'ensemble de leur territoire, voire dans leurs différents districts et communes.

Le troisième principe de la territorialité, dont la formulation classique est due au juriste Walter Burckhardt en 19318, a été consacré par un arrêt du tribunal fédéral du 31 mars 1965 concernant la protection des aires linguistiques, par interprétation de l'article 116, alinéa 1 de la Constitution fédérale9, oblige les cantons à garantir l'ho­mogénéité de leurs caractères linguistiques. Autrement dit les entités cantonales sont autorisées à protéger l'intégrité et la pureté de leurs aires linguistiques.

Ce principe dont nous ne pouvons développer toutes les implications et interpréta­tions, constitue à maints égards la pierre angulaire de l'édifice multilingue suisse.

Mais cette territorialité linguistique n'est pas appliquée partout d'une manière linéaire. C'est ainsi que le canton des Grisons n'a pas jugé opportun d'en introduire l'application dans sa constitution ou dans la loi pour garantir l'immutabilité du territoire romanche. Une telle mesure irait, en effet, à rencontre de l'autonomie communale grisonne en matière de fixation du régime linguistique (les communes grisonnes peuvent choisir leur langue administrative et scolaire).

Le principe de la personnalité (ou principe de la liberté de la langue), permet à chaque citoyen de s'adresser dans sa langue maternelle aux autorités fédérales pourvu que cet idiome soit officiel. Rappelons, à ce propos, le trilinguisme des rouages de l'État fédéral. Au plan cantonal le principe de la territorialité et celui de la personnalité sont complémentaires. Dans les cantons multilingues, par exemple, le principe de la personnalité s'applique dans les relations du citoyen avec les autorités cantonales, qui sont tenues, d'autre part, de sauvegarder leurs aires linguistiques10.

7 Cf. Feuille fédérale, 1942,1, p. 274. 8 Walter Burckhardt, Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung vom 29. Mai 1874,

Bern, Stampili, 1931, p. 801 9 Cf. Guy Héraud, L'arrêt du tribunal fédéral suisse du 31 mars 1965 et la protection des aires

linguistiques, iniM^/an^eiPuu/CouzmMJniversitedesSciencessocialesdeToulouse 1974, p. 373. 10 Cf. Christine Marti-Rolli, La liberté de langue en droit suisse, Lausanne, 1978, p. 12 et s. (thèse

de doctorat et de licence présentée à la Faculté de droit de l'Université de Lausanne).

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4. Les institutions fédérales et les langues

Hormis les articles 107 et 116 de la Constitution fédérale de 1874, il n'y a aucune disposition constitutionnelle concernant la représentation des groupes linguistiques dans les institutions fédérales. Néanmoins, le Conseil fédéral (le gouvernement suisse est composé de sept membres élus pour quatre ans et rééligibles, par les deux Chambres du Parlement fédéral) reflète assez bien le pluralisme linguistique suisse1 '. Les Suisses français y ont toujours obtenu un mandat depuis 1848, voire deux au cours de certaines périodes (1864-1875, 1881-1913, 1917-1934, 1947-1966 et de 1969 à nos jours) et exceptionnellement trois (1959-1961). Quant aux Suisses italiens, ils y ont occupé un siège par intermittence (1848-1864, 1911-1950, 1954-1959, 1966-1973 et de 1986 à l'époque actuelle). En outre un Grison d'origine romanche y a siégé au début du siècle12. Enfin, l'exécutif fédéral actuel, élu en décembre 1987, réserve une place surdimensionnée aux groupes minoritaires latins. Ceux-ci représentent 1/4 des citoyens suisses et y détiennent trois sièges sur sept (2 Suisses français, 1 Suisse italien et 5 Suisses allemands).

Les minorités latines sont, d'autre part, équitablement représentées au sein des deux Tribunaux fédéraux13, dans l'Administration fédérale (134'319 employés et fonc­tionnaires fédéraux en 1985), ainsi que dans les rangs de l'Armée. Mais si leur représentation paraît satisfaisante au niveau global, leur ventilation qualitative et leur poids décisionnel dans les différents services administratifs fédéraux laissent parfois à désirer, en particulier pour les Romands.

II en est de même dans les commissions fédérales d'experts, qui jouent un rôle prépondérant dans le processus décisionnel national.

La très grande majorité des partis suisses (notamment les quatre partis gouvernemen­taux: le Parti radical-démocrate, le Parti socialiste, le Parti démocrate-chrétien et l'Union démocratique du centre) a une infrastructure multilingue et l'on ne peut y déceler de véritables contrastes entre les régions linguistiques. Tout au plus, peut-on y observer des nuances et des sensibilités différentes dans le comportement et l'orientation politique.

Dans le domaine des votations fédérales (Volksabstimmungen) telles que referenda, initiatives populaires et contre-projets qui rythment par leurs débats la vie politique nationale, le clivage linguistique existe mais il n'est pas nécessairement déterminant.

11 Cf. Die Bundesräteder schweizerischen Eidgenossenschaft seit 1848, in: N eue Zürcher Zeitung. 22 décembre 1987». (il existe un tiré à part).

12 Le Conseiller fédéral radical (freisinnige) Felix L. Calondcr, de Trins, était de souche romanche. Il siégea au gouvernement suisse de 1913 à 1920.

13 Le Tribunal fédéral (Lausanne) et le Tribunal fédéral des assurances (Lucerne), dont les juges sont élus pour six ans par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies).

30

Page 33: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Cependant, les résultats de quelques consultations révèlent parfois des divergences et des dissentiments entre les familles linguistiques14.

Enfin dans le monde syndical et patronal, la structure nationale est multilingue. Toutefois la Suisse alémanique y détient une position prééminente. Les quatre grandes organisations professionnelles suisses (Union syndicale suisse, Union suisse des Paysans, Union suisse des Arts et Métiers et Union suisse du Commerce et de l'Industrie y ont du reste leur siège central).

5. Les cantons bilingues

La Suisse compte 26 cantons (soit 20 cantons et 6 demi cantons) fort divers.

«Il s'agit d'organismes individualisés à l'extrême. Il y en a de grands et de minuscules, de ronds et de biscornus, de ceux qui ont des limites naturelles et de ceux qui n'en ont pas... L'un d'eux compte plus d'un million d'habitants, un autre cent fois moins... Il y a des cantons monolingues, bilingues, trilingues, des catholiques et des protestants, des paritaires, des cantons de montagne, de plaine ou mixtes. Certains ont une structure fédéraliste interne, d'autres pas; certains pratiquent la démocratie directe à la Landsgemeinde, d'autres sacrifient au régime représentatif... certains vivent encore sous la houlette d'un parti politique majoritaire, d'autres sont ouverts depuis longtemps au pluralisme»15.

Si nous examinons uniquement les cantons sur le plan linguistique, nous pouvons en distinguer 16 germanophones, 4 francophones (Jura, Neuchatel, Vaud et Genève), 1 italophone (Tessin) et 4 multilingues (Berne, Fribourg, Walais et Grisons).

Chaque canton multilingue a élaboré son propre statut en matière linguistique. Cette hétérogénéité s'explique par le fédéralisme et les différentes traditions historiques. Toujours est-il qu'il existe d'assez nombreuses différences entre les quatre cantons multilingues. Tout d'abord, trois d'entre eux sont bilingues (français et allemand) alors que le quatrième, les Grisons, est trilingue (allemand, italien et rhéto-roman-che). Dans les trois premiers cas, le français affronte le bilinguisme allemand-schwytzertiitsch, alors que dans les Grisons l'allemand et le dialecte alémanique ont en face plusieurs idiomes romanches et l'italien.

Le canton de Berne abrite depuis 1815 une importante minorité francophone dans le Jura. A la suite de multiples avatars16, le 1er janvier 1979, la partie septentrionale et

14 Voir à ce propos: Vox, Analyses des votations fédérales, Schweizerische Gesellschaft für prak­tische Sozialforschung, Zürich, und Forschungszentrum für schweizerische Politik, Universität Bern, 1977, à nos jours.

15 Cf. Alain Pichard. La Suisse dans tous ses États. Portraits des 26 cantons. Ed. 24 Heures, Lausanne, 1987, p. 7.

16 Cf. Gouvernement de la république du Jura. La question jurassienne. Une question suisse. Delémont, 1986.

31

Page 34: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

en majorité catholique du Jura s'en est détachée pour former un nouveau canton. Dans

ses nouvelles frontières de 1979, le canton de Berne ne conserve ainsi que les trois

districts francophones, en majorité protestant, du Jura méridional et le district

bilingue de Bienne (qui ne comprend que deux communes, Bienne et Evilard). La

constitution cantonale bernoise de 1893 révisée lors de ces modifications territoriales

confère un certain nombre de droits et d'attributions aux francophones jurassiens et

biennois. C'est ainsi que ceux­ci ont la possibilité de faire valoir leurs droits en

matière de langue et de culture dans le processus législatif cantonal. De même, ils ont

la garantie d'un siège au gouvernement cantonal (celui­ci comprend 7 membres élus

directement élus par le peuple tous les 4 ans simultanément au législatif cantonal).

L'allemand et le français sont, d'autre part, les langues nationales.

Le français est la seule langue officielle du Jura bernois, alors qu'il partage ce

privilège avec l'allemand dans le district de Bienne. Quant aux autres districts

bernois, ils sont germanophones. Le canton de Berne a consacré pratiquement le

principe de la territorialité des langues et accompli un effort considérable en vue de

garantir les droits de la minorité francophone. Pourtant le courant séparatiste persiste

dans le Jura méridional (notamment à Moutier). Bref, tous les mécanismes mis en

place par le canton de Berne pour sauvegarder la minorité francophone ne peuvent

masquer la persistance d'un malaise minoritaire, même si la majorité du Jura

méridional reste loyaliste.17

Le canton de Fribourg qui est en majorité catholique et francophone (avec une petite

minorité germanophone et protestante), possède une importante minorité

germanophone, divisée entre Protestants et Catholiques18. Une Charte des langues,

élaborée en 1966, y énonce les grands principes de la coexistence et du respect des

aires linguistiques. Le canton de Fribourg a un système de bilinguisme d'un genre

particulier. Tout d'abord, la constitution cantonale de 1857 ne garantissait pas d'une

manière explicite l'égalité des deux langues officielles, même si l'interprétation

généralement admise allait dans ce sens. Toujours est­il qu'un vaste débat linguisti­

que s'y engage au cours des années quatre­vingt. Après de nombreux avatars, celui­

ci aboutit à une modification de la constitution cantonale, acceptée en votation

populaire le 23 septembre 1990. Le nouvel article 21 précise désormais que «le

français et l'allemand sont les langues officielles. Leur utilisation est réglée dans le

respect du principe de la territorialité. L'État favorise la compréhension entre les deux

communautés linguistiques.»

17 Cf. concernant les récents développements de l'affaire jurassienne: Année politique suisse 1985, Berne 1986, pp. 28­30. Voir aussi: John R.G. Jenkins./κτα separatismin Switzerland. Clarendon press, Oxford, 1986.

18 En 1980, la population résidante du canton de Fribourg comptait 61,4% de francophones, 32,3% de germanophones et 6,3% de personnes parlant d'autres langues.

32

Page 35: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

La gestion du canton est aux mains d'un système multipartite où le Parti démocrate chrétien conserve une légère prédominance. C'est ainsi que de 1986 à 1991 (la législature fribourgeoise est quinquennale), ce dernier a obtenu trois des sept sièges de l'exécutif cantonal. Le gouvernement était ainsi composé de 3 PDC ( 1 Alémanique et 2 Romands, dont une femme), 1 Radical alémanique, 2 Socialistes romands et 1 représentant de l'Union démocratique du centre romand.

Le Valais a réglé d'une manière satisfaisante les relations entre la majorité romande et la minorité alémanique du Haut Valais19. Son unité géographique (la vallée du Rhône) et confessionnelle (92,8% de la population est catholique), son degré relativement élevé d'homogénéité économique, une frontière linguistique stable, une forte tradition locale et un patriotisme rhodanien très vif y ont développé un esprit de coexistence linguistique assez remarquable20. Le régime linguistique y repose sur des bases solides. L'égalité des deux langues est garantie dans la constitution cantonale de 1907. Le principe de la territorialité s'y applique et une certaine tolérance y est admise. C'est ainsi que les villes de Sion (chef-lieu cantonal) et de Sierre situées dans l'aire linguistique francophone abritent des écoles françaises et quelques classes de langue allemande pour la minorité germanophone.

Certes, il y a des ombres au tableau et la cohabitation traverse parfois quelques périodes d'incompréhension et de tension. Quoi qu'il en soit la pratique et les textes constitutionnels accordent des garanties non négligeables aux Alémaniques. Un rassemblement multilingue de formations politiques d'inspiration chrétienne (Parti démocrate chrétien du Valais romand et du Haut Valais, ainsi que le Parti chrétien social du Haut Valais) contrôlent, d'autre part, d'une manière hégémonique le pouvoir au niveau cantonal. Lors des dernières élections cantonales en 1991, ce rassemblement a gagné quatre des cinq sièges du gouvernement cantonal (élu pour quatre ans par le peuple)21.

6. Les Grisons

Les Grisons présentent une grande dissemblance linguistique (en 1980, la population résidante comptait 59,9% de germanophones, 21,9% de romanches, 13,5% d'italophones et 4,7% de personnes parlant une autre langue). De même, ils ont une

19 En 1980, la population résidante du Valais comptait 60,0% de francophones, 32,1% de germanophones et 7,9% de personnes parlant d'autres langues.

20 Cf. F. Dessemontet. Le droit des langues en Suisse. Québec, 1984, pp. 119-122. 21 Le gouvernement valaisan compte en 1991 deux Haut Valaisans de langue allemande (un

Démocrate chrétien et un Chrétien social) et trois Valaisans francophones (deux Démocrates chrétiens et un Radical). Rappelons que la Constitution du Valais de 1907 garantit à chacune des trois régions du canton: Bas-Valais romand, Valais-central romand et Haut-Valais alémanique, un siège au sein de l'exécutif cantonal.

33

Page 36: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

grande bigarrure confessionnelle et si l'on fait abstraction des étrangers il y a une légère majorité protestante par rapport aux Catholiques romains. Notons aussi que les clivages religieux ne coïncident pas avec ceux des langues.

Quant à la majorité germanophone, elle comprend trois sous-groupes parlant des dialectes différents: le Churdeutsch dans le nord, le tyrolien dans la vallée de Samnaun à l'est et un patois d'origine valaisanne parmi les Walser de quelques hautes vallées alpines. Le romanche, (36'000 Romanches dans le canton dont 30Ό00 dans leur terre d'origine) de son côté, ne forme pas un ensemble homogène. En fait il y a cinq langues

écrites et scolaires réunies sous une appellation d'ensemble: Celui­ci comprend ainsi:

le sursilvan en Surselva, le sutsilvan dans la vallée du Rhin postérieur, le surmiran

dans le district de Γ Albula, lep wier en Haute Engadine et le valladeren Basse Engadine.

Le sursilvan et le vallader sont considérés comme langues officielles et toutes les lois

cantonales sont traduites dans ces deux idiomes. Enfin mentionnons l'existenced'une

nouvelle koïne romanche le rumänisch grischun du professeur Schmid, qui devrait

constituer le nouveau lien linguistique entre tous les Romanches22.

Cette étonnante mosaïque linguistique est due, entre autres, au compartimentage

géographique, à une très forte tradition locale, au poids de l'histoire et au facteur

religieux. Ni la constitution cantonale de 189223 ni la loi ne délimitent l'aire linguis­

tique romanche. Celle­ci est déterminée, comme nous l'avons vu précédemment, par

les communes qui ont la compétence de fixer leur langue administrative et scolaire.

En 1984, les Grisons comptaient 213 collectivités communales, dont 73 ayant une

majorité romanche. Quant au système scolaire, il est assez compliqué. En schématisant,

il est bilingue (allemand et l'un des cinq idiomes romanches) dans les communes

romanches et monolingue ailleurs (italien ou allemand). Mais le bilinguisme précité

est fortement déséquilibré au profit de l'allemand dont le poids didactique ne cesse

de croître au fur et à mesure que l'on passe du degré élémentaire au niveau supérieur,

où les parlers romanches sont réduits à la portion congrue.

Fondée en 1919, la Ligue romanche (dont le siège est à Coire) réunit en son sein

plusieurs groupements régionaux et culturels romanches. Elle défend les intérêts de

la Quarta Lingua et souhaite en enrayer le déclin24. Elle exige ainsi un meilleur an­

crage du romanche dans les institutions cantonales (notamment par une politique plus

pointue dans le droit linguistique et en matière de délimitation d'un territoire

22 Cf. Heinrich Schmid, Richtlinien für die Gestaltung einer gesamtbündnerromanischen Schriftsprache, Rumantsch Grischun, Chur, Lia Rumantscha, 1982.

23 Celle­ci reconnaît l'existence de trois langues nationales (allemand, romanche et italien) sans les nommer (article 46:" Die drei Sprachen des Kantons sind als Landessprache gewährleistet").

24 Cf. Exposition «Le pays rhéto­romanche». Aspects culturels économiques et politiques de la vie quotidienne des Romanches, Coire, Ligue romanche, 1984.

34

Page 37: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

romanche) et dans la vie fédérale (dans ce dernier domaine, du reste, on a enregistré quelques résultats encourageants).

Quoi qu 'il en soit, ces revendications romanches s'insèrent dans un tissu institutionnel et politique grison fort disparate et d'une grande complexité25 qui évolue assez len­tement.

En ce qui concerne les «Bündner Valli» ou vallées italiennes des Grisons (Poschiavo, Bregaglia, Mesolcina et Calanca), l'italien y domine dans la vie publique aux côtés des formes dialectales italiennes26.

Quoi qu'il en soit, la langue allemande constitue la langue principale et elle joue un rôle prépondérant dans toute la société grisonne. Sur le plan des forces politiques grisonnes, un multipartisme (Parti démocratique chrétien, Parti radical et Union démocratique du centre) divisé par le clivage confessionnel dirige le canton et relègue les Socialistes dans l'opposition au niveau de l'exécutif cantonal27. Bref, aux Grisons les clivages régional, local, religieux et partisan l'emportent encore largement sur les éléments linguistiques, même si le réveil romanche ne laisse personne indifférent.

7. Tessin

La Suisse italienne se compose de deux domaines distincts, de taille inégale; les vallées italiennes des Grisons, dont nous avons parlé précédemment28, et la républi­que et canton du Tessin29. Ce dernier connaît plusieurs connotations spécifiques. Tout

25 La structure politico-institutionnelle grisonne implique, entre autres, une grande extension des droits populaires, une démocratie référendaire très large, une autonomie communale très importante et une autonomie des 39 cercles très étendue, un système d'élection majoritaire pour le Grand Conseil... Dans de telles conditions la revendication d'une délimitation du territoire linguistique se heurte à de nombreux obstacles et à l'autonomie communale (véritable clef de voûte du système politique grison) ainsi qu'à la procédure référendaire qui conditionne tout le travail du législatif cantonal (le canton des Grisons connaît le référendum législatif obligatoire).

26 Notons que les «Bündner Valli» n'ont ni unité confessionnelle (il y a des Protestants et des Catholiques romains) ni unité géographique.

27 Le gouvernement cantonal grison est élu par le peuple tous les quatre ans. En 1991, il était composé de 2 PDC, 2 représentants de l'UDC et d'un Radical.

28 Les Bündner Valli (985 km2 et 12'753 habitants en 1980) représentent 7,7 % de la population des Grisons. Leur caractère italien est garanti par la constitution cantonale et l'autonomie communale. Une association: le «Pro Grigioni italien» (qui compte 1390 membres en 1983), fondée en 1918, en défend les intérêts et «l'italianità» dans le cadre cantonal grâce, entre autres, à des subsides des pouvoirs publics. En vertu de la loi fédérale sur les subventions aux cantons des Grisons et du Tessin pour la sauvegarde de leur culture et de leurs langues du 23 juin 1983, ledit groupement reçoit annuellement Frs450'000 de la Confédération etFrs ÎOO'OOO du canton des Grisons.

35

Page 38: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

d'abord, sur le plan économique, on peut observer, entre autres, une forte urbanisation et tertiarisation (en 1980; 65,7 % de la population active tessinoise travaille dans le tertiaire) et une marginalisation par rapport à la «Svizzera intema»30. En ce qui con­cerne la langue italienne, celle-ci se défend bien dans le canton31, même si ce demier a refusé récemment un projet de centre universitaire32. Le Tessin possède une in­frastructure scolaire complète jusqu'au niveau du gymnase ou lycée. De même il dispose avec les «Bündner Valli» d'une radio et d'une télévision complètes. En outre, les Tessinois ont six quotidiens et près d'une vingtaine d'hebdomadaires. Notons enfin que le canton subit une «colonisation alémanique dans la vie économique» et une invasion du tourisme de masse, notamment depuis l'ouverture du tunnel autoroutier du Saint Gothard en 198033 qui en altèrent subrepticement l'identité. Celle-ci cons­titue, en effet, une sorte de «via crucis». Comme l'écrit le Tessinois Sandro Bianconi: «le Suisse italien se trouve dans une condition nécessairement hybride et ambigue. D'un côté il a des liens politiques, administratifs et économiques avec la Suisse, en particulier avec la Suisse alémanique», mais d'un autre côté, il ne peut s'identifier totalement avec cette dernière, car il n'en partage ni la langue, ni les traditions et la mentalité. Ces caractéristiques culturelles de «l'italianità», il les découvre, par contre, en Italie. Mais dans ce cas, il ne peut non plus s'identifier totalement à cette dernière en raison d'une frontière «politique et administrative... ainsi que par des choix politiques et sociaux» qu'il ne souhaite pas adopter34.

29 Toutes les collectivités cantonales ont l'appellation de canton. Toutefois quatre d'entre elles y ajoutent la mention de république (Jura, Neuchatel, Genève et Tessin). Le Tessin a 2801 km2 et compte 265'899 habitants en 1980, dont 83,9 % d'italophones, 11,1 % de germanophones et 5,0 % de personnes parlant une autre langue. De surcroît, il abrite une importante population étrangère de langue italienne. Celle-ci forme le quart des italophones du canton (54'869 nationaux italiens et 168'239 Suisse italiens en 1980). Quant aux germanophones suisses et étrangers, ils sont en nombre de 29'464 en 1980. En outre, n'oublions pas la présence de plusieurs milliers de saisonniers et de frontaliers italiens. Enfin, rappelons l'existence d'une petite enclave germanophone (Walser) dans la localité de Bosco Gurin à l'ouest de la Vallée de la Maggia (à l'ouest du canton du Tessin).

30 Le tunnel ferroviaire du Saint-Gothard a été ouvert en 1882 et les deux tunnels autoroutiers du San Bernardino (qui se trouve sur territoire grison) et du Saint-Gothard respectivement en 1967 et 1980. Toujours est-il que cette amélioration des communications entre le Tessin et la «Svizzera interna» n'ont pas totalement annulé ce facteur de marginalisation. Rappelons enfin que l'autoroute entre Chiasso et Bale par le tunnel du Saint-Gothard est entièrement achevée en 1988.

31 Cf. Alain Pichard. La Suisse dans tous ses États, op. cit. p. 271. 32 La Suisse française compte trois universités cantonales et la Suisse allemande en a également

trois, ainsi qu'une Haute École à Saint-Gall. Quant à Fribourg, il abrite une université catholique bilingue (français et allemand). Enfin l'État fédéral a deux Écoles polytechniques (Lausanne en Suisse française et Zurich en Suisse allemande).

33 Cf. Alain Pichard. La Suisse dans tout ses États, op. cit., p. 263. 34 Cf. Sandro Bianconi. Lingua matrigna., Italiano e dialetto nella Svizzera italiana. Il Mulino,

Bologna, 1980, p. 248.

36

Page 39: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Quant au système politique tessinois, il se caractérisait jusqu'au début de 1991 par une

proportionnalisàtion importante de la vie publique. Deux partis traditionnels

interclassistes (le PDC et le Parti libéral­radical) et deux formations socialistes (Parti

socialiste et Parti socialiste autonome) y rythmaient avec quelques autres petites

formations la vie politique. Ils se partageaient également le pouvoir au niveau du

gouvernement cantonal35. Toujours est­il que l'apparition en 1991 de la Ligue des

Tessinois, mouvement populiste, va bouleverser le jeu politique traditionnel. Ce

nouveau groupement va gagner des sièges lors des élections législatives cantonales

de 1991M et ébranler sérieusement le système des partis lors des élections législatives

fédérales d'octobre 199137.

8. L'avenir du plurilinguisme suisse

Le pluralisme linguistique suisse est actuellement un sujet de préoccupation priori­

taire, selon Flavio Cotti, conseiller fédéral et chef du Département fédéral de

l'Intérieur. L'effort de cohésion nationale implique une coexistence linguistique38. Or,

celle­ci est soumise de nos jours à de nombreux aléas et changements. C'est ainsi que

la connaissance des langues nationales diminue au profit de l'anglais et que l'on

assiste à une vague dialectale en Suisse alémanique.

Le Suisse allemand écrit une langue (le haut­allemand) qu'il ne parle pas. Il emploie,

en effet, le schwytzertùtsch (appellation d'ensemble des dialectes alémaniques).

L'expansion de ce dernier, relayée par la radio et la télévision (qui ne réservent qu 'une

partie fort restreinte de leurs heures d'émission au Hochdeutsch)39, a pris récemment

une telle ampleur que d'aucuns ont craint une néerlandisation (c'est­à­dire la

transformation du schwytzertùtsch en véritable langue aux dépens de l'allemand).

Face à une telle évolution, des réactions se sont produites et quelques milieux

alémaniques préconisent un usage restrictif du dialecte en particulier dans le domaine

scolaire. Mais le combat est difficile, car l'on ne peut réfréner impunément cette

35 Lors des élections pour le gouvernement cantonal d'avril 1991 (à la proportionnelle), la répartition des sièges était la suivante: 2 Libéraux­radicaux, 2 PDC et un Socialiste du PSU.

36 C'est ainsi que la nouvelle Ligue gagne d'emblée 12 sièges sur 90 au Parlement cantonal.

37 Elle obtient alors l'un des deux mandats du canton au Conseil des États et deux sièges sur huit dans la deputation cantonale au Conseil national.

38 Cf. Ariane Bertaudon. Flavio Cotti plaide pour les langues nationales, in: Gazette de Lausanne des 14 et 15 novembre 1987. Notons que le gouvernement fédéral a confié en 1987 à une commission d'experts le soin d'étudier une révision de l'article 116 de la Constitution fédérale, (l'un des deux articles linguistiques du texte constitutionnel), qui pourrait déboucher, le cas échéant, vers une nouvelle politique linguistique.

39 La nouvelle loi fédérale sur la radio et la télévision ne contient, d'autre part, aucune mention concernant l'utilisation respective du dialecte et du Hochdeutsch dans les programmes natio­naux. Cf. Feuille fédérale, vol ΠΙ, 1er décembre 1987 (pour le texte de cette loi).

37

Page 40: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

vague dialectale sans toucher à l'identité profonde alémanique. De surcroît, les pouvoirs publics ne souhaitent pas nécessairement trancher le débat. Il en résulte un certain malaise dans les relations intercommunautaires, cette dialectisation compli­quant le problèmes des communications interlinguistiques. Rappelons que les Suis­ses italiens connaissent partiellement, mais d'une manière moins aiguë, une situation similaire avec la cohabitation entre l'italien et des formes dialectales du lombard. Seuls les Romands ignorent une telle dualité. Ils utilisent un français régional, qui diffère assez peu du français hexagonal.

De nombreuses disparités économiques, sociales et culturelles, affectent les relations entre la Suisse alémanique et la Suisse romande. Ces écarts, dramatisés par les uns ou minimisés par les autres, ont suscité de nombreuses interrogations et de multiples débats. Sans prétendre résoudre cette controverse, notons que la solidarité entre les pays romands fait défaut et l'on est encore très loin d'une quelconque conscience francophone. Il en est de même outre Sarine (la Sarine est une rivière qui marque à Fribourg la frontière entre l'allemand et le français) où les rivalités cantonales sont toujours vivantes.

La Suisse passe pour avoir élaboré une mécanique paradigmatique en matière de paix linguistique par une sorte d'effet induit du fédéralisme historique. En dépit de quelques accrocs mineurs, ce modèle fonctionne bien. Mais il est difficilement exportable. Toujours est-il que cette diversité culturelle devra affronter au cours de ces prochaines années de nombreux défis, notamment au niveau du débat européen. Gageons que les discussions concernant l'Espace économique européen ne manque­ront pas d'influencer les équilibres multilingues helvétiques et d'en esquisser peut-être de nouvelles configurations.

ANNEXES

Tableau I Population suisse selon la religion

(recensement fédéral 1980)

Confession

Protestants Catholiques romains Autres Total

Citoyens suisses

2'730'111

2'364'670 326*205 5'420'986

50,4%

43,6% 6,0% 100%

Étrangers

92'155

665'39 187'420 944'974

9,8% 70,4% 19,8% 100%

Total

2'822'266

3'030'069 513'625 6'365'960

44,3%

47,6% 8,1% 100%

38

Page 41: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Tableau Π

Évolution de la répartition linguistique de la population résidant

en Suisse de 1910 à 1980

(en pourcentage)

Année

1910

1920

1930

1941

1950

1960

1970

1980

Germanophones

69,1

70,9

71,1

72,6

72,1

69,3

64,9

65,0

Francophones

21,1

21,3

20,4

20,7

20,3

18,9

18,1

18,4

Italophones

8,1

6,1

6,0

5,2

5,9

9,5

11,9

9,8

Romanches

1,1

1,1

1,1

1,1

1,0

0,9

0,8

0,8

Autres

0,6

0,6

0,6

0,4

0,7

1,4

4,3

6,0

Tableau III

Évolution de la répartition linguistique de la population de nationalité suisse

résidant en Suisse de 1910 à 1980

(en pourcentage)

Année

1910

1920

1930

1941

1950

1960

1970

1980

Germanophones

72,8

73,0

73,7

73,9

74,1

74,4

74,5

73,5

Francophones

22,1

21,7

21,0

20,9

20,6

20,7

20,9

20,1

Italophones

3,9

4,0

4,0

3,9

4,0

4,1

3,9

4,5

Romanches

1,2

1,2

1,2

1,1

1,1

1,0

1,1

0,9

Autres

0,1

0,1

0,1

0,2

0,2

0,3

0,2

1,0

39

Page 42: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Tableau IV Population de nationalité suisse résidant en Suisse en 1910 et 1980,

selon les langues

Année

1910

1980

Germanophones

2'326'138

3'986'955

Francophones

708'650

l'088'223

Italophones

125*336

24 Γ 758

Romanches

39'349

50'238

Autres

Γ809

53'812

Tableau V Population résidante en Suisse occidentale, au Tessin, à Berne et aux Grisons

selon la langue maternelle en 1980 (en chiffres absolus et en pourcentage)

Cantons

Neuchatel

Fribourg

Genève

Vaud

Valais

Jura

Tesssin

Grisons

Berne

Allemand

12'670

59'824

33'009

45'675

70'307

4'068

29'465

98'645

769'791

8,0

32,3

9,5

8,6

32,1

6,3

11,1

59,9

84,4

Français

122'097

113'697

225'862

397Ό28 131'240 55'853 4'992

924 74'420

77,1 61,4

64,7 75,1 60,0 85,9

1,9 0,5 8,2

Italien

13'990 8,8 4'866 2,6

32*636 9,4 39*311 7,4 10*482 4,8 2'874 4,4

223*108 82,9 22Ί99 13,5

36'833 4,0

Romanches

136 131 422 390 123 27

505 36*017

1*181

0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 1,2

21,9

0,1

Autres

9*475 6,0 6*728 3,6

57*111 16,4 46*343 8,8

6*555 3,0 2*164 3,3

7'830 2,9

6*856 4,2

29'797 3,3

40

Page 43: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Tableau VI Population résidante en Suisse occidentale, au Tessin, à Berne et aux Grisons

selon la confession en 1980 (en chiffres absolus et en pourcentage)

Cantons Neuchatel Fribourg Genève* Vaud Valais Jura Tesssin Grisons Berne

Protestant 83'957 25252

106'664 294*495

10*287 8'655

20'091 74*437

700'315

53,0 13,6 30,6 55,7 4,7

13,3 7,6

45,2 76,8

Catholique romain 57'256

154Ί61 178'208 188'520 203Ό41

54*313 231'653 84*003

159'321

36,2 83,2 51,0 35,6 92,8 83,6 87,1 51,0 17,5

Autres 17*155 5'833

64Ί68 45*732 5*379 2*018

14*155 6'201

52*386

10,8 3,2

18,4 8,7 2,5 3,1 5,3 3,8 5,7

Total 158*368 100 185*246 100 349Ό40 100 528*040 100 218*707 100 64*986 100

265'899 100 164*641 100 912Ό22 100

Tableau VII Population résidante des grandes villes suisses selon la langue en 1980

(en chiffres absolues et en pourcentage)

Cantons

Genève Lausanne Berne

Bale Zurich

Luceme Saint-Gall

Coire

Bienne

Allemand

14'709

9*870 119*781 144'874

295'410

55*219

64*723 24'249 29'674

9,4 7,8

82,5

79,7

79,9

87,3

85,3 75,7 55,2

Français

94'956 92*874 6'673 6'284

8*647

945 534 184

15*725

60,7

72,9 4,6 3,4 2,3 1,5 0,7 0,6

29,2

Italien

16*652 10,6

10'244 8,0 9'241 6,3

15'750 8,6

30'636 8,3

3'322 5 2

5'270 7,0

2'529 7,0 5'704 10,6

Romanches

255 114 399 527

2'487

236 311

3'572

72

0,1 0,1 0,3 0,3 0,7 0,4 0,4

11,1 0,1

Autres

29'933 19,1

14*247 11,2 9*160 6,3

14*708 8,0 32'342 8,8

3*556 5,6

5*009 6,6

l'503 4,7 2'618 4,9

41

Page 44: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

LISTE DES CANTONS ET DES DEMI-CANTONS SELON LA CONSTITUTION FÉDÉRALE DE LA SUISSE DE 1874

ZH BE LU UR SZ OW NW GL ZG FR SO BS BL SH AR AI SG GR AG TG TI VD VS NE GE JU

Zürich Bern / Berne Luzem Uri Schwyz Obwalden (Demi-canton) Nidwaiden (Demi-canton) Glarus Zug Freiburg / Fribourg Solothum Basel-Stadt (Demi-canton) Basel-Land (Demi-canton) Schaffhausen Appenzell Ausserrhoden (Demi-canton) Appenzell Innerrhoden (Demi-canton) St-Gallen Graubünden / Grigioni / Grischun Aargau Thurgau Ticino Vaud Valais/Wallis Neuchatel Genève Jura

Ernest WEIBEL Professeur de science politique

Université de Neuchatel Institut de sociologie et de science politique

Pierre-à-Mazel 7 CH-2000 Neuchatel

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Page 45: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Géographie politique

et traduction juridique

Le problème de la terminologie

Maher Abdel Hadi

Sommaire

Introduction I ­ La traduction juridique

1 ­ Les textes juridiques par nature 2­ Les textes juridiques par destination

II ­ Géographie politique et langage juridique 1­ Le langage juridique des pays anglo­saxons 2­ Les pays employant le français 3­ Les difficultés propres à la traduction juridique en arabe

III ­ Traduction et transposition juridique IV ­ Les limites de la transposition Index anglais ­ français Conclusion

Introduction

La traduction exige au minimum la connaissance approfondie de deux langues.

Certes, il est désormais admis que la «bonne traduction» est celle qui est établie par

un traducteur possédant des connaissances spécifiques sur le sujet traité. C'est ainsi

que l'on a remarqué que les traducteurs se spécialisent de plus en plus dans des

domaines déterminés tels que la médecine, l'ingénierie, la psychologie, Γ astrologie, etc.

Cette affirmation trouve ses limites dans la traduction juridique. Car il ne suffit pas

de connaître le droit pour faire une traduction juridique précise. Le traducteur

juridique doit posséder, outre des connaissances linguistiques et juridiques, une

bonne maîtrise de la géographie politique lui permettant d'avoir des notions solides

sur l'organisation et le fonctionnement des institutions politiques et administratives

des pays concernés.

43

Page 46: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Les notions techniques et scientifiques ont souvent une dimension «universelle» et les connaissances qui en découlent peuvent être traduites d'une langue à une autre indépendamment de la zone géographique de la langue d'origine. C'est une affirmation partagée par tous les traducteurs et interprètes spécialisés dans la traduction juridique1. Par contre, un même terme juridique dans une même langue peut couvrir des sens différents selon le contexte géographique dans lequel il est employé.

La présente communication exposera cette idée en prenant des exemples en anglais (comparaison de la terminologie juridique employée aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Australie), en français (terminologie employées en France, en Suisse et en Belgique) et en arabe (comparaison de la terminologie juridique employée en Arabie Saoudite, en Egypte et dans les pays arabes de l'Afrique du Nord). Elle n'a pas pour ambition d'avancer des idées nouvelles, mais de faire la synthèse d'une situation

1 Ainsi, M. HAMAI, interprète de la Cour de Justice des Communautés européennes écrit dans le n° 11 de Parallèles (1989, page 58) que «si la chimie, la médecine, la technologie etc... sont universelles, le droit ne l'est pas. Les systèmes juridiques varient selon les traditions, les cultures, les religions voire les régimes politiques. Pour suivre Paul Valéry, l'on pourrait affirmer que le langage juridique, comme la littérature, «nous distingue, comme une teinte uniforme sur la carte du territoire des esprits... Ce n'est après tout qu'une exploitation de certaines propriétés d'un langage donné. Selon la structure et le mécanisme de ce langage, telles expressions seront possibles ou non, désirables ou non, fortes ou faibles : il n'en faut pas plus pour engendrer des différences nationales considérables, non seulement entre les manières d'écrire, mais encore entre les Français mêmes. Ce qui paraîtra assez bien défini dans une langue, paraîtra obscur ou ambigu dans l'autre quoique étant dit au moyen de mots correspondants ou qui semblent tels. C'est là tout le drame des traductions». (Regards sur le monde actuel); Mohand HAMAI, L'interprète dans une institution judiciaire multilingue, Parallèles, N° 11, p.58.

La même affirmation apparaît également sous la plume de S. ADAMOPOULOS, également interprète de la Cour de justice des Communautés européennes : «le droit diffère des autres domaines comme les sciences ou les affaires. Interpréter la description d'une boîte de vitesses ou la formule d'un médicament ne constitue pas un obstacle majeur dans la mesure où ces descriptions désignent des réalités concrètes invariantes d'une langue à l'autre ; ne varient que les mots qui les désignentMais en ce qui concerne le droit, comme l'écrit Georges Vedel, doyen honoraire de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Paris, le «droit est un amoncellement de signes (les termes juridiques) désignant des structures complexes (les notions de droit), elles-mêmes insérées dans un contexte social, culturel et économique bien précis». Le droit est, par excellence, un phénomène national, propre à un peuple ou une culture. C'est un domaine difficile à pénétrer et qui se complique encore chaque jour par les apports de la jurisprudence. Ainsi, si une boîte de vitesses désigne une réalité concrète identique pour un Allemand, un Français ou un Italien, les circonstances d'un litige ne seront pas perçues de la même façon par des juristes de nationalités différentes. A travers le droit s'expriment les nuances de sensibilité des peuples et leur perception de certaines réalités et abstractions. Nous n'en voulons pour exemple que les nombreuses possibilités de recours prévues par la législation américaine («liability actions») contre les médecins pour faute professionnelle, même bénigne». Spiridon ADAMOPOULOS, La spécialisation en interprétation j uridique, Parallèles, N° 11, p.67.

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Page 47: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

bien connue de tous. Ainsi, dire que la géographie politique influence la traduction juridique n'est pas une idée originale. Mais, comme l'a dit ALAIN, «le plus difficile du monde est de dire en y pensant ce que tout le monde dit sans y penser».

I - La traduction juridique

La traduction juridique, élément fondamental du monde contemporain, qui prend de plus en plus d'importance en raison de l'internationalisation des rapports politiques, économiques, culturels et surtout commerciaux, se définit généralement comme étant celle qui porte sur un texte juridique.

Cette définition est très insuffisante, car elle exige que l'on définisse tout d'abord ce qu'est un texte juridique. Comment peut-on définir le texte juridique ? Est-ce le texte qui comporte des termes comme droit, loi, règlement, arrêt, arrêté, tribunal, avocat, etc....

Certainement pas, car ces termes peuvent être employés dans un article de journal satirique évoquant un banal fait divers sans pour autant que l'on puisse qualifier le texte publié de «juridique». La traduction juridique ne se définit donc pas par rapport aux termes employés. Elle ne se définit pas non plus par rapport à la qualité de l'auteur du texte dans la langue de départ. Car, un juriste peut bien écrire un texte littéraire ou philosophique. De même, la qualité du traducteur (juridique) n'entraîne pas forcé­ment la qualification juridique du texte.

Le texte juridique peut être défini comme étant celui qui entraîne la création de droits ou d'obligations et indépendamment de la qualité de son auteur et des termes employés.

Ce caractère juridique résulte de l'un des deux facteurs suivants : a) la nature même du texte dans sa langue de départ b) la destination de la traduction.

Ces deux éléments varient d'un pays à l'autre à l'intérieur d'une même zone géographique ou linguistique.

1- Les textes juridiques par nature

Ce sont les textes qui entraînent une modification dans l'ordonnancement juridique et dont la dénomination et la hiérarchie varient selon les systèmes de droit voire même selon les pays. On les appelle également les textes légaux ou les sources de droit.

45

Page 48: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Par exemple, les juristes les classent, en France, en quatre catégories. D'une part, les actes législatifs qui comportent la constitution, les lois référendaires, les lois orga­niques et les lois ordinaires, et d'autre part les actes réglementaires. Cette dernière catégorie comporte les décrets et les arrêtés. A ces deux catégories, il faut ajouter les traités internationaux et la jurisprudence.

En Grande-Bretagne, ces textes sont constitués principalement par the Statues, legal cases and jurisprudences au sens d'opinions doctrinales émises par les juristes confirmés. Le système juridique américain est fondé principalement sur la constitution fédérale de 1787, sur les constitutions des Etats fédérés et sur les lois votées par le Congrès Fédéral et par les Congrès des Etats ainsi que par les actes administratifs pris par les autorités administratives et enfin par la jurisprudence des tribunaux et notamment celle de la Cour Suprême des Etats-Unis.

A côté des sources du droit qui sont propres à chaque système juridique, tous les pays du monde (à notre connaissance) admettent la notion de contrat et considèrent que celui-ci est créateur de droits et d'obligations à la charge des parties.

La traduction de ces textes, sources de droit et actes contractuels, constituent forcément une traduction juridique. Car ces textes, par leur nature même, sont des textes juridiques créant des droits ou établissant des obligations à la charge des sujets de droit.

2- Les textes juridiques par destination

La définition des «textes juridiques» par nature nous a permis de constater que ces textes sont qualifiés comme tels du fait qu'ils jouent un rôle normatif dans la société en déterminant les contours des droits subjectifs de chacun et en précisant les obligations qui pèsent sur les membres de la société.

A côté de cette catégorie, le traducteur rencontre des textes qui, par leur nature, ne constituent pas des textes juridiques. Mais cette qualité leur a été attribuée ou leur sera donnée en raison de l'usage que l'on envisage de faire du document, support matériel du texte.

Prenons un exemple. Dans une procédure de divorce opposant un couple français devant le tribunal de Lyon, le mari demande le divorce pour adultère et verse dans le dossier une lettre manuscrite rédigée en allemand où, selon le mari, l'épouse avoue avoir un lien intime avec un ami résidant en Allemagne. Pour l'épouse, il s'agit d'une simple lettre d'amitié envoyée à un ancien collègue d'études et rien de plus. Mais l'issue de la procédure dépendra de la traduction qui sera faite par le traducteur requis par le tribunal.

46

Page 49: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

La lettre devient automatiquement un document juridique et son contenu devra être

qualifié de texte juridique. Sa traduction sera une traduction juridique non parce que

le tribunal l'a demandé, mais en raison de la destination de la lettre. Celle­ci décidera

en fait de l'issue de la procédure qui dépendra de l'intime conviction du juge, tirée de

la traduction et non du texte original. La traduction de cette lettre exigera du traducteur

non seulement la connaissance des termes normalement employés dans les courriers

personnels, mais également la maîtrise des notions juridiques qui se cachent derrière

les termes.

Ainsi, tout texte littéraire, philosophique, commercial ou économique peut devenir un

texte juridique en raison de l'usage que l'on fait dudit texte. Si l'on envisage

d'employer le texte pour revendiquer un droit ou rejeter une obligation, sa traduction

devient une traduction juridique.

D'ailleurs, la distinction que l'on fait souvent entre traduction scientifique et

traduction juridique trouve ici sa limite, car on peut procéder à une traduction

juridique d'un texte scientifique.

Les traducteurs qui ont eu l'occasion de traduire des contrats de travaux publics ou

d'ingénierie savent bien que les termes juridiques employés dans ces contrats sont très

limités par rapport aux termes strictement techniques, et pourtant le texte dans son

ensemble est considéré comme un texte juridique en raison de sa destination

contractuelle.

Certes, dans la pratique, la plupart des traductions juridiques portent sur des textes

juridiques par nature et rarement par destination. On rencontre cette deuxième catégorie

dans les procédures administratives et judiciaires et dans le domaine des contrats.

Π ­ Géographie politique et langage juridique

Il est admis depuis longtemps que le traducteur spécialisé dans la traduction juridique

doit posséder de solides connaissances portant sur le droit et sa terminologie. C'est

ainsi que les écoles et les instituts spécialisés dans la formation des traducteurs

dispensent aux élèves un enseignement juridique.

Cet enseignement ne constitue en réalité qu'une simple base à partir de laquelle le

traducteur construira son propre édifice, car aucune formation universitaire, même au

sein des facultés de droit ne peut aborder l'ensemble des systèmes juridiques qui

partagent notre monde. En effet, et compte tenu des derniers événements en Union

Soviétique, on décompte actuellement plus de 170 Etats répartis sur les différents

continents de notre monde. La notion d'Etat entraîne automatiquement celle de

système juridique. Et chaque système juridique a sa spécificité et sa terminologie.

47

Page 50: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Certes, les 170 systèmes juridiques peuvent être répartis en quatre familles juridiques compte tenu des 3 éléments suivants : (a) le fondement idéologique du système politique, (b) l'histoire de la société et de son droit, (c) et enfin la langue. La première famille est celle des pays de droit romain. On y trouve la France, la Belgique, l'Italie, l'Espagne, la plupart des pays de l'Amérique latine etc.... La deuxième famille est composée par les pays anglo-saxons: Grande-Bretagne, Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande etc.. Les pays arabes, le Pakistan, l'Afghanistan, l'Iran etc. représentent la famille de droit musulman. Enfin la quatrième famille est celle des pays de droit marxiste. Elle est en voie de disparition puisqu'elle ne comporte, depuis les événements de l'Est que quelques pays et notamment Cuba, la Chine, le Vietnam et la Corée du Nord. Le droit soviétique fondé sur le marxisme est en mutation profonde.

1- Le langage juridique des pays anglo-saxons

Le traducteur français traduisant un texte anglais ne saurait, sans commettre des erreurs, se fonder sur ses seules connaissances linguistiques et sur ses notions juridiques de base sur le droit anglais pour effectuer toute traduction juridique à partir de l'anglais. Il doit tout d'abord identifier l'origine nationale du texte, puis situer celui-ci dans le temps (le droit évolue très rapidement). Il doit par la suite se documenter sur le système juridique propre du pays où le texte a été rédigé ou publié. La documentation doit se faire à l'aide d'ouvrages juridiques publiés dans le pays précédemment identifié et dans la langue de ce même pays. Il est déconseillé, pour comprendre les institutions du pays en question, de se référer aux seuls ouvrages juridiques traduits. Le traducteur se trouvera alors lié par les termes employés par son confrère. Termes dont l'utilisation a, peut-être, été incorrecte. Le deuxième traduc­teur risque ainsi de reproduire automatiquement les erreurs du premier. Les dictionnaires bilingues Anglais/Français et les lexiques juridiques n'indiquent que très exceptionnellement les différences de terminologie juridique entre les systèmes anglais, américain et australien.

A titre d'exemple, le «classique» Dictionnaire juridique Français-Anglais de J. BALEYTE, A. KURGANSKI, C. LAROCHE et J. SPINDLER2 n'indique que 14 différences entre les terminologies américaine et britannique sous la lettre A alors que le dictionnaire comporte, sous cette lettre, plus de 1850 termes. Le lexique inclus dans l'ouvrage de Francisque COSTA sur «L'anglais juridique»3 ne comporte de précision sur les différence de sens et d'emploi entre l'anglais juridique et l'américain juridique que pour 25 expressions: Attorney, Chancery Division, compensation, Congress, congressional district, constable, constituency, county, court of appeal, court of common pleas, federal benchjederal district court, felony, House of representatives,

2 Editions de NAVARRE.Washington-Paris, 1977. 3 Armand Colin, Paris 1984.

48

Page 51: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Information, initiative, legislator, legislature, misdemeanor, reapportionment, registrar, stock et Supreme Court.

Certes, la plupart des différences terminologiques entre l'anglais tel qu'il est employé aux Etats Unis, en Grande Bretagne et en Australie résultent de la différence entre les structures politiques de ces pays. Par exemple, les termes relatifs à la fédération ne trouvent d'application que dans les pays fédéraux (les Etats Unis et l'Australie dans notre exemple). Les termes qui reflètent la très vieille tradition démocratique de la Grande Bretagne, tel que Y Habeas Corpus n'ont pas d'équivalent dans les autres pays anglo-saxons, etc.

Cependant, il faut bien remarquer qu'il existe en dehors des structures politiques et administratives (le droit public), des termes juridiques relevant du droit privé et notamment du droit commercial et du droit fiscal qui changent de sens selon les pays à l'intérieur de la zone géographique des pays anglo-saxons. Ainsi, le traducteur qui part du postulat selon lequel les différences terminologiques, entre ces pays, ne concernent que les structures, en se référant en conséquence au seul dictionnaire bilingue, risque de commettre des erreurs. Prenons à titre d'illustration l'expression avoir fiscal qui est une notion juridique totalement indépendante des structures étatiques et qui existe dans les systèmes fiscaux français et américain. Le terme avoir fiscal figurant dans un texte édité en France devrait être traduit par tax break lorsqu'il s'agira d'une traduction destinée à un public américain, alors qu'il serait préférable de conserver le terme français et de le transposer dans le texte élaboré par le traducteur lorsqu'il s'agira d'un public anglais, puisque justement le système fiscal britannique ne connaît pas ce mécanisme qui n'est pas la restitution automatique du trop perçu d'impôts. L'emploi par le traducteur du terme tax refund serait ainsi incorrect. Dire au lecteur anglais qu'il s'agit de tax break ne l'aidera pas beaucoup.

2- Les pays employant le français

Les mêmes remarques peuvent également être évoquées en ce qui concerne les pays d'expression française. Par exemple le «Conseil d'Etat» est une instance gouverne­mentale dans la République et Canton de Genève alors qu'en France, il est un tribunal administratif. L'institution genevoise prend des arrêtés alors que son homonyme français rend des arrêts. Le traducteur anglais ou arabe traduisant un texte juridique belge vers l'anglais ou l'arabe se trouvera embarrassé devant certaines expressions, comme par exemple, le terme parastatal qui désigne en Belgique ce qui est en marge de l'Etat4 alors qu'il est totalement inconnu en droit français et ne figure même pas dans le Larousse. Par contre, la notion juridique couverte par ce terme existe bien en

A.BUTTGENB ACH, Les modes de gestion des services publics en Belgique, Bruxelles, 1942, n° 897; C.CAMBIER, Le droit administratif, Université de Louvain, edit. F. LARCIER, Bruxelles, 1969, p. 136.

49

Page 52: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

droit français, mais elle est couverte par une autre expression. Les organismes

parastataux de la Belgique correspondent en France, aux collectivités publiques. Le

terme belge est, à première vue, en contradiction avec le terme employé en France et

pourtant les deux expressions couvrent une même réalité vue sous deux angles

différents. Le terme belge met l'accent sur l'autonomie des organismes en question

tout en manifestant un lien avec l'Etat. Le terme employé en France s'attache plutôt

au lien qui existe entre ces organismes et les pouvoirs publics qu'à l'autonomie et la

décentralisation qui font la spécificité de ces institutions.

Deux termes juridiques dans une même langue couvrant la même notion. C'est une

conséquence de la géographie politique sur la terminologie juridique.

2­ Les difficultés propres à la traduction juridique en arabe

Le monde arabe est constitué de 21 Etats souverains, ayant chacun son système

juridique avec ses lois et règlements. Tous ces pays ont l'arabe comme langue

officielle. On peut, à première vue, dire que le traducteur a ainsi un champ vaste et un

public considérable de plus de 200 millions d'habitants dont l'histoire commune et

la religion majoritaire réduisent, ou même suppriment, l'influence de la géographie

politique sur la terminologie juridique.

En effet, il n'en est rien. Le problème du traducteur dans le monde arabe est très

complexe, car il existe en fait «deux» langues arabes. D'une part Y arabe littéral que

l'on appelle parfois l'arabe écrit. C'est en fait Γ'arabe coranique tel qu'il se pratiquait,

il y a 14 siècles, dans la péninsule arabique. Il n'est parlé nulle part aujourd'hui et ne

s'emploie pas comme moyen de communication verbal entre les personnes dans leur

vie quotidienne. Il est employé toutefois dans les discours officiels des hommes

politiques et au sein des institutions internationales. D'autre part, Y arabe parlé qui est

le moyen de communication verbale entre les personnes à l'intérieur du monde arabe.

Il est en fait constitué par plusieurs dialectes régionaux, eux mêmes produits de

l'arabe littéral déformé et des langues étrangères ainsi que des termes strictement

locaux.

La tâche du traducteur devient extrêmement difficile dans ces conditions en raison des

spécificités locales et de l'emploi que l'on fait dans tel ou tel pays arabe de telle ou

telle expression juridique. Seule l'expérience personnelle du traducteur l'aidera à

résoudre les difficultés rencontrées car, malheureusement, il n'existe ni dictionnaire

général ni lexique juridique en langue arabe qui précisent les spécificités locales. A

notre connaissance, les ouvrages existants se réfèrent tous à la langue arabe littérale

avec certaines précisions sur l'emploi local, dans le seul pays de l'édition, de certains

termes. La pénurie des lexiques peut être expliquée, semble­t­il, par la crise de

l'édition dans le monde arabe et par le propre statut juridique du traducteur qui

50

Page 53: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ressemble à celui de ses confrères dans les autres régions du monde. Dans les pays

arabes, lapratique de la traduction est une vieille tradition qui remonte aux Abbassides,

mais aujourd'hui encore elle ne fait toujours pas l'objet d'une réglementation

précise5. Le titte de traducteur peut être porté par qui le veut. Il ne s'agit pas d'un titre

juridiquement protégé comme celui d'avocat, médecin, architecte, etc.. Certains pays

arabes ne possèdent même pas l'équivalent du traducteur assermenté ou juré, c'est le

cas de l'Egypte en particulier. Cette situation décourage les traducteurs, auteurs

potentiels de lexiques spécialisés.

Le traducteur nouvellement formé et lancé sur le marché du travail est ainsi forcément

condamné à commettre des erreurs, certes pardonnables, dans sa propre langue

maternelle. Mais parfois, lorsqu'il s'agit d'un texte juridique, ces erreurs peuvent être

lourdes de conséquences.

Ainsi à titre d'ultime illustration, le terme arabe ZAWAGE signifie en arabe littéral

«mariage». Il est employé dans la langue parlée dans la quasi totalité des pays arabes.

Certes en Tunisie on emploie surtout le terme ERSSE. Celui­ci ne s'emploie

pratiquement jamais dans les autres pays de la région, car il se confond facilement

avec un terme de l'arabe parlé qui est celui de (O~j*) qui signifie «souteneur d'une

prostituée». Un courrier, comportant une légère faute d'orthographe selon l'arabe

littéral, dans lequel X dit à Y qu'il a C>»'¿ ), Mademoiselle Z, peut signifier selon

l'origine géographique du courrier soit que X a épousé Ζ ou que X a poussé Ζ à la

prostitution. L'erreur de traduction peut facilement être commise dans ce texte, et le

traducteur ne peut certainement pas se référer au contexte puisque justement celui­ci

est susceptible des deux interprétations différentes6. Evidemment, si le texte est long,

le traducteur pourra comprendre le sens et découvrir l'emploi propre de ce terme à

cette région du monde arabe. Ce n'est pas toujours possible surtout s'il s'agit d'un

texte court ou d'un simple message.

III · Traduction et transposition juridique

Les juristes traducteurs s'accordent sur la nécessité de faire une distinction entre la

traduction juridique et la transposition juridique. Cependant, une controverse classi­

que existe entre eux sur le sens à donner à ces deux opérations. Pour Emmanuel

DIDIER,

«il ne faut pas confondre la traduction juridiqueetla transposition juridique. La traduction juridique est l'opération de transfert d'un message juridique, dans un seul système juridique, d'une langue

5 Samia BERRADA et technologue, Parallèles, ETI Genève, n° 11, Automne 1989, p. 129. 6 L'erreur se produit surtout en interprétation, car la différence phonétique entre les termes est très

faible. Mais il se produitégalcmenten traduction lorsqu'une erreur d'orthographe se produit dans la lettre.

51

Page 54: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

vers une autre langue. La transposition juridique est l'opération de transfert d'un message juridique émis dans une langue et dans un système juridique, vers une autre langue et un autre système juridique»7.

Ainsi, la traduction juridique serait, selon E. DIDIER, celle que l'on fait par exemple

des lois dans les pays bilingues puisqu'il s'agit d'un même système juridique, alors

que la traduction transnationale serait alors une transposition juridique puisqu'il

s'agit d'une pluralité de langues et de systèmes juridiques.

Cependant, la plupart des juristes préfère parler de traduction à partir du moment où

l'on procède au transfert d'un message de sa langue d'origine vers une autre langue

indépendamment de la différence des systèmes juridiques. Par contre on emploie

l'expression transposition juridique pour désigner les termes intraduisibles que l'on

doit reproduire dans une langue autre que celle d'origine afin d'éviter la déformation

du texte et les contresens.

Certes, certains auteurs, comme Georges MOUNIN et Anthony PYM considèrent

que les termes intraduisibles sont extrêmement rares et que le talent du traducteur

apparaît lorsque le texte à traduire comporte des termes dits «intraduisibles». Dans

cette conception, il faut résoudre la difficulté résultant de l'intraduisibilité du terme

en le paraphrasant8. Mais cette conception, si elle peut bien s'appliquer aux

traductions littéraires ou générales, ne doit pas être employée pour la traduction des

textes juridiques. La paraphrase risque d'entraîner la Paraphasie.

En effet, la traduction juridique laisse très peu de marge à l'imagination du

traducteur. Celui­ci doit rester strictement lié parles termes employés dans le texte

de départ. D'ailleurs, T. SCHUKER nous informe que, lors de l'affaire de Γ Amoco

Cadiz, les avocats ont parfois préféré conserver le terme étranger que de s'aventurer

dans une traduction qui risquait d'être erronée9. La traduction de textes juridiques,

comme d'ailleurs l'interprétation devant les tribunaux10, exige une très grande

précision. Un rapport du «Contrôleur Général des Etats­Unis» a attiré l'attention

des pouvoirs publics en Amérique en 1977 sur le danger, pour les libertés et les

droits des citoyens, qui résulte d'une interprétation ou d'une traduction déformant

le sens des termes employés11. En effet, la traduction est une opération qui consiste

7 E. DIDIER, La Common law en français. Etude juridique et linguistique de la Common law en français au Canada. Revue Internationale de droit comparé, Paris, n°l, 1991, p. 9.

8 Anthony PYM : Paraphrase and distance in translation.Para/tó/eí, E.T.I. Genève n° 8, Printemps 1987, p. 9).

9 V.T. SCHUKER, The Amoco Cadiz, Case, Parallèles, n° 11,1989, p.83. 10 Voirlen011 delarevuePara/tó/eiconsacréàl'interprétationdevantlestribunaux.En Genève,

Automne 1989. 11 Report of the comptroller General of the United States, use of interpreters f or language disabled

persons involved in federal state and local judicial proceedings. Sept. 1977, p. 16

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à «transmettre le sens des messages que contient un texte et non convertir en une autre langue la langue dans laquelle il est formulé12.

L'auteur de ces lignes, juriste et traducteur, plaide en faveur de la transposition des termes intraduisibles ou dont la traduction risque de susciter une controverse ou une double interprétation.

Il n'appartient pas au traducteur d'interpréter les notions juridiques ambiguës ayant un contenu juridique élastique comme la notion d'ordre public en droit français ou un contenu spécifique à l'ordre juridique de la langue de départ comme la Common law en droit britannique, de la Sharia en droit musulman ou de Y Ombudsman en droit suédois. D'ailleurs, ce dernier terme désignant une institution parlementaire suédoise datant de 1809 a été employé dans plusieurs pays dans les trente dernières années dans sa langue d'origine, bien que l'on ait tendance de plus en plus en France à traduire le terme suédois par le mot «médiateur» alors que les deux institutions sont bien différentes13.

IV - Les limites de la transposition

La transposition des termes juridiques ne doit pas être une solution de facilité pour le traducteur. Un usage excessif de la transposition aboutirait à une déformation du texte dans la langue d'arrivée. Le lecteur de la traduction risque de ne rien comprendre.

L'usage des termes juridiques ou juridico-techniques doit être fait dans le strict minimum et après vérification par le traducteur qu'aucun texte officiel ne donne l'équivalent du terme recherché dans la langue d'arrivée.

En effet, les Etats cherchent de plus en plus à protéger leurs langues nationales contre la pénétration des termes étrangers en légiférant dans le domaine linguistique par l'adoption de textes légaux imposant l'usage des termes, parfois nouveaux, de la langue nationale en remplacement des termes étrangers couramment utilisés par les traducteurs.

Il y a souvent un décalage, dû aux délais imposés par les impératifs du circuit de l'édition, de deux à trois ans entre la publication des textes officiels et l'apparition des termes dans les dictionnaires et les lexiques spécialisés.

12 D. SELESICOVITH, Traduction et mécanismes du langage. Parallèles, ETI, Genève, N°2,1979, p. 7.

13 ABDEL HADI, L'extension de l'Ombudsman, triomphe d'une idée ou déformation d'une institution. Revue Internationale des sciences administratives, Bruxelles, 1977, N°4.

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Le traducteur doit être vigilant. Il procédera à la vérification de cette réglementation. Ainsi, par exemple une loi du 31 décembre 1975 a réglementé, en France, l'emploi de la langue française.

Des textes réglementaires organisant l'enrichissement de la langue et celui du vocabulaire en usage dans les divers ministères ont été adoptés depuis cette date. Des commissions ont établi des listes d'équivalences entre termes étrangers et français ainsi que des impropriétés à éviter. Les traducteurs doivent, en effet, se conformer à ces prescriptions réglementaires. Voici, à titte d'exemple récent un extrait d'un des derniers arrêtés (publié le 12 août 1989) sur l'enrichissement du vocabulaire des transports.

Index anglais - français (Extrait de l'arrêté ministériel du 12 août 1989)

Termes anglais

acceptance flight car ferry

carpool

clearance consolidation

containerization

to containerize duty free shop ferry boat

heavy jet

heliport helistop

hovercraft

jetway

jumbo jet nose in positionning

nose out positionning

Termes français

vol de réception transbordeur, navire transbordeur

covoiturage clairance

groupage

conteneurisation

conteneuriser

boutique hors taxe transbordeur, navire transbordeur

gros-porteur

héliport hésitation

aéroglisseur

passerelle gros-porteur positionnement avant

positionnement arrière

Termes anglais

open ticket overbooking

palletizable to palettize parallel positionning

piggyback traffic

push back sto push back

rail road transport

satellite shuttle shuttle service

tax free shop

terminal towing train ferry

wide body aircraft

Termes français

billet ouvert surréservation

palletissable palettiser

positionnement parallèle

ferroutage refoulement refouler

ferroutage

satellite navette service de naveue, navette

boutique hors taxes

terminal

tractage transbordeur, navire transbordeur

avion gros-porteur

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Page 57: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Conclusion

Ainsi on constate que la géographie politique influence la traduction juridique non seulement entre les différentes zones linguistiques, mais également à l'intérieur d'une même zone géographique même si celle-ci comporte des Etats s'exprimant, officiellement, dans une même langue. Les Organisations Internationales Gouverne­mentales sont l'illustration parfaite de cette géopolitique de la traduction. Ceux qui travaillent dans les services de traduction au sein de ces institutions connaissent bien la difficulté qui consiste à trouver l'équivalent du terme juridique dans les différentes langues officielles. Ce problème devient encore plus complexe lorsqu'il s'agit d'une organisation ayant neuf langues officielles14.

Maher ABDEL H ADÌ Professeur d'École

Université de Genève École de Traduction et d'Interprétation

19, place des Augustins CH-1205 Genève

14 W. WILSS,TheprosrjectsforttansIalioncourses,^ara//e/ej,ETIGenève,n°8,Printemps 1987, p. 60

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Page 59: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

La culture, contexte inévitable Marcel Voisin

Sommaire

1. Introduction 2 Un exemple littéraire 3. Formation 4. Pour conclure

1. Introduction

«Un modèle culturel unique serait un malheur pour l'espèce» écrivait Claude Lévi-Strauss. Convenons qu'il serait une aubaine pour le traducteur comme pour l'inter­prète!1

Il n'est pas si aisé de devenir homme de culture dans la sienne propre. Comment y prétendre avec d'autres? Le dialogue des cultures demeure un beau thème académi­que mais il s'incarne rarement, et sa psychopédagogie fleurit mieux dans les livres que sur le terrain. Et pourtant, on ne demande aux interlocuteurs qu'un effort d'informa­tion stimulé par une ouverture de l'esprit et du coeur2. II ne s'agit pas seulement d'être capable de s'approprier la culture de l'autre mais encore de la vivre de l'intérieur en quelque sorte, le niveau de langue devant à la fois permettre cet exploit et l'exprimer le plus spontanément possible.

La question se corse car si, comme l'affirme L.S. Senghor, la culture est «l'ensemble des valeurs d'une civilisation donnée», il faut vaincre en même temps la résistance intellectuelle et la résistance affective. Peut-on se faire l'écho fidèle de valeurs que l'on réprouve? Ou simplement qui rebondissent sur notre propre système culturel?

E. Renan a écrit: «Avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine». (Qu' est-ce qu' une nation?, O.C., 1,900). Mais cette proposition concerne plus l'humaniste que l'intermédiaire en communication. Telle que la ressentit Goethe le 31 janvier 1827 (Conversation avec Eckermann) découvrant l'importance de l'esprit cosmopolite et que se cultiver c'est s'ouvrir au meilleur de la production humaine universelle.

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Et par conséquent, que vaut l'information, nécessairement traduite d'une manière ou d'une autre, qui nous est transmise à propos d'autres sociétés, d'autres civilisations? On comprend que la «vérité» historique, ethnologique ou sociologique soit toujours en chantier. Et qu'en est-il de l'éthique, de la politique, de la philosophie? Comment réduire la «trahison» involontaire du traducteur? Au delà des techniques linguistiques et professionnelles, il y a, immense, inévitable, la culture dont le mythe de Sisyphe illustrerait bien la pratique3.

Et c'est ici qu'il convient de distinguer l'homme cultivé (il accumule un savoir, parle par citations, parcourt les chemins battus) et l'homme de culture (il la vit, en maîtrise les ressorts, s'aventure dans les chemins peu frayés). L'un ahane au milieu d'un paysage infini, l'autre exerce une méthode de pensée et de création. Le premier oublie qu'il existe des bibliothèques et des banques de données, le second sait rechercher, relier, comparer, etc. Celui-ci démultiplie son intelligence tandis que celui-là s'en­combre la mémoire.

2. Un exemple littéraire

L'entraînement culturel4 devrait devenir une priorité dans la formation des traduc­teurs et des interprètes. Cela nous éviterait les déboires et les bourdes qu'on retrouve un peu partout5.

Avant d'esquisser un projet de remédiation, je voudrais exploiter un exemple qui touche au domaine littéraire, le plus délicat et le plus difficile par sa nature même. Prenons le cas des chansons de Georges Brassens, auteur compositeur exemplaire, autodidacte pétri de culture et notamment de lecture. Je prétends qu'aucun auditeur moyen ne comprend, au sens plein, la totalité du sens de ses chansons. Que dire alors d'un traité philosophique! Le texte - et même la musique - est farci de références culturelles, de clins d'oeil, de vocabulaire archaïque ou argotique, etc.6.

A. Camus prend soin de noteren terminant son essai qu'il convient d'imaginer Sisyphe heureux. Or la culture est la voie royale du bonheur pleinement humain. Dans l'élan de reconstruction démocratique qui suivit la Seconde guerre mondiale, un mouve­ment d'éducation comme Peuple et Culture fit un gros effort pour répandre, entre autres tech­niques éducatives, «l'entraînement mental». Quelques exemples: une série de la télévision québécoise concernant le hockey et intitulée «Lance et compte» a été traduite en français (?) par «Cogne et gagne» ce qui ne signifie rien dans le cadre de ce sport. Il paraît que le fameux «je pense donc je suis» est intraduisible en bantou car cette langue exprime toujours qu'on est quelque chose ou quelque part. Même la traduction technique oblige à «lire entre les lignes». Voir par exemple, Claude Bédard: La Traduction technique, Linguatech, Montréal, 1986,254 p. C'est un phénomène analogue qui se passe avec certaines bandes dessinées que seuls des adultes avertis peuvent savourer pleinement. Le colloque organisé les 25 et 26 octobre 1991 à Bruxelles par l'I.S.T.I. et intitulé Traduire et interpréter Georges Brassens devrait nous apporter de multiples exemples vécus.

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Laissons de côté les multiples procédés rhétoriques, notamment les métaphores ou le jeu complexe des niveaux de langue et bornons nous aux références culturelles7. Connaissant les préférences de Brassens, son traducteur fera bien de se familiariser, parmi beaucoup d'autres, avec Villon, Rabelais et La Fontaine8. Et de savoir qu'il existe un mouvement et une pensée anarchistes! Il devrait savoir qu'un auteur exprime ce que Charles Mauron appelle un «mythe personnel»9 et en répertorier les éléments fondateurs afin d'avoir l'esprit en alerte et des pistes de recherche immé­diates.

L'anticléricalisme de Brassens fait du Mécréant une dramatisation burlesque d'une célèbre formule de Pascal. Modeste, spirituel croquis du méridional, «a les traits mêmes du César de Marcel Pagnol» (René Fallet). Le Blason renoue avec la langue et la verve du Moyen Age et du XVIe siècle où ce genre était courant.

Linda Hantrais s'aventure beaucoup lorsqu'elle écrit: «Quel que soit le registre employé, le sens et la portée des termes sont toujours explicites.»10 Donnons un exemple. Le Moyenâgeux fait allusion à «l'abbesse de Pourras» qui n'est pas une facilité pour le rythme ou pour la rime. Il faut en effet remonter au Testament de Villon (vers 1157) pour retrouver cette référence qui est la forme populaire de Port-Royal, l'abbesse en question étant Huguette de Hamel qui fit de la célèbre abbaye une maison de débauche au XVe siècle. Le bon traducteur s'imposerait une note explicative pour lever l'énigme et rendre le sel de l'allusion.

La référence contemporaine peut être quasi aussi énigmatique. La Tondue ne peut se comprendre que par les pratiques répressives de 1944-45 lors de la libération de la France et de la Belgique. Le Boulevard du temps qui passe se réfère implicitement à mai 68, etc. Et je laisse de côté les innombrables allusions mythologiques, les jeux linguistiques sur les proverbes et les citations connues. Quel casse-tête pour l'auditeur français comme pour le traducteur!

7 J'appelle «référence culturelle» le phénomène d'intertextualité, au sens large, qui consiste à citer, en toutou en partie, de façon complète ou non, travestie ou pas, mais cependant identifiable, uneexpression courante, historique ou littéraire qu'on peut considérer comme faisant partie d'un patrimoine culturel. Ou encore une allusion à une situation, à un événement ou à un personnage, réel ou fictif, bien connus. Le procédé éveille une complicité entre l'auteur et son lecteur ou son auditeur.

8 L'inspiration peut imprégner une chanson entière (Bonhomme, Le Testament, Le Blason, etc.), donner un thème ou un ton, ou seulement pointer dans l'emprunt d'une expression, d'une référence ou d'un simple mot. (Le Grand chêne. Quatre-vingt quinze pour cent, Tempête dans un bénitier, etc.)

9 Voirnotamment Charles M&won: Des métaphores obsédantes au mythe personnel.Introduction à la psychocritique, Corti, Paris, 1964.

10 Linda Hantrais: Le vocabulaire de Georges Brassens, Klincksieck, Paris, 1976 (2 volumes), 1,220.

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3. Formation

Des travaux de séminaire devraient bien sûr étudier quelques exemples de cet ordre

pour affiner la méthode du traducteur en analysant les implications diverses qu'ils

peuvent avoir sur sa démarche, augmenter le niveau d'exigence et les perspectives de

recherche.

D'une façon générale, une initiation à la traduction littéraire1 ' me paraît indispensable

car c'est elle qui conjugue le mieux l'esprit de finesse avec l'esprit de géométrie, qui

révèle le plus finement les difficultés et les subtilités, les pièges et les exigences de

la traduction. Π me paraît qu'il faut admettre l'adage: qui peut le plus peut le moins.

Certes, il ne s'agit pas de passer de longues semaines d'exercices semblables pour des

généralistes que ne tente pas spécialement cette spécialité. Mais je conçois mal

qu'aucun étudiant ne s'y soit frotté et qu'aucun souci de méthode ne lui ait imposé

cette gymnastique essentielle par laquelle il découvrira à la fois ses limites et la

grandeur de son métier12. Cependant de tels entraînements spécifiques gagneraient à

s'insérer dans un contexte pédagogique à la fois plus large et plus fondamental que

je ne puis qu'esquisser ici.

J'ai souvent fait remarquer que ce que nous nommons culture comporte pour sim­

plifier deux versants. Le versant ascendant qui valorise l'homme et le fait progresser

et le versant descendant qui l'inhibe et le retient dans la routine mentale ou sociale.

Cet aspect comporte ce que Bachelard appelait des «obstacles épistémologiques». Un

apprentissage dynamisant, véritablement ouvert à la modernité, devrait donc com­

mencer par une déconstruction des habitudes mentales qui bloquent la dynamique

intellectuelle. Il faut désapprendre la part de l'acquis qui fait obstacle à la libération

de la pensée. Et ce n'est qu'alors qu'on peut appliquer la formule fameuse mais

toujours trop peu pratiquée: «apprendre à apprendre.» Car il est certain désormais que

la formation ne peut être que continuée, et même diversifiée.

Les deux démarches constitueraient un «entraînement mental» actualisé, général

mais fonctionnel, destiné à pratiquer une hygiène de la pensée13, une gymnastique

intellectuelle sans quoi il η 'existe aucune culture vivante digne de ce nom, c 'est­à­dire

non exclusivement folklorique. Car nous avons un besoin urgent d'une éducation qui

inscrive la pensée dans le mouvement de l'histoire ... Des disciplines peu usuelles

devraient y trouver place comme l'histoire des idées, la pratique de la logique et de

11 J'entends traduction littéraire au sens large, c'est­à­dire y compris la philosophie, les sciences humaines, les essais divers.

12 Cf. Goethe disant de la traduction qu'elle représente «une des activités les plus importantes et les plus dignes dans l'échange mondial» (Écrits sur l'art).

13 II s'agirait de la purger des préjugés et des habitudes devenues obsolètes. On pourrait imaginer des exercices sur les processus de valorisation et de dévalorisation (éthique), de validation ou non (sciences, droit, politique), d'élaboration d'un concept (philosophie, sciences humaines), d'intertextualité, etc.

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Page 63: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

l'argumentation, l'initiation à l'epistemologie, la découverte d'une typologie des connaissances14, etc.

On l'aura compris, c'est la méthode qui doit l'emporter résolument sur l'accumula­tion du savoir et sur l'entraînement intensif au savoir-faire spécifique. Où et comment trouver la bonne information, quels sont les références et les instruments fiables dans un cas précis, comment traiter ses sources, comment structurer l'information reçue, etc., voilà l'essentiel. Sans oublier d'éveiller l'imagination culturelle, technicienne ou pourquoi pas créatrice!

Tout ceci ne vient pas s'ajouter à des programmes déjà trop souvent plantureux ou alourdir un entraînement qui parfois confine à l'abrutissement. Il faut, pour alléger l'horaire des étudiants, compter sur la maturité, le transfert et la capacité d'autoformation. Encore faut-il les avoir exercés systématiquement de la façon la plus appropriée ... Idéalement, il faudrait passer en classe un minimum de temps: y apprendre à maîtriser les outils indispensables et à s'initier aux pistes tant profes­sionnelles que culturelles. L'écolage n'est jamais qu'une initiation. Il faut et il suffit qu'elle soit pertinente et stimulante de façon à enclencher, dans les bonnes directions et de façon dynamique, les démarches du perfectionnement personnel.

4. Pour conclure

Le traducteur comme l'interprète rencontrent souvent - et parfois de façon inopinée -l'obstacle culturel sur leurs chemins variés. La culture générale se présente donc comme le contexte le plus vaste et le plus imprévisible de leur métier. Leur formation ne peut les préparer à tout mais elle peut - et elle doit! - leur donner le sens de l'exigence, la méthode de travail, l'ouverture d'esprit, la curiosité intellectuelle et les techniques modernes qui leur permettent de faire face à l'imprévu, qui exercent leurs réflexes culturels, mentaux et affectifs, pour transcender l'académisme ou l'encyclopédisme et les induisent à jouer pleinement et de façon heureuse leur rôle très important d'agents de communication.

Est-il exagéré de dire que ce rôle peut contribuer de façon substantielle à la compréhension entre les peuples15, au respect humain et donc à maintenir contre vents et marées un projet démocratique et un certain espoir de paix?

Marcel VOISIN Directeur de l'Ecole d'Interprètes Internationaux

Université de Mons-Hainaut Avenue du Champ de Mars

B-7000Mons 14 Cette proposition est faite par Claude Bédard, op. cit., 101-113. 15 Durant la récente «guerre du Golfe», des incompréhensions terminologiques et psychologiques

ont nui au dialogue et aux négociations ou offert des prétextes aux actes belliqueux.

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Traducteur, co-auteur, terminologue? Henri Bergmann

Sommaire 1. Introduction 2. Traducteur 3. Co-auteur 4. Terminologue 5. Conclusion

1. Introduction

L'incompétence linguistique croissante constatée chez les auteurs des textes en langue source exige peu à peu une nouvelle orientation du métier de traducteur. Il est en passe de devenir une sorte de conseiller linguistique et un conservateur de codes servant à la communication. J'utiliserai le mot «traducteur» pour désigner celui qui travaille à partir d'un manuscrit pour rendre dans une autre langue un texte écrit, et non pas comme terme générique.

J'ai longtemps cru que seul le passage d'une langue synthétique vers une lan­gue analytique augmentait le volume du texte. Le «Donaudampfschiffahrts-gesellschaftskapitän» devenant «Capitaine de la compagnie de navigation des bateaux à vapeur circulant sur le Danube» prend forcément plus de place.

Comment expliquer alors que l'inverse pouvait souvent être constaté? A la recherche d'une réponse, je me suis arrêté sur le problème des textes de départ obscurs. Ils provoquent de l'incertitude chez le traducteur, qui a le choix entre deux manières de réagir: a) lorsqu'il ne peut contacter l'auteur, il aura recours aux périphrases, b) après consultation de l'auteur, à l'exégèse.

Les deux sont, par nature, d'un style plus abondant.

2. Traducteur

On nous a rebattu les oreilles avec le: «Traduttore - traditore». La vérité serait donc ce que dit le texte de départ?

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«Die Kreditkarte kann auch bei Bussen eingesetzt werden.» ... Bußen ...

A la vérité, la carte est acceptée, par certains corps de police, pour s'acquitter des contraventions. Sur la machine à écrire de l'auteur du texte, la lettre ß (Eszett) fait défaut. Elle n'est d'ailleurs plus utilisée en Suisse alémanique.

«Die neue 2. Auflage des Handbuchs liegt jetzt vor.» «Die neue, 2. Auflage des Handbuchs liegt jetzt vor.»

Traduction non critique: «La nouvelle deuxième édition du manuel est à présent disponible.» - Y a-t-il vraiment eu une ancienne version de la deuxième édition, ou l'auteur n'a-t-il pas tout simplement oublié la virgule après «die neue»? Le respect du texte de départ doit-il aller jusqu'au maintien de telles erreurs? Traduttore - traditore? - Non! Traduttore - correttore!

3. Co-auteur

Voici des extraits d'un texte en langue source; il s'agissait d'un article rédigé par un exposant à «Habitat et jardin'91» (les erreurs orthographiques ont été maintenues):

(...) *Quelques 75Ό00 visiteurs ont parcouru les quelques 380 stands. (...) En conclusion et après neuf jours d'exposition le salon Habitatet Jardin 91 vientde fermer ses portes sur un bilan globalement positi. Placé à l'enseigne des couleurs "Bonheur de poussins", Habitat et Jardin à fêté son dixième anniversaire avec un record d'af fluence au niveau des exposant, ceux-ci occupant pour la première fois toutes les surfaces disponibles au Palais de Beaulieu. Poussés à la prudence par une conjoncture difficile et un climat international troublé, les 75Ό00 visiteurs (dont 75% de propriétaires), ont été moins nombreux que l'an dernier (moins 15%) à découvrir les nouveautés d'Habitat et Jardin.

D'office, j 'a i admis que les 75Ό00 visiteurs n'avaient pas chacun parcouru 380 stands. L'auteur voulait dire: «L'exposition comptait 380 stands. Elle fut visitée par quelque 75'000 personnes.»

En me renseignant au Palais de Beaulieu, j ' ai pu savoir que le choix des couleurs était inspiré des tableaux du peintre Nicolas Poussin qui distinguait entre «le riant, le touchant, le grave et le terrible».

S'il fallait établir le «hit-parade» des erreurs les plus fréquentes dans les textes de départ, je pense qu'il ressemblerait à peu près à ceci: l'auteur écrit autre chose que ce qu'il veut dire :

- choix de termes inadéquats ; - imprécisions et contre-vérités ; - structuration inadéquate du texte ;

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Page 67: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

- erreurs de logiques ; - pléonasmes et redondance ; - orthographe erronée.

Mes brouillons comprennent de nombreuses annotations et propositions d'amé­liorations qui, huit fois sur dix, se répercuteront sur le texte de départ. Les questions ou corrections proposées sont discutées avec l'auteur. C'est souvent aussi le moment d'apporter son grain de sel. Exemple: cet exposé qui énumérait des peintres mélomanes ou musiciens: «Klee, Braque, Matisse et Kandinsky.» Je n'allais pas laisser l'auteur passer «Ingres» sous silence!

Traduttore - traditore? - Non: Traduttore - coautore!

4. Terminologue

En réponse à la question: «Faut-il traduire ce que l'auteur a dit ou ce qu'il a voulu dire?», j'opte pour la seconde possibilité. Alors, comme tout artisan qui se respecte, je commence par procéder à un contrôle d'entrée de la matière à transformer et un inventaire de l'outillage et du matériel nécessaire à cet effet - en langue source : du texte de départ, en langue cible : de la terminologie consacrée, voire imposée. Il va de soi qu'à ce contrôle d'entrée correspond un contrôle de sortie avant livraison de la traduction.

Des négligences terminologiques sont très fréquentes dans l'industrie et les services. Un peu moins, heureusement, dans les milieux scientifiques. Elles sont à l'origine de malentendus, de pertes en efficacité, de matériel, de temps et d'argent. Les branches particulièrement mal loties devraient fonder des commissions terminologiques, y faire participer leurs traducteurs.

Le ratissage terminologique se limite souvent au dépouillement comparatif de textes existant en plusieurs langues - méthode bien connue rappelant la pierre de Rosette -puis à la cueillette systématique de mots en cours de travail. Or, la nécessité de traduire aboutit souvent à des équivalences que le locuteur de la langue cible, appelé à disserter sur un même sujet, n'aurait jamais utilisées. Sa démarche intellectuelle, la structure de son texte - qui codéterminent le choix des mots - l'auraient incité à «dire autrement».

D'un autre côté, à la lecture ou à l'écoute de textes rédigés d'emblée dans ma langue cible, il m'arrive fréquemment de pouvoir compléter mon vocabulaire. Il s'enrichit alors de mots, de termes, de locutions pour lesquels la recherche d'une traduction s'était soldée par un résultat peu satisfaisant. Découvrant alors l'équivalence, je m'écrie: «Voilà, c 'est comme ça que j'aurais dû dire! » Il faut donc anticiperet extraire des textes originaux les éléments dont on pourrait avoir besoin ultérieurement. C'est d'ailleurs suivre le conseil du grand réformateur et traducteur Martin Luther :

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Page 68: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

"Dem Volk aufs Maul schauen!"

A propos, comment rendre cette recommandation en français? «Se mettre à l'écoute du parler populaire?» - A toutes fins utiles, je vous signale que j 'ai rencontré récemment et par hasard une citation de Romain Rolland :

"Tu parles à tous : use du langage de tous."

Traduttore - traditore? - Non: Traduttore - curatore!

5. Conclusion

Le titre de ma communication: «traducteur, co-auteur, terminologue» évoque l'élargissement futur du rôle de notre profession. C'est vrai, je le crois indispensable, car compétence et performance linguistiques du locuteur moyen ont faibli. On est en droit d'espérer. Mais d'ici à ce que tout le monde sache écrire, le traducteur devra être capable de déceler et signaler les faiblesses des textes de départ, d'aider de nombreux auteurs dans leur langue maternelle.

Pour le travail terminologique, il est temps que les émules d'Hieronymus apprennent à l'accomplir avec plus de professionnalisme que par le passé. Il existe, à l'intention du traducteur, des outils informatiques qui lui permettent de créer ses fiches termino­logiques sans y consacrer trop de temps. Et, le temps, c'est de l'argent! Le temps passé à :

- comprendre ce que l'auteur a voulu dire; - rechercher, puis signaler les erreurs; - discuter le texte avec l'auteur; - constituer, au fil des mois, un fichier ou une banque de données terminologiques.

Ce temps doit être payé. En mettant en oeuvre autant de moyens techniques, tout en négligeant la qualité linguistique du message, les spécialistes des télécommunica­tions et de l'informatique sont peut-être en train de reconstruire une Tour de Babel. Ce n'est pas une raison pour les linguistes de s'enfermer dans leur tour d'ivoire. Une formation aussi bien pratique que théorique, comprenant celle de terminologue et de conseiller en rédaction est indispensable pour nos futurs collègues.

Quant aux milieux concernés au premier chef, à savoir tous ceux qui ont besoin de traductions, il importe de les informer. Les temps sont définitivement révolus où un chef de bureau - expérience vécue - pouvait dire à son employé: «Copiez-moi ça, mais en allemand!».

Henri BERGMANN Traducteur indépendant

CH-2740 Moutier (Montagne)

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Page 69: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Traitement rationnel de la traduction spécialisée

Analyse, perspectives et développement

Khai Le-Hong

Sommaire

1. Introduction 2. Les conditions économiques et industrielles 3. Langue courante et langue de spécialité 4. La position du traducteur face aux exigences du marché 5. La disparité des outils bureautiques actuels 6. L'analyse fonctionnelle de la traduction 7. Le déroulement logique de la traduction 8. Communication et compatibilité 9. Préparation des documents à traduire 10. Préparation de la traduction

10.1. Pattern matching 10.2. Language checking: spelling checker, grammar checker et style checker 10.3. Un logiciel d'aide à la traduction

11. La banque de données terminologique 12. La traduction automatique 13. Translator's Workbench 14. Interfass 15. Conclusion

1. Introduction

"Avez-vous vu la belle Mercedes ?" Malgré l'ambiguïté linguistique de cette ques­tion, chacun de vous sait ce dont il s'agit ici. Néanmoins, quelques chiffres méritent d'être cités. Ainsi, Mercedes-Benz produit en moyenne 570 000 voitures de tourisme et 290 000 véhicules industriels par an. Les besoins d'information chez Mercedes touchent de multiples domaines tels que:

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Page 70: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

- publicité, relations publiques - marketing, ventes - promotion produits - service après-vente (S.A.V.) - services techniques

La documentation S.A.V. comporte seize types de brochures traduites en dix-huit langues, dont cinq langues de base. Les coûts de cette documentation se chiffrent à des dizaines de millions de marks. Quantité non négligeable en chiffre absolu, elle ne représente toutefois qu'une infime fraction du chiffre d'affaires. Notons par ailleurs que les besoins d'information technique augmentent annuellement de l'ordre de 15 % chez Mercedes.

En tant qu'utilisateur, nous sommes livrés à la qualité et la clarté d'une notice d'utilisation. Combien de fois sommes-nous exacerbés par la mauvaise traduction d'une notice et reconnaissants d'en avoir une bonne. L'information sur le produit n'est pas seulement la carte de visite de l'entreprise, elle est aussi un moyen efficace à travers lequel l'entreprise communique avec son client. Elle est le miroir où se reflète l'image de l'entreprise.

Vu l'importance de ces facteurs, il est donc raisonnable d'étudier le processus de la traduction et de chercher à l'optimiser afin de satisfaire les besoins - sans cesse croissants - d'information et de communication de l'entreprise sur le marché international. Il apparaît de plus en plus urgent de trouver une méthode rationnelle de traitement des traductions spécialisées - satisfaisant aux deux impératifs que sont le respect des délais et d'une qualité adéquate - d'autant plus que dans les échanges internationaux actuels, le facteur linguistique joue un rôle primordial à la lumière des conditions décrites ci-après.

2. Les conditions économiques et industrielles

* Le cycle de vie des produits et des prestations adjointes s'est raccourci d'une manière spectaculaire au cours des dernières décennies, notamment dans les secteurs de l'électronique et des transports.

* L'utilisation massive de techniques toujours plus sophistiquées et de provenances très diverses pour l'élaboration d'un produit donné renforce la complexité des termes linguistiques utilisés.

* Avec l'apparition de nouvelles technologies informatiques telles que les procédés de communica­tion électroniques où son, texte et image sont étroitement liés, la bureautique prend une place de plus en plus importante dans les organisations économiques et industrielles.

* L'harmonisation des marchés, en particulier celle du marché européen en 1993, exige une réglementation plus sévère de la documentation multilingue à fournir par les constructeurs.

* Face à la concurrence internationale de plus en plus âpre, l'éventail des gammes de produits, avec leurs différentes versions de moteurs, de carrosseries et d'accessoires, ne cesse de s'élargir. A un nombre très limité de gammes de base viennent se greffer d'innombrables versions. Le volume d'informations croît en conséquence.

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Page 71: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

* Face à la globalisation des ressources et des marchés, une bonne documentation est indispensable pour le succès d'un produit sur le marché international. Cela implique un éventail de prestations de plus en plus large, afin de répondre aux besoins d'information et de communication entre clients, fournisseurs, administrations publiques et membres du réseau.

Dans une société telle que Mercedes qui opère à l'échelle mondiale, il importe que les problèmes linguistiques soient maîtrisés à tous les niveaux d'activité. Prenons l'exemple du système de production interdépendante de Mercedes-Benz où les diverses unités de fabrication réparties à travers le monde échangent pièces et composants nécessaires au montage final d'un type de véhicule pour une région donnée. Les échanges d'information ont lieu à tous les échelons tels que:

- recherche et développement - conception et construction - essais et tests - production - assurance-qualité, homologation - logistique, facturation - presse/médias, publicité - marketing/communication - formation - S.A.V. et pièces de rechange

Cette enumeration montre en même temps le cycle de vie d'un terme technique depuis sa création jusqu'à sa disparition, en passant par sa diffusion.

3. Langue courante et langue de spécialité

La langue de spécialité diffère de la langue courante par son vocabulaire et sa syntaxe. Dérivé d'un mot courant, le terme technique prend une acception spéciale dans un contexte technique bien déterminé. Ce phénomène d'emprunt s'accélère et s ' amplifie au fur et à mesure que le savoir s'étoffe et que l'innovation croît. Un «train avant» chez Mercedes n'a rien de commun avec une locomotive en tête d'un train dans leschemins de fer. Une «transmission automatique» implique une «boîte de vitesses automati­que». La boîte automatique n'est pas une caisse qui contient des vitesses...

Chacun de nous emploie environ 3000 mots dans la vie quotidienne, les langues europénnes comptant 300 000 mots d'usage courant. Par contre, le vocabulaire des langues de spécialité (médecine, physique, mécanique, etc.) contient au moins 30 millions de termes, nombre devant certainement doubler dans les cinq années à venir. Les constructions syntaxiques des langues de spécialité ont des structures gramma­ticales non conformes aux règles habituelles et désarçonnent le non initié par leur dépouillement. De fait, on comprend aisément dans les ateliers des expressions telles que «Zündung ein» ou «Motor an». Il est à noter que ce genre de syntaxe est

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Page 72: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

difficilement compréhensible pour tout système de traduction automatique, sujet sur lequel nous reviendrons plus tard.

4. La position du traducteur face aux exigences du marché

Les exigences du donneur d'ordre de la traduction peuvent se résumer aux critères suivants:

- respect des délais et livraison rapide des traductions non pas pour une seule langue, mais pour les langues de base.

- des documents de traduction prêt à être diffusés. - le layout de départ (texte et illustrations) doit être respecté (traduction orientée vers

la Publication Assistée par Ordinateur, PAO). - disponibilité à court terme malgré des changements rapides des documents de

départ, sans cependant affecter la qualité. - un prix en relation avec l'étendue et la qualité de la prestation exigée.

Qualité et disponibilité à court terme sont deux valeurs antinomiques que le tra­ducteur s'efforce de respecter simultanément. La qualité est une notion très relative qui est fonction des besoins d'un utilisateur donné. Permettez-moi de citer un exemple pour illustrer cette affirmation. Supposons que nous prenions des grains de café d'excellente qualité et de même origine. Nous les torréfions à l'italienne et à l'américaine. Résultat: le café à l'italienne est imbuvable pour un Américain et réciproquement. On voit donc par là que la qualité est un problème de conformité aux exigences du destinataire. Dans le domaine de la traduction, la qualité dépend du cercle de lecteurs à qui l'on s'adresse.

Pour garantir la disponibilité à court terme dans les conditions précitées, il faut organiser les textes afin de retrouver rapidement les passages modifiés. Le traducteur ne peut plus se permettre de parcourir des pages et des pages pour contrôler la consistance terminologique, comparer la différence des textes traduits et non traduits, de retaper les passages d'une version modifiée, etc. Ce sont des servitudes que peuvent assumer des logiciels conçus spécialement à cet effet. De cette manière, on peut respecter le niveau de qualité exigé compte tenu du délai imparti: la qualité ne s'improvise pas, il faut l'organiser pour la produire.

Face aux techniques modernes, le traducteur a une position isolée dans le processus de management de l'information multilingue. Avec papier, crayon et ciseaux - à la rigueur armé d'un PC solitaire - il doit soutenir le rythme de la production industrielle et ses servitudes, à savoir la multitude d'opérations répétitives, l'explosion des besoins à satisfaire rapidement.

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Page 73: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Prenons l'exemple de la formule «ouvrir le capot» qui se répète à l'infini sur des milliers de pages de documentation d'atelier. Jusqu'à présent, le traducteur, qui est encore au stade de l'élaboration artisanale, se résignait à répéter mécaniquement cette expression. Il s'agit d'éviter ce travail fastidieux en lui fournissant des outils adéquats.

Le traducteur doit utiliser son temps à bon escient, à savoir chercher ou créer un terme précis pour une notion donnée. Un terme inexact peut entraîner des conséquences graves, ne serait-ce que pour le règlement des garanties.

La terminologie est un des éléments essentiels de la compréhension pour capter le sens exact d'un concept dans un contexte. A rencontre de l'opinion générale, on trouve dans le domaine technique beaucoup plus d'ambiguïtés, de faux-amis qui conduisent à des contre-sens inadmissibles, entraînant parfois des règlements de garantie très onéreux.

Il existe plusieurs versions possibles des oeuvres classiques allant de Shakespeare jusqu'à Valéry Larbaud suivant les interprétations des traducteurs. Par contre, il n'existe qu'une traduction valable pour décrire une opération de mesure optotronique donnée. Plus que partout ailleurs, la traduction spécialisée fait appel à la raison: le traducteur doit d'abord comprendre avant de se faire comprendre. Ainsi, il doit faire preuve d'un certain esprit critique pour ne pas se laisser impressionner par de grands mots tels que «Riicklaufsperre» qui, dans un contexte donné, ne signifie rien d'autre que «joint en caoutchouc». Il n'est pas rare de trouver une version étrangère plus explicite que la version d'origine.

5. La disparité des outils bureautiques actuels

A la lumière des possibilités offertes actuellement, on constate qu'il n'y a pas de concordance entre les besoins de la traduction et les outils qui sont mis à la disposition des traducteurs. Si l'on passe en revue les logiciels diffusés, on remarque une très grande disparité entre:

- les systèmes de traitement de textes - les banques de données générales ou spécialisées - les systèmes d'aide à la traduction - les outils de terminologie - les systèmes de saisie multi-média

Il n'existe pas d'architecture spécifiquement conçue pour le traitement multilingue qui intègre l'ensemble de ces fonctions. Les méthodes de travail du traducteur sont diverses; certains préfèrent dicter, d'autres rédiger et corriger sur écran ou sur papier, d'autres encore travailler sur clavier ou avec une souris. Ces outils ne sont ni

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Page 74: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

compatibles entre eux sur réseau, ni compatibles avec la fonction traduction, alors que

leur intégration est devenue une nécessité, surtout dans les grandes entités industriel­

les et les administrations.

La flexibilité d'utilisation des outils et la simplification du dialogue traducteur/

machine, qui sont deux priorités absolues contribuant à la convivialité des systèmes,

sont d'une rareté chronique.

Pour remédier à cette situation, Mercedes­Benz a conçu le système Interfass qui sera

très prochainement opérationnel au sein de son propre réseau. A une autre échelle,

dans le cadre du programme européen ESPRIT, Mercedes­Benz contribue également

à Γ élaboration d'un poste de traduction baptisé Translator's Workbench(TV/B). Nous

aurons l'occasion de revenir ultérieurement sur ces deux projets.

6. L'analyse fonctionnelle de la traduction

La complexité et la multiplicité des tâches du traducteur exigent que l'on procède à

une analyse en profondeur de la fonction traduction avant de concevoir une intégration

fonctionnelle qui réponde aux besoins du traducteur et qui lui permette de satisfaire

aux exigences précédemment citées. Partant de l'analyse de la société DIGITAL de

1986 ainsi que des projets DFG de Sarrebruck et KITES de l'University of Surrey

menés en 1987, Mercedes­Benz a réalisé, en collaboration avec l'University of

Surrey, une étude sur le profil et les besoins du traducteur. Dans un premier temps,

nous avons cherché à recenser:

­ les types de traducteur (secrétaire, rédacteur, traducteur) ­ les lieux où s'effectue la traduction (inteme, bureau externe) ­ les modes de distribution/de livraison (support papier, disquette) ­ les tâches à remplir par le traducteur (recherche, rédaction, contrôle, etc.)

Dans un deuxième temps, nous avons élaboré un questionnaire touchant:

­ les différents aspects de la traduction ­ les différentes phases du processus ­ le travail terminologique ­ les attitudes envers les nouvelles méthodes, y compris la traduction automatique ­ les appréciations sur les interfaces traducteur/machine.

Enfin, nous avons procédé à des interviews avec différentes catégories de traducteurs

internes et externes ainsi qu'à des observations empiriques menées au cours du

processus de traduction. A partirdes résultats obtenus, nous avons conçu une nouvelle

plate­forme susceptible d'aider le traducteur à traiter de manière rationnelle les

traductions spécialisées.

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Page 75: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Dans un troisième temps, nous avons développé une méthodologie concernant l'évaluation des logiciels au niveau de l'utilisateur, en effectuant des tests avec les traducteurs et en relevant les améliorations à apporter au poste de traduction. L'acceptance du traducteur est un facteur majeur.

7. Le déroulement logique de la traduction

Le traitement de la traduction ne peut être rationnel que si le traducteur est intégré dans l'ensemble du processus du traitement de l'information de l'entreprise. Que le traducteur soit interne ou externe, localisé à travers le monde, la transmission des documents et le dialogue réduits au codage électronique doivent être assurés durant l'opération de traduction. Le traducteur humain procède de manière intuitive à la traduction, intercalant plusieurs démarches intellectuelles et manuelles sans ordre apparent.

Il convient d'opérer un découpage méthodique des multiples opérations du processus de traduction et de les regrouper sous les rubriques suivantes:

- communication et compatibilité - préparation des documents à traduire - préparation de la traduction:

* pattern matching * language checking * un logiciel d'aide à la traduction

- la banque de données terminologique - la traduction automatique

Les fonctions correction et archivage sont deux opérations certes importantes mais implicites dans les fonctions de préparation de la traduction.

8. Communication et compatibilité

Le langage est un véhicule de communication. Mais nous constatons qu'il existe de grands problèmes pour la communication des documents à cause de la multitude des logiciels et matériels proposés sur le marché. Il faut assurer la compatibilité des logiciels, par exemple trouver un protocole définissant les règles de communication, non seulement pour les textes mais aussi pour les graphiques et les tableaux. Quelques exemples peuvent permettre de montrer combien la communication est complexe au niveau du codage: le E-Mail est un système de courrier électronique qui permet la transmission d'«enveloppes» avec contenu. A la réception, le destinataire doit déchiffrer le contenu du message. Si le contenu est un texte, les codes ASCII (American Standard Code for Information Interchange) et EBCDIC (Extended

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Page 76: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Binary­coded Decimal Interchange Code), qui sont les plus utilisés actuellement, permettent un décodage particulièrement aisé. Dès que l'on veut transmettre des attributs typographiques (caractères en italiques, en gras, soulignés, etc.), des graphi­ques ou des diagrammes, il n'est plus possible de se comprendre à l'aide de ces codes. On a recours à des convertisseurs pour traduire la multitude des codes de fonction utilisés. Si les normes ODA (Office Document Architecture) et ODIF (Office Document Interchange Format) de l'ISO sont universellement utilisées, aucun convertisseur n'est nécessaire. Par contre, on a besoin de 28 convertisseurs si l'on à faire à huit systèmes d'édition différents .

A

Β

C

D

^ ^

X

. > * 4 ^

χ

>

^ ^

X

> *

^ ^

^

*

< , * ^

< ,

4 w,

< * ^ w

τ

A

F

G

ι r

H 1

9. Préparation des documents à traduire

Le traducteur a besoin d'un environnement logiciel homogène, et plus particulière­ment d'un éditeur qui assume simultanément plusieurs fonctions telles que traitement et gestion de textes sans changer de plate­forme: réception, classement, archivage et envoi. Les textes source et les textes cible doivent être affichés en permanence à l'écran. Les fenêtres auxiliaires seront simplement superposées si besoin est. Diffé­rents modes de travail doiventpermettre un dialogue au niveau du mot, de la phrase, du paragraphe voire du texte entier. La translitération des alphabets comme le chinois

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Page 77: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ou le japonais doit être facilement accessible. L'utilisation simultanée de plusieurs polices de caractères de base doit être possible. Un logiciel permettant de marier textes et graphiques devient nécessaire. Contraint par la prestation typographique, le traducteur doit être assisté par un logiciel qui le libère de cette servitude et lui permet de se consacrer exclusivement à la traduction. La convivialité du poste de traduction (interface-utilisateur) peut se résumer aux chapitres suivants:

- menus simplifiés - représentation conviviale et explicite des fonctions - dialogue informatisé - interface-utilisateur en mode graphique - combinaison clavier/souris - utilisation de fenêtres - déroulement parallèle texte départ/d'arrivée

10. Préparation de la traduction

10.1. Pattern matching

Une bonne documentation doit tenir compte des changements apportés en dernière minute. Ainsi, toute modification du texte de départ est censée entraîner une actualisation immédiate des versions étrangères. Il faut par conséquent structurer le texte en modules facilement identifiables depuis le mot jusqu'au paragraphe, en passant par la phrase. Une reconnaissance automatique des modules déjà traduits s'impose pour éviter les redondances de traduction. Par ailleurs, basé sur le principe du pattern matching, un logiciel doit permettre d'identifier les tournures et clichés exprimant par exemple les formules de politesse, ainsi que les termes «préfabriqués» permettant de formuler une offre ou de traiter une opération de garantie. Une notion donnée sous ses différentes formes telle que «transmission intégrale» doit pouvoir se retrouver automatiquement dans les expressions: four wheel drive, 4-wheel drive et four-wheel drive.

10.2. Language checking: spelling checker, grammar checker et style checker

Avant d'être traduit, le texte source doit être contrôlé afin de détecter les «malforma­tions» des constructions grammaticales ainsi que les structures de phrase complexes ou ambiguës. Citons comme exemple, pour montrer l'ambiguïté de l'emploi des majuscules et minuscules, des expressions telles que «radfahren» et «Autofahren» ou encore «in bezug auf» et «mit Bezug auf». L'analyse stylistique (style checking) est opérée à l'aide d'un programme d'analyse syntaxique qui permet de repérer les concordances inadéquates des cas, des genres, des relations entre sujets, verbes et objets. Ces checkers sont aussi applicables pour la langue cible.

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Page 78: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

10.3. Un logiciel d'aide à la traduction

Des tentatives d'aide interactive traducteur/machine ont été faites à partir de la méthode statistique des fréquences d'utilisation. Voici l'un de ces prototypes: basée essentiellement sur les modèles de Markov, la «translation memory» (TM), dévelop­pée par la Fraunhofer Gesellschaft de Stuttgart dans le cadre du projet TWB, permet de retrouver automatiquement la traduction la plus proche possible d'une phrase donnée. Parmi les traductions archivées, la TM sélectionne celle qui est la plus fréquemment utilisée et la propose au traducteur. La TM gagne en précision au fur et à mesure qu'elle est alimentée en textes produits intellectuellement par le traducteur. L'avantage de cette méthode est son utilisation quasi universelle, indépendante de la langue de départ et de la langue cible.

11. La banque de données terminologique

La terminologie utilisée est spécifique à chaque entité industrielle. Actuellement, le traducteur consacre 40 à 50 % de son temps à la recherche terminologique. La terminologie peut être mémorisée sous forme de listes de mots, de glossaires, de dictionnaires spécialisés, de disquettes voire de disques optiques (CD-ROM, WORM). Enfin, elle peut être classée sous forme de banques de données.

La finalité de la terminologie peut se résumer à quatre critères essentiels pour l'exercice de la traduction:

- elledoit être consistante dans un document donné, conforme au type d'information à transmettre.

- elle doit se plier aux exigences de l'utilisateur final, au style général d'une entité économique donnée et à la spécificité des produits.

- elle doit être correcte: le champ sémantique doit être clairement délimité, ne pas être trop large ni trop étroit pour éviter toute ambiguïté d'interprétation.

- elle doit être facilement accessible et d'un maniement aisé pour la gestion et l'actualisation des données.

Une entrée terminologique dans une banque de données n'est pas constituée seule­ment d'une équivalence, mais de composantes grammaticales, morphologiques et sémantiques (définitions, paraphrases, graphiques et illustrations, thésaurus et clas­sification). Les contextes et exemples sont une aide précieusepour orienter le choix.

Dans sa recherche du terme adéquat, le traducteur est assisté par un logiciel qui lui permet de naviguer dans la banque de données. Cette méthode de navigation se base sur un système-expert permettant de repérer automatiquement les relations hiérarchi­ques dans un système donné. De plus, le traducteur doit avoir la possibilité de créer

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Page 79: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

des mini­banques de données spécialisées dans un domaine particulier ou dans la paire de langues avec lesquelles il travaille.

12. La traduction automatique

Au­delà de ces outils, la traduction automatique (TA) peut devenir une aide au traducteur dans des circonstances bien spécifiques. Un système de TA nécessite une infrastructure non seulement au niveau du poste de travail, mais dans l'ensemble du réseau informatique d'une entreprise. Les systèmes actuellement commercialisés à un niveau professionnel sont tous installés sur des ordinateurs de grande capacité. Les moyens investis sont d'une autre dimension que ceux nécessités par une plate­forme PC. La mise en service de la TA préconise un ensemble de facteurs primordiaux pour une utilisation rentable:

­ Il faut disposer d'une quantité suffisante de textes. ­ Sur le plan qualité, la disponibilité d'une terminologie spécialement conçue pour

le système de TA est indispensable. ­ Prétendre que les manuels d'atelier sont prédestinés à la TA est chose erronée (voir

«Motor an»). Les textes de départ doivent être minutieusement préparés. ­ Un nombre plus important de langues disponibles. Il est possible de traduire de

l'anglais vers d'autres langues (A, B, C, etc.) et inversement, mais il est rare de trouver une traduction automatique directe d'une langue A vers une langue B.

­ L'intégration d'un système de TA dans le réseau de communication et la compatibilité avec les autres fonctions de la traduction.

­ La formation du personnel est indispensable. La préédition et la post­édition requièrent un savoir­faire et des techniques de travail particulières.

Deux systèmes visant à synthétiser les fonctions permettant un traitement rationnel de la traduction spécialisée méritent d'être mentionnés.

13. Translator's Workbench

Le projet Translator's Workbench (TWB) est le fruit d'une collaboration entre les partenaires industriels et les universités suivantes: Triumph Adler (R.F. Α.), Mercedes­Benz AG (R.F.A.), Siemens AG (R.F.A.), Siemens España (Espagne), L­Cube (Grèce), Fraunhofer Gesellschaft (R.F. Α.), University of Surrey (Grande­Bretagne), Universidad Politecnica de Catalunya (Espagne) et Université de Heidelberg (R.F. A.).

Le TWB est un prototype de plate­forme qui vise à synthétiser toutes les fonctions nécessaires et souhaitables pour un traitement rationnel de la traduction spécialisée. L'élément pivot consiste en un éditeur et en un système de gestion qui coordonnent le travail des différents logiciels.

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Page 80: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

L'utilisateur est invité à faire une évaluation pratique des outils et de leur intégration au sein du TWB. Au fur et à mesure du développement et de l'intégration, les suggestions de l'utilisateur seront prises en compte pour la prochaine version.

14. Interfasi

INTERFASS est un acronyme que j 'ai créé en concevant le système chez Mercedes (Annexes 2 et 3). Il s'agit d'un système de langage spécialisé interactif exploité au sein d'un réseau international de postes de traducteurs. Ses fonctions principales sont :

- l'intégration de la banque centrale de données terminologiques et d'un système de traitement de textes multilingue

- l'accès aux textes déjà traduits - l'intégration de la traduction dans le processus du traitement de l'information dans

l'entreprise - l'amélioration des traductions externes grâce à une meilleure disponibilité de la

terminologie.

La structure de la banque de données (IFASS) consiste en la création de dictionnaires monolingues. Les correspondances se font directement d'une langue à l'autre, sans passer par le truchement d'une langue-pivot (annexe 4).

Les caractéristiques de la banque de données :

• pas de limitation en ce qui concerne - le nombre des langues de travail - la longueur des entrées - le nombre et la longueur des informations secondaires code d'accès personnel interface-utilisateur uniforme affichage et impression différenciés selon le matériel gestion interactive des critères de sélection différents langages de dialogue-utilisateur assistance interactive dépendante de l'environnement contextuel possibilités de classification personnalisée codage des caractères en plusieurs octets types d'information classés hiérarchiquement compatibilité avec tout système de traitement de textes traitement par lots des informations reçues possibilité d'élaboration de dictionnaires

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Page 81: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Chaque entrée a ses relations morphosyntaxiques et sémantiques ainsi que ses informations secondaires :

1. traduction (relation entre les entrées de plusieurs langues)

1. relations notionnelles (relations entre les entrées d'une même langue)

2.1. relations sémantiques • équivalence : synonymie, quasi-synonymie • hiérarchie : ensemble/partie ; niveau supérieur/inférieur • association : notion secondaire, antinomie

2.2. relations morpho-syntaxiques • mot fragmentaire et mot composé • abréviation/forme entière • orthographie • morphologie

Catégoriess d'information liées aux différents types de relations :

1. informations documentaires 2. informations sur la source 3. critères de qualité et d'utilisation

Le traducteur peut définir son propre profil de dialogue avec la banque de données selon ses besoins. Un profil standard serait d'obtenir dans un premier temps seule­ment l'équivalent en langue cible. En cas d'incertitude, le traducteur laisse afficher les informations supplémentaires telles que définition, contexte, etc (annexe 5).

15. Conclusion

Les instruments cités ci-dessus ne sont pas destinés à rendre le traducteur humain superflu. Bien au contraire. Ils doivent le libérer des opérations fastidieuses et lui permettre de se consacrer au langage proprement dit, où l'intuition, l'imagination et l'esprit critique sont de rigueur. A noter que l'on constate une croissance continue de l'ordre de 15 % par an du volume des traductions, rythme que l'on observe à l'échelon mondial sur une base d'estimation de 200 millions de pages par an. Les besoins latents en information sont énormes. Il faut donc résoudre ces problèmes de langage, force

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Page 82: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

motrice de la communication dans notre société réputée pour être celle de l'informa­tion. Permettez-moi en guise de conclusion une boutade que j'affectionne tout particulièrement :

«Le langage, c'est comme l'air. On n'en parle pas. Dès qu'il est rare ou pollué, on en prend soudainement conscience, avant de chercher remède auprès des spécialistes.»

KhaiLE-HONG Hauptabteilungsleiter

Zentrale Sprachendienste Mercedes-Benz AG Postfach 60 02 02

D-W-7000 Stuttgart 1

80

Page 83: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

TRANSLATOR'S WORKBENCH

User Tntrrtaffs

Scanner (OCR)

Multilingual Text Processing

Manager

/ »

Language Checker

7

/

/ »

Memory

/

/ ­

Editing Functions

/

/

Term Bank

METAL 3 ) SYSTRAN

^SURREY J

■ ­ΛΛ—TEURODICJ

Annexe ­ 1 ­

Page 84: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

INTERFASS

ORDINATEUR CENTRAL AU SEIN DU SYSTÈME INFORMATIQUE DB (DDVS)

USINES

SUCCURSALES

PARTENAIRES EN ALLEMAGNE

FEDERALE ET A L'ÉTRANGER

ORDINATEUR

CENTRAL

(Maln­frame)

PROGRAMMES DAPPUCATION

" Terminologie

* Boites a u x lettres ■ Protocoles logiciel " Fichiers centraux, textes , etc. .

Télétransmiss ion fichiers

P o s t e de travail a u s e i n d'un s y s t è m e mult i ­p o s t e s

IMPRIMANTE CENTRALE

D U SERVICE

I LOGIQUE D E

COMMANDE

(SERVEUR)

É c h a n g e de d o n n é e s Interactif

Pos te de travail a u t o n o m e . Indépendant d e s n i v e a u x et de l 'environnement, a v e c progiciel conforme a u x be ­s o i n s de l'utilisateur

Autres s y s t è m e s

Textes Modules Logiciel Protocoles Formulaires e t c . .

POSTE D E TRAVAIL

INTELLIGENT

POSTE DE ■TRAVAIL

INTELLIGENT

Fenêtres format "what you see Is

w h a t y o u get"

CONFIGURATION POUR LE DÉPARTEMENT ZSD

Annexe ­2­

Page 85: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

INTERFASS

IBM MVS

Centre Informatique d'Untertürkheim

Bâtiment F

Réseau ELITE

m—ν

PC pour la gestion administrative des traductions

TCP/IP

Application pilote prévue

Corn. Server Stor. Server Laser Printer Server

Annexe ­3­

Page 86: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

£

I N T E R F A S S

Libre choix des combinaisons de langues dans la banque de données

ESPAGNOL

1 '

ANGLAIS

ALLEMAND

ITALIEN

AUTRES LANGUE; (JAPONAIS. RUSSE. ...)

iL

v

FRANCAIS

Annexe -4-

Page 87: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

INTERFASS

Γ Der Motor 2 2 / 23 erzeugt unabhängig vom

Lenkwinkel ein zur Spannung proportionales

Drehmoment auf die Lenkspindel.

Das Drehmoment wird konventionell über

eine Servolenkung (100) verstärkt.

Independent of the steering angle the motor

2 2 / 2 3 generates a torque which is

proportional to the

DE: Spannung

FB: Mechanik (deformierende Spannung) EN: strain QU: Χ

FB: Mechanik (elastische Spannung) EN: stress QU: X FB: Mechanik (Zug) EN: tension QU: X

FB: Elektrizität EN: voltage QU: X

^

ECRAN DU POSTE DE TRAVAIL

Annexe ­5­

Page 88: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations
Page 89: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Traduction littéraire et terminologie Monique Legros-Chapuis

Dans la pratique comme dans l'enseignement de la traduction, on admet souvent que «traduction littéraire» et «terminologie» n 'appartiennent pas au même registre, et que seuls les traducteurs scientifiques ou techniques ont besoin de dominer là terminolo­gie des secteurs où ils opèrent. Sans prétendre invalider une position qui ne manque pas de fondement, je voudrais ici élargir le champ d'action de la terminologie, et nuancer celui de la traduction littéraire, trop souvent réservée (abandonnée?) aux traducteurs non-spécialisés, c'est-à-dire spécialisés seulement en littérature ou, plus fréquemment, dans l'oeuvre de tel ou tel auteur.

Le fait est que la plupart des écrivains font un usage fréquent de mots empruntés aux diverses terminologies, et que la plupart des oeuvres littéraires sont remplies de ces termes qui peuvent devenir le cauchemar de leurs traducteurs.

Avant de parler de ce cauchemar, d'en examiner les raisons et de tenter d'y porter remède, je voudrais commencer cet exposé par une brève analyse - le mot ici est sans doute un peu excessif, et j'y reviendrai - des motifs qu 'ont les écrivains pour employer des termes. Ces motifs, bien entendu, ne peuvent apparaître qu 'au terme d'une longue connivence avec les oeuvres, et je suis la seule responsable de la «division» queje vais présenter et que je m'empresserai, un peu plus tard, de renier.

Nous admettrons ainsi un premier motif, queje nommerai le désir de précision, le besoin d'exactitude de l'auteur qui «peint le monde»: j'emprunte cette expression à l'École réaliste et aux grands écrivains de la seconde moitié du XIXe siècle, singulièrement à Zola. Dans cette perspective, l'écrivain recourt à des vocabulaires spécialisés pour que ses descriptions, parfois ses récits, souvent ses dialogues soient plus «vrais». Quelquefois il éprouve le besoin d'introduire des explications pour «éclairer» son roman. Ajoutons qu'à un moment ou à un autre tous les écrivains cèdent à ce besoin de précision. Voici quelques exemples: «...j'ai joué à cache-cache, aux barres, à saut de mouton, etc., etc., avec trois collégiens...» écrit à sa jeune soeur un Mallarmé de quatorze ans. «...monsieur Savarus est venu en robe de chambre de mérinos noir, serrée par une ceinture en corde rouge, des pantoufles rouges, un gilet de flanelle rouge, et une calotte rouge...» raconte Balzac. Proust décrit Odette assise au milieu

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de ses «cache-pot de Chine», de ses «paravents auxquels étaient fixés des noeuds de ruban et des éventails», réprimandant son domestique pour avoir frôlé ses «jardiniè­res» et montrant au narrateur ravi «un dromadaire d'argent niellé aux yeux incrustés de rubis». Flaubert précise que les parents de Julien «habitaient un château, au milieu des bois, sur la pente d'une colline. Les quatre tours aux angles avaient des toits pointus recouverts d'écaillés de plomb, et la base des murs s'appuyait sur les quartiers de rocs, qui dévalaient abruptement jusqu'au fond des douves.»

Ces premiers exemples, choisis pour illustrer le premier motif de l'emploi de termes en littérature, voudraient aussi, en quelques mots, montrer que le mot terme ne doit pas nous faire illusion: tous les termes ne sont pas savants, ni obscurs, ni rares. J'ai parlé tout à l'heure d'élargir le champ d'action de la terminologie et c'est à cela que je m'efforce: la terminologie, c'est aussi le langage de tous les jours, quand les mots qui la composent s'organisent à l'intérieur de ces «ensembles clos» dont nous parlerons dans un moment, dans ces ensembles clos que sont les jeux d'enfants (cache-cache, les barres, saut de mouton), les pièces d'habillement (robe de chambre, ceinture, pantoufles, calotte), les matières textiles (mérinos, corde, flanelle), les meubles et objets domestiques et d'ornement (cache-pot, paravents, éventails, noeud de ruban, jardinières), les techniques de l'orfèvrerie (argent niellé, incrustés de rubis), l'architecture médiévale (château, tours aux angles, toits pointus, écailles de plomb, base des murs, douves) et paysage assorti (bois, pente, colline, dévaler). Cette première série d'exemples a encore un autre but, celui d'évoquer- car pour le montrer il faudrait des volumes, ceux précisément qui constituent la littérature... - la grande variété des terminologies auxquelles le traducteur littéraire doit faire face.

Considérons ensuite que l'écrivain peint moins le monde qui l'entoure qu'il ne le recrée en écrivant sur lui. Les limites de cet exposé m'imposant la discrétion, je ne rangerai dans cette catégorie que le roman intériorisé, le récit autobiographique et le fameux journal, intime mais destiné à la publication. Là, leje passe avec désinvolture de la langue générale aux langues spécialisées, suivant l'élan intérieur de l'auteur. C'est ainsi que Gide, passionné depuis l'enfance par la botanique et l'entomologie, et n'oubliant pas, au temps où le jardinage remplacera «la chasse aux coléoptères», l'acquis terminologique de ses jeunes années, n'hésite jamais à nommer de leur vrai nom les plantes et les insectes. «Combien je me réjouis», écrit-il dans le Journal en 1910, après avoir relu Fabre, «de savoir aujourd'hui que les larves primaires des méloés sont ces extraordinaires et mystérieux petits poux queje regardais se dresser, agrippés sur le bout de leur prenante queue, à l'extrême bord des disques de la camomille, lorsque, enfant, j'allais à la chasse aux coléoptères! Quelle consolation de connaître enfin pourquoi je ne trouvai jamais d'oeuf dans les boules de crottin queje dérobais aux stercoraires!»

C'est ainsi que Michel Tournier, en vacances chez son grand-père, pharmacien-herboriste, l'entendait «rectifier avec une douceur offusquée: Une pharmacie n'est

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pas une boutique, c'est une officine», et apprenait de lui - et de l'officine elle-même - le pouvoir du mot juste: «Pourtant, écrit-il dans Le vent Paraclet, c'est par les mots que ce milieu m'a le plus enrichi. Des mots, il y en avait partout, sur les étiquettes, sur les bocaux, sur les bouteilles, et c 'est là que j 'ai vraiment appris à lire. Et quels mots! A la fois mystérieux et d'une extrême précision, ce qui définit les deux attributs essentiels de la poésie...» Nous ne nous étonnerons pas de trouver dans Le Roi des Aulnes un très grand nombre de termes d'équitation, une autre des ses passions d'adolescent.

Le second motif qui pousse l'écrivain à employer des termes est donc lié à ses goûts et à ses intérêts profonds et, comme tels, ils s'enracinent dans l'expérience de l'auteur et ne relèvent pas de l'érudition acquise -j'emploie cette expression sans la moindre intention péjorative -comme celle du Flaubert de Salammbô et d''Herodias.

Enfin, en étroite liaison avec le second motif (et, nous le verrons bientôt, avec le premier aussi), des rythmes intérieurs, au niveau du son, au niveau du sens, inclinent et obligent le poète - celui qui crée le monde en écrivant - à accueillir ce que nous considérons comme les mots spécialisés de telle ou telle terminologie, et que le poète manipule, rejette ou choisit en fonction de leur forme, de leur musique, de leur couleur, de leur aptitude à se laisser monter par ses obsessions, ses délires, ses intuitions, de leur capacité à faire surgir, pour lui à coup sûr mais peut-être aussi pour son lecteur, des cortèges d'images, des essaims d'émotions. Viennent alors sous sa plume les «mandores», les «triptyques», les «nénuphars» et les «séraphins». Le sens n'est jamais une entrave, mais la forme doit l'imposer. La rareté du mot en fait parfois le prix: on parvient ainsi à une écriture précieuse, dans plus d'un sens du terme, et le ptyx de Mallarmé ouvre la porte - non, la fenêtre - aux questions les plus troublantes, sans qu'aucune inquiétude ne trouble, en fait, celui qui justement, au comble, les découvre.

Les terminologies, aux yeux du poète, possèdent bien d'autres charmes. Elles sont -nous le disions il y a un moment - ces ensembles clos (le vocabulaire de la botanique; celui de la menuiserie; celui de la chasse au faucon; celui de la toilette féminine vers 1880; etc.) dans lesquels, de par sa précision a priori admise, chaque terme occupe sa seule place et entretient avec ses voisins de spécialité des relations exactes de contraste ou d'opposition (dans le sens où la phonologie structuraliste emploie ces deux mots: un oeillet est autre chose qu'une rose; le continu s'oppose au discontinu). Cela revient à dire aussi qu'il existe dans ces ensembles une logique interne, un équilibre entre les termes, qui peuvent tenter le poète, qu'il s'emploie à les maintenir ou qu'il cherche à les briser. Ainsi, dans Hérodiade, une série de termes appartenant à l'ensemble «bouquet» se groupent-ils autour du mot fleurs: «...Une touffe defleurs parjures à la lune / (A la cire expirée encor s'effeuille l'une) / De qui le long regret et les tiges dequi/Trempenten un seul verre à l'éclat alangui...» Mais plusriches encore sont les éclatements, les glissements de sens. On ne joue plus à l'intérieur d'un

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ensemble, on passe de l'un à l'autre, effrontément, sur la bonne mine d'une polysémie ou d'une homonymie irrésistibles, entraîné par ces «chevauchements de sens» dont Francis Ponge fait un si bel usage. Ainsi le chalumeau dont le berger de Virgile tire des sons harmonieux se met à cracher du feu entre les mains de l'ouvrier soudeur, et la queue d'aronde utile au menuisier devient Y hirondelle en plein vol.

La brève analyse que j'annonçais au début de cet exposé a rempli son propos, celui de présenter, autour de trois motifs plausibles, l'emploi de termes par la littérature. Abandonnons-la sans regret, puisqu'aussi bien elle fut superficielle et réductrice; et admettons qu'en fin de compte, de même, nous l'avons dit déjà, qu'il éprouve un jour un besoin de précision, tout écrivain crée le monde, même s'il croit ne décrire qu'un donné objectif (Zola, les Goncourt) ou subjectif (Gide, Julien Green).

Démontrées désormais la présence et l'importance littéraire des termes, nous devons envisager à présent la façon dont le traducteur doit y faire face. Je le soulignais en introduction: la plupart des traducteurs littéraires sont des traducteurs sans autre spécialité que leur option littéraire, et qui n'ont pas souvent une formation de terminologue - par «formation» je n'entends pas seulement celle, relativement récente, qu'on reçoit dans les écoles, mais aussi, bien plus nombreuse, peut-être plus anarchique, souvent aussi profonde, celle qu'on acquiert par l'expérience. L'eût-il du reste, cette formation de terminologue, que le traducteur littéraire n'en serait pas moins limité, limité à l'un, ou un peu plus d'un, des domaines de la «connaissance»; mais en aucun cas il ne saurait couvrir la totalité des «champs de spécialisation» dans lesquels pourtant, allègrement, sans que rien ne lui interdise même quelque incursion dans un secteur tout différent, l'écrivain puise un mot par-ci, une expression par-là, ailleurs une série, parfois fort longue et complexe, de termes appartenant au même «ensemble clos»: pensons, pour ne citer que Zola, à la langue du «commerce des nouveautés» de Au bonheur des dames, à celle de l'alimentation du Ventre de Paris, à celle des chemins de fer de La bête humaine... L'écrivain qui emploie des mots spécialisés, c'est-à-dire tout écrivain, n'est pas «spécialiste en tout», tant s'en faut. Mais il semble bien que son traducteur doive l'être...

Avant de se désespérer devant un tel programme, ce traducteur devra se livrer à une analyse, de caractère définitivement littéraire, de l'emploi que fait son auteur des termes en question, et je renvoie ici, quelque imparfaite qu'elle soit, à celle qui m'a servi dans un premier moment à classer les motifs qu'ont les écrivains pour puiser dans les terminologies. En effet, de même qu'il y a des degrés dans la motivation de leur utilisation, nous allons trouver qu'il y a des degrés dans la précision avec laquelle il faudra les traduire. Cette dernière affirmation peut inquiéter. Comment pourrait-il y avoir des degrés de précision dans la traduction d'une terminologie, quelle qu'elle soit? Ne savons-nous pas, justement, que les termes bénéficient -au moins théoriquement - d'une bi-univocité qui fait disparaître le flou dont s'accompagnent les mots de la langue générale et qui les rend, de ce fait, éminemment traduisibles?

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Oui, mais... Oui, mais lorsque nous parlons d ' une terminologie quelle qu' elle soit, nous ne prenons en considération que son contenu (finances; métallurgie; préhistoire américaine; imprimerie; etc.) et nous oublions qu'à l'égal de tout élément de langage le terme court le risque d'être gauchi, et la terminologie à laquelle il appartient, pervertie, par Yintention stylistique qui existe dès qu'il (le terme) ou elle (la termi­nologie) fait un détour par la littérature. Car en dépit des pétitions de principe ou des actes de foi des écrivains «réalistes», il n'existe pas de littérature dont on puisse juger, comme d'un ouvrage scientifique ou d'une notice technique, qu'elle entretient avec le réel une relation de type strictement cognitif. Tout texte littéraire implique une interpretation, une re-création ou unecréation, et c'est précisément cette particulière relation avec le réel qui fait la littérarité. Tout texte littéraire s'alimente d'éléments de langage, langue générale ou langue technique, que l'écrivain met exactement «à la même sauce», leur conférant exactement le même statut de «composantes» de sa création.

Parfaitement capable d'employer les terminologies à bon escient, c'est l'écrivain Zola cent fois cité, mille fois citable, c'est l'écrivain Malraux dans ce fragment de La Voie Royale: «... Les commandes du Gouvernement Général de l'Indochine ne suffisaient plus à l'activité d'usines créées pour un marché qui devait s'étendre de mois en mois et qui diminuait de jour en jour; les entreprises industrielles du consortium étaient déficitaires. Les cours des actions, maintenus à Paris par les banques de Ferrai et les groupes financiers français qui leur étaient liés, et surtout par l'inflation, depuis la stabilisation du franc descendaient sans arrêt...». La terminologie financière utilisée ici est parfaitement exacte, avec sa phraséologie, et (mais ceci est une autre affaire) le texte de Malraux (plusieurs pages du même style) pourrait avoir été tiré d'une revue économique de l'époque.

Dans ce premier cas, donc, où des termes sont employés comme des sortes de citations jugées nécessaires à la compréhension des circonstances dans lesquelles se déroule l'action du roman, le traducteur a beau jeu: il traitera ce passage comme il le ferait d'une revue politico-économico-financière, et n'aura pas d'autre difficulté que celle, générale, de trouver les sources techniques dont il aura besoin.

Il n'en est pas de même dans d'autres cas. Dans d'autres cas, l'auteur a eu recours à la terminologie non pour des raisons d'exactitude sémantique mais pour des motifs formels: la beauté d'un terme peut s'imposer sans que sa précision, ou le niveau de langue où il se situe, soient ressentis comme nécessaires. Dans un sonnet non daté (Myriam), Paul Valéry écrit: «...Emeraude / Le lampyre rôdait en feu dans l'herbe chaude /...». L'emploi du mot «ver luisant» pour désigner le coléoptère femelle doué d'un pouvoir lucifere n'en eût pas diminué d'un iota l'identification; mieux, il l'eût favorisée. Mais le mot «lampyre» a d'autres séductions: sa sonorité, son orthographe (résiste-t-on à l'y?), son air érudit et la goutte d'obscurité qu'impose, à l'insecte lumineux, l'ignorance où l'on est de son identité... Valéry «joue» ici avec le terme.

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Il a raison, comme ont raison tous les écrivains qui jouent avec les mots pour en faire naître une beauté, une joie, un sourire nouveaux. Mais que fera le traducteur de ce sonnet, soumis, comme l'auteur mais dans un autre système linguistique, à des contraintes de rimes, de mètre, de cadence? soumis, sans les éprouver, à l'obligation d'exprimer les obsessions d'un autre?

Il devra choisir. Choisir en fonction de l'analyse dont je suggérais tout à l'heure l'opportunité, la nécessité. Le traducteur deviendra capable de distinguer entre les termes d'entomologie qu'emploie André Gide et que j'ai cités tout à l'heure, et la brève mais percutante mention du lampyre valéryen. Le traducteur n'hésitera pas un instant avant de traduire par les termes d'entomologie et de botanique de sa langue les méloés, les stercoraires, la camomille ..., car Gide parle en entomologiste et en botaniste. Il hésitera en revanche à traduire «lampyre» par son équivalent savant, parce qu'il saura alors que Valéry se moque bien des insectes et ne se préoccupe, mais alors gravement, que de la musique de son vers, du jeu peut-être qui rapproche l'érudit ver luisant de l'inquiétant vampire, de la préciosité qu'il confère enfin à l'orientale Myriam en acquérant près d'elle des allures de pierre précieuse. Peut-être choisira-t-il le terme savant, mais ce sera parce que sa musique, dans l'autre langue, sa longueur, son aspect répondront à la quête esthétique de Valéry.

Redisons-le. Le terme comme objet de littérature doit avant tout être traité en objet de littérature, et le traducteur aura la délicate et lourde tâche de décider quand et pourquoi - sans compter le comment qui est son pain quotidien - il devra rendre un terme par un terme, et quand et pourquoi il ne le devra pas.

Je ne voudrais pas conclure cet exposé sans m'étendre encore un peu sur ce que j'ai appelé le «cauchemar» du traducteur littéraire. Les terminologies, nous l'avons vu, sont multiples et, particulièrement dans leur utilisation littéraire, elles débordent de beaucoup les champs spécialisés auxquels ont affaire communément les traducteurs scientifiques et techniques. Je ne crois pas abuser du mot en considérant, comme je l'ai fait déjà, les jeux d'enfant, la cuisine italienne, l'armement carthaginois comme des terminologies. Je ne le crois pas parce que ces règles du jeu, ces recettes, obéissent précisément à la définition de la terminologie comme l'ensemble clos déjà plus d'une fois mentionné, constitué d'éléments dont la définition, claire et précise, ne convient qu'aux referents qu'ils désignent, c'est-à-dire constitué de termes bi-univoques.

La seule différence queje voie entre les terminologies scientifico-techniques et celles que j'envisage maintenant est la plus grande difficulté de traduction de ces dernières. Elles n'ont pas, ou rarement, de lexiques. Leurs glossaires, quand ils existent, sont incomplets. Leurs termes n 'apparaissent pas souvent dans les dictionnaires bilingues, pas toujours dans les monolingues. Où trouver les mots anglais, espagnols, allemands qui traduiront avec l'exactitude voulue cette description de Proust?

«...je trouvais souvent Mme Swann dans quelque élégant déshabillé dont la jupe, d'un de ces beaux

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tons sombres (...) était obliquement traversée d'une rampe ajourée et large de dentelle noire qui faisait penser aux volants d'autrefois. Quand, par un jour encore froid de printemps (...), sous sa veste qu'elle entr'ouvrait plus ou moins selon qu'elle se réchauffait en marchant, le «dépassant» en dents de scie de sa chemisette avait l'air du revers entrevu de quelque gilet absent, (...) dont elle aimait que les bords eussent ce léger déchiquetage; et sa cravate ­ de cet «écossais» auquel elle était restée fidèle, mais en adoucissant tellement les tons (le rouge devenu rose et le bleu, lilas) que l'on aurait presque cru à un de ces taffetas gorge­de­pigeon qui étaient la dernière nouveauté ­ était nouée de telle façon sous son menton (...) qu'on pensait invinciblement à ces «brides» de chapeaux qui ne se portaient plus...».

Cette longue citation devrait permettre aussi d'entrevoir une autre extension des

terminologies, celle qui les dédouble en fonction du temps. Le «déshabillé» qu'Odette

Swann portait en 1900 pour recevoir n 'a rien à voir avec ce qu 'on nomme aujourd'hui

«déshabillé», et avec quoi on ne saurait recevoir quiconque. Non seulement les termes

changent de sens avec les époques, mais il en est qui sont désormais de purs

archaïsmes, la disparition de leur réfèrent (les parties qui composaient la cuirasse des

mercenaires numides du ΠΡ siècle avant Jésus­Christ, par exemple) laissant les noms

vides, comme ces carapaces séchées dont l'insecte est parti, vides et disponibles,

parfois, pour de nouveaux usages.

Après le temps, l'espace. Les localismes, les regionalismes ne forment pas à eux seuls

une terminologie, mais quand ils apparaissent dans un texte littéraire ils compliquent

les terminologies existantes et, comme celles qu'affecte le temps, les rendent

difficiles à traduire, faute de sources. Si Balzac n'en avait pas fait le titre d'un de ses

romans, lui conférant ainsi statut et autorité, dans quel lexique du parler berrichon du

début du XIXe siècle chercherions­nous, pour le traduire, le terme «rabouilleuse»?

J'aurais aimé développer davantage ces deux derniers aspects. Le temps, sinon

l'espace, m'en retient. Qu'il me soit permis de souhaiter qu'une prochaine réunion

nous permette d'y consacrer tout un exposé, et de tenter du même coup d'inventer

peut­être des solutions aux difficultés réelles que ces espèces particulières de

terminologies causent aux traducteurs littéraires.

Monique LEGROS­CHAPUIS

Directrice du Programme deformation des traducteurs

El Colegio de México

Camino al Ajusco N° 20

CF. 01000

Mexico, D.F. MEXIQUE

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La terminologie en traduction technique: apports et limites

Christine Durieux

Sommaire

Définitions La théorie interprétative de la traduction Apports de la terminologie Limites Conclusion Résumé

Définitions

Pour mieux circonscrire la place de la terminologie dans la traduction technique, il convient tout d'abord de définir ces deux entités: terminologie et tra­duction technique.

Dans notre propos, le terme terminologie désigne non pas la discipline, c'est-à-dire l'étude systématique du vocabulaire, mais la matière elle-même, au sens où l'entend Robert Galisson dans son Dictionnaire de didactique des langues:

Ensemble des termes qui renvoient aux concepts et objets afférents à un domaine particulier de connaissance ou d'activité humaine.

De même, le terme traduction peut désigner l'action de traduire et le produit de cette action. Ici, nous parlerons de traduction au sens de l'opération traduisante, la traduction technique étant l'opération traduisante appliquée à des textes dont le contenu présente un caractère informatif technique ou scientifique.

Dans le contexte de la traduction technique, selon la forme que l'on confère à l'opération traduisante, le rôle de la terminologie se trouve prépondérant ou au contraire auxiliaire.

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De fait, deux théories principales s'opposent. La théorie contrastive de la traduction et la théorie interprétative de la traduction.

La première postule que la traduction est la mise en regard de codes linguistiques. Elle reconnaît l'irréductibilité des langues à des schémas superposables et admet la spécificité des visions du monde mais, appliquée à la traduction de textes techniques, elle avance que les termes propres à une langue de spécialité sont essentiellement monoréférentiels et, en conséquence, fait de l'adoption des correspondances pré-établies le fondement-même de la méthode de travail. La terminologie, au sens où nous l'avons définie, joue donc ici un rôle clé dans la production de traductions.

La seconde présente l'opération traduisante comme une démarche articulée en deux temps majeurs - la compréhension et la réexpression - séparés par une phase de déverbalisation. A aucun moment les deux langues - de départ et d'arrivée - n'entrent en contact. En effet, la phase de compréhension qui prend appui sur le texte original et sollicite la mobilisation de connaissances thématiques connexes pour permettre la reconstruction du sens du texte à traduire débouche sur un stade alingue. Cette étape de déverbalisation correspond à la formation d'une image mentale. En quelque sorte, cette image n'a pas de légende. C'est cette image que le traducteur doit exprimer dans la langue d'arrivée, indépendamment de la formulation du texte original qui en a suscité la formation. A ce moment de l'opération traduisante, le traducteur se fonde exclusivement sur l'image qu'il a en tête pour produire le texte d'arrivée, sans plus tenir compte du substrat linguistique original de l'image.

Il est clair que l'adoption systématique de correspondances pré-établies ne cadre pas dans cette démarche, puisque la phase de déverbalisation, c'est-à-dire la formation de l'image mentale, s'interpose entre les deux codes linguistiques, empêchant le transcodage direct.

La théorie interprétative de la traduction

La théorie interprétative de la traduction, qui implique de mener à terme l'effort de compréhension avant même d'envisager tout passage dans la langue d'arrivée, est sous-jacente à tous mes travaux et, par conséquent, à ma conception de la relation entre terminologie et traduction.

La terminologie, c'est-à-dire la matière terminologique, est un outil au service de la traduction. Le traducteur manie cet outil à sa guise, en prend connaissance et décide en fin de compte d'adopter une correspondance répertoriée ou de créer une équivalence nouvelle. En aucun cas, l'existence d'une correspondance ne s'impose au traducteur. Celui-ci garde son libre arbitre, même en présence de termes «très» techniques - c'est-

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à-dire propres à une langue de spécialité très éloignée de la langue courante - généralement qualifiée de monoréférentiels. Par exemple, on peut écrire le jeu d'équation suivant:

semiconductors = semiconducteurs computers = ordinateurs

Ces correspondances sont répertoriées, couramment reconnues comme valables, et il n ' est pas question de les contester en tant que telles. C ' est leur utilité pour la traduction qui est contestable, ou plutôt sujet à débat.

Dans un rapport d'une organisation internationale traitant de l'incidence du changement structurel sur la performance économique, on peut lire:

High growth industries tend to be those with a large initial base and moderate or strong growth (the service sectors), or smaller industries with very rapid growth (semiconductors and computers).

On trouve entre parenthèses les termes semiconductors et computers en dehors de tout environnement syntagmatique. Or, il ne suffit pas de les remplacer par leur correspondance en français pour rendre clairement le sens de cette phrase. Il convient de s'interroger: quelles réalités sont désignées par ces termes? La réponse à cette question se concrétise par la formation d'une image mentale. Les réalités désignées ici ne sont pas des objets - semiconducteurs et ordinateurs -ni même des composants (semiconducteurs) par rapport à des machines construites (ordinateurs). Il s'agit de secteurs d'activité, au demeurant caractérisés par une croissance rapide. En français, le secteur industriel concerné par la fabrication de semiconducteurs s'appelle la microélectronique et le secteur industriel concerné par la construction d'ordinateurs s'appelle Y informatique. Ce sont donc ces deux termes qu'il y a lieu de faire figurer entre parenthèses dans la traduction française.

La traduction exige la création d'une équivalence valable hic et nunc et non l'adoption aveugle de correspondances pré-établies censées avoir une validité universelle. Cette démarche ne remet nullement en cause les correspondances qui restent exactes au niveau de la langue. L'équivalence ainsi créée ne vaut qu'au niveau du discours, dans la dynamique d'un texte particulier, et n'a qu'une portée ponctuelle.

Apports de la terminologie

Sur le plan théorique, toujours selon Robert Galisson «chaque science, chaque discipline, chaque technique se définit par une terminologie particulière, conditionnée par la spécificité de son objet, de son point de vue et de ses finalités».

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A l'intérieur de l'ensemble que constitue une terminologie, chaque terme désigne une réalité bien définie et possède donc un contenu précis. Cette rigueur des désignations rend possible une communication efficace dans le domaine spécialisé concerné.

L'emploi - et la reconnaissance - du terme juste est le garant d'une bonne transmission tout au long de la chaîne de communication, sans solution de continuité. A cet égard, la terminologie est le support indispensable qui permet de véhiculer sans ambiguïté le vouloir-dire dans un domaine de spécialité - scientifique, technique, professionnel ou social - et de le faire comprendre.

Après l'efficacité de la communication, l'autre apport majeur de la terminologie est la concision. L'avantage de la concision est double: d'abord, une économie dans l'expression puisque l'emploi de termes précis et bien définis épargne des explica­tions longues et le recours à des paraphrases qui alourdissent le discours et nuisent à sa lisibilité; ensuite, la clarté du message avec la possibilité de le formuler en produisantun maximum d'information etun minimumde bruit susceptibled'opacifier l'information.

Sur le plan pratique, pour l'exécution de traductions, l'existence d'une terminologie dans la langue de départ et dans la langue d'arrivée fournit une porte d'entrée pour mener à bien une recherche documentaire et terminologique. En effet, comme traduire, c'est comprendre pour faire comprendre, pour le traducteur la recherche terminologique se présente aussi en deux volets: recherche de définitions pour comprendre, puis recherche de dénominations pour faire comprendre. La profusion de glossaires bilingues existants ne permet pas d'échapper à cette double démarche, comme le montre l'exemple suivant:

The atmosphere is in many ways an extension of the biosphere... On a scale of a few decades, the atmosphere is coupled to the biosphere, to soils and to the upper layers of the ocean. On longer time scales, it is coupled to the deep sea and to the sediments.

Cet énoncé, extraitd'un rapport sur les mutations climatiques, comporte de nombreux termes qui appartiennent au vocabulaire des sciences de la nature. Leur emploi permet une formulation concise et efficace. Mais pour la traduction, il ne suffit pas de savoir que:

atmosphere = atmosphère biosphere = biosphère

En effet, l'adoption de ces correspondances terme à terme donnerait à peu près ceci:

A bien des égards, l'atmosphère est le prolongement de la biosphère... Sur quelques dizaines d'années, l'atmosphère est liée à la biosphère, aux sols et aux couches supérieures de l'océan. A plus long terme, elle est liée aux profondeurs marines et aux sédiments.

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Or, cet énoncé en français avec ses deux enumerations revient à dire implicitement que les sols, les couches supérieures et profondes des océans ainsi que les sédiments ne fontpas partie de la biosphère. En est-on sûr? A propos, qu'est-ce que la biosphère?

Avant d'avoir besoin de connaître les dénominations en langue d'arrivée des réalités désignées, le traducteur a besoin de cerner ces réalités, d'en délimiter la surface notionnelle. Dans l'exemple ci-dessus, il faut déterminer ce qu'est exactement la biosphère. Concrètement, cela revient à savoir tracer deux lignes: où commence et où finit la biosphère.

A priori, la définition donnée par un dictionnaire unilingue devrait répondre à ce souci. En fait, le dictionnaire Le Robert fournit une définition apparemment restrictive qui peut étonner et faire naître un doute.

Ensemble des organismes vivants, animaux et végétaux, qui se développent à la surface du globe terrestre.

On peut en effet comprendre «... à la surface du globe terrestre» comme excluant les poissons et les algues. Le Petit Larousse est encore moins explicite:

Couche idéale que forme autour de l'écorce terrestre l'ensemble de êtres vivants.

Certes, il faut probablement interpréter idéale au sens de théorique, mais on ne sait toujours pas ce qu'englobe exactement la biosphère. On peut fonder davantage d'espoirs sur le Grand Larousse Encyclopédique, mais on sera déçu de lire:

Nom donné à la partie de la sphère terrestre où se manifeste la vie. Dans les régions émergées, la biosphère n'est guère qu'une pellicule, ni l'air ni les roches souterraines ne constituent un milieu favorable aux êtres vivants. Dans les eaux, par contre, on rencontre des animaux jusqu'aux plus grandes profondeurs.

L'explication est floue. Cette fois, on comprend que toute l'hydrosphère jusqu'aux plus grandes fosses abyssales fait partie de la biosphère, et on commence à savoir que le trait inférieur figurant la limite de la biosphère suivra la ligne des fonds marins. Mais où faire passer la limite dans les régions émergées? Et que faire des oiseaux et des insectes volants. La consultation de l'Encyclopaedia Universalis va apporter un éclairage plus précis:

La biosphère a été définie par J.-B. Lamarck comme constituée par la masse globale des organismes. La définition de Lamarck, qui prend en considération la nature vivante de la biosphère, sa localisation et son caractère discontinu, n'est pas universellement acceptée. Certaine englobent dans la biosphère non seulement l'ensemble des êtres vivants, mais aussi les diverses parties de l'écorce terrestre (lithosphère, hydrosphère et atmosphère) qui servent de milieu à la vie.

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Toutefois, on ne sait pas encore comment délimiter la biosphère. On aura la certitude d'avoir compris ce qu'est la biosphère quand on sera en mesure de tracer deux traits: celui qui indique où commence et celui qui indique où finit la biosphère.

La consultation de l'Encyclopaedia Britannica va enfin permettre de lever toute ambiguïté:

The biosphere denotes organic nature as a whole and consists of plants, animals and microorganisms. It occupies the lower part of the troposphere, up to the height of approximately S km, probably the whole of the hydrosphere, and a thin layer on the lithosphère, with a lower limit at a depth of approximately 2 km.

Là, on comprend que la biosphère va de la cime des plus hauts arbres jusqu'aux fonds abyssaux; mais dans les roches, la biosphère, c'est-à-dire, toute vie, s'arrête à une profondeur nettement moindre: il suffit alors de faire remonter le trait inférieur.

Une fois que l'on sait avec certitude que la biosphère englobe l'ensemble des êtres vivants et leur milieu naturel, on peut traduire avec confiance le passage donné ici en exemple:

On a scale of a few decades, the atmosphere is coupled to the biosphere, to soils and to the upper layers of the ocean. On longer time scales, it is coupled to the deep sea and to the sediments.

A court terme, sur quelques dizaines d'années, les échanges entre l'atmosphère et la biosphère intéressent les sols et les couches superficielles des océans. A plus long terme, ces échanges concernent les grands fonds marins et les sédi­ments.

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Il est clair que les problèmes majeurs qui se posent au traducteur sont d'ordre notionnel. C'est la compréhension des objets et des concepts auxquels renvoient les termes utilisés dans le texte original qui permet d'exécuter la traduction. L'existence d'une terminologie spécifique facilite cette compréhension en offrant des portes d'entrée pour une recherche documentaire. L'utilité de la terminologie n'est pas d'apporter des solutions fermées en imposant des correspondances obligatoires, c'est au contraire d'apporter des suggestions ouvertes de termes susceptibles de servir de points de départ à une recherche documentaire, elle-même de nature à fournir la terminologie pertinente.

Limites

On constate que la mise en regard de la terminologie anglaise et de la terminologie française des sciences de la nature ne suffit pas à mener à bien l'opération traduisante. Cette dernière exige en effet un traitement mental de l'information. Soit dit en passant, cette remarque est d'ailleurs lourde de conséquences pour les travaux sur l'automa­tisation - totale ou partielle - de la traduction, qui se fondent sur la substitution d'éléments du lexique de la langue d'arrivée à des éléments du lexique de la langue de départ.

Les expériences menées jusqu'à présent prouvent bien la part de traitement de l'information que comporte l'opération traduisante. L'exemple suivant, extrait d'un rapport sur les échanges électroniques de données, en est une bonne illustration:

In almost all cases, communication takes place over private networks, although some payment services permit dial-up access.

On peut trouver dans un dictionnaire bilingue spécialisé dans le domaine des télécommunications la correspondance:

to dial-up = composer un numéro sur un cadran.

On constate d'emblée que l'existence d'une correspondance pré-établie ne permet pas pour autant d'effectuer une traduction. Cette donnée n'est même guère utile en l'absence de connaissances complémentaires. Il faut en effet comprendre que dans cet énoncé dial-up access s'oppose à private networks et désigne un autre support d'acheminement des communications. Or, le réseau auquel on accède à partir d'un poste téléphonique sur lequel on compose normalement un numéro, c'est le réseau téléphonique public commuté couramment appelé réseau téléphonique commuté ou RTC. Déjà, à partir de dial-up access il a fallu une opération de traitement mental de l'information pour parvenir à la formation de l'image du réseau téléphonique courant. Cette opération a nécessité l'intervention d ' un savoir autre que linguistique et terminologique. Il a fallu se représenter les réalités et suivre tout un raisonnement. Il va falloir ensuite poursuivre ce même type de raisonnement pour aboutir au choix

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de la dénomination à inclure dans la traduction. En effet, réseau téléphonique commuté (RTC) est la dénomination qui relève de la terminologie homologuée des télécommunications. Mais ici, dans ce contexte unique, cette même réalité - le réseau téléphonique courant - est mentionnée en opposition aux réseaux privés. Pour faciliter la compréhension chez le lecteur, il paraît judicieux d'employer le terme public par opposition à privé. Malgré l'existence d'une terminologie homo­loguée, dont le traducteur a d'ailleurs connaissance, celui-ci choisira d'écrire la traduction suivante:

Dans la quasi totalité des cas, les communications se font sur des réseaux privés; toutefois, certains services de transfert de fonds peuvent utiliser le réseau téléphonique public.

On constate les limites du rôle de la terminologie dans l'exécution de traductions techniques. En effet, la difficulté majeure que présente la traduction de cet énoncé - comme beaucoup d'autres d'ailleurs - est d'ordre notionnel et non d'ordre terminologique. Le traducteur doit surtout faire intervenir ses connaissances thématiques pour reconstruire le sens de cet énoncé afin de le traduire. Les problèmes que pose la traduction technique sont majoritairement des problèmes d'appréhension de notions spécialisées et très accessoirement des problèmes d'accès aux dénominations.

Conclusion

Il est clair que la traduction technique est irréductible à la substitution d'une terminologie dans une langue à une terminologie dans une autre langue. Néanmoins, l'existence d'une terminologie dans l'une et l'autre langue est utile au traducteur. En effet, d'une part la terminologie employée à bon escient dans le texte original permet au traducteur de reconstruire le sens avec une plus grande rapidité et une plus grande précision. D'autre part, le bon usage de la terminologie dans la langue d'arrivée permet au traducteur de réexprimer ce sens de façon efficace et écono­mique.

C'est laconclusion hâtive selon laquelle la mise en regard de ces deux terminologies suffit à permettre l'exécution de traductions qui est erronée. Il est, en effet, tentant de penser que puisque chaque terme désigne une notion - objet ou concept - bien circonscrite, les terminologies sont en quelque sorte directement interchangeables entre deux langues. Mais c'est méconnaître le caractère inédit de l'expression spontanée et la structure de l'opération traduisante qui, rappelons-le, consiste à comprendre pour faire comprendre.

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Résumé

La place de la terminologie dans la traduction technique est subordonnée à une double dichotomie: d'une part, la théorie - contrastive ou interprétative - sous-jacente à la conception de la traduction et, d'autre part, les objets - appellations ou notions - mis en scène par l'outil terminologique.

La théorie contrastive fait la part belle à la terminologie en instituant comme méthode de travail l'adoption de correspondances pré-établies.

La théorie interprétative est plus circonspecte à l'égard de la place de la terminologie dans l'opération traduisante. Elle lui octroie un rôle auxiliaire et réserve au traducteur la décision finale d'adopter une correspondance ou de créer une équivalence. Par ailleurs, des listes de dénominations avec leurs correspondances censées apporter au traducteur des solutions fermées, fondées sur le principe du caractère monoréférentiel du vocabulaire technique, n Offrent en réalité que des portes d'entrée pour mener une recherche documentaire, seule garante de l'adéquation de la terminologie à utiliser.

Des outils terminologiques axés sur les notions et mettant en évidence les relations entre concepts et objets fournissent des éléments d'information de nature à permettre au traducteur de prendre des décisions mieux documentées.

La terminologie occupe une place irremplaçable dans la traduction technique puis­qu'elle offre le double avantage de l'efficacité et de l'économie dans la communication. Il convient néanmoins d'en souligner les limites. En effet, les problèmes majeurs qui se posent au traducteur technique sont d'abord d'ordre notionnel, la bi-univocité entre correspondances est un phénomène très limité même dans les langues de spécialité, et, enfin et surtout,traduire des textes techniques ce n'est pas substituer un lexique à un autre, c'est comprendre pour faire comprendre.

Christine DURIEUX Directeur adjoint

École Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris III

Centre Universitaire Dauphine F-75116 Paris

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Le traducteur face à la terminologie: consommateur ou acteur?

Michel Rochard

Sommaire 1. Introduction 2. Terminologie ou traductions de termes 3. Les informations de simple consommation 4. La terminologie conceptuelle: le traducteur-acteur

1. Introduction

Les rapports entre terminologie et traduction sont anciens et complexes, mais deux facteurs relativement récents sont venus jeter un éclairage nouveau sur la relation entre ces deux métiers: d'une part, l'irruption de l'informatique dans ces deux domaines qui permet leur interconnexion sur le poste de travail du traducteur; d'autre part, l'évolution du métier de traducteur, notamment grâce à la modernisation de la formation par les écoles de traduction.

Cela étant, je pense qu'il serait prétentieux de ma part de vouloir balayer ici l'ensemble du problème. Je préfère donc m'en tenir à la matière que je connais le mieux, à savoir la traduction et la terminologie relevant des domaines économique, monétaire et financier.

Le traducteur économique moderne vit à l'ère de la surabondance de l'information, notamment terminologique. J'en veux pour preuve les dizaines de glossaires, lexi­ques et dictionnaires queje découvre ou dont on me signale chaque année l'existence à la Banque de France.

Le traducteur réserve toujours un bon accueil à ces publications terminologiques; il adore y découvrir des termes nouveaux, trouver enfin la définition qu'il cherchait depuis des lustres et surtout, reconnaissons-le, il éprouve souvent un petit plaisir pervers à critiquer les traductions proposées par les lexiques bi- ou multilingues. Bref, si vous voulez faire plaisir à un traducteur, offrez-lui une publication terminologique!

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Pourtant, on ne peut pas dire que le traducteur réellement spécialisé dans le domaine économique utilise véritablement beaucoup ces publications terminologiques.

Cette relation étrange entre ces deux métiers, a priori complémentaires et cousins, justifie que l'on se penche sur les caractéristiques du métier de traducteur qui nous intéresse en tant que client du terminologue.

On a l'habitude de définir le métier de traducteur à partir des connaissances et savoirs: connaissances linguistiques et thématiques, maniement du style dans sa langue maternelle, maniement des outils terminologiques ou informatiques.

Cela étant, ces définitions n'évoquent pas les compétences caractéristiques du métier. Or, c'est un problème qui est souvent posé par les non-traducteurs aux traducteurs à travers la fameuse question: pourquoi faut-il être traducteur pour traduire? Un ingénieur, un économiste ou un juriste connaissant bien les langues doit pouvoir faire aussi bien l'affaire! C'est enfin un problème qui m'apparaît essentiel dans les relations entre terminologues et traducteurs, ou plus précisément entre produits terminologiques et traducteurs.

Pour résoudre ce problème, il faut donc déterminer avant toute chose ce qui fait la compétence originale du traducteur. Pour ce faire, je partirai de la notion de «noyau de compétence» telle que la définit Francis Minet, ancien responsable de formations à l'Institut de Formation de la Banque de France, qui effectue actuellement des recherches au Conservatoire National des Arts et Métiers sur cette question.

«Le noyau de compétence est l'organisation particulière des savoirs liés à une activité donnée qui est caractéristique de cette activité et en constitue la carte d'identité.»

Partant de cette définition, je dirai que «le noyau de compétence» du traducteur réside dans sa capacité:

1) de partir d'un texte ou d'un discours rédigé dans une intention précise (vouloir-dire) par un auteur donné selon une logique qui lui est propre ou qui est propre à une spécialité,

2) ce texte étant rédigé dans une langue donnée, c'est-à-dire en appliquant des règles lexicales, syntaxiques et stylistiques qui, au fil du temps et par stratification des expériences, ont fini par constituer un ensemble présentant une cohérence propre par rapport aux autres langues,

3) d'utiliser ses connaissances linguistiques et techniques pour distinguer ce qui relève de la logique de la langue de départ et de la logique de l'auteur,

4) pour réexprimer le discours dans le respect de l'intention et de la logique de l'auteur dans une autre langue (la langue maternelle du traducteur) en observant l'ensemble cohérent des règles lexicales, syntaxiques et stylistiques de la langue d'arrivée et sans céder à la tentation ou au réflexe qui consisterait, de la part du

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traducteur, à «projeter» au sens psychanalytique du terme sa propre logique dans la traduction.

Bel exercice d'équilibriste, on le voit. Mais c'est ce qui rend ce métier passionnant. En effet, quoi de plus stimulant que d'arriver à se glisser dans la peau d'un personnage jusqu'à être capable de démonter sa logique. Et c'est bien là ce qui fait la compétence propre du traducteur. Un excellent linguiste n'apas forcément cette compétence et un ingénieur ou un économiste dont les compétences techniques sont souvent bien supérieures à celles du traducteur a beaucoup plus de mal à garder la distance qui empêche toute ingérence de sa propre compétence et de sa propre logique technique dans la traduction, à rester dans le cadre de la problématique «compréhension-réexpression» d'un texte précis et à ne pas passer immédiatement à l'analyse critique et technique du texte.

C'est donc à partir du noyau de compétence du traducteur que nous examinerons les rapports entre traduction et terminologie.

2. Terminologie ou traductions de termes

A première vue, on peut penser que le traducteur va attendre du terminologue la traduction, si possible officielle, des termes techniques qu'il ne connaît pas. Cette vision des choses correspond de fait à une certaine réalité des rapports entre outils terminologiques et traducteurs, mais certainement pas à une conception saine des rapports entre terminologie et traduction.

Lorsqu'un traducteur n'a pas les connaissances et compétences nécessaires à la traduction d'un texte donné, il risque de céder à la fascination classique et effrayante qu'exerce le mot inconnu et sa lecture préalable du texte se transforme en une simple recherche du terme inconnu.

C'est pourtant la démarche inverse de celle du traducteur professionnel expérimenté. Si ce dernier lit préalablement son texte, c'est pour en avoir une vision d'ensemble. En effet, replacés dans la logique du texte et le contexte cognitif, les termes apparaissent de façon beaucoup plus banale: leur sens s'impose de lui-même, ils ne peuvent pas vouloir dire autre chose que ce que la logique et le contexte dictent au traducteur. Le travail sur les termes devient vite un simple travail de vérification.

Ces deux démarches radicalement différentes illustrent la ligne de partage entre les besoins spontanés des «amateurs» et ceux des professionnels. En effet, dans le premier cas, l'absence de connaissances empêche le traducteur de mettre en action son noyau de compétence et de contourner la difficulté apparente du terme technique par une démarche logique. D'où la recherchede solutions toutes faites. Dans lesecond

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cas, l'entrée en action du noyau de compétence du traducteur va le pousser à rechercher spontanément la solution qui «collera» avec l'environnement logique et non pas linguistique du terme.

Si le terminologue conçoit son produit terminologique pour servir les besoins spontanés du traducteur, il a de fortes chances de remporter un vif succès. Rien de plus rassurant en effet que l'outil qui vous apporte une solution bien ficelée à votre problème. Malheureusement, c'est un leurre. Ladite solution sera en effet efficace une fois, cinq fois, dix fois jusqu'au moment où elle sera absolument catastrophique pour la traduction.

Sans entrer dans le détail, il suffit de prendre l'exemple du concept américain de financial institution. Dans 95% des cas, il sera bel et bien utilisé dans le sens que vont donner à juste titre tous les produits terminologiques sérieux, à savoir institution fi­nancière. Mais le traducteur qui va s'appuyer sur cette traduction risque fort de commettre une grave erreur lorsqu'il l'appliquera à un texte évoquant les insurance companies aux Etats-Unis. En effet, si les compagnies d'assurance sont bel et bien des «financial institutions», ce ne sont pas pour autant des «institutions financières» pour un lecteur français averti, le concept français étant plus restrictif que le concept américain.

A partir de là, c'est sous l'angle des besoins du traducteur qu'il convient d'examiner les instruments terminologiques et notamment les bases de données terminologiques.

C'est d'ailleurs cette réflexion sur les besoins du traducteur qui a déterminé la conception de la base de données terminologiques du Service de Traduction de la Banque de France sur laquelle je travaille depuis plus de trois ans.

Cela étant, je tiens à préciser que lorsque je vais évoquer les besoins réels du traducteur et définir les critères auxquels un outil terminologique doit répondre pour satisfaire ces besoins, je n'exclus pas que ces outils cherchent également à satisfaire les besoins d'autres utilisateurs, linguistes, spécialistes, etc. Mais je crois qu'il faut bien savoir ce qui, en matière de terminologie, est réellement utile au traducteur et ce qui est au contraire superflu, compte tenu des connaissances et des compétences que doit normalement posséder le traducteur. Je distinguerai donc entre les informations qui tendent à faire du traducteur un simple consommateur et celles qui en font un acteur de la réflexion terminologique.

3. Les informations de simple consommation

Au risque de choquer certains de mes auditeurs, je dirai tout d'abord que toutes les indications grammaticales font partie du superflu pour le traducteur. Les langues et

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leur fonctionnement font partie des connaissances acquises, mais elles n'entrent pas en soi dans les préoccupations conscientes du traducteur au cours de son travail. La connaissance, même passive, de la langue de départ, la capacité de comprendre la logique de la langue et surtout de comprendre la logique de l'auteur sont autant de facteurs qui font que les questions grammaticales ne se posent pas pour le traducteur.

Deuxième élément superflu, les illustrations de l'emploi d'un terme en contexte. Ici, la question est plus complexe. Le traducteur n'est-il pas précisément chargé de traduire les termes «en contexte»? Précisément, mais chaque contexte est unique parce qu'il est organisé en fonction du vouloir-dire de l'auteur et de sa logique. A moins de devoir traduire tous les mois le même texte, à quelques termes près, ce type d'illustration ne correspond donc pas à un besoin du traducteur. Pire, il risque de nuire à la créativité du traducteur en l'incitant à reproduire ce qui a déjà été fait par d'autres ou par lui-même dans d'autres circonstances, voire à adapter sa propre expression pour reproduire artificiellement le contexte qui permettra de réutiliser le terme indiqué dans l'illustration. C'est la raison pour laquelle je ne peux être favorable aux dispositifs automatiques qui permettent de projeter une traduction de terme dans le traitement de texte. C'est l'un des mécanismes favoris de la TAO (traduction assistée par ordinateur), mais ce n'est certainement pas un gage de qualité de la traduction.

En revanche, tout ce qui permet des connexions automatiques et rapides à l'intérieur de la base de données me paraît infiniment plus intéressant, comme nous le verrons.

Si je voulais céder à mon goût naturel pour la provocation, je dirai que la traduction proprement dite des termes est superflue dans un instrument terminologique. Cela étant, je me contenterai de penser qu'il faut concevoir les traductions de termes fournies par les instruments terminologiques, non pas comme l'expression d'une vérité absolue, mais comme une simple «proposition» de traduction que le traducteur peut parfaitement être amené à adapter en fonction de son contexte et de ce vouloir-dire de l'auteur qui doit rester sa boussole. Là encore, tout dogmatisme terminologi­que ne peut que nuire à la créativité du traducteur.

Si, selon moi, on peut considérer un certain nombre de rubriques ou de possibilités offertes par les instruments terminologiques comme superflues, ou à tout le moins en relativiser l'importance, c'est à la condition expresse de pouvoir s'appuyer sur d'autres éléments indispensables.

4. La terminologie conceptuelle: le traducteur-acteur

L'indispensable, c 'est tout ce qui permet de stimuler les compétences du traducteur tout en lui apportant soit les connaissances dont il a besoin à un moment précis, soit les moyens de vérifier les intuitions suscitées par ses connaissances et ses compétences.

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Ce dont tout traducteur a besoin, c'est avant tout d'oublier l'aspect linguistique de la terminologie et de s'inscrire dans la logique non linguistique de 1 ' auteur. Pour ce faire, il doit aborder les questions terminologiques sous l'angle conceptuel.

Or, un concept se caractérise avant tout par deux éléments: d'une part, son libellé linguistique (ou ses libellés linguistiques) qui permet(tent) d'identifier le concept et d'autre part, la définition de son contenu. L'un ne va pas sans l'autre, comme le montre l'exemple suivant qui porte sur deux concepts fiscaux, l'un américain, l'autre français que j 'ai extrait d'un remarquable mémoire terminologique sur la réforme fiscale américaine, présenté à l'ESIT en mai 1991.

TAX CREDIT Dollar for dollar reduction in the amount of lax that a taxpayer owes. Unlike deductions or exemptions, which reduce the amount of income subject to tax, a credit reduces the actual amount of tax owed. The availability of tax credits was curtailed by the Tax Reform Act of 1986. (J.P.Friedman: Dictionary of Business Terms. Barron's.New York, 1987)

CREDIT D'IMPOT Créance sur le Trésor à raison d'une opération effectuée dans le cadre d'une disposition fiscale particulière. (...) Les personnes percevant des revenus de capitaux mobiliers ayant supporté la retenue à la source, les personnes ayant ouvert un plan d'épargne retraite et effectuant des retraits sur ce compte peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt. (Dictionnaire fiduciaire fiscal 1991, La Villeguérin Editions. Paris, mars 1991)

On voit ici que les libellés sont équivalents en langue, mais que les définitions révèlent des concepts très différents, puisque le tax credit n'est certainement pas un crédit d'impôt, mais une réduction d'impôt sur le revenu, tandis que le crédit d'impôt est proche d'un advance tax payment.

Le troisième élément indispensable est la source de la définition et sa date. La source est un gage de fiabilité de la traduction. Si vous utilisez une fiche terminologique sur le taux des prises en pension de 5 à 10 jours en France dont la définition émane de la Banque de France, vous avez toutes les chances de vous appuyer sur une définition fiable. La date de la source est également indispensable, car les concepts peuvent évoluer. J'en veux pour preuve le cas des concepts de prime rate aux Etats-Unis et du taux de base bancaire en France, concepts entre lesquels la plupart des journalistes tirent un trait d'égalité.

Lorsque je suis entré à la Banque de France, le prime rate correspondait à la définition suivante:

PRIME RATE The quoted rate that banks charge their «best» low-risk business loan borrowers. (US Congress, A Reference Guide to Banking and Finance, Washington, Congressional Research Service, 1982)

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A la même époque, le taux de base bancaire français était un taux de référence qui n'avait rien à voir avec un taux de marché déterminé librement par chaque banque. Il s'agissait beaucoup plus d'un taux fixé de façon concertée par les banques sous l'oeil du Trésor.

Aujourd'hui, non seulement, le taux de base est déterminé librement par chaque banque, mais encore il est censé fixer le coût du crédit pour les meilleures signatures. On peut donc dire que le concept français s'est rapproché du concept américain.

Il y a dix ans, il convenait donc de marquer la différence entre les deux concepts, par exemple en traduisant la notion deprime rate par taux débiteur privilégié. Aujourd 'hui, on pourrait théoriquement traduire prime rate par taux de base. Toutefois, le taux de base reste beaucoup plus théorique que le prime rate.

Voilà des éléments absolument déterminants pour la traduction. En effet, la différence de concept peut justifier dans certains cas une différence de traduction. On pourra ainsi maintenir la traduction taux débiteur privilégié lorsqu 'il s'agira, en contexte^ de marquer la différence entre les deux concepts et utiliser la traduction taux de base lorsqu'il s'agira de marquer leur caractéristique commune de taux bancaire de référence, par opposition par exemple aux taux directeurs d'une banque centrale.

Mais le plus curieux, c'est que si le taux de base a évolué vers le prime rate, le prime rate a commencé à évoluer lui-même en sens inverse, puisque ce taux est de moins en moins pratiqué par les banques américaines. En fait, les deux concepts pourraient bien se croiser un jour.

Cet exemple montre toute l'utilité des renvois à d'autres concepts, dans la même langue comme dans la langue étrangère. En permettant au traducteur de comparer les concepts entre eux, ces renvois l'amènent en effet à réfléchir au contenu des concepts et à leur utilisation en contexte par l'auteur. Et dans ce domaine, les possibilités de renvois automatiques et de fenêtrage offertes par les bases de données terminologiques sont extrêmement intéressantes.

En résumé, on peut dire que le traducteur a avant tout besoin d'une approche de la terminologie par les concepts,plusquede considérations linguistiques. Celam'amène, en guise de conclusion, à lancer un appel aux terminologues: l'essentiel n'est pas d'apporter aux traducteurs des «fiches terminologiques» qui vont permettre d'assi­miler différents termes entre différentes langues. (Ce n'est pas parce qu'une base de données terminologiques présente de nombreuses fiches dites «orphelines» qu'elle est de mauvaise qualité). En revanche, tout ce qui permet au traducteur de voir ce qui rapproche deux concepts et ce qui les sépare favorise la réflexion logique du traducteur et la précision de sa traduction en contexte. C'est cela qui stimule les compétences et la créativité du traducteur et qui peut en faire, non plus un simple

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consommateur de terminologie, mais un acteur et un interlocuteur valable pour les spécialistes du domaine et pour les terminologues.

BIBLIOGRAPHIE

Banque de France, Dictionnaire économique de l'Anglais et du Français, vol. 1 (Le système bancaire : institutions financières, activités et dépôt bancaires, surveillance bancaire), Paris, Economica, 1992

Banque de France, Dictionnaire économique de l'Anglais et du Français, vol. 2 (Le crédit ; les taux d'intérêt), Paris, Economica (à paraître en novembre 1992)

Banque de France, Les principaux taux d'intérêt sur les marchés internes de capitaux, Paris, Note d'information n° 70, mars 1987

Centre Jacques AMYOT, Société Française des Traducteurs, Le Traducteur, Paris, 1988 Centre Jacques AMYOT, Le Terminologue, Paris, 1988 Commission des Communautés européennes, Terminologie et Traduction, n° 3, Luxembourg, 1990 F.MDMET, L'Analyse du travail, préalable à la formation, Paris, Conservatoire National des Arts et

Métiers (à paraître en décembre 1992) M.ROCHARD, A propos de la terminologie des méthodes d'adjudication, Paris, Revue Banque,

juillet-aoûtl991 I.TAUDIERE, La fiscalité des ménages après la réforme de 1986, mémoire terminologique, Paris,

ESIT, mai 1991 US Congress, A Reference Guide to Banking and Finance, Washington, Congressional Research

Service, 1982

Michel ROCH ARD Traducteur-réviseur

Service de traduction Banque de France

39, rue Croix des Petits Champs F-75049 Paris Cedex 01

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Termes spécialisés: équivalences dynamiques ou de transcodage?

Milada Hanâkovâ

La traduction et l'interprétation que l'on enseigne à l'Université de Prague depuis une trentaine d'années déjà, connaît une pratique un peu différente de celle des grandes écoles analogues en Europe occidentale. En effet, les restrictions imposées, au cours de plusieurs décennies, à la libre circulation des personnes et des idées, ont fini par marquer chez nous deux tendances bien nettes. La première a intégré l'étude contrastive des langues étrangères au sein des études traductologiques. Nous prêtons, dès lors, beaucoup d'attention à ce qu'on appelle «linguistique de la traduction».

La deuxième tendance a été de cultiver, avec la traduction technique, la traduction littéraire, les deux genres d' activités traduisantes étant pris pour deux applications différentes d'un même processus. Cela nous a mené à jeter les fondements de l'approche traductologique de l'histoire littéraire.

La linguistique de la traduction nous aidait à faire face, tant bien que mal, à un manque chronique d'instruments professionnels, comme parfois de simples dictionnaires bilingues. L'approche traductologique de l'histoire littéraire nous permettait de renouer avec nos propres traditions puisqu'elle reflète le rôle que joue dans notre contexte culturel la lecture massive de la littérature étrangère.

Un tel développement aurait pu ouvrir de nouveaux horizons à la théorie de la traduction. Mais il a, hélas, freiné la traduction technique: son importance était sensiblement sous-estimée non seulement par les autorités et l'opinion publique, mais aussi par certains spécialistes. Or, cette stagnation est d'autant plus regrettable qu'elle a entraîné l'abandon d'études terminologiques si fructueusement inspirées autrefois par la célèbre Ecole linguistique de Prague d'avant-guerre. C'est sans doute suite à cette dégradation que sont apparues des tendances à banaliser le travail des traduc­teurs techniques par rapport à celui des traducteurs littéraires en effet. Ceux qui soutiennent un tel point de vue se réfèrent à la transcodabilité des termes qui priverait l'opération traduisante en traduction technique de son caractère créateur.

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Dans ce contexte, rappelons que toute traduction, si technique soit­elle, est basée avant tout sur l'art de choisir des équivalents propres à retrouver le sens véhiculé par le texte de départ, donc sur celui de créer. Et cela vaut non seulement pour la composante non­terminologique d'un texte spécialisé, mais aussi dans une certaine mesure, pour les termes techniques: là souvent, la simple connaissance des correspon­dances linguistiques pré­établies et prises hors­contexte ne garantit pas la justesse de leur utilisation dans un contexte donné. En effet, un terme technique, s'il n'est pas porteur d'une notion empruntée ou internationalisée, est forcément tributaire de l'interaction du système linguistique et de la manière de penser, comme toute autre unité lexicale. D'ailleurs, les empreintes d'une telle interaction sur la formation de notions techniques elle­même, sur leur interprétation, etc. peuvent donner une réponse à la question qu'il faut se poser: pourquoi certains termes techniques, parfaitement transcodages tels quels, cessent de l'être dès qu 'ils sont utilisés dans un contexte?

Prenons, par exemple, un terme fort banal, l'adjectif national et son équivalent de transcodage tchèque «národní». La structure notionnelle du premier est effectivement porteuse des différences virtuelles, l'équivalent tchèque, toujours bien motivé par le verbe dont il est dérivé, accentuant plutôt le côté ethnique de la chose. C'est pourquoi si le simple transcodage est possible dans les contextes où l'on parle de «plats», de «costumes» ou d'un «caractère» national, il ne l'est point lorsqu'il s'agit du «terri­toire», de la «fête» ou même de Γ »hymne» national. Dans ce cas, un traducteur bien renseigné aurait à proposer un équivalent dynamique qui respecte non seulement les spécificités de la langue, mais aussi celles de la société. S'il rattache le «territoire», la «fête» ou l'«hymne» non plus à une nation (que l'on identifie souvent, en Tchécoslovaquie, à une ethnie), mais à un Etat, il ne touchera assurémentpas ceux qui aspirent à l'autodétermination.

L'interprétation plutôt ethnique que connaît aujourd'hui l'équivalent de transcodage tchèque de l'adjectif «national» a déteint sur celle de son dérivé substantival. Cette considération permet d'éclairer certaines pratiques administratives sous un jour nouveau. Dans un formulaire français, par exemple, seule une case établit l'appar­tenance à ce que l'on appelle une nation, celle de nationalité. Un citoyen français la remplit pour se déclarer membre d'une communauté civique: il est donc Français indépendamment de ses origines ethniques. Un citoyen tchécoslovaque procède différemment: en remplissant la case de «nationalité» il indique son appartenance à une communauté ethnique et se déclare Tchèque, Slovaque, Ukrainien, etc. Pour établir son appartenance civique, les autorités ont besoin d'une case supplémentaire, celle de «citoyenneté». Ainsi, en tchèque, les différences entre «nationalité» et «citoyenneté» sont encore très effectives.

De plus, la structure notionnelle de «národní», équivalent tchèque de l'adjectif «national», est marquée par le régime politique qu 'a connu le pays entre 1948 et 1989.

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Dans un tel environnement, la ressemblance formelle entre le tchèque et le russe a facilité le glissement du sens de ce terme vers «populaire», «issu du peuple». Ainsi, avions-nous des artistes qui obtenaient le titre d'«artistes nationaux» s'ils étaient considérés comme dignes de la reconnaissance populaire. De même, nous n'avions plus de mairies, mais des «comités nationaux». Ces termes, autant que leur traduction française, étaient de purs produits d'un transcodage irréfléchi, d'une soi-disant traduction, réduite en réalité à une simple opération mécanique. L'aspect un peu bizarre de tels termes frappe encore plus dès qu'ils sont employés dans un contexte: pour désigner, par exemple, différents degrés des «comités nationaux», l'on partait des «comités nationaux communaux» jusqu'aux «comités nationaux régionaux». Le transcodage irréfléchi du terme tchèque crée, dans ce cas, une incompatibilité sémantique entre «national» d'une part et «communal», voire «régional» de l'autre.

Ainsi, les expressions appelées à désigner des concepts précis et considérés souvent, de ce fait, comme facilement transcodages, tels les termes techniques ou spécialisés, ne le sont pas toujours à cause des différences éventuelles entre les structures notionnelles des «équivalents» terminologiques. De plus, ces derniers peuvent être actualisées de telle manière qu'elles entraînent une modification non pas de la composante terminologique elle-même, mais exclusivement de la composante non-terminologique.

Prenons, cette fois, un exemple relevant de la géologie. Pour évoquer l'histoire géologique, le déplacement des continents notamment, l'on dit, en français, que certains d'entre eux «sont passés sous le pôle sud» ou «au-dessous du pôle». Dans ce contexte, le traducteur tchèque, tout en utilisant l'équivalent de transcodage («pòi»), est obligé de modifier la préposition, suite, justement, aux différences d'approche de la notion désignée par «pôle». En effet, en français, ce demier désigne chacune des deux extrémités de l'axe imaginaire de la sphère céleste. Nous sommes donc bien dans le cadre de la communication sur le plan de l'entendement. Par contre, en tchèque, où la communication se fait sur le plan du réel, le pôle représente en premier lieu le point d'intersection de l'axe imaginaire et du globe terrestre, et donc les continents passent «par-dessus du pôle» («pres pòi»).

Certes, dans le cas cité le transcodage mécanique risque d'altérer le style, puisqu'il ignore les modifications à faire dans la composante non-terminologique. Cependant, une telle ignorance pourrait aboutir aux confusions sérieuses, signes des lacunes dans la préparation thématique du traducteur. Faisant toujours appel à la géologie, essayons de traduire cette phrase, banale au premier abord:

«Les cristaux d''andalousite sont transformés en phyllites».

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Page 118: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Le traducteur non renseigné sur les problèmes géologiques pourrait ne pas remarquer la polysémie de la préposition et tomber dans le piège d'un transcodage facile. Il aboutirait à l'interprétation suivante:

«Les cristaux d'andalousite deviennent phylûtes». y w r J

(«Krystaly andaluzitu jsou premenovány vefylity») Linguistiquement parlant, une telle interprétation serait fort possible, alors qu'elle est tout à fait erronée du point de vue géologique. Puisqu'une andalousite ne peut jamais devenir phyllite, il n'y a qu'une seule interprétation valable:

«Les cristaux d'andalousite sont transformés au sein des phyllites.» («Krystaly andaluzitu jsou premenovány vefylitech»)

En français, le déchiffrement correct du sens est reporté, grâce à la polysémie de la préposition, sur le récepteur du message. C'est aussi l'un des aspects de la commu­nication sur le plan de l'entendement. Le tchèque, orienté plutôt vers la communication sur le plan du réel, ne permet pas au traducteur d'en faire autant. C'est lui qui doit trancher entre les deux éventualités en proposant au récepteur du message une solution libre d'équivoque.

Nul doute: l'existence des équivalents terminologiques transcodables hors-contexte n'est donc souvent qu'un point de départ pour les recherches des correspondances correctes sur le plan du texte. Il est vrai, et l'expérience des traducteurs le confirme, que certains textes acceptent le simple transcodage des termes spécialisés un peu plus aisément que d'autres. Ce sont surtout les textes relevant des sciences exactes, techniques, etc. où les termes désignent très souvent des concepts et des choses que nous percevons grâce aux procédés empiriques ou qui sont consacrés par notre expérience. De telles notions, bien délimitées en soi, indépendamment des différences d'approches linguistiques et logiques, s'internationalisent assez facilement, souvent même avec les formes lexicales correspondantes: la «télévision» reste telle quelle dans la plupart des langues européennes. Dans celles qui ne sont pas si prêtes à emprunter des formes lexicales aux langues étrangères, la motivation des formes autochtones reste soit comparable à celle des internationalismes correspondants (cf Fernsehen) soit un peu différente, sans toutefois modifier la structure notionnelle de la chose (cf radiodiffusion - Rundfunk). Le transcodage, même au niveau de l'intro­duction du terme dans le texte, est alors fort probable.

Les sciences faisant appel aux termes porteurs de notions délimitées plutôt grâce à la réflexion rendent le transcodage terminologique beaucoup plus problématique, comme nous l'avons vu, non seulement pour les sciences humaines, mais également pour certaines sciences naturelles. La géologie, par exemple, où l'on dérive beaucoup de notions à partir des choses pouvant faire l'objet des approches linguistiques et logiques un peu différentes, en fournit assez d'arguments convaincants:

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Page 119: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Ce sont les différences d'articulations logiques de certaines notions qui empêchent le

traducteur de procéder par le simple transcodage dans le cas de la croûte ou Yécorce

terrestre, de la couche externe ou extérieure du globe, de la désagrégation,

désintégration, décomposition, altération ou érosion des roches, etc. Même s'il s'agit

en principe des synonymes terminologiques pour lesquels le tchèque ne connaît qu'un

seul équivalent, les différences virtuelles entre leurs structures notionnelles risquent

toujours de s'actualiser en fonction du contexte. Les termes ne sont donc ni

parfaitement interchangeables, ni parfaitement transcodables. Ainsi, dit­on juste­

ment:

«Une partie de ce magma, à la suite des mouvements de la croûte terrestre, remonte

par des fissures dans les couches moins profondes de Yécorce», croûte évoquant dans

ce cas l'idée de la partie superficielle du globe, écorce celle d'une certaine épaisseur.

Dans le texte de départ tchèque, il n'y a qu'un seul équivalent pour les deux

éventualités:

«Protoze zemská kuraje neustále ν pohybu, proniká cast magmatu do vyssich vrstev zemské kury».

Pourtant, en traduisant, on se heurte aussi aux différences, imposées parles systèmes

lexicaux, qui entraînent des divergeances sémantiques. En tchèque, l'équivalent

naturel du terme français «couverture» (de glace) est un équivalent de transcodage

(«pokryv»), issu du même genre de formation lexicale: dérivé déverbatif dont la

motivation accentue la fonction de la chose. Le français pourtant, s'il a besoin

d'évoquer non seulement la fonction, mais encore d'autres aspects de cette couverture

tels que sa forme, son extension, etc., a plus volontiers recours à la formation

métaphorique, assez réduite en tchèque. Ainsi obtient­on «un manteau de glace»,

«une nappe de glace», «une coupole de glace», «une calotte de glace». Le traducteur

tchèque disposant des outils lexicaux peu comparables à ces métaphores termino­

logiques traduit par l'équivalent de transcodage, si l'évocation de la forme n'est pas

pertinente. Dans le cas contraire, il a recours à une périphrase:

«Recouvert alors d'une calotte de glace, le Sahara était semblable à l'Antarctique». («Tehdejsi Sahara se svym ledovym pokryvem podobala Antarktide»)

«C'est entre autres au sein de ces dépôts qu'ont été trouvées les traces d'une ancienne coupole de glace d'extension continentale».

V V , V

(«V techto usazeninách se mimo jiné nasly stopy starého ledového pokryvu, ktery se ν podobe jakési kupole rozkládal po celém kontinentu»)

Bref, de nombreux problèmes empêchent le traducteur de se simplifier la tâche par le

simple transcodage des termes techniques. Quelles sont alors les conclusions à tirer?

La première et la plus importante c'est qu 'une transcodabilité plus accusée des termes

techniques ne devrait pas justifier une généralisation du caractère plutôt mécanique

de la traduction des textes spécialisés. Les structures notionnelles, même des termes

techniques parfaitement transcodables hors­contexte, peuvent être en effet porteuses

des différences virtuelles dues aux spécificités des approches linguistiques et logi­

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Page 120: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

quês de la chose désignée. Une fois actualisées par le contexte, ces différences

entraînent souvent non seulement l'utilisation d'une autre unité lexicale que ne l'est

l'équivalent pré­établi, mais aussi des modifications portant sur la composante non­

terminologique du texte. Le traducteur est donc obligé de chercher des équivalences

dynamiques même face à la terminologie, surtout si elle relève de domaines dont les

termes techniques désignent des notions délimitées plutôt grâce à la réflexion.

Il n ' y a donc pas de traduction sans la phase interprétative des éléments qui constituent

le texte. L'interprétation ne devrait cependant pas obéir à la pure intuition du

traducteur, mais devrait être basée, entre autres, sur sa capacité de mettre en valeur

l'approche contrastive des deux langues.

BIBLIOGRAPHIE

1. DURIEUX, C, Fondement didactique de la traduction technique, Paris, Didier 1988

2. Etudes traductologiques en hommages à Danica Seleskovitch, Paris, Minard 1990

3. HURTADO ALBIR, Α., La notion de fidélité en traduction, Paris, Didier 1990

4. LEVY, J., Umèni prekladu, Praha, Panorama 1983

5. MALBLANC, Α., Stylistique comparée du français et de l'allemand, Paris, Didier 1968

Milada HANÅKOVÅ Maître assistante

Département de traduction et d'interprétation Karlova Univerzita (KPTFF UK)

3, Hybernskâ ësFR­110 00 Praha 1

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Page 121: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Noms composés: traitement automatique, traduction

Maria Elisa Macedo

1. Introduction

Le traitement automatique des mots composés passe essentiellement par: une typologie formelle et une codification qui traduit des règles flexionnelles, celles-ci étant formulées au préalable, moyennant une analyse et une description systématique. Ce travail de base est indispensable si l'on veut envisager la mise au point d'une traduction automatique. Pour cela il suffit de se trouver une stratégie qui placera, devant chaque mot composé, une définition de type lexicographique, précédée d'une marque de niveau de langue, chaque fois que le mot composé est clairement marqué d'un caractère stylistique qui le distingue de la norme usuelle:

«lor de cotovelo> (Fam.) Déf: accès de jalousie; <0> <à queima-roupa> Déf: sans préparation, brusquement; <à brûle-pourpoint>

Dans certains cas il y aurait un mot composé équivalent, dans d ' autres il n ' y aurait que la définition.

Sans trop charger un programme d'un ordinateur, il serait peut-être utile de faire suivre la définition de quelques informations syntaxiques très simples: il suffirait d'ajouter, dans le cas <à queima-roupa> par exemple, que ce composé adverbial est généralement précédé d'un verbe de déclaration du type de dire.

Ces remarques ont un rapport étroit avec ce qu'il a été convenu d'appeler la non-compositionalité qui caractérise un nombre élevé de noms composés: leur sens ne peut pas être déduit à partir du sens des constituants. Ils sont alors difficiles à interpréter pour un utilisateur étranger, même quand celui-ci connaît le sens courant des unités lexicales intervenantes1.

1 La traduction littérale de <dor de cotovelo> serait incompréhensible: «douleur dans le coude».

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2. Il faut accepter, de prime abord, qu'il n'y a pas de définition précise et opératoire de «nom composé». Dans la littérature spécialisée nous trouvons plusieurs proposi­tions de définition; les plus traditionnelles font appel à la notion de «image unique» créée dans l'esprit des sujets parlants par l'ensemble des unités lexicales qui forment le mot composé. Or, nous avons pu vérifier qu'aux analyses de contenu il manque, presque toujours, le principe d'identité, au sens mathématique du terme. D'autre part, les définitions formelles proposées sont séduisantes, puisqu'elles reposent sur des principes syntaxiques, mais elles ne sont applicables qu'à un nombre réduit de cas. Une étude systématique et extensionnelle ne saurait s'y appuyer.

D'après notre expérience, il faut alors sérier les données de façon cohérente et organisée. Cette méthode nous a conduit à élaborer une typologie, ordonnée d'après la structure des composés, celle-ci étant basée sur la catégorie grammaticale des éléments de composition.

Nous obtenons ainsi des listages ordonnés d'après des en-têtes structuraux2: N de N traço-de-união (trait d'union) N Prep N algodão-em-rama (coton brut) N Adj guerra-fria (guerre froide) N N cavalo-vapor (cheval-vapeur) VN guarda-chuva (parapluie) V Adj fala-barato (quelqu'un qui parle à tort et à travers) V Conj V vai-e-vem (va-et-vient) V V pisca-pisca (feux clignotants) Pp Pp nado-morto (mort-né) Adv Pp recém-nascido (nouveau-né)

Gaston Gross (1988) propose un ensemble de testes qui permettent de distinguer un groupe nominal ordinaire comme: un film intéressant, formé par un nom et un adjec­tif, d'un groupe nominal de même forme mais figé, c'est-à-dire un nom composé de la forme N Adj, comme cercle vicieux.

Plus un composé a les propriétés qui caractérisent la relation entre un nom et un adjectif moins il est figé. On peut donc voir l'intérêt de ce travail lorsqu'un se propose d'emmagasiner de façon systématique un grand nombre de N A dj figés ou semi-figés, d'autant plus que la technologie actuelle et les mass-média nous en offrent, chaque jour, un choix appréciable. En ce qui concerne les mots composés techniques, les terminologues sont en mesure de nous fournir des listes méthodiques et détaillées, surtout si l'on se propose, comme but final, d'apporter une contribution à la traduction automatique technique.

Nous nous bornons ici à présenter un échantillon de notre typologie des noms composés.

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Page 123: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Il y a parmi la masse de noms composés des degrés différents de figement.

Quelques opérations syntaxiques, très simples, peuvent nous aider à retenir ou à éliminer les séquences concourantes. Nous distinguons deux d'entre elles:

(i) La rupture paradigmatique

Prenons le cas d'un composé N de N comme <bota-de-elâstico> (être vieux jeu) dont la traduction mot à mot serait «botte en élastique». Bien que dans la série distributionnelle des compléments de nom de botte on puisse avoir cuir, caoutchouc, crêpe,plastique,fourrure..., dans ce composé, bota-de-elástico, la substitution ferait éclater son sens métaphorique. Ce résultat vient prouver le caractère figé de l'ensemble.

(ii) Changement de traits morphologiques

En considérant encore le mot composé de (i) nous savons que bota est un nom féminin, n'admettant alors que des déterminants féminins: a (la), urna (une), esta (celle-ci), etc.

Malgré cela, <bota-de-elástico> accepte les déterminants masculin et féminin:

() O Max é um bota-de-elástico () A Eva é uma bota-de-elástico

Ce comportement suggère que cet ensemble N de N est une unité lexicale nouvelle, avec ses propres règles morphologiques, par rapport à chaque unité autonome du lexique, bota et elástico.

Outre le problème déjuger du degré de figement des noms composés quelle que soit leur forme, et de les admettre ou pas dans nos listes, il reste encore une autre question à résoudre: la détermination des catégories grammaticales des éléments composants.

Nous avons souligné plus haut l'importance de la constitution d'une typologie structurale des noms composés. L'élaboration de cette typologie, étant basée sur le calcul des catégories grammaticales des composés, implique l'application d'opéra­tions syntaxiques, du moins quand il s'agit de noms composés où les éléments composants peuvent être simultanément nom et adjectif ou verbe et nom. En ce qui concerne les participes passés et les adjectifs, nous avons décidé de leur attribuer la catégorie adjectif chaque fois que la flexion genre nombre leur peut être appliquée. En fait, ce type de flexion est typique de la classe des noms.

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Page 124: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Voyons alors ce qui se passe avec un composé de la forme N Adj comme cinzento-pérola (gris-perle):

1. uma camisa cinzento-pérola (une chemise gris-perle)

2. um casaco cinzento-pérola (un manteau gris-perle)

Nous avons donc un nom composé invariable par rapport au genre et qui accepte la position post-nominal. A part cela, il a le comportement d'un adjectif attribut:

3. (a camisa + o casaco) é cinzento-pérola ((la chemise + le manteau) est gris perle)

Observons encore 4. et 5.:

4. (O + este + todo o +...) cinzento-pérola é bonito ((Le + ce + tout le +...) gris perle est joli

5. Hoje vi um cinzento-pérola muito bonito (J'ai vu aujourd'hui un gris-perle très joli)

c'est-à-dire cinzento-pérola accepte derrière lui tous les déterminants du nom (cf. 4) et comme tous les noms il peut être dans les positions sujet (cf. 4) et objet (cf. 5).

Cette analyse est indispensable parce qu'elle fournit la catégorie grammaticale du nom composé: c'est un nom (composé) tout en pouvant prendre la place d'un adjectif attribut3. Une analyse identique nous dirait que pérola par rapport à cinzento fonctionne comme adjectif: attribut, parce que nous avons a camisa é pérola, phrase à laquelle nous pouvons associer la phrase élémentaire a camisa tem a cor da pérola (la chemise a la couleur de la perle).

Les résultats de ces opérations syntaxiques fournissent la classification grammaticale correcte des entrées de la typologie des noms composés.

3. Etant donné que les unités lexicales du nom composé sont susceptibles, dans certains cas, de présenter des marques flexionnelles comme celles de genre et nombre, il est nécessaire de créer des règles de flexion et de déterminer la place exacte où elles s'appliquent dans la série des éléments lexicaux.

3 S ur ce sujet nous remettons à Malaca Casteleiro (1981).

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Page 125: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Dans

couve-flor, couves-flores (choux-fleur),

les deux éléments nominaux prennent le -s du pluriel. Cette règle n'est pas générale pour ce type de composés:

cavalo-vapor, cavalos-vapor (cheval-vapeur)

Ici seul le premier élément prend -s. Par ailleurs, il se trouve que la flexion des composés est complexe. La grammaire traditionnelle nous donne quelques règles très simples et que nous abrégeons ici:

Les éléments de composition obéissent aux règles flexionnelles de genre/nombre de tout élément nominal, c'est-à-dire noms et adjectifs.

Les composés liés par une préposition, de étant la plus répandue, forment le pluriel uniquement sur le premier élément de l'ensemble:

caminho de ferro, caminhos de ferro (chemin de fer)

- les composés formés sur un verbe prennent les marques de pluriel uniquement sur les éléments nominaux:

guarda-chuva, guarda-chuvas (parapluie) porta-bandeira, porta-bandeiras (porte-drapeau)

- restent invariables les catégories grammaticales qui ne subissent aucune modifi­cation quelle que soit leur fonction, comme les adverbes, les conjonctions, etc.

Mais l'analyse systématique de quelques milliers de noms composés montre qu'il y a de nombreuses variations à ces règles générales:

erva-doce (graines d'anis) goma-elástica (gomme à mâcher)

L'application de la règle de formation du pluriel à des composés comme ceux-ci (ervas-doces, gomas-elásticas) détruirait leur caractère figé; ils seraient donc inter­prétés différemment.

ovos-moles (sucreries à base d'oeufs) férias-grandes (grandes vacances)

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Page 126: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

C'est le cas contraire: la mise au singulier détruirait leur caractère figé, et leurs sens référentiels seraient tout à fait autre chose.

pedaço-d'asno (imbécile) carväo-de-pedra (charbon minéral)

L'application du pluriel produirait un résultat inusité où l'interprétation serait difficile.

En ce qui concerne la variation masculin/féminin, et d'après ce que nous avons pu observer, il semble que le genre du composé est fixé par le genre du premier élément:

Noms composés féminins:

água de colónia (eau de cologne) via-sacra (voie sacrée)

où les noms água et via sont féminins.

Noms composés masculins:

peixe-aranha (poisson-araignée) arco da velha (arc-en-ciel)

étant masculins les noms peixe et arco.

Si le premier élément est un verbe, l'ensemble est masculin:

um abre-latas (un ouvre-boîtes) um arranha-céus (un gratte-ciel)

La possibilité d'avoir simultanément les deux genres, masculin/féminin, est variable. Toutefois, il semble se dégager de cette étude une régularité qui est la suivante: si le trait sémantique «humain» s'applique au nom composé, les deux genres sont acceptés, et le composé se laisse précéder par les déterminants masculins um, uma,

a Ana é uma unhas-de-fome (Anne est avare) o Max é um unhas-de-fome (Max est avare)

Il faut cependant observer que dans certains cas l'interdiction d'appliquer les règles flexionnelles du genre est en rapport avec des faits extralinguistiques:

um barba azul (un coureur de femmes)4

Traduction littérale: un barbe bleue.

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Page 127: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ce nom composé n'est employé que pour désigner des individus du sexe masculin, bien que le premier élément soit morphologiquement féminin.

uma ama-de-leite (une nourrice)5

c'est l'exemple opposé, le masculin n'est pas usuel.

Ce qui est important, et nous tenons à le souligner, c'est qu'il faut rendre compte de n'importe quel type d'interdiction si nous voulons que l'étude des noms composés ait une application automatique.

D'autre part, de cette étude extensionnelle proviennent d'autres résultats qui ne sont pas de la moindre importance: après avoir classé un nombre significatif de données - et d'après des études sérieuses sur ce domaine, il y aurait dans le lexique plus d'unités composées que d'unités libres - nous serons en mesure d'établir les règles morphologiques des noms composés, et nos règles seront alors basées sur des résultats statistiques, ce qui veut dire que les notions de règle et d'exception deviendront des notions scientifiques.

Et pour finir la question de la flexion des noms composés, il est peut être intéressant d'introduire une brève remarque sur la flexion des noms composés en latin6:

Il y a des composés formés par deux noms, qui correspondent à nos N de N,

senatusconsultum (décision du sénat)

consultum est un substantif du genre neutre et seulement celui-ci peut subir les transformations de la déclinaison; senatus reste invariable.

Il y a aussi des composés formés par nom et adjectif,

jusjurandum (serment)

oùjurandum est une forme gérondive et où jus est un nom (jus, juris); la déclinaison s'applique aux deux unités lexicales: jurisjurandi correspondrait à «du serment» dans une phrase comme «la violation du serment» c'est-à-dire jurisjurandi est au cas gé­nitif.

Bien que ces noms composés aient leurs éléments graphiquement soudés, ils présentent un comportement morphologique très proche du comportement des noms composés du portugais et des langues romanes.

5 Traduction littérale: mère de lait. 6 Communication personnelle de José Ribeiro, grammairien portugais de la langue latine.

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Page 128: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

BIBLIOGRAPHIE

CASTELEIRO, João Malaca (1981) Sintaxe Transformacional do Adjectivo, Lisboa, INIC.

CUNHA, Celso e Lindley Cintra (1984) Nova Gramática do Português Contemporâneo, Lisboa, Ed. João Sá da Costa.

GROSS, Gaston (1988) «Degrés de figement des noms composés», Langages, 90, pp. 57-72.

GROSS, Gaston (1990) «Définition des noms composés dans un lexique-grammaire», Langue Française, 87, pp. 84-90.

GROSS, Maurice (1982) «Une classification des phrases figées du français», Revue Québécoise de Linguistique, 11:2.

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GROSS, Maurice (1985) «S ur les déterminants dans les expressions figées», Langages, 79, pp. 89-117.

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REBELO, F. Gonçalves (1966) Vocabulário de Língua Portuguesa, Coimbra, Coimbra Editora.

SILBERZTEIN, Max (1990) «Le dictionnaire électronique des mots composés», Langue Française, 87, pp. 71-83.

Maria Elisa MACEDO Centro de Linguística da Universidade de Lisboa - INIC

Avenida 5 de Outubro, 85-5° e 6o

P-1000 Lisboa

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Page 129: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Les expressions idiomatiques correspondantes : analyse comparative

Guilhermina Jorge

Les expressions idiomatiques (El) constituent un champ d'analyse très vaste. L'importance de ce domaine de recherche se manifeste soit dans la nécessité d'explorer un domaine presque oublié (au Portugal) dans l'apprentissage des langues étrangères, soit dans l'intérêt que présente ce domaine dans une perspective interdisciplinaire.

Notre réflexion mettra en relation constante la langue maternelle (LM) et la langue étrangère (LE), dans la mesure où nous pensons que la langue maternelle de l'apprenant occupe une place privilégiée dans l'apprentissage de l'idiomaticité de la langue étrangère. Une observation attentive des phénomènes idiomatiques de la LM est le premier pas vers la motivation et l'accès à l'idiomaticité de la LE.

Mais comment définir l'unité expression idiomatique! Différents auteurs1 se sont penchés sur la définition de cette unité. Nous allons tenter de résumer très brièvement ses caractéristiques essentielles: - 1ΈΙ est une unité syntaxique et lexicologique; - elle peut fonctionner comme un mot; - elle a les propriétés formelles d'une structure non idiomatique; - elle se caractérise par une distribution unique ou très restreinte de ses éléments; - sa signification ne peut être décomposée; - elle a une valeur métaphorique.

On pourrait ajouter que les El sont des lexemes hétérogènes au niveau de la structure syntaxique, du degré de lexicalisation, du degré de familiarité, du type d'opérations transformationnelles permises, des relations entre déterminés et déterminants, de la

A ce sujet voir, par exemple, GUIRAUD (1961:5 et 6), FRASER (1970:22), REY (1977:184), CHOMSKY (1980: 114 et ss.), GROSS (1982: 7), RUWET (1983: 23), VIETRI (1985), LABELLE (1988: 74), entre autres.

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Page 130: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

valeur sémantique, mais qu'elles constituent des lexemes homogènes en raison du

caractère indispensable du lexique2, du fait que les compléments nucléaires de ΓΕΙ ne

peuvent être pronominalisés.

L'idiomaticité, et la phraséologie en général, atténuent les barrières existant entre la

langue en tant que système formel et la langue en tant qu'acte social. Et comme la

langue ne peut que bénéficier de la réduction de ces barrières, l'apport idiomatique

­ qui exprime un savoir fondé sur l'expérience qui humanise la langue aux yeux de

l'apprenant en la rattachant à la réalité humaine et culturelle, à la réalité socialisée de

la langue ­ est, à notre avis, essentiel.

Les El nous donnent des informations fondamentales sur l'organisation conceptuelle

du monde environnant, des données du passé et du présent. Les expressions pénètrent

dans la vie quotidienne de la langue, elles y trouvent leur essence et elles enrichissent

les relations que le sujet parlant établit avec le monde et les hommes. Elles donnent

plus d'expressivité à la langue. Intégrées dans le discours, elles établissent entre le

locuteur et son interlocuteur une certaine connivence, un terrain d'entente, un savoir

partagé, qui ne pourra que faciliter la communication. Elles fonctionnent comme un

présupposé: «ce qui est commun aux deux personnages d'un dialogue, comme l'objet

d'une complicité fondamentale qui lie entre eux les participants de l'acte communicatif »

(DUCROT: 1969). Elles proposent une constante interaction entre la langue et la

société, entre la langue et les hommes.

Mais comment se fait l'acquisition de ce savoir? Comment se fait l'accès à ces

tournures lexicalisées?

Dans le contexte de la LM, l'acquisition obéit aux mêmes principes que les autres

structures de la langue. Le sujet les rencontre en situation d'immersion sociale, et c'est

cette permanente socialisation qui lui permet le contact et l'appropriation de ces

lexemes. Le contexte social a une place et une fonction privilégiées dans l'enri­

chissement de la langue des sujets. L'acquisition obéit à une orientation sociale et

c'est la confrontation directe avec l'usage social qui lui permet l'interpénétration de

la langue avec les lexemes idiomatiques.

Dans le contexte de la LE, l'acquisition présuppose des difficultés inhérentes à

l'apprentissage de la langue en contexte scolaire. L'apprenant est séparé du

contexte social de la LE et l'acquisition se fait par voie scolaire. Ainsi, la langue

figurative devra être apprise comme les autres structures, mais pour que cet

apprentissage soit productif, l'apprenant devra avoir accès à une connaissance

2 Les El ne peuvent être abordées dans la perspective de l'approche pronominale (théorie syntaxique qui part de la réalité syntaxique la plus simple, constituée par le verbe et des éléments adjacents qui lui sont nécessaires pour faire un énoncé). A ce sujet voir BACELAR (1987: 84) et BLANCHE­BEN VENISTE (1984).

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Page 131: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

profonde de la société, de la relation entre la langue et la société. BOUTON (in DIAZ 1981: 272) affirme:

«L'apprentissage d'une langue seconde suppose non seulement une restructuration allant de la réalité perçue à la langue, mais une restructuration plus complexe allant de la réalité pensée à la langue (...). C'est peut-être là le problème le plus délicat que pose l'acquis d'une langue étrangère par les structures de laquelle le sujet apprend et découvre une autre manière d'appréhender le monde des concepts et les relations qui se tissent entre eux.»

C'est encore l'interaction qui est ici illustrée, l'interaction entre la langue et le monde.

Nous considérons que l'EI devrait occuper une place importante dans l'apprentissage d'une LE. L'étude comparative constitue, de notre point de vue, une stratégie fondamentale dans l'apprentissage de ces lexemes. L'expérience, les valeurs humaines, contiennent des traits universaux. La forme qui les anime peut se présenter différemment d'une langue à l'autre, mais la valeur sémantique et les concepts sous-jacents à ces formes peuvent rapprocher les langues.

En prenant la notion de correspondance, ou d'équivalence, comme l'opérateur pri­vilégié de notre analyse, nous allons tenter de présenter certaines des difficultés que posent l'apprentissage des El et, d'une manière générale, leur traduction.

La notion de correspondance3 (lexicale, syntaxique et sémantique) est une notion assez difficile à cerner, dans la mesure où, comme l'affirme VDETRI ( 1985), elle peut être parfaite, limitée à certains éléments ou inexistante.

Nous nous intéresserons plus spécifiquement à la correspondance lexicale et syntaxique des El (nous sélectionnerons des El qui se correspondent sur le plan sémantique, étant entendu que cette correspondance sémantique n'est jamais parfaite4).

Il nous semble qu'une étude comparative attentive et minutieuse des phénomènes idiomatiques des langues (dans notre cas, le portugais et le français) au niveau de la notion de correspondance pourrait faciliter l'apprentissage des El de la LE. Le fait qu'une petite modification, d'ordre lexical ou syntaxique, peut annuler le réfèrent idiomatique, justifie l'approche comparative que nous proposons.

Nous avons sélectionné un corpus d'EI qui se correspondent en portugais et en français (voir Annexe). Nous analyserons ce corpus en tenant compte de la notion de correspondance lexicale et syntaxique et de l'inexistence de toute correspondance.

3 A ce sujet voir VIETRI (1985: 115-132). 4 DIAZ (1981: 153) affirme. «L'équivalence par la synonymie n'étant jamais pleinement rendue

dans le cas des groupes de mots idiomatiques (...)».

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Certains exemples présentent une correspondance lexicale et syntaxique parfaite, tous les constituants d'une El trouvant une correspondance dans l'autre langue (y compris les signes dépendants, par exemple les déterminants).

Les exemples (1), (6), (8), (12), (20), (24) et (28) illustrent cette correspondance. Ils permettent une traduction littérale du portugais au français. Mais ce type de corres­pondance est rare. Ce n'est qu'exceptionnellement que l'on peut traduire littéralement une El.

Pour ne pas induire en erreur 1 ' apprenant, l'enseignement des El doit tenir compte des différences existant entre les deux langues, et en particulier de celles qui sont inhérentes à l'organisation des éléments constitutifs des El, ainsi que de leur degré de lexicalisation. Comme nous l'avons déjà dit, la structure ne pourra être modifiée lexicalement ou syntaxiquement au cours des différents stades de l'apprentissage -compréhension et production.

La proximité de certaines structures (d'une langue à l'autre) nous oblige à plus de précision, étant donné que proximité n'est pas synoyme de littéralité, et que celle-ci peut, parfois, constituer un transfert négatif et, par conséquent, entraîner une perte de l'idiomaticité.

Les El portugaises et françaises des exemples (4), (10), (18), (25) et (28) sont très proches du point de vue syntaxique, mais elles présentent des variations lexicales (ces variations impliquent des changements au niveau des déterminants). L'exemple (4) présente une variation lexicale dans la sélection d'un des compléments. Les noms areia Ipoudre appartiennent tous deux aux noms «massifs», non comptables, et cette catégorie sémantique du nominal justifie l'absence du déterminant en portugais et l'utilisation du partitif en français. L'exemple (25) présente la même particularité, mais l'argumentation antérieure n'est pas valable pour cet exemple, dans la mesure où mãos et doigts n'appartiennent pas à la catégorie des noms «massifs». Nous pouvons affirmer qu'il est difficile d'établir un ensemble de règles qui rende compte des El en général, chaque cas étant un cas particulier. Dans les exemples (10) et (28) le choix lexical d'un des éléments change (cara I tête; cara I tête). L'exemple (18), qui maintient la même structure syntaxique dans les deux langues, présente, outre une variation lexicale, une variation en nombre (o pé I les pieds).

Ces variations font que l'apprenant doit être attentif à la spécificité de chacune des structures considérées individuellement. L'EI, «unité indécomposable de la pensée» (BALLY), exige un traitement qui s'approche du traitement du mot.

L'usage de la détermination dans les Eï ne permet pas de changements, ni en nombre ni en genre. Son emploi est complètement lexicalisé, de même que la présence ou l'omission de ce signe. L'exemple (16) présente l'omission du déterminant en

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Page 133: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

portugais et sa présence en français. L'exemple (19) montre l'emploi de l'article défini en portugais et celui du possessif en français. Au niveau de la détermination, aucun changement n'est permis.

Ces exemples renforcent l'idée du caractère indispensable des éléments qui construi­sent l'expression. Apprendre une El correspond à apprendre la structure dans sa globalité. Comme le dit DIAZ (1981: 302):

«Tout comme chez l'enfant, il serait sans doute préférable au niveau de l'acquisition des expressions de favoriser chez l'apprenant adulte, la réception globale pour qu'elle précède l'analyse systématique.»

L'usage des prépositions dans les El présente certaines particularités. La préposition met en rapport deux termes d'une proposition tout en établissant entre eux des relations de complémentarité, mais ces relations ne sont pas toujours équivalentes dans les deux langues que nous analysons. Les prépositions constituent un domaine assez problématique dans la mesure où elles impliquent une connaissance profonde du système d'orientation propre à chaque culture.

Dans l'exemple (4), les deux prépositions indiquent un mouvement dans l'espace, d'un point de départ vers une limite. Dans l'exemple (3), la valeur est aussi équivalente, les noms botija et sac sont des «contenants potentiels» (VANDELOISE, 1986: 15). Ces noms sont tous deux pluridimensionnels. Les exemples (2) et (11) présentent des variations d'une langue à l'autre, tandis que pour les exemples portugais, l'argumentation énoncée pour l'exemple (4) reste valable, la valeur des prépositions françaises marquant le lieu. Dans l'exemple (29) les prépositions pelas et contre indiquent toutes deux un mouvement dans l'espace, mais il y a une légère nuance, la préposition portugaise ayant une valeur plus durative. Dans l'exemple (30), la structure en portugais correspond à une structure non idiomatique (du type «manger avec ...), tandis que la structure française est plus idiomatique.

Le réfèrent idiomatique vient de la relation entre déterminé et déterminant, un changement de cette relation (*»manger avec les yeux») mettant en cause sa valeur idiomatique et son acceptabilité.

L'usage des prépositions est directement dépendant de la classe du déterminé, c'est-à-dire du type de construction permise par le verbe, du type de déterminant sélectionné.

Une étude détaillée des prépositions utilisées dans les El permettrait à l'apprenant d'établir une relation de proximité avec les El. Il serait, par exemple, intéressant de décrire les relations que les prépositions établissent avec les parties du corps humain. Est-ce que les orientations spatio-temporelles, élaborées à partir de la position du corps humain (vertical/horizontal; devant/derrière; droite/gauche,...) sont les mêmes dans les El?

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Certaines expressions qui se correspondent sémantiquement en portugais et en français peuvent avoir une même structure syntaxique, mais ne pas avoir de corres­pondance lexicale. Les expressions suivantes - bater o pél tenir tête, não abrir o bico I ne pas desserrer les dents - présentent des variations lexicales, comme nous l'avons déjà dit, et des variations de déterminants et de prépositions. Les variations les plus significatives retombent sur la sélection lexicale des déterminants. Les déterminants sont des éléments lexicaux qui ne permettent pas de substitutions paradigmatiques, puisqu'ils sont fortement lexicalisés.

Les exemples (31), (32), (33) et (35) présentent des variations bien plus importantes (aux niveaux lexical et syntaxique). Du point de vue lexical, il est difficile, pour un apprenant qui ne maîtrise pas l'idiomaticité d'une des langues, de trouver des ressemblances. Ces El exigent un apprentissage global des correspondances séman­tiques. Connaître ces El suppose obligatoirement la capacité de les comprendre et de les produire, en passant par une appropriation qui devra obéir à un parcours progressif, étant donné que les apprenants en situation de LE se trouvent en dehors du contexte social de la langue.

Introduire l'idiomaticité de la langue dans le processus d'apprentissaged'une langue, c'est offrir aux apprenants une richesse supplémentaire, un lien entre la langue et l'expérience humaine. Cette richesse donne vie à la langue et on pourrait parler d'une humanisation de la langue et de l'enseignement.

Au niveau du discours, l'EI est un élément qui opère dans l'univers de référence du monde réel, et c'est son réfèrent idiomatique qui constitue la référence même de l'EI. Ces lexemes sont des structures qui s'appliquent au monde réel, qui ont une valeur sémantique inviolable. L'aspect figuratif de ces expressions se construit dans les combinaisons lexicales et syntaxiques, et ce sont ces combinaisons qui nécessitent un traitement différent de celui des structures non idiomatiques. La valeur sémantique se construit dans le processus de lexicalisation, et cette valeur est actualisée dans le discours.

Les El fonctionnent comme des structures figées, comme des «mots individuels», mais la valeur sémantique de ces «mots» est unique et ne se modifie pas lors de la contextualisation. La force expressive des El se manifeste, justement, par l'absence de changements sémantiques.

La sélection lexicale obéit à une sélection métaphorique; le lexique utilisé perd sa valeur referentielle. L'EI, élément représentatif du langage figuratif, construit un microcosme métaphorique, qui est le résultat de la lexicalisation des constituants. L'univers de référence idiomatique trouve sa justification dans la relation de la langue avec la société, c 'est-à-dire que l'EI n 'est compréhensible que si l'apprenant fait abstraction de la valeur referentielle des mots pris individuellement, et

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Page 135: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

l'interprète comme une structure lexicalisée, ayant un autre sens, un autre univers de référence.

Il ressort de ce que nous venons de dire que les éléments constitutifs de l'EI sont soudés les uns aux autres. Ainsi, il semble que l'aspect sémantique - c'est-à-dire les jeux entre les contenus et les effets de sens, entre la forme libre et la forme figée, entre le littéral et le figuré - soit privilégié. Ces groupes lexicalisés apportent à la langue plus d'expressivité, donnée par les métaphores cristallisées qui se sont construites au long de siècles d'histoire. La langue y trouve une partie de sa richesse, une richesse qui est au-delà de la référence des signes.

Avec ce bref parcours dans le monde de l'idiomaticité, nous croyons avoir montré la place privilégiée que la LM occupe, de notre point de vue, dans le processus d'apprentissage des El en LE et la nécessité de réaliser une étude exhaustive des El (aux niveaux syntaxique, lexical et sémantique). L'étude comparative semble la plus pertinente pour ce type d'analyse.

Une étude comparative de l'idiomaticité de différentes langues enrichirait les études de traduction et d'interprétation, ou tout simplement la langue.

ANNEXE

Expressions idiomatiques correspondantes (portugais/français)

(1) Abrir os olhos / Ouvrir les yeux (2) Ter o diabo no corpo / Avoir le diable au corps (3) Apanhar alguém com a boca na botija / prendre qqn la main dans le sac (4) Atirar areia para os olhos / Jeter de la poudre aux yeux (5) Fazer o ninho atrás da orelha / Marcher sur les pieds de qqn (6) Baixar os braços / Baisser les bras (7) Comprar a olho / Avoir à l'oeil (8) Corar até à raiz dos cabelos / Rougir jusqu'à la racine des cheveux (9) Cortar os braços a alguém / Couper bras et jambes à qqn (10) Custar os olhos da cara / Coûter les yeux de la tête (11) Estar com o fogo no rabo / Avoir le feu au derrière (12) Estar nos bracos de Morfeu / Etre dans les bras de Morphéc (13) Fazer olhinhos / Faire de l'oeil à qqn (14) Fazer uma perninha / Faire du pied à qqn (15) Dobrar a língua / Tenir sa langue (16) Levantar cabeça/ Relever la tête (17) Nãoter papas na língua / Ne pas avoir sa langue dans sa poche (18) Meter o pé na argola / Mettre les pieds dans le plat (19) Olhar o umbigo / Regarder son nombril (20) Partir a cara a alguém / Casser la figure à qqn (21) Pedir a mão / Demander la main de qqn

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(22) Perder a cabeça / Perdre la tête (23) Salvar a pele / Sauver sa peau (24) Ser o braço direito de alguém / Etre le bras droit de qqn (25) Ter mäos de fada / Avoir des doigts de fée (26) Bater o pé / Tenir tête à qqn (27) Andar de costas direitas / Se tourner les pouces (28) Virar a cara a alguém / Tourner la tête à qqn (29) Bater com a cabeça pelas paredes / Se taper la tête contre les murs (30) Comer com os olhos / Dévorer des yeux (31 ) Correr a sete pés / Prendre ses jambes à son cou (32) Cortar na pele de alguém / Casser du sucre sur le dos de qqn (33) Entrar com o pé direito / Partir du bon pied (34) Ter ovos debaixo do braço / Avoir les deux pieds dans le même sabot (35) Tocar o fogo na freguesia dos ossos / Casser les reins à qqn

BIBLIOGRAPHIE

BACELAR DO NASCIMENTO, M. Fernanda (1987), Contribuição para um dicionário de verbos de português, Dissertação de Doutoramento em Linguística Portuguesa, Lisboa, CLUL/INIC.

BALLY, Charles (1951), Traité de stylistique française, Paris, Klincksieck. CHOMSKY, Noam (1980), Regras e representações, Trad. 1981, Rio de Janeiro, João Sá da Costa. DIAZ, Olga (1981), L'acquisition des expressions idiomatiques en FLE, thèse de 3ème cycle, Paris

III. FRASER, Bruce (1970), «Idioms within a Transformational Grammar», Foundations of Language,

6,22-42. GROSS, Maurice (1982) «Une classification des phrases figées du français», P. Attal et Cl. Muller

(éds), Actes du Colloque de Rennes, Amsterdam, Benjamin. GUIRAUD, Pierre (1961), Les locutions françaises, Paris, PUF. LABELLE, J. (1988), «Lexiques-grammaires comparés: formes verbales figées en français du

Québec», Langages, 90, Paris, Larousse. REY, Alain (1977), Le lexique: images et modèles du dictionnaire, Paris, Armand Colin. RUWET, Nicolas (1983), «Du bon usage des expressions idiomatiques dans l'argumentation en

syntaxe generative», Revue Québécoise de Linguistique, Vol. 13,1,9-147. VANDELOISE, Claude (1986), L'espace en français, Paris, Éditions du Seuil. VIETRI, Simonetta (1985), Lessico c Sintassi delle Espressioni Idiomatiche, Napoli, Liguori Editore.

Guilhermina JORGE Lectrice

Faculté de Lettres de Lisbonne Dpi de Linguistique

Cidade Universitaria P-1699 Lisboa Cedex

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Idiomes et locutions verbales À propos de quelques bizarreries syntaxiques et mystères sémantiques

Jacques Moeschler

Sommaire

1. Introduction 2. Idiomes et locutions verbales 3. Le problème de la compositionnalité des idiomes 4. L'exemple de casser sa pipe 5. La pragmatique des idiomes 6. Conclusion

1. Introduction

Parmi l'ensemble, hétérogène, des «constructions figées» figure ce que l'on nomme parfois idiomes (ou expressions idiomatiques) ainsi que les locutions verbales. Comme nous aurons l'occasion de le voir, ces deux classes d'expressions constituent des ensembles qui ne sont ni homogènes, définissables par un ensemble de propriétés linguistiques bien précises, ni facilement démarquables d'autres types de locutions plus ou moins figées ou en cours de figement que sont clichés, lieux communs, voire métaphores.

Dans cette contribution, je n'essayerai pas de donner une définition de ces deux classes d'expressions, mais plutôt de montrer les problèmes qu'elles posent du point de vue de la description linguistique. Mon but sera de remettre en cause certaines idées reçues sur leur fonctionnement sémantique, et d'examiner les conséquences de ces observations sous l'angle des rapports entre linguistique et pragmatique.

2. Idiomes et locutions verbales

Sur quels critères peut-on distinguer idiomes et locutions verbales! Cette distinction recoupe celle que Ruwet (1983) opère entre les ExiMs, ou expressions idiomatiques

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sémantiques (Exi pour expression idiomatique, et M pour «meaning»), et ExiFs, ou expressions idiomatiques syntaxiques (F pour «form»). Les exemples (1) et (2) sont caractéristiques de ces deux types d'expressions figées:

(1) a. Max a cassé sa pipe. b. Ce joyeux drille a brisé la glace. c. Jean a foutu le camp.

(2) a. Le Général a donné ordre aux soldats de battre en retraite. b. L'escroc a promis monts et merveilles aux épargnants. c. Le tribunal a rendu justice à la partie civile.

Avant d'examiner les différences entre ces constructions, on observera un point commun: elles sont toutes de la forme V+(dét+)N. Cette remarque est importante, car la limitation des expressions figées à cette construction est arbitraire. On trouve en effet des expressions figées de catégories linguistiques non verbales, comme en (3) pour la catégorie du nom et en (4) pour celle de l'adverbe:

(3) a. cul de sac, pomme de terre (formé sur N de N) b. un aller et retour, un pied à terre, un je ne sais quoi

(4) a. Max a mangé la côte de porc à belles dents. b. Max est parti en douce. c. Max a sorti Marie du ruisseau.

Cette précision étant faite, comment peut-on distinguer les deux types de construc­tions qui nous intéressent, à savoir (1) et (2)? On remarque tout d'abord que les constructions du type (2) violent une règle de la syntaxe du français: l'objet du verbe n'est pas précédé d'un déterminant, obligatoire, comme le montre (5):

(5) * Max a mangé pomme.

Si l'article est absent dans les locutions verbales (ExiFs), il faut noter cependant qu'il peut être réinséré. Mais dans ce cas, les effets ne sont pas toujours les mêmes: en (6), si la différence entre donner ordre et donner L'ordre n 'est pas significative, de même que celle entre promettre monts et merveilles et promettre DES monts et DES mer­veilles, on constate qu'elle est beaucoup plus marquée entre rendre justice («donner ce qui est dû à une des parties») et rendre LA justice («prendre des décisions qui relève de la compétence des organes de la justice»).

(6) a. Le Général a donné l'ordre aux soldats de battre en retraite. b. L'escroc a promis des monts et des merveilles aux épargnants. c. * Le tribunal a rendu la justice à la partie civile.

De même, on constate que l'insertion d'un adjectif n'est pas toujours possible:

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(7) a. Le Général a donné ordre immédiat aux soldats de battre en retraite. b. * L'escroc a promis monts et merveilles miroitants aux épargnants. c. * Le tribunal a rendu justice expéditive à la partie civile.

Malgré ces différences, internes aux locutions verbales, on peut néanmoins les regrouper en une classe unique, car elles diffèrent non seulement sur le plan syntaxique (absence d'article) avec les expressions idiomatiques sémantiques (idiomes ou ExiMs) données en (1), mais surtout sur le plan sémantique. En effet, les expressions de (1) ne signifient pas la somme des unités qui les composent. Certes, pour (la) et (lb), on notera qu'une interprétation littérale est possible, interprétations signifiant respectivement que Max a agi de telle manière que l'objet qui lui permet d'inhaler du tabac (sa pipe) s'est cassé, et que Marie a agi de telle sorte qu'elle a transformé un bloc de glaces en morceaux. Mais une interprétation littérale est impossible pour (le) qui se traduit automatiquement par «partir», «déguerpir», avec une connotation, non négligeable, de «départ rapide, brutal». Ainsi, l'interprétation idiomatique de casser sa pipe n'est pas, comme disent les sémanticiens, compositionnelle: il n'y a pas de contribution particulière de casser et de pipe à la signification «mourir». Pour briser la glace, les choses sont un peu différentes, étant donné son caractère métaphorique et son appartenance à un paradigme d'expressions métaphoriques: les termes glace, glacial renvoient, dans une atmosphère de glace, un accueil glacial, à un climat psychologique peu avenant, ou, si l'on n'a pas peur des redondances, peu chaleureux.

Ces observations ont conduit certains linguistes à considérer qu'une ExiM était donc une construction régulière du français caractérisée par un figement sémantique, que celui-ci soit arbitrairement lié à une signification (comme dans casser sa pipe), ou en relation métaphorique (briser la glace) ou encore en relation métonymique (casser la croûte).

Le caractère non compositionnel des ExiMs contraste donc singulièrement avec le caractère compositionnel des ExiFs: dans rendre justice par exemple, rendre et justice ont exactement le sens qu 'ils ont dans leurs emplois non idiomatiques, à savoir pour rendre «donner à quelqu'un ce qui lui revient de droit»1, sens que l'on trouve dans les locutions verbales formées à partir de rendre en (8):

(8) rendre hommage, rendre grâce, rendre compte, rendre à César ce qui est à César, etc.

J ' aurai l'occasion de revenir par la sui te sur le caractère d Opacité sémantique attribué aux ExiMs. Je noterai cependant que l'observation du caractère non compositionnel des ExiMs, plutôt que d'inquiéter les sémanticiens sur le caractère approprié de ce principe pour les langues naturelles2, les a au contraire renforcés dans l'idée que la 1 Et non «donner en retour». 2 Je rappellerai que ce principe, ditégalcmcnt principe fregéen, provient directement de la logique

classique dans laquelle la valeur de vérité d'une proposition complexe est fonction de la valeur de vérité des propositions qui la composent.

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Page 140: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

sémantique des langues naturelles est compositionnelle. Ainsi, Katz (1972,31) note­

t­il que «le sens de tout constituant est une fonction compositionnelle du sens de ses

parties et par conséquent, en dernier ressort, de ses morphèmes. Les idiomes sont des

exceptions qui prouvent cette règle» (les italiques sont de moi).

L'examen plus attentif des ExiMs montrera en fait que les idiomes ne sontpas, comme

la citation de Katz le laisse entendre, non compositionnels. J'essayerai de montrer

plus loin quels arguments peuvent être donnés en faveur du caractère compositionnel

des idiomes.

3. Le problème de la compositionnalité des idiomes

En fait, du point de vue linguistique, l'apparente non­compositionnalité des idiomes

n'est pas un fait surprenant. Beaucoup d'autres faits sémantiques peuvent être

qualifiés de non compositionnels. Je n'en donnerai que deux exemples, qui montrent

que le problème du calcul du sens d'une expression complexe n'est pas réductible à

un processus uniquement compositionnel.

(i) La première illustration tient à certains emplois de la négation. On admet, en

sémantique, que la négation a pour fonction de changer la valeur de vérité d'une

proposition. Ainsi, si la proposition assertée Ρ est vraie, la proposition niée non­P fera

de Ρ une proposition fausse. Ce principe, malheureusement, n'est pas toujours

applicable à certains emplois de la négation. Ainsi, en (9), le locuteur ne dit pas que

la proposition «Max a trois enfants» est fausse, car, logiquement, «avoir quatre

enfants» implique «avoir trois enfants»:

(9) Max n'a pas trois enfants, il en a quatre.

En d'autres termes, même précédée d'une négation, la proposition «Max a trois

enfants» est toujours vraie3.

(ii) Un autre exemple peut erre donné par la modification d'une phrase à l'aide d'un

opérateur argumentatif"(cf. Ducrot 1983) commepresque. Si l'on peut à première vue

faire l'hypothèse que presque est sémantiquement équivalent à «pas tout à fait», les

répliques en B de l'exemple (10) nous montrent que ce n'est pas le cas:

(10) A: Le dîner est­il prêt? B: a. Oui, presque

b. *Oui, pas tout à fait. c. *Non, presque. d. Non, pas tout à fait.

3 Cf. Horn (1985) et Moeschler (1992) pour une description de ces cas non compositionnels.

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Page 141: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Le point que j'aimerais ici signaler est que presque, plutôt que de contribuer compositionnellement à la signification de la phrase (ce qui serait le cas si presque devait effectivement s'interpréter comme «pas tout à fait»), contribue à sa significa­tion en fournissant une instruction sur la manière d'interpréter les phrases (dans le cas précis, considérer la phrasepresque Ρ comme ayant la même orientation argumentative que la phrase Ρ ).

Ces exemples montrent que certains processus interprétatifs ne sont pas compositionnels, mais intructionnels (cf. 10) ou inférentiels (cf. (9)). La non­compositionnalité des expressions idiomatiques n'est donc pas, au regard de ce que nous avons vu, une exception qui confirme la règle.

4. L'exemple de casser sa pipe

En fait, la non­compositionnalité des ExiMs n'est pas leur caractère le plus specta­culaire, et nous verrons qu 'une hypothèse sémantique plus précise explique un certain nombre de leurs propriétés. Mais c'est essentiellement au plan syntaxique que les ExiMs sont le plus intéressant.

Un des lieux communs à propos des idiomes est que, étant des expressions figées et non compositionnelles, elles sont apprises telles quelles (quant à leur forme et à leur sens). La construction V+dét+N cacherait une unité à la fois sémantique (notifiée pour casser sa pipe dans le sens «mourir») et une unité syntaxique. Ainsi casser sa pipe constituerait une seule unité lexicale: [v casser­sa­pipe]. Certains arguments ont été avancés en faveur de cette analyse:

(i) La possibilité de paraphraser casser sa pipe par une unité lexicale simple (mourir) expliquerait à la fois 1 ' unicité lexicale de la construction et une propriété significative de cet ExiM, le fait de ne pas pouvoir être mise au passif:

(11) a. Max a cassé sa pipe. b. *Sa pipe a été cassée par Max.

L'impossibilité de (1 lb) serait liée à sa paraphrase par une verbe intransitif. Cela dit, cet argument sémantique n'est pas acceptable, car d'une part l'impossibilité du passif est liée à la coréférence entre le sujet et le possessif comme le montre (12) (cf. Gross 1984) et d'autre part on trouve desExis paraphrasables par un verbe simple supportant le passif (cf. (13)):

(12) a. Max. a mangé son. gâteau. b. "'Soa gâteau a été mangé par Max..

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(13) a. Contact a été pris par Baker avec les représentants palestiniens. b. Le coup de grâce a été donné au PCUS. c. Toute la lumière a été faite sur le coup d'état.

(ii) Un deuxième argument en faveur de l'unicité lexicale de casser sa pipe est lié à l'absence du choix du déterminant: on n'a pas casser UNE pipe, casser LA pipe, casser CETTE pipe avec la lecture idiomatique (cf. (14)). De même, l'impossibi­lité d'insérer du matériel lexical à l'intérieur de la construction (adjonction d'un adjectif par exemple) va dans le sens de l'unicité lexicale de la construction (cf.(15)). Enfin, l'impossibilité de substituer au verbe ou au nom un de leurs synonymes constitue un argument apparemment décisif en faveur de l'unicité lexicale de l'expression (cf. 16)):

(14) * Max a cassé une/ la/ cette pipe.

(15) * Max a cassé sa vieille pipe.

(16) a. * Max a brisé sa pipe. b. * Max a cassé son brûle-gueule.

En fait, l'hypothèse de la réduction d'une construction idiomatique à une unité lexicale simple a des fondements plus sémantiques que syntaxiques4. C'est donc au plan sémantique qu'il faut répondre.

J'examinerai trois aspects de la sémantique de casser sa pipe: (a) les contextes lin­guistiques dans lesquels l'expression apparaît, (b) la relation sémantique entre le verbe et son objet, et (c) les conditions sémantiques sur la passivation.

(a)Si l'on admet la synonymie entre casser sa pipe et mourir, on se trouve devant l'impossibilité d'expliquer le caractère inacceptable des phrases (18), relative­ment à (17):

(17) a. Max est mort subitement. b. Max est mort lentement et péniblement. c. Max est mort à la suite d'une longue maladie.

(18) a. Max a subitement cassé sa pipe. b.? Max a lentement et péniblement cassé sa pipe. c.?? Max a cassé sa pipe à la suite d'une longue maladie.

Le testde substitution impose la conclusion suivante: casser sa pipe n'apaspour exact synonyme mourir. Mais une question se pose: pourquoi (18a) est-il plus acceptable 4 Les exemples (15) et (16) militent en faveur de la thèse de la non-dissémination des ExiMs en

structure profonde (dite thèse de Chomsky, cf. Chomsky 1981,146, note 94). En fait, Ruwet ( 1983) a montré que le comportement de ces expressions dans un certain nombre de constructions (constructions «facile», causati ves notamment) ne permet pas de confirmer cette thèse. Dès lors, les exemples (15) et (16) ne constituent plus des arguments pour l'unicité lexicale des ExiMs.

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que (18b) ou (18c)? Si l'idiome était dans une relation d'arbitrarité totale avec sa signification5, on devrait accepter toutes les constructions de (18). Comme ce n'est pas le cas, on est obligé de conclure que le sens des constituants lexicaux de l'expression joue un rôle primordial: à savoir ici le sens de casser, qui désigne une action rapide, le passage d'un état d'intégrité physique à un état de partition physique. De même que l'on ne peut pas représenter une cassure osseuse comme un processus ayant une durée, on ne peut pas envisager l'achèvement désigné par casser sa pipe comme ayant une durée. Une première conclusion s'impose donc. L'arbitrarité n'est pas totale, et la signification de l'expression idiomatique est, en partie tout au moins, dépendante du sens de ses partie6.

(b)Il a été observé que les ExiMs se comportaient de manière non homogène relativement au passif, comme le montrent les exemples (19):

(19) a. La glace a été rompue par ce joyeux drille, b.?? Sa pipe a été cassée par Max. c. * Le camp a été foutu par l'ennemi.

Nous avons déjà examiné le cas de (19b): l'impossibilité du passifest lié à la relation de coréférence entre le possessif et le sujet profond, qui interdit tout mouvement du type passif. Cela dit, cette explication ne peut valoir pour (19c), et il reste encore à expliquer pourquoi (19a) est acceptable. L'une des solutions proposées par Ruwet (1983) passe par la notion d'autonomie referentielle, développée par Milner (1982). On dira qu 'une expression est non autonome référentiellement lorsqu 'elle ne peut, par elle-même, renvoyer à, ou désigner un objet du monde qui constitue sa référence actuelle (la référence actuelle étant opposée dans la théorie de Milner à la référence virtuelle, qui définit l'ensemble des conditions permettant à une unité lexicale de désigner un segment de réalité). Par exemple, les pronoms personnels de troisième personne sont typiquement non autonomes référentiellement: pour référer à un segmentde laréalité (un individu) en (20), ila besoin d'être en relation de coréférence, via la relation asymétriqued'anaphore, avec uneexpression autonome référentiellement (ici Pierre):

(20) Pierre est malade; il est à l'hôpital.

L'arbitrarité des idiomes peut être montrée par la distribution suivante: on a briser I rompre la glace, mais pas casser la glace, casser sa pipe et non briser sa pipe. Cela dit, si l'on se concentre sur l'opposition casser/briser, les comportements syntaxiques (dans les constructions ergativcs et moyennes) montrent une différence significative: a. la branche s'est cassée vs. a', la branche s'est brisée b. la branche a cassé vs. b'. * la branche a brisée. Casser est un verbe ergalif, alors que briser ne l'est pas. Un contre-exemple apparent est fourni par la locution très ñgécfoutre le camp. Comme le dit de manière pertinente Ruwet (1983,39), «nous n'avons plus la moindre idée de ce que le camp vient foutre ici (cf. lever le camp)».

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Que se passe­t­il pour nos exemple (19)? Manifestement, le camp ne peut être auto­

nome référentiellement: il ne renvoie à aucune entité du monde. Qu'en est­il de sa

pipe! Certains étymologistes amateurs aimeraient accréditer la pertinence historique

de l'interprétation littérale, selon laquelle la chute et la cassure de la pipe des vieillards

moribonds était signe de leur trépas. Mais en dehors de cette interprétation, il est

difficile d'accorder à sapipe une autonomie referentielle. Par contre, en ( 19a), la glace,

par son interprétation métaphorique, peut être dite autonome référentiellement: la

signification idiomatique de briser la glace passe par la signification referentielle de

la glace, qui traduit son autonomie referentielle. Ces observations conduisent à

l'hypothèse selon laquelle l'une des conditions sur l'acceptabilité des phrases

passives est l'autonomie referentielle de leur sujet.

On voit que cette seconde condition introduit un argument nouveau pour la séman­

tique des expressions idiomatiques: non seulement leur signification intervient, mais

également leur autonomie referentielle, à savoir les conditions sous lesquelles les

unités lexicales qui les composent peuvent référer.

(c)La troisième condition sur le sens des expressions idiomatiques concerne les

relations qui existent entre les unités qui les composent. Les remarques qui vont

suivre visent à donner une explication supplémentaire de l'impossibilité de (19b),

en plus de la condition syntaxique de coréférence bloquant le passif et de la

condition sémantique de l'autonomie referentielle. Π a été observé que «les

phrases transitives où l'objet désigne une propriété inaliénable (partie du corps,

qualité de l'âme, etc.) référant au sujet n'admettent pas, ou admettent mal, d'être

mises au passif» (Ruwet 1983, 126­27), comme le montrent les phrases (21) et

(22):

(21) a. Adolphe a levé le bras droit. b. * Le bras droit a été levé par Adolphe.

(22) a. Max m'a vendu sa voiture. b. * Sa voiture m'a été vendue par Max.

Une hypothèse générale a été formulée par Keenan (1975, 345): «Le passif est

difficile ou impossible à appliquer si la référence du NP promu n'est pas comprise

indépendamment de celle du sujet». Cette contrainte sémantique sur le passif serait

ainsi à l'origine de l'agrammaticalité de (19b), mais également des phrases (b) en (23)

et (24) qui constituent les correspondantes passives des Exis en (a):

(23) a. Max m'a donné sa parole. b. * Sa parole m'a été donnée par Max.

(24) a. Max rongeait son frein. b. * Son frein était rongé par Max.

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Ruwet ne donne d'ailleurs pas moins de trente-et-une autres expressions idiomati­ques soumises à la même contrainte, et notamment celles de forme V+son(sa)+N. Cela dit, comment expliquer, si ce n'est par la présence d'un possessif, le caractère inaliénable de sa pipe dans casser sa pipe! Voici le commentaire de Ruwet, qui confirme que casser sa pipe viole la contrainte de Keenan (Ruwet 1983, 131): «Casser sa pipe est assez opaque, mais peut-être moins que d'autres Exis: casser, comme mourir, implique l'idée d'une destruction; sapipe semble référer à quelque chose qui est dans un rapport de propriété inaliénable à l'individu (cf. casser la tête, la cafetière, à quelqu'un)».

J'ai ainsi donné trois arguments qui donnent une motivation sémantique à certains comportements syntaxiques des Exis, et qui, surtout, montrent que l'hypothèse du caractère non compositionnel des expressions idiomatiques est discutable. Une certaine dose de motivation sémantique est à l'origine à la fois des propriétés syntaxiques et des propriétés sémantiques des Exis.

5. La pragmatique des idiomes

Je suis un linguiste pragmaticien, et mon travail consiste principalement non pas à donner des interprétations fonctionnelles aux faits de syntaxe, mais à regarder certains faits syntaxiques et sémantiques d'un point de vue non grammatical, dans le but de proposer des explications visant à simplifier la grammaire des langues naturelles. Je me suis intéressé aux expressions idiomatiques non pour des raisons grammaticales, ni par une fascination pour les natures mortes de la langue ou pour ses objets en phase de concrétion, mais à cause de mon intérêt pour les métaphores, tant du point de vue de leur figement que de leur créativité (cf. Moeschler 1991). Or, nous l'avons vu à propos de l'ExiM briser la glace, les idiomes ne sont pas si éloignés des métaphores qu'on pourrait le penser. Il semble y avoir une absence de solution de continuité entre métaphore et idiome: certains idiomes sont d'anciennes métaphores, et leur différence tient plus au figement des premiers qu'aux processus sémantiques qui les définissent. Ruwet note à cet effet qu'il serait «très important d'étudier les expressions idiomatiques in statu nascendi, ce qui amène à l'étude des tropes, no­tamment de la métaphore» (Ruwet 1983, 35). L'exemple qu'il donne est tiré du langage sportif, dans lequel on peut avoir en concurrence plusieurs expressions en voie de figement (par exemple, remettre les pendules I les montres I les horloges à l'heure), situation qui ne permet pas de prévoir laquelle de ces expressions va dominer et se figer entièrement. Autre exemple: en (25) sommes-nous en face d ' une métaphore ou d'une expression idiomatique en cours de figement?

(25) Dans l'étape du Tourmalet, Greg LeMond a littéralement explosé.

La réponse tient àlanaturedu calcul interprétatif impliqué pour comprendre l'énoncé. On peut faire l'hypothèse (cf. Sperber & Wilson 1989) que la différence entre une

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métaphore et un énoncé non métaphorique ne tient pas à la nature non littérale du premier et à la nature littérale du second, mais au degré de force de leurs implicitations. Un énoncé métaphorique communique plus ou moins fortement, selon son degré de figement, ses implicitations, à savoir les informations communiquées non inférables à partir des seules informations linguistiques. Le degré de figement constitue un paramètre important: plus la métaphore est créative, et plus ses implicitations sont faibles. Dans le cas de (25), l'expression exploser littéralement est relativement conventionnelle et signifie «avoir une défaillance». Mais la différence entre avoir une défaillance et exploser littéralement tient à certaines implicitations de cette dernière. Une explosion est violente, elle dissémine une entité homogène, la désagrège. Ce que communique l'énoncé, c'est donc la violence, le caractère catastrophique, irrécupé­rable de la défaillance de LeMond. On serait donc en droit de considérer que l'expression exploser littéralement est plus une métaphore qu'un idiome, même si elle est en voie de figement.

Nous sommes ici au coeur du problème de l'usage des expressions idiomatiques. JJ a été observé (cf. Coulmas 1981) qu'aucune langue ne se passait d'expressions idiomatiques, et que celles-ci naissaient de la nécessité, à partir d'un répertoire limité (le lexique) de représenter et de communiquer des contenus nouveaux. Les processus de formation des expressions idiomatiques ne sont donc pas, jusqu'à preuve du contraire, différents de ceux des métaphores ou des tropes en général.

Ce regard pragmatique sur les expression idiomatiques interroge un des a priori les plus communément partagés à propos des Exis (cf. Rey 1979, Ruwet 1983) : les expressions idiomatiques doivent être apprises. «Les expressions idiomatiques, note Ruwet (1983,34-35), doivent être plus ou moins apprises une à une, par coeur; le sujet parlant apprenant une langue doit y être exposé, découvrir qu'elle existe dans la langue sous telle forme plutôt que sous telle autre. Mais, une fois apprises, beaucoup d'entre elles se prêtent à analyse, à interprétation, sur la base de leur structure syntaxique interne, du sens littéral de leurs constituants, et des rapports (métaphoriques, métonymiques, etc.) entre leur sens littéral et leur sens idiomatique». Sans entrer dans les détails, on notera que la seconde partie de la citation atténue quelque peu la position classique de la première. J'aimerais ici, pour conclure ces remarques sur les idiomes, donner deux arguments qui contestent non le caractère d'expressions apprises, mais la relation figée entre expression idiomatique et signification.

(i) Comment expliquer que les expressions idiomatiques et les locutions verbales de même structure syntaxique (V+(dét.+)N) ne subissent pas toutes les mêmes opérations syntaxiques (passivation, clivage, construction «facile», mouvement qu-, insertion lexicale, pronominalisation, extraposition, etc.)? Si une forme de base est apprise, toutes les formes dans lesquelles la construction est possible (et notamment celles qui sont dérivées de transformations de mouvement) ne peuvent pas l'être.

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(ii) Comment expliquer, en second lieu, les processus de compréhension d'expres­sions idiomatiques qui ne font pas partie du répertoire lexical de l'interprétant? On peut imaginer deux solutions. Première solution: on admet la codification forte de l'Exi, ainsi que son caractère non compositionnel; on devrait ainsi arriver à la conclusion que l'Exi n'est pas décodée, et qu'une partie de la phrase reste sans interprétation. Or on sait que, dans les processus de compréhension, d'autres informations que les seules informations linguistiques (par exemple la situation ou contexte, les expériences, les croyances du sujet parlant, etc.) lui permettent d'inférer la signification de la phrase. On peut dès lors envisager la solution alternative suivante : l'interprétation de la phrase n'est pas limitée au décodage linguistique, mais procède également de l'inférence pragmatique. J'aimerais donner trois exemples d'un tel processus, les deux premiers liés au domaine sexuel (dans lequel l'allusion et l'inférence jouent un grand rôle) et le troisième au langage des enfants.

(a)Le premier exemple est le très connu faire cattleya de Proust (Du côté de chez Swann). L'allusion passe ici par un rapport métonymique et l'interprétation conventionnellement associée est inferable, parce qu'un ensemble d'informations sur les relations entre Swann et Odette sont accessibles au lecteur. On notera que, d'une manière générale, l'accès inférentiel à la signification n'implique pas sa codification7. Si faire cattleya signifie conventionnellement «faire l'amour», il faut bien admettre qu'à sa première occurrence, un processus non codique, mais inférentiel ait été à l'origine de son interprétation.

(b)Le second exemple est l'expression idiomatique faire crac-crac. Avant de dé­couvrir le spot publicitaire de la marque de biscottes Machin, où l'on nous dit que «pour la première fois à la télévision, un homme et une femme vont faire crac-crac», avant de nous montrer un homme et une femme mordre dans une biscotte, j'ignorais l'existence et le sens de l'expression faire crac-crac. Mais sa signifi­cation m'a-t-elle été inaccessible pour autant? Certes non, car la signification littérale défaire crac-crac, à savoir faire le bruit que l'on fait - «crac-crac» - en mordant dans une biscotte, ne permettait pas de donner une pertinence suffisante à l'énoncé «pour la première fois à la télévision, un homme et une femme vont faire crac-crac». L'inférence («un homme et une femme vont faire l'amour à la télévision») est déclenchée ici par la recherche de pertinence naturellement associée au processus d'interprétation (cf. Sperber & Wilson 1989).

(c)Troisième exemple enfin, lié au langage des enfants. Mes enfants ont spontané­ment, pour me demander de lacer leurs chaussures, créé l'expression faire les

7 S ' il est assez banal de demander de fermer la fenêtre à l'aide de la formule il y a un courant d'air, on ne peut en conclure que le sens «demande de fermer la fenêtre» soit encode par la formule (la raison estqu'il s'agit ici d'une implicitation conversa donneile particulièreau sens deGricc 1975, qui a la propriété de n'être associée à aucun matériel lexical spécifique).

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chaussures1. Lors de la première occurrence de cette expression, je n'ai pas eu de peine à interpréter leur demande, à cause de la situation (l'enfant me tendait un pied chaussé mais non lacé) et à cause d'un principe pragmatique (métonymique) tout à fait général (cf. Nunberg 1978, Fauconnier 1984), qui permet de relier pragmatiquement un objet à un autre par une fonction pragmatique. Dans la situation présente, l'inférence va défaire X à Y(X), où Y désigne l'activité néces­saire pour que X soit satisfait (dans le cas présent «lacer» ).

6. Conclusion

La conclusion de ces quelques remarques sur les expressions idiomatiques et locutions verbale est double. Premièrement, les bizarreries syntaxiques des Exis ne sont pas relatives à leur construction syntaxique, mais plutôt aux limitations qu'elles subissent dans les transformations syntaxiques (passivation, clivage, extraposition, construction «facile», mouvement qu-, pronominalisation, etc.). Ces caractéristiques syntaxiques ne sont pas totalement explicables syntaxiquement: elles sont pour la plupart motivées par des propriétés sémantiques, qui ne s'appliquent d'ailleurs pas seulement aux expressions idiomatiques (comme la non-autonomie referentielle, l'autonomie relative du sujet, le caractère inaliénable du sujet, etc.). Deuxièmement, les mystères sémantiques associées aux Exis ne sont qu'apparents: nous avons pu observer que la non-compositionnalité des Exis ne résistait pas à un examen plus attentif de leur sémantisme, et qu'un rapprochement avec d'autres types de constructions non littérales (métaphores et métonymies) permettait d'envisager le processus de compréhension des Exis d'une manière ordinaire, qui satisfait les principes de l'interprétation des énoncés en contexte.

L'étude approfondie des Exis reste à faire. Mais les descriptions existent (cf. pour le français Gross 1984, Gaatone 1981, Anscombre 1982), ainsi le recensement des problèmes (cf. la merveilleuse étude et synthèse de Ruwet 1983). Ce qui manque peut-être, c'est un traitement global, syntaxique, sémantique et pragmatique, qui n'ait pas peur de remettre en cause certains a priori sur la nature du lexique ou sur le rapport entre système linguistique et pragmatique.

Je noterai que la construction faire le N est très fréquente dans le langage des enfants, où il n'est pas possible de comprendre littéralement l'expression, et dans laquelle faire a bien son sens agentif.

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Jacques MOESCHLER

Maître d'enseignement et de recherche

Faculté des Lettres

AI 202

Université de Genève

CH­1211 Genève 4

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What's in a verbal Colligation? A Project for a Bilingual Dictionary of Verbal Colligations:

English-Portuguese / Portuguese-Englishl

Stella E. O. Tagnin

Summary

1. Levels of Conventionality 2. Why a dictionary of verbal colligations? 3. The birth of the project 4. Now, what is a Verbal Colligation? 5. The Syntax of Verbal Colligations 6. The Semantics and Pragmatics of Verbal Colligations 7. Conclusion 8. Appendix

During my first visit to the United States in 1961 -I was eighteen at the time and had been studying English for six years -1 thought I had a pretty good command of the language. However, on one of my first encounters I said something to a classmate and he looked at me in such a way I believed I had made a terrible grammatical mistake. So, I asked him, «Isn't that correct?» «Yes, it is,» he answered, «but it's just not the way we say it.»

Ever since this sentence has been ringing in my ears and all this time I have been working hard at trying to master that «way we say it.»

Trying to find out what was so peculiar about that «way,» I obviously stumbled over a learner's so-dreaded «idiomatic expressions.» Nevertheless, I soon realized that this category was only one of the items that made up that «way we say it.» Other categories, which were not considered idiomatic because they could be understood literally, also played an important role. All of them together formed what has come to be known as conventionality in language.

1 Part of this project has been possible due to a grant from the University of São Paulo through a special Program for Languages and Arts and another grant from FAPESP (Fundação de Amparo à Pesquisa do Estado de São Paulo).

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1. Levels of Conventionality

In my doctoral dissertation Levels of Conventionality and the Translator's Task (1987) I tried to identify some of the levels of conventionality in language and their lexical occurrences. Disregarding the phonological and morphological levels, which I was not concerned with at the time, conventional occurrences could be placed on three different levels: syntactic, semantic and pragmatic.

Atthe syntactic level mere are three aspects that can be conventionalized: theorderin which theelements occur- why do wesay beckandcalland not * collandbeck, orbedandbreakfast instead of * breakfast and bed?; the combinability of the elements, that is, the choice of lexical items. Thus, we say TV set and not * TV unit, or take a walk instead of * make a walk. It so happens that there are elements that just combine naturally. The third aspect refers to thegrammaticality of the combination. In other words, though not grammatically correct, an expression may nevertheless be an accepted expression of the language. Such is the case of by and large or long time no see.

The semantic level comprises all conventions of meaning, that is, expressions in which the overall meaning does not correspond to the sum of the meanings of its parts. It is at this level that all idiomatic expressions are placed. The pragmatic level holds all conventions of usage. For instance, when we are introduced to a person, we usually use a fixed expression such as Glad to meet you, Nice to meet you or How do you dol We must know when to use such a formula and which formula to use.

From all these combinations, those involving prepositions (things like look after, be good at, admiration for) have been dealt with at length in textbooks. Phrasal verbs (make up, doze off, put aside) usually have their place in textbooks but can also be found in most good dictionaries in the entry for the main verb, as well as in specific dictionaries like Rosemary Courtney 'sLongman Dictionary of Phrasal Verbs or Collins Cobuild ' s recently published Dictionary of Phrasal Verto, just to mention a couple.

Most of these combinations, however, are learned in a non-systematic way, either in conversations or in readings, as long as the person is aware of them. But the person will only realize it is a conventional occurrence after coming across the same expression several times.

2. Why a dictionary of verbal colligations?

At the end of my dissertation I call the reader's attention to the fact that there are a couple of categories which would deserve closer attention on the part of teachers and mainly lexicographers. The first group refers to combinations of adjectives + nouns (mortal enemy, lost cause, blithering idiot), the second to combinations of verbs and their objects. These

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are the so-called verbal colligations. A person usually knows the noun he/she wants to use but does not know which verb naturally combines with it. In other words, a person going to the drugstore with a prescription may not remember that what you do with a prescription is FILL it. Likewise, one WAGES war, STRIKES a balance, TAKES a walk, BEARS a child and so on.

3. The birth of the project

It seemed to me that the second group had received no attention whatsoever. Therefore, as I had already collected a good number of examples from my readings, I decided to start a systematic research, also looking up their Portuguese equivalents, if there were any. So as to be able to finish the project in a reasonable period of time I engaged the cooperation of my Translation and Graduate students.

Our team consisted of eighteen people at the beginning, each one in charge of looking up one or more letters of the alphabet in monolingual and bilingual dictionaries.

Unfortunately, however, these combinations never - or hardly ever - occur in entries of theirown. Instead, they may be found either in the entry for the noun Qikeplay hooky, which is mentioned under hooky) or for the verb (like wage war, listed under wage). Rather often, however, the combination will be encountered in the examples for the entry, without any special reference to it. Such is the case of the example for attitude: «She took the attitude that acting was a sort of recreation», in which the combination take an attitude occurs. Obviously, one will only discover this is a conventional combination when one has come across it over and over again.

In 19891 came across The BBI Combinatory Dictionary of English - A Guide to Word Combinations by Morton ßenson, Evelyn ßenson and Robert /lson (Amsterdam: John Benjamins, 1986). This is a monolingual dictionary presenting all kinds of recurrent combinations, both what the authors call grammatical (blockade of, problem to, by ac­cident, angry at, break in on, etc.) and lexical. The latter comprise combinations such as a rough estimate (adjective + noun), house arrest (noun + noun), alarms go oj(f (noun + verb), swarm of bees (unit expressions), deeply absorbed (adverb + adjective) and affect deeply (verb + adverb). In contrast, our dictionary will concentrate on verbal colligations only, but from a bilingual point of view.

Still in 1989, Prof. Tim Johns, during a visit to the University of São Paulo, called my attention to a Concordancer he had been developing and using for his classes. When I discussed our project with him he immediately offered to let us have a copy of his program and even donated a number of texts from which we could draw authentic examples. In the meantime we have contacted Brazilian publishers and asked them for books they may have on disk, which has enabled us to create a Database in Portuguese too. We are still building up both our English and Portuguese collections of texts.

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Prof. Tim Johns also called our attention to the COBUILD dictionary, published by Collins and the University of Birmingham. The dictionary itself is the result of a language research project of the English Department at the University of Birmingham, which had been commissioned by Collins Publishers. Though very innovative and quite complete, the dictionary does not focus exclusively on fixed combinations of words. Nevertheless, such combinations are often mentioned in the explanation of an entry. But in the entry for fill, for example, fill a prescription only comes up under number 18: «If you filian order or a prescription, you provide the things that are asked for, used mainly in American English.» On the other hand, take a walk, in the entry for walk, for instance, is only explained as «If you tell someone to take a walk, you tell them to go away because you are annoyed with them; a very informal expression, used mainly in American English.» Therefore, not even this new conception of a dictionary takes into consideration, in a consistent way, the fact that the part you don' t remember of a VERBAL COLLIGATION is the verb itself so that the verb would have to be listed in the entry for the noun, which is what one does remember. And that is what our dictionary intends to do.

4. Now, what is a Verbal Colligation?

It is an unpredictable combination of verb plus its object or subject. And the unpredictable part is the verb because the noun is the element we do remember. An interesting criterion to determine whether a certain verb + noun combination is actually a verbal colligation is to resort to translation. If the verbs used in certain combinations are different across two or more languages then it means that these combinations are arbitrary. A very good example is take a step, which translates as dar umpasso (* give a step) in Portuguese, einen Schritt machen (* make a step) in German anàfore unpasso (*do ormake a step) in Italian. This will enable us to establish take as an arbitrary occurrence with a step, thus classifying take a step as a verbal colligation.

Though the immediate purpose of this paper is to define, on a syntactic basis, what averbai colligation is so as to determine the structures that will be listed in our dictionary, at a later stage in the process of analysis of the data, semantic and even pragmatic criteria may come into play. These will be mentioned in passing toward the end of this paper.

To start with, then, a verbal colligation is a verb + noun combination. The noun in the combination is usually the object of the verb, as in take advice (aceitar conselho), give an address (fazer discurso) or fold one's arms (cruzar os braços).

The noun can also be the subject of the verb, as in a river flows (o rio corre), a volcano erupts (for which there is no equivalent Portuguese colligation as we only have the noun erupção) or a film/play opens (umfilme/uma peça estreia).

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The verb may also co-occur with two other categories: adjectives or adverbs. When co-occurring with an adjective, the verb is usually a copula: fall asleep (adormecer), run dry (secar) or come true (realizarse). Interestingly, their Portuguese translations, as can be seen, are usually monolexemic inchoative verbs.

With an adverb the verb tends to be a verb of movement which, in Portuguese, is followed by a prepositional phrase: climb aboard (subir a bordo), go ashore (descerà terra), lead astray (levarpara o mau caminho, an idiom in Portuguese) or a stative verb: sitlstandastriae (sentarIficar de pé de pernas abertas).

Among the verbs that combine with an object, a large number of combinations is formed by a class of verbs which are considered «general» or almost semantically «empty» verbs: make, do, put, get, have, take and give. According to Allerton ( 1984) they usually combine with a déverbal noun «forming an expanded form of the verb» whose meaning would correspond to the simple verb from which the noun is derived: make a suggestion=suggest, do a calculation = calculate. However, this does not seem to be always so. Would puf a question correspond to question! Besides, these verbs may also occur with non-deverbal nouns as in give a paper (apresentar um trabalho) or give alms (dar esmola). It might also be interesting to note that sometimes, based on an existing combination, one might expect the occurrence of a similar noun which, nevertheless, proves not to be possible. Such is the case of have a drink, in which drink is a déverbal noun, versus * have an eat. (For a semantic account of this phenomenon see Wierzbicka, 1982).

But the array of verbs that may occur in verbal colligations is quite extensive: settle (an account), commit (murder), press (charges), reach (an agreement), dissolve (an alliance), lay (a snarelan ambush), enter (a plea), clear (the air), follow (sb's advice), keep (accounts), manage (affairs), save (face/appearances), and the list could go on and on and on.

5. The Syntax of Verbal Colligations

Another aspect worthy of mention is the syntactic arrangement of the verbal colligation. So far we have been talking of a verb+noun combination. Maybe it would be best to refer to is as a verb+Noun Phrase combination as very often the noun is preceded by some kind of determiner. When the determiner is an indefinite article, it is obvious that a definite article may also occur instead: He gave an interesting address at the conference. The address he gave was even mentioned in the local papers. There are also verbal colligations in which the noun is always defined: clear the air, enter the army. This is most certainly a problem of definiteness, which deserves further investigation.

Otherverbalcolligationsrequireapossessivepronoun^ateiö'iadvicefacararoco/tse/Ao de alguém), make sb' s acquaintance (travar conhecimento com alguém). Others still need

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apersonal pronoun which is co-referential with the subject of the verb: Frank took his leave and left the room. Other examples are lose one's appetite, fold one's arms.

In other cases, no article whatsoever precedes the noun: getapplause (receber aplausos), castanchor (jogarâncora), deny access (negar acesso), takeaimffazerpontaria). Some verbal colligations may be optionally followed by a Prepositional Phrase, depending on the structure they occur in: He was denied access to the ballroom. He took aim and shot. He took aim at the target and shot.

Furthermore, it may also be the case that the noun must occur in its plural form: exchange amenities (trocar gentilezas), make advances (fazer investidas), manage affairs (gerir negócios), make allegations (fazer alegações), make amends, (fazer reparações), save appearances (salvar as aparências).

Phrasal verbs may also be part of a verbal colligation: put on an act (fazer uma cena), make up an agenda (preparar a agenda), take up a habit (pegar um hábito/uma mania), keep up appearances (manter as aparências), take up arms (pegar em armas).

In some cases a Prepositional Phrase is obligatory so that the adequate preposition should be mentioned following the colligation: make atonement for (reparar), take advantage of (tirar proveito de), draw attention to (chamar atenção para). Sometimes the colligation has a preposition preceding the noun in one language but not in the other. In English one takes up arms butin Portuguese we saypegarem armas. Likewise, abuse one's authority is abusar da autoridade and ride a bicycle is andar de bicicleta. On the other hand, come of age is translated into Portuguese with no preposition atingir a maioridade and meet with opposition becomes encontrar oposição.

6. The Semantics and Pragmatics of Verbal Colligations

Before closing I would just like to hint at a couple of points which a semantic analysis will help clarify. The first has to do with hyponymy. In take time we could say that time is a superordinate so that take may then occur with any of its hyponyms. This seems to be true as we also say take an hour, take a few minutes, take a second etc. The second point refers to selectional restrictions. The verb commit, for example, always occurs with a noun that has a negative connotation. Notice commit murder, commit arson, commit a mistake but not * commit a blessing or * commit a good action.

Interestingly, take time occurs on a pragmatic level as a fixed expression Take your time! While as a regular colligation it will be either translated as tomar tempo or levar tempo, as a formulait will be usually rendered as Não tenha pressa! It seems that this special usage will also need a place in our dictionary.

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7. Conclusion

In sum, we have seen that a) verbal colligations are unpredictable combinations of verbs with their objects or subjects; b) that different classes of verbs may occur in them, and c) that verbal colligations cover quite an array of syntactic structures, which can be summarized as follows:

l.V + (Det) + N + (Prep) a. V + Indefinite Article + N: make an agreement b. V + Definite Article + N: clear the air c. V + Possessive + N: follow sb's advice d. V + Pronoun[mtf] + N:fold one's arms e. V + N : commit arson f. V + N... : make amends

w g. V + N + PP: draw attention to

2.V + PP a. V + Prep + Ind. Art. + N: come to an agreement b. V + Prep + N: stand to attention c. V + Prep + Poss + N: come to sb's rescue

3. V +Particle+ NP a. V + Particle + Ind. Art. + N: put on an act b. V + Particle + N : keep up appearances

4. N + V: blood flows 5. V + Adjective: fall asleep 6. V + Adverb: climb aboard

Suffice it to say, all of these peculiarities must be clearly indicated in the dictionary entry so as to give the reader as much information as possible to enable him/her to use the colligation in a natural way. In other words, to help him/her to say things in the way native speakers say them.

8. Appendix

Just to give you an idea of what such a dictionary may look like, here are a few sample-entries, though they will most probably have undergone several alterations and improvements by the time the project is completed.

English -Portuguese

advice n. 1. to take * (Take my advice, don't ever do that again !)-> seguir um conselho (S iga meu conselho, nunca mais faça isso!)

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attention π. 1. to pay * (to) (Please pay attention to these symbols.) ­> prestar atenção a (Preste atenção à aula.); 2. to call, draw * to (... not wanting to call attention to himself. To draw attention to their financial weakness was risky.) ­> chamar atenção para,­ 3. to call sb's * (to) (And if that doesn't call your attention back to your path... By calling your attention to feelings and problems...) ­> chamar a atenção de alguém (para) (... olhando o relógio a cada instante e chamando a atenção do Chefe do Gabinete Militar...) 3. stand at * ­> ficar em posição de sentido.

umbrage n. ["offense"] 1. to give * ­> ofender. 2. to take * at (he took umbrage at the chairman's commment) ­> ficar ofendido (ele ficou ofendido com o comentário do presidente).

Português­Inglês

plantão s. 1. dar * ­> be on duty; 2. dar * (Durante o dia, um batalhão de repórteres deu plantão na porta da TV Globo, mas um rígido esquema de segurança impediu o acesso aos estúdios.) ­> stand guard.

recorde s. bater um * (Juntos eles conseguiram bater recorde em cima de recorde.) ­> break a record.

vontade s. 1. deixar à * ­> put at ease; 2. deixar pouco à vontade (Havia nele uma firmeza perturbadora, uma segurança que a deixava pouco à vontade.) ­> put ill at ease.

It is hoped that this dictionary will help fill one of the many gaps in the lexicographic field

of bilingual dictionaries.

BIBLIOGRAPHY

ALLERTON, DJ. (1984) «Three (or four) Levels of Word Cooccurrence Restriction» in Lingua 63,17­40, North­Holland.

BENSON, Morton. (1985) «Lexical Combinability», in Papers in Linguistics, vol. 18,3­15.

TAGNIN, S.E.O. (1987) Levels of Conventionality and the Translator's Task, unpublished PhD. dis­sertation.

WŒRZBICKA, Anna. (1982) «Why Can You Have a Drink When You Can't *Have an Eat! in Lan­guage, vol 58, nr. 4, December.

Stella E.O. TAGNIN Professeur

Universidade de São Paulo Pça Vicentina de Carvalho, 230

05447 Soo Paulo SP BRÉSIL

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Page 159: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Remarks on Collocations in Sublanguages1

Willy Martin

Summary

1. Introduction 2. Collocations as restricted wordgroups 3. Specifying levels for the description of collocations 4. Factors conditioning lexical choices 5. Collocations in sublanguages

1. Introduction

One of the few issues that is generally agreed upon when discussing collocations is the fact that they neither can be considered to be idioms, nor that they can be regarded as free wordgroups. Typically they are in-betweens: restricted enough not to be regarded as free, transparent enough not to be considered idiomatic. Or, as M. Benson puts it, «Between idioms, on one hand, and free combinations, on the other, are loosely fixed combinations of the type to commit murder» (Benson 1985:4).

Wordgroups

Free Restricted

Collocations Idioms

fig. 1

The reader is strongly advised first to take a look at Hcid's article appearing in this volume (Décrire les collocations), as much of what is stated there is assumed to be known in what follows.

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Page 160: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

As one may expect this tripartition is rather crude and it suffices to take a look at a random entry of the BBI Combinatory Dictionary of English (Benson, Benson and Ilson, 1986), which is said to list collocations, to find out the heterogeneous nature of the concept. In what follows therefore we will try to shade this notion further and to see what kind of characteristics it has in sublanguages.

2. Collocations as restricted wordgroups

The problem with the definition of collocations is not so much their delineation with regard to idioms, but much more so, their difference with regard to free wordgroups. As a rule idioms are defined by the fact that they are semantically speaking non-compositional. Given the wordgroup C containing the lexemes A and B, C is said to be semantically non-compositional, i.e. the meaning of C cannot be derived from the meaning of its component, syntactic, parts. Asa prototypical example kick the bucket is often mentioned, being a wordgroup the meaning of which cannot be derived neither from kick nor from bucket.

In what follows however we will not deal with wordgroups the elements of which are bound to each other by idiomatic, irregular, semantics, so that, semantically speaking, they form one monolithic whole. Rather, we will take up wordgroups which show a semantic composition and regularity on the one hand, yet are somehow extraordinary by the mere fact that they co-occur.

In other words, given A and B, we are not dealing with 1 and 2 of the figure below, but with 3.

m m -c ø g UüU

-c ø g LBJU

1 A CH -c Ø Q LBJU

fig. 2

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Page 161: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

In 1 free combinations are represented: A and Β co-occur in C but can also be used with the same meaning outside of it, i.e. in other combinations (think of e.g. the «substitutability» of buy and book in buy a book). In 2, C on the one hand and A and Β on the other, are incompatible as to meaning: in other words, C only "pseudo-contains" A and B. In 3 finally, one of the elements shows a meaning which can be easily found outside of the wordgroup, the other however is much more bound, much more restricted, to the wordgroup, in that it either does not occur outside of it, or in that it is the preferred choice of its neighbour.

3. Specifying levels for the description of collocations

Up till now we have been dealing with collocations as with non-idiomatic, combinatorily restricted, wordgroups (see par. 1), the latter (the combinatorial restriction) manifesting itself either in a unique occurrence of one of the elements or in a restricted choice of one of the elements (see par. 2). In other words, the lexical choice of one of the elements in one way or another is bound to or determined by the other element. In what follows we try to specify ways of determining lexical choices. We will do so by commenting upon figure 4 below. Before doing so however we will first of all explicate our underlying assumptions. One of them is that to define collocations one should at least characterize them on three levels: the conceptual, the syntactic and the lexical level (see Heid, Martin, Posch 1991:31-32). Taking this into account we will now refine our above working definition of "non-idiomatic, restricted wordgroup" and reformulate it as:

- a combination of two concepts which are in polar relation, one (collocate or modifier) modifying the other (base or head);

- this conceptual construct is realized through a combination of two lexemes (one-or multiword items) which can be systematically dealt with syntactically;

- in this wordgroup the choice of the collocator is seriously restricted.

Furthermore we will assume that, in terms of categorial types, the following are possible in languages such as Dutch, English, French and German:

Head noun noun noun

verb

adjective

Modifier noun verb adjective adverb

adverb

fig. 3

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Page 162: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Having introduced specifications for wordgroups as to the conceptual and syntactic level, we will, in the next paragraph, deal with factors that may play a role in the determination of the restricted lexical choices w.r.t. the modifier in the wordgroups in question.

4. Factors conditioning lexical choices

The part which follows can be regarded as a kind of position paper. In it we present our view with regard to collocations by presenting a schematic survey completed with comments numbered as 4.1 ,4.2 etc.

restriction conditioned by

conceptual structure of

Restricted Wordgroups

restriction conditioned by

lexical form of Head

restriction conditioned by

context

Head Modifier I

implying

features of Head a "unique" Head

fig. 4

4.1 With restricted wordgroups we, of course, mean here wordgroups such as conceptually and syntactically specified in 3. Moreover idioms are not taken into account.

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Page 163: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

4.2 Starting from a notion "restricted wordgroup" as a collocational definition then, gives rise to a broad range of collocational objects. However fig. 4 shows a center implying a narrow definition (restricted wordgroups (of the specified type) in which the restriction is defined by the lexical appearance of the head) which can be expanded in a systematic way: wordgroups in which the modifier implies a "unique" concept are closer to the prototypical centre than wordgroups in which the modifier only implies features of the head concept. The latter, in turn, are more prototypically collocational than wordgroups only restricted by the conceptual structure of the head. Contextual restricted wordgroups on the other hand, however, are very close to the centre.

4.3 By conceptual structure we mean the semantic valency or argument structure of a concept (or the conceptual meaning of a lexeme). This way modifying concepts in "collocations" such as infectious disease, nervous system, tense vowel, etymological dictionary etc. are conditioned by or expected from «definitional knowledge». In other words the conceptual meaning of disease contains a slot for CAUSE, that of system contains one for FUNCTION, that of vowel one for AR­TICULATION, that of dictionary one for INFORMATION etc. In this respect the above "collocations" are concept bound. Of course the more specific the filler of the conceptual slot, the greater the "binding" between the two elements as then there is not only the expectancy pattern from the Head which triggers the Modifier, but the reverse as well (cf. 4.4).

4.4 Often the "collocations" we have been discussing in 4.3 show a syntactic form of the type A + N or N (attributive) + N. In this respect it is not surprising that the attributive syntactic modifier also "fits" the conceptual sense frame of the head. In other syntactic environments such as NV e.g. it often will be the conceptual structure of the modifier which implies the head concept or features of it. So e.g. one can observe that bark uniquely (or near-uniquely) refers to dog as one of the concepts it implies, such as debug implies program, and browse implies file. On the other hand, modifiers may have less stringent implications: earth implies a.o. pieces of electrical equipment such as radio, television set, stereo etc. The latter less stringent "bindings" are usually called selectional restrictions, although some people will call the former, selectional restrictions as well. Other examples of the AN type are e.g.: blond(e) hair, applied science etc.

4.5 In central or prototypical collocations such as "commit murder", "confirmed bachelor", "create a file" etc (with modifier in italics) the restriction is not so much concept-bound but lexeme-bound. In this respect the combination as such is no longer lexically computable but arbitrary. Whereas we can argue that the combination of the lexemes bark and dog can be computed from the conceptual structure of bark which contains the concept DOG which will find its instantiation dog in the conceptual structure of the latter lexeme, this is no longer the case for a combination such as make

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Page 164: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

an offer. Actually to make the arbitrariness of choice the more tangible it is interesting to use (part of) the syntagmatic lexical functions as defined by Mel'cuk e.a. (see Mel'cuk e.a. 1984). Typically these functions express a general(izable) relationship between Head and Modifier and so, in principle, give rise to a wide range of possible modifiers. The fact that some of them result in restricted realizations or preferences makes them arbitrary, non-computable and therefore necessary to be taken up explicitly in the lexicon. We will call them collocations in the narrow sense of the word. The more they are expressable in terms of general lexical functions, the more their restriction is extraordinary, the more they are prototypical collocations.

4.6 The last type of "collocation", the "contextual" one, we borrow from the work of A.-L. Kjaer (Kjaer, 1990 a, b, c). In studying German legal texts this author was struck by the fact that in certain contexts (such as law texts) one finds word combinations which are directly prescribed by the law context. So e.g. in a legal text one will use die Klage andern instead of die Klage verändern. According to Kjaer these are context-conditioned word combinations. «The central notion of this theory is that restrictions on combinability which are unpredictable and inexplicable if word combinations are analysed in isolation from the non-linguistic context from which they are used, can be explained by circumstances in the non-linguistic world of law.» (Kjaer 1990 a:26). At the end of her article the author wonders «to what degree the same method could be applied to other sublanguages» (Kjaer 1990 a:29). We are inclined to state that the same phenomenon will be observed in other sublanguages as well. So e.g. in Dutch weather reports one finds such combinations as aanhoudend mooi ("continuing fine") or overwegend droog ("predominantly dry") etc., whereas in a less restricted/specific context one will use here voortdurend!de hele tijd etc. mooi or voornamelijk/voor het grootste deel (van de tijd) etc. droog.

5. Collocations in sublanguages

In Martin 1988 (33-34) we have taken a recursive view on sublanguage (and on language in general for that part). In this approach a sublanguage (SL) consists of a kernel (SLk) and an extension (SLe), the latter in its turn consisting of a kernel and an extension, this extension again having a kernel and an extension etc. By using recursive rules this situation can be expressed as follows:

SL —> SLk + SLe

SLe —> SLk + SLe

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Page 165: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

The sublanguage kernel then will contain typical features of the SL, whereas the extension(s) will cover variations on these features. Two parameters playing a predominant role in the establishment of SL kernels seem to us the communicative situation (prototypically an expert-expert exchange) and the semantic domain (prototypically a restricted and conceptually (well-)organized expert piece of knowledge). By specifying values for these two parameters or features we can come to a delineation of several sublanguages and describe/characterize them in the flexible way mentioned. Such a characterization will involve several levels (lexical, syntactic, semantic, pragmatic etc.) such as found in Deville (1989:92) and in Martin-ten Pas. As to the "collocational" level it can be expected from the characterization of SL given above, that SLs will stand out as compared to general language (GL) by the specific character entailed by the subject domain and the communicative situation. In other words, it can be 'predicted' so to speak, that SLs (and a fortiori their kernels), will show, par excellence, concept-bound and context-bound 'collocations', without excluding the 'central' lexeme-bound ones. As one will have observed, concept-bound 'collocations' with the collocator taking up an attributive role (AN or NN as syntactic frames) prototypically have a subcategorizing function and so, often, yield terms, i.e. lexical expressions for subcategories within the conceptual system (cf. such cases as 'infectious disease', 'nervous system', 'tense vowel', 'etymological dictionary' etc. mentioned in 4.3). On the other hand, not only the 'Head-driven' bias towards conceptual combinability leads to restricted wordgroups, but also the fact that SLs tend to avoid synonyms (as a consequence of their preference for a one-to-one relation between term and concept), will lead to restrictions of the 'debug program'-type as mentioned in 4.4.

Finally, as argued by Kjaer, we should in SLs not forget about restrictions imposed by the context (or by the communicative situation as we have called it), think of the law and weather report cases.

All this, of course, does not prevent "central" collocations from occurring in SLs as well.

As an overall conclusion we may say that, by studying collocations from a conditioning point-of-view, we have observed that, although the notion itself is useful both in GL and SL, a shift in focus is to be noticed when comparing these two varieties.

BIBLIOGRAPHY

For a more extensive bibliography on collocations we refer to the several publications mentioned below in the list of references, in particular to those mentioned in Heid, Martin and Posch 1991. We here will restrict ourselves to those works to which there has been made an explicit reference.

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Page 166: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

BENSON, M. (1985) «Lexical Combinability» in Papers in Linguistics, vol. 18:1,3-15. BENSON, M., BENSON, E. and R. ILSON (1986) BBI Dictionary of English. A guide to word

combinations. John Benjamins, Amsterdam/Philadelphia. DEVJLLE, G. (1989) Modelization of task-oriented utterances in a man-machine dialogue system.

PhD thesis, Antwerp. HEID, U. MARTIN, W. and I. POSCH (1991) Feasibility of standards for collocational description

of lexical items. Eurotra -7 report, Stuttgart/Amsterdam. KJAER, A.L. (1990 a) «Context-conditioned word combinations in legal language» in: IITF Journal

(Journal of the Institute for Terminology Research, Vienna), vol. 1, no. 1-2,21-32. KJAER, A.L. (1990 b) «Methods of describing word combinations in language for specific purposes»

in: IITF Journal, vol. 1, no. 1-2,3-20. KJAER, A.L. (1990 c) «Phraseologische Wortverbindungen in der Rechtssprache» (to appear in

Proceedings of the Colloquium 'Europhras' 1990). MARTIN, W. (1988) Een kwestie van woorden [A matter of words]. Inaugural Lecture, Amsterdam. MARTIN, W. and E. TEN PAS (1991) «Subtaal en Lexicon» [Sublanguage and Lexicon], in De

Spektator, vol. 20,361-375. MEL 'CUK, I. e.a. (1984) Dictionnaire explicatif et combinatone du français contemporain. Recher­

ches Lexico-Sémantiques (I). Montréal.

Prof. Dr. Willy MARTIN Subdepartment of Lexicology

Free University of AMSTERDAM De Boelelaan 1105

NL-1081 HV Amsterdam

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Ébauche d'une didactique des expressions idiomatiques

en langue étrangère Jean-Pierre Colson

Sommaire

1. Phraséologie et linguistique appliquée 1.1. Le courant generati viste

1.1.l.La construction créative du langage 1.1.2.La grammaire universelle

1.2. L'approche communicative 1.3. L'approche réceptive 1.4. Applications didactiques de la phraséologie

2. Comment enseigner les expressions idiomatiques en langue étrangère? 2.1. Importance du phénomène et définitions 2.2. Expressions idiomatiques et collocati ves en français et en néerlandais: quelques exemples significatifs 2.3. Quelques pistes didactiques

2.3.1.Le rôle primordial du contexte 2.3.2.La rétention à long terme 2.3.3.Les synonymes et antonymes 2.3.4.Les champs sémantiques 2.3.5.Fonctions et situations de communication

3. Conclusion

Introduction

Les nombreuses recherches en matière de phraséologie (Buhofer 1980, Burgeret al. 1982,Coulmas 1981,Daniels 1976 à 1985, Greciano 1983, Hausermann 1977,Koller 1977, Matesic 1983, Picht 1987, Pilz 1978,1981,1982, Quasthoff 1973, Reger 1980 Thun 1978, Wenzel 1978, etc.) ont permis de mettre en lumière une composante fondamentale du langage, lourde de conséquences pour la traduction. Confrontés aux nombreux «phraséologismes» ou «phraséolexèmes» de la langue cible, les apprentis traducteurs sont souvent déroutés. Leur seul recours est le dictionnaire, qui ne fournit

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pas toujours une explication valable et représente une perte de temps. Mieux vaut dès lors compléter leur bagage linguistique en leur donnant un aperçu aussi complet que possible des tournures phraséologiques. Mais comment définir la didactique de la phraséologie dans le cadre de l'enseignement des langues étrangères? C'est à cette question queje tenterai de répondre brièvement dans cet article, en mettant particu­lièrement l'accent sur l'acquisition des expressions idiomatiques.

Depuis les années soixante-dix, les travaux de phraséologie ont abordé des problèmes très divers, qu'il s'agisse des proverbes (domaine plus spécifique de la parémiologie), des différents types d'expressions figées, des citations, des stéréotypes, collocations, lieux communs, adages, slogans, clichés, poncifs, tics du langage, etc. En suivant ces différentes pistes, les linguistes se sont retrouvés tout naturellement à plusieurs carrefours importants, menant tantôt à la littérature (citations, adages, proverbes), à la psycholinguistique (valeur affective des expressions), ou à la sociolinguistique (préjugés inhérents à de nombreux phraséologismes). Par contre, les recherches inspirées par la didactique des langues étrangères ne sont pas légion. L'enseignement de la phraséologie reste en grande partie un domaine inexploré:

«Es fällt auf, daß didaktisch orientierte Vorhaben innerhalb der Phraseologieforschung immer noch unterrepräsentiert sind.» (Daniels 1983 : 162)

«De vraag is dan natuurlijk water in het onderwijs met idioom zou moeten worden gedaan. Helaas is er op dat punt nog betrekkelijk weinig in de literatuur te vinden.» (Schouten-Van Parreren 1985b : 238)

Il y a là un paradoxe, car une didactique de la phraséologie doit reposer sur des assises théoriques, qui ne peuvent être fournies que par la linguistique appliquée. Je tenterai, dans un premier point, de mettre en lumière les interactions possibles entre la phraséologie et les développements récents de la linguistique appliquée. Dans un second temps, je proposerai une mise en pratique de ces concepts dans le cadre de l'enseignement des expressions idiomatiques aux traducteurs et interprètes.

1. Phraséologie et linguistique appliquée

1.1. Le courant générativiste

1.1.1. La construction créative du langage

Une des interprétations courantes de la doctrine chomskienne en linguistique appli­quée (Dulay & Burt, Krashen) met l'accent sur la créativité dans les processus d'acquisition du langage. Sur base des données fragmentaires qui proviennent de l'environnement (l'input ou offre langagière), l'enfant acquiert sa langue maternelle et l'adulte une langue seconde ou étrangère selon le principe de la construction créative.

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Page 169: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Force est de constater qu'une telle approche du langage se situe apparemment aux antipodes de la démarche phraséologique. Le domaine de prédilection de la phraséologie concerne en effet l'ensemble des constructions toutes faites, «préfabriquées», du langage, qui échappent précisément à toute logique et à toute créativité. Il faut sans doute chercher là une des raisons de la désaffection relative que témoigne la linguistique appliquéeenverslaphraséologie:sousl'influencedu courant générativiste, de nombreuses recherches se sont concentrées sur les mécanismes universels d'ap­prentissage et non sur les idiomes.

Les unités phraséologiques ayant de nombreux points en commun avec les unités lexicales, c'est plutôt dans le domaine de l'acquisition du vocabulaire que se situe un parallèle possible entre la construction créative et la phraséologie.

1.1.2. La grammaire universelle

Ces dernières années ont vu se développer une branche plus radicale du mouvement générativiste, centrée autour du concept de grammaire universelle cher à Noam Chomsky (voir notamment White 1989). Ces recherches étudient le rôle des principes universels et innés dans le cadre de l'acquisition d'une langue seconde. Tous les phénomènes liés à la performance sont exclus, mais également tous les aspects du langage qui ne découlent pas directement de la grammaire universelle, notamment toutes les constructions propres à chaque langue. C'est bien sûr parmi celles­ci que se situent les unités phraséologiques.

Le développement énorme de ce secteur de recherche au cours des années quatre­vingts et quatre­vingt­dix a encore accentué le fossé qui séparait déjà la linguistique appliquée et la phraséologie. Sans être le moins du monde incompatibles, ces deux disciplines ont opté d'emblée pour des directions opposées.

1.2. L'approche communicative

L'approche communicative, en dépit des nombreuses critiques dont elle a fait l'objet, constitue une des orientations majeures de la linguistique appliquée de ces quinze dernières années (cfr Colson 1989b).

Dans ce courant également, l'aspect phraséologique du langage a été largement ignoré. Du point de vue de la didactique des langues étrangères, Γ accent est plutôt mis sur la conversation: les élèves doivent apprendre à communiquer en langue étrangère, à se faire comprendre. Ceci se produit souvent au détriment de la grammaire, mais également de toutes les tournures et expressions propres à la langue cible.

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Page 170: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Il me semble toutefois qu'il existe une passerelle intéressante entre la phraséologie et l'approche communicative. Elle concerne les «fonctions communicatives» du langage (une promesse, un ordre etc.) et les «situations de communication» (demander le chemin, répondre au téléphone, etc.). Il est clair, en effet, que des formules bien précises y sont associées, que les «phraséologues» qualifient de formules routinières (Routineformel, routine formulas, prepatter ned speech) ou de stéréotypes. Ce point a notamment été étudié par Florian Coulmas (1981).

La classification des stéréotypes du langage dans une perspective communicative et l'interdépendance subtile entre une fonction du langage et les expressions qui lui sont associées représentent des pistes de recherche d'un grand intérêt. On peut toutefois regretter que cette rencontre entre deux courants indépendants de la linguistique n'ait pas mené à une application méthodologique plus cohérente.

1.3. L'approche réceptive

Ce mouvement s'oppose à l'approche communicative en privilégiant, dans l'ap­prentissage des langues étrangères, les aptitudes réceptives (Gary & Gary 1981,1982, Gattegno 1972, Lozanov 1979).

Parmi celles-ci, la compréhension à l'audition est particulièrement encouragée. Elle doit permettre à l'apprenant de combler progressivement ses lacunes grammaticales et surtout lexicales. L'interaction entre l'acquisition du vocabulaire et les aptitudes réceptives a fait l'objet de plusieurs études (Beheydt 1984, Kelly 1985, Kerkman 1981, Ostyn & Godin 1985, Schouten-Van Parreren 1979,1983,1985a, 1985b). Les phraséologismes, par contre, n'y sont guère abordés. Les mécanismes d'apprentis­sage et de rétention à long terme du vocabulaire sont déjà suffisamment complexes, et ont reçu jusqu'à présent la priorité. Nombre de ces méthodes envisagent d'autre part les tout premiers pas de l'apprentissage d'une langue seconde, un stade où le recours aux phraséologismes (tels que les expressions idiomatiques) est limité.

1.4. Applications didactiques de la phraséologie

Les applications didactiques issues directement de la recherche en phraséologie sont plutôt rares (Twaddel 1973, Weiler 1979 et le numéro spécial de la revue Die Neueren Sprachen; Sugano 1981).

Ces auteurs soulignent l'importance du contexte dans l'enseignement des unités phraséologiques, un point capital sur lequel je reviendrai plus loin. Weller et Sugano utilisent par ailleurs la méthode contrastive pour attirer l'attention des apprenants sur les similitudes et les différences entre la langue maternelle et la langue cible. Ainsi,

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Page 171: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Weller (1979) propose, pour les expressions idiomatiques, la typologie suivante: - les idiomes homogènes: il y a équivalence parfaite entre l'expression de la langue

cible et celle de la langue maternelle (par ex.: to fall ill, tomber malade); - les idiomes transparents: l'expression de la langue cible parle d'elle-même (ex.:

faire peau neuve) - les idiomes hétérogènes: il y a divergence syntaxique et/ou sémantique entre Ll

et L2 (ex.: ne pas mâcher ses mots, en anglais: not to mince one's words); - les idiomes partiellement hétérogènes et partiellement homogènes (ex. : promettre

monts et merveilles, en anglais: to promise the moon I the earth); - les idiomes comprenant des lexemes qui ne peuvent s'employer isolément (ex.:

être aux abois); - les particularismes idiomatiques, dont le sens frappe les apprenants (ex.: couper

les cheveux en quatre, donner sa langue au chat); - les idiomes unilatéraux: seules la langue maternelle ou la langue cible utilisent une

expression idiomatique.

2. Comment enseigner les expressions idiomatiques en langue étrangère?

2.1. Importance du phénomène et définitions

Tout professeur de langues étrangères en a fait l'expérience: une connaissance avancée de la langue cible suppose la maîtrise des usages propres à cette langue, qui lui confèrent son originalité et sa richesse. Ce problème est d'une acuité particulière pour les traducteurs et interprètes. Lorsqu'ils doivent traduire vers la langue étran­gère, ils concoctent souvent des phrases grammaticalement correctes mais insipides, calquées sur une froide logique ou sur les structures de la langue maternelle. Les ingrédients indispensables qui leur manquent sont à la fois d'ordre stylistique (conventions d'écriture, longueur des phrases, transitions etc.) et idiomatique.

Si plusieurs phraséologues ont étudié les expressions figées, les termes employés et les définitions varient. Mon propos étant avant tout d'ordre didactique, j'utiliserai l'appellation courante «expression idiomatique» pour des cas tels quefaire peau neuve, donner sa langue au chat, ne pas y aller de main morte. D'un point de vue pratique, ces expressions sont faciles à identifier, car leur signification ne se limite pas à la somme des éléments qui les composent. Sur le plan théorique, d'autres critères peuvent être invoqués, tels que la stabilité de la construction lexicale, ou des restrictions morpho-syntaxiques. Il existe bien sûr de nombreux cas intermédiaires, et le partage entre expressions idiomatiques et citations ou proverbes est très incertain.

Mais un autre type d'expression mérite toute l'attention des apprenants. On pourrait les qualifier d'«expressions verbales» (cfr Köhler et al., 1976) ou d'«expressions collocatives». Il s'agit de combinaisons comprenant au moins un verbe et un

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substantif, où l'on ne peut proprement parler de simple collocation en raison du caractère plus ou moins figé (ex. : mettre sur pied, faire appel à, exercer une influence, provoquer des remous, etc.).

Mon expérience personnelle (dix ans d'enseignement du néerlandais aux francophones de Belgique) m'a appris que ces deux types d'expressions constituent l'une des principales pierres d'achoppement dans les compositions et traductions en langue étrangère. On peut raisonnablement admettre, sur base des nombreuses recherches en phraséologie, que toutes les langues d'Europe sinon du monde ont largement recours aux expressions idiomatiques et collocatives. Il est toutefois probable que Γ utilisation de ces deux tournures phraséologiques varie d'une langue à l'autre. Une comparaison entre le français et le néerlandais s'avère très utile à cet égard.

2.2. Expressions idiomatiques et collocatives en français et en néerlandais: quelques exemples significatifs

Langue de la raison et des principales cours d'Europe aux dix­septième et dix­huitième siècle, le français a gardé une prédilection pour l'abstrait et l'universel. La langue écrite, fort éloignée de la langue parlée, est encore marquée par plusieurs tournures héritées du Grand Siècle (ex.: chercher noise à quelqu'un, 1611). Il suffit d'ouvrir les chefs d'oeuvre de Corneille ou de Racine pour voir à quel point l'usage du dix­septième, hormis quelques détails, est proche du français écrit actuel. On y retrouve déjà une prédilection pour les tournures nominales plutôt que verbales, un des grands traits stylistiques du français, de même que la recherche méticuleuse des verbes «riches».

Ainsi, en bon français, on nefaitpas une objection mais on l'émet. De même, on rédige un rapport, on commet une bévue, on établit une comparaison. Il est vrai que, dans le langage courant, le verbe faire jouit de nombreuses faveurs, mais il suffit d'ouvrir un roman ou même un bon quotidien pour voir à quel point faire, mais aussi être, aller, venir et d'autres verbes génériques sont proscrits. Par exemple, un journaliste pourra dire : «Cette affirmation du Premier Ministre israélien représente, constitue, marque, traduit un progrès certain». La prolifération de structures de ce type mène inévitablement à la multiplication des expressions collocatives. Ainsi, faire un rapport peut être considéré comme un simple cas de collocation. Par contre rédiger un rapport relève de l'expression collocative ou expression verbale.

Un trait original du français parlé, à l'opposé de l'archaïsme relatif de la langue écrite, est l'importance de l'argot. Le français est sans doute une des langues du monde où le transfert entre l'argot et la langue parlée est le plus important. Celui­ci ne se limite pas à une couche marginale de la société, mais affecte notamment la population estudiantine et se retrouve dans le français informel (ex.: bouffer, bagnole, crêcher,

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pognon, etc.). Dans le domaine des expressions idiomatiques également, l'apport de l'argot n'est pas négligeable (ex.: avoir les jetons, ramasser le pognon, à fond la caisse, se tirer en douce, etc.).

Par ces quelques exemples tirés du français, mon propos est seulement de rappeler l'importance de la culture, de l'histoire et des nombreuses conventions phraséologiques qui en ont découlé. Ainsi, en néerlandais, une histoire différente a mené à d'autres usages. Par tradition, le néerlandais, langue germanique, a toujours préféré le concret à l'abstrait. Ceci se traduit par exemple par un emploi plus fréquent de tournures verbales au lieu de substantifs, car ceux-ci introduisent un concept abstrait (ex. : er werd tot laat in de nacht onderhandeld, les négociations se sont pousuivies tard dans la nuit; des substantifs tels que «incommunicabilité» n'existent pas). Le néerlandais n'a jamais renié son assise populaire, anti-élitiste et garde de nombreuses expressions liées à un personnage, un fait historique ou à la navigation (ex.: de zilvervloot komt, hij praat als Brugman, schoon schip maken, dat staat als een paal boven water, etc).

Au contraire du français, le néerlandais tolère beaucoup plus de verbes génériques tels que zijn, maken, doen, komen, gaan, zitten, liggen, staan. Ainsi, la traduction de «représenter, former, constituer une première étape» sera le plus souvent: zijn). Il en résulte, en néerlandais, un plus grand nombre de collocations et un nombre inférieur d'expressions collocatives par rapport au français. Par contre, en raison du caractère plus direct, plus concret des expressions idiomatiques, celles-ci seront d'un usage beaucoup plus fréquent en néerlandais (on peut le vérifier en parcourant les journaux ou les bulletins bilingues qui paraissent en Belgique).

De cette comparaison sommaire entre la langue de Voltaire et celle de Vondel, on peut tirer, avec toutes les réserves d'usage, les enseignements suivants: - le recours aux expressions tant idiomatiques que collocatives varie d'une langue

à l'autre et semble lié aux traditions culturelles; - les expressions collocatives se développent au détriment des collocations simples.

Il apparaît, en d'autres termes, que les expressions idiomatiques et collocatives font partie du patrimoine culturel de chaque langue mais peuvent jouer des rôles divergents d'une langue à l'autre. Cet élément devrait être pris en compte dans les cours de stylistique comparée et de lexicologie contrastive. Ainsi, une bonne connaissance du style journalistique en néerlandais requiert la maîtrise d'un nombre plus élevé d'expressions idiomatiques qu'en français. Par contre, un test de composition française pour allophones fera surtout appel aux expressions collocatives. Il importe donc, pour chaque langue, de déterminer le profil phraséologique qui la caractérise.

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2.3. Quelques pistes didactiques

2.3.1. Le rôle primordial du contexte

Un premier principe général qui vaut pour l'enseignement des différentes unités phraséologiques et particulièrement pour les expressions concerne le contexte.

Le contexte permet tout d'abord aux expressions de se réaliser. Elles vont en effet de pair avec des situations bien précises, et il faut apprendre aux étudiants à ne pas «les mettre à toutes les sauces».

Le contexte est un facteur restrictif, mais il peut être également un facteur de liberté. Dans certains cas, les expressions se transforment, acquièrent un sens ironique, secondaire, etc. Nombre d'entre elles sont d'ailleurs floues ou ambiguës. Un bel exemple est l'expression française faire long feu, qui peut, dans certains contextes, s'employer négativement avec un sens identique. Ainsi, on dira que tel projet a fait long feu (a échoué, tel un canon qui fait long feu, qui explose), mais on pourra dire aussi que le projet n'a pas fait long feu (a échoué, n'a pas duré).

Quelle que soit la méthode choisie, il faudra veiller à présenter les expressions dans leur contexte. Le minimum requis est une phrase suffisamment explicite. L'idéal est de situer l'expression dans un texte. La pédagogie de la découverte peut s'appliquer. Un moyen très simple est de demander aux étudiants de souligner dans un texte toutes les expressions et de tenter ensuite d'en donner la signification et la valeur affective (ironie, humour, registre etc.) en se basant sur le contexte linguistique (les autres phrases) ou même extra­linguistique (la situation en question, le personnage ou le pays dont on parle, etc.). D'autres exercices peuvent consister à imaginer un contexte possible pour telle ou telle expression, ou à choisir la bonne solution parmi d'autres, dans un test à choix multiples.

2.3.2. La rétention à long terme

Une chose est de reconnaître une expression dans son contexte et de l'interpréter correctement. Une autre est de la retenir et de pouvoir l'utiliser activement. Il est un fait bien établi que les connaissances actives des étudiants en langue étrangère sont de loin plus réduites que leurs connaissances passives. Ceci vaut également pour les expressions. Ainsi, de nombreux traducteurs déduisent du contexte le sens des expressions idiomatiques qu'ils rencontrent, mais ils ne les utilisent pas lors d'une composition écrite en langue étrangère.

La distinction qu'établit S.D. Krashen entre Γ apprentissage et l'acquisition permet de mieux formuler le problème.

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Il peut y avoir «apprentissage» à court terme de vocabulaire et d'expressions idiomatiques dans les méthodes traditionnelles basées sur des listes à mémoriser. Les étudiants retiendront sans doute la matière nouvelle pendant quelques mois, parti­culièrement pendant la période d'examens, pour l'oublier presque totalement par la suite. Ceci s'explique par le fait que seule la mémoire à court terme a été activée, grâce aux processus conscients d'apprentissage. On admet aujourd'hui en linguistique appliquée (avec des nuances diverses) que la mémoire à long terme ne s'alimente guère de processus cognitifs conscients. Il faut au contraire passer par une longue phase d'intériorisation et de reconstruction pour «acquérir» de nouvelles structures grammaticales, lexicales ou phraséologiques. On constate même (cfr Colson 1989a) que les étudiants utilisent correctement plusieurs structures grammaticales et lexicales lors d'un test écrit axé sur la forme (qui fait appel à l'apprentissage conscient), pour ensuite transgresser les mêmes règles lors d'une conversation libre.

Une interprétation radicale de cette théorie revient à prôner une simple offre langagière adaptée aux besoins des apprenants. Ainsi, pour acquérir les expressions idiomatiques, il suffira aux étudiants d'être confrontés à un matériel (interviews, textes, romans etc.) qui contient ces structures. La thèse de Krashen est que le niveau de l'input doit légèrement dépasser le stade de connaissances atteint par les apprenants, de manière à les forcer à chercher la signification, et partant à acquérir les nouvelles structures.

Cette méthode peut fournir un complément utile à l'enseignement des langues traditionnel. Au niveau universitaire, de nombreuses institutions l'appliquent déjà en partie: les étudiants reçoivent du matériel linguistique sous forme de cassettes qu'ils doivent écouter à domicile. Le rôle du professeur est non seulement de sélectionner un matériel adéquat (interviews, pièces radiodiffusées, romans, articles de presse), mais également d'assurer le suivi de la matière. L'idéal serait bien sûr de concevoir, sur cassettes vidéo, un certain nombre de situations riches en expressions idiomatiques. Des expériences de ce genre ont déjà été tentées, notamment aux Pays-Bas. Le support visuel apparaît comme un renforcement puissant de la rétention des expressions en situation. Nombre d'expressions liées à l'histoire peuvent faire l'objet d'un exposé culturel (par exemple le métier à tisser pour des expressions tels que débrouiller, démêler un écheveau,filer le parfait amour, perdre le fil de ses idées, les premières institutions bancaires pour payer en espèces sonnantes et trébuchantes, etc.). Ce procédé est parfois utilisé lors de jeux télévisés.

2.3.3. Les synonymes et antonymes

La simple confrontation avec l'offre langagière, conformément aux recommandations de la théorie du Moniteur de Krashen et de l'approche réceptive, me semble toutefois insuffisante dans le cas de l'acquisition des expressions idiomatiques et verbales. La

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diversité et la complexité sémantique de nombreuses expressions ne permet pas toujours à Γ apprenant de les interpréter correctement. De plus, nos langues européen­nes sont caractérisées par une palette d'expressions qui se recoupent partiellement ou totalement, et le réseau ainsi créé laisse souvent les allophones perplexes.

La rétention à long terme des expressions sera dès lors favorisée par des exercices basés sur les synonymes et antonymes, et il conviendra de préciser le registre stylis­tique. Citons, par exemple, des expressions au contenu fort proche telles que: ne pas mâcher ses mots, ne pas y aller par quatre chemins, ne pas y aller avec le dos de la cuiller, y aller carrément, ne pas se cacher de, ne pas tourner autour du pot, parler sans ambages, ne pas y aller avec des pincettes, ne pas y aller de main morte.

2.3.4. Les champs sémantiques

Le classement par champs sémantiques permettra une vision plus générale que les simples synonymes et antonymes. Le professeur pourrait inviter les étudiants à établir leur propre classement. Par exemple, le champ sémantique de l'acquiescement comprendra en français des expressions telles que: marquer son accord, se ralliera un point de vue, être d'accord sur, se ranger à une opinion, etc. De même, pour le champ sémantique de la critique: émettre des réserves, mettre au pilori, vouer aux gémonies,...

Il ne faut pas non plus perdre de vue que les apprenants, notamment les traducteurs et interprètes, sont censés maîtriser les structures phraséologiques de la langue étrangère, mais également de leur langue maternelle. Ecrasés sous le poids de matière, nombre d'entre eux ne trouvent plus le temps de lire des romans de qualité dans leur langue, et leur niveau de connaissances stylistiques et idiomatiques s'en trouve sérieusement affecté. Il faudrait veiller, dans l'enseignement des expressions de la langue étrangère, à mettre celles­ci en parallèle avec les équivalents en langue maternelle. A cet égard, les champs sémantiques s'avèrent particulièrement utiles. Il est clair, en effet, que les expressions équivalentes d'une langue à l'autre (d'un point de vue sémantique, stylistique, connotatif, collocatif, pragmatique) sont extrême­ment rares. Il existe toujours bien une nuance, une acception secondaire, ou un contexte légèrement distincts. Ceci a pour conséquence que la plupart des expressions idiomatiques et verbales peuvent recevoir, en langue étrangère, au moins deux traductions valables. Il est vain, dans ces conditions, de rechercher la traduction d ' une expression: mieux vaut situer les groupes d'expressions de la langue maternelle (L1 ) et de la langue cible (L2) dans les champs sémantiques. Ces demiers permettent en outre de mettre les expressions en regard avec les verbes du même champ. Ceci est également opportun, car nombre d'expressions de Ll peuvent très bien se traduire par un verbe en L2 et inversement.

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En résumé, le champ sémantique de la critique en français pourrait se présenter de la manière suivante:

ACQUIESCEMENT

F: accepter / admettre / agréer / autoriser / confirmer / entériner / permettre / ratifier / encourager / acquiescer / être d'accord / tomber d'accord / marquer son accord / se rallier à un point de vue / se ranger à une opinion etc.

Ces données doivent bien sûr être complétées (composantes stylistique, prag­matique ...), mais le classement par champs sémantiques offre l'avantage d'une grande souplesse. L'étudiant pourra s'orienter comme il le veut, et acquérir par lui-même les nuances précises qui distinguent les éléments du champ.

Sur base des champs sémantiques, de nombreux types d'exercices pratiques sont concevables, qu'il s'agisse du simple classement ou de questions à choix multiples. On peut également donner aux étudiants une liste d'expressions et leur demander de préciser laquelle n'appartient pas au même champ que les autres.

2.3.5. Fonctions et situations de communication

Ce troisième niveau d'analyse rattache les grilles précédentes aux situations réelles. Ceci devrait permettre une utilisation plus active du bagage phraséologique acquis par les étudiants.

Les champs sémantiques de l'acquiescement s'inséreront par exemple dans des situations de communication telles que le résumé critique d'un livre ou un débat sur un thème donné. Lors des cours de conversation, les exercices choisis devraient être adaptés aux fonctions communicatives et aux champs sémantiques vus par les étudiants, de manière à activer leurs connaissances.

Enfin, qu'il s'agisse des synonymes, des champs sémantiques ou des fonctions de communication, l'enseignement des expressions idiomiatiques et verbales peut être assisté utilement par l'ordinateur. La création d'une banque de données phraséologiques bilingues, reprenant les subdivisions présentées plus haut, peut s'avérer fort utile aux apprenants, et particulièrement aux traducteurs, qui restent souvent perplexes devant les imprécisions des dictionnaires. Dans cette banque de données, chaque expression devrait idéalement être reprise dans son contexte original: il suffirait de recopier l'extrait du roman ou de l'article de journal où intervient l'expression. Cette méthode, étayée par d'autres exemples, répondrait aux exigences du contexte, du registre et des collocations. Les utilisateurs pourraient tirer

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un grand profit des multiples fonctions de recherche par mot-clé ou prototype (par ex.: les expressions comprenant le mot chien, telles une vie de chien, un temps de chien, arriver comme un chien dans un jeu de quilles, traiter quelqu' un comme un chien, se regarder en chiens de faïence...) ou par terme-clé (champs sémantiques, fonctions, registre informel, etc.).

3. Conclusion

La mise au point d'une didactique des expressions idiomatiques et de la phraséologie en général est une priorité dans une formation valable des traducteurs et interprètes. La difficulté d'une telle entreprise est due à l'existence de courants contradictoires au sein de la linguistique théorique et appliquée. Toutefois, d'un point de vue pratique, une comparaison avec l'acquisition du vocabulaire permet de sélectionner dans ces différentes théories les directives appropriées. Ainsi, la rétention à long terme des expressions idiomatiques et verbales paraît difficile en dehors d'une approche réceptive, où les étudiants ont le temps d'acquérir par eux-mêmes les chaînons manquants de leur compétence phraséologique. Cette reconstruction créative de l'édifice idiomatique pourra être étayée par des assises générales telles que les synonymes, les champs sémantiques et les fonctions de communication. Comme dans d'autres domaines de l'acquisition linguistique, le rôle de l'enseignant sera de mettre l'étudiant en face de ses responsabilités. Apprendre une langue est une tâche quotidienne, l'assemblage patient d'un immense puzzle. Les gratifications sont heureusement nombreuses, et la moindre n'est pas la découverte des nombreuses richesses et subtilités que véhiculent les unités phraséologiques du langage.

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Jean-Pierre COLSON Chargé de cours

Institut libre Marie Haps 101, avenue des Acacias B-5101 Erpent (Namur)

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Medical Translation from English into Italian

Observations and Comments on Italian and English Medical Languages

Maurizio Viezzi

In my paper, I shall consider Italian and English medical languages, with particular regard to aspects of some significance for the translator ' s work.I shall divide my paper into two parts. The first will briefly report on a study on translation carried out by myself. I shall then take a closer look at terminology, comparing and contrasting Italian and English medical languages from that point of view.The study referred to is an analysis of three chapters of the Italian translation of Harrison's Principles of Internal Medicine (Viezzi 1991). For those who may not be familiar with it, Harrison's is a reference book used by medical students throughout the world. It comes out also in an Italian edition, and the translation work for that edition is done by Italian physicians and medical researchers. Which means that the language used in the Italian edition is the «real» Italian medical language. The original text and its translation, therefore, provide an excellent opportunity to compare and contrast Italian and English medical languages.

The significance of such a comparison is clear. To my mind, translation is the production of a target-language text starting from a source-language text. Technical translation is not mere terminology. Syntax, register, linguistic clichés and idiosyncrasies are just as important, since they make up the typical, conventional language of the profession concerned (what Jean Delisle calls langage codifié (1980, pp. 32-33). I would not use the word «style» here. Hatim and Mason (1990, p. 10) make a useful distinction between «style» (defined as «motivated choices made by text producers») and «conventional patterns of expression». The latter is exactly what I am referring to. In his target-language text-producing activity, the translator should be aware of and comply with the rules governing the langage codifié or the conventional language used by his readers. This seems to me to be the key to a successful translation. In other words, a medical translation from English into Italian should be a translation from English into the language of Italian physicians.

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An analysis of the Italian translation of Harrison's has enabled the identification of some diverging tendencies characterizing the two languages. These findings may be summarized as follows - there is an Italian tendency towards complexity as opposed to an English tendency towards simplification. These tendencies may be observed in several respects, from syntax to specialized terminology. While the latter will be widely dealt with subsequently, I would at this stage like to draw your attention to some syntactic and lexical aspects.

Let us first consider syntax. While in English definite subjects are generally used, in Italian there is a tendency towards the use of impersonal forms. Examples (all taken from Harrison's):

- THE SYNDROME IS A GROUP OF SYMPTOMS ... - CON IL TERMINE DI SINDROME SI INTENDE ...

- PHYSICIANS NEED TO APPROACH THE PATIENT ... - SI DEVE CONSIDERARE IL PAZIENTE ...

- A STRONG PERSONAL RELATIONSHIP IS ESSENTIAL ... - E' ESSENZIALE CHE VI SIA UN OTTIMO RAPPORTO ...

Then, while the English sentences tend to concision, there is in Italian a constant tendency to expand them, in an apparent attempt to render them more explicit. This is done, however, by adding words rather than information. As a result, Italian sentences are longer, but in no way clearer or more informative. Examples:

- THE ROLE OF SCIENCE - IL RUOLO SVOLTO DALLA SCIENZA

- THE DISCOVERY OF... - LA SCOPERTA DELL'ESISTENZA DI...

- THE CLINICAL POWER - L'EFFICACIA DAL PUNTO DI VISTA CLINICO

- THESE INCLUDE ... - FRA QUESTE SI DEVONO RICORDARE ...

As regards the lexical aspect, the Italian text is characterized by a higher register. Three examples should be sufficient to prove this particular point:

- LARGE - DI COSPICUE DIMENSIONI

- NEIGHBORING - POSTO NELLE IMMEDIATE VICINANZE

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- DIVERSITY - ETEROGENEITÀ'

The impression is that the authors of the original text and the translators have adopted two different approaches to text-production. Apparently, the former wanted to convey information in the simplest and clearest possible way, while the latter had to convey information in compliance with the demanding rules of their langage codifié.

The conventional language of the Italian medical profession is such that concise and terse language would be regarded as inelegant, and would fail to meet the readers' requirements. The simple, straightforward language used in English texts is replaced in Italian texts by a complex, formal and verbose language. Just consider this example:

- WITH EACH SUCCEEDING YEAR MORE DRUGS ARE RELEASED - OGNI ANNO SI ASSISTE AD UN PROGRESSIVO INCREMENTO DEL NUMERO DEI FARMACI IMMESSI SUL MERCATO.

I might have mentioned earlier that the three chapters analysed in my study were written by three different authors and translated by three different translators. The structural and lexical findings mentioned are common to the three chapters and any influence of idiolect may therefore be ruled out. These aspects may reasonably be regarded as characterizing the two medical languages in general and not just the relatively small corpus I used for my study.

Italian sentences are therefore longer, more involved, characterized by a higher register than their English equivalents. In other words, they show a tendency towards complexity. As will be seen in a moment, this tendency may also be detected in the framework of specialized terminology and phraseology. (The examples I am going to provide are taken again from my study on the Italian translation of Harrison's and from the reading of a number of Books of Abstracts and texts presented at Medical Symposia and Conferences).

Let us first consider the English word disease. In ordinary language, this word has the same collocation as the Italian word malattia. In medical texts, however, while disease is generally used, malattia is not. In its place the specialized word patologia is almost always found. It is worth noting that a corresponding English word (pathology) does exist, but is used very rarely. The situation is typical - when there is an alternative between an ordinary and a specialized word, the former is generally found in English, the latter in Italian. As regards word combinations, the word disease remains prevalent in English, whereas Italian prefers specialized words such as morbo, or sindrome, or affezione, but malattia too can be found. As shown in the following examples, translating disease into Italian is no easy task:

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PARKINSON'S DISEASE MORBO DI PARKINSON MONDOR'S DISEASE SINDROME DI MONDOR ERB-GOLDFLAM DISEASE MALATTIA DI ERB-GOLDFLAM OBSTRUCTIVE DISEASE AFFEZIONE OSTRUTTIVA

Moving to further word combinations, please note these two expressions: liver disease and heart disease. Here, the ordinary word disease is preceded by an ordinary word used as a modifier. In Italian those two conditions are designated as follows: epatopatia and cardiopatia. Ordinary expressions such as mal di fegato and mal di cuore, which correspond in terms of register to the two English expressions, do not exist in Italian medical language. Hepatopathy and cardiopathy do exist in English, but their use is very limited.

The use of nouns as modifiers is a common feature in English. Words such as brain blood, eye, heart, liver, skin, etc. are commonly used in that function. In all such cases, adjectives of Greek or Latin origin are resorted to in Italian: cerebrale or encefalico, ematico, oculare, cardiaco, epatico, cutaneo - a further example of the «simple vs. complex» opposition characterizing the two languages. Of course there are in English adjectives such as pulmonary or cardiac (and prefixes such as ¡memo-, hepato-, etc.), but their use is limited to a minority of cases - when there is an alternative, the simpler option is generally chosen. It is not always as easy as that, however, and there are, for example, apparently contradictory and possibly misleading expressions such as cardiac output and heart rate, cardiac index and heart beat.

Let us now move to a concept which is traditionally related to disease, and to the two words that are generally used to designate it - pain and ache. An Englishman has a headache both at home and in a medical paper. Italians have a mal di testa in the former case and a cefalea in the latter. Pain is fought with apain therapy in the Anglo-Saxon world, while a terapia antalgica is used in Italy. And a pain-free patient becomes, in Italy, a patient che non presenta sintomatologia dolorosa. Ordinary words vs. specialized terminology, simple vs. complex structures, ordinary vs. formal register - the three main elements of the tendential opposition characterizing the Italian and English medical languages can be observed very clearly.

The English word death finds its obvious equivalent in the Italian word morte. Indeed the latter is often used. The Latin word exitus may however also be found- a word which is absolutely cryptic for the layman. As regards English, exitus is little more than a dictionary entry.

Many more examples could be provided concerning this contrast between ordinary terms in English and specialized in Italian. Here is a short list:

BLOOD COUNT ESAME EMOCROMOCITOMETRICO RED BLOOD CELLS EMAZIE

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BLOOD BRAIN BARRIER BARRIERA EMATOENCEFALICA HISTORY ANAMNESI MEMORY FUNZIONE MNESICA FAT LIPIDI BLOODSUCKING EMATOFAGO GENERALIZED WEAKNESS ASTENIA

The English tendency towards simplification may also be seen, for instance, in the prevalent use of the Anglo-Saxon words clotting and bleeding instead of coagulation and haemorrhage, of Latin and Greek origin respectively.

As regards specialized phraseology, the structural and lexical features are the same as those so far described. Here are three examples taken from Harrison's :

- TO RECEIVE HEPARIN - ESSERE SOTTOPOSTO A TRATTAMENTO EPARINICO

- CAN CAUSE DISEASE - POSSONO RISULTARE PATOLOGICHE

- PRODUCE PATHOLOGY [a rare occurrence of this word] - DETERMINANO L'INSORGENZA DI UNA FORMA PATOLOGICA

To summarise, I have selected a series of words and expressions taken from Italian and English texts reporting on clinical trials. The juxtaposition of Italian and English expressions seems to me to be significant.

CONTROLS IL GRUPPO DI PAZIENTI DI CONTROLLO WE GAVE THEM 20 ug OF ... ABBIAMOSOMMINISTRATOUNADOSEDI... ARTERIAL PRESSURE DECREASED ABBIAMO OSSERVATO UN CALO DELLA

PRESSIONE ARTERIOSA THE PLACEBO GROUP I PAZIENTI A CUI VENIVA SOMMINISTRATO

PLACEBO THE FUROSEMIDE GROUP I PAZIENTI TRATTATI CON ... PRESSURE VALORI PRESSORI COMPLICATIONS L'INSORGENZA DI COMPLICANZE

It will by now be clear that the rules governing the production of medical texts are more demanding in Italian than in English. Italian translators must not be misled by the syntactic and lexical characteristics of the English medical language. An Italian text constructed with the straightforward language typical of English texts would be unacceptable. You are all, doubtless, familiar with translations that, while being correct from the point of view of content, are inadequate from the point of view of form - they are, certainly, bad translations.

A further aspect. I mentioned death some minutes ago, and I stated that in Italian a Latin word is sometimes used to designate same. There is, however, in English too

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a Latin word meaning death, and found in the expression post-mortem. For the same operation, in Italy, the word autopsia, of Greek origin, is used. This is not the only case in which a concept is designated by a word of Latin origin in English and a word of Greek origin in Italian. Here are two more examples in this respect: intravenous and endovenoso; ipsilateral and omolaterale.

The influence of the classical languages on Italian and English is obvious, but, as will have become clear, somewhat unpredictable and there is no perfect correspondence in this respect between the two modern languages. So, for example, there are parts of the human body and diseases which are designated by a Latin word in one of the two languages but not in the other. In English, for instance, muscles have retained their Latin denomination (biceps, triceps, vastus medialis, etc.), in Italian they have not (bicipite, tricipite, vasto mediale, etc.). Other examples in this regard:

ENGLISH

STATUS EPILEPTICUS DURA MATER

ITALIAN

ICTUS LIQUOR

ITALIAN

STATO EPILETTICO DURA MADRE

ENGLISH

STROKE CEREBROSPINAL FLUID

Then there are, of course, concepts designated by Latin words in both Italian and English: in vivo, in vitro, deficit, etc.

There is, then, no automatic correspondence between the two languages with regard to Latin words, and the utmost caution is required.

I come now to my final point. Italian medical language is heavily influenced by English. This influence is shown by the large number of English words and acronyms found in Italian texts, and may be explained by the fact that most medical literature is in English and the Italian medical profession is, therefore, accustomed to that linguistic reality. It is worth noting, however, that the English words and acronyms used in Italian are not just those belonging to what could be termed «new terminology» - that is, words and acronyms created under the influence of new technology and new research. Most of them regard concepts and entities for which an Italian designation already exists or could easily be found.

The preparation of the present work involved consultation of a dozen Italian texts included in a Book of Abstracts of a Medical Conference held in Trieste two years ago. The following expressions cropped up:

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BLOTTING BY-PASS CLEARANCE COMPLIANCE FLUSHING IMAGING MARKER RANDOM RESPONDER NON-RESPONDER SCREENING TEST MONITOR (curiously enough, the word «monitor» is of Latin origin, but has entered the Italian language coming from the Anglo-Saxon world);

caiques such as:

TESTARE MONITORARE RANDOMIZZATO CLAMPAGGIO

and acronyms such as:

ARDS (Adult Respiratory Distress Syndrome) SPECT (Single Photon Emission Computerized Tomography) - but for CT (Computerized Tomography), the Italian acronym TAC is used MOF (Multiple Organ Failure) MSOF (Multi-System Organ Failure) COPD (Chronic Obstructive Pulmonary Disease) CAVH (Continuous Arteriovenous Haemofiltration) HP (Haemoperfusion) MAP (Mean Arterial Pressure) and even ICU (Intensive Care Unit), although I do not think that is the way those units are referred to in Italian hospitals.

This particular aspect may be even more evident in spoken Italian. At a Conference held in Padova in early September I heard the following question being asked: «Qual è la clearance del surfactant?» Incidentally, the fact that Italian is always ready to welcome English words is not necessarily a disadvantage for the translator, in particular when new terminology is concerned. However, he should resist the temptation of leaving in English whatever word he is unable to find in the dictionary.

This brief comparison of Italian and English medical languages has shown that the two are characterized by conflicting tendencies. The English medical texts tend to be clearer, shorter, characterized by a wide use of ordinary words and expressions. The Italian tend to greater complexity, are longer, characterized by a higher register and the constant use of specialized words and expressions.

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An investigation of these conflicting patterns would appear rather to belong to the field of sociolinguistics, and not to be within the scope of the present work. My purpose was to identify aspects of some significance for the translator, and my findings lead to the conclusion that those translating English medical texts into Italian have to pay great attention not only to content but also to form. Italian translators run the risk of being misled by the simple, straightforward language generally used in English texts. In a chapter devoted to technical translation in his A Textbook of Translation, Peter Newmark (1988, p. 151) stated that terminology accounts for 5-10% of a text. My contention is that the remaining 90-95% is just as important and that, at least as faras medical translation into Italian is concerned, even that 5-10% imposes on the translator the need to choose between options. The examples I have provided demonstrate, I hope, that for Italian medical language that choice is not free, if the translator is to comply with the rules governing the langage codifié of the Italian medical profession.

Producing an Italian medical text from an English original does not only involve the re-expression of concepts; it also implies a suitable use of words and expressions. There is a quotation from Alice in Wonderland that has become famous in the world of translation and interpretation. M.me Seleskovitch used it, and I know that a colleague of mine is going to use it in her paper tomorrow. It reads: «Take care of the sense; the words will take care of themselves». Well, my impression is that, as far as medical translation into Italian is concerned, words too have to be taken care of.

REFERENCES

BEDARD, C. (1986): La traduction technique: principes et pratique, Linguatech, Montreal. DELISLE, J. (1980): L'analyse du discours comme méthode de traduction , University of Ottawa

Press, Ottawa. GILÈ, D. (1986): «La traduction médicale doit-elle être réservée aux seuls traducteurs médecins?

Quelques réflexions», META, vol. 31, n. 1. HATIM, B., MASON, I. (1990): Discourse and the Translator , Longman, Harlow. NEWMARK, P. (1981): Approaches to Translation , Pergamon, Oxford. NEWMARK, P. (1988): A Textbook of Translation , Prentice Hall, Hemel Hempstead. SNELL-HORNBY, M. (1988): Translation Studies , John Benjamins B.V., Amsterdam. VIEZZI, M. (1991): La traduzione medica dall'inglese in italiano: analisi di un caso. In press.

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BOOKS OF ABSTRACTS AND CONFERENCE PROCEEDINGS: - 3rd European Symposium on Psoriasis, Trieste, 1988. - Recent Advances in Anaesthesia, Pain, Intensive Care and Emergency, Trieste, 1988. - Recent Advances in Anaesthesia, Pain, Intensive Care and Emergency, Trieste, 1989. - Recent Advances in Anaesthesia, Pain, Intensive Care and Emergency, Trieste, 1990. - Memorial Eitan Barzilay, Trieste, 1989. - 2nd International Meeting on Pediatric Intensive Care, Padova, 1991. - Giornate Mediche Triestine, Trieste, 1986. - Giornate Mediche Triestine, Trieste, 1987. - Giornate Mediche Triestine, Trieste, 1988. - Giornate Mediche Triestine, Trieste, 1989. - Giornate Mediche Triestine, Trieste, 1990.

Maurizio VIEZZI Traduttore

via del Pordenone, 4 1-34139 Trieste

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La langue administrative: reflet d'une mentalité?

Remarques comparatives à propos du grec moderne et du français

Denise Birr aux

Introduction

On pourrait s'imaginer, a priori, que le jargon de l'administration des pays médi­terranéens est nécessairement agrémenté de mille fioritures qui le rendraient plus «humain» que celui des pays nordiques, et que celui-ci devrait être dépouillé de tout élément superflu. C'est parfois l'inversequi se produit. La langue grecqued'aujourd'hui aurait en effet tendance, dans l'administration, à rejeter toute formule creuse et même tout ce qui pourrait passer pour de l'amabilité. Cela n'est pas sans surprendre lorsque l'on connaît l'affabilité innée de ce peuple voisin de l'Orient.

La difficulté, pour le traducteur ou pour l'interprète, ne s'arrête donc pas à la maîtrise de la phraséologie technique, mais elle s'étend à la connaissance des comportements socio-culturels. J'ai moi-même subi le regard courroucé d'un gendarme pour lui avoir présenté u n «permis de condu ire pour amateur» (erasitechniki adeia odigou aftokiniton) et sais donc ce qu'il en coûte de confier la traduction de son permis de conduire «pour voitures légères» à un traducteur... amateur précisément. Mais je sais aussi que c'est un mauvais coup que de dire péremptoirement à quelqu'un «qu'il passe demain» pour naperasei avrio puisque cette phrase signifie généralement, le plus aimablement du monde, qu'il peut passer demain si cela lui convient, ou plus tard.

Mon propos n'est pas, ici, de déterminer quand le traducteur doit se distancer de l'original. Si les traducteurs-jurés sont tenus, on le sait, de faire preuve d'une fidélité sans faille (sinon servile), à l'opposé, les traducteurs intervenant dans un cadre diplomatique ou ceux qui doivent, au théâtre, parodier un bureaucrate feront tout naturellement de l'adaptation. Ils chercheront instinctivement à rédiger leur texte comme un second original, leur préoccupation première étant de respecter l'impact que produit l'énoncé ou la tirade sur le public visé, quelle que soit la langue dans laquelle celui-ci en prendra connaissance. C'est essentiellement ce cas qui nous intéresse.

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Abordons maintenant trois aspects qui me paraissent caractériser la différenciation

observée entre le français et le grec dans le domaine de l'administration, à savoir:

I la simplification de l'expression,

II la dépersonnalisation des énoncés et

III la difference de conception dans les rapports administrés­administrants, de

même que la différence des habitudes dans la vie courante.

Ces aspects différenciés se reflètent

i dans l'organisation du texte, ainsi que

ii sur le plan morpho­sémantique et, naturellement,

iii sur le plan lexico­sémantique.

I a. Pour ce qui est de 1' étendue, toute lettre administrative rédigée en français a une

certaine longueur. Si l'information à fournir est brèvissime, on se plaît à l'»emballer»

dans une longue introduction (souvent inutile) et dans une formule de politesse

extensible (et souvent creuse). L'information utile ­ à savoir le corps de la lettre ­ est

prise en sandwich entre deux paragraphes qu'on ne lit même pas.

I b. Le grec, au contraire, simplifie à outrance: A l'opposé du style journalistique

courant ou du langage parlé, le style administratif est squelettique. Plus précisément:

* La formule d'appel est, le plus souvent, purement et simplement supprimée. Par

exemple, si «Monsieur le Recteur» (Kyrie Prytani) garde sa raison d'être, «Mes­

sieurs» ne signifiant rien de particulier, on l'omet.

* On entre dans le vif du sujet dès la première ou la deuxième ligne, un paragraphe

d'introduction étant jugé superflu.

* Les articulations de type adverbial, qui ordonnent le corps de la lettre, telles que

«tout d'abord», «en outre», «par ailleurs», «par la même occasion», etc., sont

fréquemment remplacées par une simple numérotation: 1. 2. 3. 4. etc.

Quant aux formules de salutations dont la diversité en français permet d'exprimer

le degré d'estime que l'on est censé porter au destinataire, elles n'ont en grec

pratiquement qu'un seul équivalent (comme dans d'autres langues d'ailleurs): Λ/t'

timi (littéralement: «Avec honneur»), parfois encore noté dans sa forme ancienne:

Meta timis ou, plus rarement, rehaussé du mot «particulier»: Me idiaiteri timi.

Cependant, même cette formule est généralement omise dans l'échange épisto­

laireentre administrant et l'administré. Etoffer la formulede politesse finale (Dans

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laire entte administrant et l'administré. Etoffer la formule de politesse finale (Dans l'attente de..., Nous restons volontiers à votre disposition pour...) passe, à plus forte raison, pour une rallonge inutile.

I c. Ce phénomène surprenant de simplification dans les libellés administratifs grecs s'explique par des fait socio-historiques plutôt qu'il ne reflète une mentalité. D'une part, on note une certaine répugnance d'une partie de la population à l'égard de l'écrit au profit de la spontanéité que permet la communication orale. D'autre part l'abandon officiel, par une loi assez récente, de la langue savante s'est fait au profit d'une langue comprise de tous, certes, mais encore mal définie. En conséquence, ce serait une véritable «trahison», dans certains cas, que de produire une traduction «fidèle» puisqu'elle donnerait au lecteur francophone l'impression d'un texte mal­veillant alors que l'original n'offusquerait personne.

I d. Cette simplification à l'extrême suscite, en revanche, un phénomène de com­pensation qui donne du poids à l'énoncé: C'est lerecours aux archaïsmes, c'est-à-dire à certaines tournures de la langue savante, épurée et figée, d'autrefois, lakatharevousa. Ces archaïsmes sont d'ordre

* lexical (ofeiloume na pour prepei na = nous devons),

* grammatical: déclinaisons, conjugaisons, pronoms, adverbes (graptes pourgrapta = par écrit),

* structurel: voix passive, formes participiales défuntes, locutions adverbiales (katopin toutou pour ystera apo afto = ensuite de quoi).

Comment rendre, en français, ce registre savant, ou autrement, comment compenser, dans une version française, la simplification - parfois choquante pour le lecteur francophone - de la langue grecque de l'administration? Par l'emploi d'archaïsmes français? Par un style ampoulé ou emphatique? Le texte traduit en deviendrait précieux, sinon ridicule, ce qui n'est pas le cas de l'original. Mieux vaut parfois oser étoffer la version française des formules caractéristiques auxquelles le lecteur francophone est habitué.

II est intéressant, par ailleurs, de relever que le recours à la langue savante grecque, quand il n'est pas dû simplement à l'âge du rédacteur, peut être motivé:

- soit par l'importance de l'objet à débattre, - soit par l'importance que le rédacteur attribue au destinataire, - soit encore par l'importance que le rédacteur s'accorde ... à lui-même.

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II Passons au phénomène de la dépersonnalisation. Bien que mineur, il s'agit d'un autre aspect différenciatif car il est plus développé en grec qu'on français. Presque systématiquement, le «je» et le «nous» font place à la forme passive. Le discours à la troisième personne est également très employé. (Par exemple «Notre service n 'est pas en mesure de ...» au lieu de «Nous ne sommes pas en mesure de...») Il semble qu'aucun fonctionnaire ne tienne à s'identifier, par écrit, à son poste. Vice­versa, l'administré, non moins craintif, évite de s'adresser directement à un fonctionnaire. (Curieusement, c'est l'inverse qui se passe lors des contacts personnels, qui sont d'ailleurs la règle.) L'emploi du passif et de la troisième personne étant assez fréquents en français aussi, la traduction ne pose guère, à ce propos, de problème de conscience.

ΠΙ a. Venons­en à un troisième point, essentiel, à savoir la différence de conception des rapports entre administrés et administrants, ainsi que la différence dans les habitudes courantes, laquelle entraîne forcément un certain nombre de divergences dans l'expression. Celles­ci ont donc autant trait au contenu qu'à la forme.

n ib .Le fonctionnaire, on le sait, se passerait volontiers de l'administré! C'est l'administré qui dépend de l'administration. Dès lors, le rapport est celui d'un inférieur vis­à­vis d'un supérieur. Cela explique le fait que l'administration grecque ne s'excuse pas souvent, même si les mots pour le faire existent («Mille pardons!», par exemple, est une expression courante en grec parlé.) Le traducteur n'a, en pareil cas, guère le choix; il peut difficilement rajouter des excuses là où il n'y en a pas!

ΠΙ c. Le traducteur devrait par contre intervenir de façon décisive dans le cas d'expressions inexistantes dans la langue cible, même lorsque c'est la notion elle­même qui fait défaut. En effet, 1'»accusé de réception», la «confirmation» d'un rendez­vous, «faire suivre» un pli, répondre «par retour du courrier» font partie, en français, de la phraséologie courante de l'administration, mais n'ont pas d'équiva­lents en grec. Lorsque l'on sait, par exemple, que c'est à l'administré de s'assurer que sa requête a bien été consignée, d'en demander pour preuve le numéro d'enregistre­ment et que c'est à lui d'aller en chercher la réponse, il est inutile de tenter de traduire «Je vous remercie d'avance de votre accusé de réception». Il faudra que le traducteur trouve des arguments pour persuader le destinataire de répondre.

ΠΙ d. Pour terminer, voyons ce que l'on pourrait appeler le vocabulaire «dissident». Il s'agit d'une série de termes appartenant à la langue courante, qui ont un équivalent exact en français et qui ne posent normalement aucun problème de traduction.

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Pourtant, et c'est là leur intérêt, il serait parfois insidieux, sinon perfide, de les utiliser tels quels. Par exemple thelo (je veux) n'a rien d'agressif et signifie généralement «j'aimerais»; prochthes (avant-hier) ou avrio (demain) signifient souvent «il y a quelques jours» ou «pas avant demain»; quand on vous répond que votre affaire prochorei (progresse), méfiez-vous, suivez-la de plus près, votre dossier est proba­blement au bas de la pile; pire, lorsque, sur un ton accusateur, on vous déclare que den endiaferthikate (vous ne vous y êtes pas intéressé), cela veut dire que vous ne vous êtes pas manifesté, vous n'avez pas harcelé le préposé et que par conséquent vous n'avez pas à vous plaindre s'il vous a oublié! Le traducteur et l'interprète n'ont décidément pas la tâche facile.

Conclusion

Si le traducteur se considère comme un véritable intermédiaire, il devrait tenir compte des divers faits de mentalité même dans le domaine prosaïque, desséché, de l'admi­nistration. S'il apparaît comme évident qu'on a à faire à une réécriture quand on traduit de la poésie, puisque le message émotif à transmettre devrait parvenir avec la même intensité au lecteur de l'original qu'à celui de la traduction, on constate que dans le langage de l'administration aussi se pose la question de la liberté vis-à-vis de l'original. Les formules techniques «justes» ne s'imposent pas toujours d'elles-mêmes. Il conviendrait de les doubler, plus souvent qu 'il n 'y paraît, d'une connaissance approfondie de la mentalité et des habitudes des deux civilisations en confrontation, même si la machine à traduire risque de nous accoutumer à la facilité.

En bref, le traducteur doit «parler» la langue du destinataire afin de lui transmettre un texte qui ait le même degré d'authenticité que l'original et, avant tout, le même degré d'efficacité.

Denise BIRRAUX Enseignante

Université des Sciences sociales et politiques de Pandios Avenue Syngrou 136

GR-17671 Athènes

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La complexité de la langue économique et commerciale au Québec

Problèmes de traduction1 2

Jeanne Dancette

Sommaire

1. Introduction 2. Spécificités des problèmes de la traduction commerciale

2.1. Compréhension des notions 2.2. Recherche des équivalences

3. Description des problèmes de traduction à partir de textes 3.1. Présentation de la recherche 3.2. Le texte 3.3. Quelques observations

4. Conclusion

1. Introduction

La traduction commerciale, comme toute traduction en langue de spécialité, pose avec une acuité particulière le problème de la compréhension notionnelle et le problème du choix des équivalences (lexicales et phraséologiques). Ces problèmes méritent d'être examinés de manière distincte dans la langue commerciale.

Cette recherche a été financée par des fonds internes de l'Université de Montréal (CAFIR); nous exprimons toute notre gratitude à l'organisme subventionnaire qui l'a rendue possible. Nous remercions Louise Charette, assistante de recherche, pour l'analyse de certaines des données présentées dans cet article et la confection du tableau d'entrées dictionnairiques, ainsi que les professeurs (HEC) V. Félix et N. Ménard pour leurs observations et commentaires fort pertinents.

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Les objectifs de cet article sont 1) d'exposer la situation expliquant les problèmes spécifiques de la langue commerciale, au Québec notamment; 2) d'identifier ces problèmes, de les classer et de les décrire du point de vue du traducteur. Nous espérons contribuer, par cette étude, à mieux définir les obstacles qu'affronte le traducteur commercial, ainsi que les lacunes de ses outils et les propriétés qui les rendraient plus adaptés au travail de traduction. Nous nous plaçons donc au niveau de la pratique de la traduction commerciale et non pas de la théorie proprement dite.

Dans le cadre de cet article et au stade initial de la recherche dont il est fait état, nous nous sommes limitée aux niveaux lexical et phraséologique. Sans minimiser l'impor­tance des autres problèmes (syntaxico-sémantiques notamment), nous avons observé que, dans les textes spécialisés, la majorité des difficultés de traduction se situe à ces deux niveaux. Ce fait n'est guère surprenant et rejoint la proposition avancée par Mary Snell-Hornby (1988, p.124) que plus le texte est spécialisé, plus la situation est spécifique, et plus le style personnel s'estompe pour laisser la place à une langue contrainte par des conventions de groupe, et, par conséquent, ajoutons-nous, à une terminologie et une phraséologie contraintes par des conventions.

Nous exposerons en première partie la spécificité des problèmes de la traduction commerciale au Québec, en distinguant la compréhension des notions et le choix des équivalences. Dans une deuxième partie, nous présenterons un texte à traduire dont nous étudierons les problèmes lexicaux et phraséologiques de traduction selon le critère de l'utilité qu'offre le dictionnaire pour leur résolution. Cet ensemble de données nous permettra d'illustrer l'application d'une grille d'analyse des solutions dictionnairiques.

2. Spécificités des problèmes de la traduction commerciale

2.1. Compréhension des notions

On a souvent dit (Gouadec 1974, Bénard et Horguelin 1979) que la compréhension est une condition préalable de la traduction. Même si l'exigence de compréhension n'est pas absolue3 - heureusement, dans un sens, pour la profession de traducteur -, il n'en demeure pas moins que plus la compréhension des notions est profonde, plus

Si elle l'était il n'y aurait guère comme traducteurs commerciaux que des experts-comptables, des diplômés de HEC, des fiscalistes, des experts en marketing et en gestion, ayant reçu une formation spécialisée très approfondie. La réalité est autre, même si on peut parfois penser souhaitable que cette exigence de formation spécialisée soit reconnue dans certains sous-domaines de la langue des affaires, comme elle l'est dans le domaine juridique où les traducteurs sont souvent juristes.

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la traduction a des chances d'être fidèle (Dancette, 1991). Or, les facteurs rendant la compréhension difficile sont nombreux dans le domaine commercial. Nous en citerons quelques-uns.

2.1.1. Immensité du domaine

Le domaine commercial recouvre des champs d'activité et des disciplines multiples : économie, droit commercial, finance, comptabilité, marketing, gestion, fiscalité, administration publique, etc. Ces champs d'activité et ces disciplines ont donné lieu à des pratiques, à des techniques d'analyse, à des théories et à des modèles extrêmement féconds, complexes et nombreux, qui se développent et se diversifient au rythme accéléré du monde des affaires. Avoir une compréhension approfondie des notions et des mécanismes dans tous ces domaines représente une gageure difficile à tenir.

2.1.2. Langue traversée par des influences multiples, parfois contradictoires

Le domaine de la vie économique et commerciale est particulièrement marqué par des échanges linguistiques subissant des influences complexes. Ces influences expli­quent à la fois les tendances à l'uniformisation et à l'éclatement terminologiques.

a) Les activités sont régies par des lois et règlements nombreux relevant de plusieurs instances législatives (municipales, provinciales, nationales, internationales)4. Les textes se rapportant à ces activités sont, eux aussi, régis (parfois même contrôlés) par des organismes de normalisation ou de surveillance (Office de la langue française, commissions des valeurs mobilières) et par des associations professionnelles. En comptabilité, par exemple, on relève les différents ordres des Comptables agréés, des Comptables en management accrédités et des Comptables généraux licenciés/Certified General Accountants.

Ces influences sur le langage commercial sont le reflet de pratiques qui appartiennent à des systèmes culturels différents dont l'aire géographique est régionale ou natio­nale. Le facteur culturel explique qu 'un Russe et un Américain ont de grandes chances de se comprendre s'ils parlent d'énergie nucléaire, mais peu de chances s'ils parlent de gestion. Cependant, ces influences peuvent aussi jouer au niveau micro-économi-

Une société domiciliée au Québec peut être d'instance provinciale ou fédérale selon qu'elle est constituée en vertu de la Loi sur les sociétés par actions du Canada (fédérale) ou de la Loi sur les compagnies du Québec (provinciale). Les incidences terminologiques du statut juridique de la société se retrouvent dans de nombreux documents : l'acte constitutif, le rapport annuel, le prospectus, etc.

199

Page 202: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

que. On parle bien de «culture d'entreprise»! Ainsi, chaque organisme, chaque institution et, dans de nombreux cas, chaque grande société tend à générer son propre vocabulaire, son propre lexique (ex.: dictionnaire de ΓAssociation des banquiers américains, lexique de la Banque de Montréal, lexique de la Banque royale du Ca­nada, lexique de la Banque fédérale de développement, glossaires de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, etc.).

Ces influences jouent dans le sens de la normalisation et de l'uniformisation du langage, mais aussi de la spécialisation à l'intérieur d'instances ou d'organismes spécifiques.

b) Inversement, la nécessité, dans le cadre de la concurrence internationale, de «faire neuf», de vendre des produits originaux (un nouvel instrument financier, un nouveau produit d'assurance) renforce la tendance à l'éclatement et à l'explosion des sous­langages du monde des affaires. De plus, la langue parlée ressemble souvent à un journalese qui affiche une prédilection nette pour les formules choc, les métaphores et les expressions elliptiques (ex.: fléchir à 8 %). La langue des affaires est, en conséquence, caractérisée par une grande vitalité et une grande richesse terminolo­gique et phraséologique qui favorisent l'apparition de très nombreux neologismes.

c) Notons enfin que la langue des affaires est loquace. Elle se parle et se fait entendre par tous les membres actifs de la société et dans tous les milieux (à la différence du domaine technique qui ne se discute souvent que dans des cercles d'ingénieurs). Cette caractéristique se traduit par un flottement dans l'usage des termes et expressions qui contribue à l'instabilité de cette langue. L'exemple de l'expression comptable bottom­line illustre cette idée. Le sens technique original se perd dans la langue courante dans des expressions du genre this is my bottom­line pour dire ye n'irai pas plus loin, c'est mon dernier mot.

Les facteurs décrits ci­dessus rendent la langue commerciale difficilement stan­dardisable.

2.1.3. Au Québec, elle relève d'une situation particulière qui la rend vulnérable, dans le contexte nord­américain, mais aussi particulièrement audacieuse

a) Le milieu des affaires franco­québécois (franco­canadien) est, à cause de sa situation géo­économique, l'un des premiers utilisateurs des concepts de comptabilité, de gestion, de marketing, de finance relevant des théories et pratiques nord­américaines.

b) Les concepts empruntés aux pratiques nord­américaines sont donc très vite «traduits» en français, avec un souci de réelle francisation (qui n'est pas toujours aussi net en Europe). Les organismes de terminologie, de plus, tendent vers l'ajustement

200

Page 203: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

sur la terminologie en usage en Europe. (Le Dictionnaire de la comptabilité et des

sciences connexes de Sylvain, fait dans un esprit de collaboration internationale, est

un exemple éloquent de cette préoccupation.) Pionnière dans le monde francophone,

la langue commerciale québécoise est renforcée par les courants de francisation des

politiques linguistiques du Québec, de résistance à Γ anglo­américain.

c) Par ailleurs, elle est marquée par certaines pratiques et certains concepts originaux

qui donnent naissance à une terminologie propre. En effet, depuis le milieu des années

soixante, des institutions et organismes centralisés ont été mis sur pied afin de

favoriser un développement économique spécifiquement québécois. Citons pour

référence : la Caisse de dépôts et de placement conçue au départ pour gérer les fonds

de retraite, la Société générale de financement (SGF), la Société de développement

industriel (SDI), le réseau des caisses d'épargne et de placement du groupe Desjardins,

appelé MouvementDesjardins, les Sociétés déplacements dans l'entreprise québécoise

(SPEQ) instituées pour favoriser les régimes d'épargne­actions (REA), le Fonds de

solidarité des travailleurs du Québec (fonds d'investissement géré par une des plus

importantes centrales syndicales).

Outre l'originalité de ces institutions, certaines caractéristiques du langage québécois

ressortent. La marque québécoise se fait nettement sentir en publicité notamment

(usage du comique), même lorsque les annonces sont issues des grandes sociétés

américaines (les bières O'Keefe, les boissons Pepsi, Coca­Cola, les automobiles GM,

etc.)

L'ensemble des facteurs ci­dessus énumérés crée une difficuluté particulière pour le

traducteur. Pour comprendre un texte, il devra connaître les notions nombreuses et

complexes du domaine, ainsi que les valeurs culturelles, extralinguistiques qui se

rattachent au sens linguistique des termes. Un traducteur débutant ou non spécialisé

dans le domaine économique et commercial aura rarement ce bagage de connaissan­

ces qui lui permettrait de guider ses choix de traduction. Le problème des outils à sa

disposition revêt donc une acuité particulière.

2.2. Recherche des équivalences

Le choix des équivalences doit être guidé par des principes fiables qui permettent de

respecter les codes de la langue d'arrivée. Parmi ces codes, arrêtons­nous sur celui du

lexique. Où le traducteur trouve­t­il les équivalences ? Dans les dictionnaires, les

lexiques, les textes traitant des mêmes sujets, auprès des experts, etc. Lorsqu 'il consulte

les dictionnaires, deux cas extrêmes se présentent qui peuvent être aussi embarrassants

l'un que l'autre, selon le niveau d'expérience et de compétence du traducteur : soit il

a à choisir parmi une multitude de termes, soit il ne trouve aucun équivalent. Les

exemples décrits ci­dessous s'appliquent à la traduction de l'anglais au français.

201

Page 204: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

2.2.1. Une multitude d'options

L'exemple de l'adjectif corporate dont une quarantaine d'équivalents ont été recensés (Delisle, 1984) illustre le cas d'un mot au sens flou. Gerzymisch-Arbogast (1989) a mis en lumière le genre de difficulté en traduction causé par les termes au sens vague dans les textes commerciaux. Inversement, le terme cashflow (flux monétaires, entrées et sorties de fonds, mouvements de caisse, mouvements de trésorerie, etc.) illustre le cas de concepts clairs et bien définis qui ne reçoivent qu'une seule acception en comptabi­lité, mais dont les équivalences terminologiques françaises ne sont pas unifiées.

2.2.2. Aucune équivalence

Dans de nombreux autres cas, le traducteur rencontre dans ses textes à traduire des termes qui lui paraissent lexicalisés en anglais mais qu'il ne trouve nulle part dans les dictionnaires usuels. Il peut s'agir soit de termes en voie de lexicalisation, comme par exempleflow-through share (action accréditive) etflow-throughfunding (financement par actions accréditives), qui n'apparaît que dans un Bulletin de terminologie du secrétariat d'Etat; soit de termes dont il ne peut pas définir le statut de lexicalisation, comme dans les exemples partnership agreement (entente ou contrat de société en nom collectif?) ou portfolio diversification. La difficulté réside alors dans la décision de faire une traduction libre (avec toute la responsabilité que cela engage) ou de chercher dans de nombreuses autres sources (revues, textes officiels) dans l'espoir de trouver les termes correspondants.

3. Description des problèmes de traduction à partir de textes

3.1. Présentation de la recherche

Nous avons pris des textes à traduire réels, issus du marché de la traduction, et avons recensé les problèmes de traduction. Nous avons défini le problème par la difficulté pour le traducteur à produire rapidement une équivalence dont il peut garantir l'exactitude; et nous avons basé le critère de difficulté sur la compétence d'un traducteur professionnel ayant déjà quelques années d'expérience sans pour autant être spécialisé.

Dans un premier stade, nous avons choisi de ne considérer que les problèmes lexicaux et phraséologiques (et particulièrement les termes ou phrasèmes spécialisés), mais nous envisageons d'étudier aussi, à un stade ultérieur de la recherche, les problèmes discursifs et les particularités syntax ico-sémantiques de la langue des affaires qui posent souvent des difficultés au traducteur. Cette recherche est en cours. Les résultats que nous livrons sont donc partiels et préliminaires. Aux fins de cet article,

202

Page 205: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

nous avons choisi de ne présenter que les difficultés de traduction selon que les dictionnaires aident ou non à les résoudre. La présentation du texte qui suit nous servira à illustrer la méthode et certains des résultats.

3.2. Le texte

Investment concept

The partnership's investment concept is to provide a tax-assisted investment in a diversified portfolio of Shares of Public Resource Companies which show potential for appreciation in accordance with the criteria described below and to offer enhanced liquidity to investors through the exchange of Limited Partners' undivided interests in the assets of the Partnership for Shares of the Public Resource Companies after the dissolution of the Partnership. By investing in a number of Public Resource Companies, the Partnership and each Limited Partner will benefit from the advantages associated with portfolio diversification.

To implement the investment concept, die Partnership has entered into Share Purchase Agreements with Public Resource Companies meeting the following criteria:

a) a management team with extensive experience in mineral exploration and development, b)(...) c) common shares listed on die Toronto, Montreal or Vancouver stock exchanges.

3.3. Quelques observations

Nous avons relevé dans ce texte vingt termes pouvant présenter des difficultés de traduction. Nous avons consulté onze dictionnaires parmi les plus utilisés par les traducteurs, tous spécialisés dans le domaine commercial, économique ou financier à l'exception du Robert-Collins. Notre objectif est d'évaluer l'aide qu'ils apportent à la recherche des équivalences de traduction.

Le tableau qui suit donne en rangées les termes problématiques et consigne en colonnes la présence ou l'absence d'équivalents dans les dictionnaires recensés5. Le premier chiffre est le nombre de termes proposés, le deuxième le nombre d'acceptions différentes marquées au moyen d'un signe typographique ou d'une mention; sd (sans distinction) veut dire qu'aucune différence d'acception n'est indiquée dans le dictionnaire.

Le tableau utilise des symboles pour désigner chaque dictionnaire; leur liste figure parmi les références bibliographiques à la fin de cet article.

203

Page 206: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Investment Concejil

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Investment

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0

Fréquence des équivalents recensés dans les dictionnaires bilingues

Sur la base de ce recensement, nous avons classé les problèmes de recherche d'équivalences selon le degré de lexicalisation et avons identifié six classes.

a) Termes anglais très lexicalisés recevant un équivalent français unique

Le terme français est également lexicalisé; la traduction est contrainte par le code. Ce sont les cas de common share (action ordinaire), liquidity (liquidité); portfolio (portefeuille). Ces termes figurent presque partout sur le tableau et ne reçoivent en contexte qu'une seule équivalence. Ces situations sont les plus faciles car les dictionnaires donnent la réponse et il n 'y a pas grand risque d'ambiguïté (à condition que le contexte ne vienne exclure la possibilité de l'équivalence proposée).

b) Termes anglais lexicalisés recevant plusieurs équivalences françaises à propos desquelles les dictionnaires ne sont pas unanimes

Ce cas est très fréquent; en voici quelques exemples :

Investment. Les dictionnaires recensent sept équivalences françaises (placement, investissement, mise de fonds, (titre de) participation, apport de capitaux, capital

204

Page 207: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

investi). Seuls le Dictionnaire de la comptabilité de Sylvain (SYL), le Lexique de la Bourse et des valeurs mobilières de l'Office de la langue française (OLBF), le Bulletin de terminologie No 174 du secrétariat d'Etat (BT 174) et le Dictionnaire des affaires Harraps (HRP) indiquent des différences d'acceptions. (SYL distingue cinq entrées différentes pour le même vocable.) Les autres ouvrages, qui peuvent donner jusqu'à sept équivalents (LFD, DLM), ne font aucune distinction entre les termes. Pourtant, pour ne prendre que deux des équivalents proposés investissement et placement, on admettra qu'ils ne sont pas synonymes.

Partnership. On constate que sur les onze dictionnaires recensés, neuf consignent le terme. Au total, neuf équivalents sont donnés: association, association commerciale/ professionnelle!, société en nom collectif, participation, société de personnes, so­ciété, partenariat, qualité d'associé. Mais ces équivalents ne sont pas synonymes; il faudra donc choisir l'équivalent de traduction en fonction du contexte, du statut juridique de l'association et des variations culturelles associées au terme.

De tous les ouvrages recensés, rares sont ceux qui établissent une distinction entre les lexemes. SYL explique la différence entre "société de personnes" et "société en nom collectif' d"une part et "société en commandite" d'autre part, par la notion de responsabilité. Du fait qu'il permet de clarifier les notions, il met le traducteur en garde contre un mauvais usage des termes proposés.

Management rentre dans cette catégorie de termes très lexicalisés recevant des équivalences multiples, sept dans HRP et dans LEN.

c) Termes lexicalisés qui ne figurent que dans certains dictionnaires ou lexiques bilingues

Limited partner figure dans cinq dictionnaires seulement : SYL, LFB, BT 177, DLM et LEN. Des équivalents multiples sont donnés, mais une seule acception est indiquée. Le choix d'équivalents est donc en principe facile à effectuer, à condition d'avoir les bons ouvrages (ici, les plus complets) sous la main.

d) Termes lexicalisés qui n'ont pas d'équivalence codifiée dans les ouvrages répertoriés

C'était le cas deflow-through shares (dont nous avons déjà parlé) qu'on ne trouve nulle part dans les dictionnaires.

Tax-assisted investment. Du point de vue comptable, c'est un investissement effectué en vertu d'un programme de dégrèvement fiscal qui fait que son coût pour l'entre-

205

Page 208: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

prise sera moindre. Ce syntagme complexe est lexicalisé dans la pratique; on le retrouve dans la Loi de l'impôt sur le revenu et dans les documents de l'entreprise. Quand elle prépare son rapport d'impôt, celle-ci doit distinguer, parmi ses différents types d'investissement, ceux qui ont donné lieu à des subventions ou à des dégrèvements fiscaux et les autres, car leur évaluation au bilan sera différente.

Dans les deux cas, on est en présence d'une notion précise, lexicalisée en anglais et en français, mais dont l'équivalence n'est pas encore consignée dans les dictionnai­res. C'est également le cas de undivided interest et de portfolio diversification qui ne sont consignés que dans un Bulletin de terminologie du secrétariat d'Etat. On peut penser que ce phénomène est dû à un retard des dictionnaires sur l'actualité terminologique.

e) Termes en voie de lexicalisation (non consignés dans le dictionnaire unilingue anglais)

Bien entendu, on ne trouvera pas non plus l'équivalent dans les dictionnaires bilingues.

Investment concept (concept de placement). L'expression ne se trouve nulle part dans les dictionnaires anglais ni dans les dictionnaires français, mais l'usage la consacre tant dans sa forme anglaise que française. Les prospectus que nous avons consultés contiennent souvent une partie intitulée «investment concept».

Il convient peut-être ici d'expliquer la notion. Le prospectus est une réalité nord-américaine. Les sociétés par actions (sociétés ouvertes) sont régies par la Loi sur les valeurs mobilières dont la Commission des valeurs mobilières est le chien de garde. Chaque fois qu'une société s'adresse au public sur le marché financier pour l'épargne, elle doit obtenir l'autorisation de cette Commission par la voie d'un document très formel, le prospectus, que la Commission doit viser. Ce document comprend la description et la valeur des titres, un état financier pro forma et les états financiers vérifiés des cinq dernières années. L'obligation du prospectus relève d'un mécanisme de contrôle conçu pour éviter les abus et protéger le petit épargnant, dans un marché financier plus libre en Amérique du Nord qu'en Europe.

Public resource company (société ouverte exploitant les ressources naturelles). Il s'agit de l'expression d'une notion très courante et précise, mais dont le statut de lexicalisation n'est pas arrêté. D'ailleurs, on notera que la syntaxe interne de cette expression est ambiguë; l'expression pourrait donner, à la suite d'un autre décodage syntaxique : «société exploitant les ressources publiques», telles que l'environne­ment, l'électricité, le pétrole et les gaz. De telles expressions n 'ont pas d'équivalence fixe en français non plus car l'usage terminologique reste flottant.

206

Page 209: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Comme le montrent ces deux exemples, on trouve dans cette catégorie des termes correspondant à des concepts flous (investment concept), qui se comprennent mais qui peuvent poser un problème d'équivalence, ou des termes dont l'état de lexicalisation n'est pas arrêté (public resource company). La frontière entre cette catégorie et la suivante est fine.

Ces cas posent une réelle difficulté dans la mesure où le traducteur ne peut pas toujours faire la distinction entre ce qui est lexicalisé, en voie de lexicalisation et non lexicalisé. Bien souvent, la difficulté principale pour un traducteur non spécialisé sera précisément la détermination des unités terminologiques.

f) Syntagmes ou phrasèmes non lexicalisés

Dans le cas des syntagmes non lexicalisés, les problèmes relèvent de règles discursives plus libres, plus spontanées. Les solutions de traduction ne se trouvent pas dans les dictionnaires, mais en contexte et elles sont, bien souvent, ponctuelles.

Dans notre texte, l'exemple qui illustre cette catégorie est share purchase agreement.

Les solutions de traduction des syntagmes de cette catégorie sont diverses : périphrases explicatives, équivalences analytiques, etc. et leur découverte est régie à l'intérieur du discours. Si le sens d'un terme (expression) est flou, le reste du discours permet parfois de l'interpréter.

4. Conclusion

Les conclusions de cette étude peuvent être ramenées à trois observations.

- En pointant d'entrée de jeu les difficultés lexicales, il est évident que les lacunes des dictionnaires et lexiques allaient encore une fois être exposées au grand jour. Notre propos n'est pas de critiquer ces outils, que nous apprécions tous, mais d'en évaluer l'utilité afin de connaître mieux leur fonction. En ce sens, notre grille d'analyse qui les teste au regard d'un produit réel du domaine financier est à la fois un lieu de comparaison au plan lexico-terminologique et un moyen didactique assez riche et maniable.

- Si l'on considère le degré de lexicalisation, on se rend compte que, parmi les catégories recensées, ce sont celles qui sont aux deux extrêmes qui créent le moins de problèmes, à savoir les termes ou expressions très lexicalisés dont l'équiva­lence (non ambiguë) fait l'unanimité, et ceux qui relèvent de syntagmes libres car,

207

Page 210: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

dans ces derniers cas, le traducteur peut faire une traduction de concept, sans trop se soucier de savoir s'il existe déjà une équivalence codifiée par les conventions.

La masse des problèmes se situe entre ces deux pôles et, malheureusement, à cause de la dynamique du langage des affaires et des nombreux facteurs qui influencent l'usage, on ne peut pas s'attendre à des solutions dictionnairiques simples et rapides. Il faut penser, dans le cas de notions complexes, à intégrer dans une sorte d'algorithme les différentes possibilités de traduction et d'adaptation. Dans tous ces cas, une connaissance approfondie du monde des affaires est nécessaire, ne serait-ce que pour faciliter le repérage des unités terminologiques.

BIBLIOGRAPHIE

Dictionnaires

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de la langue française, Les Publications du Québec, 1984 HRP : Harrap, Dictionnaire des affaires, Harrap books, Londres, 1986 LFD : Lafond, Dictionnaire économique et financier. Editions de l'homme, Montréal, 1972 LFB : Lefebvre, Glossaire de la finance, Leméac, Ottawa, 1976 LEN : Lenoir, The Language of Business, Economica, Paris, 1989 BT 174 : Secrétariat d'Etat, Vocabulaire budgétaire, comptable et financier, ministère des Appro­

visionnements et Services, Ottawa, 1987 BT 190 : Secrétariat d'Etat, Vocabulaire de la bourse et du placement, ministère des Approvision­

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Ottawa, 1989 R.C.: Robert et Collins, Dictionnaire français-anglais I English French Dictionary, 1983 SYL : Sylvain, Dictionnaire de la comptabilité et des sciences connexes, Montréal, 1982

Autres ouvrages

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BÉLANGER, G. (1991) «Pour une nouvelle terminographie», META, Vol. 36, No 1 BÉNARD, J.-P. / P. HORGUELIN (1979) Pratique de la traduction, Montréal, Linguatech DANCE l i b , J. (1991) Etude reflexive et expérimentale du processus de compréhension dans

l'activité de traduction, thèse de doctorat, Université de Montréal DELISLE, J. (1984) L'analyse du discours comme méthode de traduction, Editions de l'Université

d'Ottawa

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GUÉVEL, Ζ. (1990 «Traduction et développement de la terminologie française dans le domaine des

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Philadelphia

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Meaning and Lexicography, J. Tomaszczyk and B. Lewandowska­Tomaszczyk (eds), John

Benjamins, Philadelphia

Jeanne DANCETTE

Professeur adjointe

Département de linguistique et de traduction

Université de Montréal (Québec)

CP. 6128

Montréal (Québec)

H3C3J7 CANADA

209

Page 212: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations
Page 213: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Phraséologie et marques de fabrique

Benoît Leblanc

Sommaire

1 Introduction 2 Phraséologie et marques de fabrique 3 Les rapports interlangues

3.1 La mondialisation du commerce 4 La catégorisation grammaticale des marques 5 Rôle de la phraséologie dans les rapports interlangues et dans la catégorisation des marques 6 Conclusion

I Introduction

II n'est pas un champ de Γ activité, humaine où l'on ne rencontre des marques de

fabrique, la marque est un signe affecté par une firme aux produits qu'elle fabrique

ou qu'elle distribue ou aux services qu'elle rend pour les individualiser par rapport

à des services similaires et pour en revendiquer la responsabilité. Dans le domaine

des médicaments, l'usage des marques comme outils de communication est bien

implanté ; on les consigne même dans des ouvrages terminographiques. En

pharmacologie et dans les sciences connexes, les marques se comportent comme

des termes et nous devons les considérer comme tels.

En raison du dépôt légal généralement rattaché à ces formes linguistiques, le

traducteur tient pour acquise la fixité sémantique et formelle des marques; dans la

réalité, il en va autrement. En effet, la perception sémantique, le rattachement à une

langue donnée, la forme de ces termes sont tributaires de leurs possibilités combinatoires

et de leur traductibilité. Dans un premier temps, nous examinerons l'apport de la

phraséologie dans le découpage du terme et le rôle intégratif des éléments co­

occurrents d'une marque dans une langue emprunteuse. Ensuite, nous montrerons

comment des éléments collocatifs aident à préciser la notion «médicament» et à

distinguer chaque constituant d'une série paradigmatique. Ces réflexions s'inspirent

de notre thèse de doctorat en linguistique dont le titre est «L'analyse des marques de

fabrique dans le domaine des médicaments: la formation d'un vocabulaire»1. Cette

211

Page 214: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

recherche porte sur les nouvelles entrées intégrées dans le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques (Krogh 1987) entre 1977 et 19872.

Nos propos touchent donc un aspect très précis des marques et ils ne sont peut-être pas applicables à d'autres éléments linguistiques en raison de leur statut particulier.

2 Phraséologie et marques de fabrique

Le terme «phraséologie» est polysémique, Kjaer (1989) a proposé cinq définitions de son équivalent (?) anglais «phraseology».

1. A linguistic discipline = phraseological theory 2. The subject of this discipline = the store of phraseological word combinations of a given language 3. In terminological theory= the environment of terms, e.g. to accept a bill of exchange 4. In lexicological theory = fixed multi-word expressions, e.g. bill of exchange 5. LGP- and LSP-phraseology = the store of phraseological word combinations in language for

general and specific purposes.

Si l'on considère que le terme phraséologie et son équivalent anglais phraseology recouvrent la même aire sémantique et que les définitions proposées par Kjær correspondent au découpage français de cette réalité, nous retiendrons la troisième définition de la liste précédente, c'est-à-dire, dans un sens très très large, «l'environ­nement du terme» selon la théorie terminologique. La terminologie de la pharmaco­logie constitue une langue de spécialité et notre approche étant tout à fait termino­logique, par conséquent, cette définition est appropriée. Il s'agit donc d'étudier comment l'environnement linguistique de la marque entre en considération lors de la délimitation de la marque, de sa catégorisation grammaticale et de son identification linguistique.

3 Les rapports interlangues

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de mentionner que nous ne traiterons que des rapports entre l'anglais et le français, il est néanmoins vraisemblable de penser que nos propositions et nos exemples pourraient s'étendre à d'autres langues apparentées à ces dernières, notamment à l'allemand et à l'italien.

Un grand nombre de traducteurs présument que les marques de fabrique ne doivent pas être traduites. Quelques exemples tirés du Compendium français et de son équivalent anglais montrent que quelques marques se comportent comme des termes et elles sont quelquefois traduites ou font l'objet d'une adaptation quelconque: 1 Thèse déposée à l'automne 1991 (Université Laval, Québec). 2 Cet ouvrage est communément appelé le CPS.

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Page 215: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

anglais français

The Flintstones (multivitamines) Les Pierrafeu

Il s'agit ici de la récupération d'une traduction des créateurs de ces personnages d'une bande dessinée.

Orbenin Orbénine

Dans cet exemple, la forme anglaise est francisée par l'addition d'un signe diacritique et l'ajout d'une voyelle en finale.

Milupa™ Baby Foods Milupa™ Bébérepas

Seuls les éléments syntagmatiques ont été traduits, l'élément déposé conserve son intégrité.

3.1 La mondialisation du commerce

Est-il besoin de mentionner que les médicaments sont, dans un grand nombre de cas, fabriqués et distribués par des multinationales telles que Rhône-Poulenc, Ciba-Geigy, Sandoz, etc., et que ces entreprises, au rythme des fusions et des expansions, en sont venues à couvrir une grande partie du globe? Leurs produits sont ainsi commercialisés à une très grande échelle dans des pays aux langues différentes; les marques de fabrique doivent donc s'adapter à cette mondialisation du commerce. Les entreprises dans leur politique concernant l'internationalisation des marques doivent tenir compte de plusieurs facteurs: dépôt légal d'un pays à l'autre, antériorités (marques déjà déposées dans certains pays), identification linguistique de la marque, etc. Dans une optique internationale, la marque idoine serait celle qui, tout en conservant son intégrité morphologique, serait utilisée et reconnue par les utilisateurs du plus grand nombre de pays possible. Ce modèle que nous appelons neutralisme, en raison de sa neutralité linguistique pourrait être utilisé dans un grand nombre de marques internationales; néanmoins, nous évitons à escient le terme internationalisme en raison de sa portée trop large. Rien n'empêche toutefois un neutralisme d'être éventuellement considéré comme un internationalisme selon qu'il repousse les limites des adaptations virtuelles à des langues morphologiquementéloignées, par exemple le mandarin et le français. Dans l'élaboration des marques neutres, la combinaison d'une marque avec des éléments co-occurrents peut «ancrer» la marque dans une langue donnée.

4 La catégorisation grammaticale des marques

La marque tient à la fois du nom propre et du nom commun, dans ce dernier cas on doit lui attribuer un genre à moins de lui donner un rôle adjectival, il faut inévitablement

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Page 216: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

la classer du point de vue du genre. Les exemples qui suivent, tirés du CPS, illustrent nos propos (c'est nous qui soulignons):

Gamimune peut être utilisée dans les états pathologiques... (Krogh 1987: 387)

Le Staticin doit eue appliqua avec le bout des doigts en prenant soin d'éviter les yeux... (Krogh 1987: 898)

A l'aide d'artifices phraséologiques, on peut, dans une traduction vers le français, éluder le problème d'attribution aléatoire d'un genre à une marque donnée:

La crème Trisyn renferme 3 esters de fluocinonide... (Krogh 1987: 987)

Dans ce dernier exemple la marque joue le rôle d'un adjectif qualifiant crème. Nous verrons comment la phraséologie peut intervenir dans la résolution de ces problèmes.

5 Rôle de la phraséologie dans les rapports interlangues et dans la catégorisation des marques

Même si le macrocontexte et la pragmatique peuvent renseigner au sujet du comportement syntaxique de la marque et de son identification linguistique, il n'en demeure pas moins que ces apports ne permettent pas de trancher en ce qui concerne certaines propriétés linguistiques de la marque. Par exemple, la marque Fluviral qui désigne un vaccin grippal inactivé, prescrit pour la prophylaxie de la grippe est, en absence de contexte, très ambivalente:

- phonétiquement: la marque Fluviral peut être prononcée à l'anglaise ou à la française puisque sa forme est idiomatique en anglais et en français;

- sémantiquement: si l'on tente de découvrir le sens de cette marque en analysant chacun de ses constituants, l'ambiguïté demeure:

flu (grippe, en anglais ) + viral (adjectif anglais) flu (apocope et aphérèse de inFLUenza) + viral (adjectif français).

Les deux interprétations sont vraisemblables puisque le terme influenza est syno­nyme de grippe. En l'absence de contexte, rien n'oriente donc le lecteur vers une langue donnée. Par conséquent, on peut considérer cette marque comme une forme linguistiquement neutre, ce que nous estimons être une marque idéale. C'est ici qu'intervient l'élément environnemental du terme, en conformité avec ladéfinition de la notion «phraséologie» que nous avons retenue précédemment. En effet, il s'agit d'ajouter des éléments syntagmatiques pertinents à la marque. Ces compo­sants joueront le triple rôle d'«identification» linguistique, de catégorisation grammaticale et de discrimination entre des notionsd'un même niveau de spécificité.

214

Page 217: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Par exemple:

- rôle d'identification linguistique: Milupa™ Babyfoods et Bébérepas Milupa™

Nous avons ici la forme neutre Milupa et des «ancreurs» linguistiques anglais et français: Babyfoods et Bébérepas. Cette approche offre l'avantage de préserver l'intégrité de la marque.

Même des marques anglaises peuvent être intégrées dans d'autres langues, les éléments syntagmatiques jouant toujours leur rôle intégrateur, notamment Smiles9

dans Smiles9 avec fer.

Dans cette éventualité, on peut donc considérer le mot smiles comme un emprunt et la forme résultante, comme un mot français. Nous tenons pour acquis que le dérivé d'un emprunt n'est plus considéré comme un emprunt. En ce qui concerne la portion traduisible d'un marque, les symboles ® et ™ permettent de délimiter la marque elle-même, c'est-à-dire le terme-clé;

- rôle de catégorisation grammaticale: Comprimés 222®

Le terme compriméest masculin, par conséquent on dira un 222, résultat de l'effacement du terme désignant la forme pharmaceutique. Cette approche a toutefois des limites dans la mesure où la synonymie ou la quasi-synonymie peut intervenir et brouiller les cartes. En effet, si un lecteur a dans l'esprit le terme pilule (féminin) plutôt que comprimé (masculin), l'ambiguïté demeure ;

- rôle dediscrimination entre notions connexes: Tylenol™ No 1 Tylenol™ No 1 Forte TylenoFM No 2 et No 3 avec codéine

Ce dernier procédé permet au fabricant d'une marque connue de conserver la fidélité du client envers sa marque en récupérant une «enseigne» qui jouit d'une certaine notoriété.

On peut objecter que ces collocations tiennent davantage de la syntagmatique que de la phraséologie proprement dite. Incidemment, la différence entre ces deux notions étant très ténue, cette réserve apparaît peu pertinente.

6 Conclusion

Dans les chapitres précédents, nous avons tenté de montrer les possibilités offertes par un choix judicieux d'éléments co-occurrents à la marque, et, comme le souligne Lethuillier, «Terminologie et texte sont indissociables, inextricablement liés même.»

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Page 218: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

(Lethuillier 1991: 92). Par conséquent, nous privilégions l'apport d'éléments phraséologiques lors de la création de nouvelles marques dans le domaine des médicaments. Domaine productif s'il en est, puisque les chiffres démontrent que ce vocabulaire se renouvelle dans une proportion de 50% sur une période de dix ans. Le mode de création proposé, qui consiste à adjoindre des éléments de langues différentes à une forme (marque) linguistiquement neutre, n'est pas nouveau en soi. Nous avons, en effet, relevé quelques occurrences dans la nomenclature corpusale confirmant la viabilité d'un tel système. Par exemple:

Médicament pour les sinus TylenoT™ et TylenoÏ™ Sinus medication.

Outre les avantages concernant la création des marques dans une optique de rapports interlangues, une analyse phraséologique permet de cueillir certaines informations concernant les marques existantes et qui sont déjà implantées dans les textes. Par exemple, le terme délitement dans le contexte «Capsules à délitement progressif» doit être réservé exclusivement pour désigner un médicament dont l'ingrédient actif se libère progressivement dans l'organisme. Par conséquent, ce terme surdétermine et par là même, précise cette notion dont le nom commercial est Eltor AF. Tout comme un traducteur peut trouver le genre d'une marque à partir d'une analyse contextuelle, comme dans l'exemple suivant:

L'Imogam doit être injecté aussitôt que possible.. ( Krogh 1987: 563).

on peut déduire à partir de l'accord du participe passé injecté, que la marque Imogam est du masculin.

Dans cette l'analyse de certains aspects des marques de fabrique, nous avons fait le lien entre la terminologie et la phraséologie et, corollairement avec la traduction; il sied par contre de bien saisir la portée et les limites de ce travail, car les solutions proposées ne sont pas nécessairement pertinentes dans tous les contextes. Nous croyons cependant que l'application des analyses phraséologiques que nous avons présentées pourrait permettre de repousser «les limites inscrites dans la termino­logie» (Lethuillier 1991: 96) dans la mesure où les marques sont considérées comme des termes.

BIBLIOGRAPHIE

KJÆR, Anne Lise, Phraseology research - the state of the art, Methods of describing word combinations in language for specific purposes. Document d'accompagnement d'une communication donnée lors d'un colloque sur la phraséologie tenue à Vienne (Austria Normungsinstitut) en décembre 1989.

216

Page 219: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

KROGH, Carmen, Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques 1987, Toronto, Association pharmaceutique canadienne, pagination multiple.

LETHUILLIER, Jacques, «Combinaloire, terminologie et textes», dans Meta, Vol. 36, mars 1991, pp. 92-100.

Benoît LEBLANC Professeur

Université du Québec à Trois-Rivières Département de français

CF. 500 Trois-Rivières, Québec

G9A5H7 CANADA

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Page 220: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations
Page 221: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Phraséologie terminologique dans les textes législatifs et réglementaires

Françoise Parc

Sommaire

1. Délimitation du domaine 2. La réglementation comme domaine de spécialité 3. Traitement de la phraséologie terminologique Annexes 1-6

Rendre compte de la terminologie des textes législatifs et réglementaires est une des tâches confiées au Service de terminologie de la Chancellerie fédérale suisse. Il n'est pas besoin d'épiloguer longuement sur l'utilité de ce travail. En effet, si nul citoyen n'est censé ignorer la loi, nul traducteur, nul rédacteur, nul spécialiste de l'adminis­tration n'est quant à lui censé citer la loi ou s'y référer avec désinvolture.

A priori ce travail terminologique se présente plutôt sous un jour favorable, puisque le corpus de dépouillement est donné d'emblée, et que les textes font autorité. Pourtant dès que nous voulons énoncer les critères de dépouillement, les choses se compliquent singulièrement: le domaine est difficile à délimiter et l'établissement de la nomenclature pose des problèmes.

Les réflexions qui vont suivre sont nées de la nécessité de préciser la méthode de travail lors du dépouillement des textes législatifs et réglementaires, et ceci dans le but de réduire le plus possible la part d'arbitraire et de subjectivité. Ces réflexions s'organisent autour de deux thèmes étroitement liés, soit la spécificité du domaine de la réglementation et la nature phraséologique de la terminologie contenue dans les textes de ce type.

1. Délimitation du domaine

La terminographie, faut-il le rappeler, consiste à rassembler et à traiter le vocabulaire propre à un domaine de spécialité.

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Page 222: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Avant d'entamer tout dépouillement terminologique, il faut donc avoir précisé la nature et l'étendue du champ d'investigation, autrement dit avoir élaboré un arbre du domaine précisgrâce auquel il est possible d'identifier et de structurer la terminologie, mais aussi d'organiser la progression du travail.

L'annexe 1 présente des arbres de domaine utilisés lors de travaux de terminologie effectués récemment à la Chancellerie fédérale par des stagiaires de l'ETI et d'ailleurs.

Dans le cas des textes législatifs et réglementaires, l'identification et la description du domaine ne vont pas de soi. Demandons-nous par exemple à quel domaine rattacher la Loi fédérale sur la protection des eaux contre la pollution; nous sommes tentés de répondre «à celui de l'environnement et plus précisément de l'eau dans l'environ­nement». Or, s'il en était vraiment ainsi, étant donné que les textes de loi constituent des ensembles complets, nous devrions pouvoir rassembler en les dépouillant toute la terminologie de l'environnement ayant trait à l'eau. Il est bien évident qu'il n'en est rien, et que des textes scientifiques et techniques consacrés à ce sujet nous offriraient une nomenclature autrement plus riche.

Pour échapper à la perplexité devant ces textes, les terminologues vont donc devoir organiser le dépouillement en fonction d'un domaine différent, non plus celui de l'eau et de la pollution mais bien celui de la réglementation de la protection des eaux. La différence est de taille.

2. La réglementation comme domaine de spécialité

Dans son ouvrage Linguistique juridique (Paris, Montchrestien, 1990) Gérard Cornu, professeur de droit à Paris II, analyse ainsi les énoncés de base du discours juridique:

«[Ces énoncés] correspondent à toutes les actions du droit (...) permettre, obliger, interdire, ordonner, prescrire, enjoindre, créer, instituer, constituer, établir, organiser, fonder, réunir, abolir, dissoudre, libérer, etc.» (p. 240)

Nous trouvons dans cette enumeration une excellente description du domaine qui est le nôtre. Tous ces verbes dessinent les branches de l'arbre de la réglementation, branches autour desquelles la terminologie des textes va pouvoir s'organiser. La tâche est désormais claire, nous allons devoir rassembler, traiter et diffuser à partir des textes réglementaires tout

ce qui est permis ce qui est obligatoire ce qui est interdit ce qui est ordonné ce qui est prescrit etc.

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Page 223: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

autrement dit identifier toutes les règles de droit énoncées dans le texte législatif ou réglementaire. Ajoutons que ces textes définissent également leur objet, leur but ainsi que quelques notions choisies.

L'annexe 2 donne un schéma de l'arbre de la réglementation, et l'annexe 3 le résultat d'un dépouillement effectué à partir d'un tel arbre; ces exemples montrent à l'évidence la nature phraséologique de cette terminologie; nous nous trouvons dès lors dans l'obligation de trouver un mode de traitement adapté, et ce pour deux raisons, d'abord à cause de l'abondance de la moisson terminologique et ensuite à cause de son caractère phraséologique.

Remarquons ici qu'à côté des articles «spécialisés», c.-à-d. se rapportant à son objet spécifique, tout texte législatif ou réglementaire contient des règles communes à l'ensemble des textes. Celles-ci constituent en quelque sorte la phraséologie réglementaire de base qui pourrait, ou devrait faire l'objet d'un traitement termino­logique systématique selon la méthode préconisée ci-dessus. L'annexe 4 donne des exemples de cette phraséologie commune.

3. Traitement de la phraséologie terminologique

Il ne fait aucun doute que pour le législateur l'énoncé du type

(1) «les eaux superficielles et souterraines.naturelles et artificielles, publiques et privées, y compris les sources»

forme un tout, correspondant à l'objet auquel s'applique la législation; rien ne pourrait y être ni retranché, ni ajouté.

Cet énoncé, reconnu comme syntagme terminologique de la réglementation, ne peut cependant pour des raisons pratiques évidentes être la vedette d'une fiche de terminologie; nous proposons alors, entre autres solutions, la méthode de traitement suivante: 1. dissocier ce syntagme en ses éléments principaux 2. créer à partir des éléments du syntagme éclaté plusieurs fiches, en adaptant le

traitement selon le cas.

Expliquons-nous. Nous pouvons décider par exemple de donner accès au syntagme terminologique (1) par les sept éléments suivants,

eaux superficielles, eaux souterraines, eaux naturelles, eaux artificielles, eaux publiques, eaux privées, et source.

221

Page 224: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Dans le champ réservé à la notion, nous fournirons une définition car tous ces éléments correspondent à une notion fondamentale soit de l'hydrologie (eaux su­perficielles, eaux souterraines, source), soit du droit (eaux publiques, eaux privées, etc.).

Cependant ces réalités nous intéressent avant tout du point de vue de la réglementation de la protection des eaux; nous devrons donc faire ressortir cet aspect par le choix de la source, ou encore en reproduisant en champ contexte l'article du texte de loi. On obtient ainsi une fiche «mixte», mi-spécialisée, mi-règlementaire. L'annexe 5.1 présente une fiche de ce type.

Un tel mélange des genres n'est cependant pas idéal, mieux vaut sans doute opter pour un dépouillement terminologique de nature purement réglementaire, où les seules définitions seraient celles fournies par le législateur lui-même.

Si, comme il est à prévoir, les notions retenues ont déjà fait l'objet d'une fiche, nous pourrons opter pour un regroupement syntagmatique différent, en nous laissant guider plus par les catégories du législateur que par les notions de domaine de spécialité; nous obtiendrons par exemple les vedettes suivantes: eaux superficielles et souterraines, eaux naturelles et artificielles, eaux publiques et privées.

Dans ce cas il n' y a plus lieu, il n'est même plus possible de fournir une définition puisque la réalité est double; la fiche n'est plus uninotionnelle. Ce qui importe c'est de restituer le contexte initial, écourté ou non, afin que la norme juridique et par là la phraséologie réglementaire puisse être reconnue. L'annexe 5.2. illustre une fiche de ce type.

D'autres regroupements, plus longs, seraient encore possibles, mais la maniabilité des vedettes doit rester un critère déterminant, sans parler des contraintes d'espace; à partir d'une certaine longueur mieux vaut sans doute s'orienter vers l'utilisation de mots clés accompagnant un contexte ou vers un balayage intégral de ce même contexte.

Quels que soient les syntagmes retenus, il est sûr qu'ils se répètent souvent dans les textes réglementaires. Or, il faut bien se garder de confondre banque de données terminologiques et banque de données juridiques ; il est absolument exclu de vouloir citer les multiples articles où se retrouvent ces syntagmes. On donnera la priorité au texte le plus important, en règle générale, la loi.

Ayant renoncé pour des raisons pratiques à saisir les syntagmes réglementaires dans leur intégralité, nous récupérons une liberté de traitement quasi totale; nous pouvons nous permettre de regrouper, voire de transformer grammaticalement comme bon nous semble les divers éléments du syntagme initial. Cette grande souplesse sera

222

Page 225: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

d'autant plus appréciable lorsque, quittant le terrain de la phraséologie réglementaire unilingue, nous composerons des fiches multilingues. Plus que la définition, à l'exception bien entendu des définitions légales, le contexte se révélera précieux pour illustrer le fonctionnement de la phraséologie dans chacune des langues. L'annexe 6 offre de tels exemples de phraséologie comparée.

L'existence de la phraséologie réglementaire nous semble donc évidente, et non moins évidente la difficulté de la cerner. Nous pensons que les réflexions et solutions livrées ici peuvent faciliter grandement le travail des terminologues appelés à dépouiller ce type de textes.

223

Page 226: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Ρ Γ - 1 STRUCTURES

M

Ν L- 2 ACTIVITE —

PARLEMENTAIRE

ANNEXE 1/1

1.1 CHAMBRES

1.2 ORGANES

1.3 SERVICES

1.4 COMMISSIONS

2.1 CADRE GENERAL

2.1.1 OPER. CONST.

-2.2.2 SEANCES

2.2 STATUT DES PARLEMENTAIRES

2.3 PROCEDURE PARLEMENTAIRE

2.3.1 INTERVENTIONS

2.3.2 VOTES

2.4 TEXTES ι 2.4.1 DOCUMENTS

.2.4.2 ACTES

224

Page 227: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

structure entreprises et organisations boursièruu

type do bourse > 2 X i — '

Page 228: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ANNEXE 1/3

ARBRE DE L'ARBITRAGE INTERNATIONAL PRIVE

SUJETS

OBJET

— REGLES

1— SOURCES

DROIT INTERNATIONAL PRIVE

EXTRAORDINAIRES

TRIBUNAUX ARBITRAUX

ARBITRAGE INTERNATIONAL-

JURIDICTIONS

ORDINAIRES

-GENERALITES

-PROCEDURE

-SENTENCES

SPECIALES

TRIBUNAUX TRIBUNAUX MILITAIRES ADMINISTRATIFS

226

Page 229: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ARBRE DE DOMAINE ANNEXE 2

REGLEMENTATION

r— 1 définit

— 2 prescrit

— 3 permet

— 4 interdit

S sanctionne

1.1 objet

1.2 but

1.3 notions

2.1 prescriptions générales

2.2 prescriptions spécialisées

227

Page 230: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ANNEXE 3

\ DÉF IN TT

1.1 objet

les eaux superficielles et souterraines, naturelles et artificielles, publiques et privées, y compris les sources

déversement des eaux usées

1.2 notions

pollution: altération des propriétés physiques, chimiques et biologiques de l'eau. (L 2.2)

eaux usées (sens large): toutes les eaux à évacuer des zones bâties (Ordonnance art.3.1) (provenant des ménages, de l'artisanat, de l'industrie, y compris les eaux de refroidissement, les eaux de pluie, de fonte des neiges, les eaux d'infiltration, polluées ou non polluées, provenant de ces zones)

eaux usées (au sens de l'ordonnance): eaux qui en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur provenance, doivent être collectées évacuées et traitées aux fins de répondre aux exigences fixées pour le déversement dans les eaux.

1.3 but

protection des eaux contre la pollution (loi) protéger les eaux contre la pollution remédier aux pollutions sauvegarder la santé de l'homme / des animaux assurer l'approvisionnement en eau potable / d'usage industriel

par l'utilisation des eaux souterraines /des eaux de source par la préparation d'eaux superficielles

pouvoir destiner les eaux à l'irrigation / à l'arrosage des cultures faire servir les eaux au bain sauvegarder les eaux où vit le poisson empêcher la dégradation des constructions empêcher l'enlaidissement du paysage réglementer le déversement des eaux usées

2. PRESCRIT

2.1 prescriptions générales

la Confédération surveille l'application de la loi exécute les dispositions établies par le Conseil fédéral veille à ce que les interdictions soient respectées / les mesures soient exécutées coordonne les mesures prises par les cantons / ses établissements / exploitations

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Page 231: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

le Conseil fédéral arrête les prescriptions d'exécution de la loi / veille à leur application prend lui-même les mesures nécessaires à l'égard des cantons / des communes

les cantons peuvent être appelés à coopérer à l'exécution de certaines tâches prennent les mesures qui permettent d'atteindre le but défini sont tenus d'arrêter des dispositions créent un service technique de la protection des eaux disposant de moyens efficaces

déterminent les attributions du service technique de la protection des eaux pour qu'il puisse s'acquitter de ses tâches

organisent la police de la protection des eaux

instituent un service équipé pour pouvoir intervenir en cas d'accident

les autorités / services / établissements / exploitations de la Confédération doivent satisfaire aux dispositions de la loi dans l'exercice des attributions qui leur sont conférées par d'autres lois et ordonnances fédérales

l'exécution de la loi incombe aux cantons (L 5.1)

les lois / ordonnances des cantons doivent être approuvées par Le Conseil fédéral

2.2 prescriptions spécialisées

chacun doit s'employer à empêcher toute pollution des eaux superficielles / souterraines y mettre la diligence qu'exigent les circonstances

la Confédération approuve les plans cantonaux d'assainissement des eaux surveille l'exécution des plans cantonaux d'assainissement des eaux prend les mesures nécessaires pour assurer l'observation des délais

les cantons veillent à ce que les modes d'élimination par déversement / infiltration de nature polluante soient adaptés aux exigences de la protection des eaux

supprimés dans un délai de quinze ans à compter de ...

fixent les délais en tenant compte du degré d'urgence de chaque cas conformément au plan cantonal d'assainissement des eaux

doivent prescrire un mode d'élimination /de traitement des eaux usées adapté aux circonstances lorsque les constructions / les installations existantes ne peuvent être rattachées au réseau de canalisations

229

Page 232: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

les propriétaires qui déversent directement dans les eaux qui laissent s'infiltrer dans le sol

des résidus liquides non traités / insuffisamment traités doivent l'annoncer dans l'année à partir de l'entrée en vigueur de la loi en précisant la nature et la quantité des résidus éliminés

qui possèdent une autorisation valable du canton sont dispensés de l'obligation

les exploitants de canalisations publiques de canalisations privées de canalisations d'intérêt public doivent recevoir les eaux usées conduire les eaux usées jusqu'à la station centrale d'épuration

celui qui produit des eaux usées exerçant des effets nocifs sur les installations d'évacuation et d'épuration doit leur faire subir un traitement préliminaire

les propriétaires les exploitants

d'installations servant à l'entreposage au transport au transvasement

de liquides altérant les eaux

veillent à ce qu'elles fonctionnent convenablement soient maintenues en bon état soient utilisées selon les règles

font en sorte que le personnel reçoive une instruction suffisante

le déversement d'eaux usées doit être autorisé par l'autorité cantonale compétente

les eaux usées du périmètre d'un réseau d'égouts doivent être déversées dans les canalisations publiques dans les canalisations privées et d'intérêt public

un personnel spécialisé doit réviser les installations à des intervalles convenables

3. PERMET

établir des prescriptions par ordonnance (cantons)

autoriser des exceptions lorsque... (cantons)

230

Page 233: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

accorder exceptionnellement de plus longs délais pour des écoulements (déversements) de peu d'importance (cantons)

continuer de déverser dans les eaux de laisser s'infiltrer des résidus liquides (propriétaires) jusqu'à ce que ...

prescrire des modes délimination et de traitement spéciaux (cantons) si il s'agit d'eaux qui ne se prêtent pas à l'épuration dans une station centrale il n'est pas indiqué pour des raisons impérieuses de traiter les eaux dans une station centrale

déverser les matières liquides ou gazeuses, notamment les eaux usées, qui proviennent de canalisations de localités, d'habitations, de chantiers, d'entreprises industrielles et artisanales, d'exploitations agricoles, de bateaux ou d'ailleurs dans les eaux seulement si elles ont été traitées selon les prescriptions des cantons

4. INTERDIT

introduire / déposer directement / indirectement dans les eaux toute matière solide / liquide / gazeuse de nature à les polluer

éliminer les matières polluantes en les laissant s'infiltrer dans le sous-sol

nettoyer / assurer l'entretien des véhicules à moteur / machines / les engins similaires à proximité des eaux

5. SANCTIONNE

celui qui introduit / dépose directement / indirectement dans les eaux de manière illicite toute matière solide / liquide / gazeuse de nature à polluer l'eau est puni de l'emprisonnement / de l'amende

231

Page 234: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ANNEXE 4

TERMINOLOGIE REGLEMENTAIRE COMMUNE

les particuliers assumant des tâches en vertu de la loi (L 3.2) tenus de remplir des tâches en vertu de la loi (L 3.3)

mesures exécutées selon des programmes permettant d'atteindre le but visé (L 3.2)

après les en avoir avisés (L 3.3)

les frais qui en résultent sont supportés par (ceux qui assument les obligations)

sous réserve de l'article ...

compléter la loi, en vue de son exécution, par des prescriptions cantonales

à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi

être dispensé d'une obligation

jusqu'à ce qu'une décision soit prise par l'autorité (cantonale) compétente

lorsque les circonstances l'exigent

prendre les mesures nécessaires

la responsabilité découlant de... se détermine selon l'article... de la loi

pour des raisons impérieuses

celui qui aura sciemment / de manière illicite / sans l'autorisation de l'autorité compétente / à rencontre des conditions attachées à une autorisation contrevenu à la loi sera puni de l'emprisonnement / de l'amende / des arrêts

lorsque l'auteur d'une infraction a agi par négligence

la tentative et la complicité sont punissables

la poursuite pénale incombe aux cantons

sont abrogés la loi fédérale du / l'article / toutes les dispositions contraires à la présente loi

Le Conseil fédéral fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi

232

Page 235: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

%%BE %%ΤΎ %%NI %%CM %%CF

%%DE %%VE

ACH EAU91 0000100 EN4 4

unterirdische Gewässer (

ANNEXE 5/1

1); unterirdisches \

%%DF Unter der Erdoberfläche vorkommendes Wasser

%%PH Dem Schutze dieses Gesetzes unterstehen die ober- und unterirdischen natürlichen und künstlichen, öffentlichen und privaten Gewässer mit Einschluss der Quellen.

%%RF (1) BG Gewässerschutzgesetz (RS 814.20), Art. 1; (2), DF: Int Gloss. Hydrologie, 1979, S. 58

%%FR %%VE

%%DF

%%PH

%%RF

%%JT %%VE %%DF %%PH

%%RF

eau souterraine

Eau se trouvant au-dessous de la surface du sol.

La...loi concerne les eaux superficielles et souterraines, naturelles et artificielles, publiques et privées, y compris les sources.

(1) LF protection eaux (RS 814.20), art. 1 ; (2), DR Gloss, int. hydrologie, 1979, p. 58

acqua sotterranea (1); acqua profonda acqua che si trova nel sottosuolo La.Jegge protegge le acque superficiali e sotterranee, naturali e artificiali, pubbliche e private, comprese le sorgenti. (1) LF inquinamento acque (RS 814.20), art. 1; (2), DF: Gloss, int. hydrologia, 1979, p. 58

233

Page 236: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

%%BE %%TY %%NI %%CM %%CF

%%DE %%VE

ANNEXE

ACH EAU91 0000100 EN4 4

ober- und unterirdische Gewässer

%%PH Dem Schutze [des] Gesetzes unterstehen die ober- und unterirdischen natürlichen und künstlichen, öffenüichen und privaten Gewässer mit Einschluss der Quellen.

%%RF BG Gewässerschutzgesetz (RS 814.20), Art. 1

%%FR %%VE eaux superficielles et souterraines

%%PH La...loi concerne les eaux superficielles et souterraines, naturelles et artificielles, publiques et privées, y compris les sources.

%%RF LF protection eaux (RS 814.20), art. 1

%%IT %%VE

%%PH

acque superficial e sotterranee

La...legge protegge le acque superficiali e sotterranee, naturali e artificiali, pubbliche e private, comprese le sorgenti.

feRF LF inquinamento acque (RS 814.20), art. 1

234

Page 237: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ANNEXE 6/1

PHRASEOLOGIE REGLEMENTAIRE COMPAREE

FR

Le but de la présente loi est de protéger les eaux contre la pollution et de remédier aux pollutions afin que

- les eaux puissent être destinées à l'irrigation ou à l'arrosage des cultures - les eaux puissent servir au bain - les eaux où vit le poisson soient sauvegardées

DE

Dieses Gesetz bezweckt den Schutz der Gewässer gegen Verunreinigung sowie die Behebung bestehender Gewässerverunreinigungen im Interesse

- der landwirtschaftlichen Bewässerung - der Benutzung der Gewässer zu Badezwecken - der Erhaltung von Fischgewässern

IT

la presente legge è intesa a proteggere le acque dall'inquinamento come anche a rimediare all'inquinamento esistente al fine di

- permettere l'irrigazione agricola - garantire le proprietà balneari delle acque - conservare il patrimonio ittico

235

Page 238: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ANNEXE 6/2

protéger les eaux contre la pollution ♦protection des eaux contre la pollution Schutz der Gewässer gegen Verunreinigung proteggere le acque dall'inquinamento ♦protezione dall'inquinamento

remédier aux pollutions Behebung bestehender Verunreinigungen ♦bestehende Verunreinigungen beheben rimediare all'inquinamento

destiner les eaux à l'irrigation des cultures I l'arrosage des cultures (im Interesse der) landwirtschaftlichen Bewässerung permettere Y irrigazione agricola

faire servir les eaux aü bain Benutzung der Gewässer zu Badezwecken ♦Gewässer zu Badezwecken benutzen garantire le proprietà balneari delle acque

sauvegarder les eaux où vit le poisson ♦sauvegarde des eaux où vit le poisson Erhaltung von Fischgewässern ♦Fischgewässer erhalten conservare il patrimonio ittico ♦conservazione del patrimonio ittico

Françoise PARC Terminologue

Section de terminologie Chancellerie de la Confédération suisse

Palais fédéral ouest CH­3003 Berne

236

Page 239: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

La phraséologie dans l'entreprise Marotte de quelques linguistes ou pain quotidien du traducteur?

Jean-Pierre Neuhaus

Sommaire 1. La création

1.1 Une réalité quotidienne 1.2 Phraséologie publicitaire et phraséologie technique 1.3 Les problèmes engendrés par la phraséologie

2. La sauvegarde du patrimoine phraséologique 2.1 Les difficultés 2.2 Notre solution

3. La gestion de la phraséologie

1. La création

1.1 Une réalité quotidienne

Si la phraséologie est le nerf- non de la guerre mais de la communication d'entreprise-rares sont cependant les «peseurs perpétuels d'acceptions», définition que donne Victor Hugo des traducteurs, qui ont conscience de l'importance de la phraséologie. Tel M. Jourdain faisant de la prose à son insu, les traducteurs ont quotidiennement recours à la phraséologie sans le savoir!

Dans une entreprise comme Ascom, les traducteurs font ce que l'on pourrait appeler de la phraséologie appliquée, sans pour autant l'identifier comme telle. Même si la phraséologie occupe une place bien réelle dans la communication d'entreprise, le souci premier des traducteurs n'est pas de s'interroger sur les fondements théoriques de leur activité, mais de trouver un slogan, une tournure ou une expression qui rende parfaitement l'idée d'origine du texte qu'ils doivent transposer.

237

Page 240: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

1.2 Phraséologie publicitaire et phraséologie technique

Je distinguerai deux grands types de phraséologie dans nos activités linguistiques:

* Premièrement, la phraséologie publicitaire, utilisée dans les titres, les slogans et les messages publicitaires. Donnons ici un exemple : «Mit unssind Sie drahtlos auf Draht. Ascom», slogan que le traducteur francophone a rendu par: «Ascom -communication sans frontières». On peut également ranger dans cette catégorie les expressions propres à l'entreprise et qui contribuent à créer une image de marque homogène et evocatrice de celle-ci. Ces expressions reflètent la philosophie de la société considérée et permettent, d'une part aux collaborateurs de s'identifier à l'entreprise, d'autre part au public de reconnaître cette dernière. Par exemple: «Qualité Ascom: j'y tiens et j 'y contribue».

* Deuxièmement, la phraséologie que j'appellerai «technique», propre à une appli­cation ou à un produit. Elle doit être utilisée de manière cohérente dans les modes d'emploi, les fiches techniques ou encore, sur l'affichage à cristaux liquides des téléphones. Ainsi les termes Configuration, Numéro d'appel etc. qui apparaissent sur l'affichage d'un appareil téléphonique doivent parfaitement correspondre à l'explication qui en est donnée dans le mode d'emploi.

Ce type de phraséologie joue un rôle essentiel. En effet, pour bien vendre un produit ou un service, il est indispensable d'accompagner celui-ci d'une documentation «conviviale», accessible à l'utilisateur. Voilà qui fait partie, dans nos travaux de traduction et de rédaction, de l'»assurance de la qualité» - terme fréquemment employé dans les entreprises techniques telles que la nôtre.

Et - entre parenthèses - n 'oublions pas que bien souven t le problème de la phraséologie se pose déjà dans la langue de départ, tout spécialement dans le domaine technique.

1.3 Les problèmes engendrés par la phraséologie

Les traducteurs ont à résoudre deux grands problèmes, le premier étant de nature linguistique, le second relevant avant tout de considérations purement matérielles.

L'objectif premierdu traducteur est en effet de rédiger un texte qui rende parfaitement l'idée d'origine. Or, les textes originels, notamment dans le domaine publicitaire, sont le plus souvent accompagnés d'images, de photos ou de graphiques. Le traducteur doit donc établir un lien direct entre sa traduction et l'illustration d'origine.

J'aimerais citer ici deux exemples pour souligner la difficulté de cette tâche: l'expression Brückenschlag auf Schlag accompagne à la perfection la série de photos qui lui est associée.

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Page 241: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Le concepteur germanophone a voulu montrer que le groupe Ascom «jette les ponts» (Brücke schlagen) entre le progrès technologique et les exigences des utilisateurs. Le traducteur français a opté pour le slogan «Relier le progrès technologique à vos désirs», mettant l'accent sur le lien unissant l'entreprise à sa clientèle. Ce slogan ne correspond toutefois guère à l'illustration du texte de départ. Quant à la traduction anglaise (Building bridges), elle n'a jamais vraiment suscité mon enthousiasme, en dépit des efforts de nos anglophones. En effet, si le texte anglais correspond bien à l'illustration de départ, l'idée originelle, quant à elle, n'est pas du tout rendue.

"Mit einem solden Netz geht kein Schuss ins Leere.": là encore, le titre de cette brochure technique met en évidence la complexité de la tâche du traducteur, qui doit trouver une corrélation idoine entre le message, l'illustration et le texte. Cette brochure, qui traite de l'interconnexion de centraux téléphoniques, joue sur le mot Netz qui s'applique à la fois au domaine des télécommunications (Netz = réseau téléphonique) et au domaine du sport (Netz = filet d'un but). Trouver l'expression ou le terme approprié en français qui corresponde à l'image choisie par les concepteurs germanophones est un véritable casse-tête, même pour les traducteurs chevronnés. D'où une solution pas vraiment satisfaisante: «Avec un réseau solide, vous toucherez droit au but».

Abordons maintenant le second problème. Lorsque nous avons créé - et je dis bien «créé» et non pas «traduit»- les slogans précédemment cités, nul ne parlait de phraséologie. Pressés par le temps, nous devions de surcroît tenir compte des coûts engendrés par les innombrables séances avec les responsables des campagnes publicitaires afin de trouver une solution satisfaisant à la fois les donneurs d'ouvrages et les traducteurs.

Je me permets de citer ici un exemple bien concret pour mieux illustrer mes propos. Le slogan «Ascom pense l'avenir» (EN : Ascom thinks ahead - IT : Ascom pensa al futuro) nous a demandé plus de 40 heures de travail pour l'adaptation de l'allemand en français, en anglais et en italien. Coût de l'opération: 4 500 francs suisses... Lorsque nous avons créé ce slogan, qui paraît actuellement dans les revues et les journaux européens, nul d'entre nous ne se souciait de phraséologie! Un tel chiffre pour trois mots en trois langues paraît bien excessif. C'est pourtant la réalité: la publicité et les relations publiques n'ont jamais été gratuits. Deux heures de briefing à quatre personnes avec le concepteur allemand, plusieurs séances de brainstorming à quatre voire six personnes, d'innombrables allers et retours entre le service linguistique, la direction du groupe et les responsables de la campagne publicitaire, etc.

Certes, pour la phraséologie que j'ai qualifiée de «technique», les coûts sont certes moins élevés dans les langues d'arrivée et se montent généralement à quelques francs seulement. Toutefois, soulignons une injustice flagrante: on chiffre, souvent au

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Page 242: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

centime près, les coûts de la traduction, mais on omet de calculer le temps consacré au départ par les techniciens et les documentalistes, qui sont souvent les vrais créateurs de la phraséologie technique!

2. La sauvegarde du patrimoine terminologique

2.1 Les difficultés

Lorsque les traducteurs finissent par surmonter, après moult efforts, les difficultés inhérentes à la transposition, ils se heurtent à un second écueil. Comment vont-ils sauvegarder ce savoir phraséologique et terminologique? Comment vont-ils gérer ces expressions, ces slogans et ces tournures afin de les retrouver dans quelques mois, voire - la mémoire humaine est souvent faillible - quelques semaines ou quelques jours? Peuvent-ils introduire cette phraséologie dans une banque de données qui, au dire de maints spécialistes, doit être exclusivement réservée aux entrées termino­logiques? Et, s'ils bravent cet «interdit», quels critères vont-ils adopter pour entrer ces tournures dans la banque de données? Quels seront les mots-clés qui permettront de retrouver ces dernières?

Ces nombreuses interrogations mettent en exergue la difficulté de la tâche. Il s'agit là d'un travail plein d'embûches qui suscite bien des interrogations. Et pourtant tout traducteur/terminologue est confronté quotidiennement à ces difficultés...

2.2 Notre solution

Le service linguistique de l'entreprise Ascom ne dispose certes pas de solution miracle qui lui permettrait de gérer à la perfection son patrimoine phraséologique. Toutefois, nous pouvons prétendre fournir une solution déjà élaborée.

Nous avons mis l'accent sur la pratique avant tout: depuis quelques années, nous disposons d'une banque de données terminologiques multilingue (cinq langues disponibles: allemand, anglais, français, italien et espagnol). Développée et gérée par notte service inteme de terminologie, elle est accessible en ligne à tous les collaborateurs du groupe Ascom qui peuvent ainsi consulter des termes, élaborer des glossaires à partir d'un ou de plusieurs domaines ou encore imprimer des listes terminologiques propres à un texte donné.

Mais ce n'est pas tout : grâce à sa conception ouverte, cette banque nous permet aussi de gérer notre bien phraséologique.

240

Page 243: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

AENDERN --=> DEUTSCH

OPTION «===>

ERFASSER = SHIPTONJ AEND. DATUM = 31/07/89 ERF. DATUM = 10/04/89

DOKNR »·> 000001001213

TERM ==> Ganzheitliche Lösungen für individuelle Kommunikationsprobleme

SYN ==>

>

>

>

KOMP « > g a n z h e i t l i c h e Lösung; Kommunikationsproblem

ABK ==> ARTNR=

SACH — > Ascom; PR und Werbung; Slogans

>

>

> <

QUEL = > Ascom; Ubersetzungsdienst KB1; 19891

>

>

VORHANDEN? (Y/N): Ν Y

MUTIEREN? (Y/N): DEFINITION ==> N ERLAUETERUNG ~ > N

SB

AENDERN ==> FRANZOESISCH OPTION ■■■->

ERFASSER = SHIPTONJ AEND. DATUM - 31/07/89 ERF. DATUM ■ 10/04/89

DOKNR ==> 000001001213

TERM ·«> Des solutions globales répondant aux problèmes de communication

individueis

SYN ==>

>

>

>

KOMP ==> solution globale; problème de communication

ABK ~ > ARTNR=

SACH »■> Ascom; PR und Werbung; Slogans

>

>

> <

QUEL ==> Ascom; übersetzungsdienst KB1; 1989S

>

>

VORHANDEN? (Y/N): N N

MUTIEREN? (Y/N): DEFINITION ==> N ERLAUETERUNG ==> N

SB

241

Page 244: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

En voici un exemple : «Ganzheitliche Lösungen für individuelle Kommuni­kationsprobleme» («Des solutions globales répondant aux problèmes de communi­cation individuels»). Le terminologue a au préalable saisi manuellement ce slogan dans le champ «TERM» normalement réservé aux unités terminologiques. Si le traducteur ne se souvient plus du slogan dans son intégralité, le système lui permettra de le retrouver sans problème, à partir de certains mots-clés, tels que «solution globale» ou «problème de communication» (saisis par le terminologue dans le champ spécifique «KOMP»)

Je vous propose ici également un extrait d'une liste contenant des entrées phraséologiques.

Ascom Terminologiedienst 31.01.90 ASCOM WERBESLOGANS UND POSITIONIERUNGSZEILEN Deutsch - Französisch DEUTSCH

Der Ordnungs-Pax. (1)

Der Picobello-Fax. (1)

Der Spar-Pax. (1)

Der Tekfon-Fax. (1)

Erleben Sie die Ascom-Welt der Knramunikalionstechnik und DiensUeistungsaufomation

ganzheitliche I ¿tungen für individuelle Kommunikations­probleme

Gesellschaft fur industrielle Forschung und Technologien der Aacom

Hasler Postbearbeitung von aacom erspart Ihnen mit der TMS Femvorgabe den Gang zum Postamt (I)

Herzlich willkommen! Ascom

Ihr Ascom Gesprächspartner

Ihre Ascom für Daten· und Sprachkommunikation

Im Ascom Team zum Ziel

Kommunikationt-Nclzwerke von Ascom übertragen und vermitteln Sprache, Text, Bild und Daten

Mit Ascom sind Sie gut verbunden. (1)

Mit Funksystemen von Ascom überall sicher erreichbar

Mit uns sind Sic drahtlos auf Draht. Ascom

FRANZOESISCH

l* fax de l'ordre. (1)

Le fax ad hoc. (1)

Le fax des economies. (1)

Le fax telephone. (1)

Découvrez Ascom et son univers: la technique de com­munication et l'aungsautonution

Des solutions globales répondant aux problemet de com­munication individuelt

Société des recherches cl technologies industrielles et des technologies du groupe Ascom

Soyez les bienvenus! Ascom

Votre partenaire Ascom

Ascom, votre partenaire en matière de transmission de la parole et des données

Votre avenir avec Ascom.

Les réseaux de communication du groupe Ascom trans­mettent et commulcn t la parole, les textes, tes images et les données

Ascom - pour une communication efficace. (1)

Communications sans frontières. Ascom

Ascom - communications sans frontières

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Page 245: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

3. La gestion de la phraséologie

Notre méthode ne répond sans doute pas entièrement aux attentes des traducteurs et des rédacteurs, mais notre objectif est essentiellement pragmatique: nous voulons sauvegarder les slogans et les expressions les plus importantes utilisées par notre entreprise afin de pouvoir les retrouver sans difficulté dès que nécessaire.

L'art pour l'art n'est pas de mise dans notre entreprise. J'ai déjà cité le facteur temps et le facteur coûts qui accompagnent la création de slogans. La gestion de la phraséologie engendre les mêmes problèmes.

En effet, les produits de haute technologie se succédant aujourd'hui à un rythme soutenu, la publicité et la documentation qui accompagnent ces produits ont égale­ment une durée de vie limitée. Rechercher la solution parfaite est donc souvent une perte de temps et d'argent. A quoi bon consacrer plusieurs heures, voire plusieurs jours, à trouver le slogan idéal illustrant une publicité qui ne paraîtra qu'une seule fois? Et faut-il entrer ce slogan dans la banque de données?

Néanmoins, on sait qu'un bon slogan pour un nouveau produit peut avoir un impact publicitaire non négligeable. De même, des modes d'emploi bien traduits, offrant une phraséologie uniformisée, sont appréciés des acheteurs de ces nouveaux produits. Malheureusement, la qualité n'est que rarement quantifiable!

Il est donc particulièrement délicat de concilier ces deux exigences contradictoires. Vouloir traiter l'ensemble de cette matière est un vrai travail de Sisyphe. L'appren­tissage était dur; nous avons dû passer par là! Donc une solution pragmatique tant au niveau de la gestion qu'au niveau des coûts s'imposait !

Je me permets de poser ici la question suivante: avez-vous déjà calculé le prix d'une unité phraséologique répertoriée dans votre banque de données? La création et la gestion d'une nouvelle unité phraséologique font intervenir de nombreux facteurs, tels que les coûts salariaux de vos traducteurs, l'assurance de la qualité (c'est-à-dire la vérification de l'exactitude des termes par les terminologue), la saisie par le terminologue dans la banque de données ou encore les coûts engendrés par la gestion du système. Il faut compter près de 100 francs suisse par couple de langues. Le résultat de nos calculs vous étonnera peut-être, mais je suis cependant persuadé qu'il ne s'agit pas là d'un cas exceptionnel.

J'aimerais, pour finir, ajouter la remarque suivante : qu'en serait-il des coûts et du niveau de qualité si le traducteur ne disposait pas d'un dictionnaire électronique, mais devait «recréer» l'expression déjà traduite ou fouiller dans ses anciennes traductions pour retrouver le précieux slogan? Les coûts seraient certainement bien plus élevés encore et la qualité loin d'être assurée.

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Page 246: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Si la phraséologie occupe une place bien réelle dans la communication d'entreprise, si elle est bien le pain quotidien de nos traducteurs, sa création et sa gestion engendrent des problèmes qui sont encore loin d'être résolus.

Jean-Pierre NEUHAUS Responsable du Service linguistique Ascom

Ascom Management SA Belpstrasse 37 3000 Berne 14

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Page 247: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Phraseology in Translation at the United Nations: some Examples

Ian Hamilton

Sommaire

1. Introduction 2. Words that go together 3. The phrase as a standard building block 4. Proverbs and aphorisms 5. The phrase as a vehicle for the term 6. The phrase as a substitute for the term 7. The phrase as the key to the word 8. The disappearing phrase 9. Conclusion

1. Introduction

Like Monsieur Jourdain, who had been talking prose for forty years and never realised it, the language services at the United Nations have been writing and translating phraseology for forty years without ever identifying it as a separate field of study. While there are terminology and reference services to help translators in their task there are no phraseology services. In fact, the dividing line between term and phrase has never been a matter of concern because, from the translator's point of view, both are an every-day need.

We touch here on the very essence of translation, which is to render meaning accurately while at the same time producing a text which does not read like a translation. It is distracting to hear the original language ringing through, as we do when we read, By elaborating and publishing this document, the Ministry wanted to promote French technology... for Le Ministère a voulu par l'élaboration et la publi­cation de ce document assurer la promotion des technologies françaises.... While the elegance of the translated text undoubtedly depends on the translator's art, which is something independent of all translation aids, phraseology is an element for which outside help can sometimes be provided. In satisfying the translator's needs for

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Page 248: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

terminology through reference libraries, glossaries and term banks, at least some of the needs for phraseology are satisfied at the same time. There is scarcely a terminology bulletin that does not contain phrases as well as terms or at least some indication of how a term should be used. The aim of the present paper is to analyse briefly the parts played by the phrase in translation and to illustrate that analysis with examples.

2. Words that go together

The basic problem in phraseology is that in all languages certain verbs and certain adjectives go by convention with certain nouns. Extensive loss of life is not pertes étendues de vies humaines in French but pertes lourdes. The verb lancer goes with appel d'offres in French but in English one does not launch a call for tenders. Some lexicographers have attempted to provide a remedy by compiling dictionaries of words in context - examples being theMultilingualDemographicDictionary published by Ordina and French-English Chemical Terminology by Fromherz and King (Verlag Chemie) - but the result is less satisfactory than one might hope.

Many United Nations glossaries have recognized the problem implicitly and included phrases such as to meet the cost of and even asylum seekers in distress at sea but this raises a problem of indexing. Under what head word should such entries appear? Fortunately, the computer holds out a solution.

3. The phrase as a standard building block

«Once you have decided on the best translation of a word or phrase use it throughout», say the Instructions for Translators, and this is particularly relevant when a long text is divided up between several translators. The principle is all the more binding the more formal the text. One reason for this is to avoid the possibility of a change of phraseology being interpreted as implying a change of meaning. In human rights documents, the expression enforced or involuntary disappearances has become standard, as has torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Disappeared person incidentally is now the recognized English translation oí desaparecido, the misuse of the intransitive verb to disappear being legitimized by the weight of popular usage and the appropriately sinister tone of the term.

The language of human rights provides us also with an example of the ambushes created by the invariability of certain expressions. Droits de l'homme has become such a unitized expression that one hesitates to break it up. Can we talk then of the droits de l'homme de la population ? And what of le droit des droits de l'homme for human rights law ?

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Page 249: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Resolutions, declarations and the like are usually the outcome of lengthy debate and the wording, clumsy as it may be, has to be respected. Translators of sensitive political texts are urged to stick closely to the original, even if the result sounds somewhat stilted. «Good translation attempts to approximate to the form as well as the content of the original text.» Here too there are phrases such as having learned with indi­gnation and profound grief and reiterating its firm conviction that have standard translations in other languages; likewise procedural phrases such as to call the meeting to order and to put to the vote in parts.

In legal instruments, terms and expressions used previously can not be re-translated if a translation already exists. Chapter VI of the United Nations Charter deals with the pacific settlement of disputes but it is unlikely that the present-day translator faced with règlement pacifique would use a word other than peaceful.

Obviously, titles of conferences, organizations and conventions constitute a kind of phrase which must be unchanging in all languages. The same is true of official functional titles. There is, for example, a most useful glossary published by the Council of the European Communities which tells us thatSecretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs in the United Kingdom should be translated as Ministre des affaires étrangères et du Commonwealth (and suggests that Solicitor General should not be translated).

4. Proverbs and aphorisms

Proverbs and aphorisms constitute a special kind of fixed phrase that can put even the best translator to the test. Certain languages are very rich in such expressions, some of which correspond closely to expressions in the target language, e.g. Rome was not built in a day = Rome ne s'est pas faite en un jour = No se edificó a Roma en un día, but many of which cause puzzlement. The songs of (the State of) Chu are all around is a Chinese saying which to the foreign reader conjures up a picture of joyful festivity but which in fact means to be in dire straits, être aux abois. This derives from an incident in 202 BC when the king of Chu and his army were surrounded by enemy troops and, hearing the latter singing Chu songs, realised that the whole country had been conquered.

5. The phrase as a vehicle for the term

If we consider the term as the atom of language, i.e. the smallest unit that cannot be subdivided further without changing its nature, we realise that many multilingual dictionaries consists of atoms. These are in fact often sufficient. To know, in translating a paper on coal-mining, that soutènement marchant equals powered support may be enough. However in many technical fields, there is a way of

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Page 250: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

expressing things and a turn of phrase that is typical. For the translator to produce a text that reads convincingly, therefore, he must have access not only to the terms but also to the way they are incorporated into phrases.

To be told that sursis means delay or reprieve, for example, is of little use in translating a phrase like condamné à deux ans de prison avec sursis. What we need is an indi­cation that this expression as a whole can be translated as given a suspended sentence of two years. Similarly, a phrase such as l'Etat en tant que détenteur de la puissance publique will also find its place in a legal dictionary, as the State acting in its sovereign capacity, because a word for word translation is impossible.

6. The phrase as a substitute for the term

Every translator knows of cases where there is no suitable term in the target language for a term in the source. A recent example encountered at the United Nations Office at Geneva was the word countline, which, in the chocolate industry, means a product line such as a coated chocolate bar that is sold by the number of pieces rather than by weight. As no equivalent term in other languages could be found, a paraphrase was invented on the basis of the English explanation.

One interesting aspect here is that the problem is specific to each target language. In closely related languages there is more hope of finding a term-for-term equivalent than in languages of different families. The Russian wordpolynya, meaning an unfrozen patch of water surrounded by ice, has been absorbed unchanged into other languages such as English, French and Spanish but, not surprisingly, needs to be paraphrased in Arabic. It is true too that certain languages lack scientific and technical terminology, despite efforts to create neologisms, and the choice may then be between a literal translation and a paraphrase. In the case of the term greenhouse effect, the image is preserved in many other languages but translators may sometimes prefer to convey the meaning through a phrase.

7. The phrase as the key to the word

It must be said that it is often the phrase that gives the word its meaning. As the preface to the Petit Larousse has it, «Un dictionnaire sans exemples est un squelette». How often have we been asked to explain a word and been unable to do so, only to find out, on seeing the word in its context, that the meaning was evident. If we know that the context of the word flavors concerns artificial intelligence and has nothing to do with ice-cream, being the name of a programming language (and deserving at least an initial capital), we are well on the way to producing a correct translation. If, as happens, there is a typing mistake in the term, then the context becomes a light shining in the dark. A telephone query regarding the word scarp may have us delving into

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Page 251: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

dictionaries of physical geography or geology unless we know that the context is one of steel-making and that two letters of the word scrap have been reversed.

The importance of the context is critical with certain notorious words in English, such as development or pattern, some recommended translations for the latter being structure, composition, schéma or profil.

8. The disappearing phrase

Lastly, there are instances where the phrase can profitably be omitted in translation. In letters, expressions such as Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sen­timents distingués can not be satisfactorily rendered in English and are best left out. In records of proceedings also, many linking words and phrases which make the French read well - dans le même ordre d'idées at the beginning of a paragraph for example, and the ubiquitous d'une part... d'autre part - can very well be disregarded in English.

9. Conclusion

Good translation costs money, and ways are constantly being sought in intergovernmental organizations and in the private sector of making translation more cost-effective, while maintaining the required quality. Various aids to translation exist, particularly in the form of dictionaries and bilingual vocabularies, but little guidance has so far been available on phraseology. The possibility of f ull-text searching by computer holds out hope for the future in this respect.

Ian HAMILTON Chef de la Section de terminologie

E. 5102 Office des Nations Unies à Genève

Palais des Nations CH-1211 Genève 10

249

Page 252: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations
Page 253: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Terminologisch relevante Phraseologie in Fachtexten

Erscheinungsformen, Funktionen im Text, Bedeutung für Textherstellung und -Übersetzung, Nutzung als terminologische Daten

Ingo Hohnhold

Übersicht

1. Terminologisch relevante Phraseologie oder phraseologisch gebundene Terminologie? 2. Erscheinungsformen

2.1. Fachsprachliche Wendungen, Fügungen, Standardformulierungen 2.2. Kontexte 2.3. Texttypmerkmale

3. Funktionen im Text 3.1. Wendungen, Fügungen, Standardformulierungen 3.2. Kontexte 3.3. Texttypmerkmale

4. Bedeutung für Textherstellung und -Übersetzung 4.1. Wendungen, Fügungen, Standardformulierungen 4.2. Kontexte 4.3. Texttypmerkmale

5. Nutzung als terminologische Daten 5.1. Wendungen, Fügungen, Standardformulierungen 5.2. Kontexte 5.3. Texttypmerkmale

6. Terminographie und Phraseographie 7. Textbezogene Terminologiearbeit

1. Terminologisch relevante Phraseologie oder phraseologisch gebundene Terminologie?

Phraseologie gilt als schwer abgrenzbarer Bereich zwischen Wortschatz und Syntax; das sind zwei Bereiche, die einfacher zu bestimmen sind. Wer sich mit Fachtexten und Terminologie befaßt, hat es insofern leichter, als er sich auf die Fachphraseologie

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Page 254: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

beschränken kann. Die Terminologienormung versteht unter Fachphraseologie die Gesamtheit der Fachwendungen.

Die Fachphraseologie in dieser Sicht wurde Ausgang der 20er Jahre von Schlomann erstmals in die lexikographische Darstellung einbezogen, in seinen Illustrierten Technischen Wörterbüchern in sechs Sprachen. Eine Generation später erweiterte Warner das Verständnis von f achsprachlicher Phraseologie um die Standardsätze und ergänzte Wüsters seit den 30er Jahren geschaffenen terminologischen Grundsätze um phraseologische Grundsätze für die Technik.

Wir wollen im folgenden an die geschilderte Entwicklung anknüpfen und uns an das Verständnis der Terminologienormung von Fachphraseologie anlehnen, es aber erweitern in Richtung auf das Textganze. Denn für die Herstellung und Übersetzung von Fachtexten sind nicht nur lexikalisch faßbare Einheiten wichtig, sondern auch andere und weitergehende phraseologische Strukturen. Diese weitere Sicht von terminologisch relevanter Fachphraseologie wurde seit Ende der 60er Jahre von Dubuc, Hohnhold und anderen in die übersetzungsorientieite Terminologiearbeit eingebracht und hat dort heute ihren festen Platz.

Es erscheint am einfachsten, mit den phraseologischen Einheiten zu beginnen; sie stehen der Terminologie am nächsten und lassen sich auch lexikographisch als Stichworteinheiten darstellen. Wir wollen wie folgt definieren:

Terminologisch relevante phraseologische Einheit = mehr oder weniger fest gefügte Wortgruppe jenseits der

Mehrwortbenennungen, mit terminologischer Wertigkeit12

Dabei soll gelten:

terminologisch = einen definierten fachlichen Begriff oder Sachverhalt benennend

phraseologisch = Text als sprachlichen Zusammenhang gestaltend, u.a. durch EinbindungderTerminologie in das gemeinsprachliche Textgerüst

Und es wären:

Terminologisch relevante Phraseologie = phraseologische Einheiten oder weitergehende Passagen mit

extrahierbaren Termini oder solche mit terminusvertretender Funktion.

1 DieEinwort- und Mehrwortbenennungen gelten als die klassischen terminologischen Einheilen. Die Mehrwortbenennungen werden daher hier nicht zu den phraseologischen Einheiten gezählt.

2 Die Mehrwortbenennungen und die terminologisch relevanten phraseologischen Einheiten können gemeinsam als terminologisch bestimmte Mehrwortbildungen bezeichnet werden.

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Phraseologisch gebundene Terminologie = in phraseologischen Umfeldern verwendete Termini.

Terminologisch relevante Phraseologie und phraseologisch gebundene Terminolo­gie bezeichnen demnach zwei Sichtweisen von entgegengesetzten Ausgangspunkten auf die gleiche Sache. Es handelt sich um Einheiten von doppelter Wertigkeit.

Die folgenden Beispiele 1 bis 6 werden diese Überlegungen weiter stützen. (EN steht für Englisch.)

Beisp ie l 1

während der Nacht / auf freien Strecken / Gefahr von Glätte / durch überfrierende Nässe

Diese phraseologische Gruppe ist, wie auch die folgende, eine Standardaussage in Wetterberichten. Sie besteht aus vier Teilen. Der phraseologische Charakter wird durch die idiomatische Ausdrucksweise unterstrichen: durch die Stichwort­aussageform, femer durch feste, nur so übliche Fügungen (z.B. wäre "nachts" oder "Risiko von Glätte" nicht üblich, wenn auch theoretisch richtig und verständlich).

In dreien der vier Teile der phraseologischen Gruppe finden sich Termini aus dem Wortschatz der Meteorologie: "Strecke", "freie Strecken", "Glätte", "Nässe", "überfrierend", "überfrierende Nässe".

Beispiel 1 belegt also, daß hier eine phraseologische Gruppe konzentriert terminologisch besetzt ist und, von der anderen Seite gesehen, daß die hier vorkommenden Termini im Textumfeld phraseologisch-idiomatisch-syntaktisch gebunden sind.

Beispiel 2, für das alle oben getroffenen Feststellungen im Prinzip auch gelten, stellt einen Rahmentext dar, in dem die Zahlen je nach Wetterlage austauschbar sind. Übrigens gibt es hier eine idiomatisch gängige Variante: «bei längerem Sonnenschein» (statt «Sonneneinstrahlung»); ferner eine ebenso übliche Erweiterung: «über geschlossener Schneedecke».

Die mögliche partielle Alternative und die mögliche partielle Erweiterung sowie auch die Austauschbarkeit von Größen sagen etwas über die Stabilität von phraseologischen Gruppen aus: Sie bleiben auch dann erhalten, wenn veränderte faktische Details Wortlautänderungen verlangen, die nicht die Struktur der Gruppe schwächen.

B e i s p i e l 2

Tagestemperaturen minus 4 bis 0 Grad / bei längerer Sonneneinstrahlung bis plus 4 Grad / nächtliche Temperaturen minus 8 bis minus 13 Grad / über Schnee bis minus 16 Grad

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Beisp ie l 3

keine Lautäußerung EN uttering no call

Beispiel 3 steht für die Kategorie von standardisierten Kurzangaben zur Bezeichnung häufig wiederkehrender gleicher Sachverhalte in naturkundlichen Bestim­mungsbüchern.

Die englische Entsprechung der deutschen Angabe enthält kein Äquivalent für den deutschen Terminus «Lautäußerung», gibt aber gleichwohl als Ganzes den S achverhalt, den die deutsche Angabe bezeichnet, vollständig wieder. Hier vertritt eine idiomatische Fügung u.a. einen Terminus.

Beispiele 4 bis 6 machen die terminusvertretende Funktion der englischen Fügungen vielleicht noch deutlicher.

Die Beispiele zeigen auch, daß diese Funktion einer phraseologischen Gruppe in einer Sprache dann besonders augenfällig wird, wenn der Gruppe in einer anderen Sprache ein abgegrenzter Terminus gegenübersteht, der auf idiomatische Umschreibung nicht angewiesen ist.

Beispie l 4

Mitarbeiter

EN ... of thanking everyone working for the Group ... for their contributions to our results

Beisp ie l 5

Sortiment

EN some 6,000 different products are marketed

Beispie l 6

Stationierungskosten EN the foreign-exchange costs of maintaining the British Army on the Rhine

2. Erscheinungsformen

2.1. Fachsprachliche Wendungen, Fügungen, Standardformulierungen

Zuerst interessieren uns die schon angesprochenen phraseologischen Einheiten. Das ist der Kreis der fachsprachlichen Wendungen und sonstigen mehr oder weniger fest gefügten Standardformulierungen.

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Wir können wie folgt differenzieren:

Wendung = fest gefügte infinite Verbalgruppe zur Bezeichnung eines Sachverhalts, meist eines Ablaufs.

Sonstige Fügung = mehr oder weniger fest gefügte Wortgruppe zur Bezeichnung eines Sachverhalts, die weder den Mehrwortbenennungen noch den Wendungen zuzurechnen ist; unterhalb der Satzebene oder satzbildend.

Weitergehende Standard­formulierung = mehr oder weniger fest gefügte Satzgruppe zur Bezeichnung

eines meist komplexeren Sachverhalts. (In der Textverarbeitung auch Textbaustein genannt.)

Nicht alle Terminologen zählen die letzte Untergruppe noch zu den phraseologischen Einheiten i.e.S., meist mit dem plausiblen Hinweis darauf, daß solche Textabschnitte ihrerseits phraseologische Einheiten enthalten können. Dementsprechend werden diese satzüberschreitenden Standardformulierungen auch nicht zu den terminologisch bestimmten Mehrwortbildungen gezählt.

Allen diesen phraseologischen Einheiten ist gemeinsam, daß sie mehr oder weniger fest gefügte Formulierungen zur Bezeichnung häufig wiederkehrender gleicher fachlicher Sachverhalte und Zusammenhänge darstellen. Sie sind dem Fachmann auf seinem Gebiet meistens geläufig.

Phraseologische Einheiten sind, ähnlich wie terminologische Einheiten, prinzipiell auch Gegenstand der Normung, sowohl der institutionellen und fachverbandlichen nationalen und internationalen Normung (Beispiel Kommunikation in der Flug­sicherung) als auch der haus- und bereichsinternen Festlegung einheitlichen Sprachgebrauchs (z.B. in der Industrie).

Die Wendungen sind definitionsgemäß auf einen syntaktischen Umfang unterhalb der Satzebene beschränkt. Die über die satzunterschreitenden und satzbildenden Fügungen hinausgehenden Standardformulierungen sind dagegen kürzere oder längere Textabschnitte, deren Rahmen z.B. auch dann erhalten bleiben kann, wenn sich einzelne Werte in ihnen ändern.

Wendungen sind als indefinite Wortgruppen immer Grundformen, während sonstige Fügungen häufig nur in einer Gebrauchsform vorliegen. Das ist vielleicht ein Grund dafür, daß sie nicht so bereitwillig wie Benennungen und Wendungen lexiko­graphischer Darstellung zugeführt werden.

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Page 258: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

B e i s p i e l e 7, 8, 9, 10

(für Wendungen)

die Arbeit niederlegen Konkurs anmelden einen Vergleichsantrag stellen spanabhebend verformen

B e i s p i e l e 11 , 12, 13, 14

(für sonstige Fügungen)

Schienen­, Straßen­ und Wasserstraßenverkehr Grundstücke, grundstücksgleiche Rechte und Bauten einschl. der Bauten auf fremden Grundstücken Lieferung erfolgt in der Reihenfolge des Bestelleingangs über die Schneidkanten gesehen (ferner Beispiele 1,2,3 in Abschnitt 1.)

B e i s p i e l 15

(für eine weitergehende Standardformulierung)

X wird die Α­Produkte ausschließlich unter den angegebenen Produktbezeichnungen vorstellen. X wird keine über das ihm überlassene Dokumentationsmaterial hinausgehenden Zusicherungen oder Eigenschaftsangaben machen, die A nicht zuvor schriftlich bestätigt hat.

Diese Klausel aus einem Vertriebspartnervertrag zwischen den Firmen A und X

belegt anschaulich den Textbausteincharakter solcher Standardformulierungen.

2.2. Kontexte

oder, genauer, Mikrokontexte werden bei der übersetzungsorientierten Termino­

logiearbeit routinemäßig in terminologische Einträge aufgenommen. Mikrokontexte

heißen sie in Abgrenzung zum Makrokontext, unter dem bei kürzeren Texten der

gesamte Textzusammenhang verstanden wird, bei längeren Texten meist ein größerer,

in sich selbständiger Abschnitt. Da bei der Erfassung terminologischer Daten eine

Verwechslung zwischen Mikro­ und Makrokontext aber kaum wahrscheinlich ist,

werden die Mikrokontexte meist einfach Kontexte genannt. Diesem Sprachgebrauch

wollen wir hier folgen.

Wir können dann definieren:

Kontext (Mikrokontext) = eine Benennung (oder Wendung oder Fügung) in ihrem vorgefundenen engsten sprachlichen Umfeld, d.h. ein konkreter Textausschnitt; meist unterhalb der Satzebene.

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Im Gegensatz zu den im letzten Abschnitt behandelten phraseologischen Einheiten, den Wendungen, Fügungen und Standardformulierungen, sind Kontexte keine fest gefügten sprachlichen Strukturen, etwa im Sinne lexikalischer Einheiten, sondern aktuelle Gebrauchsfälle von Benennungen, die allerdings, wie jene, häufig typisch sind.

Ein weiterer Unterschied ist, daß phraseologische Einheiten, ähnlich wie termino­logische Einheiten, in Texten als solche von vornherein existieren, während Kontextpassagen vom Textauswerter je nach Bedarf erst in ihrem Umfang bestimmt werden.

Kontexte sind kein Gegenstand terminologischer Normung.

Die folgenden Beispiele 16 bis 25 zeigen Ausschnitte aus terminologischen Einträgen mit Kontexten. Angegeben sind jeweils die Benennung, ggf. ein englisches Äquivalent (EN), Kontextpassagen, die sich darauf beziehen (unter KON). Die Auslaßpunktung weist ggf. auf Anbindungsstellen im Text hin. Die Beispiele zeigen, daß Kontexte in mehrsprachige Einträge unabhängig voneinander aufgenommen werden können.

Beisp ie l 16

Abschwächung KON (Wirtschaftswachstumsprognose) Abschwächung ja, Rezession nein

(Der gleiche Kontext bezieht sich auch auf die Benennung «Rezession» und hat dort den gleichen Wert wie hier. Das gilt im Prinzip für alle Kontexte mit verwandten oder antonymen Begriffen; dieselbe Kontextpassage hat auch für die jeweils anderen Begriffe Aussagewert.)

Be isp ie l 17

marktbeherrschende Stellung KON ..., sei es eine Monopolstellung oder eine marktbeherrschende Stellung

EN dominant market power

KON ... where no monopoly or dominant market power exists

Beisp ie l 18

Monopolsituation KON hier eine Monopolsituation, dort eine Wettbewerbssituation EN monopolistic situation KON in monopolistic and competitive situations

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Page 260: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

B e i s p i e l 19

Arbeitsplätze KON sich entweder für Überstunden oder für die Schaffung neuer Arbeitsplätze entscheiden

EN full-time work

KON ... so that all overtime could be converted into full-time work

B e i s p i e l 20

fachliche Umgangssprache KON .... ob in der fachlichen Umgangssprache (in der Technik «Werkstattsprache» genannt) oder in der fachlichen Hochsprache (oder verkürzt) KON fachliche Umgangssprache (in der Technik «Werkstattsprache» genannt)/fachliche Hochsprache

B e i s p i e l 21

Aggregatzustand EN physical state KON matter exists in three different physical states - solid, liquid, and gaseous

B e i s p i e l 22

stumm KON stumme Infarkte, d.h. Infarkte ohne Schmerzen KON elektrisch stumm verlaufender Infarkt KON klinisch stummer Infarkt

EN silent KON cardiac infarction in the absence of pain, or so-called «silent» infarction KON clinically and electrocardiographically «silent» occlusive coronary arterial disease

B e i s p i e l 23

Bahn KON die Schicht in Bahnen unterteilen

EN band KON rule the paper vertically into 1.25-cm. bands

EN section KON divide the area of the chromatographic plate into three equal sections

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Page 261: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

B e i s p i e l 24

aufbewahren (i.S.v. aufheben, behalten) EN reserve KON ..., and reserve the expressed material

EN retain KON filter, and retain the filtrate

EN save

KON save the solution for the test for...

B e i s p i e l 25

aufbewahren (i.S.v. lagern) EN keep KON ... should be kept in a well-closed container EN preserve KON preserve in tight containers

EN store KON store in a cool place

2.3. Texttypmerkmale

mögen weniger konkret greifbar erscheinen als die bisher erwähnten phraseologischen Einheiten und Mikrokontexte, es sind dennoch sehr spezifische Größen in Fachtexten, die über deren Gelingen, deren Ankommen mitentscheiden. Wir meinen damit terminologisch-phraseologisch-syntaktische Besonderheiten, die Texttypen charak­terisieren und untereinander abgrenzen. Die phraseologische Komponente greift hier am weitesten zur Syntax hinüber.

Fachtexte sind ausgeprägter als gemeinsprachliche Texte Instrumente bestimmter, in der Regel von vornherein vertrauter Kommunikationspartnerkonstellationen; der Textverfasser richtet seine Aussage an einen ihm bekannten Adressaten(kreis). Ihn hat er zu berücksichtigen, auf ihn muß er hinschreiben, um die beabsichtigte Wirkung der Textaussage tatsächlich zu erzielen. Ihn muß er so sicher wie möglich erreichen, und dazu dienen u.a. die hier zu behandelnden terminologisch-phraseologisch­syntaktischen Besonderheiten; die müssen auf Rezeptionsvermögen und Rezeptions­gewohnheiten des Adressatenkreises ausgerichtet sein, Rezeptionssicherheit und -komfort gewährleisten.

Fachtexte können sich in ihrem Aussagetyp sowohl von einem Fachgebiet zum anderen als auch innerhalb eines Fachgebiets unterscheiden.

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Page 262: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Wenn wir Texte aus Gebieten wie etwa der Kraftfahrzeugtechnik, der Feinmechanik, dem Maschinenbau oder der Medizin mit Texten aus der Psychologie oder S oziologie vergleichen, fällt auf, daß sich erstere überwiegend auf die Termini konkreter, meist einfacher Begriffe stützen, während letztere oft viele begriffsüberschreitende Sachverhalte und nicht selten sogar ungeklärte oder umstrittene Begriffe zu berücksichtigen haben und entsprechend mehr Umschreibungen, also Phraseologie, aufweisen.

Begriffsumschreibende Phraseologie kann demnach als eine Art von Terminolo­gieersatz angesehen werden. So werden phraseologische Einheiten und Strukturen von selbst zu Gegenständen von Terminologie(arbeit).

Innerhalb eines Fachgebiets sind es dagegen die unterschiedlichen Kommunikations­partnerkonstellationen und Aussage- oder Wirkungsabsichten, nach denen sich Texte in Typen einteilen lassen.

Kommunikationspartnerkonstellationen ergeben sich zunächst aus den Standorten von Textverfasser und Adressat in dem fraglichen Fachgebiet bzw. aus deren Unterschiedlichkeit. Letztere ist dann am größten, wenn der Adressat in bezug auf das Fachgebiet Laie ist (wie z.B. der kranke Schneider, der den Beipackzettel des ihm verordneten Medikaments verstehen muß, um zu genesen). Aber auch unter Kommunikationspartnern «vom Fach» kann es noch genügend Unterschiede geben, sowohl zwischen Textverfasser und Adressat (z.B. Entwickler schreibt für Anwendungsingenieur) als auch von einem gebietsgleichen Textverfasser/ Adressatenkreis-Bereich zum anderen (z.B. Forschung und Entwicklung, Produk­tion, technische Kundenberatung). Der Vertrautheitsgrad mit dem fachlichen Inhalt und der fachsprachlichen Ausdrucksweise ist nicht in allen Kommunikations­partnerkonstellationen von vornherein gegeben und auf allen Seiten gleich.

Eine Möglichkeit unter anderen, solche Vertrautheitsdefizite abzubauen, besteht darin, die Fachwortdichte im Text gezielt zu verringern und vermehrt auf gemeinsprachlichen Wortschatz, auch auf Umschreibungen, zurückzugreifen. Eine weitere Möglichkeit ergibt sich aus der strikten Berücksichtigung des dem Adressatenkreis geläufigen Texttyps mit seinen terminologischen und phraseologisch­syntaktischen Besonderheiten. In beiden Fällen geht der Gebrauch von Terminologie mit der Verwendung phraseologisch-syntaktischer Strukturen Hand in Hand, d.h. eine bestimmte Auswahl aus dem Fachwortschatz des betreffenden Gebiets ist an die Wahl bestimmter phraseologisch-syntaktischer Strukturen gekoppelt. So ergeben sich Texttypen, deren fachsprachliche Ausdrucksweise bis in die Phraseologie und Syntax hinein als Gegenstand offen verstandener Terminologiearbeit erfaßt und reproduzierbarer Nutzung zugeführt werden kann.

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Page 263: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

3. Funktionen im Text

3.1. Wendungen, Fügungen, Standardformulierungen

sind, wie schon erwähnt, diejenigen phraseologischen Bildungen, die der Termino­logie am nächsten stehen. Ihnen kommen im Fachtext z.T. ähnliche, z.T. sogar gleiche Funktionen zu wie den terminologischen Einheiten i.e.S., d.h. den Benennungen. Damit wird die Phraseologie, neben dem Sachinhalt, dem Adressatenbezug und der Terminologie, zum vierten wichtigen Fachtexte kon­stituierenden Merkmal.

Sehen wir uns die wichtigsten Funktionen an.

begriffs- oder sachverhaltsbenennend (Wendungen.Fügungen) (in dieser Funktion den Benennungen gleich oder ähnlich)

sachverhaltsbenennend bis -beschreibend (weitergehende Standardformulierungen) (wie z.T. die Mehrwortbenennungen)

auf Eindeutigkeit der Begriffe bzw. Sachverhalte hinwirkend (wie die Benennungen)

genaues, schnelles, reproduzierbares, bei allen Kommunikationspartnern identisches Verstehen der Begriffe bzw. Sachverhalte sichern helfend (wie die Benennungen)

Fachsprache stabilisierend, transparent und übersichtlich machend (wie die Benennungen)

schnelles Wiederauffinden von gleichen Begriffen, Sachverhalten und Zusammenhängen erleichternd (Erinnerungswert!) (wie die Benennungen)

soweit zutreffend, Betriebssicherheit fördernd (z.B. Standardsätze in der Flugsicherung, Betriebsanleitungen jeglicher Art)

am Zustandekommen des Textes als zusammenhängende, schlüssige fachliche Aussage mitwirkend (zusammen mit den Benennungen)

am Zustandekommen des Textes als gesamtsprachlicher Zusammenhang mitwirkend (z.B. durch Verknüpfung terminologischer und gemeinsprachlicher Elemente miteinander)

am Zustandekommen von Texttypen mitwirkend (zusammen mit den Benennungen, in stärkerem Masse als jene)

selbständige Textabschnitte bildend (längere, absatzbildende Standardformulierungen)

Rahmentexte oder Textrahmen bildend (z.B. Formulare konstituierend, generell gleichbleibende Textteile in wiederkehrenden Texten mit von Text zu Text unterschiedlichen Textteilen bildend) (im wesentlichen Standardformulierungen)

Die Übersicht zeigt, daß die Wendungen und sonstigen Fügungen neben ihren phraseologischen klare terminologische Funktionen im Text erfüllen.

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Wendungen, Fügungen und kürzere Standardformulierungen bezeugen auch insofern ihre funktionale Nähe zu den Benennungen, als sie, wie jene, zum Gegenstand terminologischer Normung werden können.

Fachtexte sollen eindeutige fachliche Inhalte in eindeutiger und idiomatisch geläufiger sprachlicher Darstellung vermitteln. Diese doppelte Forderung macht u.a. auch den zweidimensionalen Charakter von Sprache gegenüber dem eindimensionalen von Sache deutlich: Sprache macht einmal Sache erfaßbar und gehorcht zum anderen autonomen Gesetzen und Gebrauchsmustern. Am brauchbarsten sind solche Fachtexte, in denen es den Verfassern gelungen ist, diese beiden Charaktere von Sprache so aufeinander abzustimmen, daß Verluste auf jeder Seite so gering wie möglich bleiben. Angesichts dieses Abstimmungsbedarfs erscheint die doppelte Zugehörigkeit der hier behandelten Einheiten und Strukturen zur Phraseologie und zur Terminolo­gie besonders plausibel.

3.2. Kontexte

Als nicht fest gefügte, nicht selbständig lexikalisierbare Textfragmente stellen Kontexte freien Sprachgebrauch im Rahmen der jeweils fachinhaltlich und text-typmäßig vorgegebenen Aussage- und Rezeptionssituation dar. In ihnen spielt sich, mehr noch als in den phraseologisch-terminologischen Einheiten, die Verfugung der Termini mit den gemeinsprachlichen Bausteinen im Text ab.

3.3. Texttypmerkmale

bilden, als die von der Terminologie am weitesten entfernten phraseologischen Gegebenheiten in Fachtexten, einen Bereich, in dem die textganzheitlichen Aspekte im Vordergrund stehen. Wie schon der Name sagt, typisieren solche Merkmale einen Text, reihen ihn als Individuum in eine Texttypklasse ein.

Allerdings darf man sich nicht vorstellen, daß jeder Text ein «reiner», repräsentativer Vertreter seiner Klasse wäre. Denn zunächst ist die schreibende Wirklichkeit etwas anders. Manche Textverfasser lassen auch in typgebundenen Fachtexten ihren eigenen Stil durchscheinen, und das braucht nicht unbedingt zu stören.

Auch die Sache und die mit ihr verknüpfte Aussageabsicht ist manchmal anders, d.h. so, daß sie einen Text erfordert, der Merkmale mehrerer Texttypen aufweist. Vor allem längere Texte können Abschnitte enthalten, die unterschiedlichen Typen zuzuordnen sind (z.B. Lieferverträge, Geschäftsberichte).

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Page 265: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Dessen ungeachtet stabilisieren Texttypmerkmale die Texte, in die sie eingehen. Die Unzahl von Texten wird durch ihre Typzugehörigkeit auf eine überschaubare Ebene gebracht.

Für die Textrecherche im Rahmen eines Dokumentationssystems wird der Aspekt der Selektion in zweifacher Hinsicht relevant:

Die Zahl der ausgeworfenen Texte wird nicht nur durch Angabe des Fachgebiets, sondem, mehr noch, durch Angabe des benötigten Texttyps auf einen bewältigbaren Umfang begrenzt.

Wie in früheren Abschnitten erwähnt, schlagen schon die Wendungen, Fügungen und weiteren Standardformulierungen sowie die Kontextpassagen wichtige Brücken von den ausschließlich terminologischen Bausteinen zum Textganzen. Die text-typbildenden terminologisch-phraseologisch-syntaktischen Merkmale führen solches Hinwirken von Teilen und Teilaspekten auf ein schlüssiges Textganzes konsequent zuende.

4. Bedeutung für Textherstellung und -Übersetzung

Textübersetzung ist eine unter anderen Voraussetzungen und Produktionsbedingungen ablaufende Variante von Textherstellung. Angesichts des Adressatenkreises, an den sich dieser Beitrag richtet, wird im folgenden vorzugsweise auf diese Variante eingegangen.

Die besprochenen Erscheinungsformen fachtextlicher Phraseologie sind für Über­setzer in zweifacher Hinsicht wichtig: zum einen für das .Verstehen von Texten, die ihnen zur Übersetzung vorliegen oder die sie als verständnisunterstützende Texte benutzen; zum anderen für das Verfassen der Zieltexte, der Übersetzungen. Denn Übersetzer gehen, anders als primär schreibende Fachautoren, immer von schon bestehenden fertigen Texten (den Ausgangstexten) aus; die bei ihnen entstehenden neuen Texte (die Zieltexte) sind - in diesem Sinne und nur in diesem Sinne! -zweitverfaßte Aussagen. Damit diese Aussagen die Adressaten im Lande der Zielsprache möglichst uneingeschränkt erreichen, müssen ihre Übersetzer u.a. sicherstellen, daß die terminologisch relevante Phraseologie in allen ihren Erscheinungsformen überkommt. Dazu ist sie zunächst im Ausgangstext, und ggf. in ergänzenden Texten in der Ausgangssprache, zu ermitteln. Sodann sind nach Bedarf zielsprachige Texte gleichen Typs nach Entsprechungen abzusuchen. Schließlich werden gefundene bzw. analog zu den gefundenen verfaßte Entsprechungen in die entstehende Übersetzung eingebracht.

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4.1. Wendungen, Fügungen, Standardformulierungen

Als phraseologische Einheiten sind vor allem die Wendungen, Fügungen und kürzeren Standardformulierungen meist ohne größere Mühe zu erkennen, sowohl im Ausgangstext und ggf. in ergänzenden Texten als auch in zielsprachigen Vergleichstexten. Der Textauswerter muß sich allerdings von dem immer noch verbreiteten Vorurteil freimachen, es komme in Fachtexten nur auf die richtigen Benennungen an, und alles übrige seien Übersetzungsschwierigkeiten, denen mehr oder weniger intuitiv beizukommen sei. Natürlich machen alle sich beim Übersetzen ergebenden Fragen und Probleme das Übersetzen schwierig. Lösungsansätze ergeben sich aber erfahrungsgemäß am ehesten dort, wo man Schwierigkeiten an konkreten fachlichen oder sprachlichen Aspekten dingfest machen kann.

Die konkreten sprachlichen Aspekte sind hier die terminologisch besetzten phraseologischen Strukturen jenseits der Ein- und Mehrwortbenennungen. Wenn sie im Zuge der Übersetzungsvorbereitung im Ausgangstext richtig erkannt werden und wenn das Auswerten zielsprachiger Vergleichstexte möglichst viele Äquivalente ergibt, die in die Übersetzung übernommen werden können, stehen die Chancen gut, daß die Terminologie in ihr in dem jeweils richtigen und üblichen phraseologischen Rahmen integriert ist.

Das gleiche Ziel haben auch Terminologen vor Augen, die Texte auswerten, um phraseologisch ausgerichtete Terminologiebestände aufzubauen.

Ein ganz anderer Aspekt ist für das Erstverfassen von Texten von gleicher Bedeutung wie für das Übersetzen und die textbezogene Terminologiearbeit. Das ist der ökonomische Aspekt. Wenn es gelingt, nicht nur Benennungen, sondern auch Wendungen, Fügungen und vor allem auch längere Standardtextabschnitte für den Gebrauch verbindlich festzulegen und bei Bedarf bereitzustellen, etwa in einem Unternehmen, kann das dieTextherstellung und -Übersetzung erheblich rationalisieren, d.h. verbilligen. Dieser Nutzen wirkt sich insbesondere auch bei der Herstellung aktualisierter Fassungen bereits existierender Texte und Übersetzungen aus, vor allem bei Großprojekten.

4.2. Kontexte

Terminologie im richtigen und aktuell üblichen phraseologischen Umfeld gelangt auch über kontextbewußtes Auswerten von Texten, vor allem von Vergleichstexten in der Zielsprache, in die entstehende Übersetzung. Als authentische Textausschnitte haben Kontexte zunächst sprachgebrauchsbelegenden Wert; sie geben dem Textauswerter, dem Übersetzer oder Terminologen, phraseologisch-idiomatische Orientierung.

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Daneben unterstützen sie den Textauswerter häufig bei der Klärung eines Begriffs und der daraus folgenden richtigen Auswahl des Äquivalents in der Zielsprache. Sie enthalten nämlich nicht selten offene oder verdeckte definitorische Elemente. In dieser zweiten, begriffsklärenden Funktion erleichtem Kontexte dem Textauswerter zunächst das Verstehen von Zusammenhängen im Text; darauf aufbauend, kann er seine Übersetzung bzw. seinen Terminologiebestand mit den jeweils richtigen und üblichen terminologisch-phraseologischen Bausteinen und Baugruppen versorgen.

Zur Veranschaulichung dieser beiden wesentlichen Kontextfunktionen seien hier einige Beispiele aus Abschnitt 2.2. herangezogen. Sie zeigen, daß sich die beiden Funktionen in ihrem prinzipiell unterschiedlichen Informationswert im Hinwirken auf ein schlüssiges Textganzes ergänzen.

In Beispiel 16 grenzt der Kontext «Abschwächung» von «Rezession» begrifflich ab und verhindert dadurch eine mögliche Gleichsetzung der beiden Termini (und die Folgen solchen Mißverstehens für die Übersetzung). Dasselbe trifft für Beispiel 17 zu. Beispiele 18,19,20 bringen im Kontext Antonympaare; in Beispiel 20 liegt mit «fachliche Umgangssprache», «Werkstattsprache», «fachliche Hochsprache» ein kleines Begriffsfeld mit den Kriterien der Neben- und Unterordnung von Begriffen vor. In Beispiel 21 ist das Begriffsfeld der drei Aggregatzustände komplett. Beispiel 19 bringt, wie Beispiel 17, in den englischen Kontextpassagen idiomatisch­phraseologische Strukturen. In den Kontextpassagen von Beispiel 22 sind die begriffsklärenden und idiomatisch-phraseologisch orientierenden Funktionen gleichermaßen wichtig. Beispiele 23,24,25 bringen im Englischen jeweils alterna­tive Äquivalente für den deutschen Begriff, die sich anhand der Kontextpassagen als Synonyme ausweisen. Außerdem begründet die Formulierung in diesen Kontexten auch bereits den Texttyp; es handelt sich um Hantierungsvorschriften.

4.3. Texttypmerkmale

Eine erhebliche Bedeutung für ökonomische Herstellung und Übersetzung von Fachtexten, wie sie schon für die phraseologischen Einheiten beansprucht wurde, kommt auch den Texttypmerkmalen zu. Das Verfassen und Übersetzen von Texten lehrt und lernt sich nämlich viel unaufwendiger, wenn man von Texttypen ausgeht, die ja in jedem einzelnen Text als Grundstruktur wiederkehren, wenn auch nicht immer rein oder in Monokultur.

Texttypen hängen eng mit dem Fachlichkeitsgrad von Texten zusammen. Ein entwickeltes Bewußtsein für Texttypen und Kommunikationspartnerkonstellationen macht vor allem Übersetzern klar, daß es keine eindeutige scharfe Trennungslinie zwischen Fachtexten einerseits und gemeinsprachlichen Texten andererseits gibt; daß es vielmehr Texte und Texttypen mit unterschiedlichem Fachlichkeitsgrad gibt.

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Diese differenzierte Sicht kann Berufsanfängern den Einstieg in das Fachübersetzen erheblich erleichtern, wenn sie sich klarmachen, daß der Weg vom (ihnen meist vertrauteren) gemeinsprachlichen Text zum hochspezialisierten Fachtext über Stufen geht, daß da keine mit einemmal zu überwindende Barriere ist.

Die schon mehrmals erwähnte vergleichende Textauswertung, mit ausgewählten Texten in beiden Arbeitssprachen, unterstützt Übersetzer auch in Sachen Text­typmerkmale: Sie trainieren ihre Sicherheit im Ansprechen von Texten und verfügen über Muster dafür, wie ihre Übersetzungen als zusammenhängende Texte aussehen sollen. Für manchen angehenden Fachübersetzer ist erfahrungsgemäß der Bann in dem Moment gebrochen, in dem er erkennt, daß der zu übersetzende Ausgangstext nicht nur Aufgabe und Problem ist, sondern zugleich auch erste Hilfe.

5. Nutzung als terminologische Daten

Bedarfsgerechte Nutzung terminologischer und terminologisch-phraseologischer Daten in größerem Umfang läßt sich heute nur noch über eine Terminologie-Datenbank realisieren. Deshalb ist jetzt zu fragen, welches Material unserer Untersuchung in Datenbankeinträgen gespeichert werden kann und wie.

Die nächste Frage ist die nach der Herkunft des Materials. Wie kommen Übersetzer und Terminologen an das Material? Wo ist es zu finden?

Zunächst wieder ein paar Definitionen:

Terminologische Daten = alle in terminologischen Einträgen sinnvollerweise zu speichernden Informationen.

Terminologisch-phraseologische Daten = Daten (wie oben definiert), die neben ihrer

terminologischen eine phraseologische Wertigkeit aufweisen.

Terminologischer Eintrag (in einer Datenbank) = strukturierte Sammlung verschiedenartiger Teilinformationen,

die einen fachlichen Begriff oder weitergehenden Sachverhalt oder Zusammenhang bezeichnen und seine Bezeichnung(en) im aktuellen Sprachgebrauch belegen, ihn definieren, dokumentieren und verwalten; für eine oder mehrere Sprachen.

Die Teil in formationen setzen sich zusammen aus einer Grundeintragung pro im Eintrag vertretene Sprache und dem Rest, das sind die Begleitinformationen.

Der Eintrag enthält einzeln ansprechbare Felder für die verschiedenen Teilinformationskategorien.

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(Anmerkung: Es hat sich eingebürgert, auch dann von terminologischen Einträgen zu sprechen, wenn die enthaltenen Daten überwiegend phraseologischer Natur sind. Natürlich kann man dann ebenso gut von phraseologischen Einträgen sprechen.)

Vergleichende terminologisch-phraseologische Textauswertung = Analyse von Texten aus der Ausgangs-und Zielsprache, mit dem

Ziel, terminologische Einheiten und terminologisch-phraseologische Einheiten und weitere in diesem Beitrag erwähnte Strukturen und Aspekte aufzuspüren und, soweit möglich, in terminologische Einträge einzubringen.

Die vergleichende Textauswertung beantwortet die Frage nach der Herkunft des Materials: Dafür kommen erstens nur originale Quellen in Betracht (denn terminologische Einträge und Terminologiebestände sollen ja ihrerseits wieder als Quellen konsultiert werden, deshalb können sie nicht selbst schon aus sekundären Quellen stammen); und zum zweiten nur Texte (denn phraseologische Strukturen und Aspekte, um die es hier vor allem geht, lassen sich nicht aus Wörterbüchern gewinnen).

Natürlich können Wörterbücher, vor allem einsprachige, die vergleichende Text­auswertung unterstützen.

Wörterbücher, Glossare etc. sind, im Gegensatz zu Texten, Medien zur Nutzung von Terminologie. Texte sind Medien, in denen Terminologie in lebender Sprache dokumentiert ist. Dokumentation von Terminologie wird heute, gewissermaßen posttextuell, in Terminologie-Datenbanken fortgeführt. Das macht ihren wesentlichen Unterschied zu Wörterbüchern und Glossaren aus und läßt sie sowohl gegenüber Texten, die ihre Quellen sind, als auch gegenüber Wörterbüchern und Glossaren, die ihre Produkte sind, als konkurrenzlos erscheinen. Terminologische Einträge in Datenbanken sind Reservoirs für unbegrenztes Sammeln brauchbarer Teil­informationen zu dem jeweiligen Begriff. Wörterbücher und Glossare sind dagegen immer auf einen bestimmten Nutzungszweck hin selektierte Auswahlmengen aus solchen gespeicherten Materialsammlungen. Umfassend dokumentierte, d.h. möglichst breit und brauchbar besetzte terminologische Einträge in Datenbanken, bzw. aus solchen Einträgen bestehende fach- oder arbeitsgebietsbezogene Terminologie­bestände, können Texte zumindest teilweise ersetzen; aus ihnen abgeleitete Glossare kaum.

S.l. Wendungen, Fügungen, Standardformulierungen

können in ihrer Eigenschaft als phraseologische Einheiten als Grundeintragungen in Datenbankeinträge aufgenommen werden. Sie bilden dann, als Haupteingänge in die Einträge, die primären Zeichenfolgen für die alphabetische Suche. Durch Markierung

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jeweils weiterer sinntragender Wörter in ihnen als zusätzliche Such Wörter läßt sich der Abfragekomfort nach Bedarf steigern.

Einträge mit solchen terminologisch-phraseologischen Einheiten können entweder zu gesonderten, eigenen Beständen in der Datenbank zusammengefaßt oder aber in Bestände eingebracht werden, deren Einträge terminologische Einheiten i.e.S., also Benennungen, enthalten.

5.2. Kontexte

finden in Datenbankeinträgen eigene Eintragsfelder pro Sprache vor, die zwar, wie alle anderen Felder auch, einzeln adressierbar, aber nicht alphabetisch abfragbar sind. Das ist auch nicht notwendig, weil ein gespeicherter Kontext erst zusammen mit der Benennung (oder Wendung oder Fügung), auf die er sich bezieht, eine sinnvolle Information darstellt; unter ihr läßt er sich abfragen und bei Bedarf mit ausdrucken.

5.3. Texttypmerkmale

werden entweder als extrahierte Teilinformationen aus den auszuwertenden Texten in terminologische Einträge direkt übernommen oder in Form abgeleiteter Angaben in sie eingebracht. Im ersteren Fall z.B. in Form von Kontextpassagen, die belegen, daß es sich um einen anweisenden Texttyp handelt, etwa um eine Gebrauchsanleitung oder ein Bedienungshandbuch. Bei abgeleiteten Angaben handeltes sich dagegen um Schlußfolgerungen aus Gegebenheiten des ausgewerteten Textes, z.B. die Angabe «Werkstattsprache» für einen Terminus, der in der fachlichen Hochsprache nicht verwendet wird.

6. Terminographie und Phraseographie

Das noch gründungsfrische/nremario/ia/e Institut für Terminologieforschung (IITF) dokumentiert in der ersten Ausgabe seines Journal (Vol. 1 (1990), No. 1-2) eine Richtung seiner künftigen Forschungsarbeit: Es befaßt sich in 7 Fachbeiträgen zu dem am 24./25.11.1989 in Wien abgehaltenen Workshop on Phraseology, LSP and Terminology mit fachsprachlicher Phraseologie. Damit ist klargestellt, daß die von Schlomann begonnene und von Warner systematisch fortgeführte Anbindung der fachsprachlichen Phraseologie an die Terminologie neuerlich auf maßgeblicher Ebene weiterverfolgt wird.

Galinski sagt in seinem Beitrag voraus, daß sich die Phraseographie (d.i. die Darstellung phraseologischer Daten), aufgrund der größeren Nähe der Phraseologie zum Gesamtsystem einer natürlichen Sprache, als komplexer erweisen werde als die Terminographie (d.i. die Darstellung terminologischer Daten). Die Befürchtung erscheint plausibel. Allerdings hat das die fachübersetzerische Praxis mit ihren Terminologie-Datenbanken und praxiskundige Fachwörterbuchmacher bisher nicht

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davon abgehalten, z.B. phraseologische Einheiten und Kontextpassagen in terminologische Einträge einzubringen. Denn Übersetzer sind auf das fach­phraseologische Umfeld von Benennungen dringender angewiesen als original schreibende Fachleute. Sie und ihre Terminologen haben längst damit begonnen, neben der Terminographie auch Phraseographie pragmatisch zu betreiben. Der Beitrag von Bruno de Bessé in META XXXVI (1991), 1, «Le contexte termino-graphique» zeigt, daß die phraseologische Bindung von Benennungen an das Textganze, hier in Form von Kontexten, auch als Unterrichtsstoff in die Über­setzerausbildung Eingang findet.

So scheint, nach der Terminographie, auch die Phraseographie ein Beispiel dafür zu werden, daß ein neues Betätigungsfeld gleichzeitig von der Wissenschaft und in der Praxis angegangen wird, mit der Aussicht, daß eine fundierte und praktikable Sache daraus entsteht.

7. Textbezogene Terminologiearbeit

Textbezogene Terminologiearbeit ist offen in Richtung auf die Phraseologie. Denn ein Text ist auf eine spezifische Kommunikationssituation hin organisierte Sprache. Texte bestehen, anders als Sprache, nicht nur aus Quantitäten und Qualitäten von Wörtern, sondern auch aus der Summe der Relationen zwischen ihnen. Diese Relationen auf der sprachlich-textlichen Ebene werden weitgehend durch phraseologische Strukturen sichtbar gemacht. Texte handeln daneben, auf einer anderen Ebene, zum einen von Begriffen - die werden terminologisch dargestellt -und zum anderen von Sachverhalten, also Zusammenhängen zwischen Begriffen -die werden quasi gemischt terminologisch-phraseologisch dargestellt. Diese beiden Ebenen spiegeln sich gegenseitig. Daraus ergibt sich eine doppelte Verklammerung von Terminologie und Phraseologie, einmal zwischen den beiden Ebenen (sprachlich­textlich bzw. begrifflich), und zum zweiten auf der begrifflichen Ebene, bei der gemischt terminologisch-phraseologischen Darstellung von Sachverhalten.

Textbezogene Terminologiearbeit geht einen Schritt weiter als Terminologienormung, die sich lediglich mit der Festlegung von Begriffen und ihren Benennungen befaßt.

Übersetzungsorientierte Terminologiearbeit ist textbezogen; sie verfolgt auch die Einarbeitung von Benennungen in Texte.

Übersetzungsorientierte Terminologiearbeit ist damit direkt aufgabenbezogen, im Gegensatz zu Terminologienormung, die Voraussetzungen für die Bewältigung nicht unmittelbar anschließender Aufgaben schafft.

Übersetzungsorientiert ist heute im Endeffekt jede Art von Terminologiearbeit, denn die Erde dreht sich immer schneller in Richtung «grenzenlos», während die Sprachbarrieren bestehen bleiben. Deshalbkommt auch die Erarbeitung einsprachiger Terminologien fachlicher Verständigung über Grenzen hinweg zugute.

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Zusammenfassung

Ausgehend von Schlomann und Warner, wird terminologisch relevante Phraseologie in Fachtexten definiert und als Gegenstand von Terminologiearbeit reklamiert. Beispiele belegen ihre doppelte phraseologische und terminologische Wertigkeit. Als Erscheinungsformen solcher terminologisch relevanter Phraseologie werden vorgestellt: die phraseologischen Einheiten, das sind die fachsprachlichen Wendungen, sonstigen Fügungen und weitergehenden Standardformulierungen; dann die Kontexte, das sind aktuelle Gebrauchsbeispiele von Benennungen etc., meist unterhalb der Satzebene; und schließlich Texttypmerkmale, damit sind terminologisch-phra­seologisch-syntaktische Besonderheiten gemeint, die Texttypen bzw. Aussage­typen charakterisieren und gegeneinander abgrenzen. Texttypen sind wesentlich durch die Aussage- und Wirkungsintentionen des Textherstellers und durch die Rezeptionsgewohnheiten der Adressaten bestimmt.

Die verschiedenen Einheiten und Merkmale terminologisch relevanter Phraseologie erfüllen im Fachtext unterschiedliche Funktionen, gemäß ihrer größeren Nähe zur Terminologie einerseits oder zur Phraseologie und Syntax andererseits. Es wird gezeigt, daß sich die Funktionen ergänzen und auf einer kontinuierlichen Linie liegen, auf der die Aussage von der begriffs- und sachverhaltsbenennenden und -beschreibenden Ebene bis zum fachlich und sprachlich möglichst widerspruchsfreien überzeugenden Textganzen geführt wird. Das Übersetzen von Texten wird als eine Variante ihrer Herstellung betrachtet. Die behandelten Einheiten und Merkmale terminologisch relevanter Phraseologie sind für Übersetzer sowohl für das Verstehen der Textvorlagen und unterstützender Texte als auch für erfolgreiches Verfassen der Zieltexte wichtig. Daraus folgt, daß sie in Texten aufgespürt und möglichst authentisch festgehalten und bei Bedarf möglichst selektiv bereitgestellt werden müssen. Das technische Instrumentarium dafür liefert die Terminologie-Datenbank, in der sie als terminologische Daten gespeichert sind und bereitstehen. Überlegungen zur Phraseographie und zu textbezogener Terminologiearbeit beschließen den Beitrag.

Ingo HOHNHOLD Dipl.-Übersetzer (BDÜ)

Am Anger 1 A D-W-8031 Gilching

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Phraséologie et traduction dans les langues de spécialité

Claude Bocquet

Sommaire

I. Qu'est-ce que la phraséologie dans les langues de spécialité? 1. La phraséologie: hypothèse de travail 2. Y a-t-il des langues de spécialité? Le cas du droit et les autres

II. Phraséologie contrastive et langage de spécialité 1. Idiomatique comparée et transfert phraséologique 2. Le respect du texte source: l'exemple des recettes de cuisine en français, en italien et en allemand

III. Phraséologie et modèle de discours Le cas du discours économique: médical en français, juridique en allemand, mercantilo-médical en italien

IV. Phraséologie dans la traduction du discours institutionnel 1. Le cas général 2. Le cas des équivalence officielles bloquée des pays multilingues

V. Les débouchés pratiques de l'analyse phraséologique pour le traducteur et les directions de la recherche 1. Les réflexes quotidiens 2. Automatisation, informatisation: possibilités et limites 3. Les directions de la recherche

I. Qu'est-ce que la phraséologie dans les langues de spécialité?

Il convient sans doute de préciser d'emblée, parce que le titre de ma contribution peut garder quelque ambiguïté, qu'elle ne sera pas vraiment celle d'un spécialiste de la phraséologie, ni celle d'un terminologue, mais celle d'un traducteur professionnel,

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par ailleurs professeur de traduction des textes de langue de spécialité à l'Université de Genève. Il s'agira donc essentiellement pour moi de parler de la traduction des formules phraséologiques que l'on rencontre dans les textes traitant de matières spécialisées. Or, comme traducteurs, nous sommes beaucoup plus que les théoriciens de la linguistique amenés à nous poser quelques questions naïves, la première étant simplement: qu'est-ce que la phraséologie? et puis: qu'est-ce qu'une langue de spécialité? et puis enfin: le terme de langue convient-il vraiment en l'espèce?

1. La phraséologie: hypothèse de travail

Pour ce qui est de la première question: «Qu'est-ce que la phraséologie?» C'est bien sûr le sujet de notre colloque tout entier, et plusieurs savantes contributions y ont déjà répondu précisément. Il ne me reste donc qu'à vous renvoyer à ces contributions et aux définitions qu'elles nous ont proposées. Mais pour les besoins de ma cause, qui est celle des langues de spécialité, je me dois malgré tout de délimiter de façon tout à fait arbitraire (ce sont là les exigences de la simple logique des définitions) ce qui sera notre domaine de référence, quitte à infléchir le cadre de cette réflexion si cela s'avère ultérieurement nécessaire.

Le lecteur, le traducteur de textes de spécialité parle de phraséologie lorsqu'il se trouve en face d'une série de phénomènes discernables dans le discours, phénomènes qui commencent au niveau lexical par l'occurrence répétée dans ce genre de textes de couples figés de mots, ou de termes, qu'on ne rencontre pas dans les autres types de textes. Au delà des couples de mots, il va s'agir aussi d'ensemble de mots, voire de propositions, toujours dans le discours de spécialité qu'il envisage, et que l'on ne rencontre pas dans d'autres genres de discours. Et puis il va aussi trouver dans ce discours de spécialité des éléments syntaxiques originaux. Il parlera encore de phraséologie apropos d'usages qui caractérisent un type de discours tout entier; c'est, si vous voulez, le demier niveau de la phraséologie. Et puis, à la limite de cette analyse phraséologique des discours de spécialité, on s'apercevra encore, et c'est un point auquel je tiens, pour ma part, tout particulièrement, nous le verrons tout à l'heure, que la phraséologie de certains types de discours, au niveau lexical tout comme au niveau syntaxique, a ses sources, trouve son modèle, si vous préférez, dans le discours et dans la phraséologie d'une ou de plusieurs autres spécialités. Cette référence, cette autre spécialité, n'est pas nécessairement la même dans toutes les langues et dans toutes les cultures: c'est la question de la variabilité culturelle des modèles de discours; nous y reviendrons assez longuement à la fin de cet exposé parce que c'est là un des terrains favoris où s'exerce les qualités de finesse du traducteur.

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2. Y a-t-il des langues de spécialité? Le cas du droit et les autres

Revenons maintenant à la seconde question que nous avons soulevée liminairement: qu'est-ce qu'une langue de spécialité, et le terme de langue convient-il vraiment? Il se fait que la plupart des spécialistes, des techniciens, des praticiens des différentes disciplines scientifiques ne revendiquent pas vraiment une langue propre à leur matière. Les historiens n'expriment pas une telle revendication, pas plus les socio­logues ou les économistes. Pourtant leur discours contient, à tout le moins, une terminologie et une phraséologie spécifique. Nous nous en tiendrons à ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est-à-dire à la phraséologie. A cet égard, on peut dire que seuls les juristes, et j'ajouterai surtout les juristes de la période la plus récente, revendiquent l'existence d'une langue propre à leur matière qui est le droit. Cela est venu d'abord d'Allemagne avec des ouvrages comme ceux d'Helmut Hatz1 en 1963 déjà, d'Ernst Fortshoff2 en 1971 ou d'Eckhart Heinz3 en 1972. Notre but n'est bien sûr pas ici de constituer une bibliographie historique. Ces idées se sont répandues ensuite dans l'ensemble de l'Europe continentale et ont atteint plus spécialement la France, où l'on peut dire que les juristes, autrefois, dans les années soixante, à la remorque des sociologues, ne jurent plus aujourd'hui que par la linguistique. Là encore je m'abstiendrai d'une longue bibliographie pour ne rappeler que les recherches et les ouvrages les plus récents des juristes parmi les plus cotés. Jean-Louis Sourioux, professeur de droit civil à Paris, et qui publie régulièrement en collaboration avec le linguiste Pierre Lerat4, a proposé en 1987 une introduction au droit5, à l'étude du droit pour les étudiants débutants, fondée uniquement sur les schémas de la linguistique.

Et Gérard Comu, professeur de droit civil à Paris également, a, pour la rentrée 1990, proposé aux étudiants en droit de première année, un traité de linguistique juridique6

1 Helmut Hatz: Rechtssprache und juristischer Begriff. Vom richtigen Verstehen des Rechtssalzes, Kohl Hammer, Stuttgart, 1963

2 Ernst Forsthoff: Recht und Sprache. Prolegomena zu einer richterlichen Hermeneutik; Schriften der Königsberg Gelehrten-Gesellschaft (17), Darmstadt, 1971

3 Eckhart Heinz, Rechtsregeln als Gegenstand sprachlicher Kommunikation; Archiv für Rechts­und Sozialphilosophie, 1972, p. 29

4 en particulier: Jean-Louis Sourioux/Pierre Lerat: Le langage du droit; Presses Universitaires de France (PUF), coll. SVP, Le juriste, Paris, 1975 Jean-Louis Sourioux/Pierre Lerat: Le vocabulaire juridique; Revue de la recherche juridique, droit prospectif, Aix-Marseille, 1984 Jean-Louis Sourioux/Pierre Lerat: L'analyse de texte, coll. Méthodes du droit, Dalloz, 2e éd., Paris, 1986 Jean-Louis Sourioux/Pierre Lerat: L'euphémisme dans la législation récente, Dalloz 1983, chron., p. 221 Jean-Louis Sourioux/Pierre Lerat: Les Orléanais face aux termes de droit, Indicateurs de l'Economie du Centre INSEE, Paris, 1984

5 Jean-Louis Sourioux: Introduction au droit, PUF, coli Droit fondamental, Paris, 1987 6 Gérard Cornu, Linguistique juridique, Montchrestien, coll. Domat Droit privé, Paris, réédité en

1990

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comme base de leurs études. Gérard Cornu a été il y a vingt ans maintenant chargé par le gouvernement français de rédiger le Nouveau Code de Procédure Civile7, c'est-à-dire ce qui allait être le seul grand texte vraiment moderne parmi les codes français et, de fil en aiguille, c'est ce qui l'a amené, parallèlement, à refaire le vieux Vocabulaire juridique d'Henri Capitant8, paru en 1936, cela à la tête d'une équipe de chercheurs où l'on retrouve notamment Sourioux et de Lerat. Et c'est à la suite de tout cela, je dirai même en conséquence de tout cela, que Gérard Cornu a rédigé son traité de linguistique juridique, de langue du droit si l'on veut.

Mais ne nous égarons pas, nous les traducteurs, avec les juristes: nous n'en sommes qu'à introduire nos définitions. Notre préoccupation est ici d'établir si l'on peut parler, d'une façon générale, de langues de spécialité pour en étudier la phraséologie. Nous envisagerons certes en priorité le cas de la langue du droit, simplement parce que c'est là que la question s'est posée le plus concrètement jusqu'ici, mais ce ne sera pour nous ni une référence unique, ni même une référence privilégiée. Le traducteur professionnel des textes spécialisés (mais il se trouve généralement que tout traducteur travaille dans de nombreuses spécialités, et c'est peut-être ce que l'on appelle la généralité dans notre profession) a, à vrai dire, quelque peine à croire qu'il existe plusieurs langues à l'intérieur de chaque langue. Là encore ce sont les juristes qui nous l'ont proposé, mais qui y ont aussi quelquefois franchement renoncé. Peut-être cela tient-il au fait que certains textes juridiques.les lois et les règlements, relèvent de ce qu'en linguistique générale on appelle le mode performatif, c'est-à-dire que ces textes ne décrivent pas la réalité mais la créent9. Chacun se souvient de ce fait connu en linguistique. Lorsque je dis: « Il fait chaud dans cette salle», je décris une réalité que j 'a i perçue. Lorsque l'art. 488 du code civil dit: «La majorité est fixée à 18 ans accomplis». A cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile», il ne décrit pas une réalité, il la crée. C'est parce que l'art 488 le dit que l'on est majeur à 18 ans, d'où peut-être, mais c 'est là une opinion qui n'engage que moi, un glissement de sens, en soi parfaitement fautif bien sûr, qui donne au discours juridique, et partant à sa langue, une portée unique. Pour qu'il y ait vraiment une langue propre au droit, ou à une quelconque spécialité, il y faudrait une phonologie, ou à tout le moins des éléments d'une phonologie, une morphologie, voire une grammaire différentes de celles qui sont propres à la langue générale considérée.

Quant à la phonologie, Gérard Cornu, dans sa linguistique juridique nous dit:

«Son pour son, on pourrait seulement se demander, en s'adonnant à une dérive de la question, si du point de vue que l'on pourrait dire oratoire, stylistique ou poétique, l'harmonie des sons a sa

7 Nouveau Code de Procédure civile (NCPC), décret n. 75-1123 du 5 décembre 1975, pour les livres I et II et décret n. 81-500 du 12 mai 1981 pour les livres III et IV

8 Vocabulaire juridique, PUF, Paris, 1936 9 Cf. Christophe Grzegorczyk, Le rôle du performatif dans le langage du droit, Archives de phi­

losophie du droit, tome XIX, Le langage du droit, Sirey, Paris, 1974, p. 243 sqq.

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marque dans les vocables du droit et un rôle à jouer dans le discours juridique: question d'art, non de science.»10

Quant à la grammaire, il est encore plus clair:

«L'étude grammaticale d'un énoncé de droit est un exercice utile, une grammaire juridique une absurdité.»"

Et finalement Cornu, dans sa Linguistique juridique, nous apprend qu'il n'y apas de langue, mais ce qu'il appelle un langage du droit:

«En chaque pays, le langage juridique est un usage particulier de la langue nationale, d'où une évidence à proclamer que les juristes français parlent français. En France, la langue juridique est la langue française et au sein de la langue nationale, le langage juridique se singularise par quelques traits qui le constituent comme langage spécialisé.»12

A vrai dire, cette terminologie dérange singulièrement les linguistes, parce que nous avions admis, voici bien longtemps, avec Ferdinand de Saussure, que la langue n'est qu'un mode de langage, un ensemble de signes qui constituent un type de langage, lequel terme désigne toute sorte de systèmes de signes13. C'est dire que ce que nous proposent les juristes ici, c'est le contraire. Nous n'avons pas en linguistique de langage qui ne serait qu'une partie de la langue, simplement parce que c'est la langue qui est une partie du langage. Ceci est d'autant plus gênant que Sourioux, l'autre très grand juriste linguiste français, qui a publié en 1987 son «Introduction au droit» rééditée en 199014 dans une version revue et augmentée, adopte, quant à lui, une perspective purement saussurienne en nous disant que la langue du droit, les mots et les phrases, sont une partie du langage du droit, dans lequel on rencontre d'autres types de signes juridiques de caractère non linguistique, comme «les instruments symboles du droit que sont la balance et le glaive»15. Bref, il y a, et ce n'est pas le moindre des paradoxes, une polysémie franchement contradictoire du mot langage chez les juristes qui l'emploient. Cela étant, je suis de ceux qui optent malgré tout résolument pour le terme utilisé par Cornu, à savoir un langage de spécialité, un langage du droit par exemple, et non une langue de spécialité, ou une langue juridique, parce qu'il me semble qu'il convient avant tout de ne pas abuser du terme de langue. Et je dois bien avouer que c'est avec quelque provocation que j 'ai choisi de vous présenter aujourd'hui un exposé qui avait retenu le terme de langue de spécialité, que je me propose donc de corriger. 10 Gérard Cornu, op. cit., p. 36 11 ibidem, p. 35 12 ibidem, p. 22 13 Ferdinand deSaussure, Cours de /z>igM/5ii9«e énera/epubliéparCharlesBailly,AlbertSechaye

et Albert Riedlinger, éd. Tullio de Mauro, Payothèque, Payot, Paris, 1983, en particulier le chapitre intitulé «Place de la langue dans le langage», p. 27 à 32

14 Jean-Louis Sourioux: Introduction au droit, 2e édition revue et augmentée, Droit politique et théorique, PUF, Paris 1990

15 ibidem, p. 21

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Page 278: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Π. Phraseologie contrastive et langage de spécialité

Nous allons donc avoir à nous intéresser maintenant à la phraséologie comparée dans

les langages de spécialité des diverses langues: c'est là le centre d'intérêt principal du

traducteur. J'aime, pour ma part, à parler de phraséologie contrastive, bien que ces

termes ne soient pas vraiment attestés pour l'instant: on parle plutôt de phraséologie

comparée. Parlant de phraséologie contrastive, on se réfère à la linguistique du même

nom, ce qui a pour moi l'avantage de mettre en lumière ce qui nous intéresse, à savoir

l'étude systématique des contrastes et des oppositions. Nous sommes là au coeur

même de notre problème de traducteur: comment transférer, transcoder un message

relevant de la phraséologie propre à ce que nous avons appelé un langage de spécialité

appartenant à une certaine langue dans le langage de spécialité d'une autre langue.

1. Idiomatique comparée et transfert phraséologique

Disons d'emblée qu'il convient de se garder d'assimiler ce problème à la question de

l'idiomatique comparée, qui est très à la mode actuellement, et qui constitue même

un des dadas des traducteurs d'aujourd'hui. Il est paru d'ailleurs ces dernières années

des quantité impressionnantes d'ouvrages d'idiomatique et d'idiomatique comparée,

qui constituent d'excellents documents sur les conventions de transcodage et assurent

souvent la qualité du travail des traducteur. Mais il n'y a pas encore, de ce seul fait,

phraséologie, et surtout phraséologie d'un langage de spécialité. L'idiomatique est un

fait général de la langue; la phraséologie, à ses différents niveaux, que nous avons

définis tout à l'heure, à savoir les couples de mots, les ensembles de mots, les

structpres syntaxiques, les types de discours, suppose celui d'une spécialité ou, à tout

le moins d'un contexte déterminé.

Prenons un exemple au niveau des couples de mots, ou plutôt des séries de mots. Le

code civil français nous dit qu'un enfant a été conçu des oeuvres du mari de sa mère

et du commerce de sa mère avec un autre individu16. Il s'agit pourtant du même acte,

ou je ne m'y connais rien, et j'ajouterai que cet acte a produit le même effet. En

l'espèce, il y a phraséologie dans un langage de spécialité, qui est le langage du droit

de la langue française, phraséologie porteuse d'une simple connotation de valeur

morale et sociale. Les mots en cause: conçu, oeuvre, mari, commerce, autre individu,

ne sont pas associés d'une façon générale dans la langue française. On peut dire

qu'aujourd'hui, seules les portes peuvent être cochères; en revanche, toutes les

oeuvres ne sont pas le fait des maris, et tous les commerces ne sont pas le propre

d'autres individus. Ces formules juridiques ne sont donc pas idiomatiques, mais

phraséologiques.

16 art. 340­1, ch. 1

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Page 279: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Transférons maintenant dans une autre langue, transcodons l'exemple que nous venons de prendre en français. (Je laisse de côté le cas du langage juridique italien qui, pour des raisons historiques a, dans le cas précis, calqué la formule française). Transférer le message sans sa connotation est bien sûr un exercice des plus faciles. On pourra souvent s'en contenter, en relevant, et c'est rassurant, que la connotation en cause et liée à la culture française et à son histoire, et peut donc être négligée à l'étranger, mais il se peut aussi que le traducteur ait justement pour mission de traduire un texte qui tend à montrer l'histoire de la pensée française, qui tend à monter que les Français ont utilisé une formule qui vise à déprécier la filiation naturelle et à valoriser la filiation légitime.

Malheureusement la phraséologie de la langue cible sera de peu d'utilité pour transférer cette connotation. C'est une analyse de la phraséologie de la langue source exprimée dans la langue cible qui seule pourra finalement venir à bout de cette difficulté. Mais cela ce n'est plus traduire, c'est expliquer. Pour nous résumer, disons que, selon le contexte, deux solutions seront possibles: soit renoncer à traduire l'apport phraséologique, parce qu'il n'est pas signifiant pour les destinataires dans la langue cible, soit l'expliquer en détail sans le transcoder, parce qu'il n'a pas de referents dans la langue cible. C'est dire aussi qu'il n'existe pas de solution uniforme, pas de solution qu'on pourrait automatiser d'une façon ou d'une autre.

2. Le respect du texte source: l'exemple des recettes de cuisine en français, en allemand et en italien

Cela étant, il est bien évident que la phraséologie dans les langages de spécialité n'est pas purement connotative. L'exemple queje viens de vous présenter n'est donc qu 'un cas spécial. La phraséologie correspond parfois simplement à l'ensemble des usages de certains langages de spécialité propres à chaque langue. J'aimerais prendre ici quelques brefs exemples de la manière dont on rédige les recettes de cuisine en français, en allemand et en italien.

Le problème est d'abord syntaxique. En français comme en italien, il se trouve que l'on a deux manières de s'adresser au cuisinier, ou à la cuisinière. Soit, d'une façon très objective, avec des infinitifs. Soit, en dialoguant avec son lecteur, à la deuxième personne du pluriel et à l'impératif. Ainsi, le Larousse gastronomique nous propose-t-il la recette du filet de Sole Saint-Germain17:

«Lever les filets de deux soles, les aplatir, les saler, les poivrer, les badigeonner de beurre fondu, les passer dans la mie de pain fraîche finement émiettée, puis les arroser de 50grammes de beurre fondu et les faire griller doucement sur les deux faces.»

17 Larousse gastronomique publié sous la direction de Robert J. Courtine, Librairie Larousse, Paris, 1984, p. 871

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Pour illustrer l'usage de l'impératif, lisons, dans le petit ouvrage de Madame Elisabeth Lange, Les 1001 façons de préparer les oeufsxi:

«Omelette à la morue: Dessalez la morue et faites-la cuire dans une purée faite avec des tomates et une grosse cuillerée d'huile (...)»

L'allemand a des formules variées, mais l'une d'elles est particulièrement phraséo­logique: elle est devenue le symbole même des recettes de cuisine: «Man nehme...» (littéralement: que l'on prenne...)

Je citerai ici un exemple tiré des «Menüs für Verliebte» (Menus pour les amoureux) parus au temps des restrictions dans feu la Deutsche Demokratische Republik19:

«Braten à l'impératrice: Man nehme aus einer Olive den Kern und tue eine Sardelle an seinen Platz (...)»

Le traducteur doit absolument respecter la forme phraséologique de sa langue cible. En français , il dira par exemple:

«Retirez le noyau d'une olive et remplacez-le par un anchois.»

Ce qui n'est pas sans rappeler la vieille méthode pour farcir les lentilles... bien française quant à elle.

Cette manière de rendre la recette en français semble évidente, et pourtant combien de recettes de cuisine, au nom du respect du message de la langue source, paraissent dans des formulations à tout le moins étranges. Je citerai ici une recette publicitaire parue en Suisse, texte français traduit de l'allemand, qui nous propose20:

«On prend de la levure Oetker (...)». On aura reconnu la formule «Man nehme». C'est là l'introduction. Et nul ne sait très bien finalement ce qu'on doit en faire puisqu'on nous dit ensuite: «...La levure Oetker vous facilite grandement la tâche et puis vous pouvez toujours avoir de la levure Oetker en réserve à la maison...».

Je dois dire queje préfère les recettes de Brillât-Savarin, parce que c'est dans les vieux pots que l'on fait la meilleure soupe.

18 Elisabeth Lange, 1001 façons de préparer les oeufs, éditions Marabout, Verviers (Belgique) 1981, p. 31

19 Oda Tietz, Menüs für Verliebte, Verlag für die Frau, Leipzig, 1988, p. 39 20 Dépliant publicitaire relatif à un nouveau livre de recettes Oetker, Oetker AG/SA, CH-4652

Winznau

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ΠΙ. Phraséologie et modèle de discours

­ Le cas du discours économique: médical en français, juridique en allemand, mercantilo­médical en italien

J'aimerais aborder maintenant un sujet qui me tient particulièrement à coeur en tant que professeur, étant donné l'extrême importance qu'il revêt d'un point de vue didactique: celui de la phraséologie et des modèles de discours.

En cette matière, je m'intéresserai plus particulièrement au discours de la science économique, et par conséquent au langage économique de trois langues: le français, l'allemand et l'italien. Je suis ici, je vous l'avoue, au coeur même de ce qui constime tant mes recherches que mes enseignements universitaires. A vrai dire justement, si ces modèles de langages intéressent l'universitaire, s'il doivent absolument, à mon sens, être connus des traducteurs, ils échappent à peu près totalement aux économistes de chacune des cultures envisagées, simplement sans doute parce qu'ils les ont intériorisés et qu'ils ont fini par croire à une universalité de leur langage qui serait le corollaire de l'universalité de leur science.

Pour des raisons historiques, les premiers économistes français furent des dilettantes, qui étudiaient l'économie comme un art libéral; deux d'entre eux, parmi les plus illustres, ont laissé des traces définitives sur la pensée économique française tout comme sur son langage et sur sa phraséologie; je veux parler de François Quesnais21, au XVIIIe siècle, le père de l'Ecole des Physiocrates, et de Clément Juglar22 au XLXe

siècle. L'un et l'autre étaient médecins. Ils ont écrit sur l'économie avec le langage et la phraséologie des médecins. Il est question chez eux du corps économique, organisme disposant de structures; c'est là une sorte d'anatomie. Cet organisme est soumis à des flux coordonnés, à des mouvements de circulation; c'est là une physiologie. Cet organisme et son fonctionnement sont quelquefois atteints de perturbations ; c ' est là une pathologie. Le rôle de 1 ' économiste est de soigner, de traiter ces perturbations. La phraséologie médicale a survécu jusqu'aujourd'hui chez tous, je dis bien chez tous les économistes français.

Dans les pays de langue allemande, la réflexion économique est apparue dans le milieu des juristes, plus particulièrement dans celui des juristes de l'Ecole historique allemande (Historische Schule)23. Ce n'est que très lentement que la science écono­mique a ensuite conquis son autonomie par rapport à la science du droit et, aujourd'hui

21 François Quesnay (1694­1774), Œuvres économiques et politiques, éditées par A.Onken en 1888

22 Clément Juglar (1819­1905), Les crises commerciales et leur retour périodique en France, en Angleterre et aux Etats­Unis, Paris, 1860

23 on retiendra en particulier: Wilhelm Röscher (1817­1894), Grundlagen der Nationalökonomie, et Gustav Schmoller (1838­1917) Grundriß der Allgemeinen Volkswirtschaftslehre

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Page 282: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

encore, le phénomène économique est analysé en termes de normes, et les revues

économiques allemandes analysent la situation économique par référence au respect

des principes et des lois économiques. Il est bien évident que le langage, la

terminologie de ce genre de textes sont essentiellement calqués sur ceux des

praticiens du droit. En Italie, la source du langage économique est double. Les

premiers ouvrages dont la terminologie et la phraséologie ont marqué la science

économique étaient des traités de commerce et des livres de financiers lombards,

fondateurs de la comptabilité moderne24. Mais l'Italie a aussi subi la très forte in­

fluence des ouvrages français au ton médical, d'où la phraséologie des ouvrages

économiques italiens actuels, où l'on mélange allègrement les références marchandes

et comptables avec les références médicales.

On aura compris le problème pour les traducteurs. L'économie a absolument besoin

pour s'exprimer d'une phraséologie. Dans la plupart des langues, cette science

économique, relativement jeune, a cherché ses sources dans d'autres sciences, a

cherché à s'apparenter à des modèles non économiques et à emprunté sa terminologie

et sa phraséologie à ces sciences. Mais il se trouve que ces modèles sont différents

dans chaque culture, et la tentation anglo­saxonne, uniformisatrice et réductrice, des

économistes contemporains n'y a rien fait de sérieux quant à l'expression.

IV. La phraséologie dans la traduction du discours institutionnel

1. Le cas général

Dernier sujet queje souhaite aborder aujourd'hui: le problème de la phraséologie liée

aux institutions juridiques et politiques. Je ne ferai à cet égard que lancer quelques

idées, tendre quelques perches aux chercheurs et aux praticiens, car j'espère bien, sur

ce terrain, rencontrer la contradiction. A vrai dire le sujet suffirait à lui seul à alimenter

non seulement une contribution, mais, je le crois bien, un colloque international tout

entier.

C'est un classique de la traduction et de son enseignement universitaire que de dire

que lorsqu'il s'agit de traduire un texte relatif à des institutions d'un pays dans la

langue, c'est­à­dire le langage, la terminologie et la phraséologie d'un autre pays,

l'opération doit se dérouler en trois temps. Le décryptage du message, qui est la phase

sémasiologique; puis intervient une phase d'institution et de droit comparé, phase non

linguistique, au cours de laquelle on doit procéder à une inflexion du signifié; vient

enfin, en troisième lieu, un recryptage, phase onomasiologique, dans laquelle un

24 Carlo M. Cipolla, Tra due culture. Introduzione alla storia economica. Società editrice il Mulino, Bologna, 1988; voir en particulier ρ. 6 sqq., p. 143 sqq., p. 161 et p.210 Andrea Macchiavelli, L'az/'enda/Za/za. Corne funziona il sistema economico nazionale, edizioni del Sole 24 Ore, Milano, 1988

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Page 283: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

exprime le message dans une langue et un langage conçu pour d'autres institutions. Ce schéma, je vous l'assure, est extrêmement confortable pour l'enseignement.

On sait, et c'est là un phénomène parallèle intéressant auquel il a été fait mille allusions au cours de ce colloque, que les travaux vont bon train, au niveau européen en tout cas, qui visent à faciliter l'unification internationale des termes relatifs aux institutions. L'abord phraséologique suivra à n'en pas douter, avec toutes les difficultés qui sont apparues ici, mais qui ne doivent rebuter ni le praticien ni le chercheur.

2. Le cas des équivalences officielles bloquées des pays multilingues

Il est cependant un autre problème, à mon sens extrêmement grave, et que l'enthou­siasme de certains leur fait peut-être sous-estimer. Il touche autant la terminologie que la phraséologie et concerne au premier chef les traducteurs: c'est celui des équivalen­ces officielles bloquées dans les textes qui se rapportent aux institutions des pays multilingues. Je connais pour ma part relativement bien le cas de la Suisse pour avoir été, et être encore à mes heures, le traducteur de nombre de ses textes juridiques officiels. La question a déjà été soulevée en 1941 dans un article d'Emile Thilo25, ce terminologue, ou lexicologue, qui est la référence de la plupart des juristes suisses depuis cinquante ans. Il a été, plus tard, brillamment développé par Bernard Dutoit26

lors du 6ème colloque d'Ottawa en 1969.

Qui dit terminologie, phraséologie comparées, ou contrastive, utile aux traducteurs, dit bien sûr démarche sémantique à tous les niveaux de l'analyse. Cela est tellement évident qu'on rougit presque de le rappeler. Et pourtant, les références terminologi­ques ou phraséologiques dans les textes qui se rapportent aux institutions d'un pays multilingue comme la Suisse, ne sont pas fondées sur des considérations relevant de la sémantique, mais surdes faits arbitraires d'ordre institutionnel ou constitutionnel. C'est là un fait d'autant plus pervers qu'on ne s'en aperçoit pas immédiatement, simplement parce que les solutions traductionnelles imposées par l'ordre constitu­tionnel ne contredisent pas vraiment, et surtout pas toujours les critères de la sémantique. Il n'en va pourtant pas toujours ainsi.

Prenons pour commencer un tout petit exemple au niveau terminologique. Le droit pénal français, comme celui des autres pays francophones, distingue le meurtre de l'assassinat, lequel est un meurtre aggravé parce qu'il est lié à la préméditation de l'acte ou au guet-apens27, quelquefois encore à d'autres circonstances aggravantes. Le 25 Emile Thilo, Note sur l'égalité et l'usage des langues nationales en Suisse, Journal des Tribunaux

1941,1, p. 263 26 Bernard Dutoit, Droit et plurilinguisme en Suisse, in Travaux du Sixième colloque de droit

comparé, Ottawa, 1969 27 Code pénal (français), art. 296

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Page 284: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

code pénal allemand fait la même distinction en opposant le Totschlag au Mord™. Le code pénal suisse, lui, fait la même distinction quant au fond: il parle de vorsätzliche Tötung et de Mord29, ce qui n'est qu'une nuance d'usage, mais il utilise, étrangement, le terme de Totschlag ailleurs, à propos de ce que son texte français appelle le meurtre par passion, c'est-à-dire un meurtre commis dans des circonstances qui le rendent pénalement moins grave.30

Une banque internationale de terminologie comparée devrait à coup sûr proposer pour traduire le terme de Totschlag le terme français de meurtre, parce que toute les analyses sémantiques amènent à cette solution. Une banque terminologique suisse ne pourra en aucun cas proposer cette solution parce qu'elle contredirait l'ordre constitutionnel suisse; elle ne pourra proposer que meurtre par passion, ce qui con­tredit les principes de la sémantique.

Passons au niveau phraséologique, le seul qui nous intéresse, et la chose devient plus angoissante.

Le titre marginal de l'art. 259 du Code suisse des obligations est en allemand Kauf bricht Miete; cela est traduit en français par la formule Aliénation de la chose louée. Une réflexion de caractère sémantique sur le sujet laisse rêveur, et pourtant la solution ainsi dégagée est la seule acceptable.

Kauf bricht Miete est en allemand une formule typiquement phraséologique. Elle a une histoire: elle est la réponse à la vieille formule du BGB allemand Kauf bricht nicht Miete31, qui ditdonc le contraire. Elle est ainsi liée à tout un pan de la culture juridique germanique et de sa manière de considérer le possesseur immobilier par rapport au propriétaire. La formule française Aliénation de la chose louée a un caractère pseudo-phraséologique, simplement parce que l'ensemble de l'affaire n'a pas de referents dans la culture juridique française. C'est dire en conclusion que nous allons, dans un pays multilingue comme la Suisse vers une terminologie et une phraséologie qui n 'ont pas de vraies bases sémantiques. On peut certes créer des banques de données bilingues pour la Suisse sur la base des données bilingues officielles, et ce travail ne nécessite même pas la collaboration de linguistes: un copiste attentif suffit. De telles banques de données contrediront toujours les banques de données internationales du même genre qui, elles, ne peuvent avoir que des bases scientifiques se référant à la sémantique. Et je ne parlerai même pas ici du cas encore plus complexe des cantons suisses bilingues, où la terminologie et la phraséologie bloquée du canton contredi­sent celles de la Confédération.

28 Strafgesetzbuch, §§ 211 et 212 29 Schweizerisches Strafgesetzbuch/Code pénal suisse, art.l 11 et 112, titres marginaux 30 Schweizerisches Strafgesetzbuch/Code pénal suisse, art.l 13, note marginale 31 Bürgerliches Gesetzbuch (BGB), § 571, titre marginal

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Page 285: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

V. Les débouchés pratiques de l'analyse phraséologique pour le traducteur et les directions de la recherche

Il est bien évident que la présente contribution n'a de sens que si elle peut aider le traducteur confronté aux problèmes de la traduction de la phraséologie des langages de spécialité, si elle peut faciliter son travail et améliorer ses prestations.

1. Les réflexes quotidiens

Dans le domaine de la phraséologie, plus encore que dans celui de l'idiomatique comparée, les réflexes quotidiens que doit acquérir le traducteur sont fonction d'un présupposé culturel, de sa connaissance des tenants et aboutissants historiques de la phraséologie que constituent des couples et des ensembles de mots apparus dans chaque langue. La chose est plus vraie encore à ce niveau supérieur de la phraséologie, que nous avons désigné des termes de modèles de discours et dont nous avons longuement parlé (Le cas du discours économique n'est qu'un cas parmi tant d'autres). Emmagasiner dans sa mémoire les références des modèles de discours, c'est d'abord connaître l'histoire et l'histoire des sciences.

2. Automatisation, informatisation: possibilités et limites

On se pose bien sûr aujourd'hui inévitablement la question des possibilités offertes au traducteur de décharger quelque peu sa mémoire pour en charger celle des ordinateurs. Qu'en est-il alors en matière de phraséologie des langages de spécialité des diverses langues avec lesquelles le traducteur doit jongler?

La TAO (traduction assistée par ordinateur) joue déjà un rôle important, tant au niveau de la recherche qu'au niveau de la pratique lorsqu'il s'agit de comparer des couples de mots. C'est plus vrai encore lorsqu'il s'agit de la syntaxe comparée.

Au niveau de ce que nous avons appelé les modèles de discours, cela me semble inaccessible, car la référence concrète n 'existe pas et le réfèrent est purement culturel. Or la culture ne se laisse pas facilement mettre en boîte. Nous le savons depuis la faillite de la traduction automatique, autrefois inventée par des électriciens. En 1963, il y aura bientôt trente ans, dans sa préface à la réédition chez Gallimard de la thèse de Georges Mounin, Dominique Aury nous disait:

«Le fléau de l'espéranto et du volapuck ne nous hante plus, mais la machine à traduire nous guette, qui traduira plus vite et plus juste que nous (...) voici venir la traduction presse-bouton.»32

32 Dominique Aury, Préface à Georges Mounin: Les problèmes théoriques de ¡a traduction, Gallimard, Paris, 1963, p. VII

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Page 286: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

La traduction presse-bouton ne nous hante pas plus aujourd'hui que l'espéranto et le volapuck, parce que la traduction automatique est morte et bien morte. Et j'ai l'impression qu'essayer d'informatiser les références aux modèles de discours, ce serait tenter de la ressusciter, un peu, et cela nous n ' avons aucune chance de le réussir avant une période qui viendra juste après le jugement demier. A vrai dire, ce jour là, nous aurons aussi conjuré la malédiction de Babel, et tant pis pour les traducteurs.

3. Les directions de la recherche

En vous proposant maintenant une ultime conclusion relative aux directions de la recherche, je vous invite à quitter quelque peu les préoccupations quotidiennes du traducteur pour rejoindre celles de l'Université. Nous le savons, et ce colloque nous l'a cent fois rappelé, les travaux vont bon train dans le domaine de la terminologie et de la phraséologie des couples de mots. La TAO permet de concrétiser ces recherches dans le domaine de la traduction. Ce qu'il reste à faire, et le champ de la recherche est immense, c'est, dans chaque langue, à tenter de délimiter les modèles de discours et leur réfèrent. Ce travail doit être fait par le menu. Lorsque je vous ai montré que le discours économique allemand a un modèle juridique, le discours économique français un modèle médical, le discours économique italien un modèle mercantilo-médical, je n' ai pris qu'un exemple bien grossier, et bien simplifié. La traduction aura fait un énorme progrès lorsqu'elle aura, langue par langue, établi les modèles, les modèles croisés, les modèles réciproques dans la phraséologie de chaque grands domaine, mais aussi de chaque spécialité dans chacun de ces domaines. Mais là, les classifications restent encore à établir et c'est justement la première phase des recherches à venir.

Claude BOCQUET Docteur en droit

Professeur d'École Université de Genève

École de Traduction et d'Interprétation UNI-Mail

102, Boulevard Carl-Vogt CH-1211 Genève 4

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Page 287: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Terminology Documentation in Conference Interpretation

Barbara Moser-Mercer

Summary

1. Introduction 2. Terminological data elements 3. The translator's work flow 4. The interpreter's work flow 5. What interpreters need and/or would like to have Annexes

1. Introduction

What a decade ago appeared to be the sole domain of large data banks implemented in a mainframe environment has today become available on PCs and even notebook computers. There are software packages that take care of the input and syntactic checking of terminological data. Entries can be sorted alphabetically within each language, by subject field, source or date of entry; phraseological information can be found under key words. Entries can be retrieved according to any criterion, by term, language, subject area, date of entry, reliability, author, or any combination thereof, in any format desired. Conference interpreters have access to knowledge and terminology data bases via ISDN, the standardization of multilingual terminology documentation allows them to exchange their terminology with colleagues all over the world and terminology for a specific subject field is available at low cost from dictionary publishers or conference organizers. Does this sound too much like science fiction to you? It ought not, because from a technological point of view nothing prevents us from implementing everything I have just enumerated. It is, in this day and age of information, precisely the lack of exchange of information that prevents us from exploiting technological innovations.

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Page 288: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

2. Terminological data elements

Since a number of speakers in this conference treat terminological data banks, a cursory review of some aspects should suffice for the purposes of this paper. Some of the major databanks such as EURODICAUTOM and TERMTUM have been with us for quite some time. Other data banks have been developed over the past decade(s) to meet the growing needs of translators and documentation specialists. International efforts on part of ISO and more informal contacts among data bank operators have produced guidelines for the exchange of terminological and lexicographical records (cf. ISO Draft International Standard ISO/DIS 6156, MATER). Such attempts at standardization have benefitted mainly translators working in language services of international organizations or governments. With its 60 categories, MATER is a rather complex document and goes way beyond the day-to-day needs of a free-lance translator. Many of the PC-based TDBs such as Superlex, Profilex, Term-Tracer and Termex operate with a much smaller number of categories; here, the integration into a word-processing environment and compatibility with other software tools available to the translator have taken precedence over wanting to simulate a large TDB.

3. The translator's work flow

Working at his modem workstation, today's translator, after having received the original text from his client in electronic form, will be able to scan the document for technical terminology, update his computer-based terminology data bank either by checking paper dictionaries or other paper-based reference works, experts and large TDBs and data bases, then proceed with the translation of the text on screen, with the original text scrolling in a separate window and terminology being pasted in from another window. After completion of the translation he will submit the entire text to a spell-checker, format the text according to the client's specifications or channel it through the desktop publishing service if he works in an agency or larger language service. Chances are he will not print the translation but return it to the client via modem or on a diskette (usually by courrier, since it is always due a day before one receives the original text). Of course, this is but one possible scenario, yet it captures the translator's work flow without going into considerable detail or variations, of course.

4. The interpreter's work flow

The conference interpreter's work begins the moment he accepts a contract for a conference. The general conditions of work as laid down in the standard AIIC contract stipulate that «for their technical and terminological preparation the organizer shall send the interpreters a complete set of documents (programme, agenda, minutes of the previous meeting, reports, etc.) in each of the working languages of the conference as early as possible, but not later than 15 days before the beginning of the conference.»

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Page 289: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Although there is no universally accepted mode of preparation, most interpreters will read through the material provided (or pertinent literature if no material has been provided), underline unfamiliar terms and phrases and search for equivalents in their other working languages. As a next step interpreters will usually establish terminology lists with source language terms down the left margin and center of the page and target language equivalents down the right margin. Disregarding the more careful preparation of certain papers and speeches for the moment, these word lists, either prepared manually or on the computer, are then studied and constitute, together with essential subject preparation, the knowledge basis for the upcoming conference. During a briefing session shortly before the conference, or during the conference and as papers are read and discussions with colleagues and perhaps delegates continue on the subject, word lists are updated, poor equivalents replaced by better ones or those preferred by a particular organization. At the end of a conference, conscientious interpreters will polish the list of terms, perhaps even print it out in its updated form and file it away, sometimes together with certain conference documents, if they had been allowed to take them from the booth.

While both translators and interpreters have access to a wide variety of resources, the interpreter's access to these materials becomes extremely limited once he is in the booth. Whereas translators - time constraints permitting - can go back to a large variety of reference works and sources, interpreters usually cannot during their time in the booth. This constitutes an essential difference in the way interpreters make use of resources: they have to glean the required information from the source and then keep it on file either in the form of a list of terms or as a note on a particular paper to be read or filed away in form of some general notes they will take along to the conference. Once at the conference venue additional information is added: new terms are acquired, etc. The interpreter's acquisition ofinformation can thus be viewed as a continuous process, with terminological equivalents refined often until the very last moment before embarking on the interpretation of a speech or scientific paper.

5. What interpreters need and/or would like to have

To examine in greater detail the terminology and documentation needs of conference interpreters aquestionnaire was designed that addressed these aspects of an interpreter's work. It was distributed among 260 conference interpreters around the world, all active members of AIIC. The only two characteristics all had to have in common were that a) they had to be active members of the organization and b) English had to be part of their language combination, since the questionnaire was worded in English. The return rate was exceptionally high when compared to the standard return rate in social science research (10%): Of the 80 questionnaires distributed at a meeting of AIIC members working in the non-agreement sector last July in Prague, 27 were returned, and of the 180 sent out shortly thereafter, 77 were returned by the cut-off date,

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Page 290: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

September 2,1991. Twenty more have been returned since then. This represents an overall return rate of 40 %. (A separate study is being carried out in Japan.)

The following graphs provide a profile of the interpreters surveyed according to how long they have exercised the profession (1), how many days a year they work (2), whether they specialize (3), have access to a computer (4), etc. These variables were chosen because it was felt that they had a direct influence on interpeters' terminology and documentation habits.

The next set of graphs provides insight into how interpreters tend to document themselves (5), what documents (6) they receive from the organizer and finally how they manage their documents. The importance of document control is often overlooked in conference interpreting. It emerges clearly from the results of the questionnaire (7), though, that 80 % of the respondents ranked papers to be read at the conference as extremely important for their terminology research, 84 % keep papers of past conferences, if allowed to take them from the booth, and all dispose of some classification system, 68% by subject matter, 15% by client, 15% by subject matter and client and the remaining 2% alphabetically or in a combination of the above. 57% of the respondents are interested in software with which to organize their documents.

The next graph (7) illustrates the importance of particular resources to the interpreter's preparation. As indicated above, papers to be read at the conference emerge as the most important resource for terminology research, followed by personal terminology lists, bilingual dictionaries, client-supplied terminology lists, glossaries, personal terminology data banks on computer and monolingual dictionaries. The reason why personal TDBs do not rank higher is perhaps that - as we shall see later - most software packages on the market rarely fulfill the interpreter's but only the translator's needs. The least interest received external data bases and external terminology data banks, and this was confirmed through responses given to another (control) question regarding interpreters' interest in accessing TDB: only 0.02% expressed any interest.

The survey revealed the degree of computerization (4) in the profession: 60.6% either have a computer or access to one, which in 37% of all cases is a portable computer. 49% use their computer for tasks other than word processing: 38% run data base software, 17% run terminology data bank software, 15% use spreadsheets, 24% use desktop publishing software (most likely those who translate in addition to interpreting). The correlations between years in the profession (an indicator of biological age) and computer use as well as days worked per year and computer use are as follows: (see graph 3) It follows from the figures that most computer users fall into the category of seasoned interpreters.

With 70.5 % of all respondents interested in exchanging terminology in electronic form (graph 8) - the highest percentage was found with interpreters who have been

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Page 291: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

in the pofession between 11 - 20 years and those who work between 100 - 200 days a year - and 57% wanting to use software for organizing their documents, a rather clear message emerges: software developers targeting the conference interpreting market must provide a tool that meets the specific needs of the interpreter and not just market translation tools.

The following graph reveals what interpreters would like to see implemented in such a software package: (see graph 9)

The capabilities and functions requested most frequently by interpreters as well as of course the interpreter's general flow of work served as the basis for comparing various TDB-software packages available on the market. Technical data were taken from the market surveys of Pulitano and de Bessé (1989), Mayer from the University of the Saarland (1990) and Friedrich, Gerstenkorn, Hetschold, University of Frankfurt a.M. (1991 ). Many packages were eliminated right away as they could handle no more than two languages per glossary. Of the remaining packages two were retained, Term-PC and Multiterm, as they seemed to meet most of the requirements stipulated by interpreters, although both were in the upper price range (DM 1500 - 3000).

Following are some of the main features of the two packages:

1. Implementation on PC, XT, AT with hard disk, 640 KB RAM 2. Operating system MS-DOS 3. Ability to handle at least 3 languages per glossary 4. Structure of entry can be defined freely (dynamic field lengths) 4. Retrieval of entries from any language via full entry, short stroke or keyword 5. Selection of terms according to any specified category (domain) 6. Convertibility for import/export of terminology 7. Print-out according to user specifications (Multiterm has interface to Ventura DTP, TERM-PC

offers a considerable variety of formating options)

Not considered were:

1. Integration with various word processing packages 2. Ease of integration between TDB and word processing (pasting of terms into translation) 3. Windowing capabilities 4. Networking capabilities

Although the latter are extremely important criteria for translation they have little or no bearing on the work and needs of an interpreter, unless the interpreter is also a translator.

While the two packages retained met almost all requirements stipulated by interpreters, neither of them offers additional charactersets for non-Latin characters.

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Page 292: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Given the fact that today most notebook computers dispose of sufficient memory capacity and speed to respond to the demands of interpreters, that via modem the interpreter can access resources hitherto out of reach for him, that integrated fax capabilities allow him to receive information even at the last minute, thus changing perhaps some of his ingrained work habits, it is no surprise that professionals have become more demanding with regard to the functions they would like to see implemented. While limited, albeit functional, versions of terminology management tools can be programmed by most computer-literate interpreters (Gilè, 1987), more powerful and more efficient tools can and must be developed so that the interpreter can become more economical in dealing with increasing amounts ofinformation and thus ultimately provide a better service.

Have I implied that interpreters can score homeruns only if they dispose of the proper technical bats? I hope not, because technological support reduces drudgery and frees us to do what we do best and that is, getting the message across!

ABSTRACT

Considerable effort has already been spent on devising terminology documentation guidelines and it has always been assumed that interpreters' needs are identical to those of translators and terminologists. While members of the three professions are all agreed on the need for the proper term and/or phrase to denote an object or an idea, considerable differences exist in the way these professionals must gain access to terminological information.

This paper sketches the differences in the flow of work between translators and interpreters. Information on interpreters' terminological needs was gathered by means of a questionnaire sent out to members of the International Association of Conference Interpreters (AIIC) and the statistical analyses are presented with specific reference to terminological data elements, documentation control and data exchange among conference interpreters.

290

Page 293: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

BIBLIOGRAPHY

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Barbara MOSER­MERCER

Professeur d'École

Université de Genève

École de Traduction et d'Interprétation

102,Bd.Carl­Vogt

Cl 1­1211 Genève 4

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Page 294: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ANNEXES

TERMINOLOGY AND DOCUMENTATION FOR CONFERENCE INTERPRETERS

A Survey

GENERAL

1. How long have you been exercising the profession of conference interpreting?

< 3 years 3-5 years 6-10 years 11-20 years > 21 years

2. How many days per year do you work on average?

<30ds 31-60ds 61-100ds 101-200ds 201-300ds >300ds

3. How is your work divided up between the agreement and the non agreement sector?

100% agreement sector 0% non-agreement sector 70% 30% 50% 50% 25% 75% 10% 90% 0% 100%

4. Do you have definite fields of specialization?

YES NO

5. If yes, did you develop these specializations during your professional practice?

YES NO

Or before?

YES NO

Or both before and during your professional practice?

YES NO

6. Have you ever turned down a conference because il was κχ> tec hinca Γ.'

YES NO

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Page 295: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

DOCUMENTATION

7. Do you generally receive documentation in advance of a conference?

YES NO

8. In general, how far in advance?

<2days 3-5ds 6-10ds ll-20ds >20ds

9. Which of the following do you receive? always often rarely never

agenda proceedings of

previous conference(s) minutes of

previous meeting monolingual glossaries multilingual glossaries papers to be delivered paper copies of slides other (please specify):

10. How often do you get a chance to participate in briefing sessions?

often rarely never

11. Do you keep papers/documents of past conferences if allowed to take them with you?

YES NO

12. If yes, how do you classify/organize them at home or in your office?

alphabetically by subject matter by client other:

13. Do you engage in «house-keeping» activités such as discarding obsolete documentation and/or updating subject areas after a conference?

always often rarely never

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Page 296: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

TERMINOLOGY

14. Please rank the following references on a scale from 1 to 5 in order of their importance for your terminology research (1 = little importance, 5 = extremely important):

monolingual dictionaries bilingual dictionaries multilingual dictionaries encyclopedias glossaries periodicals newspapers technical/scholarly journals television/radio personal terminology lists

12345 12345 12345 12345 12345 12345 12345 12345 12345 12345

personal terminology data bank on computer 12 3 4 5 external terminology data banks 12 3 4 5 external data bases 12 3 4 5 papers to be read at conference 12 3 4 5 client-supplied terminology lists 12 3 4 5 other (please specify): 12 3 4 5

15. Do you have a computer or access to a computer?

YES NO

(If NO, proceed to question 19.1.)

16. If yes, is it portable?

YES NO

17. Do you use it for tasks other than word processing?

YES NO

18. Which of the following software programs do you run?

data base software terminology data bank software spreadsheet desk top publishing other (please specify):

YES YES YES YES

NO NO NO NO

294

Page 297: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

YES YES YES YES YES YES YES

NO NO NO NO NO NO NO

YES YES YES YES

NO NO NO NO

19.1. If you had the possibility of having terminology data bank software being developed to your specifications, which of the following items would you wish to have included for each term stored?

term (source languages - SL) term (target languages - TL) grammatical information SL definition of term synonyms of SL term reliability of TL-term(s) subject field

19.2. Which of the following functions would you wish to have available?

alphabetical print-out print-out by subject field alphabetical look-up short-stroke look-up (approximate look-up) print-out with source language terms and target

language term(s) parallel on one line YES NO print-out possible with each language becoming

a potential source language YES NO print-out with SL-terms and TL-terms in

vertical sequence YES NO use of non-Latin characters YES NO

20. Are you already accessing large terminology data banks (such as EURODIC AUTOM or TERMRJM) from your own computer?

YES NO

21.1 f NO, would you be interested in doing so?

YES NO

22. Would you be interested in software with which to organize your documents?

YES NO

23. Would you be interested in exchanging terminology in electronic form with other colleagues?

YES NO

THANK YOU VERY MUCH FOR HAVING ANSWERED THIS QUESTIONNAIRE!

295

Page 298: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

1 - YEARS IN THE PROFESSION

10 years 8.7 % 3 5 years

1.0%

2 - DAYS OF WORK PER YEAR

201 -300 days 7.7 %

300 days + 3 0 d a y s

31 -60 days 6.7%

1.9% 2.9%

296

Page 299: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

3 - FIELDS OF SPECIALIZATION

BEFORE 1.8%

297

Page 300: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

4 - COMPUTER USER

YES 60.6 %

NO 39.4 %

100

90

80

70

60 υ a Ι-ι

α 3 CL

ε so δ υ

H-I

ο ^

40

30

20

10

28.2 % 26.2 %

1.0% 4.9%

3 - 5 years 6-10 years 11 - 20 years Years in the profession

20 years +

298

Page 301: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

5 - DOCUMENTATION IN ADVANCE

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10 7.1 %

25.9%

50.6 %

12.9 % 3.5%

ι 2 days 3-5 days 6-10 days 11-20 days 20days+

Days in advance

299

Page 302: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

6 - WHICH OF THE FOLLOWING DO YOU RECEIVE?

agenda proceedings of previous conference(s) minutes of previous meeting monolingual glossaries multilingual glossaries papers to be delivered paper copies of slides other (please specify)

always 37,7 8,0 7,3 1,0 2,1 4,3 1,1

53,3

often 59,2 40,0 45,8 10 3,2

66,0 33,3

50,0

rarely 8,2

45,0 37,5 63,5 68,4 26,6 43,7

6,7

never 0

7,0 9,4 34,4 26,3 3,2

21,8

0

OTHER

advertising material reference material on similar subject summary of papers abstracts scientific journals background material

300

Page 303: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

7 - TERMINOLOGY

14. Please rank the following references on a scale from 1 to 5 in order of their importance for your terminology research (black = little importance, white = extremely important):

+10 20 30 40 50 60 70 80 90 100%

monolingual dictionaries

bilingual dictionaries

multilingual dictionaries

encyclopedias

glossaries

periodicals

newspapers

technical/scholarly journals

television/radio

personal terminology lists

personal terminology data bank on computer

external terminology data banks

external data bases

papers to be read at conference

client-supplied terminology lists

other (please specify):

Γ

OTHER

thesauri books multilingual literature colleagues' terminology lists «Que sais-je»-type books

301

Page 304: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

8 ­ INTERESTED IN EXCHANGING TERMINOLOGY

YES

70.5 %

NO

29.5 %

100

90

ÌÌ 80 "o c

I 70

2 c 60

'Sb

I 50 χ <o

•S 40

a ε 30 s 20 *

10

35.1% 27.7 %

1.1% 7.4%

3 ­ 5 years 6­10 years 11 ­ 20 years

Years in the profession

20 years +

302

Page 305: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

9 - TERMINOLOGY DATABANK SOFTWARE - FUNCTIONS DESIRED

19.1. If you had the possibility of having terminology data bank software being developed to your specifications, which of the following items would you wish to have included for each term stored?

YES NO

term (source languages - SL) term (target languages - TL) grammatical information SL definition of term synonyms of SL term reliability of TL-term(s) subject field

19.2. Which of the following functions would you wish to have available?

alphabetical print-out print-out by subject field alphabetical look-up short-stroke look-up (approximate look-up) print-out with source language terms and target

language term(s) parallel on one line 92.0% 8.0% print-out possible with each language becoming

a potential source language 88.0% 12.0% print-out with SL-terms and TL-terms in

vertical sequence 42.4% 57.6% use of non-Latin characters 26.9% 73.1%

94.8% 93.8% 25.0% 89.2% 73.2% 75.0% 88.3%

5.2% 6.3% 75.0% 10.8% 26.8% 25.0% 11.7%

92.0% 87.5% 87.3% 55.0%

8.0% 12.5% 12.7% 45.0%

303

Page 306: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations
Page 307: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Taxinomie et critères de sélection

dans l'interprétation

Anna Giambagli

«You should say what you mean» the March Hare went on.

«I do ­ Alice hastily replied ­at least­at least I mean what I say,

that's the same thing».

Le terme taxinomie (du grec τασσείν - arranger, ordonner et νόμος·- loi, règle) dé­signe généralement une méthode, un système de description et de classification des corps organiques et inorganiques permettant d'effectuer une coordination hiérarchi­que des éléments existant dans la nature.

On ne s'étonnera donc pas que le désir humain de systématisation de l'univers sous des formes objectives - du moins de l'univers extérieur - ait été satisfait, encore qu'inassouvi, au Siècle des Lumières, siècle qui s'est évertué à ordonnancer les innombrables aspects de la réalité en faisant appel aux facultés de connaissance et de maîtrise de l'être pensant.

Dans son Systema naturae per regna triasecundum classes, ordenes, genera, species, Carl Linné offre un exemple emblématique en ce sens. La puissante fresque taxinomique qu'il réalise passe idéalement du général (classes) au particulier (species) et parvient, à travers des regroupements successifs, à bâtir un système de classification de la nature axé sur les éléments d'affinité et de différenciation pour définir les caractéris­tiques de chaque espèce du règne minéral, végétal et animal.

Il est tout à fait significatif que l'on puisse étendre le terme de Taxinomie à la linguistique, science qui a pour objet l'étude du langage comme outil de communi­cation et qui, en tant que telle, est née au vingtième siècle, encore que l'analyse du fonctionnement linguistique ait commencé à être définie en schémas et en typologies normatives dès l'époque de la spéculation philosophique gréco-latine.

305

Page 308: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Ainsi, dans le domaine de la linguistique, la Taxinomie s'apparente elle aussi à une classification d'éléments, de séquences d'éléments ou de classes de séquences pour construire des systèmes qui expliquent les phrases d'une langue à travers leurs règles de combinaison. Pour pousser plus loin notre examen, le terme de Linguistique Taxinomique, assimilable à la méthode d'analyse en constituants immédiats selon la conception behavioriste de Bloomfield, indique la description du fonctionnement d'une langue donnée à travers la classification de ses éléments, sans expliquer ni prévoir.

S'il ne fait aucun doute qu'une telle approche de la langue, en termes purement formels, reste partielle puisqu'elle n'épuise pas ce "quantum" linguistique que nul ne saurait corseter d'une façon exclusive dans des règles de décomposition-composition (heureusement, serais-je tentée d'ajouter), il n'en faut pas moins reconnaître la pertinence pour ce qui est des mécanismes cognitifs analytiques et synthétiques autour desquels se crée l'organisation du processus d'interprétation, acte de commu­nication verbale indirecte, réalisé par un biais différent et de l'auteur original et du récepteur ultime du message.

Indépendamment des variables constituées par la langue de départ et par celle d'arrivée, l'interprète accomplit en effet sa tâche en passant par une séquence complexe de phases reliées l'une à l'autre; il met en marche un processus dynamique qui commence par la réception et s'achève par l'expression. Physiquement parlant, le temps qui s'écoule entre le moment alpha et le moment oméga n'est pratiquement pas mesurable mais sa densité est très forte pour ce qui est de l'élaboration linguistique et extra-linguistique. Dans ce processus, un rôle remarquable revient sans aucun doute aux mécanismes de nature taxinomique justement, survenant au moment même de la réception du stimulus verbal. Ces mécanismes justifient des choix spécifiques, c'est-à-dire des sélections lexicales, grammaticales et syntaxiques lorsque la réponse au stimulus se fait évidente.

N'oublions pas, je me permets d'insister sur ce point, que les phases taxinomique, sélective et décisionnelle se jouent sur des temps dont la valeur n'est pas perceptible; elles se déroulent même à partir d'un projet organisationnel qui peut certainement être qualifié de cognitif mais qui est en grande partie inconscient.

M'inspirant d'une approche de type linnéen, je vais essayer d'expliquer, à travers des exemples, les principes propres à une approche taxinomique, naturellement au sens large du terme, dans l'interprétation du français en italien, c'est-à-dire entre deux langues romanes présentant des affinités indéniables quant a l'organisation de la phrase et de la période, en d'autres termes, des affinités d'ordre grammatical, syntaxique et structural. Par rapport à ce qui se produit entre des langues de souche différente, la fréquence de transformation sur le plan verbal et adverbial est ici objectivement atténuée alors que l'aspect fort, celui qui domine, est plutôt le

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Page 309: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

remplacement à l'échelon lexical, c'est-à-dire au niveau du nom et de l'adjectif essentiellement.

Dans l'approche adoptée ici, le verbe, l'adverbe, le nom et l'adjectif s'inscrivent dans un avant-projet taxinomique général, que constituent les neuf parties du discours, ou catégories grammaticales, communes aux langues européennes: article-pronom-nom-adjectif-verbe-adverbe-préposition-conjonction-interjection.

Le nom et l'adjectif s'opposent au verbe; celui-ci se distingue à son tour parce qu'il indique un fait ou une action en les situant dans le temps. La netteté obtenue dans la formulation de l'opposition nom/verbe est due en grande partie à l'organisation morphologique des langues européennes de culture. Ces deux catégories y sont en effet bien distinctes et identifiables: la première représente l'aspect statique de la proposition qui se déploie sur le mode, le temps et l'espace par l'insertion de la seconde.

C'est cette opposition (ou différenciation) qui doit être perçue instantanément par l'interprète. Celui-ci doit d'emblée distinguer le segment statique et le segment dynamique du discours, c'est-à-dire le sujet (et l'objet, s'il existe) et l'action exprimée par le prédicat.

Pour les raisons exposées plus haut, je me bornerai à examiner dans ces deux langues le nom et l'adjectif, mon propos étant de vérifier si le raisonnement taxinomique appliqué à ces deux catégories s'avère pertinent.

Le nom, ou substantif, est un mot qui sert à désigner les êtres animés (personnes et animaux), les objets, les sentiments, les qualités, les concepts, les phénomènes (par ex.: homme, chien, table, amitié, intelligence, justice, tonnerre). Dans cette défini­tion, la distinction classique entre le nom concret et le nom abstrait est implicite, évidente aussi; en matière d'interprétation, elle est incontestablement plus pertinente que ne l'est la classification, tout aussi classique, en noms propres et en noms communs.

Le nom concret se rapporte à tout ce qui peut être directement perçu par le sens alors que le nom abstrait renvoie à des concepts dont seul l'esprit peut élaborer la représentation. Quitte à généraliser un peu trop, nous pouvons affirmer que très souvent le signifiant du nom concret se rapporte à un seul signifié (pensons pourtant à la ramification d'ordre sémantique du mot chien). Dans un cas de ce genre, l'in­terprète ne dispose pas d'une gamme d'expression s'étendant sur plusieurs espèces lexicales: logiquement, il existera une correspondance tout aussi bi-univoque entre article en langue de départ et sa traduction. C'est exactement ce qui se passe lorsque l'interprétation concerne des langages techniques ou sectoriels formant, dans les cas limites, de véritables micro ou néo-langues.

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Page 310: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Quelques exemples, forcément simplistes, ne sont peut-être pas superflus: en sylviculture, pour qu'une interprétation soit correctement spécifique, il faudra connaître l'équivalent italien du mot érable; en aquaculture, celui de bar; en mécanique, celui de soupape; dans les transports maritimes, celui de cale. S'appuyant sur une connaissance terminologique acquise, l'interprète devra alors remplacer ou transposer directement le nom concret par un nom concret selon un modèle analogique assimilable à l'espèce qui ne se prête à aucun écart catégoriel.

Toutefois, il n'est guère possible d'assurer en toutes circonstances le respect intégral de cette analogie, ne serait-ce qu'en raison d'une connaissance insuffisante du signifiant dans la langue de départ. Le recours à un procédé en sens inverse peut alors être adopté: de l'espèce, l'interprète remonte au terme plus général, à la classe en quelque sorte, ce passage étant fonction de sa capacité associative et cognitive. Optant ainsi pour une technique centrifuge, au lieu de dire acero, branzino, valvola et stiva, l'interprète dira par exemple albero, pesce, dispositivo et compartimento. Si ce cheminement du particulier au général se produit incontestablement au détriment de la spécificité, il n'en représente pas moins une bouée de sauvetage évitant de répondre à vide en présence d'un stimulus lexical plein.

La traduction du nom abstrait pose un cas différent; son champ sémantique est ordinairement plus vaste que celui du nom concret. Quand de surcroît un adjectif accompagne le nom, qu'il soit concret ou abstrait, c'est un élément important de spécification qui s'ajoute à l'énoncé. Conceptuellement parlant, comme le nom abstrait, il ne peut être perçu qu'à travers une représentation mentale. Le mot «adjectif» (du latin adjectivum, "additionnel") désigne en effet ce qui sert à modifier sémantiquement le nom ou une partie du discours avec lesquels il existe un rapport de dépendance syntaxique ou d'accord grammatical, cas très fréquent dans les langues néolatines.

Les propos tenus pour le nom abstrait s'appliquent à plus forte raison a l'adjectif-notamment qualificatif-, toujours situé dans la catégorie de l'abstraction. En un mot, l'adjectif est au nom ce que l'adverbe est au verbe: ils introduisent tous deux un ou plusieurs éléments de caractérisation dans la proposition dont ils enrichissent ainsi la complexité.

Si le terme concret est dominé par l'aspect dénotatif, c'est-à-dire par la valeur informative, le terme abstrait et l'adjectif évoluent aisément surdes valeurs connotatives de nature communicative, d'où se ramifie toute une gamme de sens bien plus prolifique que le signifiant. La connotation renvoie effectivement à la valeur supplé­mentaire, evocatrice et affective du mot.

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Page 311: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Dans de tels cas, le procédé d'interprétation peut aller au-delà d'une simple substi­tution directe du nom abstrait par le nom abstrait correspondant; souvent il s'étoffe, et ajuste titre, sur le plan de la synonymie dans la langue d'arrivée; pour les besoins de la cause, il peut même passer d'une substitution à une transformation entraînant une modification de la catégorie grammaticale, encore que, nous le disions tout à l'heure, ce phénomène soit en général moins évident ici qu'il ne l'est dans le cas de l'interprétation entre langues de souche différente.

Le critère de sélection appliqué alors suit un tracé taxinomique orienté vers la plus grande spécificité: lorsqu'il traduit dans sa langue maternelle, l'interprète maîtrise parfaitement, en principe, sa gamme d'expression, ce qui lui permet de conjuguer d'une manière tout à fait efficace le contenu et la performance verbale.

La compréhension denotative du nom abstrait et la désambiguation connotative contextuelle permet fréquemment de s'affranchir de la correspondance bi-univoque à laquelle assujettit souvent le nom concret: d'où, le choix de correspondances analogiques ne s'inscrivant obligatoirement pas dans les mêmes catégories gramma­ticales. En raison notamment du rôle auxiliaire, et fondamental, joué par le micro et le macro-texte dont il fait partie, le nom abstrait français pourra donc être remplacé en italien par un nom abstrait bien sûr ou encore transformé en adjectif, en verbe, en locution pour arriver, dans des cas extrêmes, à l'amplification périphrastique moyen­nant une modification structurale.

Le procédé de classification suit par conséquent une orientation "top-down" lorsqu'il recherche, parmi les différentes significations possibles, l'espèce la plus appropriée dans la langue d'arrivée à tel ou tel concept sur le plan lexical et/ou grammatical. Lorsque l'interprète traduit vers sa langue B, il va de soi que la stratégie choisie pour organiser le discours se déroule dans le sens inverse, c'est-à-dire en direction "bottom-up", étant donné que l'habileté de production linguistique est cantonnée dans une gamme d'expression forcément plus circonscrite, ne serait-ce qu'en matière de richesse lexicale. Le passage s'opère ici du particulier au général mais, comme il se base toujours sur un élément d'affinité, il n'affecte pas la vérité conceptuelle de l'énoncé dont seuls les contours expressifs pourront donc apparaître quelque peu estompés.

A titre indicatif citons aussi un exemple pour le nom abstrait: prenons le substantif force. L'interprète doit tout d'abord établir si celui-ci est utilisé au sens absolu du terme ou bien s'il fait partie d'une locution. En l'occurrence, la traduction résiste assez souvent à la sélection de l'espèce correspondante la plus immédiate, c 'est-à-dire aforza en italien; elle pourra par conséquent parvenir à une modulation de catégorie grammaticale selon un critère de classification qui vise toujours l'espèce. Analysons les locutions suivantes:

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Page 312: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

il voulait à toute force que force est de reconnaître que il est dans la force de l'âge elle nage en force

Dans des exemples de ce genre, maintenir la même espèce lexicale en italien équivaudrait, dans le meilleur des cas, à une transposition de modèle lexical, en un mot, à un calque. Dans le pire des cas, il s'agirait d'une construction incompréhen­sible, faute d'équivalent en italien. Aussi faudra-t-il que l'interprète module son choix lexical tout en modifiant, le cas échéant, la catégorie grammaticale.

Au demeurant, dans l'emploi absolu du nom, V analogieforce -forza peut être justifiée sans pour autant constituer de contrainte. Il suffit de penser au langage courant:

je n'ai plus la force de force de caractère la force d'une idée

Dans les jargons scientifiques ou de spécialité, la correspondance lexicale est souvent l'option la plus judicieuse, voire inévitable:

les forces navales les forces de police lignes de force forces de gravitation

Pourtant, dans un contexte linguistique d'ordre plus général, il n'est pas rare non plus de devoir recourir à des synonymies conceptuelles plus spécifiques:

force d'un sentiment force d'un coup force d'une barre force d'un mur

auront respectivement pour équivalents lexicaux: intensità, violenza, resistenza, solidità.

La conclusion naturelle de ce raisonnement pourrait être la suivante: le nom et l'adjectif constituent, avec le verbe et l'adverbe bien évidemment, les catégories dans lesquelles l'interprète qui traduit dans sa propre langue dispose de la plus grande marge de manoeuvre pour ce qui est de larichesse lexicale, celle-ci étant intelligemment complétée, dans le cas des deux dernières, par des transformations structurales.

Si la compréhension de l'information est réelle, sans interférences exogènes ni endogènes, le mécanisme en question se déroule sur un rythme aisé et fluide. Cette

310

Page 313: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

approche contrôlée de la langue, soumise à des choix par analogie et différenciation, créera l'image la plus claire et la plus spécifique tant au plan lexical que structural.

Qu'il s'agisse d'un parcours vers l'exactitude ou vers la généralisation forcée, qu'il s'agisse d'une substitution ou d'une transformation, l'interprète ne saurait échapper à cette règle: ce qui lui est transmis et ce qu'il doit transmettre passe inévitablement par cet outil qu'est le mot, perçu et utilisé d'après des segments de sens pour comprendre et par la suite exposer un contenu, un «vouloir dire». Qu 'il sache faire bon usage, dans l'exercice de sa profession, du conseil que la Duchesse adressait à Alice: «Take care of the sense and the sounds will take care of themselves».

Anna GIAMBAGLI Professore-interprete

Scuola Superiore di Lingue Moderne per Interpreti e Traduttori Università degli Studi di Trieste

via F. Cor ridoni, 11 1-34131 Trieste

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Page 315: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Taxonomy and simultaneous interpretation

David C. Snelling

I wish to examine certain aspects of the relationship between taxonomy and interpretation in the context of the debate between interpretation from the mother tongue into the foreign language and from the foreign language into the mother tongue. My own professional experience is of the latter kind, whereas I am called upon to guide my students to accomplish the former task. My preference is decidedly for working into my mother tongue. However, I wish to take for granted that working into the first foreign language, particularly if that language is English, though it may not be desirable, is necessary. Interpreters coming from countries where the languages spoken are not English, French or Spanish would rarely find work if they were prepared to work in one direction only. There are certainly not enough English mother-tongue interpreters living and working in Italy to satisfy the market demand. Italian interpreters must therefore be prepared to work into their first foreign language. Since it is necessary, it has to be done properly and certain strategies have to be devised to pre-empt difficulties; the which difficulties will arise not at the stage of source-text analysis but rather at that of target-text formulation. I do not intend here to refer the strategies frequently employed by myself and colleagues to wean students away from source-language text-dependence, but rather to analysis of source-text concepts in view of the completest (though not necessarily the most elegant) possible rendition of same in the target language.

Reference to Linnaeus' categories of species, genus and family (or class) is helpful from a very early stage. The order is quite deliberately reversed, as it is with the species (the most detailed description expressed in the least familiar terminology), that the interpreter will encounter his difficulties when he is working from a foreign language. The reverse is true if he is working from his relative graphs and see whether greater source-text comprehension with greater interest source-text comprehension (the A into Β process) finds its natural resolution at the stage of genus or family, but componential analysis will reveal the solution resorted to, if the exact term in the (foreign) target language is unknown, is a generic term accompanied by one or more specific attributes.

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Page 316: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Working from his mother tongue, a French interpreter will recognise the animal ornithorynque, though he may not be familiar with the term in his foreign language. He will therefore move back from the specific to the generic in identifying the group to which the creature (I have just shot from the specific to the most general of all possible descriptions of living beings) belongs - in this case the most readily available compromise would be mammal, he has, though, with his generic noun not yet identified the animal; that will only be possible with the addition of one or more specific attributes (adjectival in form). Either oviperous or web-footed (egg-laying, in the former case, il he is not certain of the scientific term - to apply a principle within a principle) would probably alone clinch the matter as would either Australian or aquatic in combination with one of the above or each with the other to identify our duck-billed platypus.

It is not, though, with terminological questions of a scientific nature, in the context of learned papers, that I primarily wish to deal. A good interpreter and a good congress organizer in collaboration ought to have enabled the relevant wore-lists to be drawn up beforehand. The difficulties arise more at less formal language-register levels and can be approached in an identical fashion. The English interpreter thinking in terms of the following ideas «the car crept - chugged - moseyed - cruised - shot - darted -flashed past» will carry out an automatic analysis of what I) called, in my paper at the 1990 FIIT congress in Belgrade, «the coefficient of intensity» and, if he is unable to convey an exact equivalent in his target language, will yet transmit the dynamism and intensity of the original with generic term and a specific attribute (in this case a verb/ adverb combination) to the effect of «the car moved - slowly - in a leisurely fashion - briskly - very/incredibly rapidly past».

The greatest possible amount of information will have been conveyed (possibility determined not in this instance by the interpreter's breadth of vocabulary in his target language but by his awareness of the limit of same and his corresponding skill in applying the principles of taxonomy to a working situation.

We are all familiar with Renée van Hoof's classic reply to the question «What is it that an interpreter should really say?» «Le moins possible!» It is in this context that her remark is to be interpreted. She is not inviting the interpreter to omit, vaguely summarise or skip chunks which he considers of secondary importance, but rather to apply the most important law of all artistic production - «the maximum economy of means to obtain the finest possible effects».

In full awareness, then, of the constraints under which he is working (aware of what he has understood and able to assess the nature of what he has not, aware of the precision of his terminology and of the strategies to which he resorts to offset the lack of same), to process his input and, in the formulation off his output, to cut his coat according to his cloth, rejecting the mere repetition off words in favour of the targeted

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Page 317: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

application of the linguistic means at his disposal. Shakespeare knew not only that «brevity is the very soul of wit» but also that tediousness is «its very limbs and outward flourishes».

Babbled interpreting is the worst interpreting, which is what Chateaubriand may have been thinking of when he declared of the wife of the Russian Ambassador to the Court of St. James «Sous l'abondance de ses paroles, elle cache la disette de ses idées».

David C. SNELUNG Professor

Scuola Superiore di Lingue Moderne per Interpreti e Traduttori Università degli Studi di Trieste

via Tor San Pietro, 38 1-34100 Trieste

315

Page 318: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations
Page 319: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Phraseologie und literarische Übersetzung

Eine italienisch-deutsche Fallstudie

Sonia Marx

I. Mein Beitrag bezieht sich auf die Übersetzung eines literarischen Textes und nimmt einen besonderen Aspekt unter die Lupe: die Übersetzung von Phraseologismen. Es handelt sich um eine Fallstudie, die auf die Ergebnisse einer umfassenderen Arbeit, der Übersetzungsgeschichte der Abenteuer des Pinocchio von C. Collodi im deutschen Sprachraum, zurückgreift.

Wie komplex Übersetzen als sprachliche Handlung ist, läßt sich paradigmatisch an diesem literarischen bzw. fiktionalen Text aufzeigen. Im Unterschied zu einem Sach­bzw. Fachtext, ist nämlich in einem literarischen Text das Spektrum an Über­setzungsvarianten stark ausgeprägt, da er - nach Iser (1976) - seinen Objektbereich selbst konstituiert und folglich keinen Abbildcharakter hat1.

Im Jahr 1886 in Italien in Buchform erschienen, wurden die Abenteuer des Pinocchio 1905 erstmals in Deutschland bearbeitet und weisen seither (d.h. bis 1988/1990) im deutschen Sprachraum (Deutschland, Österreich und Schweiz) die stattliche Anzahl von über 30 Übersetzungen und Bearbeitungen auf (strips und comics nicht mitgezählt). Die meisten von unskennenLe AwenturediPinocchioalsKinderbuch. Der toskani sehe Hampelmann wurde ab 1913/14 im deutschen Sprachraum als hölzernes Bengele berühmt, während die heutige Jugend Pinocchio durch die Medienbearbeitungen als Titelhelden populärer Fernsehsendungen identifiziert.

Le Avventure di Pinocchio können aber auch als Erwachsenenbuch gelesen werden, allerdings setzt diese Lektüre die Kenntnis literarischer Ausdruckstra-

Iser, W. (1976), Der Akt des Lesens, Theorie einer ästhetischen Wirkung, München, Fink. Die Tatsache, daß literarisches Übersetzen nicht leicht objektivierbar ist, hat in der linguistischen Übersetzungswissenschaft eine Schwerpunktverlagerung auf Übersetzung von Sachtexten zur Folge gehabt. Die Problematik des Begriffes "Übersetzungsäquivalenz" istan den differenzierten zielsprachigen Realisierungen literarischer Texte abzulesen.

317

Page 320: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ditionen voraus (etwa Commedia dell'arte, Typenkomödie und Kunstmärchen)2.

CoWodis Absichtzwei Leser gruppen auf verschiedenenBedeutungsebenen gleichzeitig anzusprechen und zwar so, daß beide ihre Rolle als Leser jeweils unterschiedlich wahrnehmen, macht das Werk zu einem doppelsinnigen Buch3. Es erlaubt Kindern die ungestörte Aufnahme des Märchenhaften und Phantastischen, ohne sie durch vordergründige Ironie aufzubrechen, während die zweite Bedeutungsebene, die schwarzen Humor, Gesellschaftskritik und Ironie verrät, erst einem erwachsenen Leserkreis zugänglich ist.

Diese Erkenntnis läßt sich anhand der Übersetzungsgeschichte belegen, die das bekannte toskanische Werk im deutschen Sprachraum aufweist: wurde es ungefähr vier Jahrzehnte lang fast ausschließlich als "lustiges und lehrreiches Buch" für kleine Leser rezepiert bzw. übersetzt und vornehmlich in Kinderbuchverlagen veröffentlicht, so erscheint es 1982 als "Buch für Erwachsene" im Deutschen Taschenbuchverlag und hier in der Reihe "Weltliteratur". Das Übersetzen eines literarischen Textes ist folglich viel stärker vom Textverständnis des Übersetzers geprägt als es bei einem wissenschaftlich-technischen Text der Fall ist. Vermittler dieser differenzierten Deutung der Abenteuer des Pinocchio, die entscheidend dazu beigetragen hat, das Buch zu einem Klassiker der "Weltliteratur" zu machen, sind die Übersetzer: die Übersetzer sowohl in ihrer Rolle als Leser des Originaltextes als auch in ihrer Rolle als Produzenten bzw. Autoren des Textes in der Zielsprache4. Auf welcher Be-

Die Erkenntnis einer zweiten, vom Autor selbst intendierten Sinnebene wurde in Italien von A. Tabucchi, I. Calvino, G. Manganelli u.a. vielfach betont und stellt für Komparatisten und Literaturwissenschaftler ein ergiebiges Forschungsfeld dar. Vgl. Ewers, H.-H. (1987), Das doppelsinnige Kinderbuch. Erwachsene als Leser und Mitleser von Kinderliteratur, in «Fundevogel», Nr. 41/42, 1987: S. 8-12. Daß nicht nur Originaltexte, sondern auch Übersetzungen zur Sprachwirklichkeit geschriebener deutscher Sprache gehören, ist eine Einsicht, die in den neueren sprachgeschichtlichen Darstellungen explizit thematisiert wird. Im Zuge des Perspektivwandels der neueren Übersetzungswissenschaft wird sogar vorsichtig von einer "Neugestaltung" des Textes entsprechend einer vorgegebenen Situation, als "Teil der Zielkultur" gesprochen. Vgl. Snell-Hornby, M. (Hg.) (1986), Übersetzungswissenschaft. Eine Neuorientierung,Tübingsn: Francke (=UTB, 1415), und hier u.a. die Beiträge von Vermeer, Senn, Paepckc, Holz-Mänttäri, Schmid. Siehe auch Toury, G. (1980), In search of a theory of translation, The Porter Institute for Poetics and Semiotics: Tel Aviv University.

Der Auffassung der Sprache als Selbstzweck in der Übersetzung stellt sich die Erkenntnis «Sprache als Text in einer Situation, als Teil einer Kukur mit einer bestimmten Funktion» gegenüber, bemerkt Snell-Hornby (1986) in ihrer Einleitung Übersetzen, Sprache, Kultur zum oben zitierten Sammelband (S.9-29, hier: S. 26).

Die "Invarianzproblematik" der Übersetzung stellt ein Kernfrage dar, die immer wieder von neuem gestellt und beantwortet worden ist. Wie zahlreich die Zwischenwerte in ihrer Diskussion sind, läßt sich u.a. in den Beiträgen erkennen, die J. Albrecht 1987 unter dem aussagekräftigen Titel Translation und interkulturelle Kommunikation herausgegeben hat.

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deutungsebene sie Pinocchio lesen und das Werk rezipieren, beeinflußt deutlich ihre Verarbeitungskriterien. Die Deutung und Auslegung der Abenteuer des Hampelmannes stehen meist in engerBeziehung zu ihrer Ausrichtung auf einen bestimmten Empfänger­bzw. Leserkreis und sehr oft zum Zweck, den die Übersetzung in der Zielsprache erfüllen soll. Nicht zu vergessen und zu unterschätzen ist auch der Einfluß, den Verlagsstrategien auf die "Handlungsfreiheit" des Übersetzers ausüben.

Als originelle Variante des Kunstmärchens spielt Pinocchio in zwei Welten, einer phantastischen und einer realen. Das plötzliche Überwechseln von einer in die andere erzeugt oft einen komischen Effekt, der durch die starken Einflüsse des toskanischen Stegreif-Theaters (schlagfertige Repliken, lustige Dialoge, Schimpfkanonaden und Situationskomik) verstärkt wird. Das Werk ist stark soziokulturell markiert und weist prägnante stilistische Charakteristika auf, die textkonstituierend sind. In ihnen spiegeln sich Leben, Brauchtum und Sprache der bäuerlichen Toskana der Jahrhundertwende. Textsorte und Intention Collodis prägen sein Inventar bildhafter Sprache, vorallem die AS-gebundene Metaphorik: Le Avventure weisen z.B. die stattliche Zahl von ca. 80 Belegen auf, in denen eine Metapher in einen Vergleich eingebaut ist. Sie beziehen sich hauptsächlich auf den bäuerlichen Lebensraum im Landesinneren der Toskana und enthalten als tertium comparationisFrüchte, Gemüse, Haustiere, ländlichen Hausrat u.a., z.B.:

«la punta del naso di Mastr' Antonio] era sempre lustra e paonazza, come una ciliegia matura» (1:3); «[Geppetto] piangeva come un vitellino» (111:12); «gli stessi giandarmi [...] piangevano come due agnellini da latte» (XI:34); «[il Tonno era] di una corporatura così grossa e robusta da parere un vitello di due anni» (XXXVI:151); «[il pesce-cane bevve il povero burattino] come avrebbe bevuto un uovo di gallina» (XXXIV: 141); «[Pinocchio] faceva un fracasso, come venti paia di zoccoli da contadini» (111:11); «[la bocca del pesce-cane] era larga come un forno» (X:30); «[maestro Ciliegia] restò di stucco [...] colla linguagiùciondoloni fino al mento, come unmascherone da fontana» (1:4) usw.

Bisweilen steigert sich ihre Bildlichkeit ins ausgesprochen Nationalspezifische, wie etwa in folgenden Beispielen:

«[il pesce-cane] m'inghiottì come un tortellino di Bologna» (XXXV: 146) «Come stai mio caro Lucignolo? - Benissimo: come un topo in una forma di cacio parmigiano» (XXXII: 126)5.

Die meisten dieser Beispiele klingen selbst für den Muttersprachler ungewöhnlich, da sie zwar das Bildhafte plastischer gestalten und Wesenszüge der Karikatur, des Grotesken, und Komischen aufweisen, nicht aber zum festen Bestandteil stehender Redewendungen des italienischen Sprachgebrauchs zählen.

5 Der Originaltext wird nach der Ausgabe [Collodi, C.| Le Avventure di Pinocchio, Pescia 1983 zitiert [Angabe des Kapitels und der Seitenzahl).

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Neben diesen 'ad-hoc Vergleichen ' sind auch zahlreiche Phraseologismen in Collodis Werk vertreten. Ich faße hier in Anlehnung an A. Schmid den Begriff "Phra-seologismus" im operativen Sinne als übergeordneten Terminus auf, der von 'Zwillingsformen' bis zu Sprichwörtern alle festgefügten sprachlichen Einheiten umfaßt6.

II. Für meine Fragestellung, die sowohl übersetzungstheoretischer als auch übersetzungspraktischer Natur ist, habe ich zunächst die italienische Originalfassung untersucht und eine Bestandsaufnahme der Phraseologismen erstellt. Das Inventar ist äußerst reichhaltig und verzeichnet phraseologische Vergleiche (vom Typ bagnato come un pulcino), Zwillingsformen bzw. Wortpaare in starren phraseologischen Verbindungen (vom Typ in fretta e infuria, sano e salvo usw.), sowie satzwertige Phraseologismen - darunter Redewendungen (z.B. f are il burattino, avere la testa di legno usw.), ferner Sprichwörter (z.B. Quel che è fatto è reso, I quattrini rubati non fanno mai frutto, La f arina del diavolo va tutta in crusca usw.) und gesprächsspezifische Phraseologismen.

Die stilistische Markierung (Umgangssprache, gehobene Sprache, familiäre Ausdrucksweise, Dialekt usw.) dieser Phraseologismen zu erkennen, ist für den Übersetzer wichtig, da sie in Pinocchio bestimmte Funktionen erfüllen. Sie charakterisieren die Handlungsbeteiligten sowohl in ihrer Herkunft als auch in ihrem Sozialstatus, ferner den Bezug zum Hörer oder Leser. Neben dieser pragmatischen Funktion erfüllen sie in Pinocchio weitere spezifische Funktionen: in der Art und Weise, wie durch sie Sachverhalte, Situationen, Handlungen sprachlich gefaßt, veranschaulicht, gewertet werden tragen sie wesentlich zum "Sinn" bei7. Sie verraten z.B. Collodis spielerischen Umgang mit Sprache und fungieren als Signale für Ironie. Das Erkennen und die Auslegung dieser Funktionen überläßt der Autor wohlweislich seinen Lesern bzw. Übersetzern. Die doppelte Adressatschaft der Abenteuer des Pinocchio wird folglich entscheidend durch sie geprägt.

Ein für Collodi charakteristisches Verfahren und seine Gewandheit, Sprache kreativ zu verwenden, läßt sich z.B. in Kap. XXVIII erkennen. Hier lautet die Überschrift:

«Pinocchio corre pericolo di ESSER FRITTO in padella come un pesce» (XXVIII: 100). - Hueber - «Pinocchio läuft Gefahr, in der Pfanne GEBRATEN zu werden wie ein Fisch» - dtv - «Pinocchio soll als Fisch in der Pfanne GEBRATEN werden» - Reclam - «Pinocchio wird beinahe wie ein Fisch in der Pfanne GEBRATEN»

Collodi wählt die Wendung esser fritti, legt sie wörtlich aus und entwickelt daraus eine spannende Episode. Neben der wörtlichen Interpretation läßt er aber im Laufe 6 Mitschrift aus einer im Sommersemester 1990 von A. Schmid an der Universität Innsbruck

gehaltenen Vorlesung. 7 Siehe Anm. [6].

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der Erzählung (wie wir sehen werden) auch die Möglichkeit der übertragenen Bedeutung offen. Kap. XXVIII ist folglich auf zwei Bedeutungsebenen lesbar: als Abenteuer an sich genommen oder als ironisches Intermezzo.

Kem dieses "Abenteuers" ist die quasi Verwandlung des Hampelmannes in einen Fisch. Als pesce-burattino (XXVIII: 103) bzw. Hampelmannfisch identifiziert ihn nämlich der Grüne Fischer, als er ihn in seinem vollen Fischnetz entdeckt und als solchen beschließt er ihn auch zu kochen und zu verspeisen. Auf Pinocchios Sträuben bietetihmdas grüne Ungeheuer eine Alternative an und zwar in der Art der Zubereitung:

«In segno di amicizia e di stima particolare, lascerò a te la scelta del come vuoi essere cucinato. Desideri esser FRITTO in padella oppure preferisci di esser COTTO nel tegame con la salsa di pomidoro!» (XXVIII: 103)

«Zum Zeichen meiner Freundschaft und besonderen Hochachtung kannst du dir selbst die Art deiner Zubereitung aussuchen. Möchtest du in der Pfanne GEBRATEN oder lieber im Tiegel mit Tomatensoße GESOTTEN werden?» (dtv:146 f, vgl. auch Hueber, Reclam).

Im Gegensatzpaar "gebraten (in der Pfanne)" und "gesotten (im Tiegel)" wird hier ausschließlich die denotative Bedeutung von esser fritti aktualisiert.

Ein paar Zeilen weiter nimmt Collodi die Wendung wieder auf. Der Grüne Fischer beschließt die Zubereitungsart des Hampelmannes selbst (er wird Pinocchio in der Pfanne braten):

«Lascia fare a me: ti FRIGGERÒ m padella assieme a tutti gli altri pesci, e te ne troverai contento»

und fügt die weise Sentenz hinzu:

«L'ESSER FRITTO in compagnia è sempre una consolazione» (XXVIII: 103)

Die Umgebung dieses Zitats läßt im Italienischen plötzlich auf sehr subtile Weise ein "Mehr" an Aussage offen. Collodi aktualisiert hier die virtuell vorhandene Polysemie von esser fritti - wörtl. "gebraten werden"; idiomat. "zuschanden werden", "ver­nichtet werden" und verleiht dadurch dieser Textstelle einen ironischen Ausdruckswert. Der daraus entstehende suspense - Effekt geht im Deutschen aber unweigerlich verloren:

«In Gesellschaft GEBRATEN zu werden, ist immer ein Trost» (dtv: 147; ebenso Hueber, Reclam)

Im darauffolgenden Kapitel re-moti viert Collodi die idiomatische Wendung: Pinocchio bittet verzweifelt den treuen Hund Alidoro um Hilfe:

«Salvami Alidoro! Se non mi salvi, SON FRITTO» (XXIX: 105).

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Während im Italienischen durch das Nebeneinander der zwei Bedeutungsebenen wiederum ein reizvolles Spannungsverhältnis entsteht, muß im Deutschen entweder die wörtliche oder die übertragene Bedeutungsebene aktualisiert werden. Vgl. die Übersetzungsvorschläge des dtv und Hueber Verlags:

- «Rette mich, Alidoro! Wenn du mich nicht rettest, bin ich VERLORENl» (dtv, 150; Hueber, 219)

Der Übersetzer des Reclam Verlages dürfte das Grotesk-Zufällige und Ironische im Wortspiel zwar erkannt, den Akzent aber bewußt mehr auf das komische Bild verlagert haben, da ja der intendierte stilistische Effekt nicht nachvollziehbar ist:

- «Rette mich Alidoro! Wenn du mich nicht rettest, werde ich GEBRATENl» (130)

Charakteristisch für die zahlreichen Bearbeitungen ist entweder die Streichung dieser Episode (Lutz 1967, Wien-München) oder ihre Straffung bzw. Kürzung mit anderen Akzentsetzungen. Das Groteske des Abenteuers "an sich" rückt z.B. in Bierbaums freier Bearbeitung bzw. Nachdichtung (1905, München-Köln) in den Vordergrund: (Kap. 32) - «Gefangen, geschuppt, in Mehl gewälzt und...». Der erste österreichische Bearbeiter Pinocchios, F. Latterer (1923, Wien), lenkt die Aufmersamkeit auf die Lokalisierung der Episode (Kap. 28 - «In der Höhle»), während in anderen Bearbeitungen (etwa bei A. Grumann und M. Thudichum) die Kapitelüberschriften den Grünen Fischer als Hauptdarsteller ankünden, vgl. Grumann (1913/1914, Freiburg/ B.; Kap. 28): «Der grüne Fischer»; M. Thudichum (1947, Salzburg; Kap. 27): «Uwe Tangbart, der Fischer».

Auffallend ist die starke regionale Gebundenheit vieler Phraseologismen bzw. der Gebrauch zahlreicher Toskanismen, z.B. venire i bordoni (a qualcuno), ciurlar nel manico,pigliar il dirizzone, essere dolce di sale usw. Ihre Bedeutung ist heute vielfach selbst für einen Toskaner schwer oder überhaupt nicht mehr erschließbar.

Ausgehend von drei deutschen Übersetzungen der Abenteuer des Pinocchio*, beschäftigt sich meine Fallstudie mit der Untersuchung folgender Fragestellungen: Wie deutet der Übersetzer Phraseologismen in ihrem textimmanenten Bezugssystem? Inwieweit hängt seine Deutung von Phraseologismen von Zweck und Empfangerbezug der Übersetzung ab?

Als ersten Annäherungsversuch habe ich einen groben Rahmen gewählt, den A. Schmid 1990 in einem Seminar an der Universität Innsbruck ausarbeitete. Er wird in der Folge u.a. noch nach Sprachenpaar und aufgrund von Coserius Unterscheidung in diatopische, diaphasische und diastratische Ebene differenziert werden müssen. Gleichzeitig ist es aber wichtig, auch die Grenzen eines derartigen Unterfangens zu

8 Hueber (1967) [= zweisprachige Ausgabe], dtv (1982), Reclam (1986) [In der Folge zitiert nach Ausgabe und Seitenzahl],

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erkennen. Jeder "rigide" Versuch, die verschiedenen Möglichkeiten der Übersetzung von Phraseologismen in der Übersetzung zu klassifizieren, läuft unweigerlich Gefahr, sprachlichen Erscheinungen "Gewalt" anzutun9.

Für die Übersetzung von Phraseologismen, deren Inhaltsseite in einer aus den Bedeutungen der Bildungselemente nicht ablesbaren, neuen Einheit besteht, die einer Bedeutungsübertragung entspringt, hat der Übersetzer verschiedene Wahl­möglichkeiten:

A. Dem Phraseologismus in der Ausgangssprache steht in der Zielsprache einer gegenüber, derden gleichen Sachverhalt mit Hilfe einer Übertragung in den gleichen Bereich "bedeutet". Seine Wertung und stilistische Markierung bleiben in beiden Sprachen ungefähr gleich:

ita!.: Vorrei crescere un poco anch'io. Non lo vedete? Sono sempre rimasto ALTO COME UN SOLDO DI CACIO (XXV:88)10

dtv - Ich bin immer NICHT GRÖSSER ALS EIN DREIKÄSEHOCH (127) Reclam - Seht ihr nicht, daß ich immer EIN DREIKÄSEHOCH bin? (109) Hueber - Ich bin immer noch SO KLEIN WIE EIN DREIKÄSEHOCH (183)"

ital. : Quei poveri burattini, maschi e femmine, TREMAVANO COME TANTE FOGLIE (X:30)12

Reclam - Die armen Holzpuppen, Männlein und Weiblein, ZUTERTEN WIE ESPENLAUB (38) dtv - Die armen Marionetten, Männlein und Wciblcin, ZITTERTEN WIE ESPENLAUB (47) Hueber - Die armen Holzpuppen, Männlcin und Weiblein, ZITTERTEN WIE ESPENLAUB (69)13

9 Vgl.BURGER,H./BUHOFER,A./SlALM,A.(1982),//aA!^«c/ide/-/5^aieo/ogie,Berlin-New York: de Gruyter.

10 Essere alto quanto un soldo di cacio ("sehr klein, von sehr niedriger Statur sein") verzeichnet im zweisprachigen Wörterbuch von Rigutini-Bulle (Bd.1:118). Siehe Bulle, 0./Rigutini,G. (1896-1902), Nuovo Dizionario Italiano-Tedesco e Tedesco-Italiano, 2* e 3* ediz. Lipsia: B. Tauchnitz, Milano: Hoepli (2 voli.) [in der Folge zitiert: Rigutini-Bulle, Band und Seitenzahl]. Die gleiche Wendung wird auch im einsprachigen Wörterbuch Zingarelli angegeben und zwar als Toskanismus im figurativen Sprachgebrauch (di bambino o persona di piccola statura; S. 263).SieheZingarelli,N. (1990), VocabolariodellaLingualtaliana,\\acdi¿., Bologna: Zanichelli [in der Folge zitiert: Zingarelli (1990) und Seitenzahl].

11 Nach Küpper (Bd. 1:76) bezeichnet dieser Ausdruck einen 'kleinen Jungen': «Käse ist ein volkstümlich witziges Größenmaß. 18.Jh.». Siehe Küpper, H. (Hg.) (1971), Wörterbuch der deutschen Alltagssprache, München: dtv, 2 Bdc [in der Folge zitiert: Küpper, Band und Seitenzahl].

12 Im Zingarelli (1990:744) als "fig." gekennzeichnet mit der Bedeutung "tremare di freddo, di paura". Vgl. Bulle/Rigutini: "zittern wie Espenlaub" (Bd.1:317).

13 Röhrich verzeichnet die Redensart mit der Bedeutung "heftig zittern" (Bd.l:247f). Siehe Röhrich, L. (1973), Lexikon der sprichwörtlichen Redensarten, Frciburg-Bascl-Wien: Herder, 4 Bde. [in der Folge zitiert: Röhrich, Band und Seitenzahl].

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¡tal: «Hai PARLATO COME UN LIBRO STAMPATO*.» urlarono quei monelli (XXVI:91)14

dtv - «Du SPRICHST ja WIE GEDRUCKT.» schrien die Lausbuben (131) Reclam - «Du SPRICHST ja WIE EIN BUCHI» schrien die Lausbuben (113)15

Hueber - «Du hast geredet wie ein gedrucktes Buchi» brüllten die Spitzbuben (189)

¡tal.: Deuo fauo, infilò giù per la strada traversa e cominciò a CORRERE A GAMBE (IX:26 seg.)16

dtv - Gesagt, getan. Er schlug die Querstraße ein und LIEF, WAS SEINE BEINE HERGABEN (42) Reclam - Gesagt, getan. Er bog in die Querstrasse ein und NAHM DIE BEINE UNTERM ARM (33)17

Hueber - Gesagt, getan. Er schlug die Querstrasse ein und lief eilends davon (63)

B. Dem Phraseologismus in der Ausgangssprache steht in der Zielsprache einer gegenüber, der den gleichen Sachverhalt durch Übertragung nicht in den gleichen, sondern in einen anderen Bereich "bedeutet". Seine Wertung und stilistische Markierung bleiben in beiden Sprachen ungefähr gleich:

ital.: Geppetto era bizzosissimo [...] DIVENTAVA SUBITO UNA BESTIA, e non c'era più verso di tenerlo (II:6)18

dtv - Geppetto war sehr reizbar [...] G leich G ERI ET ER A UßER RAND UND BAND und keine Macht der Welt konnte ihn mehr halten (11) Reclam - Geppetto geriet schnell in Zorn [...] [er] WURDE [...] FUCHSTEUFELSWILD und war nicht mehr zu halten (8)1' Hueber - Geppetto war sehr jähzornig [...] Er WURDE sogleich FUCHSTEUFELSWILD und war nicht mehr zu halten (21)20

14 ImZingarelli (1990:1335) als "fig."gekcnnzeichet mit der Bcàculungbenissimo,propriamente. 15 Röhrich verzeichnet 'reden wie ein Buch' (Bd.l:175). 16 Correre a gambe (d.h. a gambe levate): Toskanismus.Im Zingarelli (1990:789) wird nur die

Wendung «darsela a gambe» registriert. Bullc/Rigulini gibt darla a gambe ("eiligst laufen, fliehen") an (Bd 1:337).

17 Röhrich registriert: "die Beine in die Hand / unter die Arme nehmen" mit der Bedeutung "sich beeilen" (Bd.l: 111).

18 Zingarelli (1990:206) verzeichnet die Wendung «andare in bestia» mitderBedeutung"infuriarsi". Rigutini-Bulle gibt Varianten an «andare, montare, saltarcele, in bestia» ("in Wut geraten, zornig werden") (Bd.l:98).

19 In Küpper (Bd. 1:99) verzeichnet mit der Bedeutung "sehr zornig". Vgl. auch die von Röhrich (Bd. 1:294) angeführte Bedeutung "sehr aufgeregt, sehr zornig". Doch im Gegensatz zu Küpper gibt Röhrich für die Entstehung des Adjektivs "fuchsteufelswild" mehrere Erklärungen an. Im Rahmen der Abhandlungen über Wortbildung wird besagtes Adjektiv als Zusammensetzung betrachtet und zwar als Vergleichsbildung, die auch als Verstärkungsbildung aufgefaßt werden kann. Siehe Fleischer, W. (1982), Wortbildung der deutschen Gegenwartssprache, Tübingen: Niemeyer (hier S. 245) [in der Folge zitiert: Fleischer (1982) und Seitenzahl].

20 Vgl. Anm. [19].

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¡tal.: ...e la fame DAL VEDERE AL NON VEDERE, si convertì in una fame da lupi (V: 16)21

dtv ­ und der Hunger wurde IM HANDUMDREHEN zu einem wahren Heißhunger (25)^

Reclam ­ und aus dem Hunger wurde IM HANDUMDREHEN ein Bärenhunger (20)23

Hueber ­ und der Hunger verwandelte sich unversehens in einen Wolfshunger (41)

ital.: «Sì, parlo di te, povero Pinocchio; di te che sei così DOLCE DI SALE da credere che i denari

si possano seminare e raccogliere nei campi, come si seminano i fagiuoli e le zucche» (X1X:65)

[sagt der Papagei zu Pinocchio]24

Hueber ­ ...armer Pinocchio, der du so WENIG GRüTZE IM KOPF HAST (137)25

Reclam ­ ...du HAST ja so WENIG GRÜTZE IM HIRN (81)26

dtv ­ ...du bist ja so STOCKDUMM (94)27

C. Dem Phraseologismus in der Ausgangssprache steht in der Zielsprache kein ­ nach den in A und Β genannten Kriterien ­ entsprechender Phraseologismus gegenüber. Entsprechend der Funktion (und der Adressatschaft) der Übersetzung soll aber die bildhafte Ausdrucksweise, die etwa die Übertragung der stilistischen Eigenart des Textautors miteinschließt, beibehalten werden. Hier liegt oft die annähernd wörtliche Übersetzung des ausgangssprachlichen Phraseologismus nahe:

¡tal.: [Pinocchio] riprese a CORRERE per ii bosco A CARRIERA DISTESA (XV:47)M

Hueber ­... nahm [...] seinen Lauf durch den Wald in gestrecktem Galopp wieder auf (101)

dtv ­... rannte er weiter durch den Wald (70)

Reclam ­... RANNTE er, WAS DAS ZEUG HIELT (58)29

21 Toskanismus. Im Bulle/Rigutini verzeichnet mit der Bedeutung "plötzlich; in einem Nu; in

einem Augenblick" (Bd. 1:894).

22 Verzeichnet in Röhrich mit der Bedeutung "im Nu" (Bd.2:381).

23 Siehe Anm. [22].

24 Toskanismus. Essere dolce di sale im Sinne von contenerne troppo poco und fig. literarisch

verwendet mit der Bedeutung esser sciocco: s. Zingarelli (1990:1678). Im Bulle/Rigutini als

"fam." verzeichnet mit der Bedeutung "dumm; einfältig; borniert; fade; albem; abgeschmackt"

(Bd. 1:726).

25 Röhrich bezeichnet die Redensart "Grütze (d.h. Verstand) im Kopf haben" als sehr anschaulich

und erklärt: Grütze heißen eigentlich die von den Hülsen, den Spelzen, befreiten und dann

kleingeschnittenen Getreidekörner. 'Grütze im Kopf haben ' wird in der Bedeutung von 'gescheit

sein' verwendet (im Gegensatz zu 'Spreu, Stroh im Kopf haben') (Bd.2: 353).

26 Vgl. Anm. [25].

27 Röhrich verzeichnet ­ ausgehend von der Redensart "wie ein Stock dastehen" (d.h. stumm und

steif dastehen) ­ die Bildungen "stockdumm", "stocktaub, "stockstciF' usw. (Bd.4:1028). Auch

nach Fleischer (1982:293) dürften Adjektiva wie z.B. "stockdumm" u.a. auf dem Weg über

bestimmte Vergleichsbildungen zustandegekommen sein (zunächst vielleicht "stocksteif ­

"steif wie ein Stock").

28 Toskanismus. Im Zingarelli (1990:310) wird carriera als Bedeutungserweiterung von corsa

(Lauf) angeführt; es werden allerdings nur folgende Varianten zitiert: andare di carriera, di gran

carriera, a tutta carriera (molto velocemente). Bulle/Rigutini verzeichnet andare di carriera,

di tutta carriera, di gran carriera (davonjagen) sowie andare sempre di carriera ("immer rennen

wie ein Bürstenbinder") (Bd.l:138).

29 Küpper (Bd.2:476) verzeichnet "was das Zeug hält" (d.h. aus Leibeskräften) in den Beispielen

"er rennt, was das Zeug hält", "er lügt, was das Zeug hält" und erklärt: "Zeug" bezeichnet das

Geschirr der Zugtiere. Die Redewendung ist sachverwandt mit der modernen "was der Motor

hergibt".18. Jh. Vgl. auch Röhrich (Bd.4:l 180) "arbeiten/ rennen, was das Zeug hält".

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¡tal.: ...mi trovavo A TOCCO E NON TOCCO di diventare un ragazzo, come in questo mondo ce

n'è tanti (XXXIV: 138) [sagt Pinocchio]30

Hueber ­ Ich war auch schon ganz nahe daran, ein Junge zu werden (287)31

dtv/ Reclam ­ und ich war DRAUF UND DRAN, ein richtiger Junge zu werden (192/ 171)32

i tal.: «Questo ragazzo è stato ferito in una tempia: chi è che l'ha ferito?» [disse uno dei carabinieri]

«Io no» balbettò il burattino che NON AVEVA PIÙ' FIATO IN CORPO (XXVII:98)

Hueber ­... [das Holzbübchen], das keinen Atem mehr in der Brust hatte (203)

Reclam ­ ... [der hölzerne Junge], der VOR ANGST KEIN WORT MEHR ÜBER DIE LIPPEN

BRACHTE (120)

dtv ­... [der Hampelmann], dem VOR ANGST DAS HERZ IN DIE HOSE RUTSCHTE (139)"

D. Dem Phraseologismus in der Ausgangssprache steht in der Zielsprache kein ­ nach

den in A und Β genannten Kriterien ­ entsprechender Phraseologismus gegenüber. Die

bildhafte Ausdrucksweise mußabernichtunbedingt beibehalten werden. Im Deutschen

liegt dann nicht­phraseologische Übersetzung nahe:

ital.: [Pinocchio] tutto confuso e impensierito di quel suo naso che cresceva A OCCHIATE

(XVILSS)34

dtv/ Reclam/ Hueber

­ ganz verwirrt und besorgt über seine Nase, die zusehends wuchs (84/ 72/ 123)

ital.: «E se vengo con voi, che cosa dirà la mia buona Fata?» disse il burattino che cominciava a

intenerirsi e a CIURLAR NEL MANICO (XXXI: 18)35

dtv ­... der Hampelmann, der schon unsicher wurde (167)

Reclam ­... der hölzerne Junge, der allmählich schwach und schwankend wurde (147)

Hueber ­... das Holzbübchen, das anfing, weich und schwankend zu werden (247)

30 Toskanismus. Essere [trovarsi] a tocco non tocco (d.h. essere a un pelo; lì, lì) ist weder im Bulle/

Rigutini noch im Zingarelli (1990) verzeichnet.

31 In Röhrich nicht angeführt.

32 In Röhrich verzeichnet mit der Bedeutung "im Begriff sein; gerade dabei sein, etwas zu

beginnen" (Bd. 1:211).

33 In Röhrich wie folgt verzeichnet: "Dem Feigling Tàlli (rutscht) das Herz in die Hosen' (oder 'in

die Stiefel'); ähnl. schon lat.: 'animus in pedes decidit'[...] Die Hose als Richtungsangabe, wohin

der Mut sinkt, hängt mit der umg. Glcichseizung von Mutlosigkeit (Angst, Feigheit) mit

Durchfall oder beschmutzter Hose zusammen" (Bd.2:415).

34 A occhiate (d.h. a vista d'occhio): Toskanismus. Im Zingarelli ist besagte 'locuzione' nicht

angeführt, im Bulle/Rigutini hingegen milder Bedeutung "zusehends" verzeichnet (Bd. 1:520).

35 Toskanismus. Im Zingarelli (1990:379) als "loc. fam. fig." verzeichnet mit den Bedeutungen

tentennare und sfuggire, sottrarsi a promessa o proposito con raggiri o rinvìi. Im Bulle/Rigutini

als "fig." bezeichnet, mitdcrBcdcutung "nicht fest bei seinen Vorsätzen bleiben, sein Wort nicht

halten" (Bd. 1:162).

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ital.: Anzi quella birba di Pinocchio, voltandosi indietro a GUARDARLO IN CAGNESCO, gli disse sgarbatamente... (XXVU:96)X

dtv - Ja, dieser Windhund Pinocchio, sah sich sogar wütend um... (137) Reclam - dieser Schlingel von einem Pinocchio, drehte sich noch um, warf ihm einen scheelenBlick zu... (US) Hueber - Der Spitzbub von einem Pinocchio drehte sich sogar noch um, sah ihn grimmig an ...(199)

ital.:... ma la bestiòla, voltandosi A SECCO, gli détte una gran musata... (XXXI: 19)37

Reclam -... drehte sich plötzlich um... (147) dtv - Aber das liebe Tierchen drehte sich urplötzlich um... (168) Hueber - Aber das Tierchen drehte sich unversehens um... (249)

E. Der Übersetzer hat schließlich auch die Möglichkeit (in Hinblick auf Funktion und Adressatschaft der Übersetzung) phraseologische Transportverluste in der Zielsprache zu kompensieren und zwar durch eine phraseologische Verlagerung:

ital. - Appena fu sulla spiaggia, il burattino spiccò un bellissimo salto, come avrebbe potuto fare un ranocchio (XXVII: 100) Hueber- Kaum warder hölzerne Bube am Strand, tatereinen prächtigen Sprung, wie ihn ein Frosch nicht hätte besser machen können (2070 Reclam - Kaum war der hölzerne Junge am Strand angelangt, machte er einen gewaltigen Sprung, wie ihn kein Frosch hätte besser machen können (123) dtv - Kaum hatte der Hampelmann den Strand erreicht, da machte er einen WUNDERBAREN HECHTSPRUNG (143)

ital. - Geppetto [...] non avendo parole lì lì per difendersi, piangeva come un vitellino... (111:12) Hueber - Geppetto [...] fand im Augenblick keine Worte, um sich zu verteidigen, weinte wie ein Kalb...(35) Reclam - Geppetto [...] fand keine Worte der Verteidigung, weinte wie ein Kälbchen... (16) dtv - Geppetto [...] fand im Augenblick gar keine Worte zu seiner Verteidigung, WEINTE WIE EIN SCHLOßHUND... (20)38

36 Im Zingarelli (1990:266) verzeichnet als "fig." im Sinne von guardar torvo. Ebenso im Bulle/ Rigutini guardare in cagnesco (fig.) grimmig, scheel, drohend anschauen (Bd.1:119).

37 A secco (d.h. tulia un tratto, di scatto): Toskanismus. Im Zingarelli (1990:1756) verzeichnet als "fig. raro" mit der Bedeutung all'improvviso, inaspettatamente, a un tratto. Bulle/Rigutini (Bd. 1:763) gibt nur die Wendung dire/fare qc. in secco oder di secco in secco (etw. ganz unverhofft, unvorbereitet tun oder sagen) an.

38 Vgl. Küpper: "wie ein Schloßhund heulen" (heftig weinen). Leitet sich her von der Erfahrungstatsache, daß der angekettete Hund klagende Töne ausstößt. 19. Jh. (Bd.2:320).

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Page 330: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ital. ­ «Un regalo a noi?» gridò la Volpe sdegnandosi e chiamandosi offesa...(Xll:39)

Hueber ­ «Ein Geschenk für uns?» rief der Fuchs, indem er sich entrüstet und beleidigt stellte (85)

dtv ­ «Uns schenken», rief der Fuchs entrüstet aus und tat ganz beleidigt (59)

Reclam ­ «Uns schenken?» sagte der Fuchs entrüstet und SPIELTE DIE BELEIDIGTE

LEBERWURST (49)39

III. Schlußbemerkung

Die Äquivalenzforderungen eines literarischen Textes orientieren sich nicht bloß wie

in wissenschaftlich­technischen Texten an den dargestellten Sachverhalten, sondem

am Text selbst, am stilistischen Register, den formalen Besonderheiten und stilistischen

Konnotationen. Ausgehend von einem "doppelsinnigen" Buch wie Ρ inocchio,können

wir folgende "Zwischenbilanz" ziehen: die Deutung, die das Werk im deutschen

Sprachraum erfahren hat, steht u.a. in direktem Verhältnis zur Art und Weise, in der

die Übersetzer sowohl das phraseologische Inventar als auch die konnotativen Werte

des Ausgangstextes (z.B. sozial bedingter Sprachgebrauch, Sprachschicht, geo­

graphische Zuordnung, Bewertung, Emotionalität etc.) erkannt und in bezug auf

Adressatschaft und Funktion der jeweiligen Übersetzung in der Zielsprache

berücksichtigt haben. Die drei von uns gewählten deutschen Ausgaben (Hueber, dtv,

Reclam) richten sich in ihrem Empfangerbezug sowohl an Kinder als auch Erwachsene,

sie unterscheiden sich jedoch hinsichtlich ihrer Funktion.

Der Hueber Verlag bietet (in der Reihe Sprachen der Welt) eine dem Originaltext

gegenübergestellte Übersetzung, die weitgehend «wortgetreu» ist und sein will

(Vorwort, S. 7). "Feststehende italienische Redewendungen" sind laut Übersetzerin

nur dann durch "entsprechende deutsche Redewendungen" ersetzt, wenn sie sich

nicht wörtlich übertragen lassen (Anmerkungderübersetzerin, S. 5). Der zweisprachige

Text soll explizit als Lese­ und Verständnishilfe dienen, zum "unmittelbaren

Vergleichen" anregen sowie zur "Vertiefung" bereits vorhandener Sprachkenntnisse

des Italienischen oder des Deutschen beitragen (Vorwort, S. 9).

Die Pinocchio ­ Ausgaben des dtv und Reclam Verlages sind hingegen einsprachig

und haben eine ganz andere Zielsetzung. Mitjeweils unterschiedlicher Akzentsetzung

und stilistischer Markierung tragen sie den literarischen Traditionssträngen

(Erziehungs­, Abenteuer­ und Schelmenroman, Gesellschaftssatire, Märchen, Fabel

und Typenkomödie) des Werkes Rechnung.

39 Röhrich führt die Redensart "Er spielt die gekränkte (beleidigte) Leberwurst" an (d.h. er ist

gekränkt, er schmollt). Die Leber gilt als Sitz des Gemütslebens. Nach Röhrich dürfte die

Entstehung dieser lustig­spottenden Wendung auf eine Erzählung zurückzuführen sein, in der

eine Leberwurst im Kessel aus Ärger darüber platzt, daß man eine Blutwurst als erste aus dem

Wurstkessel herausgeholt hat (Bd.2:585). Vgl. auch Küpper (Bd. 1:186) "beleidigte (gekränkte)

Leberwurst": Mensch, der sich (ohne Ursache) gekränkt fühlt.

328

Page 331: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Die aufmerksame Lektüre dieses doppeldeutigen Werkes und die eingehende Beschäftigung mit seinen deutschen Übersetzungen aus phraseologischer Sicht führt zu einem weiteren Resultat oder - pointiert ausgedrückt - gibt einen doppelsinnigen Denkanstoß. Verstärkt einerseits das wissenschaftliche Bemühen den Grad an Bewußtheit hinsichtlich des beim Übersetzen zu Bewahrenden, so trifft andererseits aus übersetzungspraktischer Sicht F. Senn den Nagel auf den Kopf, wenn er bemerkt: Klug vom Übersetzen zu sprechen, ist bequemer als es selbst zu tun.

Sonia MARX Institut für Dolmetschen und Übersetzen

Universität Innsbruck Fischnalerstraße 4 A-6020 Innsbruck

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Page 332: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations
Page 333: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

La terminologie parémiologique française et sa correspondance espagnole

Julia Sevilla Muñoz

Sommaire

1. Introduction 2. Parémies proprement dites 3. Parémies comiques ou ironiques 4. Parémies scientifiques 5. Correspondance des parémies françaises et espagnoles 6. Conclusion

1. Introduction

La traduction d'énoncés sentencieux ne constitue pas une entreprise facile à réaliser, vu les grandes difficultés qu 'implique la recherche de la correspondance adéquate des formules proverbiales de la langue source dans la langue cible; ces difficultés sont causées principalement par: a) la complexité même de ces énoncés1; b) le nombre pratiquement nul de bons répertoires ou de dictionnaires qui établissent la corres­pondance entre les unités parémiologiques françaises et espagnoles2, et c) la mé­connaissance de plus en plus grande du discours de sagesse, point que nous allons traiter brièvement dans cet article.

Le riche et ancien champ proverbial français et espagnol a été recueilli dans de nombreux ouvrages et nous disposons d'une large liste de termes pour désigner les unités linguistiques qui le composent. En français, nous avons:

Adage Parémie Aphorisme *Parler Apophtegme Phrase proverbiale

1 Nous avons étudié cet aspect dans notre article «La traducción al español de algunas paremias francesas», Actas de los II Encuentros Complutenses en torno a la traducción [1988], Editorial de la Universidad Complutense, Madrid, 1990.

2 Nous avons fait une étude critique de cinq œuvres consacrées à la traduction des parémies françaises et espagnoles dans notre article «Algunas referencias sobre las traducciones paremiológicas entre el fiancés y el español», Équivalences (sous presse).

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Axiome

*Brocard

Cri de guerre

Devise

Dicton

♦Dit, dist

*Escripture, escriture

Maxime

*Mot

Principe

Proverbe

*Reprovier, reprouvier, repruvier

reprouir, repruver, raprovier

♦Respit, resprit

Sentence

Slogan

Tautologie

Théorème

Wellérisme

La langue espagnole dispose aussi d'une vaste nomenclature parémiologique:

Adagio

Aforismo

*Anaxir, anejín, anejir

Apotegma

Axioma

*Brocárdico

♦Conseja

♦Derecho

Dialogismo

Dictado tópico

Divisa

♦Enxiemplo, exemplo, enxemplo,

ensiemplo

♦Escomma

♦Escriptura

Eslogan

♦Espunte

♦Evangelio abreviado / breve /

corto / chico / pequeño

♦Fablilla, fabliella, fabriella,

fabrilla, fabla, habla

♦Fazaña

Frase proverbial

Grito de guerra

♦Jeroglífica

Lema

Máxima

♦Palabra, paraula

♦Parlilla, parlylla

♦Patraña, pastraña, patranna

Principio

♦Proloquio

Proverbio

♦Razón

Refrán

♦Retraher, retrair, retraire,

retrayre

♦Sentenzuela

♦Símbolo

Tautología

Teorema

♦Texto

♦Verbo, vierbo

♦Viesso, verso

♦Vulgar

Wellerismo

A ces deux recueils peuvent s'ajouter d'autres termes plus ou moins discutables, mais

nous avons préféré ne pas le faire parce que cela n'est pas essentiel pour les objectifs

de cette étude, qui a pour objet l'éclaircissement conceptuel et la classification de

cette terminologie, car l'aspect conceptuel des unités parémiologiques n'a pas été

suffisamment étudié et il y règne une grande confusion, due probablement aux traits

communs que les énoncés sentencieux ont entre eux.

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Page 335: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Nous pensons exclure de notre étude les mots de ces répertoires qui ne s'emploient guère parce qu'ils sont tombés en désuétude, parce qu'ils sont archaïques ou dialectaux ou parce que leur sens est très restreint3. Ce sont les mots qui sont précédés d'un astérisque dans les deux listes. La plupart de ces mots n'éclaireraient pas cette étude, puisque la plupart d'entre eux étaient utilisés, au Moyen Age, indistinctement pour faire référence au discours proverbial.

Le manque de précision conceptuelle des unités parémiologiques françaises et espagnoles constitue le premier et le principal problème pour celui qui pense les traduire ou les comparer.

Bien des écrivains se servent d'une manière indistincte des énoncés sentencieux, en les considérant comme synonymes; d'autres les citent sans spécifier leurs caractéris­tiques ou bien réalisent des études partielles sur leur sens métaphorique possible ou leur structure binaire par exemple, au détriment de leur sens global. Il y a aussi des autorités qui proposent des définitions qui ne comprennent pas tous les traits sémantiques de l'énoncé en question. En juillet dernier, le Prix Nobel Camilo José Cela, par exemple, estimait que le refrán estia «phrase signifiante, d'origine anonyme et populaire et de termes prévus et inamovibles, qui, en rattachant deux idées ou plus, fonctionne comme unité de sens»4. Le caractère populaire, le fait d'être une unité de sens, la structure binaire, propres à cet énoncé sont présents dans cette définition; par contre, des traits comme l'enchâssement, les éléments mnémotechniques ou la condensation n'y sont pas. En outre, ces énoncés ne sont pas toujours composés d'une phrase; bien au contraire, ils ont fréquemment plus d'une phrase.

Tout cela nous amène à une situation vraiment surprenante: nous ne possédons pas une notion exacte des éléments qui configurent l'univers parémiologique. Certains érudits ont même déclaré que ni les anciens ni les modernes n'ontréussi à délimiter les barrières linguistiques du monde proverbial. Comment ferons-nous alors pour traduire en es­pagnol les énoncés sentencieux français et vice versa, si nous ne connaissons pas leur définition et que nous ne pouvons pas non plus les distinguer les uns des autres.

La seule solution pour dissiper cette confusion, c'est de se mettre d'accord sur une terminologie parémiologique commune en cherchant une désignation précise et aussi univoque que possible. Une fois cette terminologie établie, nous nous trouverons en mesure d'atteindre la correspondance entre les unités parémiologiques françaises et espagnoles. 3 Cf., pour les mots espagnols, Emilio Cotarelo y Mori, «Semántica española: refrán», Boletín de

la Real Academia Española, IV, 1917, pp.242-259; pour les mots français, F. Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, Kraus Reprint, Nendelh/Liechtenstein, 1969.

4 Cf. Cette définition a été prononcée le premier juillet de cette année, 1991, par Camilo José Cela dans la leçon inaugurale du Cours «El Refranero Espagnol», dans les Cours d'Été "El Escorial", organisés par l'Université Complutense de Madrid.

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Page 336: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Nous avons commencé cette entreprise en faisant une analyse comparée des théories ou des idées des principales autorités françaises et espagnoles (plus d'une centaine entre parémiologues, linguistes et écrivains) sur les formules sentencieuses depuis le Moyen Age jusqu'à nos jours5. Après cette analyse, nous sommes arrivés à la conclu­sion que le termeparémie -etparemia en espagnol- est l'archilexème qui contient les sèmes communs et predicables à tous les énoncés sentencieux, le terme le plus adéquat pour désigner l'ensemble des formules dites «lapidaires», appelées généra­lement proverbes, en français, et refranes, en espagnol.

Pour nous, «parémie» -et «paremia» en espagnol- c 'est /' unitéfonctionnelle mémorisée en compétence qui se caractérise par la brièveté, le caractère sentencieux, l'anti­quité, l'enchâssement et le fait d'être une unité close. Ce terme va nous servir de base pour la recherche des similitudes et des différences entre les unités sentencieuses françaises et espagnoles, ce qui va nous permettre de proposer une nouvelle classi­fication et une définition des énoncés qui configurent l'univers parémiologique français et espagnol et, par conséquent, de trouver leur correspondance.

Les parémies, donc, sont formées de cinq groupes:

1. Parémies proprement dites 2. Parémies comiques ou ironiques 3. Parémies scientifiques 4. Parémies chevaleresques 5. Parémies publicitaires

Nous ne traiterons ici que les trois premiers groupes.

2. Parémies proprement dites

On trouve dans le premier groupe le proverbe et des termes qui sont en affinité avec lui (Vadage, Vapophtegme, le dicton, la maxime, le principe et la sentence).

Le proverbe est une parémie qui se caractérise par les traits suivant : elle est populaire, répétitive, célèbre, universelle, et elle a une thématique générale, une structure binaire et un sens idiomatique6; elle a pour base l'expérience et elle se sert d'éléments mnémotechniques. Par exemple:

Cfr. notre livre Hacia una aproximación conceptual de las paremias francesas y españolas, Editorial de la Universidad Complutense, Madrid, 1988. L'idiomaticité «est le trait sémantique propre à certaines constructions linguistiques fixées, dont le sens ne peut pas s'établir ni à partir des signifiés des éléments qui les composent ni à partir de leiucombinaison»,cfr. AlteitoZuluaga,/nfrodMcc/órt a/ejruÆ^ a. M./Bern, Peter D. Lang, 1980, pp. 122.

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Page 337: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

A bon chat, bon rat.

Ane d'Arcadie, I Chargé d'or mange chardons et ortie.

Il y a deux termes espagnols qui correspondent au signifié du proverbe: le refrán et leproverbio, mots considérés généralement des synonymes; cependant, ils présentent des différences. Les deux parémies se distinguent par la généralité, la répétition, le sens idiomatique, l'acuité, le tranchant, la structure binaire, l'universalité et la célébrité; elles sont fondées sur l'expérience et possèdent des éléments mnémotech­niques. Mais, le refrán, d'origine étymologique occitane, est populaire, familier et fréquemment enjoué, plaisant et badin, face à la gravité et le sérieux du proverbio, parémie de caractère plus cultivé et plus lointain dans le temps ou dans l'espace. On dira des proverbios chinos et non des refranes chinos. Nous avons le refrán

A buen gato, buen rato.

face au proverbio

Asno de Arcadia, lleno de oro y come paja.

Cette indifférenciation générale est due probablement à l'emploi exclusif, en espa­gnol, du terme proverbio avant l'apparition du terme refrán. Le refrán, qui était le puîné dans la famille parémiologique espagnole, en est devenu peu à peu le membre le plus important; et, par conséquent, leproverbio a été relégué à une position infé­rieure, bien qu 'il garde grosso modo tous les traits du refrán, dont il était le précurseur.

N'oublions pas l'existence de ce que l'on a nommé proverbes dialogues et proverbes locaux et historiques.

Les premiers, appelés aussi phrases proverbiales dialoguées1, consistent à offrir sous forme de dialogue un message sentencieux. Leur correspondance espagnole serait, à notre avis et conformément aux recherches que nous avons effectuées à ce propos8, le dialogismo, c 'est-à-dire la parémie qui met sous forme de dialogue les idées prêtées à des personnages. La formule de remplissage (Como) dijo el otro peut être présente ou sous-entendue dans le dialogismo. Par exemple:

Dijo a la lluvia el viento: "Cuando tú vienes, yo me ausento".

Dice la tierra: "Amigo, dame buena labor y te daré mucho trigo".

Holgad, gallinas, que el gato está en vendimias.

7 Cf. Louis Combet, Recherches sur le "Refranero" Castillan, Les Belles Lettres, Paris, 1971, pp. 40-43.

8 Cf. le chapitre XVI, «El wellerismo, el dialogismo y el "wellérisme"», de noue livre Hacia una aproximación conceptual de las paremias francesas y españolas, op.cit.

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Page 338: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Par contre, cette formule est le plus souvent sous-entendue en français:

Si tu aimes le miel, ne crains pas les abeilles.

Qui m'aime, aime mon chien.

La dénomination phrase proverbiale dialoguée semble très imprécise pour désigner un type de parémie qui se distingue par sa complexité syntaxique. Nous considérons plus intéressant d'enrichir la liste parémiologique française en proposant l'usage du terme dialogisme, qui traduit beaucoup mieux les caractéristiques de cette parémie.

Les proverbes locaux ou historiques9 font allusion à un fait qui mentionne une zone déterminée. Le proverbe local, se fondant sur le statique spatial, effectue un parcours laudatif ou souvent dépréciatif:

Qui n'a pas vu la Bouille n'a rien vu.

Andelarre, Andelarrot, Les femmes n'y valent pas un pot

La parémie espagnole qui correspond aux caractéristiques du proverbe local ou his­torique serait le refrán geográfico ou dictado tópico™. Par exemple:

Quien no ha visto Sevilla, no ha visto maravilla.

De Miedes [Guadalajara], ni vacas, ni mujeres.

Il nous semble plus précis d'utiliser la première dénomination, refrán geográfico, car le dictado tópico est plus générique: il comprend les documents folkloriques qui, en adoptant toute forme littéraire vulgaire (cantares, refranes, modismos), font allusion aux particularités des villages et de leurs habitants11. Récemment, il a été fait un autre emploi de dictados tópicos qui ne nous paraît pas très heureux: le Prix Nobel Camilo José Cela utilise les dictados tópicos pour désigner non seulement les «decires geográficos» - en employant ses propres mots - mais aussi n'importe quel type d'énoncé sentencieux (refranes, apotegmas, máximas, sentencias,...). Nous ne sommes pas du même avis, puisque le régionalisme n 'est pas un trait commun à toutes les parémies: le régionalisme caractéristique des dictados tópicos, qui sont seulement applicables au lieu auquel ilsfont allusion, contraste avec l'universalité desproverbios, par exemple.

9 Cfr Agnès Pierron, «Les proverbes locaux et historiques», Dictionnaire de Proverbes et dictons, Le Robert, Paris, 1980, pp. 278-279.

10 Cf. notre article «La provincia de Guadalajara en sus refranes y copias», Anales seguntinos, I, 1984, pp. 151-165.

11 Cf. AntonioR. Rodríguez Moñino,Dictados tópicos de Extremadura, Antonio Arqueros, Badajoz, 1931, p.9.

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Page 339: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Il existe une autre parémie dont la portée est aussi extrêmement limitée (une région,

une contrée ou même un village seulement); il s'agit du dicton12.

Le dicton, fondé sur l'expérience, adopte fréquemment une forme poétique et des

éléments mnémotechniques; il est particulier, spécifique, répétitif, pratique et son

sens n'est pas idiomatique comme dans le cas du proverbe, mais littéral, car le mes­

sage du dicton est saisi immédiatement, sans avoir recours à un processus d'abstrac­

tion. Il y a encore d'autres traits du dicton qui établissent des barrières conceptuelles

très nettes par rapport au proverbe: ce sont sa thématique spécifique et son caractère

local.

La thématique du dicton porte sur le temps, le travail et la superstition. Nous avons

donc trois classes de dictons:

a) Les dictons météorologiques, qui contiennent des prédictions ou des constatations

concrètes sur le temps établies sur la relation cause­effet. Par exemple:

Quand le chat se passe la patte sur la tête, Bientôt il y aura tempête.

b) Les dictons du travail, qui donnent des conseils sur les activités quotidiennes de

l'homme relatives à chaque saison, mois ou fête. Ainsi, l'énoncé

Tue ton cochon à la Saint­Martin Et invite ton voisin.

recommandait l'époque à laquelle on devrait procéder à l'abattage des porcs. La

plupart de ces conseils sont devenus inefficaces avec le développement de l'industrie

agricole.

c) Les dictons de la croyance, qui offrent soit des règles empreintes de superstitions

dont le but est de changer le temps futur, soit des avertissements concernant l'avenir:

Qui tue le goéland, La mort l'attend.

Nous avons remarqué qu'il y a une différence évidente entre le proverbe et le dicton,

mais cette distinction terminologique n'existe pas en espagnol; car le refrán est la

correspondance de ces deux parémies. Une tentative de traduire cette dualité tout en

obtenant une plus grande précision terminologique en espagnol peut consister à

restreindre le signifié du mot refrán avec l'adjonction d'un adjectif. Ainsi, nous

ferons allusion aux:

12 Cf. notre article «Los "dictons": propuesta de sistematización», Revista de Filología Francesa,

ηβ 1 Editorial compútense, Madrid, 1992, pp. 175­187.

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Page 340: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

a) Refranes meteorológicos:

Cuando el gato se lava la cara, lluvia cercana.

b) Refranes laborales:

Por San Martín, mata tu guarrín y destapa tu vinín.

Por San Martino, prueba tu vino y mata tu cochino.

c) Refranes supersticiosos:

A quien destruye un hormiguero, le vendrá duelo.

Une autre parémie assez proche aussi du proverbe est Y adage, dont les traits prédominants sont: le sens littéral, le pragmatisme et le caractère fréquemment cultivé. Par exemple:

Beauté n'est qu'image fardée,

qui a sa correspondance espagnole dans Y adagio:

La flor de la belleza es poco duradera.

L'apophtegme, est une parémie cultivée et célèbre parce que c'est un personnage renommé qui l'a prononcé ou parce que son origine est due à un événement fameux, comme dans:

Paris vaut bien une messe.

Sa correspondance espagnole, Y apotegma, possède les mêmes traits conceptuels.

La maxime, de caractère cultivé et de sens littéral, contient soit une règle de conduite soit un avertissement moral soit encore une appréciation ou un jugement d'ordre général qui peut servir de fondement à un art ou à une science. Par exemple, ces maximes de La Rochefoucauld et de Diderot:

Il n'y a point d'accidents si malheureux dont les habiles gens ne tirent quelque avantage.

Il ne suffit pas de faire le bien, il faut encore le bien faire.

La maxime présente une coïncidence presque totale avec la máxima:

El andar tierras y comunicar con diversas gentes hace a los hombres discretos. (Cervantes)

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Page 341: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Le principe, caractérisé par son pragmatisme eminent, constitue un modèle, une règle ou un but. Il peut avoir un emploi scientifique et, par conséquent, il s'approche des parémies scientifiques, mais, étant donné que ce n'est pas un usage exclusif, il se trouve classé dans le groupe des parémies proprement dites comme la maxime. C'est Montesquieu qui nous fournit un exemple de principe, quand il dit:

J ' ai toujours eu pour principe de ne faire jamais par autrui ce que jepouvais faire par moi-même.

La sentence est remarquable par le sens littéral, la généralité, le pragmatisme, le caractère cultivé et moralisateur et elle utilise parfois des éléments mnémotechni­ques. Par exemple:

Ce n'est pas notre condition, c'est la trempe de notre âme qui nous rend heureux. (Voltaire)

L'avenir n'est à personne, l'avenir est à Dieu. (Victor Hugo)

Le principio et la sentencia sont les correspondances espagnoles respectives de ces deux parémies. Par exemple:

El principio que rige su vida es hacerlo todo lo mejor posible.

Triste es llegar a una edad en que todas las mujeres agradan y no es posible agradar a ninguna. (Palacio Valdés)

Nous avons inclus aussi dans ce groupe la phrase proverbiale, considérée par nombre d'autorités comme un synonyme de la locution proverbiale et, par conséquent, hors du monde proverbial. Une situation semblable se produit en espagnol, où la frase proverbial est employée souvent comme synonyme des frases hechas ou des frases por hacer. Nous estimons qu'aussi bien la phrase proverbiale que laf rase proverbial, tout en étant situées aux limites de l'univers parémiologique, possèdent des caracté­ristiques suffisantes pour en être. Nous pourrions les définir comme des parémies, dépourvues d'éléments mnémotechniques et souvent d'une élaboration formelle, qui comportent parfois des formules d'ordre ou d'interdiction. C'est ainsi que les parémies françaises:

La faim fait sortir le loup du bois.

Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

trouveraient leur correspondance espagnole dans:

El hambre echa al lobo del monte.

No hay que contar con el huevo antes de poner la gallina.

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Page 342: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

3. Parémies comiques ou ironiques

Il y a des parémies qui brillent plus par leurs effets comiques que par leur contenu sentencieux et elles en arrivent même à ridiculiser le style doctrinal de la morale conventionnelle, tel qu'on le remarque dans ces énoncés:

"In medio virtus" comme disait le Diable en se mettant entre deux prostituées.

"Je la guérirai avec de bonnes paroles" dit le Pasteur en lançant la Bible à la tête de sa femme.

L'effet comique de ces formules nous induit peut-être à penser que leur seule fonction est ironique, mais, nous croyons que, bien que le comique semble remplacer le message sentencieux la plupart des fois, ce contenu est mis en valeur précisément grâce à l'ironie.

Il s'agit d'un type de parémie qui n'est pas fréquent en français; par contre, il existe depuis longtemps et assez abondamment dans les répertoires espagnols, où il était mêlé à des refranes sans aucune distinction. Nous avons tiré les exemples suivants du Vocabulario de Refranes de Gonzalo de Correas, parémiographe du XVIIe siècle:

"Aramos", dixo el moskito. I estava en el kuerno del buei.

"¡Ké hermoso olor de olla!" I tenía a koxer un kuerno13.

Même actuellement, on peut entendre des énoncés de la sorte, tels que:

"¿No es nada lo del ojo!". ¡Y lo llevaba en la mano!

"¡Adiós, Madrid, que te quedas sin gente". Y se iba un zapatero de viejo.

Cette parémie, caractérisée par les références de ce qu'une troisième personne a dit, possède une ironie ou un comique accusés, produits par l'incongruité logique qui naît de la juxtaposition qui s'établit entre un énoncé parfaitement normal et la situation tout à fait contradictoire du locuteur au moment où il profère cet énoncé14.

Ces parémies sont désignées par le terme wellérisme, en français, et wellerismo, en espagnol. L'origine de cette dénomination provient de Sam Weiler, un personnage de l'oeuvre de Charles Dickens Pickwick Papers (1812-1870) qui intercale souvent des énoncés de ce genre dans sa conversation.

13 Cf. Gonzalo de Correas, Vocabulario de refranes y frases proverbiales: cette oeuvre écrite vers 1625 ne fut pas publiée jusqu'en 1906 par la Real Academia Española. Nous avons consulté l'édition de Louis Combct, Institut d'Études Ibériques et Ibéro-Américaincs, Bordeaux, 1967.

14 Cf. Louis Combet, Recherches sur le "Refranero" Castillan, Les Belles Lettres, Paris, pp. 40-43; Florence Montreynaud, «Proverbes du monde», Dictionnaire de proverbes et dictons, Le Robert, Paris, p. 300.

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Page 343: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

En espagnol, on emploie aussi le mot dialogismo15 pour faire référence à ces parémies, mais, bien que le dialogismo exprime clairement qu'il s'agit d'une sorte de scène, l'importance de ces énoncés, réside principalement, à notre avis, dans leurs effets comiques ou ironiques; le terme wellerismo, donc, est le plus adéquat pour traduire ces effets et cette façon de parler. Toutefois, nous ne rejetons pas pour autant le mot dialogismo, car il servirait, comme nous l'avons déjà fait remarquer, à nommer les parémies qui, sous forme de dialogue, présentent un message sentencieux dépourvu d'ironie.

4. Parémies scientifiques

L'origine cultivée et l'emploi restreint d'un domaine déterminé du savoir humain constituent les traits principaux des parémies scientifiques. C'est ainsi que l'aphorisme est utilisé surtout en Médecine, comme les célèbres aphorismes d'Hippocrate; les tautologies sont le fondement des lois logiques (p.ex.: Dieu est Dieu); Y axiome exact et universel peuple le monde philosophique16 et mathématique. Ainsi:

Le tout est plus grand que sa partie.

Les théorèmes apparaissent aussi en Mathématiques et en Géométrie; les théorèmes sont des propositions démontrables qui résultent d'autres propositions déjà posées, ce qui les différencie des axiomes, qui n'ont pas besoin d'être démontrés. Par exemple, le théorème de Pythagore.

Les correspondances espagnoles de ces parémies sont faciles à trouver: les aforismos, les tautologías, les axiomas et les teoremas respectivement. L'axiome que nous ve­nons de citer trouve son équivalence espagnole dans Y axioma:

El todo es mayor que sus partes.

Quant au domaine de la Jurisprudence, la parémie juridique par excellence était le brocard, dont la correspondance espagnole était le borcárdico. Cependant, ces ter­mes sont tombés en désuétude et la place qu'ils ont laissée a été occupée par l'aphorisme et l'adage, en français, et l'aforismo, en espagnol; quand l'adage fonctionne comme remplaçant du brocard, on l'appelle adage juridique ou adage de droit. L'énoncé suivant:

Un mauvais accommodement vaut mieux qu'un bon procès.

15 Cf. F. Sánchez y Escribano, «Dialogismos paremiológicos castellanos», Revista de Filología Española, XXIII, pp. 275-291; Julio Casares, «La frase proverbial y el refrán», Introducción a la lexicología moderna, CSIC, Revista de Filología Española, Anejo LII, Madrid, 1969, p. 195.

16 Cf. Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca, Traité de l'argumentation. La nouvelle rhétorique, Éditions de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 1989.

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constitue un exemple de parémie juridique, dont la correspondance espagnole serait l'aforismo:

Más vale un mal arreglo, que un buen pleito.

Étant donné que la plupart de ces parémies ont été tirées du Droit Romain, quelques unes sont citées en latin, comme celle-ci:

Privilegia non ex tempore aestimantur, sed ex causa (Los privilegios prevalecen, no en razón del tiempo, sino de su causa / Les privilèges persistent, non pas en raison du temps, mais de leur cause).

L'étude terminologique que nous venons de réaliser nous mène à proposer la correspondance suivante entre les parémies françaises et espagnoles.

5. Correspondance des parémies françaises et espagnoles

Parémies proprement dites Paremias propiamente dichas

proverbe r e f r án . proverbio

dialogisme dialogismo

proverbe local ou historique refrán geográfico

— dicton météorologique refrán meteorológico — dicton — dicton du travail refrán del trabajo — refrán

— dicton de la croyance refrán supersticioso —

adage , adagio

apophtegme apotegma

maxime máxima

phrase proverbiale frase proverbial

principe principio

sentence sentencia

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Parémies scientifiques Paremias científicas

aphorisme . . aforismo

adage juridique

tautologie tautología

axiome axioma

théorème teorema

Parémies comiques ou satiriques Paremias jocosas o satíricas

wellérisme wellerismo

6. Conclusion

Tout processus de traduction exige une connaissance approfondie des termes à traduire, ce qui nous a amené à constater l'importance d'une analyse détaillée de cas linguistiques aussi subtils et complexes que les parémies.

Pour traduire fidèlement leur sens, nous avons élaboré un catalogue précis des principales formes dans lesquelles le savoir populaire et l'expérience des siècles se sont exprimés. Mais il reste encore beaucoup de limites à établir afin de bien limiter le territoire parémiologique. Il s'agit donc d'un domaine dans lequel on pourrait faire d'autres recherches terminologiques visant à faciliter la tâche ardue du traducteur.

Julia SEVILLA MUÑOZ Enseignante-traductrice

Université Complutense de Madrid Arda. Ciudad de Barcelona, 15-4° izqda.

E-28007 Madrid

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Priorités phraséographiques pour l'allemand et le français

Gertrud Greciano

Sommaire 1. Introduction 2. La répertorisation phraséographique 3. La définition phraséographique 4. La traduction phraséographique

1. Introduction

On attend - et à juste titre - que tout comme la lexicographie, la terminographie et la phraseographie soient le reflet du niveau de connaissances actuel sur les lexemes, termes et phrasèmes. Quant aux déceptions ressenties face aux dictionnaires de langue usuels, l'explication donnée par Burger (1983) et Drosdowski (1979) pour la lexicographie en général, par de Bessé (1990) et Rey (1990) pour la terminographie en particulier, cette explication vaut aussi pour la phraseographie: «insuffisance de réflexion théorique, absence de conventions rédactionnelles et formelles.» Et pour­tant, l'heure pour une phraseographie bilingue non-anecdotique et non-aphoristique semble venue, puisqu'on dispose de ces fondements monolingues solides que théoriciens et praticiens, Kromann / Ruber / Rosbach (1984) et Svejcer (1987), réclament de façon unanime comme base pour la lexicographie multilingue. Pour le couple allemand-français, il s'agit de Friederich (1966), Görner (1984) et Röhrich (1983) d'une part, de Rey / Chantreau (1988), Lafleur (1979) et Duneton / Claval (1990) d'autre part.

Selon l'avis du phraséologue, toute phraseographie comparative / confrontative / contrastive découle d'au moins trois prémisses correlées. Premièrement, la réduction de l'axiome de l'intraductibilité à un paradoxe; car conclure sur 1'idiosyncrasie intraductible, position défendue par Bar Hillel ( 1955), présuppose justement, cf. Roos (1985, 19), une démarche traductrice. Deuxièmement, la traduction comme procé­dure de découverte s'applique aux phrasèmes de façon intra- et interlingue. Car c'est par réécriture, transposition, translation - des procédés de traduction et d'interprétation donc - que la phraseographie aussi bien mono- que bilingue procède à la saisie de ce

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macro- et supersigne. Troisièmement, il faut coopérer massivement à cette recherche bilingue différenciée que les spécialistes réclament pour la lexicographie en général (Kromann / Ruber/ Rosbach 1984) et pour la phraseographie en particulier (Ettinger 1989, Kempcke 1989 et Kromann 1989): sont exigés quatre dictionnaires actif et passif pour les langues source et cible selon les langues maternelles respectives. C'est là le premier objectif du traitement automatique: des dictionnaires informatisés aux définitions et exemplifications les plus complètes possibles.

On peut donc dès le départ poser le phrasème traductible, si l'on assimile à la traduction toute relation de correspondance au sein d'un ou de plusieurs systèmes langagiers. «Correspondance / Entsprechung» est la notion la plus satisfaisante pour désigner la relation préexistante ou créée entre le phrasème et ses pairs sur les plans mono- et plurilingues. En effet, la vérification empirique dans nos langues respectives révèle dissemblances, analogies, ressemblances et identités. Voici quelques questions essentielles sous-jacentes aux aspects développés ci-après: quelles correspondances existent au niveau du système et comment s'expliquent-elles? - réponses fournies par les techniques de la traduction. Quels sont les procédés de compensation qui font de la traduction un art?

Pour l'immédiat cependant, on se contentera pour le couple allemand-français d'un plan d'urgence: la conception d'un dictionnaire bilingue actif, car pour tout utilisateur les ouvrages monolingues cités resteront les plus précieux des dictionnaires passifs. Seront présentées trois priorités qui, face à l'exhaustivité des phraséolexiques monolingues cités, nécessitent une attention particulière au niveau de la répertorisation (L), de la définition (2.) et de la traduction (3.) phraséographiques.

2. La répertorisation phraséographique

A la différence du lexeme, mais à l'instar du terme abstrait, le classement alphabé­tique n'est pas adéquat aux phrasèmes. Arntz / Picht (1991,217) en font la démons­tration pour le terme juridique. Avec ce demier, le phrasème a en commun un contenu notionnel complexe qu'il ne partage pas, p. ex., avec le terme physique. Plus que le terme, le phrasème se révolte contre une saisie parfaitement alphabétique, car polylexical, il livre plusieurs initiales à un choix multiple. Les deux tendances lexicographiques traditionnelles: onomasiologie et semasiologie se dégagent dans les phraséolexiques monolingues cités. A la majorité sémasiologique: Rey / Chantreau (1988) et Lafleur (1979) pour le français, Friederich (1966) et Röhrich (1983) pour l'allemand optent en faveur d'un répertoire alphabétique du ou du premier des mots-clés /Leit- / Stichwörter. Görner (1984) et Duneton / Claval (1990) représentent une lexicographie thématique, donc onomasiologique, regroupant les phrasèmes par un champ, réseau ou concept / Schlüsselbegriff / Leitbegriff, dont ils relèvent sémantiquement. Linguistiquement parlant, cette méthode est prometteuse en ce sens qu'elle informe surla façon propre à chaque communauté linguistique de conceptualiser

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des expériences partagées, phénomène bien saisi par Negreanu (1983) dans son terme «ethnochamp». Les deux courants complètent leurs répertoires par de précieux appareils de renvoi.

Envued'unephraséographiebilingueefficacej'aiproposé (G.G. 1989) lacombinatoire des principes ono- et sémasiologiques, position que Arntz / Picht (1991, 195) défendent de leur côté pour la terminographie. C 'est sans doute la visée didactique qui est le trait spécifique des deux sous-catégories par rapport à une lexicographie générale. Si l'objectif d'un dictionnaire mono- ou bilingue de la langue courante est l'exhaustivité du vocabulaire, un dictionnaire phraséologique bilingue par contre, visera la transmission active de ce patrimoine, qui, dans le cas de l'expression idiomatique et proverbiale est en nette régression. Puisque des ouvrages de consul­tation existent pour l'allemand et le français, la phraséologie comparée réclame de façon urgente les glossaires des phrasèmes les plus fréquents relatifs aux thèmes les plus représentatifs, revendication formulée aussi par Arntz / Picht (1991, 213) pour la terminographie.

Dans nos deux langues, la vérification empirique confirme la thèse de l'anthropocen­trisme. Dans ces signes figurés, démotivés, les noms du corps, des animaux et du cosmos expriment le caractère, le sentiment et le comportement de l'homme. Sur la lancée de Görner (1984) pour l'allemand, de Bardosi (1986) et maintenant de Duneton / Claval (1990) pour le français, la répertorisation bilingue proposée sera onomasiologique, regroupant les phrasèmes sous les concepts et thèmes génériques qu'ils représentent. Pour le dictionnaire actif, le phraséographe pourra se servir des archilexèmes de la langue cible et les regrouper selon les évaluations positive ou négative, agréable et désagréable habituelles. Pour le sous classement sémasiologique, je tiens compte avec mes étudiants non pas de l'ordre alphabétique mais du coefficient de «productivité (Rey) / activité (Raychstain)» des formatifs phraséologiques. Les phraséologues soviétiques (Dobrovol'skij 1988,115) ontfait le calcul pour l'allemand sur la base de Friederich (1966). J'ai fourni (G.G. 1989) des valeurs chiffrées pour le français sur la base de Rey / Chantereau (1988). Hegediis-Lambert (1990) a très légèrement modifié les estimations soviétiques des constituants allemands et obtenu la première liste des formatifs français selon Rey / Chantreau (1988n).

Deutsch Französisch Résultats quantitatifs: Dobrovol'skij (1988,115) Greciano (1989) selon Friederich et Rey-Chantreau Résultats qualitatifs : Dobrovol'skij (1988, 126) selon W. Friederich :

Hand, Kopf, Auge, Herz, Wort, Ohr, Weg, Fuß, Hals, Mund, Bein, Teufel, Nase, Tag, Finger, Wasser, Boden, Gott, Luft, Zunge, Seele, Mann, Leib, Spiel, Himmel, Gesicht, Sache, Licht, Maul, Welt, Leben, Stein, Geld, Seite, Zeit, Blut, Wind, Haar, Sinn, Wand, Kind, Tür, Hund, Tod, Brot, Haus, Rücken, Zahn, Loch, Pferd.

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base verbale sur 100 PHV base nominale surlOOPHN

3,8 58 4 46

6,9 31 2,6 74

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Résultats qualificatifs : Hegedüs-Lambert (1990) selon Rey/Chantereau : Coup, tête, coeur, pied, eau, bout, cul, air, feu, main, chien, yeux, temps, diable, nez, bois, Dieu, oeil, dos, compte, peau, âne, jeu, chat, corps, pieds, bouche, gueule, queue, vie, pain, bras, dents, argent, vent, choses, esprit, heure, porte, homme, mains, monde, ventre, chemin, côté, part, point, raison, trou, affaire, jour.

C'est l'intersection des constituants les plus productifs qui va fournir le noyau d'un dictionnaire phraséologique bilingue actif. Ces entrées représentent la stabilité lexicale du système phraséologique tout en permettant des calculs de probabilité sémantique.

Dans nos deux langues, les «mots du corps» physique expriment métonymiquement des attitudes mentales (Jouet 1990). Parmi les cinquantes constituants les plus actifs, on relève dans nos deux langues les somatismes suivants, accompagnés des fréquences phraséologiques revues par Hegediis-Lambert (1990, 29-30):

Hand(141),Kopf(131),Herz(101),Auge(96),Fuß(68),Ohr(61),Hals(52),Bein(52),Nase(45), Mund (41), Finger (38), Leib (38), Gesicht (33), Seele (33), Haar (26), Blut (25), Maul (25),Rücken (19).

Pied (107), oeil (88), tête (85), coeur (82), main (80), cul (60), nez (48), doigt (40), dent (38), dos (36), peau (36), oreille (34), gueule (31), bouche (31), jambe (30, bras (29), esprit (29), ventre (26).

A titre d'illustration, on retiendra l'organe au coeur des cinq premiers formatifs, à savoir, Herz I coeur;

141 Hand/main 80 131 Kopf/tête 85 101 Herz/coeur 82 96 Auge/oeil 88 68 Fuß/pied 107

Les 101 phrasèmes allemands et les 82 phrasèmes français expriment les manières d'être et d'agir qui sont en mesure d'offrir au moins cinq thèmes répertoriant représentatifs1: 1 Kromann/Riiber/Rosbach (1984, 223):

6. Thesen und Perspektiven Die Hauptergebnisse unserer Überlegungen und Untersuchungen fassen wir in folgenden Thesen zur zweisprachigen Lexikographie zusammen: 1. These(die Grundannahme) Die Benutzerkompetenz und -bedürfnisse steuern bei der Wörterbucherstellung Auswahl und Darbietung der mikro- und makrostrukturellcn Informationen (1.0.; 3.O.; 3.1.). 2. These(die grundlegende Wörterbuchtypologie) Unter Berücksichtigung der Benutzerkompetenz und -bedürfnisse sind je Sprachenpaar vier Wörterbücher zu erstellen, und zwar zwei aktive und zwei passive Wörterbücher (1.2.2.; 3.1.2.). 3. These(die Hauptimplikation der Typologie)

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1.1. bonheur / joie / soulagement; 1.2. malheur / peine / peur / consternation; 1.3. bonté / spontanéité / franchise / courage ; 1.4. méchanceté / étroitesse ; 1.5. amour / attachement

Der Wörterbuchtyp bestimmt die Glossierung der Lemmata und der Äquivalente (3.1.2.; 4.) und ist mitbestimmend für die Lemmaauswahl (5.). 4. These(die Mikrostruktur) Aktive und passive Wörterbücher unterscheiden sich in folgenden Punkten: das aktive Wörterbuch benötigt auf der Äquivalentseite

- bedeutungsdifferenzierende (3.2.2.; 4.1.) und - kompensierende semantische Glossen (3.2.1.; 4.1. d.e.h.), - idiosynkratische Syntagmen (4.2.) sowie - ein Maximum an grammatischer Information (4.3.),

im Gegensatz dazu ist das passive Wörterbuch gekennzeichnet - durch eine undifferenzierte Reihung der Äquivalente, abgesehen von Sonderfällen (4.1.f.), - durch das Weglassen der transparenten idiosynkralischen Syntagmen (4.2.2.) sowie - durch eine auf die Benutzerkompetenz abgestimmte non-transparente Morphosyntax (4.3.). Die muttersprachlichen lexikalischen Einheiten in beiden Wörterbuchtypen benötigen lediglich identifizierende Glossen. 5. These(die Makrostruktur) Aktive und passive Wörterbücher unterscheiden sich in bezug auf die Auswahl von Zusammensetzungen, Ableitungen, Internationalismen, idiosynkralischen Syntagmen und Phraseologismen, je nach Transparenz, sowie in bezug auf die Auswahl von Regionalismen, Sonderwortschatz, orthographische und morphologische Varianten (5.) 6. These(die Metasprache) Als Metasprache ist sowohl in aktiven als passiven Wörterbüchern die Muttersprache des Benutzers zu wählen (3.2.2.). 7. These(das Sprachenpaar) Je nach Sprachenpaar unterscheiden sich die Bcdeutungsgliederung der Wörterbucheinträge sowie die semantischen Relationen zwischen Lemma und Äquivalent (3.2.1.; 4.1.b.i.). 8. These(Fachsprache) Fachsprachliche zweisprachige Wörterbücher unterliegen den gleichen Prinzipien für die Auswahl und Darbietung der lexikographischen Informationen wie die gemeinsprachlichen zweisprachigen Wörterbücher (2.2.2.; 4.; 5.) Unsere Ausführungen zu Grundfragen der zweisprachigen Lexikographie sind einerseits als ein möglicher Referenzrahmen für weiterführende Untersuchungen zu Einzelfragen aufzufassen und andererseits als ein Beitrag zu einer Diskussion, die zu theoretisch fundierten Richtlinien in mehreren Bereichen führen könnte: - für die praktische lexikographische Arbeit; - für die Auswertung und Kontrolle der Ergebnisse der praktischen lexikographischen Arbeit; - für die Erarbeitung von Programmen zur elektronischen Spcichcrung und Darbietung der

lexikographischen Informationen; - für die Wörterbuchkritik sowie für Rezensionen zweisprachiger Wörterbücher; - für die Wörlerschatzdidaktik und die Fehleranalyse beim Übersetzen im Fremd­

sprachenunterricht. Es bleibt nur zu wünschen übrig, daß Lexikographen, Institute und Verlage über die Grundlagen nachdenken und die Konsequenzen in der Praxis erproben.

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3. La définition phraséographique

En vue des idiosyncrasies et nécrotismes d'une part, de la complexité significationnelle d'autre part, la définition est l'une des raisons essentielles pour lesquelles l'usager consulte un dictionnaire phraséologique, qu'il soit ou qu'il ne soit pas locuteur natif. Dans le cas du phrasème, ladéfinition sert d'instance de normalisation, d'uniformisation et de standardisation sémantique. C'est par elle que le phraséographe fixe le savoir phraséologique, qu'il garantit sa stabilité dans la transmission, dans l'échange d'un locuteur à un autre, d'une époque à une autre, d'une communauté à une autre. Face aux divergences interlangagières, la définition est le tertium comparationis, base et cheville ouvrière de la phraseographie bi- et multilingue. Si la normalisation terminographique suit des principes et des critères spécifiques à chaque état et à chaque gouvernement, la normalisation phraséographique se déroule selon un proto­cole scientifique, linguistique universel. De ce fait, et à la différence de la définition terminographique, la définition phraséographique ne se heurte pas à l'arbitrarité des conventions nationales.

Ce signe linguistique est formé d'autres signes linguistiques et la complexité de sa forme entraîne la complexité de son contenu. La particularité polylexicale et figurée du phrasème conditionne la nature nominaliste et non réaliste de sa définition. En effet, ladéfinition phraséographique s'appuie sur une compétence linguistique et non encyclopédique; elle est intensionnelle. Définition de mot et non de chose, elle fait appel aux techniques langagières bien connues: synonymie, périphrase, paraphrase, antonymie, description, explication et illustration, entre autres. La définition phraséographique combine nécessairement déduction et induction en ce sens qu'elle complète une saisie conceptuelle logique par des exemples pragmatiques. C'est encore une des caractéristiques du phrasème, à savoir, sa figuration qui réclame une prise en compte systématique de l'usage; car figuration signifie obligatoirement démotivation, et facultativement remotivation; et la remotivation est la réaction positive de l'idiome à une situation particulière. En effet, le contenu idiomatique se module selon l'emploi et cette sensibilité contextuelle devient la cause de la complexité sémantique. Le comportement de l'idiome peut servir d'exemple pour Chauraud (1990, 276) lorsqu'il constate la diminution du rôle de la définition au bénéfice de systèmes de distribution plus développés. Rappelons, à ce sujet, l'évo­lution vers les dictionnaires collocationnels et syntagmatiques. Pour Hausmann (1990,229,232), «La renommée de la définition est surfaite» et il va jusqu'à défendre «la primauté du contexte sur une définition inutile».

Par ailleurs, on connaît deux tendances à travers l'activité définitoire: analyse rationnelle d'une part, description langagière d'autre part; métalangage artificiel aux calculs archisémiques, métalangage aux énoncés ordinaires. Si en phraseographie intuitive et linguistique, la deuxième tendance domine, il faut souligner la perfor­mance d'autant plus méritoire qu'elle est solitaire, des décompositions propo-

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Page 353: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

sitionnelles de Β. et G. Wotjak (1985, 1986) par la formalisation des primitifs

sémiques pour les phrasèmes suivants:

jdm. die (beide) Daumen drücken I halten lecture propre, non­idiomatique: [(χ OPER ζ) Λ (χ CAUS (ζ ADESSE w))]" Λ [(ζ PRESSw)] k

lecture figurée, idiomatique: [(χ SAY (χ DESID (y HAVE ν ))) if (y EXPER u)]",

jdm. etwas auf den Kopf zu sagen lecture idiomatique: [(χ SAY y (χ COGN ν) Λ (χ EVAL NEGATIV ν))]

jdm. steigt Ι kommt die Galle hoch lecture idiomatique:

[(y SENT w)"kΛ [(y PERCEP (χ ADESSE LOC l)ü Λ (χ ADESSE LOC 2) ti+k)]P2

A[(LOC2supraLOCl)]P3

Ce type d'analyse garantit pour la phraseographie comparative l'invariant stable et

représente par le nombre, la nature et la position des constantes et des variables un

moyen systématique de contrôle. B. Wotjak (1987, 89) précise que ce n'est qu'au

niveau de cette microstructure de sémantique propositionnelle que les ressemblances

et dissemblances sont détectables; une formule définitoire qui répond aux exigences

de la linguistique computationnelle et constituera le noyau dur des dictionnaires

informatisés2.

2 II faut rappeler un autre échantillon où B. Wotjak (1985,274) regroupe des PH verbaux sous les concepts hyperonymiques suivants:

χ tadelt/übt Kritik an y: χ wäscht y den Kopf; rückt den Kopf zurecht; zieht die Hammelbeine/ die Ohren lang; wirft etw. an den Kopf χ bedrängt y: χ setzt y das Messer an die Kehle; geht nicht von der Ferse; macht Feuer unter dem Hintern; kniet auf dem Nacken; setzt die Pistole auf die Brust. χ behelligt nicht χ läßt y freie Hand; bleibt mit etw. vom Halse/Leibe; krümmt kein Härchen χ bereitet y Schwierigkeiten: χ stellt y ein Bein; wirft Knüppel zwischen die Beine; bricht das Genick. x verärget/wütend/entsetzt: χ steigt die Galle hoch; stehen die Haare zu Berge; sträuben sich die Haare χ hilft/unterstützt y: χ greift y unter die Arme; hilft auf die Beine; geht zur Hand; stärkt den Rücken; drückt den/die Daumen χ ist psychisch positiv berührt: χ hüpft das Herz vor Freude; lacht das Herz (im Leibe); fällt ein Stein vom Herzen χ ist psychisch negativ berührt: χ blutet das Herz; dreht sich das Herz im Leibe herum; rutscht das Herz in die Hose; ist eine Laus über die Leber gelaufen; liegt etw. im Magen; fällt etw. auf die Seele

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Page 354: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Pour la phraseographie non­automatique cependant, les modèles synthétiques de­

vraient l'emporter. De façon plus générale, sémanticiens et lexicographes cumulent

les preuves en faveur du manque d'opérationnalité propre aux décompositions

analytiques: Chauraud (1990), Fradin (1990), Hausmann (1990), Putnam (1990), Rey

(1990). Le phrasème en tant que polylexème plus ou moins figé, plus ou moins figuré

se complaît dans une activité définitoire naturelle et pluridimensionnelle où le

métalangage est le langage ordinaire.

jdm. gutes Gelingen wünschen / "souhaiter bonne chance" jdn. unmittelbar beschuldigen / "accuser quelqu'un" in Wut geraten / "se mettre en colère"

Pour le dictionnaire bilingue actif dont l'usager principal sera donc le locuteur

étranger, la simplification lexicale ­ directive donnée par Hausmann (1990, 222) ­

s'impose de façon absolue. Les concepts définitoires seront non seulement empruntés

à la langue naturelle, ils seront réduits aussi au nombre le plus limité pour constituer

une microstructure minimale et se déduiront des thèmes hyperonymes répertoriant.

De ce fait, dans cette correspondance établie de façon intra­ et interlangagière, cette

définition qui peut être donnée en langue cible ou source, ne signifie pas équivalence

réciproque telle que de Bessé ( 1990,254) la pose pour la définition terminographique.

Il reste le problème posé par la simplification syntaxique également conseillée par

Hausmann (1990,226) pour la lexicographie en général. Elle ne peut s'appliquer au

phrasème car sa fixité plus ou moins grande nécessite des instructions précises pour

le locuteur notamment étranger. Burger (1983) va jusqu'à déclarer inutilisable les

ouvrages à information structurale insuffisante. Dans un compte­rendu consacré au

dictionnaire de Lafleur (G. 1991), je montre les conséquences regrettables d'un

marquage morpho­syntaxique défectueux. Le couple allemand­français bénéficiera

du projet allemand­finnois pour lequel Korhonen (1987) veille à une minutieuse

description formelle.

. χ erkennt den wahren Sachverhalt: χ gehen die Augen auf; fällt es wie Schuppen von den

Augen

. χ trotzt y: χ bietet y die Stirn; zeigt die Zähne

. χ umschmeichelt y: χ geht y um den Bart; schmiert Honig ums Maul; redet nach dem Munde;

kriecht in den Hintern

. χ schlägt y: χ gerbt y das Fell; gibt etw. hinter die Löffel; zerschlägt alle Knochen im Leibe;

rutscht die Hand aus

. χ täuscht/betrügt y: χ streut y Sand in die Augen; zieht das Fell über die Ohren; fällt in den

Rücken

La fréquence d'attestation de tadeln (1 phraséolexcmcs et 4 lexemes) et surtout de betrügen (147

phraséolexèmes) prête à réflexion et peut être à discussion.

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Page 355: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

4. La traduction phraséographique

«Traduction» est utilisé ici dans son acception ordinaire de correspondance interlangagière. Face à l'opinion répandue selon laquelle les non-équivalences, pseudo-équivalences et équivalences partielles seraient plus nombreuses que les équivalences complètes, le phraséographe suivra le conseil que de Bessé (1990,260) donne au terminographe, à savoir, éviter le transfert dans le respect scrupuleux de la forme d'expression, la transposition mot à mot, pour au contraire «aller vers le concept et rechercher la forme de sa désignation». La traduction phraséographique sera une mise en adéquation, une adaptation réciproque. La phraseographie fraie le chemin de la traduction en ce sens qu'elle exécute les premières phases de ce processus: le concept est fourni par le thème du répertoire, le sens est fixé par la définition des dictionnaires. La traduction dès lors con siste en la mise en correspondance entre les langues source et cible, articulée autour d'un phrasème. La phraseographie monolingue servira là encore de réservoire, puisque le comparatiste y puisera les locutions imagées et les locutions non-imagées correspondantes. Son rôle: la mise en parallèle la plus réussie. Ses instruments de contrôle: la définition, le concept.

Il est important de rappeler dès maintenant la relation partie-à-tout entre la traduction phraséographique et la traduction. La première se limite à l'enregistrement des phrasèmes existants dans le patrimoine lexical, à l'établissement d'une interrelation entre expressions lexicalisées dans le système des deux langues naturelles.

Dans l'exemple de Herz I coeur ici choisi, la traduction phraséographique garantira la macrostructure maximale souhaitée par les spécialistes (Kromann / Ruber / Rosbach 1984) à travers une exemplification étoffée des concepts retenus dans le répertoire par le plus grand nombre de locutions pertinentes enregistrées dans Friederich (1966) et Rey/Chantreau (1988n):

4.1. bonheur/joie / soulagement: alle Herzen schlagen höher; da lachte das Herz im Leibe; das Herz hüpft jdm. vor Freude; s'Herz ausschütten; jdm. fällt ein Stein vom Herzen; jdm. wird warm ums Herz; Sonne im Herzen haben;

s'en donner à coeur joie; en avoir le coeur net; de gaieté de coeur.

4.2. malheur / peine / peur / consternation schweren/blutenden Herzens; mitgebrochenem Herzen; das Herz schnürt sich jdm.; das Herz steht still; der Kummer nagt jdm. am Herzen; es dreht sich einem das Herz im Leibe um; es schneidet jdm. ins Herz; es greift ans Herz; es zerreißt das Herz; jdm. das Her/, schwer machen / brechen; einen Stich ins Herz geben;

serrer le coeur; avoir le coeur dans la gorge; avoir le coeur gros / lourd; avoir qch. sur le coeur; coup de coeur, déchirer le coeur; en avoir gros sur le coeur; plonger / mettre / enfoncer le couteau / poignard / dans le coeur; fendre / déchirer le coeur; faire mal au coeur soulever le coeur; coup au coeur.

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Page 356: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

4.3. bonté / spontanéité / franchise / courage

leichten Herzens; das / sein Herz auf der Zunge /auf dem rechten Fleck haben; das ist so recht aus dem Herzen gesprochen; reden wie einem ums Herz ist; seinem Herzen Luft machen; seinem Herzen einen Stoß geben; Hand aufs Herz; die Stimme des Herzens; sein Herz öffnen; sich ein Herz fassen; sich etwas vom Herzen reden; avoir bon coeur; en avoir le cœur net; réchauffer le coeur; d'abondance de coeur; de bon / grand / tout mon coeur, ouvrir son coeur; parler à coeur ouvert; avoir le coeur au bord des / sur les lèvres / sur la main; aller droit au coeur; à votre bon coeur; avoir qch. sur le coeur; avoir / donner/remettre du coeur au ventre.

4.4. méchanceté / étroitesse

ein enges /hartes/ steinernes Herz haben; ein Herz von Stein haben; kein Herz für jdn. haben; kühl bis aufs Herz; mit halbem Herzen etwas tun; coeur de pierre; avoir une pierre à la place du coeur, sans coeur; être comme le bénitier, près de la porte et loin du coeur.

4.5. amour / attachement am Herzen liegen; ans Herz rühren; ans Herz gewachsen sein; jdm. etwas ans Herz legen; sein Herz schenken; zu Herzen gehen; ins Herz schließen; im Herzen tragen; von Herzen kommen; von Herzen gern; jds. Herz nahestehen; mit allen Fasern seines Herzens an jdm hängen; sein ganzes Herz gehört jdn.; sein Herz an jdn. hängen / verlieren / hingeben; im Herzen tragen;

ami / amant de coeur, avoir le coeur à l'ouvrage / à la danse; prendre qch. à coeur; être de (tout) coeur avec quelqu'un; porter quelqu'un dans son coeur; si le coeur vous en dit; tenir à coeur; coup de coeur; avoir qch. à coeur.

Dans le cadre d'une réflexion phraséographique, le linguiste se contentera d'insister sur la cohérence de ces phrasèmes psychosomatiques. Herz I coeur est le foyer de l'émotion et c'est la distribution et le contexte qui l'évaluent positivement ou négativement pour en faire le bonheur vs. malheur, la bonté vs. méchanceté, l'amour vs. la haine. Cohérence cependant ne signifie pas pour autant monosémie. Si la phraséologie associe Herz I coeur à d'autres sens et d'autres organes encore, ceci doit trouver son explication dans l'histoire de l'imagerie médicale. Jouet (1990, 95) montre comment ces psychosomatismes conservent les traces de l'évolution de la pensée scientifique. Il évoque quelques confusions coeur I ventre, coeur I estomac en renvoyant notamment à Furetière3.

La traduction phraséographique confiera à la traduction la mise à l'épreuve des virtualités du système dans l'emploi. Bilingue et métalinguiste, le traducteur spécialiste, aura provoqué les conditions de satisfaction en sélectionnant parmi les locutions

Jouet (1990,95) met le doigt sur quelques confusions coeur I ventre: «Si le coeur est au ventre, Furetière nous dit pourquoi: ventre signifie aussi poitrine. C'est en ceste seconde cavité où est situé le coeur. En ce sens on dit de celuy à qui on òste ce qu'il aime c'est lui arracher le coeur du ventre, de celui qu'on a encouragé, qu'on lui a remis le coeur au ventre».

354

Page 357: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

proposées, en évaluant Γ interrelation entre le rayonnement des images.en décidant

des préférences et restrictions d'usage, en procédant à des compensations et pourquoi

pas à des emprunts et calques. A ce propos, Schmid (1987,190) illustre et commente

quatre constellations symptomatiques et Eismann (1989, 87) détaille les typologies

des procédés de compensation proposés par la slavistique. Si équivalence il peut y

avoir, elle est communicative et se juge dans le texte et contexte selon les effets

intentés et obtenus. En phraséologie, le bon traducteur est aussi psychologue et

anthropologue. Le traducteur artiste saura créer cette correspondance harmonieuse et

parfaite, un desideratum qui ne se réalise qu'au moyen de compromis.

La linguistique comparée a beau remonter au début du XIXe siècle, elle ne se limite

pas pour autant aux grammaires, morphologies et syntaxes contrastives. Comme pour

tout couple, le rapprochement entre l'allemand et le français est confrontatif. Le

phraséographe détecte les convergences et les divergences, le traducteur ­ chirurgien

et sculpteur ­ modèlera l'articulation entre les systèmes respectifs.

Les dictionnaires spéciaux s'étant imposés par intérêt scientifique, pédagogique et

commercial, la phraseographie y trouve tout naturellement sa place. A l'heure de

l'Europe, une phraseographie bilingue répond à deux voeux déjà formulés: elle est un

outil efficace pour parer aux dangers du monolinguisme, dénoncés par Isacenko

(1968,45); elle est un écho à l'appel que Hausmann (1990, 232) lance en faveur de

la promotion de nos idiomes, car la «survie internationale» du français et de

l'allemand «pourrait bien être à ce prix».

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Dr. Gertrud GRECIANO

Professeur

Département d'études allemandes

Université de Strasbourg II

5, rue Gouvello

F­67700 Saverne

358

Page 361: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Phrasematik im Ubersetzungstext als Träger der Fremdkonnotation

Roman Lewicki

Einleitend soll eine wesentliche Bemerkung gemacht werden, die für das weitere von großer Bedeutung ist. Die übersetzungslinguistische Literatur befaßt sich seit langem intensiv mit dem Thema «Übersetzung und Phraseologie». In diesen Arbeiten erscheint die Phraseologie als eine Aufgabe für den Übersetzer und als eine Äquivalenzvoraussetzung für den Forscher. Mit anderen Worten: Der Übersetzer fragt sich, wie verschiedene phraseologische Einheiten im Text (manchmal auch: in der Zielsprache) wiedergegeben werden sollen/können, und welche Methoden und Mittel dafür zur Verfügung stehen. Für den Forscher lautet die Frage: Wie ist die Wiedergabe der Phraseologismen in allgemeinen Dimensionen zu beschreiben, und welcher Natur ist die Äquivalenz bei dieser Wiedergabe? (vgl. z.B. RECKER 1974:145-170). Phraseologismen stellen somit eine der vielen Schwierigkeiten des Übersetzungsverfahrens dar. Dafür gibt es drei Erklärungen:

1. Es liegt kein phraseologisches Äquivalent in der Zielsprache (weiter: ZS) vor, in dem Fall ist von Nulläquivalenz oder Unübersetzbarkeit zu sprechen.

2. Die Anwendung der in der ZS vorliegenden phraseologischen Äquivalente ist - bei Unterschieden in der Metaphorik und/oder ihrem Komponentensatz - unmöglich.

3. Es gibt bei der Auswahl eines Einzelwortäquivalents für einen Phraseologismus Probleme.

Die Ursache dieser Schwierigkeiten liegt in der Expressivität des Phraseologismus und seiner doppelten Semantik im Text: der metaphorischen und der wörtlichen (komponentenbezogenen) (RECKER 1974:159-161).

Dennoch werden bei einer solchen Problemstellung vorwiegend die phraseologischen Einheiten des Ausgangstextes erforscht, und zwar als Material für übersetzerische Verfahren: die Phraseologismen des ZS-Textes interessieren den Forscher als Produkte einer Umkodierung, somit ausschließlich vor dem Hintergrund der Verwendung von Phraseologismen im AS-Text. Es scheint daher nötig, dieses Bild mit einer Studie der Phraseologismen als Einheiten eines Übersetzungstextes zu ergänzen, weil der ZS-

359

Page 362: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Text an den Träger der ZS adressiert wird. Zu untersuchen wären zum Beispiel ihre Funktionsweise im Textsystem, ihre Anpassung an die ZS, ihr Empfang durch Adressaten. Die AS und der AS-Text stellen bei einer solchen Betrachtung nur eine Berufungsinstanz dar, wenn Zweifel im Verlauf der ZS-Textanalyse auftauchen. Damit läßt sich gegebenenfalls erklären, wieso der Empfänger phraseologische Ungewandtheiten spürt. Eine solche Umkehrung der Perspektive scheint für den Ausgleich der Disproportion zwischen «Umgestaltung» und «Normentsprechung der ZS», oder zwischen der Äquivalenz und Akzeptierbarkeit des Übersetzungstextes unentbehrlich.

Zahlreiche phraseologische Einheiten, die tatsächlich in existierenden Übersetzungen verwendet wurden, weisen eine besondere Eigenschaft auf: Sie können Assoziationen mit anderen Ländern, Kulturen und Sprachen in den Text einführen. Diese Eigenschaft, die sehr oft in übersetzten Texten zu beobachten ist, wird hier Fremdkonnotation genannt. Wie bereits mehrmals aus verschiedenem Anlaß bemerkt wurde, «operiert der Übersetzer nicht im Rahmen eines eigenen, sondern eines fremden Koordinatensystems» (WILSS 1988:47), und dies bedeutet nicht nur eine allgemeine (persönliche) Fremdheit der Gedanken, die vom Übersetzer zu vermitteln sind (so Wilss), sondern auch eine sprach- und kulturbezogene Fremdheit. So ist die Fremdkonnotation eine Folge des Wechsels des Empfängerkreises (ZS-Gemeinschaf t anstatt AS-Gemeinschaf t), der immer mit der Übersetzung einhergeht.

Fremdkonnotation ist eine Eigenschaft, über die nicht nur Phraseologismen, sondem auch andere Texteinheiten und -merkmale verfügen. Bei den Einheiten handelt es sich um Realienbenennungen, Eigennamen, Anwendungsformen, Formulierungen für verschiedene Sitten und Gebräuche u.a.; Textmerkmale sind der Texttyp und seine Determinanten. Also läßt sich sagen, daß die Fremdkonnotation ein wesentlicher Teil der pragmatischen Information in der Übersetzung ist.

Objektiv gesehen ist die Fremdkonnotation ein Ergebnis ungenügender Sprachkenntnis des Übersetzers, wobei AS-System und -Usus Interferenzen zur Folge haben. Im Bereich der Phraseologie ist hier die Tatsache zu nennen, daß in jeder Sprache zahlreiche spezifische überwörtliche Einheiten mit bestimmten Verwendungsregeln existieren, die von Texttypen, Kommunikationssituationen und Sprachsitten abhängen. Die Übertragung der Realisierung dieser Spracheigenschaften in einem ZS-Text bewirkt, daß in diesem Text die Fremdkonnotation erscheint. Der Empfänger stellt dann etwa fest: «Das ist kein Deutsch (Polnisch, Russisch, usw.)», «das klingt ungewöhnlich» oder ähnliches. In manchen Fällen ist ein Mißverstehen oder Nichtverstehen des Textes möglich.

Aus dem oben Erwähnten folgt, daß bei der Fremdkonnotation die Phraseologie sehr weit zu fassen ist, d.h. eher als eine PHRASEMATIK (vgl. dazu die Auffassung von

360

Page 363: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

CHLEBDA 1991), die außer Phraseologismen im engeren Sinne (Idiomen) auch

andere Phrasème umfaßt, wie:

a) übliche Wortverbindungen (Klischees);

b) mehrwörtige Termini;

c) Titel und Überschriften;

d) Schilder, Aufschriften;

e) sog. Mikrotexte, d.h. verschiedene Ganzheiten (Sätze oder größere Einheiten), die

eng mit bestimmten Verwendungssituationen verbunden sind.

Die Analyse von Übersetzungen mehrerer Texttypen in verschiedenen Sprach­

kombinationen (vor allem ins Polnische und ins Russische) hat zahlreiche Einheiten

aufgezeigt, die Fremdkonnotationen in den ZS­Text einführen.

Für die Idiome sollen folgende Beispiele genannt werden:

(1) Poln. wszyscy siedzieliyafc na weglach (Pietr)

Auf Polnisch sagt man das nicht (dt. «wie aufglühenden Kohlen»), sondern eher jak

na szpilkach (dt. «wie auf Nadeln»). Hier wurde die russische RedewendungcimeTb

KaK Ha yrojifeiix übertragen.

(2) Poln. mamy komu przekazac sztafet (Forum)

Auf Polnisch sagt man przekazac paleczke (komu); übertragen wird der russische Ausdruck mit gleicher Bedeutung: nepe^aTb acratpeTy .

(3) Poln. My jej o Tomaszu, a ona o Jeremiaszu (Cz)

In polnischen Wörterbüchern ist diese Einheit nicht belegt. Ihre Bedeutung ist jedoch

klar: «wir sprechen über etwas, und sie über etwas ganz anderes», da im Polnischen

parallel gebaute Idiome vorliegen.

Die im Text verwendete Einheit enthält zwei Eigennamen, wovon der zweite in Polen

sehr selten ist; dies verstärkt die Fremdkon notation. Die russische Einheit MM eu προ

OoMy, a OHa προ EpeMy weist darauf hin, daß der Übersetzer lediglich russische

Namen etymologisch adaptiert hat (Ooivia ­ Tomasz, Epeivia ­ Jeremiasz).

Ähnliches ist im Bereich der mehrwörtigen Termini zu beobachten. Beim Streben

nach maximaler semantischer (und manchmal auch formaler) Annäherung an den

Originaltext kann es dazu kommen, daß der Übersetzer fremde Elemente einführt. In

nichtliterarischen Texten sind sie sicherlich unerwünscht.

(4) DE Am Jubiläum der Sowjetarmee und Kriegsmarine wurde dem Kreuzer der Orden der

Oktoberrevolution verliehen (Lcn74)

361

Page 364: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Der im Russischen übliche Terminus CoBeTCKa« ΑρΜΗΛ H BoeHHO­MopcKoñ

rpjiOT enthält eine falsche Attribuierung: sowjetisch ist natürlich nicht nur die Armee,

sondern auch die Kriegsmarine; diese Konstruktion wird nun in den deutschen Text

übertragen.

(5) Eng. The people of Leningrad displayed unprecedent heroism and fortitude in the Great Patriotic

War (Len87)

(6)Dt. Es wurden alle von Bombardements während des Großen Vaterländischen Krieges

zugefügten Beschädigungen beseitigt (Len74)

(7) DL Er ist als Denkmal zu Ehren des siegreichen Vaterländischen Krieges 1812 entworfen (Len74)

Hier wird die Übertragung von russ. BejinKaa OTenecTBeHHaji Boima und

OTenecTBeHHaH Boiraa in fremdsprachigen Texten demonstriert. Der erste Termi­

nus bezeichnet den Krieg gegen Hitlerdeutschland 1941­1944, der zweite den Krieg

gegen Napoleon. Beide im publizistischen Stil allgemein verwendeten Ausdrücke

können nicht ohne Folgen direkt in einen fremdsprachigen Text übernommen

werden. Wegen der semantischen Unbestimmtheit des Ausdrucks wirkt das Ergebnis

nicht nur unüblich, sondern auch unklar. Die gewisse Exotisation des Textes scheint

unbeabsichtigt zu sein; sie wäre allerdings zu vermeiden gewesen durch die Anwendung

eines fremdsprachigen Terminus (auch wenn seine denotative Bedeutung der des

russischen Terminus nicht vollständig entspricht): EN the World War II, DE in (6) des

Zweiten Weltkrieges, in (7) perifrastisch, z.B. KrieggegenNapoleon. In den analysierten

Texten erscheint die Einheit von (5) nur einmal, die von (6) jedoch dreimal, und die

von (7) gar fünfmal, was der Verwendungsstruktur der AS­Texte entspricht. Das ist

in relativ kurzen Texten nicht wenig.

(8) Poln. Wydatek zwiazany ζ nabyciem kuchni obudowanej zalezy w znacznej mierze od rodzaju

i liczby elementów, które zamierza sie kupic. (Profil)

(9) Handel oferuje kuchnie obudowane w wielu wariantach (ibid.)

Der Übersetzer ist sich der Nulläquivalenz für den deutschen Terminus bewußt (im

Text wird es erklärt). Die Semantisation des Terminus im Text befreit ihn aber nicht

von seiner Fremdkonnotation. Und gerade dies wird vom Übersetzer nicht

berücksichtigt, wenn er die Redewendung kuchnia obudowana mehrmals im Text

benutzt (16 Verwendungen in einem kurzen Text). Man hätte andere Äquivalente wie

komplet, zestaw benutzen oder einfach die Zahl der Verwendungen des Terminus

reduzieren können. Schon bei letzterem wäre das Niveau der Fremdkonnotation

wesentlich niedriger gewesen. Die für polnische Termini charakteristische Postposition

des Attributs ist bei mehrmaligem Gebrauch ungünstig ­ man muß Satzkonstruktionen

meiden, die falsche Beziehungen suggerieren, wie in (9), wo die Gefahr besteht, daß

der Empfänger bei obudowane w wielu wariantach einen falschen Bezug herstellt,

362

Page 365: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

was die Desintegration des Terminus zur Folge hat. Die Fremdheit des Begriffs

bewirkt, daß auch Verbindungen wie in (8) und (9): nabycie kuchni, oferuje kuchnie,

unüblich sind.

Es ist vorauszusetzen, daß Fremdkonnotationen, die durch die spezifische Struktur

gewisserkonventionalisierter Äußerungen bewirkt werden, üblicherweise beabsichtigt

sind. Diese Art von Fremdkonnotation ist vor allem in Übersetzungen literarischer

Texte zu finden.

(10) Russ. OH cpa3y y3Han 6bi ToMa CviapTa H3 KpynHOñ dmpMbi «EHJICOH H GnaM»,

KeHTeTOB­crrpHT, CHTH (Pick)

(11) Russ. unrnjib uepKBH Ha JleHxeM­njieñc, JIOHAOH, BH^Hejica B^anH (ibid.)

(12) Russ. MHcrep ΠΗΚΒΗΚ Η CSM Haimm ce6e npHcraHmue B rocTHHHue «,Π,κορ,ίρκ H flcrpeö»,

íbKopflK­ΛρΛ Ha JIoMÖepa­CTpHT (ibid.)

Die für den englischen Sprachgebrauch charakteristischen Topogramme mit einem

Komma zwischen den Gliedern, wobei das zweite (dritte) das Topos weiter bezeichnet,

sehen im russischen Text ungewohnt aus; die russische Sprache verlangt dafür

Präpositionalverbindungen, also für (10): Ha ΚεκτετοΒ­στρΗΤ Β CHTH, für (11): Β

JIoHflOHe, für (12): B JXyKopwK­Äpjie. In diesem Fall bezweckt der Übersetzer nicht

primär eine Verfremdung des Textes. Fast alle Elemente dieser Art (in diesem Text

insgesamt 10) kommen in Abschnitten vor, die Mr. Pickwicks Ringen mit dem

Londoner Gerichtsapparat beschreiben; so evozieren diese Formulierungen einen

Amtsstil (der manchmal auch zu einer etwas absurden Komik führt, wenn die

Bezeichnung nicht direkt amtliche Verfahren betrifft).

Die Fremdkonnotation wird auch durch eine unübliche Datierung hervorgerufen:

(13) Russ. aerycra 28,1830 r. (Pick)

Die Titel werden nicht selten durch ihre Funktionsweise den Realienbenennungen

angenähert. Sie funktionieren als reproduzierbare Spracheinheiten, besonders, wenn

sie eng mit einer bestimmten Gebrauchssituation verbunden sind. So z.B. regelmäßig

erscheinende Presseüberschriften oder Stellenangebote. Darum ist im folgenden

Beispiel eine Fremdkonnotation enthalten:

(14) Poln. Jego odbiciem jest lwia czesc rozmaitych ogloszen pojawiajacych sie w rubryce «Praca ofiarowana» (Profil)

Eine analoge Rolle spielt in der polnischen Presse die Überschrift «Pracownicy

poszukiwani»; eine Rubrik «Praca ofiarowana» gibt es in polnischen Zeitungen nicht.

363

Page 366: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Das oben genannte Beispiel demonstriert die eher unbeabsichtigte Einführung der

Fremdkonnotation. Das ist auch bei Klischees der Fall, die übliche Redewendungen

der AS kopieren:

(15) Russ. CAedbt 6opb6u u MapmupoAozuu nojibCKoro Hapolta (Pol)

(16) Poln. chodzi o stosowane juz od dawna okreslenie «pokojowa koegzystencja» (Forum)

(17) DE Auf dem Banner Leningrads befinden sich die höchsten Aufzeichnungen der Heimat

(Len74)

Folgende in der Publizistik verwendeten Klischees sollen hier als Quelle der

Fremdkonnotation genannt werden: für (15): poln. walka i martyrologia, für (16): DE

friedliche Koexistenz, für (17): russ. Harpa^bi ΡΟΛΗΗΜ.

Alle oben angeführten Beispiele zeigen, daß die Fremdkonnotation absichtlich oder

unabsichtlich in die ZS­Texte eingeführt werden kann. Mit einer unbeabsichtigten

Einführung haben wir es wahrscheinlich häufiger zu tun; in solchen Fällen bleibt das

Phrasem vom Übersetzer unbemerkt und beginnt ­ in den ZS­Text übertragen ­ sein

Eigenleben, ohne jegliche Kontrolle des Verfassers. Interessanter ist jedoch die

beabsichtigte Einführung fremder Elemente in den Text, die manchmal in literarischen

Texten zu beobachten ist. Grund dafür ist eine besondere Strategie des Übersetzers,

der nach einer Exotisation der Übersetzung strebt. Die Strategie soll hier als eine

Übersetzungsmethode verstanden werden, die darin besteht, eine Übersetzung «als

Übersetzung» und nicht «als Original» wirken zu lassen. Dieser Einstellung des

Übersetzers entsprechen bestimmte Techniken, die er bewußt einsetzt (zur Unter­

scheidung der Begriffe «Übersetzungsstrategie», «Übersetzungsmethode», «Über­

setzungstechnik» s. WILSS 1988:124­126). Der Übersetzer kann dem Empfänger

entweder einen gewohnten, «normalen» Text vermitteln oder einen exotischen, also

ungewohnten, unerwarteten, wobei es sich um zwei Pole handelt (vgl. dazu die

Opposition ostinato/scherzo bei ALLÉN 1982:17ff.), zwischen denen mehrere

Abstufungen bestehen.

So ist es unerläßlich, die objektive Betrachtung der Fremdkonnotation durch eine

subjektive zu ergänzen. Subjektiv gesehen ist die Fremdkonnotation also Ergebnis

einer gezielten Einführung fremder Elemente als Komponenten oder S trukturmerkmale

eines ZS­Textes, wobei es darum geht, bestimmte vom Übersetzer vorgenommene

Strategien zu realisieren, die zwischen den Polen Exotisation/Adaptation und

Erwartetem/Unerwartetem liegen.

Es gibt zwei Stufen der Fremdkonnotation in ZS­Texteinheiten. Eine konkrete

Fremdkonnotation liegt vor, wenn ein bestimmtes Land (Sprache, Kultur) evoziert

wird; es ist aber auch möglich, daß eine solche Konkretisierung nicht besteht und der

entsprechende Textabschnitt nur als für die ZS unüblich empfunden wird, ohne

364

Page 367: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

bestimmte Assoziationen zu einem konkreten Land zu wecken. In diesem Fall liegt

eine allgemeine Fremdkonnotation vor. In den meisten oben angeführten Beispielen

ist eine allgemeine Fremdkonnotation zu verzeichnen, und nur bei den Beispielen

(10) bis (13) ist eine konkrete (englische) Fremdkonnotation festzustellen. Es ist zu

bemerken, daß die Feststellung der Art von Fremdkonnotation (konkrete/allgemeine)

eine labile Größe darstellt, die von Empfänger zu Empfänger variiert und in hohem

Maße von deren Fremdsprachenkenntnissen sowie vom allgemeinen Bildungsniveau

abhängt. Bei lexikalischen Einheiten ist die Art der Fremdkonnotation oft bei einem

gegebenen Stichwort in Wörterbüchern kenntlich gemacht (Formulierungen wie

«englisch», «inEngland», «in verschiedenen Ländern», «im Ausland»). Bei Phrasemen

kann sie jedoch nur empirisch, durch eine Umfrage bei mehreren ZS­Trägern

festgestellt werden. Eine wichtige Rolle spielen hier Sprachkontakte zwischen AS

und ZS und nicht etwa ihre genetische Annäherung (LEWICKI 1985:81­82). Wenn

ein gegebener Ausdruck mehrmals in Texten verwendet wird, was bei engen

Sprachkontakten oft geschieht, kann es zu einer Entlehnung kommen. Vielleicht ist

ein solcher Prozeß im heutigen Polnisch zu beobachten, wo in letzter Zeit immer öfter

derTerminuskanclerzfederalny (>DE Βundeskanzler) verwendet wird (früherkanclerz

RFN oder einfach kanclerz), was u.a. in Texten von Profil und Forum zu sehen ist.

Im Vergleich zu anderen Trägem der Fremdkonnotation in Übersetzungstexten ist

der Anteil der phrasematischen Sphäre nicht groß. Die Einheiten werden, mit

Ausnahme der Termini, nur selten wiederholt. Dennoch spielt der phrasematische

Bereich eine wichtige Rolle bei der Gestaltung der Fremdkonnotation in

Übersetzungstexten. Die phrasematischen Elemente sind nicht zu übersehen (sie sind

oft expressiv) und bewirken, daß das betreffende Textfragment unnatürlich erscheint.

Sie sind für den Forscher nicht zuletzt wegen ihrer internen Vielfalt sehr interessant.

Man darf jedoch nicht vergessen, daß sie im Textsystem zusammen mit anderen

konnotativen Mitteln wirken und nur in diesem Zusammenhang tatsächlich erforscht

werden können.

QUELLEN

(Cz): Czechow [Tschechow], A. Bezbronna istota. In: Czechow, A. Dziela, t.5,

Warszawa 1957.

(Forum) : Verschiedene Texte der der Zeitschrift Forum. Przegladprasy swiatowej.

Warszawa, 1987­89.

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Kjiy6a. MocKBa, 1984. (Pietr): Pietruszewska I., Nasz sklad. [TV-Vorführung] Warszawa.

365

Page 368: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

(Pol): Ilojibma ­ crpaHa flpy3eñ. Warszawa 1976.

(Profil): Verschiedene Texte der Zeitschrift Profil. Ζ zycia Republiki Federalnej

Niemiec. Hamburg, 1988­91.

BIBLIOGRAPHIE

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Text Processing. Text Analysis and Generation, Text Typology and Attribution. Proceedings of

Nobel Symposium 51. Stockholm.

CHLEBDA, W., 1991. Elementy frazematyki. Wprowadzenie do frazeologii nadawcy. Opole.

LEWICKI, R., 1985. Dwa polskie przeklady opowiadania Gogola Szynel. Slavia Orientalis, 1­2.

RECKER, Ja.I., 1974. PEJ4KEP, Ά. Η. TeopuH nepeeoda u nepeeodnecKax npaianma. Moctcea WILSS, W., 1988. Kognition und Übersetzen. Tübingen.

Dr. Roman LEWICKI Adjoint à l'Institut de philologie russe et slave

Universytet Marii Curie-Sklodowskiej Przedwiosnie, 1111

PL-20533 Lublin

366

Page 369: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Retrouver le cliché en langue d'arrivée ou du bon usage du cliché

Herbert Eisele

Sommaire 1. Introduction 2. Comment s'en sortir? 3. En quête de l'emballage idoine 4. Définition tentative 5. Modalités de recherche du cliché 6. Comment procéder pour former le futur traducteur à la nécessité d'user du cliché? 7. Sources 8. Nouvelles frontières 9. Conclusion Annexe

1. Introduction

Pour le traducteur, le texte en langue source (LS) produit un lavage de cerveau quant à la forme, aux signes, à l'expression, concentré qu'il est sur le sens à capter, le message à redire. Le résultat est qu'il se trouve comme paralysé, dans un premier temps, dans sa faculté d'expression propre. Idéalement il comprend le message, mais n'arrive pas à le formuler. Puis, en cherchant à l'exprimer, il se trouve préconditionné par la forme du message en langue source au point d'oublier sa propre langue, à moins qu'il ne soit très entraîné à passer de l'une à l'autre, mais même le professionnel connaît par moments les affres de l'amnésie.

2. Comment s'en sortir?

Par un exercice de dégagement se disant: gardons le sens, le contenu, mais jetons l'emballage. C'est plus facile à dire qu'à faire, d'autant moins que la forme a partie liée avec le fond, notamment pour la plupart des locutions à double-fond, où la forme ne fait pas double emploi. Cependant, en passant d'un idiome à l'autre, il faut se défaire du moule d'origine pour retrouver la liberté d'expression dans sa langue, la langue d'arrivée (LA).

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Page 370: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

3. En quête de l'emballage idoine

Après avoir jeté le conditionnement d'origine, il faudra réemballer la marchandise au goût du consommateur du marché d'import. Ce goût est flatté par le prêt-à-porter. Par conséquent, notre convoyeur de fond devra rechercher la forme la plus attendue pour toucher son public cible. Et cette forme est ce qu'on pourrait appeler, peut-être un peu abusivement, le cliché.

4. Définition tentative

Notons d'emblée que le cliché prend une connotation bien plus positive ici (après tout, on va au concert, au théâtre, au musée par goût du cliché, on écoute les contes de fée, les légendes, les fables par ce même atavisme ! ), dans cet exercice de retrouvailles, que la langue générale (LG) ne veut bien lui reconnaître. En effet, en LG cliché rime avec banalité (souvent redite), lieu commun, poncif, selon la plupart des usuels, alors que pour nous il s'agit d'un lieu de passage privilégié, voire obligé pour se faire comprendre sans peine1.

Le traducteur doit non seulement épouser les idées de son auteur, mais également le jargon (la formule consacrée) de son lecteur. Tant d'abnégation a naturellement son prix et ne s'obtient qu'à force d'exercices d'équilibre mental. Le sacrifice de l'originalité se fait sur l'autel de la communication.

Cette ascèse vise, en effet, à obtenir le maximum d'effet avec un minimum d'effort2: on est d'autant plus facilement compris qu'on emprunte les sentiers battus, en habillant l'idée à faire passer (le fond) de la forme la plus communément acceptée. Nous sommes loin de l'art littéraire et du vaillant traducteur acrobate opérant en LG et qui doit redoubler d'efforts pour égaler l'originalité de son auteur, tout en produisant une copie lisible, mais où le lieu commun n'est pas fréquentable.

En revanche, le traducteur technique (et c'est de lui qu'il s'agit ici), entre grand écart et saut périlleux, doit retomber sur ses jambes en LA, par le truchement du cliché, c'est-à-dire la formule consacrée et affectionnée du spécialiste, son public cible. Ce jargon peut avoir ses formules fleuries, comme à la bourse (le $ a cédé du terrain) ou en droit (interjeter appel) qui, de trouvailles fort jolies au départ sont devenues des stéréotypes, polis par l'usage. Il s'agit bien de stéréotype qui, dans son étendue dépasse le terme et sort de ce fait de la terminologie à proprement parler pour entrer dans le domaine de la phraséologie technique, qu'on pourrait aussi appeler terminologie composée.

1 C'est la forme, non le fond, qui nous intéresse dans le cliché; cf. Redfern: «accepted tokens of communication, convenience language», Clichés & Coinages, Blackwell 89, p. 15

2 "the cliché is a labour-saving device, the line of least resistance", idem p. 17

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Page 371: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Voilà donc délimité le champ sémantique du cliché et esquissé sa portée en langue de spécialité . Cette portée mérite encore quelques réflexions, tout d'abord quant à l'intelligibilité du discours.

La fonction du cliché, au sens noble du terme, est de servir de monnaie linguistique, c'est-à-dire de pièces à conviction acceptées d'avance: la formule connue véhicule une valeur implicite, indiscutée (idée reçue). Le lecteur, confronté au cliché, comprend immédiatement le message, car la forme qui le présente est transparente pour lui au point que même un énoncé partiel lui livre d'emblée le tout. De ce fait, le lecteur peut anticiper sur le déroulement du discours, ce qui l'incite à participer activement au processus de communication. On pourrait dire dans ce sens que le cliché instaure une certaine complicité entre le traducteur et son lecteur, lequel pourra même, à la rigueur, suppléer les parties manquantes ou, comme en allemand, «blitzschnell schaltend» sachant par avance par quel verbe la phrase va se terminer, puisque tel sujet régit habituellement tel verbe (collocation usuelle): (Massnahmen treffen - prendre des mesures; Flügel stutzen - rogner les ailes; Kurs einhalten - tenir le cap). C ' est d ' ailleurs ce mécanisme langagier qui fait que le renvoi du verbe en fin de phrase ne pose aucun problème de communication aux locuteurs allemands.

Tout comme un mot, un cliché peut subir une déformation par l'usage, voire l'abus de langage, soit par jeu, soit par approximation dans le cas du néophyte encore malhabile dans son apprentissage d'un sociolecte que son changement de statut social l'oblige à assimiler, soit par emprunt mal compris d'une langue technique (exemples: «d'entrée» pour «d'emblée» ou peut-être par tronquage «d'entrée de jeu»; «pommes de terre en robe de chambre» pour «en robe de champs»; et enfin le «journalais»: «opérer des coupes sombres dans un budget», ce qui est un contresens, puisqu'en sylviculture les coupes claires sont plus sévères que les coupes sombres, qui laissent assez d'arbres pour qu'il y ait encore de l'ombre).

Le cliché c'est le succès assuré en communication par la facilité qu'il offre à comprendre, à saisir la signification. Le traducteur qui en use répond à 1 ' attente de son lecteur, tout d'abord un peu méfiant de ce qui peut bien s'offrir à lui. Il est progressivement conquis par l'aisance avec laquelle il peut suivre le développement des idées. Le cliché établit donc un rapport de confiance entre messager et destina­taire.

Tel Mercure, le traducteur est entremetteur et aplanisseur pour le commerce d'idées. Gare à lui s'il s'écarte des chemins battus! Il risque fort, dans ce cas, de se perdre dans la jungle de la mésentente3. Après tout, le lieu commun, c'est le marché où les esprit se rencontrent! Le traducteur aurait tort de se priver de l'aubaine.

3 Rémy de Gourmont: une page sans clichés est une suite d'énigmes, cela rebute l'esprit le plus curieux, idem p. 22. A non-cliché text would mean starting a new hare each sentence, id. p. 157

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Page 372: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

5. Modalités de recherche du cliché

A première vue, il peut paraître ou futile ou sans espoir que de vouloir rechercher «le cliché» en LA, car ou bien on traduit vers sa langue maternelle et dans ce cas le cliché «vient tout seul», ou bien on travaille en thème, comme on dit scolairement, et alors c'est de toute façon de la peine perdue, le cliché ne voulant pas «couler de source».

Un tel raisonnement est un peu simpliste, car même en traduisant vers la langue maternelle, jamais rien ne «vient tout seul» et cela d'autant moins qu'on est perturbé par la formulation en LS, laquelle évacue en quelque sorte toute autre forme dans l'esprit du sujet traduisant. Celui-ci, en se concentrant sur la compréhension de l'énoncé, met en veilleuse sa capacité de dire. Cette mise en attente produit un effet inhibitif passager ou durable, selon le sujet. Chez un sujet entraîné il sera passager, chez un «bimilingue» il sera durable en l'absence du réflexe ambilingue qui ne s'installe qu'à force de faire des exercices à cette fin. Vouloir mettre la réflexion à la place du réflexe est se condamner par avance, ce que fait le bimilingue placé devant un texte à traduire dont il comprend parfaitement le sens, mais dont il sera parfaitement incapable de redire le message dans l'autre langue de façon intelligible, coulant de source. Il tâtonnera, cherchant ses mots et finira par sortir des incongruités, s'il ne préfère pas simplement abandonner la partie.

Dans la formation du traducteur, il convient donc d'insister sur ce souci que celui-ci doit avoir pour s'assurer de dire le message recueilli du texte de départ de la façon la plus banale possible en LA. Nous avons vu que la banalité, pour courante qu'elle soit, ne s'impose pas pendant l'effort rédactionnel et a même une fâcheuse tendance à s'esquiver. Est-il besoin de répéter ici que «banalité», dans ce sens, n'est ni la chose dite, ni le concept évoqué, mais se limite à la forme linguistique, aux tournures exprimant les idées quelles qu'elles soient.

La recherche de la banalité va à l'encontre et de notre éducation et de notre affirmation de soi. La formation poursuivant cette recherche nous obligera, de ce fait, à désapprendre, à nous défaire de certains réflexes acquis et à surmonter notre tendance naturelle vers l'originalité.

L'objet de cette recherche étant l'expression, la forme habituelle et particulière de langue générale ou de langue de spécialité désignant un concept donné, l'effort doit porter sur le collationnement des formes entre deux idiomes, et là il n'y a plus d'évidences sauf celles qu 'on remarque. De plus, «évidence» vient du verbe «évider» et cela nous ouvre de nouveaux horizons. En somme, banalité en-deçà des Pyrénées, originalité au-delà.

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Page 373: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

6. Comment procéder pour former le futur traducteur à la nécessité d'user du cliché?

Dans un premier temps, il faudra éveiller en lui la curiosité du cliché, comme l'éveil àlaprosedeM. Jourdain. Cette sensibilisation doit devenir un nouveau réflexe. Celui-ci ne s'établira que par une pratique constante.

L'activité traduisante, pour être rentable, doit aussi être routinière, le cliché jouant donc déjà un rôle essentiel à ce stade. Cependant, quasiment tout texte comporte des passages à problème que l'on peut faire ressortir dans un exercice de traduction, en demandant si le sens recueilli du passage difficile connaît une expression toute faite en LA. Ce collationnement implique la délimitation du champ sémantique de la locution en LS et l'examen d'expressions qui s'offrent soit spontanément, soit par consultation de sources extérieures au chercheur. L'exercice est onomasiologique, mais avec la réserve importante que le chercheur n'est pas maître de l'appellation. D doit choisir tout d'abord parmi les formules existantes celle qui convient, le cliché de préférence. Et ce n'est qu'après avoir cherché en vain avec toute la diligence requise que le traducteur devient libre, mais libre comme un hors la loi.

On voit donc à la lumière de cette réflexion que le cliché ou la formule consacrée n 'est pas seulement une facilité pour la délivrance du message, mais également une protection pour le traducteur. Naturellement, il doit prendre certains précautions dans le choix du cliché. L'examen d'expressions pressenties doit débusquer les faux-semblants. Une phrase dans une langue est idiomatique en ce sens qu'elle est le fruit d'une culture et du génie de la langue propre à un peuple qui perçoit la réalité différemment de son voisin. En témoigne par exemple la variété de noms botaniques pour une seule plante, la désignation divergente du cri de tel ou tel animal par onomatopée, mais laquelle? ou encore le découpage de la viande, etc.

Il est donc plutôt difficile de trouver l'équivalence, au sens strict du terme, d'une formule toute faite d'un idiome à l'autre. Chaque peuple habille la vérité (=réalité) à sa façon, ce qui donne «à chacun sa vérité». Le traducteur, tout comme le couturier, s'arrête à l'habit qui vise à cacher la réalité toute nue et il doit dépister le costume folklorique qui habille cette réalité. Ce costume non seulement habille un même concept différemment d'une langue à l'autre, mais il n'en couvre souvent qu'une partie ou y englobe des réalités connexes exclues dans l'autre costume idiomatique; en clair, les champs sémantiques d'un concept sont rarement congrus d'un idiome à l'autre et a fortiori leur expression linguistique. Si cela est éminemment vrai en langue générale, la langue technique des sciences et sciences appliquées autres que sciences humaines, opérant avec des concepts très proches sinon identiques, permet un collationnement plus aisé des clichés les exprimant.

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Page 374: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

De ce fait, la chasse au cliché est encore plus indiquée en langue technique (LT) qu'en LG, le cliché s'offrant comme mot de passe par excellence, s'il recouvre la même réalité technique.

7. Sources

On se trouve ici en terrain inculte qu'il s'agisse de la LG ou de la LT. Il est vrai que certains usuels font état de locutions et/ou recensent des phrases clichées avec plus ou moins de bonheur pour la LG, mais en LT on débarque sur une terre inconnue. Le défrichage pourrait en être fait selon le modèle terminologique, puisque la phraséologie technique constitue, en somme, une extension de la termino. Il faudrait prendre systématiquement les différents types de collocation clichée, par exemple verbe -nom - verbe; nom - adjectif; adjectif - adverbe en les classant alphabétiquement par mot-clé et analogiquement par sujet/thème, etc.4.

Cette absence de sources rend le réflexe du cliché encore plus nécessaire d'une part pour faire le travail quotidien et d'autre part pour compulser un stock à toutes autres fins utiles. Le cliché est toujours une valeur sûre.

8. Nouvelles frontières

Traquer le cliché a ses limites, surtout en LT où la nouveauté est de mise. Mais cette nouveauté concerne plutôt la termino que la phraséo, laquelle mettra plus de temps à s'ouvrir à la néologie du fait de sa complexité. Elle évoluera probablement plus facilement par extension sémantique, encore que l'innovation ne soit pas exclue. Pour voir comment évolue le cliché ou plutôt comment naît un cliché, il suffit de brancher la radio ou la TV et ça se passe de commentaires («absolument», «écoutez», «si vous voulez»).

9. Conclusion

L'usage du cliché s'impose au traducteur par la facilité qu'il lui offre à faire passer le message. C'est la voie publique, le chemin battu, l'aisance de communication. Mais il faut le trouver et le trouver convenable, c'est-à-dire conduisant au but. Le traducteur lâché dans un texte est comme dans un épais fourré; il faut d'abord qu'il trouve son chemin qui doit déboucher sur la voie publique, celle qui est indiquée sur la carte qu'il faut naturellement consulter.

Cf. annexe.

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Page 375: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

L'usage du cliché donne confiance au lecteur, qui est dans une situation d'infériorité, ne connaissant pas encore le message. L'économie des moyens qui résulte de cet usage est doublement appréciable. Le message ainsi présenté franchit non seulement les barrières linguistiques, mais également les barrières psychologiques, évitant les préventions que le lecteur pourrait avoir en abordant le message.

La recherche et l'usage du cliché devront, naturellement, s'inscrire dans une stratégie générale (voilà un cliché relativement récent ! ) de traduction visant à 1 ' efficacité avant tout en passant par les voies de la moindre résistance pour délivrer le message; et le cliché en est une. De tout cela il ressort que, pour traduire, la vigilance est de rigueur!

Annexe

La recherche du cliché doit s'entourer de quelque précaution, eu égard, schématiquement, à quatre cas de figure (sinon plus):

1. Un cliché dans une langue n'en a rien d'équivalent dans l'autre:

tendu comme un ressort franchir une porte regagner son domicile assurer un service to catch cold to lop & crop to run errands etc.

Dans ce cas, on se charge du sens au mieux, compte tenu du contexte.

2. Un cliché peut receler deux sens ou nuances:

to lock up money - save invest

ohne viel Federlesens - prestement, mener rondement (son affaire), tout de go sans faire dans la dentelle - // négat. «in Bausch und Bogen» (ablehnen) verwerfen

sich über etwas aufhalten - rester accroché à qc. se scandaliser de qc.

cancelar un cheque _ encaisser #

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Page 376: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

3. Un cliché en langue source semble avoir des équivalents formels en langue cible:

Gefahr laufen courir des risques to run a risk

mais qui débouche sur un faux sens, ici sujet pour objet.

to cross a bridge - traverser un pont (au lieu de passer)

4. Enfin un cliché relève de l'usage allusif propre à l'idiome source, cette allusion disparaissant en langue cible:

vérité de La Palisse

fil à'Ariane

vis à'Archimede

ou change de symbole:

rat de bibliothèque

Binsenweisheit truisme

Leitfaden guideline(s)

Schnecke worm, endless screw

bookworm Bücherwurm

Herbert EISELE Enseignant

Institut supérieur a" interprétation et de traduction 21, rued"Assas

F-75270 Paris Cedex 06

374

Page 377: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Metadiscourse Collocations in Scientific Texts and Translation Problems:

Conceptual Analysis

Nadezhda K. Riabtseva

«Artificial intelligence will change the questions people ask and the methods they use.» H. Dreyfus / S. Dreyfus 1985.

Summary

1. A cognitive context of the problem 2. A linguistic context 3. Idiomatics in translation 4. The conceptual background of idiomatics 5. Translating academic style; metadiscourse collocations 6. Conceptual patterns of implicit metaphors that motivate lexical cooccurrence in scientific

metadiscourse 7. Translation implications 8. Practical benefits 9. Conceptual worlds vs. languages 10. Conceptual analysis and lexicography

The problem of idiomatics is changing greatly under the influence of a new scientific context and new scientific theories.

375

Page 378: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

1. A cognitive context of the problem: FIGURE 1

INTELLECTUAL REVOLUTIONS

CREATION OF AN ALPHABET CREATION OF COMPUTERS FOR INFORMATION PROCESSING: MODELLING HUMAN INTELLIGENCE

SUBCONSCIOUS

AW BEHAVIOUR THINKING 7\\

KNOWLEDGE REPRESENTATION LINGUISTIC COMPETENCE

FIGURE 2

There were only two intellectual revolutions in the history of mankind - creation of an alphabet, and creation of computers. Computers caused deep changes in almost all scientific disciplines and made them turn to a cognitive perspective.

Computers has made us realize that the most important human activities - behaviour and thinking - are of a predominantly subconscious character. That is the main difficulty in artificial intelligence practice. So it needs a solid theory of human intelligence. Such a theory should be based on linguistic research, as language is absorbing all peculiarities of human mentality. And such a theory can't help being cognitive.

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Page 379: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

The cognitive perspective in studying communication leads to a more adequate modelling of human intelligence. That is why linguistics is now becoming the main science in reconstructing mentality, cf. Winograd / Flores, 1985; Lakoff 1986.

The cognitive revolution implies new approaches to all linguistic problems. In cognitive perspective the subconscious apparatus of communication includes knowledge representation and linguistic competence.

2. A linguistic context: FIGURE 2

LINGUISTIC COMPETENCE

UNDERSTANDING AND GENERATING INTELLIGENT UTTERANCES AND TELLING THEM FROM ERRONEOUS AND ILLITERATE ONES

DISCOURSE PERCEPTION WITH ITS SIMULTANEOUS PROCESSING AT

ALL LINGUISTIC LEVELS:

- PHONETICS - MORPHOLOGY - LEXICS - SYNTAX - SUPERSYNTAX - MEANING - PRAGMATICS

COMBINING WORDS IDIOMATICALLY

FIGURE 3

Linguistic competence is one of the most prominent features characteristic to subconscious human intelligence. Cf. Apresian 1974; Chomsky 1988. Linguistic competence is a composition of four general linguistic abilities revealing a native speaker:

377

Page 380: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

(1) He/she can understand and generate intelligent utterances, and tell them from erroneous and illiterate ones;

(2) He/she can process discourse at the time of its perception, and at all linguistic levels - from phonetics to meaning and pragmatics - simultaneously;

(3) He/she can paraphrase discourse, and express one and the same meaning and intention in different linguistic ways;

(4) He/she can subconsciously combine words idiomatically.

3. Idiomatics in translation: FIGURE 3

DISCOURSE COLLOCATIONS

INTRALINGUISTIC IDIOMATICS: LINGUA 1 - MENTALITY

INTRALINGUISTIC IDIOMATICS: LINGUA 2 - MENTALITY

INTERLINGUISTIC IDIOMATICS

SUBCONSCIOUS SUBSTITUTION FOR NON-IDIOMATIC EXPRESSIONS

(SUB)CONSCIOUS SUBSTITUTION FOR IDIOMATIC COLLOCATIONS

CONSCIOUS COMPARISON OF L-l AND L-2 COLLOCATIONS:

CONCEPTUAL BACKGROUND

FIGURE 4

Translation theory is the only linguistic discipline which is able to expose the full extent of idiomatics in a language, provided it wants to do it.

From interlinguistic, translational, point of view, the most part of discourse collocations turn to be idiomatic, - as they can't be translated word by word. In Russian, for example, we don't rate a bus, but «sit on it», we don't go to bed, but «go for sleeping», and so on. Intralinguistically such expressions are not considered to be idiomatic but interlinguistically -they are. And that is the right interpretation. Translation means a

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Page 381: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

contrast between two languages, their comparison and differentiation. It thus can bring unconscious linguistic traits into consciousness and realization. The best way to do the job - is to submit it to conceptual analysis.

4. The conceptual background of idiomatics: FIGURE 4

CONCEPTUAL BACKGROUND OF DISCOURSE COLLOCATIONS

«COMMONSENSE IMAGES»: FOLK THEORIES, ACCORDING TO G. LAKOFF: INTERPRETING ABSTRACT THINGS AS IF THEY WERE PHYSICAL AND PERCEPTIBLE: e.g. time is money, fruitless idea, etc.

FIGURE 5

PROTOTYPE SITUATIONS, ACCORDING TO E.ROSCH: APPLYING SIMPLE AND PRIMITIVE DESCRIPTIONS TO COMPLEX SITUATIONS, Cf. a question = "a barrier", "an obstacle", like in to put a question

It is not accidental that most discourse collocations are idiomatic. Their idiomatics is «meaningful» - it is conceptually grounded and motivated. Our mentality is conceptually organized, and this conceptual organization can be traced in the way how words combine with each other in discourse. And vice versa: lexical co-occurrence in discourse exposes conceptual organization of mentality.

Every language reflects the mentality of the nation. Different nations think, in a certain, «conceptual», sense, in different ways. Common cultural traditions often lead to similar conceptual systems, but they never coincide completely. That's why a Frenchman may say in stead oil pay attention to - *I make attention at, translating word by word his native expression Je fais attention à qch. [Smadia 1989].

There are several ways in which philosophers present conceptual organization of mentality. George Lakoff speaks of «folk theories», Eleonor Rosch - of prototypes, etc. All of them have much in common and extend each other. They involve images, common sense, categorization, and motivation. This apparatus can be successfully applied to studying idiomatics in scientific discourse and explaining the rules of its translation [cf. Lakoff, 1986; Rosch 1975].

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Page 382: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

5. Translating academic style; metadiscourse collocations: FIGURE 5

SCIENTIFIC DISCOURSE

CONTENTS PROPER: TERMINOLOGY PROPOSITIONAL CONTENTS DICTUM

METATEXTUAL METASCIENTrFIC METADISCOURSE MODAL/MODUS EXPRESSIONS

ORGANIZATION OF PROPOSITIONAL CONTENTS:

METADISCOURSE COLLOCATIONS:

communicationally obligatory

rhetorically relevant

phraseologically bound

SUBCONSCIOUS IMPLICIT METAPHORIZATION OF MENTAL WORLD: CONCEPTUAL PATTERNS

FIGURE 6

Scientific discourse, from referencial point of view, consists of the text and the metatext, - terminology and its «wrapping», propositional contents and its modal (modus) characteristics, - metadiscourse collocations.

Metadiscourse collocations in academic style are:

- communicatively obligatory, - rhetorically relevant, - phraseologically bound.

Metadiscourse collocations in academic style are phraseologically bound, as they are the result of subconscious implicit metaphorization of mental world. This metaphorization is of several conceptual patterns, which motivate lexical cooccurrence in scientific discourse and make it idiomatic, particularly from interlinguistic point of view.

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Page 383: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

6. Conceptual patterns of presenting mental world : implicit metaphors motivating lexical cooccurrence in scientific metadiscourse: FIGURE 6

«MENTAL WORLD» METAPHORS

«BRAINS ARE EYES»: A PERCEPTIVE IMAGE OF SCIENCE to observe a problem,

a tendency; to demonstrate an approach; to review a theory; a blurred concept

«COGNITION IS A HARD WORK»: A DYNAMIC IMAGE OF SCIENCE AS IF IT WERE:

- A HARD ROUTE; - A STRUGGLE; - BUILDING; - A FIGHT; - OVERCOMING A

BARRIER e.g. to build a theory; to come accross unexpected

problems; to supply arguments; a deep thought; to follow one's way of

thinking; a direction of thoughts; to package an idea; to accumulate knowledge; a rough idea

«KNOWLEDGE IS A PLANT»: A BIOLOGICAL IMAGE OF SCIENCE a mature theory; a fruitful hypothesis; the roots of the theory; to generate an idea

Mental world is conceptualized in a lot of implicit ways, resulting in divergent and numerous phraseological collocations. The main patterns of conceptualizing are the metaphors «brains are eyes», «cognition is a hard (physical) work or a struggle», «knowledge is a plant», and some others.

The metaphor «brains are eyes» creates a «perceptive» image of science and cognition. It develops through such expressions as to observe a tendency, to show I trace I scan a problem, to demonstrate I display an approach, to review a theory, to throw light on the question, a blurred concept, a bright idea, a vague meaning, etc.

Such collocations are motivated by the existing connections between perception and cognition. In different languages this conceptual pattern generates similar but not

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Page 384: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

identical collocations. For example, in Russian we can say «to look at the meaning», «to glance at the principles», etc.

The metaphor «cognition is a hard work or a struggle» creates a dynamic image of science, presenting it as a hard route that should be gone from its beginning to the end, a struggle against difficulties, or «mining», «digging» and extracting something important out of deep layers and bringing it to the surface, or as if it were building or constructing something high, solid and strong. A dynamic image of science gave birth to numerous collocations, such as to build a theory, to come across unexpected problems, to supply arguments, to hit upon an idea, to accumulate knowledge, to follow the way of thinking, to shake beliefs, a direction of thoughts, a rough idea, deep understanding.

Such collocations are motivated by the fact that cognition is a hard mental work consisting of numerous intellectual operations. In different languages this conceptual pattern generates similar but not identical expressions and word combinations. For example, in Russian we can say «to build a chain of thoughts», «to deepen cognition and understanding», «to break an opinion», «to go beyond the limits of widespread beliefs», «the edifice of science», «to return to the idea», etc.

The metaphor knowledge is a plant reflects a «biological» interpretation of cognition and science. It is implicitly present in such expressions as a mature theory, a fruitful hypothesis, the roots of the theory, to generate an idea, etc.

7. Translation implications

In fact there are a lot of ways to metaphorize cognition and present it as if it were a physical thing. This is the most common tradition of subconscious conceptualization of abstract and unperceptible phenomena, generally characteristic to mentality and accordingly - to all languages. Most of them are used in scientific metadiscourse subconsciously in the form of idiomatic metadiscourse expressions. Such conceptual patterns:

- direct our understanding of unperceptible world, structure and order this understanding;

- create linguistic means of describing mentality; - generate phraseological expressions that do not coincide in different languages.

The best way to render such expressions in another language is not translating them word by word, but «restoring» their meaning in the translating language with the help of the corresponding phraseological collocations, generated by a similar conceptual pattern.

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Page 385: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

8. Practical benefits

All these considerations laid out here very briefly and roughly, were used as a basis for compiling an expert computer system called «Version» - meant as a linguistic assistance in self-translating scientific papers into English. The frame of its linguistic software is presented in the thesis to the conference.

The «superidea» of such an enterprise was, however, that when translating a text from one language into another, a translator should start thinking in the other language, otherwise he will mix different conceptual worlds.

9. Conceptual worlds vs. languages: examples

«Conceptual world» is a structure of notions and relations between them. Every notion, or a concept, - is a mental reflexion of something external. A concept can be poor or rich, complex or simple, separate or independent. Concepts are forming in experience and materialize in language - through words' meaning, usage, associations and connotations, that is, through their predicates.

Since conceptual worlds do not coincide completely, as corresponding experiences and associations differ, words in different languages, though similar in meaning, often are used differently.

For example, in Russian the words «a question» and «a task» express intersecting concepts: there are meanings that they both can render. In the expressions to put a question, to put a task they both have a connotation of "something, that should be overcome", as if they are "a barrier". But in other respects they differ: in Russian it is possible to say «to close a question» and «to fulfil a task», and not vice versa. All such expressions expose the way how we conceptualize our experience, and how this experience direct lexical cooccurrences. So in Russian these two words show that there is something common between a question and a task, and that this fact is registered in the Russian conceptual world.

In English the corresponding notions have their own conceptual peculiarities, reflecting the corresponding experience concerning questions and tasks.

On the one hand, their conceptual patterns differ, as in: to resolve I bring up I raise a question vs. to perform I carry out I do I undertake a task. On the other hand, they have something in common conceptually, as they both can be coped with, as in Russian. These conceptual links explain why Russian «question» can sometimes be translated as a task.

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Page 386: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Conceptual patterns not only organize the conceptual world, but also generate

conceptual stereotypes. These stereotypes very often hinder interpreters from realizing

how DeoDle think in other laneuaees. V U I I V V L T l U U l Ü V V 1 W I T L / W k ) . *■ H V J V i J l V l W V S I J

how people think in other languages

For example, the English word a question has, among others, the meaning of "doubt",

"uncertainty". It can be traced in the expressions beyond all questions, past question,

without question, out of question., to call sth. in question. In Russian conceptual world

this meaning is almost alien to the word «question». This concept doesn't include the

connotation of "doubt". In other words, Russians do not associate question with doubt

and uncertainty. The concept of question in Russian is associated with "a thing that

is hindering the normal course of affaires", or "a barrier, that should be overcome".

The conceptual differences between Russian and English words "question" are also

evident in their derivational meanings. In English, questionable means "doubtful", in

Russian the corresponding derivative means only "not knowing". That is why an

Englishman can say highly questionable, but a Russian ­ can't.

Such «conceptual situation» means at least two things. The first is a lexicographical

one. Dictionary writers and compilers should realize that they present not only

different meanings and usages of words, but also different conceptual worlds.

The second is a translational one. Conceptual stereotypes very often form a conceptual

barrier between two conceptual worlds. For example, it is very difficult for a Russian

interpreter to associate "doubt" with the English word question and questionable. In

order to translate the word question into Russian by "doubt", or to render this meaning

into English by question, the interpreter should first realize the conceptual difference

between two conceptual worlds. And this realization should become a matter of

linguistic education.

The famous Hamlet ' s exclamation To be or not to be ­ that is the question, was translated

into Russian many times, and always ­ using the word "question". And there was not

a single translator who ever suspected that it was not only a question, but also a doubt.

Though ­ he could have to.

10. Conceptual analysis and lexicography

The realization of the conceptual background of lexical cooccurrences in discourse

opens new perspectives in presenting word combinations in translators' dictionaries.

Up to now lexicographic practice in this respect was completely empirical, ad hoc,

occasional, unsystematic, incomplete and text­dependent. But now it can become

theory­dependent. This will make it exhaustive, explanative, progressive and complete.

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Page 387: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

BIBLIOGRAPHY

Yu. APRESIAN. Lexical semantics (in Russian). Moscow, 1974. N. CHOMSKY. Language and problems of knowledge. Massach., 1988. H. DREYFUS / S. DREYFUS. Mind over machine: The power of human intention and expertise in

the era of the computer. 1985. G1AKOFF. Classifiers as a reflection of mindJn: C. CRAIG (ed.). Noun classes and categorisation.

Amsterdam, 1986. E. ROSCH. Cognitive representation of semantic categories. In: J. of Experimental Psych. 1975,

N. 104. F.A.SMADIA. Lexical cooccurrence. The missing link. In: Literature and linguisitic computing.

1989, N. 3. T. WINOGRAD, F. FLORES .Understanding computers and cognition. 1985.

Nadezhda K. RIABTSEVA Collaborateur scientifique

Institut de linguistique Académie des sciences de Russie

Semashko 1/12 103009 Moscou

Russie

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Page 388: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations
Page 389: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Phraseologismen -Crux der Maschinenübersetzung

Annemarie Schmid

Der Titel umreißt eine Tatsache in der Maschinenübersetzung (MÜ), der voll­automatischen wie der humangestützten MÜ, die alle mit dem Schaffen von Über­setzungsprogrammen Befaßten ebenso wie die Nutzer solcher Programme anerkennen. Sie weisen sie den noch ungelösten Problemen oder den unüberwindlichen Grenzen der MÜ zu, je nachdem, ob sie dieser mit Begeisterung oder Skepsis gegenüberstehen.

In der umfangreichen Literatur zur MÜ1 wird berichtet, Phraseologismen, Phrasal Verbs und Mehrwortverbindungen überhaupt seien Bestandteile des Lexikons, entweder des allgemeinen Lexikons odereines eigenen Idioms-Wörterbuches2. Wie die verschiedenen Programme Phraseologismen in der Analyse- und Synthesephase verarbeiten, wird meist nicht gesagt, die Übertragung von Phraseologismen wird lediglich zusammen mit der Auflösung von Mehrdeutigkeiten, von pronominalen Bezügen usw. unter den noch zu lösenden Problemen der MÜ aufgezählt.

Dem gegenüber gehen Lehrberger/Bourbeau3 in ihrem 1988 erschienen Werk Ma­chine Translation näher auf die Schwierigkeiten ein, die Phraseologismen - in ihrer Terminologie Idioms, Phrasal Verbs- aber auch Mehrwortverbindungen überhaupt - in ihrer Terminologie groupings, collocations - der MÜ bereiten. Dabei unter­streichen sie, gestützt auf ihre reiche Erfahrung mit MÜ im technischen Bereich, insbesondere die Bedeutung des Kontextes für das Identifizieren einer Mehrwort­verbindung in der Analysephase. Sie räumen gleichzeitig ein, daß der für das Erkennen der Verbindung relevante Kontext nicht generell zu bestimmen sei, je nach Fall eine längere Passage, ja der ganze Text mitberücksichtigt werden müßten. Indem

vgl. H.E. Bruderer,//fl«dè«c/i der maschinellen und maschinenunterstützten Sprachübersetzung, München-New York (Saur) 1978, S.21, S.25, S.28. vgl. WJ. Hutchins, Machine Translation: Past, Present, Future, Chichester (Ellis Horwood) 1986, S. 43, S.64, S.194. vgl. J. Lehrberger/L. Bourbeau, Machine Translation. Linguistic characteristics of MT systems and general methodology of evaluation, Amsterdam-Philadelphia (Benjamin) 1988, S.16 f., S.21 f., S.68 f., S.96 f.

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Page 390: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Lehrberger/Bourbeau die Relevanz des Kontextes für das Erkennen von Mehr­wortverbindungen thematisieren, verweisen sie auf ein wesentliches Charakteristikum jeder Mehrwortverbindung hin, nämlich ihre starke Eingebundenheit in den Kontext, ins Textganze. Darauf kommen wir noch zurück.

Wenden wir uns nun unseren eigenen Beispielen der Übersetzung von Phraseologismen zu. Sie stammen aus Texten, die im Rahmen eines zweijährigen Forschungsprojektes von mehreren auf dem Markt befindlichen MÜ-Programmen übertragen wurden. Es handelt sich dabei um Texte, die parallel zur maschinellen Übersetzung von den Studenten des Innsbrucker Instituts für Übersetzer- und Dolmetscherausbildung in den laufenden Ausbildungskursen übertragen wurden; das erklärt teilweise ihre thematisch breite Streuung im allgemeinsprachlichen und fachsprachlichen Bereich.

Unter den nachstehenden Beispielen finden sich Mehrwortverbindungen, etwa groupings oder Standardformulierungen, die nicht dem Bereich des Phraseologischen im engeren Sinne zugeordnet werden können; aber auch bei ihrer Übersetzung treten Fehlleistungen auf.

Sieht man die nachstehenden Ergebnisse der Übertragung von Phraseologismen durch das interaktive System TS S/ALP- S y stems und durch die Batch-Systeme LOGOS und METAL näher an (siehe unten), stellt man fest, daß die Programme LOGOS und METAL, dem Grundansatz der MÜ entsprechend, auch bei Phraseologismen ausnahmslos dem Modus des Umkodierens jeder einzelnen as. Lexie folgen. Das interaktive Programm TSS tut dies in aller Regel auch. Nimmt der Übersetzer zu Beginn oder im Verlauf der Übersetzungsarbeit Einträge ins Lexikon vor, werden diese nach unserer Erfahrung mit der TS S-Programm-Version 4.3

- entweder korrekt verarbeitet, ex. strong-arm tactics - "harte Gangart" in Beispiel 1, Europe gets ready - "Europa bereitet sich vor" in Beispiel [3],

- oder es treten Fehlleistungen in der Verarbeitung auf, ex. looking ahead - "das Blicken in die Zukunft" in Beispiel [3], landmark measure - 'mesure innovateuse' in Beispiel [9],

- oder das Programm läßt den Neueintrag völlig unberücksichtigt, etwa im Falle der tag-questions in den Beispielen [7] und [11].

Stellt man sich die Frage nach den Gründen für die an den Beispielen ausgewiesenen Fehlleistungen im Bereich des Phraseologischen, so scheint die Antwort in einem umfassenderen Problem der MÜ beschlossen zu sein, dem Problem mit den Relationen überhaupt. Dieses wiederum hängt mit dem Problem des Sinns des ganzen Textes zusammen.

Der Mensch ist in der Lage, im Medium seiner Sprache durch In-Relation-Setzen von Nennungen Sinn zu vollziehen; der Kommunikationspartner ist bei gemeinsamer

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Page 391: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Sprache und ausreichendem geteiltem Wissen imstande zu verstehen, d.h., aus dem Geflecht der in Relation gesetzten Nennungen den Sinn zu erfassen. Was dabei an kognitiven und psycho-physischen Fähigkeiten zusammenwirkt, entzieht sich noch weitgehend unserer Kenntnis und noch mehr der Analyse. Es ist auf alle Fälle vom Rechner nicht nachvollziehbar; er kann in einen Sinnvollzug eingebettetes Verstehen und Meinen nicht leisten.

Fehlt das jedoch, so können u.a. Relationen/Bezüge zwischen den Wörtern nur erkannt und analysiert werden, wenn sie, etwa aufgrund ihrer Morphologie oder Distribution, von außen erkennbar und eindeutig sind. Markierte und eindeutige Bezüge aber finden sich in natürlichen Sprachen nur in beschränktem Ausmaß. Deshalb treten die meisten Fehlleistungen der MÜ-Programme beim Handhaben von Relationen auf4.

Diese grundlegende Schwierigkeit der MÜ wirkt sich im Falle des Phraseologischen zweifach aus, denn hier müssen a) die Relationen innerhalb der komplexen Lexie oder der festen Phrase, b) die Relationen der komplexen Lexie oder der festen Phrase zum Kontext und

Textganzen erfaßt und in der Übertragung mitbedacht werden5.

Wenden wir uns zuerst der Relation innerhalb der komplexen Lexie zu. Die Bezüge der Interaktion und Interdependenz, die eine Konkatenation von Wörtern zu einer komplexen Lexie oder einer Phrase machen, sind, etwa im Schriftbild, nicht markiert; die Verdichtung nach innen, die Abdichtung nach außen, welchediese Bezüge stiften, treten nicht sichtbar in Erscheinung.

vgl. A. Schmid, «Maschinenübersetzung: Möglichkeiten und Grenzen (Forschungsbericht)», in: TexTconTexT, Vol.6/1991-2/3, S.l 15 - 156. Nach unseren eigenen Forschungen zu den Phraseologismen milmettre und angesichts der Fragen, welche Fachtexte im Bereich des Phraseologischen aufwerfen, schlagen wir im Anschluß an B. Pottier, Linguistique Générale, théorie et description, Paris (Klincksieck) 1974 und seine Unterscheidung von lexie simple, lexie complexe und lexie textuelle folgende Grobklassifikation vor:

Komplexe Lexien 'Groupings' (Gruppen)

Kollokationen, bevorzugte Analysen

Phraseol. im engeren Sinn

feste Phrasen phatische, transitorische Phrasen, Standardformu­lierungen /Standard­textabschnitte

Sprichwörter Geflügelte Worte

Besonders im Bereich der "festen Phrasen" bedarf es noch umfangreicher Untersuchungen gemeinsprachlicher und fachsprachlicher Texte, um zu einem zufriedenstellenden Ordnungs­schema zu gelangen.

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Page 392: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Diese Relationen können nur in seltenen Fällen von der Syntax her identifiziert und charakterisiert werden. Komplexe Lexien sind mit wenigen Ausnahmen regulär gebildet.

Die Charakterisierung dieser Relationen gelingt eher von der Semantik her. Feste Phrasen und komplexe Lexien sind sekundäre Bildungen aus mehreren Wörtern, die mit ihrem Potential als sprachliche Zeichen, insbesondere mit ihren semantischen Möglichkeiten auf verschiedene Weisen am Zustandekommen einer neuen Benennung, einer neuen Sachverhaltsdarstellung mitgewirkt haben.

In einem grouping entstehen die internen Relationen durch Integration und Verdichtung der denotativen Bedeutungen der Bildungselemente, ex.6/TSS a high throughput X-ray mission for spectroscopic studies - "Röntgenmission für hochauflösende spektroskopische Untersuchungen".

In einer "Standardformulierung" wie admitted to hospital with suspected brain tumor ex.4/TSS entstammt die inteme Relation einer von den Fachleuten bevorzugten Art und Weise, einen Sachverhalt zu benennen, einer «bevorzugten Analyse» von «sachbezogener Fixiertheit» wie Thun das nennt6.

In einer "Kollokation" wie to wield power ex. 2/TSS haben wir es mit einer auf semantischer Interdependenz beruhenden internen Relation zu tun, während diese in qualified trustee ex.5/TSS durch Terminologisierung, also durch Eingrenzen der Referenz auf einen bestimmten Bereich entsteht. Ein Vergleich mit der von einem Juristen gegebenen Übersetzung ins Deutsche machtdas deutlich deutlich: 'Treuhänder mit bestimmten Rechten und Pflichten'.

Im Bereich der Phraseologismen im engeren Sinne steht ihre interne Relation mit der menschlichen Fähigkeit zu abstraktem und figurativem Denken, zu einer Art "dé­doublement" von konkret - abstrakt, von literal und figurativ in Beziehung.

In durch Abstraktion oder Bedeutungsübertragung zustandegekommen Phraseolo­gismen und Phrasal Verbs scheinen Prozesse semischer Verschmelzung und teil weiser oder totaler semischer Umschichtung, etwa zwischen denotativer und konnotativer Bedeutung, wirksam zu werden7.

Über diese Prozesse zerbrechen sich die Linguisten die Köpfe. Den Hörer/Leser oder Übersetzer kümmern sie weniger. Für sie ist das Ergebnis dieser Prozesse, der neue Bedeutungsinhalt, ausschlaggebend.

vgl. H. Thun, Probleme der Phraseologie, Tübingen (Niemeyer) 1978, S.50 und 52. (=Beihefte zurZRP168) vgl. A. Schmid, Ein Beitrag zur Phraseologie des Französischen: Syntaktisch-semantische Untersuchungen zu "mettre" infesten Verbindungen, Innsbruck 1984 (1BK Sonderheft 57). A. Schmid, "Mettre à toutes les sauces". Analyse sémantico-syntaxique des lexies complexes à base de 'mettre', Paris (Klincksieck) 1991.

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Page 393: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Diese semantische Information können Wörterbücher geben, die Phraseologismen, Phrasal Verbs, Kollokationen und Groupings aufbereiten. In dieser Hinsicht können auch die Lexika von MÜ-Programmen zweifellos noch verbessert werden.

Dem Suchen nach Information über den Bedeutungsinhalt geht aber notwendig das Identifizieren oder Wiedererkennen der aus semischen Prozessen hervorgegangenen polylexikalen Bennenung als Einheit voraus. Denn eine Konkatenation mehrerer Wörter kann einmal als freie Kombination, ein andermal als polylexikale Benennungs­und Bedeutungseinheit (komplexe Lexie oder Phrase) funktionieren. Dies zu unterscheiden, ist dem Menschen als verstehendem Wesen möglich, u.a. wiederum, weil er Relationen zu erfassen und zu interpretieren vermag.

Hier sind die Relationen Bedeutungseinheit - Kontext/Text angesprochen, deren Wichtigkeit Lehrberger/Bourbeau unterstreichen.

Aus den vielfältigen Beziehungen - zum Außersprachlichen (Thema des Textes, Fachbereich), - zum unmittelbaren und mittelbaren Kontext (in seiner semantischen, pragmatischen

und syntaktischen Spezifität), - zum Textganzen, in denen die zu identifizierende Konkatenation steht, vermag der Mensch zu sagen, ob eine primäre Verwendung von Wörtern vorliegt, oder ob es sich um eine sekundäre, durch semantische Verdichtung, durch Abstraktion oder Bedeutungsübertragung entstandene Einheit oder auch um sprachliches Spiel mit Phraseologischem handelt. Einem MÜ-Programm ist dies, wie die Beispiele zeigen, nicht möglich.

Es ist zweifelhaft, ob auf dem Hintergrund einer «Idioms-Vergleichsregel», (wie U. Weinreich sie im Anschluß an Mel'c'uk für sein generatives Semantikmodell vorgeschlagen hat8, oder auf dem Hintergrund einer Analyse des Kontexts (welches ist der relevante Kontext?), einer Unterscheidung von «sublanguages» die erzielten MÜ-Ergebnisse erheblich verbessert werden könnten. Denn die identifizierten und analysierten komplexen Lexien und festen Phrasen müssen erst noch in der Zielsprache übertragen werden. Das aber fällt auch dem Humanübersetzer nicht immer leicht. Mehr noch als im Falle einfacher Lexien wird an komplexen Lexien und festen Phrasen der Unterschied zwischen lexikalischer, in Wörterbüchern erfaßter Bedeutung und «Bedeutungsverwendung» in AT und aufzubauendem ZT deutlich9.

vgl. U. Weinreich, «Probleme bei der Analyse von Idioms», in: Kiefer, F. (Hsg.), Semantik und generative Grammatik 2, Frankfurt (Athenäum) 1972, S.415 - 470. vgl. A. Schmid, «Bedeutung und Bedeutungsverwendung im Lichte der maschinellen Übersetzung», in: Thelen,M./B. Lewandowska-Tomaszcyk (Hsg.), Translation and Meaning, Part 1, Maastricht (Euroterm) 1990, S.79 - 89.

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Page 394: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Schon das Suchen nach der lexikalischen Bedeutung von komplexen Lexien ist eine frustrierende Sache. Wörterbücher stellen den Übersetzer in diesem Punkt nur selten zufrieden und können es auch nicht. Denn komplexe Lexien und feste Phrasen sind besonders Schwerin Lexikoneinträge zu fassen und mit Übersetzungsvorschlägen zu versehen.

Das liegt daran, daß komplexe Lexien und feste Phrasen als sekundäre Bildungen stark einzelsprachlich geprägt sind, durch innere Relationen zusammengehalten und mehr als einfache Lexien aus ihren Bezügen zu Kontext und Textganzem entschlüsselbar werden. Beim Übersetzen müssen sie mehr noch als einfache Lexien in ihrer jeweiligen Verwendung im AT erkannt und interpretiert und dann ins Bezugsnetz des Zieltextes eingebunden werden.

Hier kommt für MÜ-Programme zur Schwierigkeit mit dem Erkennen und Verarbeiten von Relationen noch die Unmöglichkeit hinzu, Bedeutungsverwendung in AT und ZT zu vollziehen.

Diese Aporie vermögen auch verbesserte Lexika und Algorithmen zur Verarbeitung der komplexen Lexien nicht aufzuheben. In wieweitder Einsatz neuronaler Netzwerke für das Überstzen im allgemeinen, die Übertragung von Phraseologismen im besonderen, neue Wege eröffnet, bleibt abzuwarten. Komplexe Lexien und Phrasen werden wohl noch lange eine Cmx der MÜ bleiben.

a) Beispiele der Übersetzung durch TSS/ALP Systems = interaktives System

von komplexen Lexien = Groupings, Kollokationen, Phraseologismen im engeren Sinne, Phrasal Verbs

und von festen Phrasen = phatischen Phrasen, Einleitungs- und Überleitungsphrasen, Standardformulierungen

EN - DE:

1. Mr. Gorbachev's Risky Putsch (* markiert einen zusätzlichen Lexikoneintrag)

In 1985, Andrei Gromyko* praised Mikhail Gorbachev* in a speech, telling us that behind his flashing smile, the party leader* had «iron* teeth». Now Gorbachev has bared* them, gnashed them and knocked the center-right opposition* off balance. Credit Gorbachev with being a good counterpuncher*. As the evidence mounted* in recent weeks that his reform programm was in political trouble, he decided to come out swinging - replacing Gromyko as president and demoting* four other Kremlin critics* in a sudden and masterful* putsch.

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Page 395: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

But the problems that put Gorbachev on the ropes in the first piace* remain as serious as ever. And the Soviet leader may yet pay a price for his strong-arm tactics* over he past few days.

Im Jahre 1986 lobte Andrej Gromyko Michail Gorbatschow in einer Rede und berichtete uns das hinter seinem blitzenden Lächeln, hatte der Parteiführer eiserne Zähne». Nun hat Gorbatschow ihnen gezeigt, fletschte sie und stieß die Mitterechtsopposition von Gleichgewicht. Erkennen Sie Gorbatschow zu, der ein guter Gegenschläger ist Als der Beweis sich in letzten Wochen häufte, daß sein Reformprogramm in politischen Schwierigkeitenen war, beschloß er herauszukommen zu schwingen -, indem er Gromyko ablöste, als Präsident und vier andere Kreml Kritiker in einem plötzlichen und meisterhaften Putsch degradierte. Aber die Probleme, die Gorbatschow setzten, an die Seile ursprünglich (Ü) bleiben wie je so gefährlich. Und der sowjetische Führer könnte einen Preis noch bezahlen wegen seiner harten Gangart des letzten wenige Tage.

2. Egg on their faces

«Along the way, many of her most vigorous young backbenchers*, who thought they had joined* a party which challenged vestedinterests, have been appalled to discover how much/røvver the Tory farm lobby can still wield.

Entlang den Weg sind viele ihrer energischsten jungen Hinterbänkler, die meinten, daß sie einer Partei beigetreten waren, die verliehene Interessen anfocht, entsetzt worden zu erkennen, wie viel Macht die Tory Landwirtschaftslobby immer noch schwingen kann.

3. Looking ahead*. Europe gets ready* for 1992

Customs controls and a maze of other barriers will disappear. Here's how the countdown* to a truly Common Market is reshaping the way* companies do business*.

Das Blicken in die Zukunft. Europa bereitet sich auf 1992 vor.

Zollkontrollen und ein Gewirr anderer Schranken werden verschwinden. Hier ist, wie derCountdown für einen wirklich gestaltet Gemeinsamer Markt die Artfirmen Geschäft neu machen.

4. Intracerebral Metastatic Malignant Teratoma

...from this time onwards the child was confined to bed. The child was admitted to hospital with suspected brain tumor.

...von diesem Zeitpunkt an wurde das Kind ans Bett gefesselt. Das Kind wurde ins Krankenhaus mit verdächtigtem Gehirntumor eingeliefert.

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Page 396: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

5. The Transfer of Land*

When a valid contract for sale* exists, the purchaser acquires an equitable interest* in the property

and the vendor is in effect a qualified trustee for him.

Wenn ein gültiger Kaufvertrag vorhanden ist, erwirbt der Käufer /einen dinglichen Anspruch nach

dem Equity­Recht/ * an der Liegenschaft und der Verkäufer ist in Wirklichkeit ein qualifizierter

Treuhänder für ihn.

6. ESA­Programme

A High Throughput*X­Ray Mission for Spectroscopic*Studies between 0.1 ­ 20 KeV

Eine Hohe Auflösung Röntgenmission für Speklroskopische Studien zwischen 0.1 ­ 20 KeV

7. A Telephone Call

«I'm seeing you at Liz's tomorrow, is that right!»

«Ich sehe Sie bei Liz, morgen, hat Recht so!»

EN ­ FR:

8. Looking ahead*. Europe gets ready* for 1992

Customs controls and a maze of other barriers will disappear. Here's how the countdown* to a truly

Common Market is reshaping the way* companies do business*

Se tourner vers l'avenir (Ü). Europe se prepare pour 1992

Les contrôles de douane et un labyrinthe d'autres barrières disparaîtront. Ici est comment le compte

à rebours à a vraiment Marché commun transforme les entreprises de manière fait des affaires.

9. And a landmark measure*lalc last year opened the clubby* European airline industry* to

competition.

Et une mesure inno vateuse aouvcrik la fin de l'année dernière Γ industrie aérienne peu concurrentielle

à concurrence.

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Page 397: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

10. Pursuit of the Perfect Polyglot

Some scientists have decided to cut through the mess by using a computer to produce a selection of possible interpretations for ambiguous phrases and letting a human sort them.

Certains scientifiques ont décidé de couper par la pagaille en employant un ordinateur pour produire une sélection d'interprétations possibles pour des syntagmes ambigus et laissant un humain les trier.

I L A Telephone Call

«I'm seeing you at Liz's tomorrow, is that right?»

«Je te vois chez celui à Liz, demain, est si juste?»

DE - EN:

12. Boswells Dr. Johnson

Über die Allgegenwart* Dr. Johnsons in der englischsprechenden Welt brauchte man kein Wort zu verlieren, wenn bei uns wenigstens das eine bekannt wäre, daß Johnson dortzulande* der nach Shakespeare am meisten zitierte Autor ist.

About the omnipresence of Dr. Johnson in that English-speaking world needed one no word to lose, if at our place at least the one would be known that Johnson is there that after Shakespeare most quoted author.

b) Beispiele der Übersetzung durch LOGOS = Batch-System

EN - DE:

1. Programming

In principle, you could therefore already store the desired programme before loading the disc in the player, but then you run the risk of erroneously programming one or more higher track numbers than actually exist on the disc.

In Prinzip könnten Sie deshalb schon das verlangte Programm im Spieler vor dem Einlegen der Platte speichern, aber dann Sie laufen die Gefahr versehentlich eine oder mehrere höheren Stück-Nummern zu programmieren als ist eigentlich auf der Platte vorhanden.

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Page 398: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

2. CITES

Known as "CITES", the "Convention of International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora" entered into force on 1 July 1975.

Als CITES bekannt, trat der "Convention of International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora" am 1. Juli in Kraft ein.

c) Beispiele der Übersetzung durch METAL = Batch-System

DE - EN:

1. Nixdorf: Jahresbericht 1987

Die Bedeutung der Mitarbeiter für das Unternehmen kommt auch im Rahmen der betrieblichen Wertschöpfung zum Ausdruck. The importance/meaning of the employees for business comes too within the framework of the company internal worth creation to the expression.

Weltweit setzt sich der Trendzar Integration von Datenverarbeitung und Nachrichtentechnik fort. The trend toward the integration of data processing and communication engineering sits down worldwide away.

Annemarie SCHMID Professor

Institut für Übersetzer- und Dolmetscherausbildung Universität Innsbruck

Kaiser-Franz-Josef-Straße 14 A-6020 Innsbruck

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Page 399: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Socioterminologie et phraséologie: pertinence théorique et méthodologique

Yves Gambier

Sommaire 1. Introduction 2. Jusqu'où aller entre langue et discours? 3 Dans le flux des échanges 4 Entre langue et discours: comment appréhender la phraséologie? 5 Implications en terminologie: est-on dans une impasse? 6. Ecouter la langue...

1. Introduction

Ce n 'est pas d ' aujourd 'hui que date l'envie d ' un dictionnaire contextuel, distributionnel, terminolinguistique où besoins dénominationnels et besoins langagiers et discursifs seraient satisfaits. Par ailleurs, l'exigence d'idiomaticité serait à la base des efforts de tout traducteur -comme elle serait aussi l'indice d'une maîtrise élevée en langue étrangère, par delà les marques d'interférence, de «contamination», de calques...

Derrière cette envie et cette exigence, on peut percevoir une distanciation par rapport aux dictionnaires, à leur «aberration» de vouloir isoler les mots alors que ceux-ci prennent sens sur l'axe syntagmatique, à leur manière circulaire de définir les entrées, au flou des emplois suggérés dans les exemples.... Est-ce à dire qu'il y aurait retour aux manuels de conversation figée, rêve d'une langue de bois? C'est un sens de «phraséologie»: usage de phrases verbeuses...Mais on peut percevoir aussi le désir un peu fétichiste d'incorporer les manières de l'autre, quasiment de le singer comme si on était à sa place. Est-ce à dire que l'au-delà des mots s'il était consigné, imité mènerait plus à l'aliénation qu 'à la dynamique des langues vivantes, à leur fertilisation?

2. Jusqu'où aller entre langue et discours?

Il est aisé de noter la diversité des dénominations pour indiquer les unités translexicales, les combinaisons de mots plus ou moins figées: syntagmes lexicaux, phraséologie, expressions ou tournures idiomatiques/usuelles, locutions, idiotismes (ex. gallicis-

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mes), collocations, maximes, clichés, adages, dictons, maximes, proverbes, expres­sions toutes faites, formules consacrées ou rituelles ou stéréotypées...

Simple comme bonjour, vivre d'amour et d'eau fraîche, veuillez agréer etc., il faut et il suffît que, attendu que, dans la mesure du possible, rendre un vibrant hommage, en être de sa poche, de fil en aiguille, vélo tout terrain, connecter des micro­ordinateurs en réseau...sont des exemples de ces formes composites, parfois lexicalisées mais souvent absentes des dictionnaires. Certes certains répertoires existent - pour les locutions, pour les formules de politesse et de correspondance, pour la terminologie de conférence... Ces formes plus ou moins sclérosées, à la mode dans certains cas, reflètent et constituent à la fois une partie de notre imaginaire quotidien, par ex. à travers les slogans publicitaires (LU et approuvé;le poids des mots, le choc des photos...), les slogans politiques (sous les pavés, la plage). Elles permettent des références et allusions à une sagesse populaire accumulée dans l'histoire, à des éléments de culture: clins d'oeil, complici té...qui font l'implicite, le présupposé de tout échange. Néanmoins, avec elles les jeux ne sontpas toujours faits, sémantiquement: c'est le principe du «détournement» (En avril, ne te découvre pas d'un Dim; un café nommé Désir), des calembours fréquents dans les journaux d'opinion, la presse satirique (Libération, Le Canard Enchaîne), dans les chansons d'un Brassens...

Il existe donc des appellations diverses pour ces associations de mots, plus ou moins lâches qu'on ne peut rattacher aux classes déjà bien définies - comme celle de syntagme lexical, comportant lui-même plus d'une trentaine de synonymes aux caractéristiques syntaxiques, sémantiques et d'usage, précisées par ex. par Kocourek 1979, Boulanger 1989.

En aval de ces syntagmes lexicaux/terminologiques, en amont des macrostructures du discours, il y a ainsi place pour certains énoncés qui n'ont pas la stabilité forte du lexique et qui jouent des moyens de la syntaxe - énoncés familiers, sur l'axe syntagmatique, que notre sentiment de la langue rend acceptables mais encore irréductibles à une analyse univoque. On les appellera énoncés phraséologiques (cf. «phrases» en anglais, syntagmes de discours) ou collocations (cum-locare/placer ensemble) - ex. injecter une présérie, avoir la ferme intention de, porter une accu­sation contre, avoir une envie folle de, mettre quiconque au défi de, souscrire à un emprunt, être le théâtre de manifestation, serrer un écrou...

Dans ce qui suit, on tentera de justifier le traitement discursif en terminologie puis on reviendra sur les traits distinctifs possibles de ces courts énoncés pour mesurer finalement les implications de cette approche de la phraséologie pour un terminologue.

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3. Dans le flux des échanges

Pour un traducteur, il ne suffit pas de connaître les équivalences mot à mot (transcodage), terme à terme: il faut aussi savoir comment fonctionne l'unité dans le discours, quels sont ses environnements possibles, ses constructions pertinentes - cela pour éviter des traductions terminologiquement adéquates mais textuellement pau­vres. De même pour le terminologue, les correspondances multilingues, éclairées par la place du concept ainsi dénommé dans le savoir et la pratique des spécialistes, doivent être tirées de contextes authentiques.

Dans les deux cas, il y a détour par le discours, détour occulté en théorie de la terminologie ou pris comme allant de soi. Les unités - du syntagme complexe lexicalisé aux parties de phrases plus ou moins figées - sont constitutives même du «jargon» de spécialistes;tandis que les termes simples, isolés sont vite repérables, les ensembles dynamiques en discours, correspondant à des matrices d'information, offrent plus de résistance à leur identification. On peut dire pourtant que ces unités sont des unités de travail pour le traducteur - à la recherche d'équivalence et d'idiomaticité, pour le terminologue - à la recherche d'exemples et de définitions. Reconnaître que les termes se déploient avec des non-termes, selon des contraintes morpho-syntaxiques, en relation sémantique, c'est bousculer la définition stricto sensu du terme, c'est réhabiliter enfin ces «mots-outils» (verbes, prépositions...) si nombreux dans tout texte et si vite négligés sinon exclus de la terminologie dominante. Cette dernière rejoint ainsi les tentations contradictoires de la lexicographie;un lexique est la reproduction finie et schématique d'un ensemble d'usages qu'il est sensé (re)présenter. Certaines fiches terminologiques indiquent déjà cette ouverture sur le discours, surtout pour les termes nouveaux, en donnant des contextes d'emploi, en indiquant le niveau de langue.

Tout mot ou terme ne fonctionne qu'en co-occurrence avec d'autres, voisinages plus ou moins habituels, fréquents, répétitifs. Diffuser par ex. au Québec brake=frein, sans diffuser aussi des énoncés phraséologiques, c'est permettre (sans jugement de valeur ici) une expression comme checker les freins. En abordant les collocations (combi­naisons syntagmatiques), le terminologue aborde les mécanismes de signification tels qu'ils sont bricolés dans l'interaction, prend en considération les termes tels qu'ils sont manipulés, négociés, sans cesse réajustés dans le communication spécialisée. Sa démarche dès lors n'est pas sans analogie avec celle du cogniticien qui cherche à extraire des connaissances du spécialiste et à les représenter dans un système-expert.

Le terme n'est pas qu'une étiquette épinglée dans une taxinomie immuable. Il est lieu de conceptualisation et lieu de consensus momentané d'une communauté restreinte mais pas forcément homogène (chercheurs, entrepreneurs, ingénieurs..) et aussi traces d'une activité discursive prise dans un continuum intertextuel. La dynamique terminologique, créée et reflétée à la fois par divers types d'énoncés (écrits, oraux)

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est inséparable des conditions de production de ces énoncés (publications, colloques, salons;par ordinateur, par tél., par correspondance, en face-à-face avec un collègue de même discipline ou pas, etc). Considérer cette dynamique, c'est réintégrer la dimension sociale et historique des terminologies (intention des énonciateurs, con­naissances des destinataires, attentes et ententes tacites entre eux, polémicité des échanges dans la division du travail, jeu des transferts interdisciplinaires, des analogies, des métaphores...). Cette perspective instaure un mouvement où la monosémie n'arien d'une délimitation hors contexte du sens des unités discursives;elle ne colle pas à la vision de la science «pure», close, exprimée essentiellement dans un écrit considéré comme inaltérable - où les concepts ne fonctionnent plus comme instruments heuristiques, explicatifs. Cela est d'autant plus aujourd'hui que science, technique, production sont en synergie constante, qu'il y a transdisciplinarité (YG. 1991, p. 36-40; Guespin 1991). Fondée sur l'émergence et la circulation des notions et des termes, leurs transformations incessantes au coeur des activités concrètes, la socio-terminologie cherche à réintroduire la terminologie dans la pratique sociale qu'est tout discours (y compris le discours terminologique), tentant du même coup de comprendre les divisions des connaissances et des disciplines, les rapports entre dénominations (productions langagières) et besoins conceptuels, entre travail (forces productives) et savoir/savoir-faire (dynamique cognitive), s'efforçant de démonter les principes et postulats qui occultent les rapports de force dans la communication, les enjeux de toute énonciation, quittant ainsi la définition du sujet comme seule source de concepts (YG. 1989,1991-a: p. 9-12,1991-b: p. 49-54).

Le langage technico-scientifique est un faire connaître qui vise une transposition explicative du sens, pour des acteurs sociaux aux stratégies discursives différenciées: aux apports de la sociolinguistique, de la sémantique cognitive s'ajoutent ici pour l'analyse les acquis, surtout méthodologiques, de l'ethnographie de la parole, de l'analyse conversationnelle.

En passant du terme au texte, en se tournant vers la phraséologie, la terminologie (re)découvre la «parole» - plurielle, contrastée: est-ce une manière pour elle de scier la branche de ses présupposés? Avant d'essayer de répondre à cette question, il est nécessaire de s'interroger encore sur les énoncés phraséologiques: relèvent-ils de la «langue»? Quel est leur rôle dans l'activité discursive?

4. Entre langue et discours: comment appréhender la phraséologie?

On peut constater et/ou regretter les problèmes soulevés par les co-occurrences lexicales en linguistique informatique, l'absence quasi générale de la phraséologie dans les dictionnaires et les banques de termes, le faible intérêt porté jusque là - sauf pour des raisons didactiques -à son analyse.

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Dans ces manières d'exprimer les choses, quel est le rôle du verbe? des déterminants? On a séparé (voir plus haut) les syntagmes complexes des autres formes composites qui nous intéressent maintenant mais à partir de quel moment le passage se fait-il entre ces deux catégories? Les critères de découpage - formel, sémantique, quantitatif, taxinomique, synonymique, néonymique (cf. AILA 1978) - déjà difficiles à mettre en place pour les syntagmes, s'appliquent-ils, sans modifications, aux énoncés infraphrastiques? Y a-t-il quelques régularités dans la formation de ces énoncés? Y a-t-il des règles qui gouvernent les relations entre leurs formes et leur interprétation? Peut-on envisager de répertorier les phraseologies par «domaine», de les typologiser selon leurs structures? Peut-on atteindre l'exhaustivité ou des limites raisonnables et raisonnées?

Les réponses ne sont pas faciles...et la linguistique générale , la lexicologie sont de faible secours: parex. leDictionnaire de Linguistique deDuboisetal. (1973-Larousse) définit idiotisme et phraséologie comme constructions propres à une langue donnée, sans renvoyer d'une entrée à l'autre.

Comment traiter des tournures comme: régler (le jeu) des soupapes, venir/amener X à résipiscence, mettre la machine en route, prendre des mesures de rétorsion, le cheval bronche, le moteur hesitei calléis'emballe, calculer/prélever¡fixer un impôt, leverIouvrirIsuspendrei'solliciter une audience, se mettre long (parier sur la hausse des cours, par opposition à shorten'jouer la baisse), donner consigne à X, etc. Les constituants en sont-ils toujours discontinus c. à d. permettant expansion, insertion -ex. régler de belles soupapes, solliciter une longue audience, la réunion aura très probablement lieu demain, faire plus ample connaissance - au contraire des mots composés (une belle et grande maison mais pas un beau et grand père pour un grand beau-père)?

Quelles sont les contraintes distributionnelles?

Firth, un des premiers linguistes à avoir abordé les «collocations» dans divers travaux échelonnés de 1935 à 1957, a défini plusieurs modes de signification: celui par collocation est une «abstraction au niveau syntagmatique», «non directement concernée par l'approche conceptuelle du sens des mots». Cette réflexion initiale aété développée ensuite par des néo-Firthiens (Halliday, Hasan, Sinclair...), sans pour autant parvenir à une définition satisfaisante. On peut généralement distinguer entre les combinai­sons libres (interchangeabilité surl'axeparadigmatiqued'itemsgardantleur autonomie sémantique -ex. construire/bâtir une maison/un pont, cela n'empêche pas parfois un certain figement: une résistance acharnée, une ferme intention, un argument de poids, un souhait légitime, un bruit infernal, une envie folle, un temps exceptionnel, etc) et les constructions relativement fixes de mots dont l'ordre, l'agencement grammatical ne prêtent guère à des changements -ex. avoir 20 ansito be twenty years/ olla 20-vuotias).

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Idiomes, collocations et autres locutions connaissent pour au moins un de leurs éléments une commutabilité restreinte, conditionnée par l'usage;ils ont une certaine fréquence d'occurrence qui fait que leur forme semble facilement reconnaissable pour un certain nombre de locuteurs (prendre la fuite, se mettre à fuir, f aire rage, sans crier gare, contracter un emprunt...). Malgré tout, les deux grandes classes citées n'ont pas une frontière tranchée - tant les cooccurrences peuvent avoir des degrés variés de lexicalisation, appeler des restrictions syntaxiques différentes, avoir un sens construit tantôt par la somme des éléments en présence (mesurer la température) tantôt se différenciant de cette somme (plier bagage).

La sémantique lexicale n'offre guère encore d'outils pour aller plus loin. Rappelons que pour la grammaire transformationnelle, les possibilités idiomatiques d'un item lexical, délimitées dans le lexique en termes de «traits», se définissent par des «restrictions de sélection». Entre syntaxe (grammaticalité) et sémantique (compatibilité), les collocations jouent et sur l'axe syntagmatique et sur l'axe paradigmatique, lacompétition entre les deux plans ayant des bases psycholinguistiques mises en évidence par ex. dans les recherches sur l'aphasie.

Parmi les énoncés phraséologiques, ce sont certainement les unités verbe/substantif (V+N, N+V) qui ont été les plus étudiées - avec ou sans article (cf. Anscombre): ex. avoir envie de, donner consigne à, donner ordre à, prendrefait et cause pour, intenter une action en justice contre, prononcer un jugement, monter un métier à tisser, tirer une traite, etc. Ces unités ont un lien syntaxique (ordre des mots, présence ou non d'une préposition, d'un article, marque du substantif...) tel que le sémantisme du verbe est modifié: ex. exprimer ses regrets (verbe en premier, pluriel du nom, emploi dupossessif). Elles peuvent révéler aussi un certain style ou registre (exprimer sapeine, adresser ses condoléances). De tels phraséologismes analytiques verbaux ne sontpas faciles toujours à repérer dans un corpus, certains étant assez connus (ex. se mettre d'accord pour, donner son accord à, signer un accord), d'autres semblent plus fortuits (ex. ruiner ses atouts).

Que disent par ex. Saussure et Bally?

Saussure a imposé le terme «syntagme» mais sans cerner exactement le concept correspondant. Il groupe en effet sous ce terme des combinaisons de mots (jusqu'à la phrase)- ex. forcer la main à quelqu'un, Dieu est bon, des mots fléchis -ex. nous sortirons, des composés - ex. relire, des dérivés - ex. délocalisation (Cours de lin-guistiquegénérale 1964, p. 170-172). La seule distinction qu'il faitressortir.c'estque ces «syntagmes» ne sont pas tous également libres: certains appartiennent à la langue (locutions toutes faites, ex. à quoi öon;expressions comme: rompre une lance, avoir mal à la tête, point n'est besoin de...), d'autres à la parole (par ex. la phrase). Non seulement les limites entre les deux types sont loin d'être évidentes (p. 173) mais les différences entre les formes de syntagme de la langue ne sont guère précises. Les

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«particularités de signification et de syntaxe» ne sont pas suffisamment systématisées pour arriver à des définitions satisfaisantes. La régularité des formes, leur fréquence, leur figement méritent une analyse plus approfondie. En tout cas, le «syntagme» saussurien se distingue du syntagme chomskyen et du syntagme terminologique.

Trouve-t-on une explication linguistique plus précise chez Bally, le premier à avoir entrepris un examen de la phraséologie française au niveau synchronique? Sa définition de départ est assez vaste: le syntagme est tout ensemble de signes combinant un thème (déterminé) et un propos (déterminant), il est «le produit d'une relation d'interdépendance grammaticale entre deux signes lexicaux appartenant à deux catégories complémentaires l'une de l'autre» (Linguistique générale et lin­guistiqueJrançaisele éd. 1944) -ex. pêcher à la ligne, prendre place. Cependantpour Bally, tout syntagme est fondamentalement libre c. à d. que ses éléments sont commutables sans que leur rapport soit grammaticalement modifié (parvenir à un accorala une entente) et tout syntagme peut être remplacé par un autre de même catégorie. Mais quelle est la liberté de: faire acte de, avoir maille à partir avec! Bally est amené alors à distinguer le syntagme du «groupe agglutiné» (ex. ouvrir les hos­tilités, tout à coup). Le manque de clarté entre les deux est aggravé encore dans LGLF à la fois par le traitement des «signes fractionnés» (à signifié unique réparti sur plusieurs signifiants) - même type de groupement que les agglutinations mais analysé du point de vue sémantique et non plus syntaxique et par le traitement des «composés»-«syntagmes virtuels qui désignent, en la motivant, une idée unique» (p. 141). Les syntagmes seraient libres grammaticalement et sémantiquement tandis que les groupes agglutinés, les composés auraient des éléments peu ou pas libres. Derrière ces distinctions, on semble revenir à la distinction saussurienne entre syntagmes de langue, «marque de l'usage collectif» et syntagmes de la parole «qui dépend de la liberté individuelle» (CLG, p. 173).

En fait, c 'est par un retour au Traité de Stylistique française ( 1909,2è éd. 1919) qu 'on peut peut-être dépasser cette dichotomie tranchée1 pour envisager les phraseologies non plus comme des produits achevés mais comme des unités qui se forgent et se métamorphosent sans cesse dans le discours. Benveniste s'interrogeant sur la com­position nominale, sera amené aussi à dépasser l'opposition trop nette entre langue et parole pour affirmer que «la langue n'est pas un répertoire immobile» mais « lieu d'un travail incessant qui transforme ses catégories et produit des classes nouvelles»: dès lors, l'approche formelle de la locutionalité ne peut être que stérilisante puis-qu'incapable dedécrire «l'activité métamorphique» que représentent les combinaisons de morphèmes et lexemes (Problèmes de Linguistique générale 11-191 A, p. 145-176).

1 L'élaboration du Traité est contemporaine des cours de Saussure. Bally, alors professeur à l'université de Genève, a suivi ces cours entre 1906 et 19 lOtandisqu'il réécrivait le 7>aiie à partir d'un Précis de Stylistique. La question des relations/influences possibles reste ouverte.

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Dans son Traité, Bally montre l'importance et la complexité du phénomène de la phraséologie, un des faits d'expressivité dominants. Son terrain est celui de l'appren­tissage et de la méthodologie de l'enseignement des langues secondes. En quelques lignes, il justifie et définit les unités phraséologiques (p. 66):

«dans la langue maternelle, l'assimilation des faits de langage se fait surtout par les associations et les groupements (...). Ces groupements peuvent être passagers mais, à force d'être répétés, ils arrivent à recevoir un caractère usuel et à former même des unités indissolubles (...). Entre les cas extrêmes (groupements passagers et unités indécomposables) se placent des groupes intermédiaires appelés séries phraséologiques».

On a donc un continuum: entre les unités figées et les combinaisons passagères, existent des collocations plus ou moins ouvertes et fréquentes. Parmi les indices pour reconnaître les phraseologies, Bally avance celui du degré de figement - souvent repris après lui (cf. Danlos-éd. 1988, notamment M. Gross) - sans formuler néanmoins de critères généraux ni de possibilité de mesurer ces degrés. Il avance aussi la notion d'archaïsme pour laquelle il donne une définition discursive et structurale:

«un archaïsme est un fait de langage qui, pris isolément, n'est pas compris du sujet parlant et ne devient intelligible que par sa présence dans un groupe de mots;ce groupe seul a un sens (...). Tout fait d'archaïsme est l'indice d'une unité phraséologique» (p. 82).

Exemple: brandir un bâton en guise de lance, dans la locution en guise de, le subs­tantif guise, vieilli, est vivant car il fait partie d'un ensemble.

Les énoncés phraséologiques - formes complexes relevant de diverses catégories syntaxiques (V, N, adj, adv., prép., conj., dét.), figurées ou pas, plus ou moins figées-sónt l'un des moyens qui permettent de caractériser un texte ou ses parties. Constitués de combinaisons récurrentes, plus ou moins stabilisées, de formes lexicales et grammaticales, ils apparaissent comme des ensembles de formes simples construites dans des contextes contraints, susceptibles toutefois de certaines variations: le lexeme ou morphème ne peuvent être pris comme unités de description. Utiles pour la traduction, l'approche stylistique des textes, l'analyse de contenu, l'indexation même, ils renvoient à des formes syntaxiques associées à des fonctionnements discursifs. Il n'en reste pas moins qu'ils brouillent toute systématisation et cela dès leur repérage: un même texte (littéraire, politique, technique...) ne donne pas lieu nécessairement à des relevés concordants, pour des locuteurs travaillant sur ces unités complexes-malgré toutes les justifications possibles (distribution restreinte, figement, équivalent sémantique unique, référence unique, sentiment d'archaïsme, sentiment de fréquence en langue...). Comme pour la néologie, on fait face ainsi à une certaine intuition/subjectivité, instable entre les locuteurs et chez un même locuteur. L'ab­sence de consensus, la multiplicité des critères utilisés - chez des observateurs ordinaires comme chez les linguistes - pourraient faire abandonner la notion. Pourtant elle résiste: tout le monde convient que dans tout texte il y a des énoncés phraséologiques - de nature et de fonctionnement certes différents (cf. sans mot dire, avoir sous les

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yeux, mettre au premier plan, conduite des affaires...). Certains énoncés sont recon­nus parce que produits, répétés par le texte même; d'autres le sont parce que renvoyant à des règles générales supposées définir la phraséologie (critère de fonctionnement grammatical, critère referentiel...).

Dans cette situation incertaine de reconnaissance, de description, de définition, que peut la terminologie? En quoi les perceptions des intuitions de locutionalité pour­raient-elles être moins incertaines, les jugements de phraséologie plus unanimes?

5. Implications en terminologie: est-on dans une impasse?

En plaidant pour une approche plus socio-discursive de la terminologie (cf. 3), on a été amener à justifier la prise en considération des termes non isolés, en contexte. Mais par ailleurs, on a vu (cf. 4) que la linguistique générale ne peut que de façon très partielle traiter les énoncés infraphrastiques, composés de plusieurs éléments lexico-syntaxiques. Est-on dans une impasse? La contradiction entre l'approche souhaitée et les moyens d'analyse disponibles est-elle surmontable à présent? Le phénomène omniprésent de la phraséologie, avec ses caractères composites, hétérogènes, résiste-t-il à toute systématisation - même en se limitant aux langues dites de spécialité?

Il faut ici rappeler que même si les théories butent sur la phraséologie, certaines pratiques dépassent en partie ces lacunes ; on citera pour mémoire: - Les travaux du groupe d'analyse des unités syntagmatiques du Laboratoire de

lexicométrie de St Cloud, rattaché à l'INaLF - portant essentiellement sur des textes politiques, syndicaux, historiques. Ces recherches ont permis de développer nombre de notions appliquées au recensement informatisé (fréquence, itération, cooccurrence, concordance de fréquence, distribution et localisation dans le texte, analyse factorielle des correspondances, terme pivot, réseaux d'association entre mots...).

- Les travaux du Laboratoire d'Automatique Documentaire et Linguistique (LADL)-UA 819 du CNRS, rattachée à Paris VII, sous la responsabilité de M. Gross - qui visent à la constitution d'un lexique-grammaire des constructions nominales et verbales en français (vers une base de données décrivant les propriétés distributionnelles et transformationnelles du lexique). Des tables d'expressions figées sont en cours d'élaboration.

- Les travaux menés sous la direction de I. Mel'cuk qui ont abouti à la réalisation du Dictionnaire explicatif et combinatoire du français contemporain (vol. 1-1984, vol. 2-1988), la description d'un «lexeme» comportant cinq zones dont une pour les locutions plus ou moins figées, y compris dictons et proverbes.

- Les travaux des Benson et de R. Ilson (Lexicographie Description of English) qui ont donné le dictionnaire combinatoire de l'anglais: The BBI Combinatory Dictionary

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of English: A guide to Word Combinations (1986-286p.), avec une introduction substantielle sur la définition et les catégories de collocations grammaticales et lexicales - complété cette année par un manuel d'utilisation, avec exercices différen­ciant les collocations des associations libres et des idiomes (58p.).

- Divers travaux en linguistique informatique: par ex. application des méthodes quantitatives à la littérature avec la base de données Frantext, description contextuelle des mots en vue de l'établissement de la grammaire textuelle de différents auteurs au Laboratoire d'Analyse Relationnelle des Textes (Paris VII)... En terminologie proprement dit, on citera les logiciels assez récents pour repérer les unités dans des bases de données textuelles (avec analyseur syntaxique des phrases, critères grammaticaux de lexicalisation, programme de statistique lexicale...) - par ex. à l'Office de la Langue française au Québec (OLF-BTQ), au Centre d'ATO (Analyse de Textes par ordinateur) de l'Université du Québec à Montréal, à l'Université Laval (sur des conventions collectives), etc, etc.. Ces recherches visent aussi bien l'identification de collocations que la représentation des connaissances. Quel que soit leur degré de sophistication pour décoder ou générer des textes, elles n'en ont pas moins besoin de définir au préalable leurs unités d'analyse: comment formaliser les énoncés phraséologiques sans se donner des paramètres défînitoires, sans s'en donner une classification? Peut-on réinvestir tous les outils formels utilisés, toutes les définitions bricolées pour les discours idéologiques, littéraires...sur les discours technico-scientifiques sans préciser davantage les spécificités de ces derniers?

C'est comme linguiste et terminologue, ne pouvant suivre ni appliquer tous les développements en linguistique informatique, que je pose ces questions.

Qu'implique le traitement des énoncés phraséologiques qui ne sont ni des syntagmes terminologiques (composés complexes relevant d'une compétence en langue) ni des unités finies et figées comme le proverbe, le dicton, la maxime? Qu'implique le traitement de ces expressions infraphrastiques, tournures plus ou moins fréquentes dont les combinaisons et variations, pour être comprises, font appel à des propriétés linguistiques et discursives?

On peut penser que la phraséologie en LSP diffère de celle en langue ordinaire dans la mesure où elle renferme comme pivot un terme se rapportant à une notion (ex. créer un fichier; l'unité centrale consulte le fichier). Mais on peut penser aussi qu'il n'y a pas de différence car elle est toujours en discours, à marquer un acte, un processus (virer un chèque, lancer un emprunt). Alors qu'un terme se définit en théorie comme correspondant à un concept donné dans un «domaine», un énoncé phraséologique est lié à son fonctionnement discursif, indice d'appartenance à un groupe socio-culturel, garant d'une communication efficace, positionnée selon les normes d'une pratique professionnelle. La gestion de ces unités diffère donc de celle des termes isolés. La phraséologie suppose alors de repenser le terme: le terme technique se référant à un extra-linguistique est-il similaire au terme scientifique, reflet de la réflexion en

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mouvement générée par la parole avec ses analogies, ses métaphores, ses courts-circuits sémantiques, ses tournures imagées, idiomatiques? Elle suppose aussi d'approfondir encore les degrés de lexicalisation, les degrés de figement (probabilité de collocation de certains mots entre eux, fréquence de leur usage). Au niveau méthodologique, bien des questions restent ouvertes qu'on peut regrouper ainsi: 1- sur l'identification: quels corpus représentatifs saisir? Y a-t-il des domaines plus phraséologiques que d'autres? Les techniques sont-elles moins phraséologiques que les sciences, elles-mêmes moins phraséologiques que l'économie, le droit? Y a-t-il correspondance entre ce degré et la fréquence de la métaphorisation par ex.? Qu'en est-il des «types» de textes - du mode d'emploi à l'article pointu, de la notice brève au rapport de laboratoire? Une telle typologie reste à faire...N'est-ce pas aussi ou plus à l'oral que sont énoncés les énoncés phraséologiques? Jusqu'où délimiter les co-occurrences? Y a-t-il une distance arbitraire à considérer entre les éléments? La souplesse lexico-syntaxique relative des collocations est part de leur originalité mais l'extension du contexte doit avoir ses limites. Comment s'assurer que de tels énoncés relèvent d'un «domaine» terminologique précis? 2- sur la définition: comment décrire les unités phraséologiques? Quelles informa­tions grammaticales, sémantiques fournir? Quelles données sont pertinentes pour trouver des équivalents en une autre langue? Peut-on envisager une normalisation phraséologique? Que faire avec les emprunts/calques phraséologiques? 3- sur la classification: on connaît les problèmes posés par l'enregistrement des syntagmes complexes, souvent fractionnés, disséminés dans les dictionnaires, les vocabulaires (ex. bateau-mouche à l'entrée «bateau», chèque documentaire à «chèque»). Qu'en est-il en phraséologie, ensemble syntagmatique et paradigmatique et non expression isolée dont les répertoires sont justement encore à créer? On fera remarquer ici que les dictionnaires d'expressions et locutions ont souvent une présentation lexicographique (entrée lexicale avec analyse sémantique et souvent historique) qui ne peut faire apparaître aucune régularité morphologique et syntaxique. Comment alors traiter les variations discursives? Comment aussi envisager un ensemble évolutif - non seulement qui puisse accueillir de nouvelles cooccurrences mais qui puisse également accepter les ajustements de la structure des données?

6. Ecouter la langue... Plus de questions que de réponses, plus d'incertitudes que d'affirmations: l'élabora­tion de cet exposé n'a pu dépasser la tension entre la difficulté théorique et la quasi nécessité pratique d'aborder la phraséologie. La nouvelle orientation terminologique - considérer les énoncés phraséologiques, renforcer le caractère encyclopédique des données - serait-il un leurre?

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Quelle est Γ »utilité» d'une terminologie incluant de tels extraits textuels? On peut

croire que les parties de discours faciliteraient l'appropriation de l'écriture. Mais

peut­on réduire la langue à de tels stocks stables, à un conservatoire de formes

habituelles alors que la parole introduit sans cesse des glissements de sens, des erreurs

et lapsus créateurs (ça m'a passé une année de/j'ai passé une année à + ça m'a pris

une année de; demander une question (poser); avoir la haine (être furieux)..)?

La langue n ' est jamais prisonnière de ses deux axes (paradigmatique et syntagmatique).

Une terminologie qui voudrait étendre son champ doit se situer ou du côté de la

description, de l'observation des usages, ou du côté de la prescription pour satisfaire

aux besoins des traducteurs, des rédacteurs.. .Dans ce cas, les pratiques lui rappelleront

vite que les crocs en langue existent: ce sont eux qui font la créativité et le changement

linguistiques.

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Yves GAMBIER Professeur adjoint

Université de Turku Tykistökatu 4

SF-20 520 Turku

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Sémantique et terminologie: sens et contextes

Allai Assai I François Gaudin I Louis Guespin

Sommaire

1. Nécessité de l'information contextuelle 2. Les contextes 3. Contextes et définitions naturelles 4. L'isonymie 5. Intérêt cognitif de l'isonymie 6. Creuser l'isonymie 7. Utilité de l'isonymie

La phraséologie occupe une place centrale au sein d'un continuum qui va du syntagme complexe aux simples collocations. Nous ne chercherons pas à isoler l'objet phraséologie en terminologie, le caractère notionnel du travail terminologique rendant difficile l'application de critères purement formels pour distinguer, au sein de régularités distributionnelles, les phraséologismes des énoncés de discours acci­dentels.

Nous nous intéresserons plus particulièrement à l'intérêt que présente l'option consistant à fournir le plus possible d'informations contextuelles - parmi lesquelles les informations phraséologiques -, cette option ayant été adoptée par notre Groupe de Recherches de Terminologie (URA CNRS 1164). La majeure partie de nos exemples seront empruntés aux biotechnologies, domaine auquel sont consacrés une base de données et un dictionnaire plurilingue en cours de développement au sein de notre groupe.

1. Nécessité de l'information contextuelle

Ce domaine est pauvre en phraséologismes stricts, et de ce point de vue, nous nous écarterons du thème central de ce colloque. Toutefois, on ne saurait s'intéresser à

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la phraséologie sans prendre en compte les diverses obligations de dire que manifestent un technolecte particulier et qu'imposent les conditions de production des discours.

Sur le plan pratique, l'information contextuelle est nécessaire à divers titres aux utilisateurs potentiels des dictionnaires. Au plan stylistique, les contextes permettent d'appréhender des différences de type editoriales ou rédactionnelles: il peut être utile au rédacteur de connaître les types de documents et de situations de communications où l'on va utiliser microbe ou microorganisme, et de savoir dans quels cas ils sont utilisés comme variantes libres, ou font l'objet d'une distinction notionnelle. Mais, plus largement, le contexte permet de repérer les nombreux faits de synonymie stylistique, liée à cette habitude bien française de redouter les répétitions d'un même item.

On peut ainsi trouver dans un même contexte, et pour dénoter la même action des nucleases sur les acides nucléiques, les syntagmes «possèdent des sélectivités... manifestent une préférence d'ordre chimique... ont une spécificité de structure... présentent une sélectivité de séquence... reconnaissent des séquences» (BF, 78:41), tout ceci en l'espace d'un paragraphe de moins de 1500 signes.

Sur le plan combinatoire, les contextes permettent de repérer certains phénomènes phraséologiques, comme des figements syntaxiques du type coder pour, pour un verbe, ou auxotrophe pour, dans le cas d'un adjectif, ou bien alors des constructions syntaxiques particulières, par exemple le fait que gène induise un usage passif de muter, comme dans l'exemple

«chaque gène a ainsi une probabilité d'être muté qui dépend notamment de sa taille» (C/ G.GEN:15).

Ici, le trait/+humain/, caractéristique de la combinatoire usuelle de être muté, se trouve remplacé par le trait /+animé/, - pour passer vite sur le sémème de gène, car la caractérisation sémantique des composants du vivant n'est pas sans poser problème quand on parvient au niveau des microorganismes. Syntaxiquement, on mute pa­reillement un fonctionnaire ou un gène...

De même, l'expression, non prévisible, optimiser le réacteur doit être enregistrée dans la mesure où elle contrevient à la combinatoire usuelle de optimiser qui limite essentiellement l'utilisation du verbe pour des procès (ex: optimiser une production). Ce genre de phraséologisme, de formation métonymique, ne constitue pas un accident rhétorique, puisque l'on trouve également optimiser une souche ; il s'agit donc d'une information à fournir à l'usager.

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Quant au plan sémantique, c 'est sans doute celui pour lequel l'information contextuelle est la plus importante. En effet, si l'on s'en tient à la notion saussurienne de valeur, c'est bien en saisissant le plus possible de relations sémantiques que l'on précisera la place d'un terme. On notera d'ailleurs que la norme ISO 1087 consacre plusieurs paragraphes aux relations entre notions, ce qui témoigne de l'importance qui leur est accordée.

Ainsi, la citation suivante offre de précieux renseignements sur les collocations du syntagme enzymes de restriction:

«Les enzymes de restriction sont des endonucléases capables de copier des molécules d'ADN en des points tout à fait spécifiques, déterminés par des séquences particulières de 6 ou 4 bases» (C/G.GEN:51).

Autre exemple, le contexte suivant permet de cerner le sens du phraséologisme laver lefermenteur tel qu'il est utilisé en fermentation:

«En continu, le réacteur est homogène: il sort autant de biomasse qu'il en est produit. Si la concentration en substrat d'alimentation dépasse 7%, la production de biomasse s'arrête. On soutire alors plus de biomasse qu'on en produit et on dit alors qu'on lave le fermenteur» (C/GFerm.or).

2. Les contextes

Pour recueillir ces informations de façon opératoire, il importe de les sérier et, sur ce plan, certaines fiches terminologiques, comme celle du Centre de Terminologie et de Néologie (Paris), proposent des grilles d'analyse intéressantes. Mais cette informa­tion dispensée en rubriques doit être complétée de contextes illustrant le fonctionnement du terme.

Puisque les dictionnaires électroniques le permettent, nous avons choisi d'offrir plusieurs contextes afin de pouvoir restituer, quand nécessaire, la variété des discours au sein desquels sont utilisés les termes et les différents types de relations sémantiques dans lesquelles ils entrent. Mais également, ces contextes visent à aider différents usagers potentiels du dictionnaire. En effet, le rédacteur ou l'ingénieur commercial n'auront pas la même lecture des fiches, ni les mêmes besoins de renseignements encyclopédiques. Il s'agit donc de recueillir des discours scientifiquement sérieux, mais ne visant pas tous un même public. Dans cette voie, on peut espérer éviter l'écueil d'une terminologie centrée sur les seuls spécialistes et experts d'un domaine pour répondre à des besoins sociaux plus larges.

Ceci nécessite de typifier les contextes sélectionnés et, pour ce faire, nous distinguons les contextes définitoires, encyclopédiques et langagiers. Le contexte définitoire

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présente l'avantage d'être un énoncé et permetd'éviter la définition ad hoc etl'artifice

de la mise en position métalinguistique de type lexicographique. Ainsi, dans l'exem­

ple suivant,

«Les enzymes sont des catalyseurs macromoléculaires naturels responsables d'une myriade de transformations chimiques essentielles pour la vie et le fonctionnement des microorganismes, des plantes, des animaux et de l'homme» (CH.PH.CO:7),

le caractère métalinguistique en discours est d'ailleurs attesté par l'emploi d'un terme

rhétorique comme myriade, qui n'aurait guère de chance d'apparaître dans une

définition lexicographique.

Le contexte encyclopédique offre des renseignements de type referentiel et constitue

une source d'informations complémentaires précieuse pour appréhender la notion.

«Chimiquement, toutes les enzymes isolées sont des protéines. Il s'agit de macromolécules faites de l'agencement d'une vingtaine d'aminoacides différents liés entre eux par des liaisons peptidiques...» (CH.PH.CO:7)

On peut l'opposer à la définition encyclopédique, qui viserait à définir à la fois la

nature et la fonction de l'enzyme. Ici, le point de vue est spécifié.

Quant au contexte langagier, il permet d'illustrer le fonctionnement du terme en

discours et de recenser certaines de ses collocations. Dans le cas de vecteur, on aura

par exemple:

«Pour un organisme hôte défini, un vecteur est le plus souvent adapté à un rôle précis: clonage, séquençage, fabrication d'une protéine... On a donc affaire à une trilogie et il faudrait toujours parler de (vecteur/rôle/hôte). Par exemple: un vecteur de clonage pour Escheria coli, un vecteur d'expression pour une cellule eucaryote...» (C/G.GEN:84)

Et il faut remarquer ici que l'association biologique vecteur/rôle/hôte possède un

équivalent langagier, la structure phraséologique vecteur de χ pour y.

Cette bipartition entre contextes définitoire, encyclopédique et langagier ne possède

toutefois qu'un rôle indicatif et opératoire permettant de guider les dépouillements;

on ne saurait lui conférer un caractère plus définitif.

3. Contextes et définitions naturelles

L'intérêt du contexte définitoire est de saisir, dans une optique descriptive, un énoncé

relevant d'une activité métalinguistique en discours, une définition naturelle, selon

l'expression de Robert Martin, c'est­à­dire «une définition formulée par les locuteurs

eux­mêmes et non par le technicien qu'est le lexicographe» (Martin, 1990:87).

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Si l'activité définitoire spontanée permet de saisir, mieux qu'une construction lexicographique, les stéréotypes, nous ne viserons, pour notre part, qu 'à recenser une partie de ce qui constitue la richesse et la variété de ces stéréotypes. Nous ne discuterons pas ici de la stereotypie en terminologie, mais dirons simplement qu'elle permet d'intégrer la variété socio-professionnelle ou diachronique.

«Par extension de langage légèrement abusive, on utilise très fréquemment le mot de chromosome bactérien pour désigner le nucleoide, ou à tout le moins l'ADN du nucleoide...» (C/G.GEN:40)

Le choix d'un parti-pris contextuel n'est pas neutre quant au plan sémantique. Au-delà de relations fermes et stables telles qu'on les recense dans les nomenclatures, les contextes permettent d'intégrer des relations sémantiques plus labiles, moins systé­matiques mais liées à des activités, à des objets particuliers - en fait aux nécessités pratiques. Nous ne récusons pas l'idée de groupement notionnel: nous voulons insister sur le fait que, quand il s'agit par exemple d'un processus, s'il y a groupement notionnel, c'est essentiellement pour des raisons pragmatiques. Nous nous méfions de l'idée de relations en-soi valant pour des secteurs du lexique, mais dont la séduisante ordonnance cacherait la diversité des vocabulaires et la variété de leur fonctionnement.

C'est pour cette raison que nous préférons parler de relation d'isonymie plutôt que, conformément à la norme ISO, de notions coordonnées, les deux ayant bien sûr partie liée. Rappelons que pour l'ISO, une notion coordonnée est définie comme une «notion qui, dans un système hiérarchique, se situe au même niveau qu'une ou plusieurs autres notions». Et parrelation d'isonymie, nous entendons toute relation unissant deux unités mises en concurrence, le plus souvent de même niveau, sans que l'on puisse poser une hiérarchie valable selon tous les points de vue.

Dans l'exemple suivant,

«La définition de microorganismes génétiquement modifiés... exclut la deletion, la mutagénèse, la conjugaison, la transformation, la transduction ou tout autre processus effectué dans des conditions physiologiques normales» (BF, 74:28),

les processus énumérés entrent dans des relations d'isonymie sans que l'on puisse neutraliser leurs différences par un générique. On remarque ici l'intérêtd'un contexte offrant une définition parélimination, alors que ladémarche définitoire des dictionnaires est presque exclusivement positive.

4. L'isonymie

La relation d'isonymie permet, par exemple, de cerner des carences dénominatives. Ainsi, dans un paradigme de neuropeptides, on trouve énumérés les peptides Opioides,

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les tachykinines, les peptides hypothalamiques et des peptides retrouvés également dans le tube digestif. Chacune de ces quatre désignations fonctionnant à son tour comme microgénériques, cela permet de repérer la coexistence, au même niveau hiérarchique, de trois dénominations et d'une désignation de discours. On trouve le même type de phénomène dans l'énoncé suivant:

«la fixation symbiotique est réalisée par des bactéries en conditions d'association obligatoire avec une plante et s'oppose à la fixation réalisée par des bactéries libres» (C/MICBIO:44)

où fixation symbiotique s'oppose à un syntagme de discours.

La labilité des relations hiérarchiques permet également la construction de notions nouvelles par contraste, sans que l'on puisse renvoyer à une relation formelle d'antonymie, comme dans l'énoncé suivant:

«Le corps qui se forme ne possède ni les propriétés d'un liquide ni celles d'un gaz; il est dans un nouvel état de la matière: celui d'agrégat» (PLS, 148:64).

La relation d'isonymie peut être motivée par des caractères fonctionnels. L'énoncé «l'acide glutamique exerce un effet excitateur alors que le GABA [...] est inhibitew» (BF, 68:31) permet ainsi de relever une isonymie entre deux dénominations référant à deux neurotransmetteurs. Pour l'appréhension des notions, l'isonymie permet d'éviter les pièges que peut proposer la morphologie des signifiants. Dans le paradigme constitué par deletions, insertions, mutations et mutations ponctuelles, ce dernier ne constitue pas une notion de rang inférieur aux trois autres. Au contraire, mutations ponctuelles s'oppose aux notions de deletion et insertion, les trois consti­tuant des types de mutations particulières; ce que laisse présumer le contexte suivant:

«Mutations ponctuelles et deletions peuvent se produire spontanément..» (C/MICBIO:44)

Il peut être intéressant de relever des relations isonymiques établies, pour des raisons pragmatiques dans un énoncé ponctuel, entre des notions très différentes. Par exemple, dans l'énoncé suivant concernant la biomasse humide:

«Ces résidus sont susceptibles de traitements mécaniques (ex: broyage), physico-chimique et thermique (ex: incinération, combustion, gazéification, carbonisation)» (C/BAE:59),

la relation établie entre broyage et incinération, combustion, etc, permet de relever une relation pragmatique intéressante, du point de vue de l'exploitation de la biomasse.

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5. Intérêt cognitif de l'isonymie

Cette relation peut être utilisée à des fins didactiques, le contraste s'avérant une aide précieuse pour la construction cognitive. Cela est vrai d'énoncés relevant de la stratégie de la vulgarisation: «les téléopérateurs ne sont pas des robots» (PLS, 148:90), mais on trouve aussi, et fréquemment, ce type de relation dans des énoncés plus pointus. Intéressons-nous un instant aux différentes chromatographies:

«La Chromatographie hydrophobe fonctionne comme pour la Chromatographie par échange d'ions. La séparation repose ici non plus sur les charges nettes à la surface moléculaire...» (BF, 89:10)

«Contrairement à la Chromatographie d'adsorption, où le support poreux représente en même temps la phase stationnaire, dans la Chromatographie de partage liquide-liquide les deux phases...» (id:47)

«Contrairement aux techniques de séparation dérivées de la Chromatographie à contre-courant, la CPC (Chromatographie de partition par centrifugation) est particulièrement adaptée aux procédés d'échelle industrielle» (BF, 74:10)

C'est par une opposition, le plus souvent binaire, que se trouve cernée la notion abordée. Cette opposition pouvant se faire à un niveau que le signifiant aide à repérer, ici opposition entre des types de Chromatographie, ou à un niveau moins attendu, ici l'opposition entre la CPC et les techniques dérivées de la Chromatographie à contre-courant.

Dans son fonctionnement, la relation isonymique procède par contraste minimal et nous semble relever d'un type d'énoncés fréquent en discours: a c'est b, sauf que. La différence n'est pas ici marquée par rapport à un générique, comme dans un énoncé de forme «x est un y qui z», par exemple

«les nucleases sont des enzymes capables d 'hydrolyser la liaison phosphodiester qui enchaîne deux motifs successifs dans les brins d'acides nucléiques» (BF, 78:41),

mais par rapport à une notion de même niveau, la plus proche ou la plus pertinente possible.

Ainsi à propos de la spirolactone,

«La spirolactone, seule molécule «non naturelle», possède d'intéressantes propriétés diurétiques, antagonistes de celles de l'aldostérone» (CH.PH.CO:15).

Cette procédure ne correspond pas à ce qu'il est convenu de considérer comme des énoncés définitoires, mais s'en rapproche par bien des aspects. A tout le moins, il nous semble qu'elle joue un rôle crucial dans l'élaboration cognitive.

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6. Creuser l'isonymie

Mais si l'isonymie constitue une relation sémantique précieuse sur le plan cognitif et notionnel, il convient de chercher à en cerner les limites. En effet, toute forme de coordination ou de juxtaposition n'est pas nécessairement la marque d'une relation d'isonymie; ainsi dans le titre suivant: «Semences et avenir: l'innovation permanente» (BF, 70:17), il va de soi que la rhétorique s'en est mêlée: un sémioticien y verra peut-être une isotopie du «potentiel», avec semences, avenir et innovation. Il serait absurde d'en conclure à l'isonymie, c'est-à-dire à la notation d'une relation encyclopédique du type «même niveau d'analyse, d'action ou de production, etc».

Après cette réserve nécessaire, revenons à quelques-uns de nos exemples pour y trouver les critères qui amènent le terminographe à conclure à une forme d'isonymie proposée par le discours. Pour fixation symbiotique/fixation réalisée par des bacté­ries libres, le rapport isonymique est facilement repérable par l'opposition fonction­nelle.

L'opposition isonymique ternaire liquide/gazi agrégat a l'intérêt d'assigner - ou de pré-construire - un sens technique à une unité généralement vague, agrégat. C'est sous l'angle de cette relation isonymique que l'agrégat pourra être défini comme «état de la matière». Les deux faits à l'origine du sentiment d'isonymie sont ici: d'une part, l'existence de deux termes couramment antithétiques, liquide et gaz, et d'autre part, l'élément définitoire - non proprement générique - état de la matière.

Dans le contexte opposant acide glutamique et GABA, la proposition d'isonymie ne doit évidemment rien aux signifiants. C'est l'opposition fonctionnelle excitateur/ inhibiteur qui conditionne cette mise au même niveau: c'est uniquement au niveau fonctionnel - donc selon un point de vue déterminé - que l'isonymie existe.

En réfléchissant sur les critères de l'isonymie, nous avons utilisé le terme d'opposition. Au sens saussurien, il n 'y a aucun doute: tout paradigme est de l'ordre de l'opposition; mais du point de vue notionnel, qu'il s'agisse de processus, d'organismes, l'isonymie peut opposer des unités, nous venons de le voir, ou les regrouper sous un certain point de vue:

«La chitine, le chitosane et leurs oligomères ont des propriétés immunologiques» (BF, 71:42).

Chitine et chitosane, clairement opposés dans d'autres contextes comme substance d'origine et dérivé, sont ici réunis par leur fonction commune en immunologie. De même, c'est encore l'identité de fonction qui motive, dans l'énoncé suivant, la création d'un lien isonymique entre ces deux unités:

«La chitine et le chitosane peuvent être utilisés comme agents immobilisateurs de cellules...» (BF, 71:42)

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7. Utilité de l'isonymie

Si l'on se soucie de perfectionner l'analyse sémantique en terminologie, la relation d'isonymie constitue une relation incontournable. Mais elle demandera aux terminologues bien du travail de délimitation, d'affinement des critères, pour passer du sentiment à un repérage objectif, donc généralisable pour un ensemble de terminologues en action de dépouillement de corpus. La prise en compte de cette relation nous semble largement justifiée mais les critères de l'isonymie restent en débat.

Toutefois, son utilité paraît évidente dès lors que le terminologue s'attaque à des textes moins canoniques que les formes les plus élaborées du discours scientifique et technique. L'effort métalinguistique spontané va volontiers à des explications qu'il croit sans problème.

Prenons l'exemple de la notion de metabolites secondaires dans l'extrait suivant:

«La plupart sont des metabolites secondaires. Secondaires en ce sens qu'ils ne semblent pas rigoureusement indispensables à la croissance et au développement des individus qui les produisent. Secondaires par opposition aux metabolites qui, tels les glucides, les lipides et les protéines, sont vitaux pour les plantes et sont de ce fait qualifiés de primaires» (BF, 70:23)

Voici qui satisfait pleinement le lecteur non initié: une réflexion métalinguistique apparemment sans faille fondée sur les oppositions primaire/secondaire et vital/ facultatif. Mais les choses se compliquent, car le texte explicite plus loin l'opposition primaire/secondaire comme fondée sur une différence d'histoire biosynthétique plus longue, caractéristique à ne pas négliger:

«Les metabolites secondaires dérivent des metabolites primaires de manière très éloignée [...] on est très loin de la biosynthèse initiale, primaire, de cet acide aminé. Si loin que bien souvent on ne connaît pas de manière sûre nombre des étapes métaboliques qui ont permis à partir de l'un, d'arriver à l'autre» (BF, 70:23)

Il serait dommage de se contenter du sens «indispensable vs facultatif», même si c'est la définition qui a paru s'imposer à l'auteur, alors que ce qui lie ces deux critères est donné de façon non métalinguistique, page suivante:

«Finalement, on peut penser que la présence des metabolites secondaires est liée - au moins en partie - au fait qu'ils ont joué, ou jouent encore, un rôle dans les relations écologiques» (BF, 70:24)

où l'auteur insiste ici sur le critère de l'évolution, lié au sens 2, et non sur le sens 1, lié à l'opposition vital/facultatif.

Cet exemple nous semble significatif. La partie proprement métalinguistique est partiellement décevante; c'est de façon comparative au plan encyclopédique et non

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métalinguistique que le deuxième élément de sens (parcours des étapes métaboliques) est produit. Quant à la liaison entre les deux traits de sens, elle est établie dans une phrase de forme spéculative: «Finalement on peut penser que...»

Il n'y a pas si longtemps, Pierre Lerat affirmait que «si les terminologies ne sont pas plus utiles aux traducteurs dans l'état actuel des choses, ce n'est pas faute de progrès technologiques mais parce que 1 ' analyse linguistique, principalement sémantique, est en retard parrapportaux ressources del'informatique documentaire» (Lerat, 1988:11). Or, il nous semble que l'approche contextuelle permet de rendre compte du fonc­tionnement sémantique des termes d'une façon à la fois plus fine et plus large.

Dans cette optique, un corpus d'énoncés contenant des relations isonymiques, permet de démontrer la validité de la notion de «point de vue» pour l'étude du sens, comme le posait Gilles-Gaston Granger, il y a plus de vingt ans (Granger, 1968). Mais également, notre réflexion sur l'isotopie permet de montrer quelles conséquences pratiques peut avoir l'adoption d'une démarche socioterminologique (Gambier, 1991) sur le travail terminographique (Assai, 1991).

Car loin d'être purement spéculative, «la problématique de la socioterminologie commence avec des questions simples concernant la méthodologie usuelle en terminographie» (Gaudin, 1991:129). Et les problèmes de description sémantique ne sauraient lui être étrangers. En effet, la prise en compte de discours moins normes, comme le discours d'interface (Guespin, 1991), nécessite que l'on se donne des outils d'analyse et de description de la variété sémantique, qu'elle soit liée aux conditions de production des discours - conditions éditologiques, par exemple (Baudet, 1991), ou à la négociation qu'entraîne toute confrontation d'activités, de compétences ou de disciplines.

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du CNED PLS: Pour la science, mensuel

François GAUDIN I Allai ASSAL I Louis GUESPIN URA CNRS 1164

Université de Rouen 7, rue Thomas Becket

F-76130 Mont Saint Aignan

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Of terms and texts Hildegund Bühler

When I was approached by the organizers of this conference to present a paper, I offered to discuss a few excerpts of my current lecture course at the Institute of Translation and Interpretation at the University of Vienna. This lecture course entitled Vonder Terminographie zur Textographie is amore recent addition to our Terminology Training Component that I reported on here in Geneva back in 1988 (cf. Bühler 1988). Textographie (textography) is a new coinage following the pattern of lexicography, terminography, phraseography.

But apparently there is nothing new under the sun. Some time after I had announced such a course, I came across the following footnote in a recent book on terminology work for practitioners:

Wenn sich die Gleichzeitigkeit von Textbetrachtung und Terminologiearbeit in Ausbildung und ausübender Praxis mehr durchsetzte, wäre für die Verbesserung fachübersetzerischer Leistungen viel gewonnen (Hohnhold 1990:22).

The author is pleading for terminology work on the basis of texts to improve the training and practice of specialist translators.

Such parallel thoughts come by no means as a surprise: they are obviously due to a common heritage. The statements of the late Eugen Wüster on the training in terminology and terminological lexicography, which apparently prompted the above mentioned quotation, I had occasion to reflect on in a number of earlier publications (cf. e.g. Bühler 1982). Moreover, while as a translation scholar and university teacher my background in terminology and linguistics, in this case text linguistics, can be mapped by the names of Wüster and Dressier, I have always been proud of my firm grounding in the practice of translation. In my bibliographies I have always felt inclined to quote papers and books by practitioners in the field of translation and terminology and publications by professional associations - if available. I am therefore grateful to a practitioner - Ingo Hohnhold - who has written a book from which I have just quoted in order to justify the practical relevance of my ideas.

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But before discussing practical consequences let us start with a few theoretical considerations.

We always have to keep in mind that terms manifest themselves in texts; it is texts that serve as our primary unit of linguistic inquiry into meaningful communication. Since there is always a paradigmatic and a syntagmatic aspect to the study of linguistic form, we turn our attention not only to the structural organization of individual linguistic signs - be it words or terms (for a distinction of these lexical items see Sager 1990:19) - which can be visualized as word fields and in their cognitive dimension as concept systems or concept fields. We also tum our attention to the ways in which these lexical items are mutually connected, to the multi-dimensional networks that are linguistically manifested as texts.

When studying the role of texts in interlingual and intercultural specialist commu­nication, we will follow the well-known approach in text linguistics of Beaugrande and Dressier (1986), where texts are not defined as a unit above the sentence or a sequence of sentences, but rather as a communicative occurrence. In studying the transfer of scientific and technological knowledge from one linguistic community to another, we want above all to find out how special-language texts function in human interaction, how they can be produced and received.

For Beaugrande andDressler, who have described a number of standards a text must meet in order to be communicative, it is the textual standard of cohesion that concerns the actual words we hear and see and their grammatical dependencies. The textual standard of coherence relates to the cognitive dimension and concerns the configu­ration of concepts and their relations that underlie the surface text. It is interesting to note that the authors define concepts as a configuration of knowledge that can be recovered or activated with more or less unity and consistency in the mind (Beaugrande/ Dressier 1986:4, my own italics). This means that a text does not make sense by itself, but rather by the interaction of text-presented knowledge with people's stored knowledge of the world (Beaugrande/Dressler 1986:6). Therefore the very notion of sense of a text will be subject to discussion: different users might set up slightly different senses, yet in order to be communicative there will have to be a common core of probable content. It is on the assumption that we can establish identical senses for listeners and speakers, that we translators exercise our craft.

May I now ask you to follow me on another train of thought. When we move beyond the sentence boundary, we enter a domain that is characterized by greater freedom of selection or variation and less conformity to established rules (Beaugrande/Dressler 1986:17). The late Eugen Wüster was very much aware of the rather approximative way people use even special-language texts and he therefore suggested standardizing procedures to make language a more suitable vehicle for specialist communication. Standardization on the level of terminology, however, has its limitations for the

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specialist translator (cf. Arntz/Picht 1989:140 ff., Felber/Budin 1989:250f., Sager 1990:114f.) and whether terms standardized in various linguistic communities can be used fruitfully in special-language translation must remain an open question. In the context of special-language translation it is even more important to reconsider the assumption of context-free fixed reference, which is often taken for granted in multilingual special-language lexicography. Context-free fixed reference is attained only by some form of consensus among specific user groups where in specified types of texts the natural creativity of language is replaced by normative processes (cf. also Bühler 1982:43). Foreign-language equivalents suggested in special-language dictionaries always remain disputable and we are therefore convinced that for the specialist translator only textual information is a reliable indicator of language use.

As regards the conseqences of such more theoretical considerations, we find that special-language research, which was first centred around technical vocabulary, has recently moved on to larger units exceeding the scope of a term: multi-word units, phrases and syntagms, even texts.

This tendency to deal with more complex patterns in special-subject communication was for instance manifested in a number of papers presented at a Wortehop on Phraseology, LSP and Terminology held in Vienna in 1989. We fully support the opinion of the authors that special-language phraseological units can and should be treated with terminological methods (cf. Budin 1990, Galinski 1990, Picht 1990).

In special-language research text-oriented problems also have gained increasing attention: cf. the publications of the Leipzig school (e.g. Hoffmann 1988), which has produced models to classify and typologize special-language texts (cf. Gläser 1990). But text typologies that refer to one individual language only are not necessarily translation-oriented. In his introduction to the International AILA Symposium on Textlinguistik und Fachsprache, convened in Hildesheim in 1987, Reiner Arntz therefore proposed aprogram of cooperation between special-language research, text linguistics and translation science, aiming at a comprehensive typology of special-communication texts according to formal and functional criteria (cf. Arntz 1988a). In another paper of the same year the author discusses steps towards a translation-oriented typology of technical texts. He aims at contrastive textology and holds that since text types are language- and culture-dependant, only similar texts or text types can be compared in several languages and used as reliable source material for terminological data banks ( cf. Arntz 1988b.)

For in the practice of special-language translation computerized terminology compilation is now becoming increasingly text-oriented and collections of terminology will preferably be produced by analyzing corpora of running text. Yet the recognition of terminological units exceeding the scope of a term in running text often meets with difficulty and requires special-subject knowledge (cf. Sager 1990:132).

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We furthermore hold that the terminological record for the technical translator will have to provide for even larger text segments than the phraseological unit or the sentence. In routine special-language translation, especially when working directly on screen with a data-base link-up, one might not only work with standardized text configurations, which Hohnhold (1990:37f.) calls standard formulations (Standardformulierungen), but also with repeatedly appearing prestructured paragraphs and phrases, which I would like to call text modules. In certain cases one may even combine such text segments and produce merged documents (cf. Bühler 1990b:32f.).

What is even more important in computerized terminography for translators is an upgrading of the data category of «context» (cf. also Arntz/Picht 1989:137f.,242, Hohnhold 1990:76,79,80). For translation purposes context is not only a means of defining or explaining a concept, context will have to be re-defined as a segment of running text representing the necessary linguistic environment of a term required for the successful transfer of information between linguistic communities. In corpus-based terminology compilation special-language terms and their foreign-language equivalents will be documented by a number of contexts, which cover the full range of usage and where all relevant textual variants are covered.

So far most term banks concentrate on terms and only a number of term banks also admit phrases and sentences (cf. Sager 1990:146). But individual translator-terminologists in general record more contextual information than in pre-automation days and they already work with textual material. Thus, for instance, Roland Freihoff (1990) of the University of Tampere recently proposed a practicable model for the compilation and use of contextual glossaries in translating with the computer («Zur Erstellung und Verwendung von Kontextglossaren beim Übersetzen mit dem Computer»). Such contextual glossaries that are compiled on the basis of parallel texts not only contain text samples, pre-fabricated text segments as it were, that serve for more stereotyped communication patterns. More often they simply are an inspiration to the translator in offering helpful suggestions of how to formulate a text (Freihoff 1990:22). According to the author we may also rest assured that the present-day techniques to store special-language texts in machine-readable form on computers and the software suitable for user-oriented terminology work will develop dramatically in the near future.

As regards other future developments I shall in conclusion briefly touch on some aspects of terminology and textuality that these days seem to deserve increasing attention in technical communication and translation.

Terms and texts can of course be made manifest in sound or print. But as long as language is not written down people remain largely unconscious of it: we tend to process speech without paying much attention to its wordings. The systematic study

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of traditional grammar therefore began as a theory of the written language, - the same holds true for terminological and textual research. Earlier studies that were based mainly on written forms will therefore have to be supplemented by research into orality (cf. Bühler 1990a in the context of translation studies). We must not forget that special-subject communication is also made orally and that the different formal properties of spoken and written language are inherent in a text regardless of the form in which it is actually presented (cf. Bühler 1990a: 538).

The most striking formal difference between written und spoken language is the one of density. Written language is static and dense, speech is dynamic, by nature impromptu and tentative. Written language follows close-knit syntactic structures, while spoken language is more loosely structured. It seems that in our computer age the traditional distinction between speech and writing is becoming blurred. In working with the computer as a writing device and producing a text on screen the linguistic information is temporary and transient much like the acoustic sign and will be only eventually printed out and fixed on paper. I recently had occasion to point out that this will not be without consequences for the working habits of the translator (cf. Bühler 1990b).

Another field of research that has so far rarely been touched upon is to the exploitation of non-linguistic codes in special-language terminology and texts. It was some years ago that I presented an extensive study on nonverbal signals used in the spoken language to support comprehension, i.e. on those communicative signals that are received not through the auditory but through the visual communication channel. This study of non-linguistic «terms» was carried out in the context of conference interpretation, a typical example of oral specialist communication (cf. Bühler 1985). But little attention has so far been paid in special communication to the role of structuring signals for spoken texts, such as rhythm, intonation and stress, degrees of loudness, variations in voice quality, pausing and phrasing (cf. Bühler 1990a:539).

As regards the non-linguistic aspect of written special-language terminology, in preparing the Austrian Standard on the General Principles Concerning Concepts and Designations (ÖNORM A2704 of 1990) we have found it necessary to add a whole new chapter on symbols, discussing types of symbols and principles for their design and use. Non-linguistic compositional signals in written special-subject texts, such as lay-out of text on a page, capitalization, underlining, paragraph numbering, subtitling, etc. (cf.also Sager 1990:101 ) these days are dealt with more often in the context of so-called technical writing.

Technical writing or scientific publishing in some countries seems to be evolving as a separate profession (cf. Kingscott 1990:6f). But it seems that since translators and technical writers need similar skills (cf. Kingscott 1990:13) there is not only emerging the professional profile of the so-called translator-terminologist, the translator doing

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his own terminology work or the professional terminographer in a language service

catering to the special needs of translators (cf. Bühler 1990c), but there will also be

the sci­tech translator who is trained as a multilingual and multicultural writer of

special­subject texts. Much remains to be said as to how to write such texts in order

to achieve optimum communicativeness. It obviously is not only a matter of

specifying layout and formatting procedures, still more important are linguistic and

communicative skills. For instance one should not only aim at achieving language

economy and precision (cf. Sager 1990:107ff.), but also at preserving a reasonable

degree of lexical density and redundancy ofinformation. Speakers as well as writers

of special­subject texts should take care lest the receiver's processing capacity should

become overloaded to the point of endangering communication (cf. the standard of

informativity in Beaugrande/Dressler 1986:8f). One side product of the training for

technical writing that has occasionally been mentioned, but so far has never been

implemented, will then be the production of guidelines for subject specialists,

teaching them how to write their texts for optimum translatability.

I hope that this random selection of ideas in the context of special­language terms and

texts was controversial enough to stimulate discussion.

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Hildegund BÜHLER Professor

Institut für Übersetzer- und Dolmetscherausbildung Universität Wien

Gymnasiumstraße 50 A-1190 Wien

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Du synthème au phraséolexème en terminologie différentielle

Roger Goffin

Sommaire

1. La terminologie différentielle 2. La combinatoire syntagmatique 3. L'unité terminologique dans son environnement

1. La terminologie différentielle

Le discours scientifique consacré à la terminologie différentielle reste, à quelques exceptions près, d'une insuffisance et d'une minceur étonnante, notamment sur le fonctionnement de l'unité terminologique dans le tissu du texte. Si l'on s'interroge avec lucidité sur les causes de cette indéniable carence, force est d'observer qu'elles tiennent à plusieurs facteurs :

(1) à la nature mal circonscrite de l'écrit scientifique, (2) aux idées reçues quant à la nature et au statut des technolectes, qui ne laissent

de susciter des controverses, (3) à l'absence de corpus de textes comparables en plusieurs langues, (4) au rôle de paria tenu par la terminologie différentielle jetée dans les ghettos de

la recherche universitaire, de tradition culturelle; les facultés de lettres sont, par crainte de l'empiricité et du pragmatisme, restées presque muettes dans cette spécialité,

(5) et, paradoxalement, au professionnalisme des terminologues-praticiens qui se sont aveuglés sur leurs propres pratiques et n'ont eu ni le recul ni le loisir nécessaires à la réflexion théorique.

1.1 L'écrit scientifique est trop souvent défini comme un texte monolithique qui véhicule une information pragmatique décrivant des expériences extraites du réel observable et qui se réfère à des realia du monde extérieur décrits plus ou

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moins objectivement. Ce texte est referentiel (sachgebunden); c'est la chose qui prime et opprime (en jargon de linguiste, on dirait que le réfèrent prime le signifié). Le sujet de l'écrit scientifique relève d'un domaine spécifique (Sachbereich, Fachbereich), d'un savoir, d'une technique ou d'un métier (Handwerk), qu'un auteur appartenant à un milieu professionnel, communi­que à la communauté scientifique pour que cette dernière puisse en faire quelque chose. Personne ne lit un écrit technique (livre, rapport, article) pour se distraire, on le lit pour s'instruire, se tenir au fait dans sa spécialité ou pour être en mesure d'effectuer une tâche précise (manuels, notices d'emploi).

Ces descriptions contiennent bien des raccourcis simplificateurs sinon sim­plistes. Les écrits scientifiques sont, au contraire, si on les examine de près, multiformes puisqu'ils présentent des différences de strates et de registres, qui vont de la réflexion théorique dans le cas de la recherche fondamentale, d'outils de description dans le cas des nomenclatures de matériels et d'opé­rations artisanales, en passant par le développement, c'est-à-dire, la mise en oeuvre industrielle. Les écrits scientifiques fonctionnent dans un espace social complexe puisqu'ils mettent en scène des partenaires divers : l'auteur et le lecteur peuvent appartenir ou non à la même spécialité, le lecteur peut ne pas être un spécialiste de la discipline, mais posséder toutes les connaissances requises àia compréhension, enfin, l'auteur peut vouloir délibérément s'adresser à un public plus vaste, comme dans les ouvrages de vulgarisation.

1.2 Le statut des technolectes ne laisse pas de susciter des controverses. Pour certains linguistes, les technolectes forment un système distinct de la langue générale dont ils se démarquent, par un lexique terminologique, décrit comme motivé et transparent, par une organisation sémantique (qui tient davantage des nomenclatures énumératives), par des caractéristiques morpho-syntag-matiques et des constructions syntaxiques propres. Ils opèrent avec des termes monosémiques, univoques, monoréférentiels, de valeur circonscrite, le terme entretenant un lien privilégié avec la chose désignée. Les signes des langues de spécialités semblent effectivement les représentants deschoses, ilsrecouvrent et commandent la réalité, les délimitations scientifiques étant souvent des délimitations dans laréalité objective, qui joue le rôle de tertiumcomparationis.

Pour d'autres linguistes, les langues de spécialités et la langue générale constituent des sous-ensembles de la langue totale, puisqu'on décèle de larges zones d'interférence, d'ailleurs profitables, entre elles. La langue générale accueille volontiers les mots techniques, la langue des sciences ombrage la langue contemporaine; inversement, les terminologies scientifiques ne sont pas coupées du lexique général, dans lequel elles puisent largement.

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1.3 Les trop rares analyses de terminologie différentielle font éclater les systèmes rassurants et étriqués des correspondances bi-univoques et les ensembles délibérément organisés dans lesquels chaque terme symboliserait en quelque sorte dans son signifiant ses caractéristiques et son sens. Ces analyses font au contraire apparaître avec évidence que les terminologies sont des polysystèmes complexes qui présentent les mêmes «accidents» que la langue générale, notamment, des analogies approximatives débouchant sur des anomalies (faux amis), des motivations trompeuses, de fausses monosémies, des polymorphies redondantes ou encore une prolifération synonymique (voir Goffin, 1989).

Les technolectes opèrent d'une langue à l'autre des découpages non superposables et imposent des grilles aux realia du monde, prouvant ainsi que les délimitations des terminologismes sont bien souvent des délimitations dans la perception d'une réalité, que chaque langue segmente, analyse et structure à sa manière. Comparons les découpages différents du français durée de mise en température et de l'allemand Erwärmdauer, Durchwärmdauer et la trifurcation allemande Entkohlung, Aus kohlung, Abko hlung pour le français décarburation. Ces découpages montrent aussi que les langues protagonistes sont diversement lacunaires.

2. La combinatoire syntagmatique

Les vocabulaires scientifiques et techniques usent abondamment de la combinatoire syntagmatique consistant en une suite d'éléments lexicaux disjoints (ex. navire kangourou, trottoir roulant) ou joints par un ligament synaptique (ex. sustentation par aimant, réacteur à eau lourde), et qui constituent une unité de signification permanente. Des études statistiques révèlent que 15% des terminologismes compor­tent un seul élément (palplanche, logiciel), 52% deux éléments (aéroglisseur marin, acier marchand), 28% trois éléments (surrégénérateur à neutrons rapides) et 5% quatre éléments et plus (moteur à induction linéaire avec secondaire court mobile). Formellement, ces unités complexes fonctionnent dans la phrase suivant les mêmes règles syntagmatiques et paradigmatiques que le lexeme simple. A. Martinet a proposé de désigner comme des synthèmes des groupements composés d'unités identifiables qui forment des touts indissociables, c'est-à-dire résultant d'un choix unique par les ressources de la langue. Le groupement fixe acier marchand (DE Stabstahl) est donc un synthème ou syntagme figé qui s'oppose au groupement plus lâche, acier résistant à la corrosion, syntagme libre qui découle de la collocation d'éléments occasionnels dont les éléments composants peuvent avoir un comporte­ment particulier, ainsi acier plus résistant à la corrosion ou acier résistant aufluage ou acier résistant à la corrosion atmosphérique. Certaines collocations peuvent être considérées comme des cas-limites tels que acier allié (DE legiertes Stahl), car on trouve aussi acier non allié, et acier faiblement allié. On constate que la collocation

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synthématique substantif + adjectif de relation énergie solaire a un statut privilégié puisque cet adjectif s'assimile à un substantif et apparaît comme tel dans les autres langues (DE Sonnenenergie).

Le rôle de la terminologie différentielle est de mettre en perspective, sur le plan de la syntagmatique lexicale, deux ou plusieurs langues de façon à faire apparaître des schemes de composition et des matières lexicogéniques spécifiques (R. Goffin, 1981). Les langues germaniques forment des syntagmes par juxtaposition ou concaténation, alors que le français construit des syntagmes épithétiques ou synthèmes du typemaison solaire (DE Sonnenhaus), des syntagmes avec joncteurs ou synapsies, du type réacteur à eau lourde (DE Schwerwasserreaktor) ou réacteur à coeur à germes (DE Saatelementreaktor). Dominante, la synapsie n'est pas sans rivales car il règne, dans les terminologies en gestation, une fluidité lexicale qui s'explique par la concurrence entre plusieurs modes de composition : synaptique, synthématique, sinon morphématique. Cette compétition, voire cette évolution, se manifeste dans les exemples suivants protection contre le rayonnement (synapsie), protection radiologique (synthème), radioprotection (composition morphématique) ou encore la séquence énergie provenant du soleil, énergie solaire et hélioénergie. Pour sa part, l'anglais use de différentes formes de concaténation, graphème coalescent (airborne), séquence de segments disjoints avec trait d'union (air-cooled) et séquence de segments autonomes (air bag ) . La concaténation y règne souveraine et est génératrice d'unités lexicales nouvelles par l'emploi du nom en fonction d'épithète. De son côté, le néerlandais n'use guère de la juxtaposition à segments autonomes; il met un trait d'union entre des mots anglais alors que l'anglais n'en a pas air-conditioning ou il hésite entre data base beheer, databasebeheer, data-base-beheer ou les autres permutations possibles.

3. L'unité terminologique dans son environnement

Les limites d'expansion interne et d'expansion vers la droite de l'unité terminolo­gique ne sont pas fixées par des cadres logiques. Chaque nouveau déterminant rend le terme plus spécifique, tandis que son aire d'emploi se rétrécit. En français, la construction synaptique se caractérise par une expansion vers la droite, au point de prendre la valeur d'une phrase sans mot de liaison explicite. Cette expansion non finie fait des unités synaptiques une classe ouverte, donc illimitée, que le lexicographe ne peut plus maîtriser. Le critère formel ne suffit pas à faire le départ entre l'unité synaptique stable, lexicalisée ou en voie de lexicalisation, et l'unité lexicale occasionnelle. Il ne permet pas non plus de fixer les limites de l'expansion. L. Guilbert (1970) a montré que le seuil de complexité est donné par la possibilité de «former une phrase compréhensible» à partir de la combinaison syntagmatique. Il ne précise toutefois pas ce qu'il entend par «phrase compréhensible», et ne faitque

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déplacer le problème d'une unité de discours mal définie (l'unité de traitement lexicographique) vers une autre unité de discours aux contours flous, la phrase. Il est vrai, par ailleurs, que tout locuteur sait qu'il doit fragmenter son discours s'il veut être compris par son auditeur, et le subdivisera en segments plus courts auxquels il se limite pour sa facilité et pour celle de son interlocuteur. Mais à tout prendre, il s'agit d'un continuum qui va du mot simple à la phrase, pour déboucher sur le texte, et l'on sait que tout discours comporte un ensemble de parties plus ou moins figées ou récurrentes. Ceci vaut aussi pour le discours de spécialité. M. Cormier (1987 : 217) fait observer que «lorsque l'on sait que, pour communiquer dans une langue de spécialité, il faut se servir non seulement de termes mais encore de toutes les ressources grammaticales, sémantiques et stylistiques de la langue, l'étude des phraséologismes apparaît comme une conséquence logique de la terminologie». Elle reprenait, avec certaines réserves, la définition délibérément large, proposéeT>ar H. Picht (1987), «si l'on accepte sa définition, le phraséologisme serait une expression formée d'une suite d'éléments linguistiques dont l'élément principal serait un terme. Les éléments constitutifs de cette séquence subiraient une modification sémantique», mais elle conclut que le phraséologisme ne répond pas toujours à ces critères et termine par des questions sur l'identification et l'analyse des phraséologismes (rôle du verbe) qui poseront, sur le plan théorique, bien des difficultés.

La recherche terminologique s'est donc doublement enrichie : d'une dimension textuelle (elle analyse les termes en discours) et d'une dimension phraséologique (elle étudie les collocations et les phraséologismes). Paradoxalement, la terminologie qui sévit dans ce domaine est foisonnante; si l'on s'en tient au seul programme du présent colloque, plusieurs appellations concurrentes se bousculent : en français,phraséologie terminologique, unité phraséologique, en allemand, Phraseologie, Phrasemantik, Phraseologismen, terminologisch relevante Phraseologie, phraseologische Wortverbindungen, en anglais, phraseology, phraseological unit, LSP-Phraseology, parallèlement à des expressions encore plus floues, telles que locutions verbales (une phraséologie autourdu verbe),propriétés collocationnelles, occurrents lexicaux, co­occurrents lexicaux. P. Kühn (1989: 134) aligne, dans la même foulée néologique, les termes suivants : Wortgruppenlexem, Paralexem, Idiom, fixiertes Wortgefüge, Fertigstücke, Frasmen, Phraseolexem, sprachliche Schematismen, Phrasen, feste Syntagmen, Wortverbindung, Wortgruppe, Stereotyp, Floskel. Dans une thèse im­posante, consacrée à la Phraseologie, K.-D. Pilz (1977) baptise phraséolexème une unité morphosyntaxique, lexicale et sémantique complexe, reconnue comme usuelle, qui dépasse la limite du terme unique, mais reste en deçà de la phrase complète, quelle que soit la longueur. Séduit par la valeur de cet internationalisme, il réserve le terme Phraseologie pour désigner la discipline et rejette surtout VallemandPhraseologismus à connotation péjorative. En français, la phraséologie n'est pas une science ou une discipline, mais un objet, celui de la mise en discours d'unités lexicales.

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L'approche phraséologique n'est pas neuve. Dès l'aube de la recherche terminolo­gique pragmatique, certains terminologues-praticiens optent sans détours pour le terminologisme en contexte. Ainsi en 1966, A. Bachrach (1966 : 99) postule clairement que «pour les termes techniques vaut ce qui a été précisé si souvent pour les mots en général. Je veux dire que leur véritable sens est dérivé du contexte». Un contexte dont il ressent avec évidence la difficulté de définir l'ampleur puisqu'il «ne sera ni trop long, pour ne pas introduire de parasites, ni trop court pour ne pas laisser échapper d'informations» (Bachrach, 100). Ce sont en la matière des critères peu scientifiques dont la subjectivité s'explique par le caractère pragmatique des considérations. Optant ensuite pour une approche contrastive, l'auteur poursuit «une règle qui s'impose ici est que la locution doit contenir le plus grand nombre possible de termes intéressants au point de vue de la difficulté de traduction dans le plus petit cadre possible» (o.c : 100). Cette méthode phraséologique contrastive a présidé à la conception du dictionnaire automatique DICAUTOM (prototype de l'actuel EURODICAUTOM) qui contenait en plusieurs langues un stock de phrases-exemples parallèles qui se correspondaient sémantiquement et dont la comparaison faisait apparaître l'une ou l'autre difficulté de traduction. Malheureusement, ces contextes plutôt encyclopédiques que définitoires, n'illustraient pas nécessairement le fonctionnement des termes. Bon nombre d'exemples étonnent, par exemple :

FF panneaux avec linteaux de croisées, montants et pièces d'appuis de fenêtres incorporés DE Platten mit eingebauten Fenstersturzen, Ständern und Stützen NL panelen met ingebouwde bovendorpels, stijlen en onderdorpels EN panels with built-in window heads, jambs and sills

ou encore DE Hohlbeton aus grobem Material in Gillervcrschalungen gegossen

. FR Béton caverneux à agrégats lourds coule en coffrages grillagés.

Ces fragments de textes avaient été traduits après analyse de documents originaux publiés dans les langues cibles et découpés d'après des critères topographiques et non linguistiques (Bachrach et L. Hirschberg, 1966). L'approche phraséologique s'inspirait largement des concordances KWIC appliquées d'abord aux oeuvres littéraires et qui fut mise en oeuvre en 1966 à la Commission de la CEE, dans le dictionnaire EUROTERM. Ce dernier recensait dans d'imposants corpus multilin­gues traités par voie électronique un cortège de règlements agricoles, en plusieurs langues, tirés des journaux officiels. Les concordances phraséologiques brutes offraient de précieuses indications sur la fréquence d'utilisation des termes et de leur entourage linguistique. Comme dans toute concordance KWIC, le mot-clef appa­raissait dans un environnement contextuel d'une quinzaine de mots, découpé, non pas en fonction du sens, mais compte tenu de contraintes de la machine.

Dans ces deux réalisations d'avant-garde, l'énoncé se trouvait tronqué mécaniquement donc arbitrairement, loin des «rapports sémantiques essentiels» (pour reprendre

436

Page 439: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

l'expression de W. Porzig) qui s'établissent entre les significations des termes qui entrent dans une structure phraséologique. Or, ce qu'il importe de montrer, c'est la compatibilité sémantique entre les termes, leur cohésion et leur cohérence.

Inévitablement se pose maintenant la question de l'ampleur et de la délimitation du phraséolexème terminologique, et partant, du découpage de l'unité de traitement terminographique. Lors de la Table ronde consacrée en 197 8 au découpage du terme (R. Goffin, 1979), nous avons tenté de démontrer que les critères formels, quanti­tatifs, sémantiques et taxinomiques qui président au découpage, se complètent et se conjuguent, mais qu'aucun ne permet de déterminer de manière objective où se place la césure dans le syntagme complexe, ni d'établir un quelconque degré de figement. Les mêmes difficultés s'appliquent au phraséolexème.

Il est évident que le phraséolexème fonctionne comme une expression codifiée disponible dans la langue au stade pré-discursif et qu'il est actualisé dans un certain discours de spécialité. Qu'il se situe à mi-chemin entre la construction plus ou moins pétrifiée et la construction libre, plus ou moins récurrente. Au niveau formel, il se démarque de l'élément phraséologique occasionnel par une relative cohésion de ses constituants et par des règles de transformation limitée. Au niveau sémantique, les choses se compliquent : la signification globale du phraséolexème peut être ou non égale à la somme des lexemes qui le composent, ce qui le distingue des expressions dites idiomatiques, presque toujours de caractère métaphorique. Il a une base verbale ou nominale explicite, sorte de nexus autour duquel gravitent les détermi­nants essentiels qui fonctionnent comme actants. Il y a peu ou pas de circonstants. Si le nexus est un verbe, ce peut être un terme très technique, p.ex. ébavurer ou un verbe de la langue générale terminologisé, p.ex. redresser. Ce serait une gageure de chercher à déterminer pour chaque verbe les collocations possibles en discours, qui constitueraient une description complète de sa combinatoire. Toujours est-il qu'il faudrait d'abord travailler par excès.

L'étude scientifique de la terminologie vient, en gagnant une nouvelle dimension phraséologique, d'acquérir un regain de vitalité, qui se reflète dans la variété des travaux de recherche lancés aujourd'hui (voirActualitéterminologique, vol. 25,1992) et dans les discussions théoriques qui déjà l'accompagnent (voir Meta, vol. 36, 1). Les recherches sur la phraséologie et la phraseographie terminologiques peuvent valablement s'approprier les acquis théoriques des nombreuses études sur la phraséologie générale et faire leur profit des travaux menés sur la décomposition du discours en segments pertinents. En considérant le fonctionnement des unités terminologiques les unes par rapport aux autres dans des ensembles plus vastes et en prenant en compte l'analyse contrastive d'énoncés «homosèmes» en langues dif­férentes, la terminologie différentielle met en évidence un lexique terminologique qui, à l'inverse des nomenclatures désignatives, est justiciable d'une structuration sémantique, c'est-à-dire interlinguistique.

437

Page 440: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

ARTICLES CITES

A. BACHRACH (1966) «Une méthode en terminologie», dans Colloque Kukenheim, CECA, Luxembourg (p. 95 - 103)

M.CORMIER (1988), «La terminologie : du terme au texte», dans Terminologie diachronique, CILF 1989, (p. 212-218)

R. GOFFIN (1979) «Le découpage du terme à des fins lexicographiques, critères formels, séman­tiques, quantitatifs et taxinomiques» (p. 159-168) dans Table ronde sur les problèmes de découpage du terme. Office de la langue française, Montréal 1979

R. GOFFIN (1981) «La créativité et les créations lexicales du français et des langues germaniques dans les disciplines scientifiques», in Le Français, langue des sciences et des techniques, Maison de la Francité, Bruxelles (p. 51-61)

R. GOFFIN (1989) «Les faux amis français-allemands dans les langues de spécialité», in Les re­lations entre la langue allemande et la languefrançaise, CILF (p. 61-68)

L. GUILBERT (1970) «La dérivation syntagmatique dans les vocabulaires scientifiques et techni­ques», in Les langues de spécialité, AIDELA, Strasbourg (p. 116-125)

L. HIRSCHBERG (1966) «Conception, construction et utilisation de dictionnaires automatiques multilingues» in Colloque Kukenheim, CECA (p. 105-116)

P. KÜHN (1989) «Phraseologie und Lexikographie : Zur semantischen Kommentierung phraseologischer Einheiten im Wörterbuch», in Wörterbücher in der Diskussion, Niemeyer Verlag, Tübingen (p. 133-154)

H. PICHT (1987) «Terms and their LSP-Environment - LSP Phraseology», dans Meta, vol. 32, n' 2 (p. 149-155)

K.-D. PILZ (1978) Phraseologie, Versuch einer interdisziplinären Abgrenzung, Göppingen, 2 Bände, 1039 S.

Roger GOFFIN Commission des Communautés européennes

Université libre de Bruxelles Service de traduction

Unité Terminologie 200, rue de la Loi B-l 049 Bruxelles

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Page 441: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Le défi phraséologique: stratégies lexicographiques

et terminologiques Renato Reinau

Le présent exposé se propose de mettre en évidence quelques difficultés inhérentes à la traduction d'expressions phraséologiques. Il relève des déficits dans les diction­naires conventionnels et essaie d'entrevoir des solutions.

Le terme de «stratégie» est employé dans le sens générique de «ensemble de procédés (s'enchaînant d'une manière plus ou moins systématique et) visant à résoudre un problème». A côté de cette acception pragmatique, le mot «stratégie» implique souvent une intention de rendre explicites les phases individuelles qui composent la stratégie. Une tentative très réussie de rendre plus conscients les processus de traduction se trouve documentée dans le livre de Hans KRINGS Was in den Köpfen von Übersetzern vorgeht, duquel est tiré mon premier exemple1.

Exemple 1: article de journal, fait divers, connotations économiques

Il s'agit de traduire vers le français un petit article satirique paru dans la Rheinische Post à propos de l'émoi provoqué par la découverte d'une souris dans une voiture-restaurant. La «Gründlichkeit» de l'administration des Chemins de Fer allemands entraîna la mise à l'écart de la voiture-restaurant, au grand dam des voyageurs assoiffés. Dans ce contexte - et c' est là la phrase à traduire - un voyageur s'exclame: «Das kann nur einem Staatsbetrieb passieren; kein Wunder, dass der Miese machtl ».

Les quarre traducteurs qui devaient consigner toutes les réflexions intermédiaires ont tous buté sur ce Miese machen. Ils connaissaient tous le sens allemand de l'expres­sion. Presque tous ont eu l'association Defizit et tous ont fait le lien avec rote Zahlen (chiffres rouges). Ils ont tous reconnu que les deux mots formaient une unité

1 Was in den Köpfen von Übersetzern vorgehl. KRINGS, Hans P. Tübingen: Narr, 1986.

439

Page 442: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

(phraséologique) et qu'ils ne connaissaient pas d'équivalent direct en français. Ne

trouvant rien à partir de «Miese machen, ils ont tous cherché à partir d'une expression

proche en allemand, à savoir Defizit ou rote Zahlen. Ce faisant, ils savaient qu'ils

changeaient de registre stylistique.

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

— ein Defizit haben

— kein Geld haben ·

Miese machen O

TUAI

(WB Γ)

avoir un déficit

déficit O

WB2 ) Miese­

Schulden machen­

0

TUA 2 faire (des) dettes

+ «Umgangssprache»

j'ai pas de fric

I j'ai pas de sou

TUA 3 être sans le sou

— rote Zahlen

rote Zahlen

11' 2J[rote Zahlen ­

(daß sein Defizit so ­

bedeutend sei)

0

déficit

TUA 4 que son déficit fût

tellement important

ZTM: que celle­ci (= l'entreprise publique) soit sans le sou

Äquivalentauffindungsdiagramm für «Miese machen» (KRINGS p. 319)

Le diagramme montre le cheminement parcouru à la recherche d'un équivalent.

Explication des symboles

carre

rond crochet 0 barré O non barré

équivalent provisoire (traduction potentielle) (TÜÄ 1­n tentatives successives) recours au dictionnaire bilingue (WB2) ou monolingue (WB1) élément consulté (base ou collocaleur) le dictionnaire ne donne pas l'unité cherchée stratégie de recherche d'équivalent provisoirement ou définitivement abandonnée

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Page 443: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

o

ΖΓΜ

li— Miese machen

2

3

reconstruction d'une étape intermédiaire dans la langue maternelle traduction retenue

WB 2 ) Míese machen

— fies­

O

0

moche

(Defizit machen) TUAI qu'il faisait du déficit

ZTM: qu'il faisait du déficit

Äquivalentauffindungsdiagramm für «Miese machen»

— Miese machen

—(wB 2j|Mie Miese machen

— in die roten Zahlen kommen

—AvB 2) rote[zahlen­

O

0

0

Verlust machen

6 (wB 2)[yerlustmachen· TUA 1 faire une perte

ZTM: qu'elle fasse une perte

Äquivalentauffindungsdiagramm für «Miese machen»

L— Miese machen·

2 — rote Zahlen.

O

O

— (Defizit machen) TUA 1 que la Bundesbahn fasse des déficits

ZTM: que la Bundesbahn fasse des déficits

Äquivalentauffindungsdiagramm für «Micsc machen» (KRINGS p. 327)

441

Page 444: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Le premier diagramme résumait les stratégies des quatre traducteurs. Les trois diagrammes suivants représentent des cheminements individuels.

On constate que, pour des expressions aussi courantes que «faire un (ou des) déficit(s)» et «chiffres rouges», la recherche se solde par un échec. Ceci est vrai pour des dictionnaires bilingues, tant généraux (p.ex.Weis/Mattutat2 et Sachs/Villatte3) que spécialisés (p.ex. Potonnier4), et également pour les dictionnaires monolingues (p.ex. Quillet-Flammarions). Les dictionnaires généraux donnent présenter ou accuser un déficit mais '}amais faire un déficit (qui serait plus proche de Miese machen).

Une stratégie répandue consiste à recourir, dans ces cas, à une troisième langue apparentée. Si on ne trouve pas en français, on cherche en espagnol. Cela ne donnerait pas davantage de résultats dans notre exemple, ni dans un dictionnaire général (p.ex. Slaby/Grossmann6) ni dans un dictionnaire spécialisé (p.ex. Eichborn/Fuentes7). Sans parler des risques dus au fait que ce type d'analogies ne s'applique très souvent pas aux expressions phraséologiques. C'est ainsi que l'on dit en espagnol «arrojar un déficit» mais que l'on ne peut pas dire en français «*jeter un déficit».

Exemple 2: publicité pour produits/services techniques

"Kein Problem: Schöner Wohnen für Sie und ihn verspricht das Sarnafil Teichabdichtungssystem. Das dekorative Stück Natur ist rasch im Garten aufgebaut und hält dank der weltweit bewährten Kunststoff-Dichtungsbahn Sarnafil hundertprozentig dicht. Flora und Fauna werden Ihre Einladung gerne annehmen. Im Zentrum dieses ausgeklügelten Systems steht Sarnafil mit der kompetenten Beratung unserer Spezialisten. Und damit auch bei der Realisation garantiert nichts schiefgeht, bilden wir die Sarnafil Verleger höchstpersönlich aus. (...) Wir bieten übrigens sämtliche Abdichtungssysteme für Hoch- und Tiefbau an: von Gebäudehülle, Flach- und Steildach-, Begrünungs-, Fassaden- und Fenstcrsysiemen, über Tunnel-, Bauwerk- und Deponiesysteme bis zu Grundwasserschulz, Mcmbranbaulen, Teichen, Becken und Biotopen.

Sarnafil® Abdichtungssysteme. Alles unter Dach und Fach."

2 Großwörterbuch Klett. Pons. WEIS et MATTUTAT,. *** 3 Langenscheidts Großwörterbuch. SACHS, K. et VILLATTE, C. Berlin: Langenscheidt, 1979 4 Dictionnaire de l'économie. POTONNIER, G. et B. Wiesbaden: Brandstetter, *** 5 Dictionnaire usuel par le texte et par l'image. GIOAN, P. (cd.) Paris: Quillet-Flammarion, 1960 6 Wörterbuch der spanischen und deutschen Sprache. SLABY, R. et GROSSMANN, R. (Rev.

ILLIG, C. Wiesbaden: Brandstetter, 1973 7 Wirtschaftswörterbuch spanisch-deutsch. EICHBORN, FUENTES. Düsseldorf/Wien: Econ,

1974

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Jusqu'aux quatre petits mots de la fin, cet exemple ne présente guère de difficulté autre que la documentation technique en langue cible. Mais voilà ce «Alles unter Dach und Fach».

Le premier réflexe de notre traducteur technique (qui est souvent un ingénieur ou technicien recyclé) est de recourir, dans ces cas, au dictionnaire bilingue (ici, Sachs/ Villatte). Sous unter Dach und Fach, il trouve être à l'abri, au sec (dérivation assez évidente de Dachltoit) ainsi que terminé. Sentant que ça va se gâter s'il met Avec Sarnafil, c'est terminé, il tente sa chance sous Fach. Et là, il est nettement mieux servi puisque être du métier/compétent reprend ausgeklügelt, kompetent, Spezialist, bilden...aus et implique la notion de fiabilité exprimée dans bewährt, hält hundertprozentig dicht et garantiert nichts schiefgeht.

Ce qui manque encore dans la traduction provisoire («Sarnafil. Les spécialistes de l'étanchéité» ou équivalent), c'est le côté «jeu de mots», la superposition du registre figuré et du registre étymologique, lié au sens littéral de Dach (toit) et Fach (compartiment). Cumul de registres certainement voulu puisque l'entreprise installe toutes sortes de toits, pose des compartiments pour le colmatage etc.

Après avoir en vain cherché des mots français désignant en même temps «compétence/ fiabilité» et un sens concret lié aux services proposés, le traducteur cherche des combinaisons de mots qui expriment le cumul de registres voulu par la négative et, éventuellement, se situent à un niveau d'abstraction différent. Avec un brin d'intui­tion sans lequel traducteur serait une profession bien monotone, il pense à «sans faille», qui exprime la perfection/fiabilité et amène par le biais de l'homonyme l'idée qu'il n'y aura pas de trou, fente, cassure, fuite.

A partir de là, ce qui le sauve, c'est que toute traduction est par définition urgente. Car s'il avait le temps de vérifier le sans faille il se remettrait à douter. Un des rares dictionnaires qui le donne est le Lexis de Larousse, dictionnaire qui se trouvera très rarement sur les rayons d'un traducteur technique. (Sachs/Villatte ou Harrap's8 ou encore Quillet-Flammarion ne contiennent pas la combinaison sans faille avec ses deux sens concret et figuré ni tous les homonymes de faille.)

Faut-il brûler les dictionnaires?

«En tout cas pas avant de les avoir recopiés dans des bases de données terminolo­giques...». Il y a plusieurs vérités à cette boutade. D'abord, que même ceux qui «dénoncent» les «déficits» et les «failles» des dictionnaires en sont lourdement

Harrap's New Shorter French and English dictionary. (MANSION, J. et al.) London: Harrap, 1978

443

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tributaires. Ensuite, que les méthodes de travail des lexicographes ressemblent de plus en plus à celles des terminologues.

archaic) *"" -~ -«. ¿''cv/ (technical)

(literary)

iquial)

..«**'

c » c & iCO **' ,** .**

one period, e.g. the mwi's

2000 A.D.

.seminine choices

Contextual constraints on a German word: Fach

Certain(e)s lexicographes utilisent des modèles comme celui-ci.

A partir de leurs bases de données, ils pourraient produire des dictionnaires bien plus complets s'il n'y avait pas les contraintes de l'ouvrage final sur papier, à savoir le poids, l'encombrement et le prix de vente au public. Si les lexicographes se taisent sur l'expression chiffres rouges, n'attendons pas trop des maisons d'édition.

L'espoir est donc permis de voir apparaître, d'une part, des dictionnaires d'une nouvelle espèce, qui mettent à profit une plus grande partie de la richesse qu'abritent les modèles sous-jacents, et, d'autre part, des outils informatiques qui facilitent l'accès multidimensionnel à des données terminologiques tout en maintenant leur coût abordable. Permettez-moi de citer un passage de Theory and Practice in Corpus Linguistics, de Jan Aarts et Willem Meijs9:

«It is a common observation that words... tend to occur in clusters... Il is not surprising, therefore, that the large-scale study of... collocations, made possible by... computers, has come to be seen

9 Theory and Practice in Corpus Linguistics. AARTS, J. et MEIJS, W. Amsterdam: Rodopi, 1990

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as more and more important over the last few decades... This is shown by the number of projects... devoted to the study of collocations, and also... by lhe... emphasis... in recent... dictionaries. There is a world of difference... between... the Concise Oxford Dictionary and lhe recent COBUILD, Longman, and Oxford Advanced Learner's dictionaries.»

Je ne conclurai pas sans mentionner trois autres exposants de la nouvelle tendance (et la liste n'est heureusement pas exhaustive!): le BBI Combinatory Dictionary», de Benson, Benson et Ilson10, le Penguin-Pitman Canadian Dictionary, de Thomas Paikeday11, ainsi que le Synonymwörterbuch der deutschen Redensarten, de Hans Schemann12. Ce demier ouvrage peut paraître modeste à côté d'un «BBI» mais Schemann a le mérite d'avoir produit - avec des moyens minimes - une oeuvre lexicographique originale qui, pour le praticien, comble bien des lacunes de la phraséologie allemande.

Renato REIN AU Chargé d'enseignement

Université de Genève École de Traduction et d'Interprétation

19, place des Augustins CH-1205 Genève

10 The BBI Combinatory Dictionary of English: A Guide to Word Combinations. BENSON, M., BENSON, E. ct ILSON, R. Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins, 1986

11 Penguin-Pitman Canadian Dictionary. PAIKEDAY.T. Markham (Canada): Penguin/Mississauga (Canada): Pitman, > 1989

12 Synonymwörterbuch der deutschen Redensarten. SCHEMANN, H. (unter Mitarbeit von BIRKENHAUER, R.) Straclcn: Slraclcncr Manuskripte Verlag, 1989

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Terms in social Welfare Terminological and linguistic Perspectives

Colin Yaliop

Summary

1 Australian term bank research 2 Terms and concepts: the terminographical view 3 Words and concepts: the Saussurean view 4 Recent approaches to lexis in systemic functional linguistics 5 Words and terms 6 Health and welfare terms in the TBRG project 7 Terms relating to unemployment 8 Discussion 9 Conclusion Appendix 1: Extracts from Year Book Australia 1988 Appendix 2: Quotations Note

1 Australian term bank research

A Term Bank Research Group (TBRG) was formed in Australia in 1986 to investigate computerised term banks and their usefulness in Australia (see note). The group was particularly interested in multilingual term banks that would improve the reliability and efficiency of translation and interpreting. The group took as a concrete goal the development of a prototype bank of terms that were common in health and welfare contexts and likely to be translated from English into other languages, for example in health or social security publications.

Quite apart from the practical usefulness of this project, it has drawn attention to areas of vocabulary that are not obviously technical and specialised. And the problem of how to handle health and welfare terms has been cause for reflection on the nature of vocabulary and lexical meaning itself.

This paper outlines the fundamental theoretical issue of lexical meaning and notes the radical difference between those who take concepts to be separable from words or

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terms and those who follow Saussurean structuralism; the paper then tums to specific discussion of terms relating to unemployment as a kind of test case for the theoretical question.

2 Terms and concepts: the terminographical view

Modern terminography, as outlined in handbooks such as Felber 1984, Picht and Draskau 1985, Arntz and Picht 1989, espouses certain principles about terms and concepts: in particular, concepts are said to take priority over terms (and terms then tend to be viewed as labels for concepts), and it is assumed that terminology can be - to some extent - deliberately managed with a view to international standardisation. Felber, for example, states that "any terminological work starts with concepts", that "the sphere of concepts is independent of the sphere of terms", and that "termino­logies are deliberate creations"; he also explicitly contrasts the prescriptive standardisation of terminologies with the way in which usage prevails in "common language" (p.98).

3 Words and concepts: the Saussurean view

Ferdinand de Saussure, often considered the pioneer of modem linguistics, specifically rejects the idea that words are names for things and that there are preexisting concepts awaiting labelling; in his view, a linguistic sign unites not thing and name but concept and sound image, and the concept and sound image are intimately united in such a way that they cannot be separated from each other without destroying the sign (pp.65-7, 103). In fact, de Saussure abandons the very terms concept and sound- image in favour of signified and signifier (p.67). He argues that thought without language is a vague uncharted nebula, that thought apart from its linguistic expression is a shapeless mass (pp. 111-2). Far from being able to separate a concept from its sound image, we should think of thought and sound as the two sides of a sheet of paper (p.l 13).

Moreover, the linguistic yalue of a sign is derived from the opposition among signs (pp.114ff). It is interesting that this point is widely accepted by linguists in relation to the signifying aspect of language, that is in phonology: few linguists would dispute the observation that a phoneme is not an entity determined in some extralinguistic way but is a unit that derives its value from opposition to other units in the phonological system. Yet linguists seem more reluctant to take de Saussure seriously in relation to the signified - that is, to accept that concepts are not units determined extralinguistically but are elements within a linguistic system.

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4 Recent approaches to lexis in systemic functional linguistics

Modem systemic linguistics (as expounded for instance in Halliday 1985) stands in the Saussurean tradition: its approach to lexical meaning stresses the paradigmatic value of a sign in opposition to other signs rather than seeking to ground meaning in extralinguistic reference or a repertoire of prelinguistic concepts. But recent systemic work has also taken up a point often overlooked in de Saussure' s Course, namely the incorporation of morphology, syntax and lexicology into lexicogrammar (pp. 134-7). In the 1960s Halliday remarked that "the grammarian"s dream' was "to turn the whole of linguistic form into grammar" (1961, p.267). This "dream" would see grammar and lexicon integrated into a lexicogrammatical network: lexical choices would then be the ultimate or "most delicate" options in the network of linguistic options that constitutes a language. Hasan (1984, 1985, 1987) has explored this view in more detail. In particular she asks what it would mean to extend a grammatical network so that it becomes a device for the description and generation of lexical items (1987, p. 185). An important corollary of this approach is that vocabulary is not only integrated into grammar but also related to text, for if grammatical and lexical choices are unified on a continuum, one cannot really study word meaning independently of the linguistic system as a whole, and the operation of the system as a whole is seen only in actual texts. Cross (1991) gives some attention to this view in the context of computer generation of text.

5 Words and terms

The two perspectives briefly summarised above are clearly not compatible. Equally clearly, a fundamental theoretical principle is at stake, with practical consequences for lexicography and terminology. If it is true that concepts are in some way prior to their linguistic expression and that words (or terms) are labels for concepts, then it is indeed essential that concepts are organised and codified and that dictionary and glossary definitions point towards these concepts. If on the other hand the Saussurean notion of lexical meaning and the systemic view of lexis as delicate grammar are valid, then dictionary definitions of a conventional kind will be at best convenient abstractions, and lexicography and terminology ought to be much more concerned with linguistic oppositions and with actual text - for instance by giving contrastive examples and citations priority over classic definitions (cf. Sinclair 1983, p.71).

One way of resolving the incompatibility, hinted at in some of the literature, is to distinguish between (technical) terms and (ordinary) words. Thus we might say that technical nomenclatures are different from ordinary vocabulary precisely because here concepts can be organised prelinguistically; whereas for most of language the Saussurean perspective does hold good. We will bear this possibility in mind in looking at terms relating to unemployment.

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6 Health and welfare terms in the TBRG project

Terms which occur in Social Security glossaries - terms such as acceptable proof of identity, medical certificate and unemployed - obviously do not constitute a technical nomenclature of the same kind as botanical or anatomical terms. They are, however, technical terms to the extent that they are specialised and standardised. A term such as acceptable proof of identity, for instance, is not part of most Australians' general vocabulary and its meaning is not transparent; and the term is deliberately standardised in the sense that government regulations or officials determine what exactly the term does mean. (For discussion of the nature of technical vocabulary see Sager et al. 1980, pp.291-5, 329-43; Arntz & Picht 1989, pp.41, 140-54.)

7 Terms relating to unemployment

The term unemployed is found in most general dictionaries. Its first definition in the Macquarie Dictionary is "out of work, esp. temporarily and involuntarily; without work or employment". The Australian Department of Social Security glossary explains the term as "having no paid employment, temporarily out of work". These are of course dictionary definitions of a traditional kind, although it should be noted that the Social Security explanations were compiled in the context of helping community translators, and were not intended as conventional dictionary entries, nor as official definitions.

If, however, we were to look for an official definition or even the concept behind this word, we might have to turn to a source of somewhat different status, namely the 1988 Year Book published by the Australian Bureau of Statistics. For the term unemployed in particular, there is some justification of special usage and some explicit elaboration of concepts. (Relevant quotations are given in full in Appendix 1.)

The Year Book makes it clear that the official definitions oí employed and unemployed (for statistical purposes) have not been fixed once and for all (p.293) and that there have been changes in what the Year Book calls the "conceptual basis of the labour force framework" (pp.294,296). A chart on p.295 sets out the criteria for determining who counts as employed or unemployed: the chart categorises people as either (1) in the labour force or (2) not in the labour force; persons in category ( 1 ) may be ( 1.1 ) fully employed, (1.2) underemployed or (1.3) unemployed. It hardly needs to be said that this takes us beyond definitions that explain unemployed as out of work or having no paid employment.

But all of this is in the context of statistics (as acknowledged on p.296). Elsewhere in the Year Book, where social welfare provisions are detailed, there is a different elaboration: to obtain unemployment benefit one must be not merely unemployed

450

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(whether in everyday usage or the statisticians' sense) but must meet other criteria as well (p.349).

Moreover, the Year Book has already been to some extent superseded. On 21 August 1990, the then Federal Treasurer, Mr Keating, announced that unemployment benefits would cease to exist. This announcement, in the annual budget speech, was accompanied by some new concepts, which were themselves the subject of some discussion by journalists (see Appendix 2).

8 Discussion

It is evident that there is continuing change in the meaning of terms such as unemployed and unemployment benefit, and the statisticians' references to the conceptual basis of the labour force may seem to lend weight to the terminologists' insistence on the priority of concepts. It is certainly true that if one is to clarify and explain the meanings of the terms careful analytical investigation is needed. At the same time several points seem to substantiate the systemic view of lexis.

Firstly, despite references to the conceptual basis of the labour force, there is nothing to convey that basis except the wording we have looked at - a statistician's explanation, the Treasurer's announcement, or whatever it may be. In other words there is no sense in which a concept of unemployment or unemployment benefit is available or accessible other than through the words that carry those concepts.

Secondly, the relationships among the terms are not at all straightforward: to reach the specialised sense of unemployed we need to refer to labour force, to understand the new term job search allowance we need to contrast it with the also new newstart allowance as well as with the superseded unemployment benefit. But sorting out these meanings is not just a matter of constructing a taxonomy and certainly not a matter of organising prelinguistic concepts. Rather it is a matter of seeing how meanings contrast and interrelate.

Thirdly, it is impossible to talk sensibly about the meanings of the terms without reference to texts. It is the statistician's commentary that gives us information about the important relationship between labour force and unemployed, it is the Treasurer's speech that introduces and authorises new terms such as job search allowance, and so on. Quotations from such sources are surely more significant, and more useful in lexicography and terminography, than definitions based on an assumption of prior concepts. Indeed, as already suggested, it is hard to see what those prelinguistic concepts might be.

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9 Conclusion

This paper may have seemed somewhat negative towards modem terminography, but its purpose is certainly not to deny or undermine the important work that goes on in compiling technical glossaries and term banks to support communication. When terminographers stress the importance of conceptual organisation prior to handling the terms themselves, they do point to the inescapable fact that many modem terminologies are opaque to most users of the language and that careful analytical work is necessary to expose the meanings of the terms and the semantic structures behind individual terms. But it seems unnecessary to argue that this is somehow prelinguistic work: analytical organisation is no less important if it is recognised - in the spirit of de Saussure - that the analyst is dealing with meanings within a linguistic system.

It may also be true that terminography has focussed much of its attention on areas where terms are typically nouns, often arranged in taxonomies, and often referring to concrete objects. Indeed, in many cases, the objects themselves may be human creations - industrial products or manufactures - which may favour the impression of a world of things organised prelinguistically. As suggested earlier (section 5 above) this might mean that we confine terminography to precisely these areas, where terms are virtually names, nomenclatures identifying definable entities, and where the nomenclature is so restricted in its use that there is considerable scope for regulating the specialist usage. This would seem regrettable, for three reasons.

In the first place, such a boundary between nomenclatures and ordinary vocabulary is not clearcut. While it may be arguable that industrial manufactures are concrete entities that have a prelinguistic existence, this is certainly not the case with many other areas of modem technical terminology, such as computer softwarejob titles and descriptions, or financial procedures. Equally, for many areas of vocabulary that are not commonly thought of as technical - such as the kind of social welfare terms mentioned above or terms for types of educational institution and qualification - there is the same need for organised informative explanation in glossaries or term banks as there is in the more obviously technical areas.

Secondly, even in the most concrete cases, even where terms seem to name concrete items, it is not self-evident that the concrete items settle questions of meaning. The difference between a desk and a table, for instance, is not determined by observing and measuring desks and tables but by considering their functionality as reflected in meaning. Presumably, the very fact that terminologists do talk of concepts rather than referents is a recognition that terms do not relate directly to concrete things.

Thirdly, while it may be important to recognise the vast extent of taxonomie classifications of nouns in modem society, it would seem unfortunate to seek to

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confine terminography to that area alone. No lexicological work, whether it be called terminography or lexicography, has to stand on the assumption that one organises concepts before terms; the importance of skilled analytical and explanatory work does not rest on the argument that terms are labels for things. Moreover, the integration of lexis with grammar and text is not just a theoretical point but one that relates to the progress of work in natural language processing and artificial intelligence: both terminography and more traditional lexicography are already benefitting from sophisticated computerisation which makes it possible to link lexical items to texts in various ways. It therefore seems both theoretically sound and practically promising to pursue lexicological data-gathering and research in a way that does not seek to identify concepts separately from wording but does seek to integrate vocabulary with grammar and discourse.

APPENDIX 1

Extracts from Year Book Australia 1988 (No.71), Australian Bureau of Statistics, Canberra

[p.293] Statistics for persons in the occupational categories "at work", "not at work" and "total in work force", from the Population Censuses held from 1911 to 1961... terms are not directly comparable to current definitions of persons employed, unemployed and the total labour force.

[p.294] Fundamental to the measurement of employment and unemployment is the concept of the labour force. The labour force is defined broadly as those persons aged 15 and over who during a particular week are either employed or unemployed.

[p.296] An ever-increasing demand to obtain information concerning underemployment and information on persons wanting work but not defined as unemployed has led to improvements to the conceptual basis of the Australian labour force framework.

[p.308] Persons not in the labour force represent that group of the population who, during a particular week, are not employed or unemployed

[p.349] For unemployment benefit purposes, people must establish that they are unemployed, that their unemployment is not due to industrial action by themselves or by members of a union of which they are a member, that they are capable and willing to undertake suitable work, and that they have taken reasonable steps to obtain such work. Registration for employment with the Commonwealth Employment Service is necessary.

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APPENDIX 2

Quotations

Mr Keating, Budget speech 21 August 1990, as reported in The Australian, 22 August 1990 (p.32):

Mr Speaker, another election commitment honoured by the Government tonight is the abolition of the old unemployment benefit structure.

As from July 1991, unemployment benefits will cease to exist

In its place will be a short-term Job Search allowance and a Newstart allowance for those unemployed for 12 months or longer.

The Government will provide the opportunities people need to get back to work - and we will insist that they take advantage of these opportunities.

Ross Gittins, The Sydney Morning Herald, 23 August 1990 (p.l 1):

Ordinary Australia's tolerance of people on welfare benefits is lower than it's ever been.

.... the Government popped up with a promise to put people off the dole after a year.

.... But the truth of what the Government is actually doing is different.

Take Mr Keating's remarkable statement that "as from July 1991, unemployment benefits will cease to exist".

This is the fulfilment of the Government's election promise. Question is: what does it mean? If the dole is to be no more, what takes its place?

A payment of exactly the same amount but a new name: the "job search allowance". If you're still unemployed after a year, you qualify for the "newstart allowance" - same amount, new name. You stay on that indefinitely.

The aim is certainly to get people of the dole - but only by doing more to help them get jobs.

Only those who find jobs - or refuse to attend interviews - will lose their benefits, no matter how long it takes.

NOTE

TBRG members are Colin Yallop and David Blair, both of the School of English and Linguistics, Macquarie University; Stuart Campbell, of the University of Western Sydney Macarthur; and Terry Chesher, of the Health Translation Service of the NSW Department of Health. Principal research assistants have been Inge Rogers, Sarah McLoughlin and Antonio Hernandez. Funds to pay casual and part-time research assistants have been granted by Macquarie University (1987-9), the University of Western Sydney (1989-91) and the Australian Research Council (1990-1).

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BIBLIOGRAPHY

ARNTZ, R. & PICHT, H. 1989. Einführung in die Terminologiearbeit. Hildesheim: Georg Olms. CROSS, M. 1991. Choice in text: a systemic-functional approach to computer generation of text

variants. PhD thesis, Macquarie University. Department of Social Security Glossary (unpublished ms). FELBER, H. 1984. Terminology manual. Paris: Unesco and Infoterm. HALLIDAY, M.A.K. 1961. Categories of the theory of grammar. Word 17 (3): 241-92. HALLIDAY, M.A.K. 1985. Introduction to functional grammar. London: Edward Arnold. HASAN, R. 1984. What kind of resource is language? AustralianReviewofAppliedLinguisticsl(\):

57-85. HASAN, R. 1985. Lending and borrowing: from grammar to lexis. In Clark, J.E. (ed.), Festschrift

in honour of Arthur Delbridge. Hamburg: Helmut Buske. HASAN, R. 1987. The grammarian's dream: lexis as most delicate grammar. In Halliday, M.A.K.

& Fawcett, R.P. (eds), New developments in systemic linguistics. London: Pinter. The Macquarie Dictionary. 1981. St Leonards, NSW: Macquarie Library. PICHT, H. & Draskau, J. 1985. Terminology: an introduction. Guildford: University of Surrey. SAGER, J., Dungworth, D. & McDonald, P. 1980. English special languages. Wiesbaden: Oscar

Brandstetter. DE SAUSSURE, F. Course in general linguistics. [Quotations are from the translation by Wade

Baskin. I960. London: Peter Owen] SINCLAIR.J. 1983. Chairman's introduction to session4. In Sndl,B.(ed.),Termbanksfor tomorrow's

world. London: Aslib. Year Book Australia 1988 (No. 71), Australian Bureau of Statistics, Canberra.

Colin YALLOP Dictionary Research Centre and School of English and Linguistics

Macquarie University NSW 2109 Australia

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Traduction et écosystèmes terminologiques

Daniel Blampain

Sommaire

1. Luxuriance et écosystèmes 2. Traduction et écosystèmes terminologiques 3. Les écosystèmes TERMISTI

3.1. De la L.Sp. au micro-domaine 3.2. Du texte au terme 3.3. Du terme à la notion, de la notion au terme 3.4. De la notion au réseau 3.5. Du réseau notionnel au terme et à son contexte 3.6. Du contexte au texte

4. Conclusion

Poser le problème de la phraséologie dans la traduction des langues de spécialité (L.Sp.) pourrait laisser supposer que l'élément majeur qui définit les L.Sp., à savoir la terminologie, entendue dans le sens d'ensemble de termes techniques et scientifi­ques, ne pose plus de réels problèmes dans son élaboration ou dans ses résultats.

En réalité, nous sommes un peu comme devant une forêt dont la luxuriance, liée à l'essor industriel et scientifique de cette seconde moitié du XXe siècle, nous per­mettrait d'oublier que les racines des arbres qui la composent sont fragiles. Toute une mythologie semble d'ailleurs s'être mise en place dans des contextes de normalisation ou de rentabilité et a occulté les questions fondamentales en matière de terminologie. En ces moments dangereux de «pluies acides», il est peut-être bon de s'interroger sur la qualité de l'enracinement des arbres plantés, voire sur leur étonnante absence de racines.

En tout cas, quelques idées toutes faites ont pu se déployer pour nous faire croire que «la forêt est belle». Par exemple, l'idée que les terminologies se constituent réguliè­rement à partir de concepts rigoureusement mis en place, ou encore qu'un terme désigne en L.Sp. un seul objet ou un seul concept - l'ambition rêvée des langages

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referendeis, ou encore que la terminologie concerne avant tout la néologie et qu'elle permet de déployer un pouvoir réel sur la création des mots. Le plus grave serait qu'à l'issue de ce colloque se déploie une autre idée, sous l'action des TAOïstes (partisans de la traduction assistée par ordinateur), à savoir que la phraséologie ou l'environne­ment syntaxique des termes en L.Sp. est primordial pour le traducteur et que l'on pourrait envisager des répertoires systématisés d'expressions idiomatiques. Ma question est double. Ne contournerait-on pas ainsi le problème non résolu des notions et des réseaux notionnels par une espèce de fuite en avant? L'utopie phraséologique ferait ainsi suite à l'utopie terminologique. Ne faudrait-il pas au contraire, poser le problème de la phraséologie par rapport aux systèmes notionnels dans des domaines thématiquement homogènes? L'affirmation de B. de BESSÉ (1991, p.120) devrait avoir valeur d'avertissement:

«Quelle que soit l'utilité des analyses de discours pour le terminographe, il doit partir des choses et des sujets à nommer pour aller aux signes. C'est seulement après avoir réalisé la délimitation et la description des concepts, qu'il peut, pour répondre à l'attente des langagiers, rechercher toutes les informations utiles sur le fonctionnement des termes»1.

Notre recherche porte sur la mise au point d'écosystèmes terminologiques. Elle se déploie à partir d'un milieu universitaire de formation et de recherche, et plus précisément à partir d'un département de linguistique appliquée, en collaboration avec les départements d'informatique, de langues et divers milieux scientifiques et techniques. C 'est dire que la terminologie est saisie à un niveau précis et expérimental, avec un certain nombre d'exigences scientifiques auxquelles les «entreprises» de terminologie sont aujourd'hui dans l'impossibilité de répondre. Seul un milieu universitaire peut en effet prendre en considération la terminologie en tant qu'activité linguistique descriptive, non soumise à des projets politiques ou normatifs.

1. Luxuriance et écosystèmes

Nous sommes partis d'un constat sur la place occupée par la terminologie dans l'environnement traductionnel, qu'il s'agisse du milieu professionnel ou d'un milieu de formation: la LUXURIANCE de la terminologie est telle que l'utilisateur a peine à s'y retrouver.

1.1. Le développement des sciences et des techniques a multiplié les besoins en terminologie et les produits foisonnent «sauvagement», des entreprises aux institu­tions.

1.2. Le mot terminologie est devenu tellement polysémique que l'on oscille chez les praticiens entre la tentation de ramener la terminologie à une simple question de 1 DE BESSE (Bruno), 1991 «Le contexte terminographique», in META, Vol. 36, n°l, mars,

pp. 111-120

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lexique, voire de lexicographie, et celle de l'assimiler à une science du langage, à une réflexion théorique dont ils n 'ont que faire dans la pratique de 1 ' urgence qui est la leur.

1.3. Depuis près de vingt ans, des banques de terminologie se déclarent au service du traducteur. Si nous laissons de côté les produits imprimés, nous pouvons dire que dans un bureau de traduction bien équipé ou dans un institut comme le nôtre, la consultation des banques se résume, pour des raisons économiques, à celle de TERMIUM sur CD - ROM et d'EURODICAUTOM. Mais même au sein de ces deux banques, le concept de «luxuriance» est tellement d'application que le traducteur retrouve parfois la solitude et le découragement de l'explorateur au sein des forêts vierges, lui qui peut consacrer plus de 40% de son temps à la terminologie dans le cadre d'un travail portant sur une L.Sp.

1.3.1. Ces banques sont encombrées. Elles ont accumulé des termes de langue courante et de langue de spécialité. L'obsolescence ternit l'intérêt de beaucoup d'interrogations.

1.3.2..La sélection des domaines reste générale et peu efficace.

1.3.3. Elles sont construites à partir de systèmes informatisés anciens et lourds, voire peu rentables. La sélection de fiches ou de données à l'intérieur de fiches reste un problème qui témoigne de l'archaïsme du système de consultation. L'utilité de ces banques - nous le voyons tous les jours - est pourtant réelle. Elles sont le fruit d'une longue expérience de traduction qui sert nos étudiants, mais pour ces demiers l'urgence et la rentabilité ne se posent pas dans les mêmes termes que pour le traducteur professionnel. La consultation des sources, fondamentale pour un questionnement scientifique ou simplement pour une traduction sérieuse, correspond par exemple dans TERMIUM à une manoeuvre qui doit se faire crayon en main et qui prend beaucoup de temps. Quepenserd'autrepartd'un traitementdit «terminologique» qui présente le mot (le terme?) accompagné d'une définition, avec ou sans référence, suivi de ses équivalents dans d'autres langues avec la traduction de ladite définition?

1.4. Enfin, le concept de terminologie, déjà fragmenté entre des méthodologies dif­férentes, s'est trouvé plongé dans la luxuriance du champ des industries de la langue, où l'on entend chanter les sirènes de la T.A.O., chant programmé par des «logiciels toujours plus performants».

Par rapport à la «luxuriance» décrite ci-dessus, nous découvrons la pertinence du concept d'«écosystème», qui implique non seulement l'étude d'équilibres et la partition d'une entité en systèmes relativement autonomes dont il est possible d'analyser la structure et le fonctionnement, mais aussi la mise en évidence de mécanismes de régulation qui permettent une adaptation optimale aux conditions changeantes de l'environnement.

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2. Traduction et écosystèmes terminologiques

Confronté aux problèmes posés par les langues de spécialité, le traducteur est amené à devoir maîtriser les notions fondamentales de domaines et de sous-domaines. La fameuse règle «comprendre pour traduire» plutôt que «traduire pour comprendre» garantit toujours la qualité de la traduction. Jusqu 'ici, le traducteur avait recours à des lectures de familiarisation. Démarche lente et vague. Dans le poste de travail qui est prévu pour lui aujourd'hui, il devrait avoir à sa disposition des instruments termi­nologiques informatisés, susceptibles d'être constamment remis à jour, qui lui permettent d'accéder aux réseaux notionnels structurant des micro-domaines de haute spécialité.

Le logiciel TERMISTI que nous mettons au point2 est conçu comme un outil d'aide à la traduction (O. A.T. plutôt que T. A.O.) et illustre notre conception des écosystèmes terminologiques.

Toute démarche terminologique doit se fonder réellement sur les notions. La terminologie est donc comprise ici comme la totalité structurée des notions d'un domaine de spécialité. Les notions sont à percevoir dans le sens épistémologique d'ensembles de caractères qui nous permettent de reconnaître des objets ou des éléments de savoir et dans le sens logique d'élément d'ordonnancement du savoir.

Le choix de cette approche conceptuelle implique:

2.1. la réalité d'une démarche qui, ailleurs, est demeurée rhétorique ou qui est confondue avec l'élaboration d'arborescences documentaires, voire avec larédaction de fiches qui soient les plus exhaustives possible.

2.2. la révision de la problématique posée par WÜSTER, à laquelle il est indispen­sable de se référer mais qui ne doit pas être fétichisée.

2.3. le recours aux systèmes notionnels et l'exploitation de la fonction cognitive et classificatrice de la terminologie n'ont pu être réalisés qu'à la faveur d'un véritable dialogue expérimental entre une équipe composée de linguistes et d'un informaticien et des équipes d'experts animant des laboratoires de recherche dans d'autres universités. A. REY avait raison d'écrire dès 1979 (p.47) que «la terminologie pure est une illusion, dès lors que la mise en place des concepts n'est pas rigoureuse...»3.

2 I.S.T.I., Bruxelles, D. Blampain, P. Merten, J. Mertens, Ph. Petrussa, M. Van CampenhoudL 3 REY (Alain), 1979 La terminologie. Noms et notions, Paris, P.U.F. Coll. Que sais-je ? n°1780

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3. Les écosystèmes TERMISTI

Prenons un exemple d'écosystème relatif aux biotechnologies, et plus spécifiquement àia virologie végétale (recherche menée par Mlle P. MERTEN). Nous dégagerons les premiers acquis de cette recherche en cours4 et repréciserons diverses problématiques.

3.1. De la L.Sp. au micro-domaine

Le choix d'un domaine et d'un micro-domaine dans le champ des technologies de pointe répond au souci de délimiter ainsi la problématique:

3.1.1. La structuration des domaines de connaissance ne relève pas de la linguistique.

3.1.2 Une analyse pertinente des L.Sp. fait aujourd'hui cruellement défaut. La confusion entretenue entre Langue générale (L.G.) et L.Sp., y compris chez KOCOUREK, s'explique par l'absence d'analyse approfondie de L.Sp circonscrite à des micro-domaines bien précis et donc par l'absence d'une démarche comparative menée sur différents micro-domaines. On commence aujourd'hui une typologie des termes à base nominale, on conçoit l'intérêt d'une typologie des actions ou procédures - mais les procédures ne sont-elles pas activées par les objets? Il conviendrait en tout cas de travailler sur des micro-unités et de tenir compte de la majorité que représentent les termes nominaux en situation de L.Sp. Le linguiste Jean DUBOIS va même plus loin, puisqu'il affirme que, dans notre société, le nom s'est aujourd'hui largement substitué au mot, peut-être sous l'action des L.Sp.

Nous avons donc, dans un premier temps, décidé d'opérer - conformément au principe analogique des écosystèmes-la partition de laL.Sp. en «systèmes relativement autonomes» pour analyser structure et fonctionnement, plutôt que de sombrer dans une macro-analyse confondant son objet avec celui de la L.G.

3.1.3. Dégager un réseau notionnel n 'est une démarche pertinente que si elle porte sur un micro-domaine. Seul le micro-domaine est terminologisable au sens réel du terme, seules les terminologies fortement homogènes ont un avenir. Comme le déclarait H. CZAP à Bruxelles (1988) dans une intervention sur «Le concept de CONCEPT», le travail sur les concepts «n'a de sens et ne peut matériellement être fait que dans les domaines très spécialisés». Et d'ajouter:

«Les grandes banques de terminologie accumulent les problèmes posés par les variations minimes de sens qui affectent un concept lors de son passage d'une discipline ou d'un contexte à l'autre. Les définitions multiples d'un concept entraînent, pour les fichiers de terminologie, des dépenses

4 Recherche menée avec l'appui du Service de la langue française de la Communauté française de Belgique.

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disproportionnées: le coût de la comparaison du contenu des définitions et le maintien de la cohérence du fond terminologique devient prohibitif. L'engorgement de ces banques est donc probable et il se produira tôt ou tard, quelle que soit la technique sur laquelle repose la banque.»5

3.2. Du texte au terme

Au niveau expérimental, le recours à l'informatique (Logiciel Micro Oxford Concor­dance Program - O.C.P.) permet d'obtenir un dépouillement systématique des termes et de leur contexte comme le prouvent les recherches de M. VAN CAMPENHOUDT (I.S.T.I. - Voir l'article6 qu'il a consacré à la présentation et à l'analyse de cette démarche).

Ne seront retenus comme termes que les unités participant à la construction du domaine de connaissances. La fréquence à elle seule n'est pas une notion descriptive suffisante.

Problématique:

3.2.1. Pour traiter un texte, le traducteur doit faire appel à des connaissances sur le domaine que représente le texte. Bien comprendre pour bien traduire, et non traduire pour comprendre.

3.2.2. Le recours à l'organisation notionnelle du savoir pour lever les ambiguïtés d'un texte est d'autant plus nécessaire que celui-ci reflète toujourspartiellement un savoir. L'auteur du texte dispose d'un pouvoir de choix qui rend périlleux le travail du traducteur: il peut utiliser un concept ou non, le dénommer ou non, le formuler de manière parcellaire, voire approximative ou métaphorique, l'intégrer selon des modalités classificatoires ou fonctionnalistes...

3.2.3. Les caractéristiques structurelles du texte sont probablement conditionnées par l'organisation du domaine auquel réfère le texte.

3.2.4. La phraséologie sera déterminée par le type de discours (article, rapport, communication orale...), mais il est certain que les paramètres de la situation de communication conditionneront moins le texte qu'en L.G.

5 CZAP (Henri), 1988 «Le concept de CONCEPT», in Actes du colloque Terminologie anachronique (Institut Libre Marie Haps), s.l., C.I.L.F. - C.F.B., pp.69-74

6 VAN CAMPENHOUDT (Marc), (à paraître) «Une norme de dépouillement terminologique en langue française» (16 p.) in Revue Equivalences, Bruxelles, I.S.T.I.

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3.2.5. Un texte peut convoquer plusieurs domaines, mais sa compréhension sera néanmoins déterminée par le degré de familiarisation avec le domaine dominant. Le problème des passerelles entre écosystèmes terminologiques est à l'étude.

3.3. Du terme a la notion, de la notion au terme

Le traducteur qui fait appel à la terminologie opère ce double mouvement dans un ordre variable. D est confronté à une organisation du savoir avec laquelle il doit se familiariseret qu'il doit s'approprier en fonction des impératifs linguistiques qui sont les siens. De même que les découpages notionnels intégreront différemment un même concept selon qu'il s'agit de telle ou telle discipline scientifique, ils pourront varier selon les langues abordées. Les chemins empruntés par le linguiste ne coïncident pas nécessairement avec ceux empruntés par les experts du savoir. Il n'intervient évidemment pas sur le problème de l'adéquation du concept dans le champ, sur ce qu'il organise ou sur ce qu'il nie. Son objectif est plutôt d'observer les délimitations et les distinctions.

3.3.1. Une notion (un concept?) a pour vocation d'organiser un ensemble de phénomènes. Il n'y a pas de concept simple. Tout concept a des composantes et se définit par elles. Une grammaire des composantes de la notion est à élaborer: comment, au-delà des «caractères extrinsèques» ou «intrinsèques» retenus par l'Ecole de Vienne, sélectionner les caractères pertinents des notions?

3.3.2. Une notion n'ade sens que dans lamesure où elle se raccorde à d'autres notions. Les variations sont ordonnées suivant le voisinage. L'espace notionnel est régi par le différentiel.

3.3.3. Non seulement la notion doit être appréhendée dans ses limites, constantes ou variables, mais aussi dans sa (ses) fonction(s). Apparaît ici tout le problème des procédures, des représentations d'actions propres à un domaine à côté des repré­sentations d'objets.

3.3.4. Les concepts sont l'enjeu de débats dans le champ scientifique en particulier. Ils ont une histoire et un devenir. Il existe une dynamique des concepts.

3.3.5. La mise en «espace notionnel» permet de constater que les termes scientifiques et techniques ont un fonctionnement à la fois plus complexe et plus souple qu'on ne l'a dit jusqu'ici en se référant à la biunivocité comme caractéristique majeure des L.Sp.

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3.4. De la notion au réseau

Le parcours du réseau hiérarchisé des notions à l'aide du logiciel répond à la demande du traducteur en quête de sens, et ce d'autant plus qu'il est confronté dans un texte à des «vides notionnels», parfois accrus par le passage d'une langue à l'autre. Π lui est ainsi permis de trouver par exemple au fur et à mesure qu 'il descend dans 1 ' arborescence diversifiante et particularisante des notions dont aucun travail lexicographique spécialisé ne lui donnerait les composantes. On ajoutera que toutes les expériences psychocognitives ont prouvé que l'accès au générique facilite l'accès au spécifique et le mouvement ascensionnel dans l'arborescence ­ certainement le plus fréquent ­trouve ici son entière justification.

Si la sélection des composantes des notions est importante, la sélection de relations précises l'est tout autant.

Problématique:

3.4.1. Les relations hiérarchiques (espèce­genre, partie­tout,...) et non hiérarchiques (cause­effet, devant­derrière...) doivent être approfondies:

3.4.1.1. Sur le plan épistémologique, c 'est au carrefour des disciplines que se trouvent les espoirs, et notamment dans la coïncidence de certaines de nos réflexions avec celles de psychocogniticiens tels que le professeur MILLER (Princeton University).

3.4.1.2. Expérimentalement, nous multiplions les essais d'identification et de formulation des relations. La question est de savoir dans quelle mesure des relations sont liées à un micro­domaine ou sont transférables à d'autres écosystèmes.

3.4.1.3. La gestion automatisée du réseau notionnel offre plusieurs avantages: ­ la possibilité de modifier des liens; ­ la possibilité d'inclure ou d'exclure des notions et d'appréhender la mouvance qui

préside à l'émergence de nouveaux concepts; ­ la possibilité de maîtriser les voies de néologisation; ­ la possiblité de superposer des écosystèmes linguistiquement différents.

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3.5. Du réseau notionnel au terme et à son contexte

Les contextes présents dans les fiches doivent évidemment retenir toute l'attention et rendre plus aisé le passage du système referentiel au système linguistique, des classes de choses aux classes d'usage. D reste que le parcours de l'organisation notionnelle est plus déterminant pour lever les ambiguïtés du texte de départ et pour éviter les formulations parcellaires ou appoximatives. Dans le cadre de notre démarche, les différents types de contextes qui renvoient au concept (cfr la typologie établie par B. DE BESSE, pp. 112-116) perdent leur utilité. Seul le «contexte linguistique» présen­tant les constructions syntaxiques les plus significatives apparaît pertinent, mais il ne peut apparaître sur la fiche que comme le fruit de tout un travail de traduction qu'il est vain pour l'instant de vouloir reproduire expérimentalement.

3.6. Du contexte au texte

On peut penser que certains contextes, compris comme environnements linguistiques immédiats (syntagmes nominaux ou verbaux) sont propres aux micro-domaines. Nous revenons ici à l'intérêt d'une analyse des fréquences dans les micro-domaines.

On peut également penser que la description d'un micro-domaine devrait être accompagnée d'une typologie des discours qui l'illustrent ou qui le déterminent. D reste que, pour nous, cette analyse ne peut venir qu 'en deuxième lieu par rapport à un objectif qui est la communication de savoirs spécialisés, qu'elle risque de retomber dans le flou des analyses de discours en L.G. et que pour l'instant la phraséologie en L.Sp. est un peu perçue comme le champ des sirènes de la T.A.O... dont on a appris à se méfier.

4. Conclusion

1. L'observation des notions, de leurs relations et de leurs désignations dans diverses langues doit nous permettre d'approfondir la connaissance des vocabulaires de spécialité, dans leur existence et dans leur devenir (néologisation). Cette analyse ne peut être menée expérimentalement qu'à la condition de traiter les problèmes sur le plan referentiel et de les fragmenter en unités restreintes ou micro-domaines. Nous rejoignons ainsi le concept d'écosystèmes construit par opposition à la «masse» terminologique aujourd'hui sur le marché. Ces écosystèmes ou unités écologiques de base sont formés par articulation réelle des systèmes de désignation et de connaissance.

2. S'il est vrai qu'une terminologie scientifique ou technique doit être constamment remise à jour dans les micro-domaines spécialisés, le logiciel TERMISTI, dont je vous ai donné quelques illustrations de face et de profil, permet de répondre aux

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impératifs de la pluralité mouvante des systèmes de connaissance. Ce critère d'adaptabilité fait partie des mécanismes de régulation des écosystèmes.

3. L'alimentation limitée, pertinente et multiple du poste de travail de traducteur, telle que nous la concevons à partir des écosystèmes terminologiques, doit contribuer au développement d'une écologie traductionnelle.

Chaque année, depuis 1985, dix-sept millions d'hectares de forêt sont détruits dans le monde. Chaque année, des milliers de pages sont traduites approximativement par manque... d'enracinement terminologique. Il convient d'y penser sérieusement aujourd'hui.

Daniel BLAMPAIN Professeur

Institut Supérieur de Traducteurs et Interprètes de Bruxelles (I.S.TJ.) 34, rue J. Hazard B-l 180 Bruxelles

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Page 469: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Le fichier de difficultés de traduction du Secrétariat d'État du Canada

Hélène Brisson

Sommaire

1. Contexte 2. La banque de terminologie TERMIUM et le SVP : deux sources d'aide 3. Clientèles 4. Les enjeux 5. L'épuration 6. La structure 7. L'informatisation et la diffusion 8. Conclusion

1. Contexte

Je présenterai notre fichier de difficultés de traduction sous un éclairage pratique, pragmatique même. J'aborderai la question dans le contexte de la Banque de terminologie TERMIUM, qui n'a plus besoin d'être présentée, et aussi d'un service téléphonique de consultations linguistiques, c'est-à-dire du point de vue d'un fournisseur de services linguistiques à une clientèle des plus diversifiée. J'enchaînerai avec nos préoccupations touchant la refonte des fichiers de difficultés de traduction et d'aide à la rédaction et l'approche qu'à l'heure actuelle nous estimons la plus prometteuse. Et je parlerai, bien sûr, d'informatisation et de diffusion.

Le Secrétariat d'État du Canada est un ministère à vocation socio-culturelle. Son mandat est intimement lié à l'application de la politique sur le bilinguisme et à la promotion des langues officielles. C'est pourquoi le Bureau de la traduction a reçu, il y a déjà presque 20ans(1974),lemandatdenormaliseretd'uniforniiserlaterminologiedansl'administration fédérale.

C'est dans ce cadre que la Direction de la terminologie et des services linguistiques est sur le point de constituer une commission permanente de normalisation terminologique et

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linguistique. Cette commission, qui regroupera des représentants de plusieurs ministères,

étudiera périodiquement des termes ou des expressions controversés, en anglais ou en

français. À la suite de ses délibérations, elle publiera des avis de recommandation, qui

s'appliqueront à l'ensemble du Canada.

Le Ministère a aussi pour mission de promouvoir, par le biais de son secteur Langues

officielles et Traduction, l'utilisation correcte de l'anglais et du français dans la rédaction

des documents qui émanent du gouvernement fédéral. Π doit veiller à mettre à la

disposition des fonctionnaires désireux de rédiger dans l'une ou l'autre des deux langues

officielles, le français et l'anglais, les outils de formation et de perfectionnement qui leur

permettent d'enrichir leur patrimoine linguistique.

2. La banque de terminologie TERMIUM et le SVP : deux sources d'aide

Il existe au Secrétariat d'État du Canada deux sources, en matière de phraséologie et de

terminologie, que nous pouvons mettre à la disposition de nos clients, spécialistes ou grand

public d'un bout à l'autre du pays : la banque TERMIUM et le service téléphonique de

consultations linguistiques.

La banque de données linguistiques TERMIUM a été conçue d'abord pour apporter aux

traducteurs du gouvernement canadien le complément d'information absent des dic­

tionnaires et pour faciliter la communication dans les deux langues officielles du Canada.

Elle est devenue l'un des principaux outils de travail de ces langagiers, non seulement

parce qu'elle leur fournit des informations en ligne, sur disque optique, et bientôt à partir

du poste de travail informatisé du traducteur, mais aussi parce qu'ils peuvent contribuer

à son alimentation en y stockant leurs solutions aux difficultés de traduction.

Elle réunit une base de données terminologiques, une base de données documentaires, un

fichier d'appellations, un fichier de difficultés de traduction et un fichier multilingue.

Chacune de ses composantes fournit des solutions à des catégories prédéterminées de

difficultés.

Sur les fiches «appellations», «difficultés de traduction» et «problèmes de langue», tous

les types de justification (définition, contextes, exemples, notes) apparaissent dans le

champ Observations, tandis que les fiches terminologiques ont des champs séparés pour

chaque type de justification.

Le fichier «difficultés de traduction» est encore à ce jour un simple répertoire d'un peu

moins de 26 000 (quelque 17 000 difficultés de traduction et 9 000 problèmes de langue)

problèmes et solutions personnelles signalés par les traducteurs. On y trouve des locutions,

des proverbes et des collocations, sans distinction entre langue générale et langue de

spécialité. Son contenu hétéroclite et répétitif ne s'articule pas sur une typologie des

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Page 471: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

difficultés qui permette le classement et la gestion systématique des données. Π y a

d'ailleurs une bonne raison à cela. Il a été créé, il y a quelques années, pour servir

précisément de corpus d'analyse à l'élaboration d'une méthode de traitement informa­

tique de ce type de données, et il constitue aujourd'hui un des points de référence

indispensables à la réflexion méthodologique qui vise sa refonte.

Cette première source d'aide a un complément de nature tout à fait différente mais tout

aussi indispensable au rédacteur, le service de consultation téléphonique. Dans la

combinaison anglais­français, c'est le Service de recherches et conseils linguistiques,

souvent désigné sous l'appellatif S VP linguistique, qui en estresponsable. Son mandat est

de veiller à la qualité du français écrit au Canada et il offre, outre des conseils et des

renseignements portant sur desquestions de langue, un serviced'appuiàlarédaction, ainsi

qu'un service de révision de textes dits «de prestige».

Le SVP linguistique a une triple vocation : il remplit auprès de sa clientèle une mission

d'information, de formation et de normalisation. Du fait qu'on répond, littéralement, à des

«appels à l'aide linguistique», il est appelé à traiter les difficultés de langue selon une

approche pragmatique plutôt que d'un point de vue théorique, c'est­à­dire que chaque

problème est situé dans un cadre rédactionnel ou contextuel précis. Ainsi le client doit, de

façon générale, soumettre la phrase dans laquelle se trouve la difficulté et fournir des

indications sur le contexte, le niveau de langue et la destination du texte en question.

D'informative qu'elle était, au commencement, son approche est devenue également

normative. J'explique : au début, les recherches visaient la recension des emplois courants

attestés dans les grands ouvrages de langue et à constater l'usage contemporain, à

expliquer aux clients les règles énoncées dans les ouvrages et à fournir des renseignements

fondés sur la documentation disponible. Avec les années, le rôle normatif du SVP

linguistique s'est accentué, tant et si bien qu'il est devenu un des instruments de

normalisation auxquels a recours le Secrétariat d'État pour prendre position au nom du

gouvernement fédéral.

Outre ses fonctions d'information et de normalisation, le Service joue, comme je l'ai

mentionné précédemment, un rôle de formation auprès de sa clientèle, en lui fournissant

explications et précisions sur l'emploi de termes ou d'expressions ou sur l'application de

règles de syntaxe ou de style.

J'aimerais revenir sur le volet «aide à la rédaction», dont l'importance croît avec régularité

en raison de la politique des langues officielles : nos clients font appel au SVP linguistique

pour la reformulation de phrases, la révision de textes et la vérification de traductions.

Nous tranchons dans les situations controversées, pour confirmer ou pour valider certaines

formulations, certaines constructions, dont la qualité syntaxique ou stylistique est mise en

doute. Récemment, par exemple, on nous a demandé de revoir le libellé de jugements de

la Cour suprême du Canada et de la Cour fédérale du Canada pour en assurer la correction.

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Page 472: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

L'équipe du SVP linguistique reçoit des milliers (plus de 30 000 par année) de demandes de conseils linguistiques de toute nature. Les questions, qui s'insèrent dans cinq grandes catégories, soit l'usage, la syntaxe, le style, le transfert et la graphie, peuvent aussi bien porter sur l'emploi de la majuscule, sur l'accord du verbe lorsqu'il a pour sujet une raison sociale, sur l'équivalent français du terme briefing, que sur l'épithète en hypallage, la discordance pronominale ou l'équilibre de la phrase.

Le fichier contient maintenant près de 23 000 fiches, dont 16 000 environ traitent de difficultés ponctuelles et quelque 7 000 de problèmes rédactionnels. La distinction que nous faisons est la suivante : les fiches dites ponctuelles énoncent une règle grammaticale ou lexicographique relativement simple qui s'applique à un terme, un syntagme ou une expression en particulier, les fiches dites rédactionnelles contiennent l'énoncé de règles de grammaire ou de style plus complexes, qui touchent souvent 1 a structure de la phrase, l'enchaînement des idées et l'articulation du message. On nous interroge sur le présent historique ou le passé simple au moment de rédiger les courtes notes biographiques qui accompagnent l'annonce de nominations ou d'expliquer la notion de construction idiomatique en langue administrative. D'autres fiches renferment une synthèse des renseignements puisés chez les grands auteurs et enrichis d'exemples.

Le fichier répond au même impératif que celui de la Banque : combler une lacune de l'information, c'est-à-dire répondre à des questions qui n'ont pas été traitées dans les ouvrages de langue courants; l'analyse d'exemples permet, dans ces cas, de dégager une règle et de la consigner aux fins de référence. Citons la tournure à court et à long terme, qui est fréquemment employée dans l'administration fédérale et qu'aucune des sources consultées ne mentionnait

Le Service des recherches et conseils linguistiques produit un autre type de fiches, soit les fiches Repères - TIR, dont vous avez sans doute entendu parler. C'est un outil de perfectionnement, tiré à quelques milliers d'exemplaires et diffusé dans toute la franco­phonie. Elles contiennent le résultat d'une analyse approfondie menée sur une question de langue, qui peutressortir aux domaines de 1 ' usage, de la syntaxe, du style ou du transfert. Parmi les difficultés étudiées, mentionnons la locution pour votre information, le tour sur la base de, la construction considérer, regarder comme + participe présent, l'adjectif de relation, les noms déverbatifs et la syllepse. Elles paraissent maintenant dans L'Actualité terminologique sur un feuillet détachable et seront bientôt offertes sur disque compact et en cahier.

3. Clientèles

J'ai déjà mentionné que notre clientèle est composée de spécialistes comme de membres du grand public. Entre ces deux pôles, dont les besoins sont évidemment différents, se retrouve tout l'éventail des problèmes.

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Page 473: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Ce sont d'abord les traducteurs, terminologues et pigistes du Bureau de la traduction qui font appel à TERMRJM, c'est-à-dire les langagiers qui travaillent pour le gouvernement fédéral canadien. Les textes à traduire relèvent de tous les domaines d'activité, mais la demande la plus forte est enregistrée en administration, économie, finances, droit, environnement, industrie et commerce, technosciences de pointe. Parmi les domaines à faible demande, on compte les arts et l'artisanat. Quant au volume des textes traduits, le Bureau produit l'équivalent d'une bible et demie par jour, dont la moitié est fournie par les contractuels.

Tous les langagiers du pays connaissent la banque, et soitpar téléphone, soit en s'abonnant à la version sur disque optique, la consultent régulièrement. Les écoles de traducteurs, les bibliothèques, les services de traduction des grandes entreprises ne s'en passent pas. Elle est enrichie régulièrement grâce à tous les travaux de recherche terminologique menés pour le compte des ministères dans les domaines les plus divers. Le SVP terminologie - un service de dépannage par téléphone existe aussi pour les questions de terminologie et un troisième pour les appellations officielles - répond à plus de 160 000 demandes par année, selon les dernières statistiques.

A ses débuts, le SVP linguistique avait comme principaux clients les traducteurs et les pigistes du Bureau de la traduction, mais ils représentent à peine 5 % de la clientèle ces dernières années. Aujourd'hui, toutes les sources documentaires indispensables sont mises à la disposition des traducteurs, qui ont en moyenne de 10 à 15 ans d'expérience et trouvent seuls la solution à leurs problèmes de formulation ou de grammaire.

La clientèle extérieure est très diversifiée. Nos services sont offerts à tous les Canadiens, de la côte est à la côte ouest, qu'ils soient de l'île-du-Prince-Édouard, du Manitoba, de la Colombie-Britannique ou des Territoires du Nord-Ouest. Nous recevons même, occasionnellement, des appels des bureaux du FBI situés à Washington! Outre les professionnels des services de traduction de ministères provinciaux, de conseils scolaires et d'universités, d'organismes du secteur privé et d'entreprises, on compte beaucoup de non-spécialistes, de rédacteurs malgré eux si l'on veut, qui appartiennent à la catégorie générale «grand public».

Toutefois, la majorité des appels viennent des services de rédaction des ministères fédéraux. Les fonctionnaires bilingues, du fait qu'ils s'expriment aisément dans les deux langues officielles, se voient de plus en plus confier la rédaction, ou la traduction, ou la révision de courts documents administratifs; leur capacité de s'exprimer dans les deux langues officielles est souvent vue comme un critère de compétence. Or, bon nombre d'entre eux n'ont aucune préparation ni aucune expérience dans le vaste domaine de la rédaction.

Par ailleurs, l'expérience du travail dans un milieu à forte concentration anglophone les amène souvent à douter de la correction de formulations françaises qui s'apparentent par

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la forme aux constructions anglaises; la crainte de commettre un anglicisme est chez eux omniprésente. Il nous faut l'admettre malheureusement, bon nombre de fonctionnaires francophones s'expriment dans une langue fortement contaminée par l'anglais. L'exis­tence d'un service comme le nôtre leur permet, grâce à un simple coup de fil, de mettre fin à leurs hésitations, et ainsi d'améliorer progressivement leur connaissance du français écrit.

Le SVP linguistique reçoit également des appels de clients qui mettent soudainement en doute la justesse d'une expression ou d'une tournure, qu'ils ont pourtant maintes fois utilisées ou entendues dans le passé. Souvent, ils veulent savoir si la langue a évolué, si tel terme autrefois critiqué ou condamné a été accueilli par le bon usage. Notre travail consiste autant à réhabiliter un terme ou une construction soupçonnés d'anglicisme (par exemple l'emploi du terme coopération au sens de collaboration) qu'à condamner un emploi qui s'est insidieusement glissé dans l'usage français sous le couvert d'un néologisme (par exemple le verbe complémentariser) ou qu'à réexpliquer une règle ou donner une liste des ouvrages qui en attestent l'usage. Dans le doute, il nous arrive de devoir recommander la prudence quand les ouvrages se taisent sur la question.

Cette longue mise en contexte m'apparaissait nécessaire pour bien comprendre les enjeux d'une redéfinition et d'une restructuration des fichiers, leur informatisation et leur diffusion.

4. Les enjeux

L'une des tâches les plus importantes à l'heure actuelle est celle de redéfinir la vocation de ces fichiers pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Ils contiennent une masse impressionnante de renseignements, dont une partie n'est pas informatisée et dont la présentation manque d'uniformité, mais qui est essentielle au travail de centaines de personnes, tous les jours.

De quoi s'agit-il en vérité? De fiches bilingues et unilingues, dont la matière est parfois simple, élémentaire même, mais peut tout aussi bien être complexe et détaillée. Des fiches «contextuelles», «notionnelles» qui répondent à des besoins on ne peut plus différents selon qu'il s'agit de la demande d'un spécialiste de la langue ou d'un simple citoyen. Des fiches en grande partie confectionnées à partir de traductions ou d'une consultation, et non d'une recherche théorique approfondie. Toutesrépondentpourtantàlaquestion «Comment dit-on?» et, dans le cas des attestations d'usage ou de style, «Pourquoi dit-on?»

Cette courte question, «Comment dit-on?», exprime clairement notre vocation, s'il était besoin de l'expliquer : nous sommes un service d'aide à la rédaction. Toutes les décisions à prendre doivent tenir compte de cette optique. Il est à mon avis impensable de laisser cette somme de travail dormir dans des tiroirs, ou dans un des fichiers de TERMIUM, mais on

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Page 475: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

l'extraira pour rien si ce n'est pas pour la rendre immédiatement accessible à tous nos

clients.

Avant d'en arriver au produit informatisé qui semble tout naturel, toutefois, il faut prendre

des décisions concernant l'épuration, la structure et la diffusion de l'information.

5. L'épuration

Ce fonds de difficultés de traduction, que je préfère nommer «d'aide à la rédaction»,

compte donc plus de 50 000 fiches. Toutes utiles au moment de leur confection, il faut

absolument les exposer à l'épreuve du temps pour déterminer dans quelle mesure

conserver rinformation consignée.

Un des critères du tri à effectuer doit être l'état de nos connaissances des problèmes de

style, de syntaxe, d'usage. S'il existe aujourd'hui une source complète, et de préférence

unique, qui fournit la réponse, nous devons écarter notre fiche. De la même manière, les

fiches qui répondent à des questions apparentées doivent être étudiées de près pour les

fusionner au besoin, afin d'éviter toute confusion. D faut que l'utilisateur éventuel d'un

fichier renouvelé trouve rapidement le renseignement souhaité et ne soit pas lancé sur des

pistes certes intéressantes, mais dont il n'a pas nécessairement besoin.

Un tri des collocations, syntagmes et autres groupes sémantiques doit aussi se faire : les

textes que traduisent les langagiers en 1991 sont plus complexes qu'en 1971. Ils sont

souvent caractérisés par la multidisciplinarité des sujets traités ­ la plus évidente,

l'informatique appliquée à presque tous lesdomaines de l'intervention gouvernementale ­

et font appel àdes notions et à une terminologie qui n 'existaient pas il y a vingt ans. Il faudra

donc porter un jugement, difficile, sur l'opportunité de les conserver.

L'occurrence d'un problème est évidemment un critère de tri. La répétition d'une même

question rend la solution plus critique. Π faudra trancher par contre dans le cas de la

demande unique, ou même rare au fil des ans, qui a suscité une recherche peut­être

importante mais utile à si peu de clients qu'il y a lieu de s'interroger sur le bien­fondé de

l'informatiser.

La langue de spécialité par rapport à la langue courante est un autre critère de tri. Les

fichiers contiennent, on l'a dit, beaucoup d'information non répertoriée. Il faudra

distinguer les domaines pour le traducteur ou le terminologue et pour les rédacteurs, qui

eux s'intéressent davantage à la langue administrative, notre «langue courante». Cette

distinction est, je crois, essentielle vu la composition de notre clientèle.

Le rédacteur, lui, est aux prises avec la langue en général. On nous pose des questions sur

le style, la syntaxe, l'usage, le transfert dans la langue courante qui vont du plus simple

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Page 476: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

au plus complexe. À quel niveau «élémentaire» allons-nous nous arrêter? Ce qui est élémentaire pour nous ne l'est manifestement pas pour une partie de la clientèle; comment définir «élémentaire»?

6. La structure

Pour les gestionnaires de TERMIUM qui, depuis plusieurs années déjà, constatent tant l'interdépendance entre terminologie, phraséologie et lexicographie que l'utilité pour le traducteur d'accéder simultanément par ordinateur à ces trois types de renseignements, la question est de savoir comment intégrer la dimension relationnelle, fonctionnelle et phraséologique aux diverses étapes de la recherche, en commençant avec l'analyse des notions jusqu'à la consignation de données. La fiche terminologique proprement dite contient déjà des observations sur les différences du découpage notionnel dans les deux langues, les particularités lexicales, phraséologiques ou morpho-syntaxiques des unités traitées. Cette partie peut aussi contenir des renvois aux entrées d'autres fiches, signaler des collocations spécifiques au domaine et prévenir contre des erreurs d'interprétation possibles.

Des travaux et des projets-pilotes nous montrent déjà, je crois, la voie à suivre. Ainsi, Kukulska-Hume (1990) propose une représentation action-acteurs qui permet au traducteur de reconstruire une image cohérente du monde à partir d'éléments constitutifs [acteurs (noms), actions (verbes) et propriétés (adjectifs)] et de leurs combinaisons : les acteurs et leurs relations, les actions et leurs rapports, les acteurs et leurs propriétés distinctives, les actions et leurs propriétés, les acteurs et leurs actions, les actions et leurs acteurs, les propriétés des acteurs, les propriétés des actions.

Un projet mené à la Division de la terminologie et des services linguistiques porte sur le réseau de collocations en conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO), en vue d'établir un dictionnaire phraséologique (Laine : 1991). Le dépouillement de monographies et d'articles CFAO rédigés en français relève toutes les cooccurrences d'environ 200 noyaux terminologiques (nom - verbe [sujet ou objet, forme active ou passive], nom - nom, nom - adjectif, sans négliger pour autant d'autres combinaisons possibles telles que verbe - adverbe, verbe - préposition ou adjectif- adverbe) avec leurs définitions, cooccurrents et contextes. Dans un premier temps, les données seront rassemblées en un vocabulaire collocationnel de la CFAO, constitué des notions définies en anglais et en français ainsi que, du côté français, des collocateurs présentés vraisem­blablement sous forme de listes. L'objectif de ce travail est de fournir aux langagiers une description synthétisée du comportement lexico-syntaxique des notions fondamentales de la CFAO.

Le fichier traductionnel n'étant pas uninotionnel, une même fiche pourrait regrouper les renseignements selon la méthode adoptée par le BBI Combinatory Dictionary of English

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Page 477: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

(Benson et al : 1986), tout en fournissant la contrepartie dans la langue cible sur l'autre

demi­fiche. Un autre modèle nous est fourni par le projet du Dictionnaire canadien bi­

lingue, entrepris aux universités d'Ottawa et de Montréal par les professeurs Rhoda

Roberts et André Clas, et auquel nous participons.

Je reviens àia phraséologie. Pour les gestionnairesduSVPlinguistique.l'interdépendance

de la terminologie, de la lexicographie, de la phraséologie ne fait pas non plus de doute,

mais c'est la phraséologie de la langue administrative et de la langue courante, au fond,

qui est leur véritable instrument de travail.

Les questions de style et de syntaxe s'y rapportant représentent une part importante du

fonds amassé au fil des ans. Quelle que soit la structure de la fiche versée à TERMRJM,

la question sera celle de l'accès, de sa logique, des clés que nous mettrons à la disposition

des clients. Cet accès doit être évident et tenir compte de la «non­spécialisation» des

besoins des utilisateurs.

Comment structurer l'information traitée sur le style et la grammaire? La rendre accessible

au rédacteur, à l'étudiant d'une petite ville isolée? La première réponse nous est donnée,

je crois, par les parties du discours : les mots phrase, mot, sujet, verbe, complément sont

des mots clés naturels à partir desquels faire une recherche. À phrase, par exemple, le

menu pourrait être le suivant : démarche; construction idiomatique; place des éléments;

place des propositions; ordre des mots; effets de style/variation stylistique; catégories

grammaticales; enchaînement syntaxique. Les explications seraient rédigées en langue

courante, pour que 1 ' utilisateur conserve toute son autonomie et que le système soit le plus

convivial possible. Il serait donc question de Γ «ordre des mots» et non de «construction

par masses croissantes» ou de «cadence majeure». Il faudrait aussi veiller à donner une

information complète mais brève. Le complément circonstanciel pourrait être décrit

ainsi : «Mobile dans la phrase. Se place avantageusement au début sans constituer une

mise en relief. Situe le contexte de l'action.» Le tout accompagné d'exemples, il va sans

dire.

7. L'informatisation et la diffusion

L'informatisation du fonds va de soi. La capacité de TERMIUM s'accroît avec les

versions successives, et l'emmagasinement ne devrait pas poser de problème. La saisie

comme telle sera certainement l'étape la plus longue, puisqu'il faudra «nettoyen> la moitié

qui s'y trouve déjà et y verser le fichier du SVP linguistique, encore manuel.

Nous pensons déjà à régler le problème de la mise à jour du fichier avec la formule des

postes de travail en réseau local. Les réviseurs­conseils du S VP linguistique disposeraient

de postes branchés sur un serveur unique, ce qui permettrait la consultation en ligne, mais

surtout l'alimentation continue.

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Page 478: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Le SVP linguistique dispose actuellement d'un embryon de fichier informatisé. En effet, au cours de la dernière année, notre équipe a versé, à titre d'essai, près de 700 fiches dans un fichier constitué à l'aide du logiciel WordPerfect. Même un outil aussi mdimentaire en comparaison de la Banque a accru la rapidité d'accès à l'information stockée par ordre alphabétique. Nous sommes donc convaincus que les travaux que nous entreprenons vont nous permettre en bout de ligne de donner un meilleur service à tous nos clients, ce qui est notre raison d'être.

Ces clients, nous l'espérons, pourront avoir accès à la Banque en souscrivant un abonnement au disque optique, ou encore, dans le cas des traducteurs et terminologues, seront en réseau grâce au poste de travail informatisé. On envisage aussi la possibilité de rendre certains modules d'information disponibles sur disquette.

8. Conclusion

Je suis heureuse d'avoirpu vous entretenir des fichiers de difficultés de traduction et d'aide à la rédaction du Secrétariat d'État. Tout est à faire, vous l'aurez compris. Je crois cependant que nous avons des pistes de solutions intéressantes et que nous aurons un produit de qualité à offrir aux langagiers du Canada.

Je tiens à mentionner la collaboration de collègues dont les travaux récents ont éclairé ma propre réflexion sur les problèmes de phraséologie et de terminologie à la Division des services linguistiques. Il s'agit de Madame Suzanne de Repentigny, réviseur-conseil, qui sous la direction du chef du Service des recherches et conseils linguistiques, Madame Hugueue Guay, vient de présenter un exposé sur le fichier des difficultés de traduction et le traitement des anglicismes au Colloque sur les anglicismes tenu au Québec, et de Madame Silvia Pavel, chef de la Division de la terminologie à Montréal, qui a présenté une communication sur le traitement informatisé des difficultés de traduction au Colloque international INFOTERM, organisé à l'administration centrale du Secrétariat d'État à Hull.

Hélène BRISSON Chef, Division des services linguistiques

Terminologie et Services linguistiques Secrétariat d'État du Canada

Ottawa (Ontario) Kl A 0M5 CANADA

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Page 479: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Terminologie et phraséologie

Jacques Goetschalckx

Le thème de notre colloque est comme un signe du temps. En effet, au moment où j'ai fait

mes entrées en terminologie, c'était au début des années soixante, terminologie était

pratiquement égal à normalisation. A Γ heure que nous sommes, nous nous éloignons dans

tous les domaines des normes strictes et immuables pour ouvrir un dialogue humain qui

doit conduire non seulement à une entente mutuelle mais surtout à une mise en commun

des talents et des ressources pour créer de nouvelles richesses et surtout pour offrir au

citoyen de nouvelles possibilités de développement.

La terminologie a suivi plus ou moins le même itinéraire depuis que j'ai eu le privilège de

me consacrer à cette discipline. Je sais que nous fêtons aujourd'hui les cinquante ans de

la prestigieuse École de Traduction de Genève mais je n 'ai pas encore l'âge qu 'il faut pour

parler d'expériences professionnelles d'il y a cinquante ans. En revanche, j'étais là

lorsqu'en décembre 1969 la CIUTT, la Conférence internationale des directeurs des

Instituts Universitaires de Traducteurs et Interprètes, fit adopter un certain nombre de

conclusions par les participants d'un colloque sur la coopération entre les organisations

internationales et les instituts universitaires de traduction et d'interprétation, colloque

qu'elle avait organisé à Genève, conjointement avec le Conseil de l'Europe, les 12 et 13

décembre 1969 sous la présidence du Professeur de Clavé.

Lorsque nous parcourons ces conclusions, nous sommes impressionnés par leur caractère

ambitieux, par la clairvoyance et le courage de ceux qui les avaient rédigés .mais nous

constatons aussi que si depuis beaucoup a été réalisé, il reste aussi pas mal de tâches à

accomplir. Elles restent d'actualité.

Le tout était formulé en sept points:

1. Nécessité de développer les recherches terminologiques et d'établir un programme

européen de formation des terminologues;

2. Opportunité de réaffirmer les principes:

a) le terme dans le contexte;

b) se fonder sur des textes originaux;

c) mentionner la source et la date;

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Page 480: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

3. Reconnaissance de l'importance de la terminologie comme partie intégrante de la linguistique;

4. Utilité de développer l'enseignement de la terminologie et d'y inclure la documen­tation et l'informatique;

5. Importance d'associer l'enseignement de la spécialité à l'enseignement linguis­tique;

6. Intérêt à prévoir auprès des organisations internationales des stages sous res­ponsabilité conjointe;

7. Avantage à intensifier l'élaboration en commun de glossaires et d'autres instru­ments de travail.

En entendant l'insistance des participants sur le «terme dans le contexte», les connaisseurs auront compris que Monsieur Bachrach, à l'époque chef de la terminologie à la Haute Autorité du Charbon et de l'Acier, n'était certainement pas loin lorsqu'on avait rédigé ces textes. En effet, on parle souvent de l'école de terminologie de Prague, de celle de Vienne et des écoles de Copenhague et du Québec, mais c'est oublier qu'à Luxembourg des terminologues - peu académiques sans doute - mais fort de leur expérience pratique et dans une certaine mesure de l'attente à laquelle ils devaient faire face, ont aussi eu l'audace de formuler certains principes et de s'y conformer dans leur action tout en répondant à des besoins réels.

A l'époque la scène était dominée par le professeur Eugen Wüster, celui que l'on a souvent appelé le pape de la terminologie. Industriel développant ses activités sur le plan international, il découvrit très vite qu'en l'absence d'une terminologie bien établie et généralement reconnue et appliquée, il était difficile de s'entendre et de ne pas se méprendre sur les désirs ou les intentions de son vis-à-vis.

Il s'est donc tout naturellement tourné vers la normalisation internationale pour qu'au moins dans le domaine technique tout le monde se serve des mêmes notions dans toutes les langues.

La création en 1950 par le Traité de Paris de la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier introduisit une nouvelle donne. Cet effort d'intégration européenne, conçue par un Lorrain né à Luxembourg, je veux parler de Robert Schuman, et développé par Jean Monnet, impliquait une interpénétration beaucoup plus profonde des processus écono­miques des Etats Membres.

Nous nous sommes donc trouvé en face de descriptions souvent très détaillées de processus techniques ou de législations sociales et économiques et d'autre part devant des textes à caractère persuasif tendant à convaincre les partenaires à reconnaître les mérites de la coopération internationale et d'agir en conséquence.

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La scène n'était donc plus occupée par des commerçants échangeant leur produits ni par des diplomates se contentant d'échanger des phrases plaisantes, mais de spécia­listes confrontant leur façon de voir les choses et les procédés marqués par une routine et des traditions parfois séculaires, dans le but d'aboutir à l'action, à une action commune.

C'est là que l'intégration européenne a fait son apprentissage. Il fallait mettre en équation non des termes bien définis mais des conceptions différentes de la même réalité pour faire comprendre qu'il y avait identité malgré la formulation différente.

Sur le plan de la méthodologie terminologique, cette nouvelle donnée a mené à une stratégie pratiquement inverse de ce qui existait à l'époque. Au lieu de partir d'un passage qui pose problème, nous avons commencé à partir de documentations traitant des mêmes sujets mais établis par des experts rédigeant chacun dans sa propre langue et chacun partant de la vision du monde professionnel et du monde en général correspondant à sa culture, à son expérience, à sa formation et à sa langue. C'est dire que l'identité de vue n'était pas garantie.

Il n'en reste pas moins que l'analyse parallèle des processus doit normalement décrire certaines étapes, l'effet obtenu et ensuite la description de l'étape suivante. A ces différents noeuds du raisonnement on doit se trouver devant des choses correspon­dantes qui peuvent mener à des équivalences acceptables et efficaces dans le processus de traduction.

Une collègue juriste, Mme Bauer-Bernet, s'est trouvée confrontée au problème des législations à harmoniser mais issues d'une histoire, d'une tradition et d'une culture bien différente. Le problème était ardu, mais elle ne s'est pas découragée pour autant. Elle a poursuivi ses recherches en mettant bien dans la tête de ses collaborateurs que partout dans le monde il y a des naissances, des mariages, des décès, des successions. Elle appelait cela une homologie fonctionnelle. Au fond, il n'en est pas autrement dans le domaine technique. Néanmoins, nous savons tous que dans la pratique ce n'est pas toujours si simple que cela.

Aussi longtemps que nous sommes dans le domaine du concret - un nouvel objet, un nouveau produit ou un dérivé,etc. - la recherche terminologique se fera sur des bases solides, ce qui ne veut pas dire qu'il sera facile de trouver la terminologie adéquate. Mais le problème le plus épineux est toujours la traduction de concepts nouveaux.

Le traducteur doit tout d'abord se rendre compte et accepter que la terminologie ne se traduit pas, en ce sens qu'un passage à tabac n 'est pas un tobacco crossing en anglais. Cela paraît primaire et caricatural, et pourtant je puis vous dire que j 'ai trouvé sous la plume d'une personne titulaire d'un diplôme de traducteur d'une école de traduction le terme Kreislaufbeschwerden traduit par mouvements circulaires péni-

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bles. Pour tout traducteur bien né cette traduction est évidemment encore bien plus pénible que ces fameux mouvements circulaires. Et pourtant, nous devons nous battre sans cesse contre les bonnes âmes qui veulent nous aider à compléter Eurodicautom en «traduisant» les termes dans les langues qui manquent.

C'est précisément sous cet angle qu'il faudra encore faire plus de recherches terminolo­giques pour s'efforcer de découvrir si possible certaines lignes d'orientation lorsqu'il faut traduire des concepts nouveaux pour lesquels il n'existe pas encore de terminologie bien établie ou même pas de terminologie du tout dans la langue cible.

En effet, dans la recherche de pointe ou dans les toutes nouvelles disciplines la recherche se fait évidemment dans la plupart des cas dans les pays les plus avancés d'abord et après seulement dans les autres Etats membres. C'est dire que dans ces pays cette terminologie n'existe pas encore. S'il étaitpossible de découvrir dans l'allure générale de la terminologie scientifique ou technique dans cette langue certaines valeurs fixes, certaines lignes d'orientation applicables dans un pourcentage raisonnable de cas il serait peut-être possible de créer les termes manquants sans heurter la sensibilité linguistique du lecteur et sans polluer la langue.

L'analyse comparative de textes techniques m'a fait constater certaines différences d'approche, certaines structures spécifiques d'une langue à l'autre. Prenons l'exemple très simple de l'avis No Entry. Le Français, fidèle à l'esprit de Montesquieu, voit les choses sous l'angle juridique et affiche un Défense d'entrer. L'Anglo-Saxon, foncièrement fonctionnel, déclare purement et simplement que ce passage n'est pas une entrée. Le Français en est tout aussi conscient sans doute mais, inventeur du système D, il pourrait néanmoins être tenté d'utiliser ce passage comme entrée tant qu'il n'y a pas l'interdiction formelle.

Plus sérieusement, l'analyse de certains textes sur la technique du soudage révèle aussi des différences plus ou moins spécifiques. En parlant du traitement d'un cordon de soudure, le texte français parle de meulage de la surépaisseur, cependant que l'anglais parle sim­plement de plane down Nous constatons donc que le français indique l'opération à effectuer cependant que l'anglais, en ajoutant le mot down, pense tout de suite au résultat à atteindre. En revanche, dans un texte sur les problèmes d'érosion, nous trouvons la notion de perte de matière traduite en anglais par rate of removal. Ici c'est donc le contraire, l'anglais parle du processus removal, le français indique le résultat perte de matière. Cependant dans les deux cas nous voyons que le français a une tendance à l'abstraction meulage, perte de matière tandis que l'anglais est plus près de la réalité avec plane down et removal.

Il y a d'autres exemples. Comme point de référence en matière de température, le français retient la température ambiante l'anglais, avec les autres langues germaniques d'ailleurs, préfère à la notion plus ou moins abstraite d'ambiant la notion très nette et très précise

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mais aussi très simple de room temperature. Dans le domaine des essais de chaudières épreuve hydraulique se traduit en anglais sans détours water pressure test. C 'est tout aussi précis mais moins savant

D y a certes d'autres pistes à explorer pour découvrir quelques constantes dans la conception de termes techniques dans différentes langues, constantes qui pourraient utilement servir de guides pour ceux qui sont obligés de créer de nouveaux termes dans certaines langues, tout en restant évidemment conscient que les langues sont des systèmes très vivants qui comme tout ce qui vit ont parfois des réactions qui échappent à toute règle.

C'est sans doute ce qui a amené les participants au colloque de Genève de 1969 à inviter leurs collègues, tant des organisations internationales que des écoles de traduction et d'interprétariat, à approfondir et étendre leurs études de la terminologie et à les insérer dans la recherche linguistique.

Nous en venons ainsi à un autre point des Conclusions de 1969, à savoir à la coopération entre ceux qui sont en première ligne pour affronter les problèmes de traduction et de terminologie et ceux qui doivent enseigner ces techniques ou faudrait-il dire ces arts.

Le professeur Wüster avait déjà tracé les grandes lignes que les terminologues devraient suivre pour résoudre leurs problèmes de manière plus ou moins systématique. Mais les problèmes sont multiples et changent constamment. Le concert international s'est amplifié par l'apparition sur la scène de nations qui jusqu'il y a peu menaient une vie cachée, à l'abri des contacts internationaux. En même temps, le concept de la coopération internationale pénètre de plus en plus la vie du citoyen moyen. Il est vrai que la Communauté européenne fonctionne depuis bientôt quarante ans mais il n'en reste pas moins que le citoyen était jusqu'à présent bien conscient de vivre encore à l'abri de ses frontières nationales.

Dès 1993 tout cela changera complètement. Les changements ont déjà commencé. Le bétail de l'Est envahit les abattoirs de l'Ouest et les agriculteurs constatent avec surprise que les gouvernements n'ont pas le droit ni le souhait de s'y opposer car fermer une porte chez soi provoquent la fermeture de portes partout. Tout un chacun qui se trouve dans le circuit de production sera responsable et cette responsabilité jouera donc aussi au delà des frontières.

Ce problème de la responsabilité pour le produit qu'un producteur met sur le marché international donnera une nouvelle dimension, insoupçonnée aujourd'hui, au marché de la traduction et à la responsabilité du traducteur.

Vous connaissez sans doute la mésaventure de la brave dame qui avait mis son petit chien-chien dans le four à micro-ondes pour le sécher rapidement après une promenade dans la

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pluie. Comme la pauvre bête n'avait pas résisté à ce séchage énergique, elle a fait un

procès au fabricant de l'appareil parce que le mode d'emploi ne soufflait mot sur les

risques d'une telle opération et elle l'a gagné.

Les informations accompagnant les produits seront donc d'une importance primordiale

et il en sera de même évidemment pour leurs traductions. Ce principe de la responsabilité

qui existe déjà aux Etats­Unis et terrorise tous les industriels est également introduit en

Europe par une directive de la Commission.

Sur le plan linguistique, un récent arrêt de la Cour de Justice européenne a jeté le

trouble parce qu'elle a estimé qu'il n'était pas obligatoire de fournir toutes les

informations dans la langue du pays mais qu'il suffisait de les fournir dans une langue

aisément compréhensible. J'aurais compris si elle avait exigé une phraséologie

aisément compréhensible. Après tout les utilisateurs des produits c'est tout le monde.

Mais pour le traducteur cela signifie qu'il devra garder ses archives pendant des

années, certains parlent de trente ans.

Nous constatons que les contacts du citoyen moyen avec son vis­à­vis dans un autre pays

deviennent de plus en plus intenses et fréquents. Il est évident que dans ces contacts il

faudra une terminologie précise mais il faudra qu'elle soit présentée dans un langage

aisément compréhensible pour reprendre les termes de la Cour.

Mais la phraséologie peut encore jouer un autre rôle dans le domaine de la terminologie.

Π est indiscutable qu'elle facilite la compréhension d'un texte mais elle peut même dans

certains cas rendre intelligible un nouveau terme. En effet, un terminologue qui a une

certaine expérience peut rencontrer dans un texte un nouveau terme, inconnu jusque là,

mais dont il parvient à saisir plus ou moins bien le sens grâce au contexte.

Pour toutes ces raisons, le service de terminologie de la Commission des Communautés

européennes a élaboré des glossaires phraséologiques. Il a prévu dans la fiche de sa banque

de terminologie un champ pour les contextes et il accepte des fiches monolingues à

condition qu'elles comportent une définition, une note explicative ou un contexte

significatif.

Entre­temps, la coopération ne cesse de se développer. Il est de moins en moins nécessaire

de convaincre les partenaires qu'elle est indispensable. La question qui se pose mainte­

nant est souvent de créer les instruments pour assurer cette coopération. Or une chose est

certaine, elle ne peut se faire que dans la clarté et la confiance mutuelle.

Pour que les choses soient claires on a évidemment intérêt à ce que les différents éléments

du jeu soient clairement définis. C'est ainsi que les services de la Commission avec les

services nationaux et les commissions spécialisées élaborent d'importantes collections de

normes dans tous les domaines, des poissons jusqu'au matériel de protection civile.

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Page 485: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Ainsi la boucle est bouclée. L'expérience a montré que normes et phraséologie sont les deux mamelles de la terminologie dont on a besoin pour alimenter une coopération internationale. Elle a confirmé que les études et recherches terminologiques sont indispensables pour continuer à alimenter cet effort. Les conclusions de 1969 restent valables: il faut continuer à chercher et il faut le faire ensemble.

Les terminologues et traducteurs l'ont compris: la FIT, Fédération internationale des Traducteurs, l'AIIC, l'Association Internationale des Interprètes, la Conférence des Services publics d'Europe Occidentale, Infoterm, l'OrUNT et j'en oublie certainement. En même temps, les bases premières sont établies soit par les institutions de normalisation, soit par des organismes spécifiques terminologiques.

Une rencontre comme celle que nous tenons maintenant à Genève sera sans doute évoquée dans vingt ans comme un des jalons dans l'histoire de la terminologie. Donc rendez-vous à 2010.

Jacques GOETSCHALCKX Président du comité de terminologie et de documentation

Fédération internationale des traducteurs 30, rue Bellevue

L-7350 Lorentzweiler

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Le traitement de la phraséologie dans EURODICAUTOM

Alain Reichling

«...la réponse reçue n'étant que phraséologie sans beaucoup de sens...»1 s'exclame un député européen qui n'est pas convaincu de 1 ' intérêt ni de la valeur de la «phraséologie». Il est vrai que la «phraséologie» évoque pour les uns des exercices scolaires, pour d'autres l'idiomatique propre à une langue donnée, pour d'autres encore la langue de bois dont regorgent certains langages spécialisés. Quel sens le terminologue de la CCE doit-il donner à ce terme, et quelle place doit-il réserver à cette forme linguistique?

Le Règlement n°l du Conseil des Communautés européennes fixe le régime linguis­tique de la Communauté. Il y a aujourd'hui neuf langues officielles et de travail, et les seuls traducteurs de la Commission maîtrisent chaque année près d'un million de pages dans ces langues. C'est pour les aider dans leur tâche, que le Service de Traduction s'efforce de mettre au point des outils efficaces, dont EURODICAUTOM est sans doute l'un des plus appréciés.

Le contexte dans lequel cette banque de données terminologique plurilingue a été conçue et mise au point, explique pourquoi l'élément phraséologique a toujours joué un rôle important dans son développement. En effet, le traducteur n'est pas seulement confronté à des mots et à des termes dans son travail quotidien, mais à la langue tout entière, avec ses expressions plus ou moins figées et ses phrases stéréotypées. Les mots ne prennent leur sens que dans un contexte déterminé.

Les premiers glossaires préparés dans les services de la Commission étaient «phraséologiques». Le vocabulaire des traités, par exemple, mais aussi celui de l'acier ou de la radioprotection, ont été présentés sur ce modèle.

En examinant des travaux «phraséologiques», on s'aperçoit vite que le terme phraséologie peut recouvrir des concepts fort différents selon les situations ou les époques. Puisque notre but est d'examiner la place de la phraséologie en terminolo-

1 Question écrite (QE) 1093/90 in Journal Officiel des Communautés européennes C 90/11.

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gie, nous laisserons provisoirement de côté les formes de phraséologie qui ne sont généralement pas spécifiques des langages spécialisés, comme par exemple les citations historiques ou les proverbes.

Bien qu'il soit difficile, et parfois hasardeux, d'établir une typologie en ce domaine, on constate que, du point de vue formel, le nom phraséologie s'applique aussi bien à des phrases entières ou des parties de phrase importantes qu'à des syntagmes peut-être un peu moins lexicalisés que d'autres, ou à des assemblages de simples mots pouvant constituer une expression, une façon de'dire. Parmi les phrases entières, on voit que certaines ne font qu'illustrer un terme, l'expliquent ou attestent simplement de son existence, alors que d'autres se présentent comme l'unité de référence de la fiche terminologique.

Les travaux phraséologiques préparés à la Commission des Communautés européen­nes présentent le plus souvent des phrases entières dans toutes les langues officielles et de travail, comme d'ailleurs ceux de certains ministères. Lorsque cette phraséologie est extraite de textes officiels, sa perspective s'inspire largement de l'approche documentaire: en effet, s'il est fait référence dans un document à traduire à un acte législatif, il est impératif de reprendre le texte original tel quel, dans toutes les versions linguistiques. L'exploitation phraséologique plurilingue de textes officiels offre en outre une base intéressante pour certains types de travaux de traduction assistée par ordinateur (TAO) ou dans les projets de rationalisation et de standardisation des textes avec génération automatique de blocs substantiels d'information en plusieurs lan­gues. C'est cette approche qui a été retenue dans des systèmes de production et /ou de traduction d'appels d'offres. Notons qu'une telle exploitation phraséologique de textes parallèles peut bénéficier de programmes informatiques plus ou moins performants.

Cette façon de faire, appliquée à des textes officiels, pourrait produire un foisonnement intéressant de phraséologie discursive, propre au langage spécialisé concerné, ou simplement au texte considéré. Dans la pratique toutefois, on note que les phrases sélectionnées le sont plutôt pour les termes qu'elles contiennent. Ceci est plus vrai encore des glossaires phraséologiques traitant de sujets techniques. Une des idées sur lesquelles repose cette approche est, en effet, qu'un terme n'a pas de sens par lui-même, qu'il est toujours conditionné par le contexte qui l'entoure (et souvent même par un contexte socio-culturel beaucoup plus large que la phrase ou la portion de texte dans laquelle il apparaît). C'est donc d'abord le terme qui est repéré et répertorié, et puis le terminologue décide de reprendre une ensemble contextuel plus ou moins étendu.

L'intérêt de cette méthode est multiple, surtout pour les langagiers. En plaçant le terme dans son contexte, ils attestent de l'authenticité de l'usage, ils proposent souvent une explication minimale du concept dénommé et évitent l'écueil de la

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définition, ils illustrent le fonctionnement linguistique du terme en l'accompagnant du lexique et des mots-outils qui lui sont propres etc. Ceci implique bien sûr que les contextes soient choisis de façon pertinente en fonction du but recherché, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas. Le regroupement de plusieurs termes apparen­tés ou voisins dans une même phrase peut en outre signifier une économie de présentation.

Dans une perspective plurilingue, cet intérêt s'élargit encore. Chacun sait que l'équivalence parfaite entre deux concepts et/ou deux dénominations est rare dès lors qu'il s'agit de mettre en relation deux systèmes (notionnels, culturels, techniques, géographiques, linguistiques) différents. Même lorsqu'un matériau existe en France et en Allemagne, utiliser les termes équivalents dans les deux versions linguistiques d'un même document peut déboucher sur une aberration technique. Le béton de ciment existe dans les deux pays, et le terme ne pose pas de problème particulier. Par contre, comme il n'est jamais utilisé en France en couche de base ou de fondation, traduire Zementbeton par béton de ciment serait incorrect dans un tel contexte2. Le recours à la méthode phraséologique permet de situer l'équivalence à un niveau plus global que le terme, en recherchant dans les littératures techniques originales des phrases décrivant et exprimant la même réalité sans chercher à en isoler à tout prix tel ou tel élément. C'est la seule démarche acceptable lorsque l'équivalence n'existe pas au niveau des termes, ou lorsque ceux-ci appartiennent à des catégories grammatica­les différentes.

L'expérience montre toutefois que cette approche idéale est très difficile à concrétiser sur le terrain si on veut traiter neuf langues et ne recourir qu'à des sources écrites originales. Par ailleurs, il est légitime de se demander si ce type de phraséologie ne peut pas être avantageusement remplacé par une approche plus classique, en expli­citant les termes et les concepts à l'aide de notes techniques et linguistiques.

L'exemple de la charrue, emprunté à un glossaire phraséologique de la CCE et immortalisé par Guilbert, a souvent été mal cité et mal utilisé. L'entrée phraséologique française du glossaire est la suivante:

«Les charrues pour labour à plat à traction animale sans avant-train sont des charrues araires.»

Le caractère «phraséologique» de l'entrée provient du seul fait qu'il s'agit d'une phrase, avec un sujet, un verbe conjugué, etc. Et on peut certainement se demander si le contexte choisi est suffisamment riche et pertinent pour trouver sa justification. La tendance serait aujourd'hui de proposer une entrée terminologique au singulier, avec un terme vedette et une définition ou une note; même une définition ne serait sans doute pas d'une nécessité absolue, et la note servirait plutôt à introduire un élément de classement notionnel. Sous cette forme, la charrue pour labour à plat à traction

2 cf Terminologies 76, La Maison du Dictionnaire, Paris 1977, VI-69

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animale sans avant-train, si elle existe dans une ferme et se distingue d'autres machines agricoles, est un terme, certes relativement peu lexicalisé, mais dont les langages spécialisés abondent. Considérer de telles entrées comme «phraséologiques», ainsi qu' on le fait souvent, ne paraît pas justifié.

Un problème fondamental qui se pose donc lorsqu'on examine la phraséologie en terminologie est celui du découpage du terme. Force est de constater que peu de progrès ont été accomplis dans la réflexion depuis le colloque organisé sur le sujet en 1978 par l'Office de la languefrançaise du Québec. La longueur d'un syntagme n'est que rarement un critère suffisant pour ne pas le considérer comme terme et le traiter comme phraséologisme. Il est dans la nature des choses, surtout dans les domaines techniques et scientifiques, dans lesquels la communication est relativement réduite à partir d'un certain niveau, qu ' un concept soit d'abord dénommé de façon descriptive avant qu'un terme suffisamment lexicalisé n'émerge, sous la pression de l'usage ou suite à une politique langagière interventionniste. Le découvreur utilisera un code, le plus souvent extra-linguistique, pour baptiser son invention, mais il sera contraint de recourir à une périphrase définitoire pour l'expliquer. C'est l'accueil réservé à cette description linguistique, et la façon dont elle évoluera dans la bouche et sous la plume de ses pairs ou de communicateurs avisés, qui aboutiront éventuellement à une lexie acceptable par tous. Le lave-linge ne s'est pas toujours appelé ainsi.

Parmi les critères formels qui peuvent être utilisés pour distinguer la phraséologie de la terminologie au sens strict (une autre dimension du binôme terme/non-terme), la présence d'un verbe conjugué à un mode personnel ou l'absence de tout mot sémantiquement important semblent pouvoir être retenus. L'autorité investie du pouvoir de nomination peut être considérée comme un terme car elle se réfère à une réalité bien définie, et pouvant être incamée dans le chef d'une personne déterminée. Par contre, une autorité qui détient le pouvoir serait à considérer comme un simple élément phraséologique définitoire ou explicatif.

Les délais d'introduction des recours ne courent qu'à partir du 15 mai l'Etat qui veut établir ou modifier des dispositions nationales la liste F fixe les droits

sont quelques exemples parmi d'autres d'entrées phraséologiques typiques. Certains considèrent que nombre de syntagmes verbaux sont à considérer comme de la phraséologie. C'est sans doute vrai en langue générale, mais, en langage spécialisé, on ne voit pas bien la justification de cette approche. Faire le pont, en terminologie sociale est un terme vedette comme un autre. Par contre, des formes imperatives comme Gardez votre calme !, Ouvrez la fenêtre !, Evacuez la pièce ! sont caracté­ristiques de la phraséologie de certains domaines de spécialité. L'aviation civile, les fiches de sécurité, la protection civile et d'autres domaines touchant plus particuliè­rement la protection des consommateurs regorgent de ce type de «phrases standard».

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Page 491: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Les éléments phraséologiques sont parfois figés, ou sont considérés comme tels, mais

on constate le plus souvent qu'ils présentent des variations qui dépendent simplement

de l'auteur et sont donc plutôt caractéristiques de tel ou tel «autolecte». Il est

généralement admis aujourd'hui que la synonymie existe en terminologie, mais que

les synonymes sont le plus souvent marqués (régionalisme, particularisme, usage

etc). Il semble que dans le cas de la phraséologie le marquage soit beaucoup moins

précis. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner des cours de formation, pour

secrétaires ou pour cheminots, préparés par des centres différents. De même, les

contrats d'assurance regorgent de clauses «figées» qui pourtant présentent des

variantes selon la compagnie ou le groupe. Dans la terminologie de l'emballage, plus

particulièrement de l'étiquetage, la date de péremption d'un produit est exprimée de

différentes manières selon le fabricant. Voici quelques­unes des formulations rele­

vées récemment sur des produits français :

date de péremption :, (date de) fin de validité :, date de fin de fraîcheur :, frais jusqu'au:, (fermé) (réfrigéré), se conserve au moins jusqu'au :, je conserverai toute ma fraîcheur (mon arôme) si vous me consommez avant..., à consommer de préférence avant le :,

et d'autres encore. En anglais, on rencontre le plus souvent best before, qui ne contient

aucun élément sémantiquement très significatif par lui­même. Il en va de même

d'expressions comme bottom up, top down, first­in first­out etc, qu'on a peut­être

intérêt à intégrer à la phraséologie faute de pouvoir vraiment les considérer comme

termes. Cheese! utilisé en photographie se distingue de son homographe agro­

alimentaire: alors que le second est un terme, le premier peut être assimilé à un

phraséologisme, équivalent à Souriez!, ou mieux encore à quelque chose comme Le

petit oiseau va sortir. C'est dans des formules du genre que la phraséologie en

terminologie paraît prendre de Γ importance et revêt un intérêt réel.

Il n'est pas toujours facile de tracer une frontière nette entre le terme et le non­terme,

entre la phraséologie et la non­phraséologie. Les critères «contrastifs» sont souvent

une indication précieuse, mais s'ils ne sont pas infaillibles, tant s'en faut! En effet, en

comparant des formulations dans des langues différentes, on appréhende souvent le

concepts et les notions d'une façon plus globale, en y incluant mieux le non­dit et le

non­écrit. Dans les aéroports, la fin d'un trottoir roulant est signalée de différentes

façons: Ende des Bandes attire l'attention sur une situation objective, et laisse à

l'usager le soin d'adopter l'attitude qui s'impose. Mind the step néglige la situation

mais indique la conduite à suivre. Les analyses de corpus spécialisés sont encore

insuffisantes pour décider s'il s'agit vraiment d'un phénomène général, révélateur de

contextes socio­culturels différents, ou s'il s'agit d'exemples isolés, qu'on ne trouve

d'ailleurs peut­être dans le langage spécialisé que lorsque celui­ci se confond au

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Page 492: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

moins partiellement avec la langue générale. En élargissant le concept de phraséologie, on peut constater que la façon de rédiger des lettres ou des textes législatifs peut varier considérablement d'une région àl'autre: ici la motivation précédera la décision, là au contraire, on indiquera d'abord le résultat pour l'expliquer par la suite. Dans le domaine bancaire, les billetteries ont leur phraséologie propre: dans une langue, on demande au client d'attendre, dans une autre de patienter, dans une troisième on signale qu'une opération précise est en cours (veuillez patienter, bitte warten, request being processed). On pourrait multiplier les exemples dans les différents domaines techniques, et rapprocher ce type de phraséologie des proverbes de la langue générale.

La phraséologie en terminologie paraît donc dans la pratique correspondre à deux ou trois grandes orientations et recouvre à la fois laphrase française et laphrase anglaise: tantôt elle intègre le terme, tantôt elle se substitue à lui ou s ' affirme comme un élément spécifique du discours spécialisé. Cette relative imprécision et inhomogénéité de l'objet à traiter n'est a priori pas favorable à un traitement informatique. Dans le système EURODICAUTOM, toutefois, les solutions retenues notamment au niveau des algorithmes de pondération permettent de retrouver les éléments phraséologiques aussi bien que les termes proprement dits et identifiés comme tels. En effet, les champs «vedette» et «phrase» peuvent tous deux être indexés et le système, plutôt que d'établir des exclusives par rapport à certaines données, classe celles-ci en fonction de critères de pertinence.

Dans le système tel qu'il existe aujourd'hui, le champ PH (phraséologie) n'est indexé que lorsqu'il est utilisé seul, c'est-à-dire lorsqu'il ne sert pas simplement à illustrer l'utilisation d'un terme technique bien identifié. En effet, l'usage a montré que l'indexation du champ VE (vedette) et du champ PH simultanément générait un bruit excessif. Par contre, nous avions considéré comme acquis lors du développement du système qu'une fiche terminologique était toujours homogène, et qu'à une vedette dans une langue correspondait une vedette dans les autres langues (ou un silence!), or il est apparu qu'un élément phraséologique pouvait parfaitement coexister avec un vrai terme. Dans la pratique, heureusement, le terminologue n'a pas besoin de s'interroger longuement sur le caractère plus ou moins phraséologique d'une entrée. Qu'il traite d'un terme simple ou complexe, d'un syntagme, d'une collocation, d'une co-occurence, d'un phraséologisme, ou d'un autre type d'entrée, la seule question qu'il doit en fait se poser lorsqu 'il alimente la base, c 'est de savoir si tel ou tel élément de la fiche qu'il prépare lui paraît susceptible de faire l'objet d'une interrogation, et il se déterminera en fonction des règles d'indexation. Le terminologue considérera souvent qu'une entrée phraséologique comme le délai commence à courir à partir du est préférable à une approche plus lexicographique mettant «délai» en vedette dans une fiche et «courir» dans une autre.

Quel que soit le champ indexé, les procédures de mise à jour et de consultation utilisent un fichier de mots vides, en principe exclus à la fois de l'indexation et de la

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recherche. Ce fichier a été considérablement réduit par rapport à ceux habituellement utilisés dans des systèmes documentaires: seuls quelques mots outils ont une fréquence suffisamment élevée et une pertinence terminologique suffisamment faible pour justifier leur maintien sur pareil fichier. Dans le cas des éléments phraséologiques, on peut même envisager de supprimer totalement le filtre des mots vides, ou d'adapter les fichiers aux besoins, afin de prendre en compte les éléments sémantiquement plus légers qui peuvent constituer une part importante, voire la totalité de la phraséologie.

La phraséologie revêtira une importance accrue si, pour répondre à la demande de nombreux traducteurs, les volets difficultés de traduction, titres (de directives, mais aussi de films par exemple) et citations (d'articles de lois, par exemple, ou de clauses contractuelles, mais aussi d'auteurs latins ou grecs dont sont friands certains parle­mentaires), dont l'intérêt linguistique et documentaire est évident, sont développés à côté de la terminologie proprement dite. Même des traducteurs littéraires ont vu un intérêt dans le champ PH d'EURODICAUTOM pour engranger les «meilleures» traductions de certains passages des grands auteurs.

Un autre aspect à prendre en considération dans le traitement de la phraséologie est le fait que les «mots» n'y apparaissent que rarement sous leur forme canonique; il faut donc que le système informatique soit capable de traiter des formes déclinées ou conjuguées, par exemple. Dans le cas d'EURODICAUTOM, il n'est fait recours ni à une réduction morphologique ni à une analyse morpho-syntaxique: un système de troncature automatique reposant essentiellement sur de simples critères mathémati­ques suffit à traiter de manière satisfaisante la plupart des données phraséologiques. L'accroissementdu nombre d'entrées et l'apparition de nouveaux besoins justifieront toutefois le développement des procédures de troncature. La consultation en différé et la production d'index renvoyant à des corpus phraséologiques font partie des contraintes à intégrer dans le système.

Un dernier aspect de la phraséologie qui mérite d'être mentionné ici est la possibilité, moyennant l'introduction d'un formalisme minimal malheureusement encore absent, de remonter au terme à partir d'un contexte définitoire par exemple. Le rédacteur qui ne connaît pas le nom d'un contrat, par exemple, pourra le trouver à partir de quelques éléments clés repris dans la description du concept auquel il se réfère.

Comme on le voit, la phraséologie en terminologie doit encore faire l'objet de nombreuses réflexions et recherches. Les solutions mises en oeuvre dans EURODICAUTOM ont l'avantage de ne pas demander de codage particulier lors de la préparation des entrées et de permettre un accès rapide et efficace aux différents types de données. La recherche de solutions plus sophistiquées et réduisant encore l'intervention humaine demeure toutefois plus nécessaire que jamais en raison notamment du développement prévisible des bases de données textuelles. A l'avenir,

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Page 494: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

en effet, ce sont sans doute des automates qui prendront en charge l'essentiel de la recherche terminologique, phraséologique ou documentaire dans de gigantesques bases de données préparées à cette fin. Une définition précise des objets à traiter et des régies strictes de présentation de l'information seront encore plus nécessaires que pour des systèmes orientés vers un utilisateur intelligent et expérimenté.

Alain REICHUNG Chef de Secteur

Commission des Communautés européennes JMOA2/129

L-2920 Luxembourg

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Page 495: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Les unités phraséologiques verbales et leur représentation

en terminographie Marie-Claude L'Homme

Sommaire

1. Introduction 1.1. Objectifs 1.2. Méthode

2. Le verbe comme unité terminologique 3. Le contexte linguistique

3.1. Des emplois significatifs et non significatifs au plan de la description terminographique 3.1.1.Le groupe sujet - verbe 3.1.2.Le contexte linguistique dans son ensemble 3.1.3.Le groupe verbe - compléments (object et adjunct)

4. Un modèle de description de l'unité verbale en terminographie 5. Conclusion

1. Introduction

1.1. Objectifs

Dans le dictionnaire spécialisé, l'unité terminologique est avant tout représentée et décrite comme une entité conceptuelle. On s'intéresse à la description de sa ou de ses significations ainsi qu'à l'identification de ses liens ou oppositions avec d'autres notions appartenant à la même classe.

L'examen de certaines formes verbales assorties d'un contexte linguistique remet en cause cette description axée exclusivement sur le contenu sémantique des termes. Bien que l'étude des collocations ou des phraséologismes, amorcée il y a quelques années, ait rompu l'isolement dans lequel on a considéré l'unité terminologique traditionnellement, l'accent est mis sur le nom et certaines considérations quant au

493

Page 496: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

fonctionnement de l'unité terminologique en contexte linguistique ont été négligées. Or, il s'avère qu'en rédaction ou en traduction spécialisée, des informations sur le fonctionnement du terme - même nominal - peuvent être tout aussi importantes à connaître que les renseignements sémantiques.

C'est dans le cadre d'une étude1 portant sur les verbes dans le domaine de l'informa­tique qu'on a pris connaissance de certaines variantes qui ne sont recensées ni dans les dictionnaires généraux - forcément puisque ceux-ci sont orientés vers l'usage général - ni dans les dictionnaires de l'informatique puisque ceux-ci, comme tous les dictionnaires terminologiques, mettent l'accent sur la description sémantique.

L'identification des variantes en question, leur description et leur représentation dans le dictionnaire spécialisé feront donc l'objet du présent texte.

1.2 Méthode

Avant d'en livrer les résultats, il convient d'apporter quelques précisions sur le cadre fonctionnel de l'étude elle-même.

La recherche porte sur un peu plus d'une centaine de verbes liés au domaine de l'informatique. Les verbes retenus sont extraits d'un certain nombre de textes rédigés en anglais. Les verbes sont relevés s'ils donnent à penser que leur emploi est particulier au domaine de l'informatique ou, autrement dit, s'il s'écarte de l'usage général.

Chaque verbe et le contexte linguistique dans lequel il figure (sujet et complément(s)) sont relevés: c 'est le fonctionnement du verbe à l'intérieur de ce contexte qui constitue le centre de l'étude.

Le tableau qui suit illustre quelques exemples des cas relevés. On retient le verbe qui présente un intérêt et on identifie par la suite les fonctions des éléments du contexte linguistique (SUBJECT - OBJECT2 - ADJUNCT3). On inscrit, enfin, la préposition qui lie le complément au verbe.

1 Étude réalisée a l'University of Manchester Institute of Science and Technology, en Grande-Bretagne. Les travaux ont été menés sous la supervision de J.C. Sager que nous tenons a remercier pour nous avoir proposé ce sujet et pour avoir suivi nos travaux de près.

2 Complément d'objet direct. 3 Tout complément lié au verbe par une préposition (désigné, ci-après après, sous circonstant).

494

Page 497: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

SUBJECT

user

progr.

command

add

computer

user

information

function

user

VERB

abort

access

activate

address

allocate

appear

append

assemble

OBJECT

process

command

procedure

area

data

list

source program

PREP

to

on

to

ADJUNCT

location

screen

list

Le travail repose sur l'hypothèse voulant que le contexte linguistique peut servir à

illustrer certains emplois du verbe que les études à tradition conceptuelle ne sont pas

parvenu à identifier.

Ainsi, un examen rapidepermetde relever quelques exemples d'emploi particulier de

formes verbales. Par exemple:

- Le passage de transitif à intransitif introduit deux significations spécialisées

différentes:

user defaults user is defaulted (χ - default - user)

- Certains verbes admettent un sujet inaminé:

command calls procedure drive designator tells software

- Certains verbes concrets servent à exprimer des faits abstraits:

user pipes data to program program tags data with value

- Le comportement syntaxique de certains verbes peut différer de l'usage général:

software maps into data (passage de transitif à intransitiO

- Certains arrangements syntaxiques sont obligatoires ou fréquents dans le domaine de l'informatique:

user boots system from disk

495

Page 498: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Il s'agit, après un examen approfondi des emplois du verbe, d'identifier les éléments d'intérêt pour une meilleure compréhension du fonctionnement de l'unité termino­logique verbale.

L'examen des emplois comporte trois étapes:

1- Relever les éléments du contexte linguistique qui particularisent ou qui aident à identifier la particularité de la forme verbale (cette particularité peut être d'ordre sémantique - si on note un changement de statut du verbe - ou syntaxique - si on note un comportement syntaxique particulier);

2- Classer les particularités verbales (ce qui a été présenté de façon désordonnée ci-dessus);

3- Relever les emplois des verbes qui sont significatifs au plan de la terminologie (en vue de la description terminographique d'un verbe).

Chacune des observations est axée sur l'éventuel intérêt que peut présenter l'examen des éléments relevés en vue d'une description terminographique des formes verbales.

En conséquence, comme une suite à ces premières constatations, un modèle pour la description d'une unité terminologique verbale est proposé. Ce modèle tient compte de la signification du verbe dans le domaine de l'informatique mais également, et c'est l'élément d'intérêt ici, de son comportement dans un environnement linguisti­que constitué par la langue de l'informatique.

2. Le verbe comme unité terminologique

Le fait d'aborder la question de l'unité verbale à l'intérieur d'un domaine spécialisé pose des problèmes. Le statut du verbe en terminologie est loin de faire l'unanimité sur le plan théorique. Nous tiendrons pour acquis qu'en pratique certains verbes peuvent prétendre au statut d'unité terminologique.

Ces verbes peuvent être identifiés de deux façons:

1) Un premier groupe de verbes dont la forme ou le sens s'écartent des acceptions générales (comme Bootstrap, Access, Configure)4;

2) Un deuxième groupe de verbes dont le sens ne s'écarte pas nécessairement de l'usage général mais qui bénéficient en informatique d'un statut particulier: pour

Dans le cadre de l'étude, nous avons considéré que tous les verbes qui n'apparaissent pas dans deux dictionnaires généraux ou qui y sont répertoriés comme unités terminologiques appartien­nent à cette catégorie. Les dictionnaires utilisés sont le Longman Dictionary of the English Language (LEDL) et le Collins Cobuild (COBUILD).

496

Page 499: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

des raisons d'usage ou de conventions, ils sont préférés à certains concurrents synonymiques (Delete, Copy, Format, Select, Record)

Même si nous établissons une distinction entre ces deux types de verbes pour leur identification, nous n 'en ferons aucune sur le plan de la description terminographique.

Il convient de préciser que l'identification des verbes terminologiques ne repose en aucun cas sur le contexte linguistique strict. Le cadre d'analyse adopté pour la présente recherche pouvait conduire à penser le contraire. Comme pour l'unité terminologique à vocation nominale, le verbe acquiert un statut de terme lorsqu'il renvoie à une notion particulière délimitée par un domaine du savoir humain (en roccurrencerinformatique)etqu'il est usité par les spécialistes d'un domaine donné.

Cette question étant réglée, nous nous intéresserons maintenant au contexte linguis­tique des verbes relevés et nous verrons dans quelle mesure ce contexte fournit des informations pour une description plus complète (qui dépasse la description séman­tique) des unités verbales terminologiques.

3. Le contexte linguistique

3.1. Des emplois significatifs et non significatifs au plan de la description terminographique

Rappelons que les verbes et leur contexte linguistique sont relevés s'ils donnent à penser que leur emploi s'écarte de l'usage général, il s'agit maintenant de déterminer si ces emplois sont significatifs et s'il convient d'en tenir compte dans la description terminographique d'un verbe.

3.1.1 Le groupe sujet - verbe

Le premier groupe examiné est le groupe Sujet - Verbe.

Exemples tirés du corpus:

SUBJECT -program computer software routine CPU command hardware

VERB guess address assemble buffer call check sense

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Page 500: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Les exemples cités ci-dessus démontrent une propriété qu'ont certains verbes à admettre un sujet inanimé là où on s'attendrait à voir un sujet animé pour entreprendre ce type d'action. Ici, le sujet du verbe renvoie à une composante logicielle ou matérielle, ce qui démontre une propriété inhérente au domaine de l'informatique. En effet, dans un domaine ou la machine peut être substituée à l'homme, les divers procès peuvent être entrepris par le logiciel (ou composantes de logiciel) ou par le matériel informatique.

Cependant, l'utilisation d'un sujet inanimé apparaît peu significative pour la descrip­tion de l'unité terminologique verbale. Elle caractérise le domaine de l'informatique en général et non le verbe lui-même. En principe tous les verbes peuvent admettre un sujet inanimé en informatique: les verbes que nous considérons comme terminologi­ques, comme Address, Assemble, Buffer, etc.; et ceux qui sont définis comme non terminologiques, comme guess, sense, qui n'apparaîtraient pas, en fonction des critères cités plus haut, dans un dictionnaire spécialisé.

Donc, le groupe sujet - verbe ne sera pas considéré dans le modèle de description terminographique de l'unité verbale.

3.1.2 Le contexte linguistique dans son ensemble

Le deuxième groupe considéré est le contexte linguistique dans son ensemble.

Exemples tirés du corpus: SUBJECT -user user user program user user user

VERB pipe pass nest tag transport trace patch

OBJECT data data loop data file program data

ADJUNCT to program to processor inside each other with value

Les exemples cités démontrent qu'un verbe concret peut servir à désigner, en informatique, un processus abstrait. La langue de l'informatique semble utiliser ce procédé pour faire assimiler des notions abstraites qui autrement seraient difficile­ment compréhensibles. Il reste à savoir s'il s'agit d'une variante sémantique ou stylistique. Dans les cas de Tag et de Trace par exemple, on pourra parler de variantes sémantiques, car ces deux verbes sont admis comme unités terminologiques. Mais dans les deux cas, ce n'est pas le contexte linguistique qui justifie la mutation sémantique. Dans les cas de Pipe et de Pass, en revanche, il s'agira uniquement de variantes stylistiques provisoires et peu significatives destinées à faciliter la compré­hension d'un processus abstrait.

498

Page 501: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Pour ce qui regarde la description terminographique du verbe, le contexte dans son ensemble ne fournit pas de renseignements significatifs.

3.1.3 Le groupe verbe - compléments (object et adjunct)

Le troisième et dernier groupe examiné est le groupe verbe - compléments); complément au pluriel puisqu'il s'agit de l'objet direct et du circonstant.

Considérons les exemples suivants:

VERB reside login boot call format load program activate access

log

. -

----

----

OBJECT

computer procedure disk software

command character memory onto disk

ADJUNCT in memory

from disk

Précisons d'abord que le groupe Verbe + compléments n'apporte pas de renseigne­ments sur le changement sémantique du verbe pour les raisons qui ont été évoquées plus haut à propos des autres groupes examinés. Ce groupe fournit, par contre, d'importants renseignements sur l'emploi du verbe en informatique, notamment sur son comportement en contexte linguistique.

Les renseignements fournis sont de nature diverse:

1) Le comportement syntaxique du verbe (transitif ou intransitif). Dans quelques rares cas, ce comportement peut différer de l'usage général:

Passage de transitif à intransitif

software - map - into data

Utilisation exclusive du transitif en informatique

card - expand - language

499

Page 502: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

2) Certains emplois transitifs - intransitifs introduisent une nuance de sens:

user χ

software software

default default interface interface

user (user is defaulted) program with components

3) Certains arrangements de compléments sont fréquents ou obligatoires:

Verb ou Phrasal Verb Object Adjunct

login abort reside allocate append copy boot

procedure

address list file system

in memory to location to list onto disk from disk

4) Certains groupes verbe + complément forment des collocations, c'est-à-dire des

groupes de mots qui sont fréquents ou obligatoires dans le domaine de l'informatique:

insert expand detect access boot reside

diskette memory error memory system, computer in memory

Ainsi, dans le modèle de description terminographique de l'unité verbale, il faudra

tenir compte des renseignements fournis par le groupe Verbe - compléments.

4. Un modèle de description de l'unité verbale en terminographie

Voyons maintenant comment les observations qui ont été faites peuvent servir à

enrichir Γ article du dictionnaire spécialisé. Précisons qu'il s'agit d'une suggestion de

la forme que pourrait prendre l'entrée verbale: le contenu des définitions et des

exemples pourra être critiqué mais ce n'est pas l'objet de la proposition qui suit.

L'exemple choisi est un article construit à partir du verbe run.

Comme tout article dans un dictionnaire spécialisée, l'entrée verbale est assortie

d'une définition, c'est-à-dire de la description de la ou des signification(s) de l'unité

dans le domaine spécialisé.

run: 1. To operate a software or hardware entity. 2. To function

500

Page 503: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Cependant, dans le cas de l'unité terminologique verbale, les informations sur le comportement syntaxique du verbe décrit peuvent se greffer à l'article sous sa forme traditionnelle. Par ailleurs, les éléments qui contribuent à former avec le verbe des collocations significatives peuvent former une rubrique supplémentaire. C'est ici qu'entrent en jeu les éléments identifiés plus haut.

Dans l'article proposé, les éléments d'information sont subordonnés à la description du comportement syntaxique du verbe. Celui-ci est identifié à l'aide de modèles simples. Celui qui est proposé ici s'inspire des modèles du Collins Cobuild5 qui est préféré à d'autres pour deux raisons. D'abord, il est simple à utiliser (aussi bien pour la description que pour la consultation). Ensuite, il combine deux types de descrip­tions: l'identification du type de complément que le verbe admet (un objet direct dans le cas du verbe transitif ou aucun complément ou un circonstant dans le cas du verbe intransitif); et la description des arrangements de compléments (un seul ou plusieurs compléments et préposition qui he le circonstant au verbe). On pourra assortir la description du comportement syntaxique d'exemples.

1) On identifie, dans une première étape, le comportement syntaxique de l'unité verbale (cette section peut être assortie d'exemples)

run l.V + 0,V + 0 + A(from),V + 0 + A(on) ex. The user runs the program from the hard disk.

2. V, V + A(under) ex. This program runs under a particular environment.

2) Les significations sont articulées en fonction du classement des comportements syntaxiques du verbe.

run l.V + 0,V + 0 + A(from), V + 0 + A(on)

ex. You can run this program on a standard PC. def. To operate a software or hardware entity.

2. V, V + A(under)

ex. This program runs under a particular environment. def. To function

Voir bibliographic

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Page 504: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

3) Enfin, chacune des subdivisions est accompagnée d'une section réservée aux collocations, c'est-à-dire aux groupes formés du verbe décrit et d'un autre mot qui sont fréquents ou obligatoires dans la langue de l'informatique.

run l.V + 0,V + 0 + A(from),V + 0 + A(on)

ex. The user can run the program. def. To operate a software or hardware entity, coll. application

program

2. V, V + A(under)

ex. This program runs under a particular environment. To function

5. Conclusion

Les quelques éléments que nous avons identifiés dans le présent texte, bien qu'ils ne donnent qu'un bref aperçu du fonctionnement des unités verbales dans le domaine de l'informatique, permettent de dégager des renseignements en vue d'une meilleure description terminographique des unités terminologiques à vocation verbale. Il ressort que les considérations quant au fonctionnement linguistique du terme (du terme-verbe, pour le cas qui nous intéresse), longtemps exclues des préoccupations terminologiques traditionnelles, offre un nouveau plan de description.

Notre étude ne remet pas en cause le statut conceptuel de 1 ' unité terminologique mais démontre que l'examen exclusif de ses propriétés sémantiques cache certains aspects quant à son fonctionnement linguistique.

Nous ne cherchons pas à fournir des règles générales d'autant plus que nos observa­tions ont porté sur un seul domaine - l'informatique - et une seule langue - l'anglais - mais nos réflexions pourront servir de base pour d ' autres travaux. Il s ' agira de définir et de distinguer, non seulement le statut conceptuel du terme à vocation verbale, mais également son fonctionnement linguistique. Il faudra également vérifier si les observations quant à l'importance des propriétés linguistiques du terme-verbe s'appliquent à d'autres catégories d'unités terminologiques.

502

Page 505: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

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Benjamins Publishing Company.

Marie­Claude L'HOMME

Département de langues et linguistique

Université Laval

Cité universitaire

Sainte­Foy, Québec

Gl K 7P4 CANADA

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Méthodes de repérage et de classement des cooccurrents lexicaux

Betty Cohen

Sommaire

1. Introduction 2. Qu'est-ce qui constitue un cooccurrent et comment les repérer dans les textes? 3. La recherche doit-elle porter sur la langue générale ou sur une langue de spécialité? 4. L'entrée lexicale doit-elle être accompagnée d'une définition ou cela outrepasse-t-il la vocation

de l'ouvrage? 5. Comment classer les cooccurrents de façon que le résultat soit facilement utilisable?

1. Introduction

Pour qu'une traduction ne «sente pas la traduction», elle doit respecter la phraséologie de la langue cible. C'est pourquoi le traducteur ou l'interprète traduit toujours mieux vers sa langue naturelle. On suppose en effet qu'il en connaît toutes les expressions et tournures et qu'il est donc en mesure de les utiliser à bon escient afin que le résultat soit «transparent». Mais qu'arrive-t-il lorsqu'il s'agit d'un langage spécialisé possé­dant ses expressions propres, ou en cas de simple trou de mémoire? Les dictionnaires usuels et spécialisés ne sont alors d'aucun secours, car les premiers ne donnent que les expressions les plus courantes, tandis que les seconds s'intéressent essentiellement à la terminologie du domaine et non à sa phraséologie. C'est là du reste leur mission.

C'est de cette constatation qu'est née l'idée du Lexique de cooccurrents - Bourse et conjoncture économique, qui constitue, je crois, un début de solution. Il contient en effet les cooccurrents les plus usités dans le domaine économique et boursier. Ceux-ci y sont classés par catégories grammaticales (substantifs, verbes, etc.) et par regroupements synonymiques reflétant les fluctuations du cycle économique. Cha­que entrée est donc présentée sous forme de tableau portant, en abscisse, les catégories grammaticales: noms; verbes (sujet), c'est-à-dire les verbes dont la vedette est le sujet; verbes (objet), c'est-à-dire les verbes dont la vedette est l'objet, et les adjectifs. Les adverbes, quoique largement employés dans le langage économique, sont, en fait,

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Page 508: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

peu nombreux et ils sont associés à l'ensemble des verbes utilisés. C'est pourquoi le lexique ne les indique pas, car cela aurait nécessité d'ajouter presque autant d'entrées au lexique qu'il y a de verbes pour ne donner, en fin de compte, que quelques cooccurrents qui se seraient répétés chaque fois.

Les différents stades du cycle économique sont indiqués en ordonnée. Ce sont le début, la croissance, le déclin et la fin auxquels nous avons ajouté les stades indéterminés et une catégorie «autres cooccurrents» devant recevoir les termes n'entrant dans aucune des catégories précédentes. Ainsi, le traducteur qui recherche un substantif exprimant l'augmentation du cours d'une action trouvera à Cours, sous la colonne NOMS et dans la case CROISSANCE, les termes accroissement, ascension, augmentation, avance, montée, progrès, etc. On notera, par ailleurs, que les titres des colonnes et lignes sont des termes simples, utilisables par tous.

Le Lexique de cooccurrents - Bourse et conjoncture économique ne prétend pas apporter la solution au problème du repérage et de la consignation de la phraséologie dans un domaine donné, mais il est un pas vers cette solution. C'est pourquoi j'aimerais vous exposer ici les méthodes de recherche qui ont mené au résultat que nous avons devant nous, car elles s'appliqueront, à mon avis, aux recherches de même type.

Quatre questions se posent: 1) Qu'est-ce qui constitue un cooccurrent et comment les repérer dans les textes? 2) La recherche doit-elle porter sur la langue générale ou sur une langue de spécialité? 3) L'entrée lexicale doit-elle être accompagnée d'une définition, ou cela outrepasse-

t-il la vocation de l'ouvrage? 4) Enfin, comment classer les cooccurrents de façon que le résultat soit facilement

utilisable?

2. Qu'est-ce qui constitue un cooccurrent et comment les repérer dans les textes?

La recherche de cooccurrents s'apparente, sous bien des aspects, à la recherche terminologique. Elle se sert des mêmes ressources et doit avoir la même rigueur. Cependant, le repérage est plus complexe, car il faut non seulement délimiter les unités, mais également les différencier des unités terminologiques en tant que telles et, surtout, déterminer s'il s'agit bien de cooccurrents lexicaux.

La première étape consiste, comme dans le repérage terminologique, à définir la fonction des déterminants. Cependant, alors que l'analyse terminologique vise les déterminants essentiels, la recherche de cooccurrents s'intéresse essentiellement aux déterminants accidentels, les premiers formant, avec le terme, une nouvelle unité terminologique, tandis que les seconds relèvent davantage d'un usage qui s'est

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imposé de lui-même. Mais la marge est très étroite et il est parfois difficile de tracer une ligne précise entre l'unité terminologique et ce que nous appellerons, comme Bally, en 1945 un «groupement usuel». Je pense particulièrement à des expressions comme chômage technique, chômage déguisé, inflation larvée, inflation rampante, dans lesquelles les termes chômage et inflation sont modifiés, parfois jusqu'au point où l'expression désigne une réalité nouvelle et pourrait donc constituer une unité terminologique, parfois, comme inflation rampante, pas suffisamment pour être un terme, mais un peu trop pour être une association totalement fortuite. Que faire alors? Vérifier dans d'autres ouvrages de référence et tirer la conclusion qui s'impose. Heureusement, cette difficulté ne se pose pas fréquemment, du moins dans le domaine économique.

La seconde étape consiste à déterminer si des termes utilisés ensemble dans un texte forment effectivement un groupement usuel. En d'autres termes, à partir de quel moment peut-on parler de cooccurrence lexicale? Là, seules les statistiques peuvent nous aider. C'est pourquoi la recherche des termes doit s'accompagner d'un relevé de leur fréquence, cette fréquence étant un indicateur du caractère usuel d'une expression. Il faut en outre fixer un seuil en dessous duquel l'association de termes ne peut être considérée comme un groupement usuel. Ce seuil a été fixé à vingt occurrences dans des textes de même nature pour le Lexique de cooccurrents - Bourse et conjoncture économique. Noter qu'il s'agit là d'une décision totalement arbitraire qu'il a fallu prendre si nous voulions poursuivre. Il y aurait peut-être lieu de pousser un peu l'enquête linguistique afin de déterminer ce seuil de façon plus rigoureuse.

À cet égard, l'informatique peut être d'une aide précieuse, non seulement pour le dépouillement des textes, mais également, et surtout, pour le calcul de fréquence. Le logiciel Termino, par exemple, mis au point par l'Université du Québec à Montréal et l'Office de la langue française du Québec, permet déjà le dépouillement des textes pour la recherche terminologique, et ses auteurs travaillent actuellement à la mise au point d'un système de repérage des collocations. Par ailleurs, ce logiciel donne déjà le nombre d'occurrences d'un terme dans le texte dépouillé. Voilà qui est prometteur pour qui, comme moi, a passé des heures à scruter des documents sur microfiches et à faire une barre sur un papier chaque fois qu'une expression revenait. Le logiciel n'est, bien sûr, pas encore au point, mais nous savons tous que l'informatique progresse à une vitesse vertigineuse et je suis certaine que le jour n'est pas loin où le dépouillement des textes ne sera plus la tâche fastidieuse que nous connaissons.

Un dernier point reste à préciser concernant la recherche de cooccurrents lexicaux. Ce sont les sources. Celles-ci sont les mêmes que celles de la recherche terminologique. Cependant, du fait qu'elle vise les usages fréquents, la recherche de cooccurrents trouve plus facilement ses ressources dans des périodiques et autres publications s'adressant aux spécialistes dans leur jargon. Elle met donc de côté les ouvrages fondamentaux et manuels didactiques qui, s'ils sont la première source d'une

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recherche terminologique thématique, pèchent, en ce qui la concerne, parla simplicité du vocabulaire qu 'ils emploient ou par le sérieux des auteurs qui s'interdisent parfois des expressions par trop bigarrées. Je vous renvoie au vocabulaire des journalistes et analyste économiques pour qui les actions s'effondrent, les cours s'effritent et les prix flambent.

3. La recherche doit-elle porter sur la langue générale ou sur une langue de spécialité?

Toutdépenddu temps dont on dispose. Je crois cependant que si l'objectif est d'offrir rapidement à l'utilisateur un outil pratique et utile, il est impératif de limiter sa recherche à un domaine précis. On a pu le constater, les seules conditions de la recherche font qu'une telle entreprise sur la langue générale serait un travail interminable. Il serait donc préférable, à mon avis, de définir des méthodes de recherche et de procéder à celle-ci par étapes, en privilégiant les domaines spécialisés dont la phraséologie n'est pas connue du commun des mortels. Cela permettrait d'offrir au traducteur et à l'interprète en exercice des outils pratiques, utilisables immédiatement. Quant à la langue générale, elle pourrait venir en dernier lieu, les expressions usuelles étant généralement connues de ses utilisateurs, natifs du moins.

4. L'entrée lexicale doit-elle être accompagnée d'une définition ou cela outrepasse-t-il la vocation de l'ouvrage?

Pourquoi mettre des définitions dans un lexique de cooccurrents lorsque les dic­tionnaires de synonymes, d'antonymes, etc. n'en ont pas? D'autant plus que cela représente une recherche et un travail lexicographique supplémentaires.

La définition est essentielle dans un lexique de cooccurrents, car elle permet d'indiquer le sens dans lequel le terme est traité. L'ajout du cooccurrent devant nécessairement modifier celui-ci, il est essentiel de définir ce terme ainsi que le sens du groupement usuel qui en résulte. S ans cela, toute recherche ne serait faite qu ' à demi ou, du moins, n'aboutirait pas à un résultat pratique, accessible à l'utilisateur moyen. Ce raisonnement est particulièrement valable pour les domaines de spécialité qui empruntent des termes à l'usage courant ou à d'autres domaines, et également pour les cas de synonymie. Par exemple, dans le Lexique de cooccurrents - Bourse et conjoncture économique, le terme marché est répertorié dans deux de ses acceptions, ainsi que le terme capital, qui se distingue en outre du pluriel capitaux. Chacune des acceptions a en effet ses propres cooccurrents, même s'il y a des recoupements.

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5. Comment classer les cooccurrents de façon que le résultat soit facilement utilisable?

Il existe plusieurs solutions possibles. Certaines ont déjà été utilisées dans des ouvrages parus, d'autres commencent à se faire jour, mais la recherche doit, à mon avis se poursuivre, car toutes ont leurs lacunes. Nous pouvons les regrouper, à mon avis, sous deux grandes méthodes : la présentation contextuelle et la présentation par catégories grammaticales.

La présentation contextuelle est, pour le moment, la solution la plus utilisée, du moins est-elle envisagée par certaines organismes canadiens et québécois qui commencent à intégrer la phraséologie dans leurs recherches terminologiques. Mais je pense plus particulièrement au Vocabulaire baromètre dans le langage économique de J. Delattre et G. de Vernisy, élaboré ici même, à l'Ecole d'interprètes de Genève, et publié par la Librairie de l'Université. Cet ouvrage a d'ailleurs largement inspiré le Lexique de cooccurrent - Bourse et conjoncture économique. La démarche du Vocabulaire baromètre est cependant différente en ce que les auteurs partent de la cooccurrence anglaise dans le domaine économique et donnent une utilisation du terme anglais et quelques équivalents français en contexte. Cette démarche est avantageuse en ce le contexte permet de donner un exemple d'utilisation et de préciser, sans équivoque possible, le sens de l'association de termes que l'on vient d'indiquer. Elle suppose cependant une classification qui partirait des cooccurrents pour préciser ensuite les termes auxquels ils s'appliquent dans le domaine traité. Nous aurions donc, par exemple, dans le domaine économique, sous l'entrée avance, les termes action, cote, cours, demande, exportation, importation, marché, monnaie, offre, titre, valeur, employé chacun en contexte.

J'ai délibérément choisi un cooccurrent relativement peu fréquent. On imagine d'emblée le résultat avec un cooccurrent comme augmentation ou accroissement, qui s'appliquent à presque tout ce qui bouge, si j'ose dire, dans l'économie. Cette solution, par conséquent, si elle convient parfaitement à l'ouvrage d'où elle tirée, car il s'agit d'un outil de référence bilingue, ne conviendrait pas à une recherche unilingue plus exhaustive. Elle serait par ailleurs peu utile pour le traducteur, l'interprète ou le rédacteur qui recherche davantage le cooccurrent d'un terme qu'il emploie, plutôt que le contraire.

La présentation contextuelle à partir des termes du domaine serait, en revanche, plus viable, quoiqu'elle supposerait également des listes de contextes assez longues pour les termes employés fréquemment. Qu'on y songe, le seul terme de cours a au moins 152 cooccurrents. Il faudrait, par ailleurs, prendre soin de définir les entrées, pour les raisons que nous avons vues plus haut.

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La présentation par catégories grammaticales a l'avantage de répondre à la question que tout utilisateur se pose lorsqu 'il cherche un cooccurrent : «Quel nom ou quel verbe va avec ce terme?» C'est donc une classification queje qualifierais de plus «natu­relle». Elle pourrait même être suffisante si on considère que l'utilisateur connaît la langue et donc le sens de chaque cooccurrent répertorié. C'est un peu le principe des dictionnaires de synonymes ou d'antonymes. Ce serait peut-être même la solution idéale du point de vue du chercheur puisqu'elle ne nécessiterait pas de recherche de contextes et serait donc plus rapide.

Elle pécherait cependant par manque de précision. Car, en vérité, la question posée par l'utilisateur est «Quel est le nom ou le verbe employé habituellement avec ce terme pour exprimer telle idée?» Il est donc essentiel, si l'objectif et d'offrir un outil vraiment complet de préciser le sens des groupements usuels que l'on propose.

Le Lexique de cooccurrents - Bourse et conjoncture résout le problème par une classification des cooccurrents selon les fluctuations du cycle économique, comme J. Delattre et G. de Vernisy. Cela donne effectivement un résultat facile à utiliser puisque, en mettant les différents stades du cycle en ordonnée et les catégories grammaticales en abscisse, comme on l'a vu, on répond totalement à la question de l'utilisateur qui ira chercher l'idée qu'il veut exprimer à la verticale, puis la catégorie grammaticale à l'horizontale pour trouver, dans la case correspondante, une série de cooccurrents susceptibles de lui convenir. Notons toutefois que la synonymie ne peut être parfaite dans un tel système parce qu'il ne permet pas de distinguer les nuances de sens. On trouvera, par exemple, baisse et effondrement des cours dans une même case alors que la seconde expression sous-entend une situation bien plus grave que la première. Voilà donc une première lacune.

La seconde est beaucoup plus problématique. Je considère en effet que j 'ai eu de la chance, car j 'ai travaillé dans un domaine qui se prêtait facilement à un découpage systématique des réalités désignées par les cooccurrents. Les fluctuations économiques font en effet la manchette et nourrissent les pages financières, si bien que c'est là que se trouve la plus grande variété de cooccurrents. Il était donc aisé de partir de cette classification puisque tout tombait en place, quitte à prévoir une catégorie «Autres» pour y inclure les quelques cooccurrents qui ne correspondaient pas aux mouvements du cycle. Cependant, la classification du Lexique de cooccurrents n 'est pas exportable. Qu'en est-il alors des autres domaines? Pourra-t-on chaque fois trouver un moyen comme celui-ci de classer les cooccurrents lexicaux par grandes catégories séman­tiques? Je ne pense pas que cela soit possible.

La classification universelle accessible à tous est donc à inventer. Je dis bien «accessible à tous», car il existe déjà une classification quasi universelle. Elle a été mise au point il y a de nombreuses années par M. Igor Mel'cuk, linguiste de l'Université de Montréal. M. Mel'cuk a isolé ainsi 50 relations lexicales fondamentales

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entre un terme et d ' autres mots qui peuvent soit le remplacer, soit lui être associés pour fonnerdesexpressions.Dlesaappelées/om:rîo/iî/éaica/eiA/mp/es, car celles-ci peuvent être combinées pour exprimer le sens précis de chaque expression construite à partir d'un terme et de l'un de ses cooccurrents. Elles sont exprimées par des formules simples telles que Plus ou Minus pour plus ou moins, Pos pour favorable, etc. Je vous renvoie, pour une explication plus complète de cette théorie, au Dictionnaire expli­catif et combinatoire du français contemporain de I. Mel'cuk, publié par les Presses de l'Université de Montréal, ou à divers articles parus dans la revue Meta sur le sujet. La première version du Lexique de cooccurrents - Bourse et conjoncture économique avait été élaborée à partir de cette méthode.

Les fonctions lexicales ont cependant pour inconvénient qu'il faut les connaître pour être en mesure d'utiliser l'ouvrage de façon efficace. Elles exigent en outre qu'on en comprenne le mécanisme et les différentes combinaisons avant de pouvoir «lire» le résultat. Voilà qui pose un problème relativement insurmontable à l'utilisateur moyen. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Lexique de cooccurrents - Bourse et conjoncture économique n'a pas été publié sous sa forme première.

Cela n'a d'ailleurs pas été de gaîté de coeur, car en abandonnant les fonctions lexicales, nous devions abandonner toute tentative de précision des nuances de sens et retomber dans une classification qui, comparativement, laissait largement à désirer. Un peu comme si nous avions jeté le bébé avec l'eau du bain. Il ne nous reste plus qu'à poursuivre la recherche pour trouver la méthode optimale de consignation des cooccurrents lexicaux. C'est ce que j ' aimerais vous inviter à faire et c'est pourquoi j'ai tenu à vous présenter aujourd'hui les diverses étapes de la création du Lexique de cooccurrents. J'espère qu'elles permettront de cerner da­vantage la question et qu'elles serviront de point de départ à une réflexion plus approfondie.

Betty COHEN Contexte Traductions Inc.

1260, av. Bernard ouest, Bureau 12 Outremont (Québec) CANADA H2V1V7

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Macrostructure et microstructure dans un dictionnaire de collocations

en langue de spécialité Henri BéjointIPhilippe Thoiron

Sommaire

Introduction I. La collecte des données

I.A. Quelles données faut-il collecter? LA.l.Les affinités sy magmatiques I.A.2.Les collocations

I.A.2.a. La dimension syntagmatique I.A.2.b. La pétrification I.A.2.C. La fréquence I.A.2.d. Définition

I.B. Comment aboutir à la liste de collocations qui constituera la nomenclature? I.B. 1. Critère de fréquence I.B .2. Critère de «spécificité»

II. La présentation des données H.A. Le choix des vedettes II.B. Dégroupements et regroupements

III. La microstructure III.A. La généralisation des exemples III.B. La structuration des collocations à l'intérieur des articles

Introduction

Les collocations sont importantes pour le traducteur et pour le rédacteuren langue de spécialité. Leur connaissance est indispensable, car elles permettent la mise en discours de la terminologie. Les critères de sélection des articles dans certaines grandes revues scientifiques témoignent de leur importance.

Actuellement, les collocations sont répertoriées dans quelques dictionnaires de langue générale et dans certains dictionnaires spécialisés. Le plus abouti de ces ouvrages en ce qui concerne l'anglais est sans aucun doute le BBI, c'est-à-dire leBBI

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Combinatory Dictionary of English publié par Benson, Benson et Ilson (d'où BBI) en 1986 chez Benjamins.

Pour les langues de spécialités, on peut utiliser certains dictionnaires terminologiques «généraux» qui contiennent quelques informations phraséologiques1. Il existe éga­lement des ouvrages où la terminologie est présentée en contexte (Lethuiller 1982 pour l'informatique et Bélanger 1982 pour le papier). Mais les dictionnaires spécia­lisés dans les collocations en langue de spécialité sont rares: on citera celui de Mme Cohen, pour le lexique de la Bourse et de la conjoncture économique.

Si la nécessité de la rédaction de tels ouvrages est admise, en revanche la méthodo­logie ne va pas de soi. La constitution de la macrostructure et de la microstructure d'un dictionnaire de collocations en langue de spécialité nécessite une réponse aux trois questions traditionnelles de la lexicographie: Io Quels éléments le dictionnaire prétend-il répertorier? 2° Comment repérer et cueillir ces éléments? et 3° Comment les présenter dans le dictionnaire?

I. La collecte des données

I.A. Quelles données faut-il collecter?

I.A.1. Les affinités syntagmatiques

L'outil d'encodage que nous envisageons a pour objectif de fournir les affinités syntagmatiques des mots vedettes pour aider l'utilisateur à reproduire aussi fidèlement que possible un discours de spécialité qui s'est plus ou moins figé en formules au cours du temps, et dont la qualité principale est - contrairement au discours «littéraire» - la fidélité au modèle, l'absence de tout élément inattendu susceptible de détourner vers la forme - le signifiant - l'attention portée prioritairement sur le contenu - le signifié.

Ces affinités indispensables à l'encodage sont de plusieurs types. Elles ont été relativement peu étudiées. On pourra se faire une idée de l'étendue des phénomènes d'affinités dans les remarques de Sinclair (1991), inspirées par l'observation du corpus de Birmingham.

I.A.2. Les collocations

Les seules affinités qui ont été étudiées par les linguistes sont les «collocations». La notion de «collocation» a reçu diverses définitions, dont aucune ne fait l'unanimité. 1 Voir les observations de Z. Guével 1991 à propos de la langue des affaires.

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Nous en citerons une, celle du BBI dont les auteurs définissent leurs collocations comme suit: «fixed, identifiable, non-idiomatic phrases and constructions» (BBLLX). La formule a le mérite de situer les collocations sur deux axes.

I.A.2.a. La dimension syntagmatique

Le premier de ces deux axes est celui de la dimension syntagmatique du discours: les collocations sont des «phrases and constructions», c'est-à-dire des «ensembles» d'unités qui entrent en relation par le moyen d'une syntaxe - et non des associations fortuites dépourvues de tout lien syntaxique. Chaque collocation est ainsi classifiable à l'intérieur d'une catégorie basée sur la nature des liens syntaxiques: nom + nom, nom + adjectif, adverbe + adjectif, verbe + adverbe, nom + préposition + nom, etc.

D'autre part, les collocations ne sont pas des unités du lexique: tout ce qui est de l'ordre du mot - les mots composés par exemple - devrait être écarté. Ceci est hélas plus facile à dire qu'à faire, particulièrement dans les langues de spécialités. Les associations nom + nom et nom + adjectif, par exemple, qui y sont nombreuses, sont souvent considérées, à cause de leur caractère de fixité et du fait qu'elles font référence à une notion qui occupe une place précise dans une taxinomie, comme des unités lexicales. Mais les critères de différenciation entre mot et «non-mot» (ou plutôt terme et «non-terme») ne sont pas toujours limpides.

Certaines suites nominales dans les langues de spécialités sont très longues: on connaît le fameux charrue pour labour à plat à traction animale sans avant-train de Louis Guilbert. A l'intérieur de longues séquences de ce type, il n'est pas toujours facile de savoir si un élément X est partie intégrante d'un terme qui serait co-extensif à la séquence, ou bien s'il est simplement un «collocant» d'un terme inclus dans la séquence. Comment analyser, par exemple, ulcère gastrique bénin et ulcère gastri­que malin! Doit-on considérer que le terme est ulcère gastrique et que malin est un collocant? De même pour insuffisance ventriculaire droite et insuffisance ventriculaire gauche, pour retour veineux pulmonaire anormal total et retour veineux pulmonaire anormal partiel, etc.

En outre, puisqu'il y a souvent ellipse d'une partie de la séquence, à cause de la maniabilité syntagmatique réduite lorsque la séquence est longue (Kocourek 1982), on trouve aussi bien, dans un même texte, la forme pleine que la forme elliptique. Il peut alors être délicat d'identifier les éléments qui ont disparu dans l'ellipse: s'agit-il d'un collocant non repris ou d'une partie du terme? Par exemple, comment apprécier le statut de progressive lorsque dégénérescence lenticulaire progressive et dégénérescence lenticulaire coexistent dans un même paragraphe avec le même réfèrent?

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A l'autre extrémité de l'axe syntagmatique, il faudra également différencier les collocations des «unités» plus longues, proverbes, dictons, citations, etc. On y parviendra en posant que les collocations ne concernent qu 'un nombre réduit de mots (deux, trois, peut-être quatre), et en faisant intervenir le critère de la pétrification.

I.A.2.b. La pétrification

Le deuxième axe sur lequel on peut situer les collocations est celui de la pétrification: les collocations sont «fixed, identifiable», disent les auteurs du BBI, c'est-à-dire qu'elles ont une certaine fixité, mais qu'elles restent «non-idiomatic»: elles n'ont pas la pétrification des expressions idiomatiques, ou des proverbes, dictons, citations, etc. Elles sont, de ce point de vue, entre les associations libres et les expressions idiomatiques.

Dans le cadre de la distinction que fait Makkai (1972) entre les expressions idiomatiques de décodage et les expressions idiomatiques d'encodage, les collocations sont proches de ce demier type: elles ne posent de problème qu'à l'encodage.

Le critère de pétrification n'est pas plus facile à mettre en oeuvre que le précédent. En langue de spécialité, les expressions idiomatiques sont plus rares qu'en langue générale, mais là encore la reprise fréquente sous forme elliptique des termes longs en discours rend difficile toute évaluation du degré de pétrification2. Le phénomène est favorisé par le fait que beaucoup de termes sont formés par la combinaison d'autres termes3: le recours à l'ellipse correspond, au plan notionnel, à la mise en oeuvre d'un hyperonyme, donc à un changement de niveau dans la taxinomie4.

I.A.2.C. La fréquence

L'emploi du qualificatif «identifiable» dans la définition de BBI indique qu'une collocation correspond nécessairement à un certain type de stockage dans le lexique mental des locuteurs. Les collocations sont des suites que les locuteurs reconnaissent, et ce statut se manifeste dans le discours par une certaine fréquence - ce que les auteurs de BBI disent clairement lorsqu'ils emploient «recurrent combinations» comme synonyme de «collocations». En langue de spécialité, cette fréquence se manifeste uniquement dans les discours spécialisés, voire dans certains sous-types de discours ultra-spécialisés, etpeutdonc correspondre à des chiffres très bas d'occurrences, mais

Voir la «concurrence ambiguë existant entre les formes complètes et les formes réduites» (Mareschal 1989:378). «L'existence d'une combinabilité des termes peut également servir à expliquer les différences de figement que l'on observe généralement entre les composés de la langue générale et ceux des langues de spécialité.» (Portelance 1989:403). Sur les complexités inhérentes à ces changements de niveau, voir Lelhuiller (1989:445 sqq.).

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ceci ne change rien au fait qu'il y a affinité en quelque sorte «pré-discursive» entre les éléments, pour un certain type de locuteurs5.

L'absence de maniabilité syntagmatique des termes longs, qui peut conduire à l'ellipse d'une partie duterme dans certaines de ses occurrences, peut là encore rendre difficile le repérage des différentes occurrences d'une même suite: voir par exemple la série néphrite chronique, néphrite chronique atrophique, néphrite chronique atrophique de l'enfance et l'anaphore de ce dernier terme à l'aide de néphrite seulement (Ghazi 1985:178).

I.A.2.d. Définition

Les collocations se trouvent à l'intersection des deux axes de la dimension syntagmatique et de la pétrification. Elles constituent des «ensembles» qui sont aux frontières de plusieurs types d'unités.

Les collocations sont des associations privilégiées de quelques mots (ou termes) reliés par une structure syntaxique et dont les affinités syntagmatiques se concrétisent par une certaine récurrence en discours. Cette affinité est imprévisible à l'encodage pour un locuteurqui s'en tiendrait àl'utilisation des règles syntaxiqueset sémantiques courantes.

I.B. Comment aboutir à la liste de collocations qui constituera la nomenclature?

En langue générale, chaque mot peut être considéré successivement comme candidat potentiel au statut de mot-vedette (on parle parfois de «base» - Hausmann 1979 - ou de «node» - Sinclair 1991). En langue de spécialité, seuls les vrais termes devront être considérés comme des bases.

I.B.I. Critère de fréquence

La fréquence des collocations est difficile à établir, nous l'avons vu. La première difficulté concerne l'aspect paradoxalement subjectif de la mise en oeuvre de ce critère. Si on travaille sur un corpus, la subjectivité se manifeste aussi bien dans la composition du corpus que dans la fixation de la fréquence-seuil.

A cette difficulté bien connue s'en ajoute une autre, plus importante en terminologie. Il s'agit du cas où l'un des éléments de la collocation ne devient fréquent que lorsqu'on a perçu la parenté entre divers éléments à occurrence individuelle rare.

Ceci rappelle la théorie du partage social du travail linguistique de Putnam.

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Ce cas se rencontre entre autres pour les collocations de type verbe + c.o.d., lorsque

l'objet fait partie d'un ensemble. Par exemple, en langue générale: to play + musical

instrument =­> to play the trumpet/the clarinet/the saxophone/the piano, etc. La

rareté des associations pour chacun de ces mots peut conduire à l'omission de la

collocation play + musical instrument, alors qu'il faudrait évidemment la retenir.

Dans les domaines très structurés, l'association pourra se faire entre un mot A et un

mot B, et entre A et C, hyperonyme de B, ou entre A et D, hyperonyme de C, etc. Il

s'agira bien toujours, fondamentalement, de la même association, même si l'on atteint

un degré de généralisation assez élevé. Par exemple, le verbe eradicate pourra être

utilisé aussi bien avec disease, leprosy, borderline leprosy ou borderline tuberculoid

leprosy.

I.B.2. Critère de «spécificité»

Certains termes devront sans doute être écartés, même si leurs collocations apparais­

sent relativement fréquentes dans un corpus et sont relativement imprévisibles: ce

sont ceux qui donnent lieu à des associations trop nombreuses, trop disparates, trop

«lâches» pour pouvoir être d'un intérêt quelconque dans un dictionnaire. Les auteurs

du BBI avaient bien vu ce problème, et avaient en conséquence, fort justement,

éliminé les mots à sémantisme trop diffus, comme les verbes cause ou make, ou les

adjectifs comme big qui, sauf cas particuliers, peuvent s'associer avec à peu près tous

les mots de la langue. La même mesure s'impose en langue de spécialité.

Π. La présentation des données

ILA. Le choix des vedettes

On peut difficilement retenir la solution trop coûteuse qui consisterait à répéter

l'article sous chacun des mots de toutes les collocations. Il faut donc choisir le mot

sous lequel l'article sera développé, les autres mots ne commandant que des renvois.

Il est clair que ce choix est bien d'ordre lexicographique, et non strictement

linguistique; ce n'est pas nécessairement le mot «dominant» d'une collocation ­ à

supposer qu'on puisse le désigner clairement, ce qui est loin d'être toujours le cas ­

qui sera retenu, car ce n'est pas forcément lui qui pose le plus de problèmes à

l'utilisateur du dictionnaire. C'est même souvent le contraire. Pour que l'utilisateur

puisse s'y retrouver, il importe que les critères de choix du mot vedette soient à la fois

aisément compréhensibles et systématiquement appliqués. On peut suggérer, par

exemple, de donner accès aux collocations nom + verbe par le nom, pour des raisons

de «prominence psycholinguistique», contrairement à ce que font les dictionnaires de

langue générale. Cette solution simple ­ qui est celle qu'utilise le plus souvent le BBI

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Page 521: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

­ a le mérite de reconnaître que les collocations sont «directionnelles», avec un élément plus «important», plus fréquent, etc. que l'autre ou les autres.

Π.Β. Dégroupements et regroupements

En langue de spécialité, on pourrait suivre la tradition lexicographique de la langue générale et opérer les dégroupements sur les critères grammaticaux habituels: une entrée pour le verbe, une autre pour le nom, etc.

S'agissant du dégroupement sémantique dans une même catégorie grammaticale, on sait qu'il s'agit là d'un problème ardu en langue générale et que la cohérence d'un ouvrage lexicographique peut être prise en défaut assez facilement. Ainsi, BBI a deux entrées pour ring («circular band») et ring («sound»), mais une seule pour clip («clip a page to another») et clip («clip hair») ­ là où le Concise Oxford Dictionary (édition de 1982), qui a pourtant une forte tendance au regroupement, a deux entrées différentes. De même pour case, qui a deux articles dans BBI, l'un très court («con­tainer») et l'autre assez long et confus, où l'on retrouve les sens de «legal action», «argument», «occurrence», «example» et «inflectional form».

La structuration des terminologies (variable selon les domaines et peut­être généra­lement surestimée) peut rendre cette tâche moins ardue qu 'en langue générale. Si l'on prend, par exemple, le domaine de l'immunologie, il est plus intéressant pour le traducteur ou le rédacteur de connaître les différents acteurs du processus de défense immunitaire, ainsi que leur mode de fonctionnement, que de savoir à quelle catégorie grammaticale ils appartiennent. Le notionnel l'emporte sur le «grammatical» au plan utilitaire et peut servir de clé, ou de moyen de repérage dans le domaine.

On peut estimer qu'en langue de spécialité l'homogénéité du domaine et la célèbre univocité du terme permettent d'échapper à une grande partie des problèmes de lemmatisation. Il est possible toutefois que le bénéfice d'inventaire s'impose, notamment lorsqu'on a affaire à des secteurs qui mobilisent la terminologie de plusieurs domaines (voir le cas de la statistique et de sa terminologie qui envahit par exemple les domaines médical et pharmacologique).

ΠΙ. La microstructure

III.A. La généralisation des exemples

Comme l'a montré Cowie et al. (1983:XVI), l'une des principales difficultés dans l'indication des collocations est de donner au lecteur une idée du degré d'ouverture possible des collocations proposées: la liste des collocants est­elle complète et

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limitative, ou bien n'est­elle qu'une indication à partir de laquelle le lecteur peut extrapoler? C'est un vaste problème, qui rejoint la question de la catégorisation. Y a­t­il une plus grande homogénéité des «collocants» d'un élément donné en langue de spécialité qu'en langue générale?

Il faut remarquer (mais est­ce bien étonnant?) qu 'on retrouve ici la généralisation déjà citée. Dans le traitement microstructurel, toute collocation retenue est à la fois elle­même et un item d'un ensemble de collocations semblables. Mais l'utilisateur doit savoir jusqu'où il peut généraliser. Des limites doivent être fixées, faute de quoi l'utilisateur pourrait soit produire des assemblages monstrueux soit ne pas produire l'assemblage attendu par les spécialistes. Exemple: on abroge des lois et des décrets mais on supprime des impôts et des taxes.

A partir d'une collocation verbe + objet, par exemple, est­il toujours possible de prévoir la nominalisation correspondante (si elle existe)? Par exemple, si on aX reçoit Y, peut­on dire de X qu'il est récepteur ou receveur de Y? C'est parfois un problème de morphologie: quel suffixe choisir? ­ement, ­ation, ­age, ­aison, etc. (empilement ou empilage, figement ou figeaisori!)! Problème de syntaxe parfois: en anglais faut­il dire law abrogation ou abrogation oflawl

ΠΙ.Β. La structuration des collocations à l'intérieur des articles

Dans le dictionnaire de collocations anglaises de langue générale de Dzierzanowska et Douglas Koslowska, les collocants sont d'abord classés par catégorie grammati­cale (d'abordlesverbes, ensuite les adjectifs), puis par ordre alphabétique à l'intérieur de chaque catégorie. L'absence de tout critère sémantique présente l'inconvénient de contraindre l'utilisateur à avoir éventuellement recours à un dictionnaire général pour vérifier le sens des collocants indiqués.

Dans le BBI, les collocations sont classées par structures, selon un ordre précisé dans l'introduction. Il s'avère d'ailleurs à l'usage que cet ordre a assez peu d'importance, sauf pour les articles très longs où sa maîtrise dispense l'utilisateur de tout lire.

Le terminographe a besoin de critères qui permettraient la structuration de chaque article. Le travail de préparation, qui serait la catégorisation de toutes les collocations potentielles, comme le fait Mel'cuk pour la langue générale, n'est pas fait pour ce qui concerne les langues de spécialités. Quelles catégories peut­on distinguer? Comment s'y prendre pour les repérer?

On peut s'appuyer sur la connaissance du domaine. Cette connaissance implique la prise en compte de la variété des points de vue. On sait qu ' un domaine donné peut être structuré différemment selon le point de vue adopté6 (cf le rôle des facettes dans la classification). Dans le domaine médical et plus spécifiquement des maladies, on 6 Voir Sournia, J.C., Histoire et médecine, sur la diversité des taxinomies possibles.

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pourra distinguer par exemple étiologie, symptômes, mode d'action des agents pathogènes, traitement, etc. Les rubriques pourront refléter ces divers modes d'orga­nisation conceptuelle. Ainsi, à titre d'exemple, dans l'article sur le terme traitement, si on s'intéresse aux verbes qui colloquent avec ce terme, on prendra en compte tour à tour les caractéristiques d'un traitement: 1) sa finalité, 2) sa composition, 3) son action, etc. Pour 1 ), on aura des verbes comme avoir pour but, s'efforcer de, etc. Pour 2), on aura comprendre, consister en, associerX à Y, combiner, etc. Pour 3), diminuer, amoindrir, restreindre, arrêter, mettre fin, compenser, récupérer, rétablir (i.e. retour au normal),prévenir,protéger, etc. (i.e. empêchement d'une manifestation), aidera, contribuer à, etc. (i.e. les adjuvents)7. Mais quels autres mots devraient être rangés dans la même catégorie que traitement du point de vue de la collocation, c'est-à-dire quels autres mots admettent les mêmes collocants, ou au moins les mêmes catégories de collocants? Quelles autres catégories faudrait-il créer?

Il est clair que la structuration du domaine est à la base d ' un travail sur les collocations. Si les langues de spécialités sont plus structurées, ou plus aisément structurables, que la langue générale, au moins pour ce qui concerne certains domaines, le travail sur les collocations doit pouvoir être plus systématique et servir de terrain d'essai. On remarquera peut-être à cette occasion qu'un problème longtemps posé en termes strictement linguistiques ne peut guère être résolu sans que soit mise en évidence, puis exploitée, la structuration notionnelle d'un domaine. C'est la perception des affinités entre notions qui peut aider à la mise en évidence plus systématique des affinités syntagmatiques entre les termes.

Il est donc peut-être illusoire de vouloir transposer en langue de spécialité les pratiques des dictionnaires de collocations de langue générale, même si celles-ci ont quelques années d'avance et si elles donnent généralement satisfaction aux usagers. Il serait plus logique d'envisager que les dictionnaires de collocations de langue générale s'inspireront des dictionnaires de collocations de langue de spécialité à structuration logico-sémantique plus forte. Il y a là des collaborations potentielles que l'organisation des spécialisations rend difficiles: terminologues et lexicographes sont rarement les mêmes personnes, et ne collaborent pas toujours volontiers.

Conclusion

En somme, on risquerait de se fourvoyer si l'on voulait adapter aux langues de spécialité la méthodologie utilisée avec succès pour la langue générale dans des ouvrages comme le BBI. Il s'agit plutôt, pour le terminographe, de mettre au point des techniques de traitement des collocations qui seraient élaborées en fonction des contraintes de la structuration du domaine. Ensuite, expérience faite en langue de spécialité, on peut espérer que la lexicographie sera plus à même de rédiger des dictionnaires de collocations pour la langue générale. 7 Exemples tirés de Ghazi, pp. 380sq.

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Mais attention aux désillusions. Jeter les pratiques lexicographiques traditionnelles pour leur substituer des méthodes fondées sur des classifications inusitées jusque là risque de prendre au dépourvu les utilisateurs. Une action pédagogique pourrait être entreprise par l'intermédiaire de ces nouveaux outils terminographiques, mais quels effets peut-on en attendre aussi longtemps qu ' une telle méthodologie restera l'excep­tion? Il conviendrait sans doute qu'une concertation de plus soit organisée. Entre terminographes cette fois.

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Henri BÉJOINTI Philippe TUOI RON Centre de Recherche en Terminologie et Traduction

Université Lumière - Lyon 2 86, rue Pasteur

F-69365 Lyon Cedex 07

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Décrire les collocations Deux approches lexicographiques et leur application dans un outil informatisé

Ulrich Heid

Sommaire

1. Approches descriptives en linguistique et lexicographie 1.1. Les critères d'une comparaison 1.2. Illustration du phénomène 1.3. Le point de départ des deux approches 1.4. Eléments d'une description du phénomène de la collocation 1.5. La place respective des collocations dans une typologie des combinaisons de mots

2. Synthèse des deux approches — points de départ pour la représentation 2.1. Eléments d'une définition des collocations 2.2. Les éléments definitionnels - applicables en terminologie?

3. Une approche représentationnelle: une base de données pour traducteurs 3.1. Utilisation et utilisateurs envisagés 3.2. Modélisation des collocations

4. Conclusion

La présente contribution se propose de comparer deux approches pour la description des collocations qui proviennent de différents domaines et de montrer l'utilité pratique d'une synthèse de ces approches pour la description terminologique. Les différents domaines sont la (méta-)lexicographie et la lexicologie. La synthèse ne sera pas trop difficile à faire, car nous croyons pouvoir montrer que les approches viennent se complementer utilement. L'application pratique est la structuration d'une base de données lexicale et terminologique conçue et implémentée en coopération avec des utilisateurs professionnels actifs dans le domaine de la documentation et de la traduction1.

Il s'agit de l'entreprise Krupp Industrietechnik GmbH, Duisburg, dont le département de docu­mentation et traduction a été massivement impliqué dans les travaux décrits ici. Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé au projet, avant tout le directeur du département, Gerhard Freibott.

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1. Approches descriptives en linguistique et lexicographie

1.1. Les critères d'une comparaison

Dans cette première partie du présent article, nous essaierons de faire un bref exposé de deux approches descriptives visant àrendre compte du phénomène de la collocation.

La première est celle de Franz Josef Hausmann que je classifierai, pour raisons de simplicité, de métalexicographique. L'objectif des travaux dont l'essentiel sera présenté ici sous forme condensée est de décrire et justifier la forme que devrait prendre la description lexicographique de collocations, tant sur le plan des phénomènes à retenir que sur le plan de la présentation des résultats descriptifs dans les diction­naires2.

La deuxième approche est le modèle sens <-» texte, le travail du groupe de recherche d'Igor A. Mel'Cuk, à orientation lexicologique et lexicographique, mais aussi et peut-être même avant tout, sémantique. Les travaux de Mel'Cuk qui sont à la base de la présente synthèse3 ont donné lieu à la production de dictionnaires pour des fragments de différentes langues (surtout le russe et le français); ces travaux renferment aussi le potentiel d'une implantation sur ordinateur, dans le cadre de systèmes pour le traitement automatique des langues naturelles, mais, contrairement à d'autres com­posantes du modèle sens <-> texte4, nous n'avons connaissance que de travaux préli­minaires visant une telle utilisation5.

La comparaison des deux approches, il faut le reconnaître, est assez superficielle et peut-être même simpliste: dans les limites du présent article, nous ne pouvons comparer que deux aspects:

• la définition du phénomène de la «collocation» ainsi que la place faite aux collocations dans une classification des combinaisons de mots et les spécificités qui distinguent les collocations d'autres combinaisons de mots;

2 Les articles de [Hausmann79], [Hausmann84], [Hausmann85] et [Hausmann88] sont à la base de cette synthèses rapide. [Benson89] a déjà synthétisé, en anglais, la plupart des point sentraux de Hausmann. Ce qui n'a pas été entrepris, cependant, c'est la comparaison avec les travaux de MEL'CUK telle qu'elle est faite ici, ni l'essai d'une application computationnelle. Une comparaison rapide avec Mel'Cuk se trouve dans [Cop90].

3 D'abord les parties théoriques de [Mel'Cuk84] et [Mel'Cuk88], mais aussi [Mel'Cuk82] et maintenant [MeI'Cuk90].

4 Parexemple.lemodèledeparaphrasagedeMerCukaété utilisé par [Polguere90],etlastructuration linguistique telle qu'elle est opérée dans le modèle sens <-» texte est à la base du système de génération de textes bilingue conçu et implanté par le groupe de travail de KITTREDGE (cf. [Kittredge91], [Kittredge/Polguere/Iordanskaya88], etc.).

5 Cf. les travaux de [Wanner/Maier91 ] qui préparent une intégration d'un die tionnaire collocationnel avec un système de génération de textes [Nirenburg/Nirenburg88] se sont aussi inspirés du modèle sens-texte.

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• l'inventaire des éléments descriptifs requis pour la description monolingue, en particulier la description des éléments d'une collocation et la relation que ces éléments entretiennent entre eux.

La synthèse que nous essaierons de faire à la suite de cette comparaison servira de point de départ pour la discussion de l'outil que nous avons réalisé, de son utilité et de ses limites dans une application en terminologie.

1.2. Illustration du phénomène

Avant d'entrer dans les explications ou les propositions descriptives, il nous faudra donner quelques exemples du phénomène traité par Hausmann et Mel'Cuk. Tous les deux travaillent sur le lexique de la langue générale, et non pas sur la terminologie.

Parmi les exemples discutés par les deux auteurs, on trouve typiquement des syntagmes comme les suivants: opérer un choix, ravaler sa colère, unprix négligeable, le prix (de qc) est (de x), une déception amère, éperdument amoureux, discuter acharnement.

Ces exemples incluent le phénomène exemplifié par opérer un choix, le prix est.... faire attention, etc. qui a été décrit en détail dans des travaux sur les «verbes support»6.

1.3. Le point de départ des deux approches

La comparaison que nous nous proposons ici de faire nous emmène à comparer des approches conçues avec des intentions comparable mais partiellement divergentes.

Les travaux de Hausmann sont orientés vers la production de textes et, plus particulièrement, vers l'apprentissage lexical tel qu'il est souhaitable dans une optique de production de textes. La question que se pose Hausmann est de savoir quelle information lexicale est nécessaire pour que l'on soit à même de produire des textes aussi bien sémantiquement précis et stylistiquement «courants» (ou: «idio­matiques»). Plus précisément: quels sont les épithètes, les verbes et substantifs à mémoriser pour exprimer des idées autour d'un concept de base?

Et, dans une deuxième étape du raisonnement, quels sont les dispositifs descriptifs et présentationnels que devraient mettre en oeuvre les dictionnaires pour maximalement supporter l'apprentissage collocationnel ou, simplement, pour rendre accessibles les informations collocationnelles qu'ils renferment?

Cf[Vives88].

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Dans les travaux de Hausmann, les questions de présentation dictionnairique et de structuration lexicale sont décrits plus en détail du point de vue de la traduction que dans la perspective de la description monolingue. Hausmann, dans cette discussion métalexicographique, décrit les dictionnaires bilingues selon le modèle «directionnel» tel qu'ill' a décrit dans [Hausmann77]7 et s'intéresse surtout à la place des collocations dans un dictionnaire de thème, c'est à-dire un dictionnaire pour la production de textes en langue étrangère.

Quant à l'approche sens «-> texte, elle est aussi orientée vers la production de textes. Le modèle sens <-> texte est censé décrire la façon dont des sens ou des constellations sémantiques sont réalisés dans des textes en langue naturelle; en se servant d'un modèle stratificationnel, l'approche sens <-> texte vise à élucider les rapports entre descriptions sémantiques profondes et réalisations dans une langue donnée. Les collocations sont alors décrits au même titre que d'autres moyens de textualisation ou de réalisation linguistique, et en bonne partie par les mêmes dispositifs descriptifs. L'une des idées sous-jacentes est la description de phénomènes de variation ou de paraphrase8. De ce fait, les collocations dont quelques exemples ont été donné au paragraphe précédent sont décrites par le même dispositif que les synonymes, les antonymes ou les dérivés, à savoir par les «fonctions lexicales».

Même si donc le cadre et l'intention descriptifs de l'approche sens <-> texte sont plus vastes que ceux de l'approche métalexicographique de Hausmann, il n'en reste pas moins vrai que tous les deux s'intéressent à la description et la représentation des moyens lexicaux nécessaires pour la production de textes. A cela s'ajoute, dans le modèle sens <-» texte, le souci de formalisation et l'intégration dans un modèle descriptif tout entier dont d'autres composantes sont une syntaxe dépendentielle et une sémantique lexicale apparentée à la description componentielle.

1.4. Eléments d'une description du phénomène de la collocation

Dans le présent paragraphe, nous allons rapidement rappeler les points principaux des deux approches, et nous allons les comparer aux niveaux sémantique, syntaxique et catégoriel.

7 J'ai appelé cette approche «directionnelle» dans [Heid90]; l'idée qui est à sa base est que la langue cible pose des contraintes sur la description de l'équivalence et que ces contraintes se traduiront non seulement dans la description lexicale (p.ex. si la langue d'arrivée a davantage de distinctions sémantiques que la langue source et que, de ce fait, il faut choisir entre plusieurs équivalents pour correctement rendre un sens), mais aussi dans la présentation dictionnairique. Cette approche lexicographique a été développé très en détail par [Kromann/Riiber/Rosbach84] et [Kromann89].

8 [Mel'Cuk88] donne des règles très précises permettant de produire des paraphrases, sur la base d'une représentation donnée, mettant en oeuvre les dispositifs descriptifs mentionnés pour rendre compte des collocations.

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Hausmann part de l'idée que la collocation est composée de deux éléments. Dans l'approche de Mel'Cuk, ce dualisme apparaît également, et les éléments sont reliés, sur le plan sémantique, par ce que Mel'Cuk appelle une «fonction lexicale».

Les deux éléments sont appelés base («Basis») et collocateur («Kollokator») dans les travaux de Hausmann, et mot clé («keyword») et valeur d'une fonction lexicale dans le modèle sens <-» texte. Ce que Hausmann appelle la base est le mot clé pour Mel'Cuk. Le parallélisme entre les deux approches est considérable: non seulement acceptent-ils tous les deux l'idée que la collocation se compose de deux éléments, mais ils partagent aussi l'idée d'une inégalité entre les deux éléments. La distinction entre base et collocateur reflète les propriétés sémantiques des deux éléments composant une collocation. Hausmann parle d'autonomie sémantique dans le cas des bases, et Mel'Cuk dans [Mel'Cuk90] souligne que le mot clé est compositionnellement analysable. Conversement, le collocateur, dans la description de Hausmann ne de­vient interprétable sémantiquement qu ' à l'intérieur de la collocation et en cooccurrence avec la base. Similairement, Mel'Cuk dit que la valeur qui résulte d'une application d'une fonction lexicale à un mot clé n'est pas compositionnellement analysable.

Pour donner un exemple de cette polarité entre les deux éléments de la collocation, il n'est que de rappeler que le verbe opérer n ' a pas, dans la collocation opérer un choix donnée auparavant, son «sens plein», tel que dans opérer un malade. De même en est-il pour ravaler dans ravaler sa colère, mourir dans mourir d'envie etc. Hausmann renforce son argument en montrant que la traduction des bases (à sémantique «autonome», comme il dit) est indépendante de la collocation, tandis que la traduction des collocateurs dépend des collocations dans lesquelles ils apparaissent. De là dérive la nécessité de répertorier les collocations dans les dictionnaires bilingues: le choix lexical des collocateurs qui peuvent se combiner avec des bases données n'est pas prédictible.

Nous résumons les caractéristiques des deux éléments de la collocation dans le petit tableau suivant: Termes

Statut sémantique

Implication pour le traitement des équivalents

H. M. H.

M.

H.

M.

Base Mot clé autonome

compositionellement décrivable

Collocateur

valeur de la FL

dépendant

non pas compositionellement décrivable à mémoriser explicitement

à donner dans dictionnaire ECD

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Voici une première description élémentaire de la nature sémantique des collocations. Les deux auteurs arrivent, séparément, à des conclusions identiques dans ce do­maine9. La valeur ajoutée que nous gagnons à travers la combinaison des deux approches réside, à notre avis, dans les extensions complémentaires mais conservatrices que rajoutent les deux auteurs, dans des domaines séparés. Hausmann élabore davantage sur la typologie syntaxique et catégorielle des éléments qui peuvent entrer dans une collocation, et le modèle sens <-> texte fournit une classification sémantique de la relation entre la base (le mot clé) et le collocateur.

La description syntaxique de Hausmann part de la description catégorielle des éléments qui forment des collocations et permet d ' énumérer les types de combinaisons catégorielles possibles. Les éléments des collocations doivent être des lexemes, les mots grammaticaux sont exclus. Ceci distingue Hausmann des travaux de l'école contextualiste anglaise, où, pour différentes raisons, les prépositions et les particules sont aussi parmi les éléments potentiels d'une collocation10.

Selon Hausmann, la collocation peut donc se définir, à un niveau très général, comme étant une combinaison de deux lexemes; ceci donne la classification en types de combinaisons de catégories suivante:

• nom + nom; • nom + verbe; • nom + adjectif; • adjectif + adverbe; • verbe + adverbe.

Mel'Cuk se concentre sur la typologie des relations qu'entretiennent les éléments d'une collocation. Cette relation s'exprime, dans le format et dans la terminologie du modèle sens <-> texte, par une «fonction lexicale».

Nous avons mentionné plus haut le fait que les deux approches soulignent 1 ' asymétrie entre les deux éléments de la collocation. Voilà pourquoi Hausmann appelle les collocations des combinaisons de mots «polaires»; Mel'Cuk11 définit le phénomène de la collocation comme suit:

9 Cf. aussi [Cop90]:38 qui rapproche également ces résultats. 10 Donc, [Sinclair87] compte aussi les combinaisons de verbes et particules parmi les collocations

(p.ex. take up, slow down, etc.); de même, [Benson/Benson/Ilson86] recensent ce genre de combinaisons dans leur dictionnaire collocationnel.

11 La définition suivante est une formulation que nous avons retenue, lors d'une rencontre de travail avec I.Mel'Cuk, à Stuttgart, en mai 1989.

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«a collocation A + Β is a phrase S, such that to express the meaning of S with the lexeme B, the choice of A is lexically determined byB.»

Si nous mettons «collocateur» à la place de «A» et «base» pour «B», une paraphrase

de la définition de Mel'Cuk serait la description suivante:

«une collocation composée d'un collocateur (A) et d'une base (B) est une phrase (S) choisie de telle façon que pour exprimer le sens de la phrase (S) en se servant du lexeme de la base (B), l'apparition du collocateur (A) est conditionné par les propriétés lexicales de la base (B).»

De là, il est possible de conclure qu'on peut raisonnablement décrire la sémantique

des collocations tout entières et les traiter comme si elles étaient des lexemes à part

entière, qui ont une structure inteme et qui sont composés de lexemes.

Si l'on accepte le raisonnement selon lequel les collocations sont des phrases à

sémantique propre non pas entièrement déduisible des sens «normaux» de leurs

composantes par combinaison compositionel, alors 1 ' approche de Mel ' Cuk peut offrir

un moyen intéressant pour une classification d'un sous­ensemble considérable des

collocations: les fonctions lexicales.

Selon le modèle sens <­> texte, une fonction lexicale est une constante sémantique

(généralisable sur bon nombre le langues) dont l'application à des lexemes (bases,

mots clés) d'une langue donnée engendre des collocations bien précises de cette

langue. Des exemples de telles constantes sémantiques sont

• l'expression d'une grande intensité (fonction lexicale «MAGN»);

• l'expression des phases d'un processus (début, accélération, continuation, déclin,

fin,; fonctions lexicales INCEP, CONT, FIN, et, avec une composante «causative»,

CAUS, PERM, LIQU, etc.);

• l'expression de points précis dans l'étendue temporelle d'un processus (le moment

de la «germination» (GERM), le point culminant (CULM), etc.).

Dans la langue générale, il est possible et utile de se servir de ces constantes

sémantiques dans la structuration du lexique collocationnel, et par exemple de

répertorier les moyens lexicaux permettant d'exprimer le point culminant de la joie

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Page 532: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

qu'on éprouve (height of joy,...), le fait qu'on éprouve un certain sentiment (éprouver de l'admiration, nourrir de l'admiration (pour), etc.).

Vu du point de vue de l'apprentissage lexical on du traitement automatique des langues naturelles, les régularités et la part de l'imprédictible (qui doit alors erre mémorisé) sont particulièrement importants: voici quelques exemples pris de [Mel'Cuk84] qui sont des instances de 1 'idée générale «ressentir un sentiment de façon très intense»: brûler d'admiration, frémir d'enthousiasme, mourir/crever d'envie (mais pas *bräler d'envie), nager dans la joie (mais pas *mourir de joie).

Les constantes sémantiques sont également très utiles dans certaines terminologies. Le dictionnaire [Cohen86] est entièrement organisé selon ce type d'information. Π répertorie, entre autres, pour un sous­ensemble du langage de l'économie et de la conjoncture, les collocations servant pour exprimer le début, l'accroissement, le déclin et la fin d'un processus.

Nous pouvons aussi citer des exemples de la langue allemande de la pratique du laboratoire chimique qui illustreut ce point à l'évidence: les phases d'une réaction chimique sont décrites par les collocations suivantes: eine Reaktion setzt ein ou tritt ein (début), eine Reaktion kommt in Gang (accroissement), eine Reaktion klingt ab (déclin), etc. Une grande intensité d'une réaction chimique (fonction lexicale MAGN) est exprimée par les collocations lebhafte Reaktion ou heftige Reaktion. De même, on a starke/heftige/lebhafte Gasentwicklung, mais jamais *starke Reaktion.

1.5. La place respective des collocations dans une typologie des combinaisons de mots

Ayant décrit un certain nombre de propriétés des collocations, telles qu'elles sont vues par Hausmann et Mel'Cuk respectivement, donnons maintenant un aperçu de la typologie que chacun établit pour classifier les combinaisons de mots. Il est important de comparer ces classifications, car elles contiennent des distinctions qui font ressortir de façon encore plus claire les caractéristiques des collocations, selon les deux auteurs.

Hausmann (cf. [Hausmann84]) distingue d'abord entre les combinaisons fix(é)es et les combinaisons non fixées. Les premières, selon lui, sont les locutions idiomatiques; être fixé, dans ce cas­là, signifie être uniquement interprétable en entièreté; ce qui correspond à la façon habituelle dont les locutions idiomatiques sont décrites en linguistique.

Parmi les combinaisons non­fixées, Hausmann distingue encore trois types, à savoir la «co­création», la collocation et la «contre­création». La co­création est définie

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comme étant une instance d'une coocurrence libre, produite sans rien d'autre que les règles de la syntaxe, de la sémantique et du bon sens. Hausmann appelle ces combinaisons «triviales»: quiconque parle la langue en question peut les interpréter en suivant les règles, et il peut aussi les composer librement. L'exemple type est regarder un arbre, une maison agréable, etc.

Par contre, ce qui distingue la collocation, c ' est /' affinité entre les deux éléments dont elle est composée. C'est une propriété qui relève, selon Hausmann, de la norme linguistique: toute combinaison sémantiquement possible n'est pas réalisée dans la langue, mais la collocation, l'une de ces combinaisons possibles, est au contraire reconnue par les membres d'une population linguistique comme «produit sémi-fini» ou un «élément préfabriqué» de leur langue. Cet aspect est très proche de ce que Mel'Cuk entend par «the choice of A (c-à-d. du collocateur) is lexically determined by B», sauf que, pour Hausmann, l'aspect conventionalise joue un rôle primordial.

Finalement, la «contre-création» pourrait être considérée comme étant une «collocation dénaturée», un effet de style voulu qui combine des éléments dont la combinaison n'est ni usuelle ni co-créativement concevable; Hausmann se sert d'exemples du style littéraire d'un auateur par illustrer ce phénomène, marginal pour les besoins d'un dictionnaire.

L'illustration suivante représente graphiquement les différents types de combinaisons de mots que distingue Hausmann:

combinaisons de mots

^ ^ fixées non-fixées

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Quant à Mel'Cuk, la typologie qu'il met en oeuvre est basée sur l'aspect de la compositionalité. Il distingue trois types de combinaisons de mots.

Si l'on part de deux éléments donnés, A et B, la combinaison régulière, compositionnelle, donne un résultat, C, qui est la somme des deux éléments et de la relation qu'ils etretiennent. C'est le cas régulier, appelé co­création par Hausmann. L'autre cas extrême est celui des locutions idiomatiques, où les deux éléments A et B donnent un résultat C dans lequel ni A ni B n'est reconnaissable. Cette opacité est une conséquence d'une combinaison non­compositionnelle.

Les collocations, quant à elles, sont décrites par Mel'Cuk comme étant des combi­naisons partiellement compositionnelles. On reconnaît dans une collocation la sémantique de la base, inchangée, tandis que le collocateur prend une interprétation particulière. Ce qui est à la base de cette typologie, c'est encore une fois l'argument sémantique que nous avons déjà exposé plus haut.

Voici un schéma qui résume les types distingués par Mel'Cuk:

1

2

3

Θ Θ

Θ Θ]

Θ ·

— c

i—

C ;

— C 1 ­

combinaison régulière

compositionnelle

*. B C r i A = { }

—* y ' C r i B = { }

loc. idiomatiques

non­compositionnelles

5 Ο Π Α = ( )

ϋ Π Β = ( ) collocations partiellement compositionnelles

En conclusion, retenons que les deux approches caractérisent les collocations de façon assez parallèlepar rapport aux combinaisons libres et aux locutions idiomatiques. Hausmann rajoute 1 ' aspect de la conventionalité qui joue un rôle pour les collocations.

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2. Synthèse des deux approches — points de départ pour la représentation

Dans la partie précédente, nous avons essayé de comparer les approches de Hausmann et de Mel'Cuk pour voir jusqu'où leurs descriptions sont unifiables. Maintenant, nous nous proposons • de synthétiser les résultats de la comparaison pour en extraire une définition de

travail à utiliser dans ce qui suit; • d'investiguer l'importance des éléments définitionnels pour la description de

collocations dans les langues de spécialité, étant donné que les définitions sont basées plutôt sur la langue générale.

A partir de là nous décrivons les fonctionalités de l'outil que nous avons réalisé, c'est-à-dire de notre modélisation des collocations dans une base de données.

2.1. Eléments d'une définition des collocations

La définition suivante des collocations est basée sur l'idée générale que la description linguistique dans le lexique devrait se faire par «niveaux descriptifs»; par là, nous entendons le reflet de la traditionnelle distinction en sous-domaines, telles que la morphologie, la syntaxe, la sémantique, ou la pragmatique. Tout en sachant qu'il est difficile de classifier des phénomènes dans des rubriques aussi générales, nous suivons quand-même cette voie, étant donné qu'un certain consensus est quand-même en train de s'établir.

• Au niveau conceptuel et sémantique, nous considérons une collocation comme étant une combinaison de deux éléments dont chacun a une sémantique propre. L'un de ces deux éléments (le collocateur) a une acception qui se trouve uniquement dans cette (classe de) collocation(s); certaines de ces acceptions typiques tendent à être relativement générales (p.ex. «un grand nombre de ...», «un haut degré de ...», «le point culminant du processus de...», etc.), mais ceci ne doit pas forcément être le cas. La collocation n'est pas entièrement analysable, sur le plan sémantique, par des règles compositionnelles; ceci est du moins le cas si l'on part du sens prédictible des collocateurs en dehors de la collocation. Il semble donc tout à fait raisonnable de proposer, comme le fait [Martin91], des modèles de description sémantique différents, selon qu'on traite une acception collocationelle ou non-collocationelle d'une unité qui peut être collocateur.

• Au niveau lexical, nous décrivons une collocation comme étant une combinaison de deux lexemes. Ces lexemes peuvent être des unités composées de plusieurs mots de surface. Notons en outre que nous considérons les collocations comme étant elles-mêmes des lexemes complexes à sémantique propre et à équivalent propre. Ceci donne lieu, dans certains cas, à une récursivité dans la composition

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de collocations: l'un des éléments d'une collocation semble pouvoir être, dans certaines conditions, une collocation lui-même.

• La relation entre le niveau sémantique et la réalisation lexicale peut être décrite, du moins dans un certain nombre de cas, de façon régulière. C'est le but de l'utilisation, dans l'approche sens <-» texte, de «fonctions lexicales». Elles peuvent s'appliquer de façon assez naturelle là où l'un des éléments sémantiques ou conceptuels a un sens relativement général.

• La lexicalisation, c'est-à-dire la forme lexicale d'une collocation est restreinte au niveau pragmatique: la norme d'une langue établit certaines combinaisons et en semble bloquer d'autres, pas moins «plausibles». Les sujets parlants ont de l'intuition qui leur dit quelles combinaisons sont possibles et «disponibles» et quelles combinaisons («triviales») ne sont que le produit de l'application d'une règle générale.

• Au niveau syntaxique, il est possible de déterminer cinq types de combinaisons de catégories (cf. plus haut).

Toujours sur le plan syntaxique, il semble que les collocations suivent grosso modo les règles syntaxiques (p.ex. de sous-catégorisation, passivabilité, rajout de modificateurs, etc.) valables pour la base et le collocateur aussi en dehors de la collocation. Un certain nombre de particularités semble cependant être observable, non seulement avec les locutions idiomatiques, mais aussi avec certaines collocations. Ces quelques éléments d'une définition des collocations ont été retenu de la discus­sion et comparaison des approches de Hausmann et de Mel'Cuk. Il s'agit là d'une synthèse ou d'une combinaison des résultats des deux auteurs.

2.2. Les éléments definitionnels - applicables en terminologie?

Les deux systèmes que nous avons présentés sont orientés vers la description de la langue générale. La question se pose alors si cette description est applicable en terminologie et quelles en sont, le cas échéant, les modifications12.

Nous allons d'abord examiner les différents éléments descriptifs en détail, puis essayer de généraliser les résultats de cet examen pour arriver à une définition qui sera une «specialisation» de la première.

12 C'estlesujetdel'articledeMartmdariscememevolume(Co//ocaíio«jín5M¿/angMa^c); l'auteur part d'un modèle des sous-languages (cf. [Martin/McNaught91]), et applique ce modèle à la description collocationnelle; les éléments de la description collocationnelle dont il part sont assez proches des nôtres. Martin discute aussi un certain nombre d'exemples que nous avons donnés autérieurement pour illustrer une version moins élaborée de notre définition (cf. [Heid/ Freibott91]). Nous ne voulons pas entrer dans une discussion de détails ni redire ce qui est dit autre part, mais nous tenons à renvoyer le lecteur à l'article de Martin dans ce volume.

534

Page 537: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Le niveau conceptuel, en terminologie, a reçu plus d'attention que dans la description

de la langue générale. Il faut souligner que dans la plupart des sous­langages, une

description sémantique ou conceptuelle est plus facile à établir de façon consistente

qu'en langue générale. L'une des écoles en sémantique lexicale, représentée par

exemple par Pustejovsky et par des travaux dans le cadre du projet ACQUILEX, vise

à décrire le contenu sémantique des unités lexicales en faisant appel à des structures

de traits; la représentation en types sémantiques contient des attributs (et leur valeurs)

pourrendre compte des propriétés caractéristiques. Une telle modélisation sémantique

n'est pas loin de frame semantics à la Fillmore ([Fillmore85], [Fillmore/Atkins91a],

[Fillmore/Atkins91b], etc.) d'une part et des frames utilisés en représentation de

connaissances et en terminologie d'autre part. Ces modélisations, plus connues en

terminologie que dans la description de la langue générale, permettenet de rendre

compte des propriétés caractéristiques d'un objet (p.ex. sa forme, couleur, poids,

matière primaire, mais aussi safonction, etc.) et/ou des objets ou personnes typiquement

associés à des situations où entre l'objet en cause. Ceci donne des descriptions qui

modelisent déjà des attentes combinatoires, mais sur le plan purement conceptuel. Si

j 'ai une description conceptuelle détaillée d'un domaine technique, je peux donc

formuler des attentes de types collocationnels.

Pour donner un example, examinons des situation simples de la pratique du laboratoire

chimique. Le concept du mélange de deux substances (ou du rajout d'une substance

à une autre) est assez simple. Le frame contient les deux substances et l'ordre dans

lequel les substances sont appliquées. Les substances, elles, sont caractérisées par leur

état (solide, liquide, gaz).

Les reflets linguistiques d'une telle situation feront référence à ces éléments duf rame.

De même, les collocations que l'on rencontrera seront en bonne partie des combinaisons

de termes désignant les éléments d'une telle situation. En allemand, on aura par

exemple man gibt A zuB, man setzt A zu B (hin)zu, man mischt A und Β, man versetzt

A mit Β.

Si l'on prend en compte le fait que la terminologie de beaucoup de domaines est moins

polysémique et surtout moins riche en quasi­synonymes que la langue générale, et

que, de ce fait, il est plus fréquemment le cas qu'il y ait exactement une dénomination

pour un concept, alors la relation entre les concepts, leurs «frames» et les termes peut

ètte vue sons un autre jour: si l'on connaît la description conceptuelle, le «frame»

d'une situation, les chances sont relativement meilleures qu'en langue générale qu'on

puisse «prédire» les collocations possibles. Vice versa, si l'on connaît un nombre

suffisant de collocations, il est relativement plus facile qu'en langue générale d'en

déduire des éléments de «frames» sémantiques13.

13 Cette idée est exprimée dans [Martin91] qui se propose de l'exploiter dans l'acquisition de descriptions conceptúenles pour des sous­langages et d'en comparer les résultats avec des analyses de définitions.

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Nous pouvons donc retenir que la relation entre la description conceptuelle et la description collocationnelle est en partie plus directe dans les sous-langages que dans la langue générale.

Néanmoins, il semble y avoir une certaine part du «conventionnel» même dans les sous-langages. Comment expliquer autrement le fait qu'il n'y a pas de choix libre entre man versetzt A mitB et man gibt A zu B, synonymes à première vue et variantes, semble-t-il, de mischen. En effet, versetzen présuppose qu'on rajoute un liquide à un autre liquide, tandis que dans AzuB geben, «A» peut être solide et uniquement «B» doit être un liquide.

Revenons, toujours au sujet de la description sémantique et conceptuelle, sur les collocateurs à sens assez général, décrits, par exemple, par les fonctions lexicales proposées par Mel'Cuk et son groupe. D'une part, les fonctions lexicales sont de loin trop générales pour être utilisable comme dispositif descriptif là où il s'agitd'identifier des propriétés ou éléments de situations spécialisées, comme dans le cas cité plus haut. Voilà pourquoi il a été dit que les dispositifs de la description collocationnellle selon le modèle sens <-» texte soit ne suffisaient pas à la description des sous-langages, soit devaient être complementes par des dispositifs très spécifiques (cf. les propositions de [Frawley88]).

Mais d'autre part, un dictionnaire collocationnel d'un sous-langage, tel que celui de Cohen (cf. [Cohen86] et la description de la genèse de ce dictionnaire dans ce volume même) contient surtout des collocations dénotant le début, la croissance, l'existance ou continuation d'un processus, son déclin ou sa fin. Le fait est que dans le domaine dont le sous-langage est décrit, celui de la bourse et la de conjoncture, ce type d'information est d'importance sur le plan conceptuel; par conséquent, les collocations de ce sous-langage doivent être considérées.

Nous avons déjà cité des exemples concernant le début, l'accoissement et la fin de réactions chimiques. Notons ici que l'expression de l'apparition d'un phénomène observable qui indique qu'il y a réaction, se fait par d'autres collocations que celle du début d'une réaction elle-même: on a eine Reaktion tritt ein, setzt ein, citées plus haut, mais eine Trübung trittauf'ou encore eine violette Färbung tritt auf (ou: tritt ein), mais jamais eine violette Färbung setzt ein (ici le choix dépend de l'aspect processuel de «réaction» qui ne se rencontre pas ou pas nécessairement dans Färbung qui est ambigu entre la dénotation de la couleur et celle du changement de couleur (cf. Verfärbung).

Ceci dit, il semble que, selon le domaine et le sous-langage en question, il faut s'attendre à une situation plus ou moins parallèle de la langue générale, et que l'importance des dispositifs pris de la description lexicographique de la langue générale varie en fonction des domaines.

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Quant au niveau pragmatique, il semble que l'aspect de norme tel qu'il est mis en évidence par Hausmann pour la langue générale se retrouve dans les sous-langages sous forme de normes (au pluriel); selon la situation d'application (publicité, usine, service après-vente, développement) et parfois même selon l'entreprise, les appel­lations terminologisées peuvent varier. Avec elles, les collocations reconnues par les «locuteurs» d'une variété de sous-langage peuvent aussi varier. Ce phénomène doit être pris en compte dans la description de collocations en terminologie, bien qu'il soit très difficile d'en mesurer l'étendue.

Au niveau syntaxique, l'importance relative des différentes catégories (noms, verbes, adjectifs et adverbes) diffère entre les sous-langages et la langue générale. Martin (ce volume) remarque avec raison que la quasi-totalité des collocations en terminologie se composent de substantifs, verbes et adjectifs. Pour dire la vérité, l'importance des verbes ne vient d'être reconnue que depuis quelques années14.

En résumé, il semble que la description des collocations dans les sous-langages peut utiliser les outils que les lexicologues et lexicographes ont développés, initialement pour la langue générale. Mais tous les outils ne seront pas utilisés avec la même fréquence et la même intensité. D'autre part, une analyse détaillée de la relation entre la description conceptuelle (framesfor terms) et la description collocationnelle serait tout à fait souhaitable. Nous n'avons cependant pas connaissance, jusqu'à présent, d'une telle analyse.

3. Une approche représentationnelle: une base de données pour traducteurs

Dans ce paragraphe, nous allons décrire la façon dont nous avons modélisé de l'information collocationnelle dans un outil pour traducteurs et auteurs de textes techniques. Nous rappellerons d'abord l'utilisation visée et l'idée générale à la base de l'outil et donnons ensuite une description informelle de la modélisation et de ses implications par l'utilisateur.

3.1. Utilisation et utilisateurs envisagés

Dans la conception de l'outil, réalisé en coopération continue avec le département de traduction et documentation de l'entreprise KRUPP Industrietechnik GmbH (Duisburg), nous avons essayé de tenir compte autant que se pouvait des exigences des utilisatuers. Le développement du prototype s'étant fait à l'intiative du départe­ment de traduction et documentation, il est évident que les besoins de ce département, mais aussi plus généralement de l'entreprise sont en quelque sorte reflétés dans l'architecture du système.

14 Ceci est surtout dû aux travaux de [Picht87], cfr. aussi [Cormier89], [Picht87a], etc.

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Les besoins étaient assez divergents, et par conséquent, l'idée était d'essayer de satisfaire plusieurs utilisateurs en donnant accès à l'information de façon aussi flexible que possible, et en mettant ensemble des informations de nature diverse (p.ex. monolingues, contrastives, «conceptuelles» et même des illustrations graphiques), répertoriées séparément, mais reliés de façon à ce que des combinaisons différentes soient possibles lors d'une utilisation interactive. Ceci est particulièrement important vu le fait que la traduction et la documentation ont un certain nombre d'exigences en commun, mais pas toutes. Surtout l'accès à l'information linguistique est différent.

Les informations suivantes ont été répertoriées:

• en vue de la traduction vers la langue maternelle: - équivalents; - synonymes en langue maternelle permettant au traducteur de se laisser guider

dans son choix d'équivalent; - équivalents des collocations; - marquage de variété des unités lexicales en langue source et en langue cible;

• en vue de la traduction vers la langue étrangère: - variantes synonymiques et paraphrastiques des équivalents: dans certains cas,

un équivalent «lexicalisé» ou «terminologisé» n'est pas (encore) disponible. Dans ces cas, une paraphrase en langue cible est donnée. Celle-ci est classifiée comme «paraphrase», ce qui produit, sur le plan de l'interface utilisateur, un message qui renvoie l'utilisateur aux définitions pour vérifier, si la paraphrase est utilisable dans le cas particulier qu'il veut traiter;

- des informations syntaxiques (optionnelles), p.ex. de complémentation; - des équivalences de collocations avec, si nécessaire, un «décoration» sur plan

du marquage des variétés.

• en vue des auteurs techniques - accès direct à partir des illustrations graphiques à l'information linguistique; - classification des domaines traités et «filtrage» des unités lexicales selon les

domaines auxquels elles peuvent s'appliquer. Ce dispositif est aussi important dans la traduction.

Dans tous les cas, indépendamment de la situation d'application et du groupe d'utilisateurs, le développement a été guidé par l'intention de donner aux profession­nels de la langue des éléments d'information qui leur permettent de décider eux-mêmes, p.ex. dans le cas d'un choix possible entre quasi-synonymes ou entre différentes propositions d'équivalents. Ce n'est donc pas le système informatique qui filtre l'information et ne donne qu'une sélection (peut-être inappropriée) de réponses. Mais c'est l'utilisatuer qui choisit, en fonction des éléments d'information qu'il reçoit. Le problème souvent cité de la quantité d'informations inutiles ne se pose pas ou

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rarement: le travail à l'intérieur de domaines techniques et le fait que la quantité d'information affichée en une fois (sur un seul écran) peut être réglée (des informa­tions générales sur plusieurs éléments lexicaux aux informations très spécifiques sur un seul élément bien précis) réduisent la taille de ce problème15.

3.2. Modélisation des collocations

L'outil est implanté dans une base de données relationnelle. Le schéma logique sur lequel l'outil repose a été représenté sous forme d'une instance du modèle entités-relations.

Nous distinguons des objets de la base de données, des relations entre objets et des attributs décrivant les propriétés des objets. Nous distinguons entre les objets conceptuels et les objets linguistiques, ces derniers appartenant nécessairement à une langue donnée (et ayant donc un attribut qui code la langue respective), tandis que certains «concepts» sont généralisés pour toutes les langues traitées. Ceux-ci sont par exemple les identificateurs des objets concrets produits ou utilisés dans le domaine technique en question. Ceci permet de relier l'outil terminologique avec la version électronique des catalogues de pièces, où chaque objet est désigné parun dénominateur unique; par là, les entrées des catalogues se voient attacher une illustration graphique, une définition et les termes des différentes langues servant à dénommer l'objet correspondant.

Pour ce qui est des relations, nous en distinguons également différents types. D'une part, il y a une relation (appelée «de lexicalisation») entre les concepts et les unités linguistiques; d'autre part, il y a des relations intralinguales (différents types de synonymie, variantes, etc.) et des relations contrastives (équivalence, quasi-équi­valence, paraphrase en langue cible).

Les attributs des objets dépendent évidemment du type d'objet. Nous distinguons entre les attributs terminologiques, les attributs documentaires et les attributs linguis­tiques. Les attributs terminologiques contiennent surtout des définitions (textuelles) avec leurs références, statut etc. Dans la documentation, des exemples de contextes déjà traduits par les utilisateurs, mais aussi des notes personnelles, phrases-exemples construites exprès, etc. peuvent être données. Les attributs linguistiques dépendent encore du type d'objet linguistique décrit; il s'agit d'informations catégorielles, constructionnelles et, surtout, de marques de variété linguistique.

Les collocations ont un statut particulier qui est justifié par la description et la définition que nous avons données. La modélisation utilise les éléments à disposition dans la base de données. 15 Pour une description générale de l'outil, cf. [Heid/Freibou90].

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Les collocations sont des objets de la base; elles sont dest objets linguistiques, au même titre que les lexemes qui consisten «en un seul mot» et les lexemes composés (p.ex. noms composés). Ce traitement leur donne un statut de «lemme» dans notre dictionnaire électronique et les rend directement accesssibles à partir d'une forme de citation conventionnelle.

Ayant un statut de «lemme» dans la base, c'est-à-dire étant considérées comme des objets linguistiques à part entière, les collocations partagent un certain nombre de propriétés avec les autres objets linguistiques.

Voilà pourquoi • chaque entrée collocationnelle peut avoir sa propre description pragmatique, p.ex.

selon le jargon auquel elle appartient, selon le langage d'entreprise, etc.; • il est trivial d'exprimer qu'une collocation est synonyme d'un objet linguistique

qui ne contient qu' «un seul mot graphique»; • chaque collocation a sa propre description d'équivalence, par une relation avec un

objet linguistique d'une autre langue.

Ces fonctionalités et les possibilités de modélisation qui en dérivent ont des avantages importants pour l'utilisateur.

La possibilité de donner des marques d'usage pour les collocations devient intéres­sante lorsqu'on décrit différents «jargons» on différentes variétés pragmatiqes d'un même sous-langage. Un même processus, une même situation peut très bien être dénommée différemment dans le langage des laboratoires et dans celui du service après-vente, pour ne donner qu'un exemple schématique.

La (quasi-) synonymie et l'équivalence des collocations sont importantes aussi bien du point de vue des auteurs techniques que des traducteurs. Les auteurs techniques sont intéressés par la relation de quasi-synonymie entre les constructions à verbe suppport et les tournures verbales correspondantes. Dans certaines publications d'entreprises, l'utilisation des formules à verbe support est proscrit (effectuer un contrôle, opérer un choix, actionner la touche «x») et les auteurs sont invités à utiliser les tournures «simples» correspondantes (contrôler, choisir, taper «x»); dans certains cas, par exemple sous des contraintes grammaticales, on peut cependant éviter de renverser une construction syntaxique déjà entamée si l'on utilise un formule à verbe support. L'accès à ces tournures, aussi bien pour un contrôle de style (si elles sont proscrites: chercher tous les tours à verbe support dans un texte, les remplacer, si possible (manuellement) par les verbes correspondants) que pour le «dépannage» en cours d'écriture16 est utile dans le processus de l'écriture technique.

16 Par exemple, l'allemand n'a pas de verbe transitif passi vable équivalent de rappeler qc à qn.

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Quant à la description de l'équivalence, la façon dont nous avons modélisé les propriétés des collocations est directement basée sur les résultats de notre comparai­son théorique exposés plus haut. Nous avons retenu que les collocations on leurs propres équivalents, étant donné que ce n'est pas possible de déduire la sémantique d'une collocation compositionnellement à partir de ses éléments. En plus, comme il est impossible de prédire les collocateurs qui sont utilisés dans une autre langue pour exprimer un sens donné, et que, troisièmement, il n'est pas non plus toujours possible de généraliser, pour une classe sémantique de bases, le choix du collocateur servant à exprimer un sens, la description de l'équivalence au cas par cas pour chaque collocation, est la façon la plus sûre pour exprimer les propriétés contrastives. Ceci permet aussi de relier une collocation avec un mot simple d'une autre langue; ce qui est indispensable pour le traitement des cas où une langue n'a qu'une collocation, là où il y a un mot dans une autre17.

Nous pensons que le traitement des collocations en tant qu'objets linguistiques à part entière évite un certain nombre de problèmes rencontrés d'habitude dans les bases de données terminologiques et lexicales et aussi dans certains dictionnnaires papier: le problème des sous-entrées difficiles à trouver dans la macrostructure ne se pose pas: souvent, les collocations sont traitées en sous-entrée de l'une de leurs comopsantes; déjà la décision de savoir dans quelle entrée la collocation va figurer n'apparaît pas simple; ensuite, l'accès aux sous-entrées technique, dans les banques de données, est souvent difficile. La complexité s'accroît encore, si l'on veut relier les sous-entrées avec des synonymes et des équivalents. Donc, le traitement qui nous semble linguistiquement plus justifiable est aussi plus facile à réaliser sur le plan technique.

Jusqu'ici nous avons décrit la façon dont les collocations sont traitées en tant que «blocs monolithiques». Il faut mainentant rajouter une brève description de la façon dont les collocations sont reliées avec leurs éléments constitutifs.

Les lexemes qui fonctionnent comme des bases ou des collocateurs dans une collocation donnée sont en effet mis en rapport avec les collocations respectives, par une relation particulière. Les bases et les collocateurs ou évidemment un statut d'objet linguistique dans la base de données. Il est donc possible d'établir des relations entre base et collocation et collocateur et collocation. Notons qu'il n'est pas nécessaire d'étabir des relations explicites entre bases et collocateurs: il semble être plus naturel et plus modulaire de faire passer le lien à travers la collocation elle-même.

Il y a cependant jemandem etwas in Erinnerung bringen/rufen, une collocation de type «verbe support plus nominalisation» qui est passivable de façon isomorphique par rapport à rappeler.

17 Le turc semble ne pas avoir beaucoup de verbes techniques; par exemple, au lieu de contrôler, la seule expression disponible est control etmek («faire un contrôle»).

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Ce dispositif, ensemble avec le traitement des collocations en tout qu'entrées à part entière, permet les fonctionalités suivantes:

• l'utilisateur peut accéder à la collocation (et par là, à l'équivalent de celle-ci) aussi bien «à partir de la base», «qu'à partir du collocateur»;

• chaque entrée d ' une base contient 1 ' information complète sur les collocateurs avec lesquels elle forme des collocations.

Cette situation est illustrée par le graphique suivant:

L'avantage de la situation multi-accès réside dans la multifonctionalité de la base de données lexicale et terminologique qui en résulte: dans une situation de traduction d'une langue étrangère vers la langue maternelle (version), l'utilisateur peut vouloir accéder à l'information sur les propriétés de la collocation aussi bien à partir de la base que du collocateur.

Tout dépend s'il reconnaît ou non la collocation en tant que telle, et si, ayant à faire à une collocation dont il ne connaît pas (exactement) la signification, il décide de regarder systématiquement sous la base on le collocateur. En d'autres termes, il n'y a pas moyen de prédire quelle voie d'accès sera préférée par l'utilisateur, et il faut donc en offrir toutes18. Dans le dictionnaire de thème, la situation peut être plus simple: en général, on partira de la base pour regarder dans le dictionnaire quels

18 Cfr. la discussion de ce point dans [Hausmann88].

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collocateurs sont utilisés pour exprimer un certain sens. Notre base de données supporte les deux modes d'utilisation et donc les deux types de traduction. En vue des auteurs techniques, la possibilité d'accéder aux objets linguistiques à partir des objets conceptuels rajoute encore une dimension: de l'objet conceptuel ou de l'illustration à l'ensemble des collocations répertoriées.

Le deuxième dispositif, la possibilité d'accéder, pour une base, à l'ensemble des collocations (et vice versa) est également important pour différentes applications. Dans l'idée, exposée plus haut, de relier l'information conceptuelle et l'information collocationnelle, il est utile d'avoir à disposition l'ensemble des collocations d'un certain type qui sont répertoriées pour une base donnée. Les verbes dont une certaine base peut être objet ou les adjectifs qui typiquement modifient et déterminent une certaine base nominale contribuent à la description du «profil sémantique» de la base en question. Bien que jusqu'à présent nous ne tenions pas compte des «frames sémantiques» des termes, une première approche, utile pour le traducteur et l'auteur technique, consiste à voir les ensembles de collocations de la façon indiquée.

Ceci soulève la question de savoir comment les collocations sont classifies, c-à-d. quels sont les attributs particuliers utilisés dans la description des collocations.

Dans ce domaine, nous nous sommes restraints au stricte minimum. Nous tenons compte des propriétés catégorielles des éléments de collocations. La classification des types de combinaisons catégorielles (nom plus nom, nom plus verbe, etc.) est utilisée pour générer des masques d'entrée de données, mais aussi pour contrôler la consistence entre les entrées de mots simples et les entrées collocationnelles. Une entrée collocationnelle présuppose l'existence d'entrées simples des deux éléments dont la collocation est composée. Ce qui importe ici, c'est que le système demande au terminologue, lors de la création interactive d'une entrée collocationnelle, d'identifier les entrées des éléments. Si l'on veut rentrer la collocation «lancer un produit», le système vérifie s'il existe une entrée pour lancer et/ou une entrée pour produit. S'il n'y en a pas, de nouvelles entrées sont créées. S'il existe une entrée du nom produit, la question est posée qu terminologue de savoir s'il faut ranger la collocation parmi l'acception déjà répertoriée de produit (nom). C'est ainsi qu'il est possible de relier les collocations aux informations sur la polysémie des unités traitées, et d'éviter que les collocations soient rattachées à des entrées homographes.

Une extension qu 'on peut envisager consiste à distinguer pour les lexemes fonctionnant comme collocateurs, des entrées «de collocateur» séparées.

L'utilisation des types de combinaisons catégorielles permet d'introduire, en mode d'interrogation interactive, déjà une sélection parmi l'ensemble des collocations disponibles. On peut afficher, séparément, toutes les collocations d'un certain type disponibles à partir d'une unité lexicale donnée. Pour un nom, on a ainsi le choix entre

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les collocations avec d'autres noms, avec des adjectives et avec des verbes. De même, à partir d'un adjectif, on peut évidemment avoir toutes les collocations où cet adjectif est une base et prend des adverbes, mais aussi toutes celles où l'adjectif est un collocateur et modifie des noms.

Encore, des affinements et des extensions sont imaginables: nous distinguons déjà, parmi les collocations du type nom-verbe, entre celles où le substantif est le sujet ou le complément d'objet du verbe.

On pourrait très facilement élargir ce dispositif en distinguant, là où c ' est utile, selon le type de «fonction lexicale» du sens de Mel'Cuk. Ceci permettrait d'accéder di­rectement aux collocations spécifiques, désignant, pour ne donner qu'un exemple, les phases d'un processus. Une informatisation du dictionnaire de [Cohen86] serait alors faisable sans changement massif du programme.

4. Conclusion

Cet article décrit part d'une comparaison de deux approches descriptives portant sur les collocations. Nous avons essayé d'en montrer les parallelismes et la complémentarité. La synthèse que nous avons faite nous a servi de point de départ pour la description des principes de l'implantation que nous avons faite dans le cadre d'une base de données lexicale et terminologique.

Il semble que les grandes lignes de la description collocationnelle telle qu'elle est opérée dans la lexicographie de la langue générale peuvent aussi utilement s'appli­quer à la description des langues de spécialité, mais que l'importance relative des dispositifs descriptifs mis en oeuvre dépend des domaines traités et des buts des descriptions respectives.

Nous avons indiqué quelques-uns des axes qu'un développement ultérieur de l'outil que nous avons réalisé pourrait suivre. Parmi ces voies de développement, une orientation plus forte vers une description sémantique et conceptuelle paraît utile et possible.

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Page 550: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

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Ulrich HEID Institut für Maschinelle Sprachverarbeitung - Computerlinguistik

Universität Stuttgart Azenbergstraße 12 D-7000 Stuttgart 1

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Terminologie et phraséologie Principes et schémas de traitement

Daniel Gouadec

Sommaire

1. Introduction 2. Contexte 3. Enseignement et travaux 4. Procédure de sélection des entités significatives 5. Premier tri 6. Terminologie et phraséologie «de guichet» ou à court terme 7. Terminologie et phraséologie «de livret» ou à moyen et long terme 8. Unités terminologiques et unités phraséologiques 9. Dossiers terminologiques et dossiers phraséologiques

9.1. Dossiers terminologiques approfondis 9.2. Dossiers phraséologiques approfondis

10. Exemple de dossier phraséologique 11. Contraintes 12. Perspectives

1. Introduction

D'un point de vue pratique, le traducteur et le rédacteur s'intéressent à des chaînes de caractères significatives, soit parce qu'elles sont récurrentes et imposent un minimum d'harmonisation, soit parce qu'elles ont une très forte valeur d'indice de spécialisa­tion et fondent la crédibilité de l'auteur du texte, soit parce qu'elles sont «problématiques» ou empoisonnantes et appellent des solutions ou des mises en garde, soit, enfin, parce qu'elles ont déjà fait l'objet d'un traitement particulièrement bénéfique qu'il est avantageux de reproduire.

D'un point de vue technique, les chaînes de caractères auxquelles le traducteur et le rédacteur accordent une importance particulière correspondent soit à des unités terminologiques, soit à des unités (entités) phraséologiques.

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D'un point de vue purement pragmatique, la dissociation entre les unes et les autres ne présente aucun intérêt réel alors que, d'un point de vue scientifique, il importe au contraire de déterminer la ligne de partage entre terminologie et phraséologie.

Du point de vue informatique, il reste à définir les modalités de leur gestion respective.

Nous aborderons tous ces problèmes à la lumière d'une expérience de plusieurs années et en décrivant le traitement des chaînes de caractères «intéressantes» dans la perspective de leurs exploitations et ré-exploitations en traduction et rédaction. Les éléments présentés correspondent à l'état des enseignements de phraséologie dans le cadre de la filière de formation de traducteurs de l'Université de Rennes 2 et des travaux de phraséologie du Centre de Traitement Automatique des Données Lin­guistiques de cette même université.

2. Contexte

L'orientation générale des enseignements et des recherches traduit le passage de la terminologie «pure» à un ensemble d'entités dont nous dirons simplement, pour l'instant, qu'elles dépassent la taille des unités terminologiques. Par défaut, toute entité digne d'intérêt et plus grande que l'unité terminologique standard est dite unité phraséologique. On passe ainsi, progressivement, de la traduction terminologiquement adéquate, mais phraséologiquement neutralisée ou banalisée (et donc au moins partiellement inadéquate), à la traduction phraséologiquement «correcte».

L'étude des éléments de phraséologie répond aussi à la demande des rédacteurs pour qui tout commence et finit par la phraséologie, au niveau de l'organisation générale du document ou de ses sections, au niveau des articulations des énoncés, au niveau des structures de phrases et propositions, et au niveau des syntagmes.

L'émergence de la phraséologie comme objet d'étude doit également beaucoup à la mécanisation accrue de la traduction et de la rédaction. L'objectif étant de pré­mobiliser tout ce qui ne sollicite pas la réflexion, la création d'aides diverses à la traduction repose surtout sur la mise en oeuvre de stereotypies phraséologiques.

Les trois facteurs significatifs du dépassement progressif de la terminologie sont (i) la taille des entités traitées, (ii) la priorité à l'aspect rédactionnel et (iii) la stereotypie. Ces trois facteurs suffisent à définir un nouveau cadre d'enseignement et de recherche.

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3. Enseignement et travaux

L'enseignement de phraséologie, complémentaire de l'enseignement existant de terminologie (depuis 1979) existe de plein droit à l'Université de Rennes 2 depuis 1985. Π porte sur la définition des unités phraséologiques, leur classification, leur description, leur gestion, et leur mise en oeuvre. Il donne lieu à une évaluation sur travaux spécifiques.

La recherche porte sur les mêmes éléments que ci­dessus et vise à définir un système de gestion des données phraséologiques à l'intention des traducteurs et des rédacteurs. Elle a conduit successivement à:

a) la réalisation (en 1986) d'une base de données phraséologiques de l'informatique, gérée sur micro­ordinateurs compatibles IB M­PC et exploitée par recherche de mots­clé en contexte (KWIC­langage LSE).

b) l'élaboration, sur traitement de texte WORD (en 1987 et 1988), d'un fichier expérimental traitant les entités phraséologiques par catégories fonctionnelles.

c) la réalisation (en 1989 et 1990) d'un prototype de base complète comportant 2 000 entrées sous le format de gestion "provisoirement définitif'.

Les différentes expériences ont conduit à définir les modes de sélection, description, gestion et consultation des données phraséologiques, en conjonction avec les données terminologiques.

4. Procédure de sélection des entités significatives

La sélection des entités significatives relève du plus pur pragmatisme (d'aucuns diraient de la pifométrie appliquée). Nous considérons en effet comme digne d'intérêt a priori toute chaîne de caractères, de longueur indéterminée, (i) dont les conditions d'emploi sont spécifiques et spécifiables (chaîne spécialisée), et donc (ii) récurrente à fortement récurrente, ou (iii) posant problème, ou (iv) «avantageuse».

Le traitement de chacune des chaînes de caractères ainsi retenues passe par un premier aiguillage servantàdéterminerlaquantitéd'intervention du terminologue/phraséologue et donc la quantité d'information qui devra être suscitée ou consignée. Le traitement peut être traitement superficiel d ' urgence (terminologie et phraséologie «de guichet») ou, au contraire, traitement approfondi (terminologie et phraséologie «de livret»).

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5. Premier tri

Le premier tri sépare les entités de consommation directe des entités de «capitalisation». Il prend en compte les objectifs de l'utilisateur des données et les critères de rentabilité des interventions du terminologue/phraséologue. Il oppose terminologie et phra­séologie d'urgence, d'une part, et terminologie et phraséologie à moyen ou long terme, d'autre part.

Dans le premier cas - traitement d'urgence - il s'agit de répondre à un besoin immédiat du traducteur ou du rédacteur en se contentant de lui fournir juste ce qu'il faut pour ré soudre le problème du jour: équivalent d'un terme ou d'une formulation, désignation d'un concept, délimitation des conditions d'utilisation de l'unité ou de toute unité liée. Il s'agit de répondre à un SOS terminologique (ce qui est relativement facile) ou phraséologique (ce qui l'est infiniment moins). Il s'agit aussi, sur un autre plan, de constituer une terminologie et une phraséologie de consommation personnelle ou de diffusion restreinte aux limites de l'agence ou du service. Il s'agit, en un mot, de créer le répertoire (et pas seulement le dictionnaire) terminologique et phraséologique d'un texte à traduire ou à produire.

6. Terminologie et phraséologie «de guichet» ou à court terme

Le traitement de consommation immédiate et directe exploite des outils simples et des procédures souples. Il consiste à délimiter les conditions d'utilisation des entités sélectionnées, à spécifier éventuellement leurs referents, à donner des équivalents et les conditions d'utilisation de ces équivalents, et à inclure d'éventuelles consignes ou mises en garde de réemploi.

L'outil optimal, sous réserve de disposer d'un disque dur, est le logiciel de traitement de texte qui permet, par définition, de créer de la manière la plus souple qui soit un fichier de texte et présente l'avantage supplémentaire d'être interface à 100% avec lui-même et donc générable et consultable «dans» lui-même.

La procédure de traitement est la même pour toutes les chaînes de caractères vedettes: le fichier «mélange» allègrement terminologie et phraséologie. Aucune contrainte de présentation ou structuration des données n'est prévue et la consultation s'effectue par recherche de n'importe quelle chaîne de caractères formant ou non un mot, un terme, ou une expression. Bref, l'auteur du répertoire ou le responsable de l'entrée entre la chaîne de caractères accompagnée de toute information et tout commentaire qu'il lui plaît, ou qu'il lui incombe, d'inclure dans la non-fiche. L'exemple ci-dessous présente successivement une entrée terminologique et une entrée non-terminologique de répertoire correspondant, par exemple:

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Page 555: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

* aux entités significatives d'un texte à traduire ou produire,

* aux entités constituant la mémoire d'un traducteur ou du rédacteur, ou d'un service

de traduction ou de rédaction,

* aux entités significatives se rapportant à un produit ou une famille de produits,

* aux entités significatives se rapportant à un document ou à une famille de

documents.

abort n. (info) = fin prématurée = déboutement = arrêt d'exécution [le chef aime bien] = abort [seul équivalent possible si produit GEN

de chez BULLJ. pas de normalisation par CMT info

The present chapter introduces ... = les pages qui suivent présentent... (ou toute formulation indirecte du type Le lecteur trouvera dans les pages qui suivent... mais surtout pas «le présent chapitre introduit» ­ because invariablement flingue par Son Eminence)

Le fichier mixte (terminologique­phraséologique) ainsi généré peut suffire au tra­

ducteur, au moins en ce qui concerne le rappel de solutions acquises. Π sert surtout

à garantir l'homogénéité terminologique et phraséologique chez une seule et même

personne, chez plusieurs personnes, dans un service, dans un document, dans une

famille de documents. Il sert aussi à rafraîchir la mémoire du traducteur qui l'a déjà

exploité ou constitué comme il sert de dictionnaire «ordinaire» pour quelqu'un qui

aborde le domaine, le secteur, les produits, la maison. Il est sans intérêt réel pour le

rédacteur.

Essentiellement, ce type de fichier se constitue nécessairement et exclusivement en

réponse à des besoins directs et immédiats, strictement définis, parfaitement connus.

Il augmente à mesure que sont traités des éléments complémentaires, toujours en

réponse à des besoins de même type.

7. Terminologie et phraséologie «de livret» ou à moyen et long terme

Lorsque l'objectif est de constituer une ressource terminologique et phraséologique

exploitable par n'importe quelle catégorie de «langagier», le traitement s'approfondit

et se structure en même temps qu'il se spécialise. Il s'agit de «capitaliser» les données

susceptibles de servir au traducteur, rédacteur, stagiaire, commercial, juriste, et aux

autres.

Dans cette perspective de constitution d'un trésor terminologique et phraséologique,

il faut (i) situer la ligne de démarcation entre terminologie et phraséologie puisque

l'une et l'autre font nécessairement l'objet de traitements différenciés (ii) définir les

modalités optimales de traitement des entités et (iii) gérer leur complémentarité dans

la différence.

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Page 556: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

8. Unités terminologiques et unités phraséologiques

L'unité terminologique est, dans un champ d'expérience ou d'activité, désignation d'un réfèrent specifiable, soit dans l'absolu, soit par opposition à des referents ayant un même générique. Elle donne donc lieu, fondamentalement, à définition et/ou description/explication de caractères constitutifs ou distinctifs du réfèrent.

L'unité phraséologique est, dans un document ou un discours, toute chaîne de ca­ractères (i) dépassant et incluant éventuellement l'unité terminologique (ii) dont les conditions d'utilisation sont spécifiques et spécifiables (iii) comportant un élément matriciel (stéréotypique) et un seul - dans lequel permutent généralement, mais pas nécessairement, des variables - (iv) à réutiliser tel quel, sauf jeu intentionnel, sous peine d'évaluation négative de la performance du traducteur ou du rédacteur.

On notera en passant que ces éléments de définition de la phraséologie s'inscrivent dans le cadre général fixé par le Robert «Système d'expressions (terminologie et particularités syntaxiques) propres à un usage, un milieu, une époque (Robert), cf. Style». On insistera surtout sur l'émergence de la notion de stéréotype (Robert: Qui paraît sortir d'un moule, tout fait, figé.)

A titre d'exemples, selon nos critères définitoires:

1. Dans le domaine de l'immobilier, les entités suivantes

marché bien orienté marché actif marché déprimé marché stable marché maussade marché en pleine stagnation marché au ralenti marché pléthorique marché pas très dynamique essoufflement du marché marché de l'immobilier-loisir

constituent autant d'entités phraséologiques dont la matrice est le terme marché, sauf si leur définition ou leurs caractères peuvent être spécifiés sans équivoque (ainsi, par hypothèse, d'un marché déprimé qui se définirait comme un marché dans lequel le nombre de transactions fermes se situe 12% au-dessous de son niveau moyen corrigé des variations saisonnières). On parlera ici, exception faite du dernier élément de la série, pour lequel la spécialisation de contexte s'inscrit dans la locution même, de combinatoire des termes dans un cadre de phraséologie générale ou généralisée (cliché).

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Page 557: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

2. Dans le domaine de la Phytopathologie, le segment suivant:

the water potential in the meristem at the base of the needle has a major effect on the rate of needle extension in pines

comporte plusieurs entités phraséologiques présentées en italiques ci-après, les variables étant chaque fois citées entre crochets:

a) the [water potential] in [the meristem] at the base of [the needle] [...]

sauf si l'entité terminologique et, en amont, le concept auquel renvoie water potential in the meristem at the base of the needle ont une existence spécifique, distinctive, dans le domaine de référence, soit dans l'absolu (en vertu d'une règle ou d'une interpré­tation de la discipline), soit par action délibérée du terminologue (ou du technicien) fournissant une définition ou une note technique instituant le concept ainsi désigné.

b) [...] the rate of [needle extension] in [pines]

aux mêmes conditions que précédemment.

c) [the water potential in the meristem at the base of the needle] has a major effect on [the rate of needle extension in pines]

où l'aspect phraséologique est absolument incontestable.

Nos deux exemples, délibérément contrastés, illustrent les problèmes posés par la dissociation entre terminologie et phraséologie et par la définition des critères d'extraction. Ils donnent en même temps un premier élément fondamental de réponse en faisant apparaître les entités phraséologiques comme des matrices à variables (les éléments entre crochets représentant des paradigmes interchangeables).

Nos exemples permettent aussi de saisir certains corollaires essentiels de nos axiomes définitoires. Ils montrent en effet que:

a) Les conditions d'utilisation de chaque stéréotype constituent les descripteurs prioritaires au stade de l'indexation. Elles fondent la valeur indicielle du stéréotype et donc, au fond, la seule raison pour laquelle on s'y intéresse. L'intérêt est d'autant plus grand que la spécialisation de secteur, domaine, ou «maison» s'accentue.

b) Les unités phraséologiques incluent les unités terminologiques ou lexicales. Ces dernières peuvent constituer elles-mêmes les matrices stéréotypiques servant de support aux variables les caractérisant mais, dans la majorité des cas, elles constituent les variables du stéréotype qui les réunit.

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Page 558: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

c) Les stéréotypes étant illimités, ils sont généralement enchâssés les uns dans les autres. Il faut donc poser comme principe de base de leur description et de leur indexation celui du dossier uni-matriciel. Tout segment comportant des stéréotypes multiples sera décrit et indexé autant de fois qu'il y a de sous-stéréotypes ou de stéréotypes enchâssés.

d) Le caractère figé du stéréotype détermine sa répétabilité (et donc sa mise en oeuvre dans la traduction et dans la rédaction) et son repérage (en vertu d'un critère de récurrence inévitable).

e) Le degré de spécialisation sectorielle est inversement proportionnel au nombre des variables possibles. Dans un segment donné:

* la non-variabilité signale une entité terminologique.

* la faible variabilité indique une forte restriction de champ d'application, ex. [summer] depression in the rate of [stem diameter growth] La faible variabilité est liée au caractère fortement spécialisé des variables.

* la forte variabilité indique une utilisation généralisée. ex. apprécier [la valeur d'un immeuble] en fonction de [sa valeur locative].

On notera incidemment que la différence d'extension ou de portée recouvre des différences de catégories grammaticales des pivots terminologiques.

9. Dossiers terminologiques et dossiers phraséologiques

Le premier des grands principes que nous appliquons stipule que les entités phraséologiques et les entités terminologiques sont systématiquement corrélées dans leurs fichiers respectifs comme dans les textes ou le discours.

L'analyse d'environ 50 000 «termes» et 10 000 «expressions» nous a permis de dégager une structure de dossier terminologique approfondi et une structure de dossier phraséologique approfondi.

9.1. Dossier terminologique approfondi

Le dossier terminologique approfondi comporte, pour chaque valeur de chaque terme «capitalisé»:

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Page 559: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

- une rubrique du terme - une rubrique de synonymie - N rubriques de variantes - une rubrique d'antonymie - une rubrique de générique - N rubriques de spécifiques - N rubriques de composés - N rubriques de dérivés - N rubriques d'isonymes - N rubriques de corrélats (concepts liés) - N rubriques de contexte - N rubriques de stéréotypes phraséologiques incluant le terme

avec mention, pour chacun, de catégorie, statut, aire, et source

- une rubrique de définition - une rubrique de note technique - une rubrique de note linguistique - une rubrique de mise en garde avec mention de source

L'indexation s'effectue via

- une rubrique du type ou de la nature du réfèrent - une rubrique de secteur - une rubrique de domaine - une rubrique de liens - N rubriques libres

Le traitement des termes est variable et peut demeurer fortement lacunaire mais respecte, par rubrique, des normes de procédure extrêmement strictes.

Nous nous intéressons particulièrement, dans les limites des problèmes évoqués ici, aux interconnexions entre la phraséologie et la terminologie. Les rubriques permettant d'aborder la dimension phraséologique des vedettes terminologiques sont:

* les rubriques de contexte, puisque tout contexte est, par nature, phraséologique ; * les rubriques de stereotypie phraséologique, dans lesquels sont notées les

combinatoires immédiates ou «courtes» des termes, selon l'exemple ci-dessous avec, pour pivot, le terme droit de préemption:

bien soumis à droit de préemption avoir un droit de préemption disposer d'un droit de préemption reconnaître à quelqu'un un droit de préemption faire jouer son droit de préemption perdre son droit de préemption

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Ces deux types de rubriques permettent de recenser les environnements phraséo­logiques directs des unités terminologiques ou, si l'on préfère, les entités phraséo­logiques dont l'élément matriciel est constitué par une unité terminologique. Au-delà, les entités phraséologiques deviennent autant de vedettes de dossiers phraséologiques spécifiques.

9.2. Dossier phraséologique approfondi

Chacune des chaînes de caractères ayant statut de vedette phraséologique est traitée dans le respect des principes ci-après:

a) chaque dossier décrit et indexe un seul élément matriciel; b) l'indexation d'un stéréotype ne mobilise pas nécessairement tous les caractères

prévus; c) (sauf exceptions rarissimes) la base phraséologique est unilingue et chaque entité

est traitée dans sa langue, avec adjonction de clés dans une ou plusieurs autres langues. Ce principe permet l'exploitation de la phraséologie par le rédacteur;

d) la base phraséologique est couplée avec une ou plusieurs bases terminologiques dont les vedettes constituent aussi l'une des clés d'accès privilégiées à la base phraséologique;

e) le schéma de traitement est «provisoire».

Chacun des dossiers d'entités phraséologiques correspond à la structure ci-dessous:

<*> :

<clés 1> <clés 2>

<nature> <fonction> <notions>

<type docu> <section> <sous-section>

<domaine> <secteur> <groupe>

<caractères>

558

Page 561: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

<variables X> <variables Y>

<xl> : <x2> :

<source> :

Les contenus des rubriques sont précisés sur la grille légendée ci-dessous:

<*> : entité phraséologique dans la langue de la source

<clés>

<nature> <fonction>

<notions>

: clés d'accès à l'entité. Mots-clé dans une des langues de consul­tation. Rubrique répétitive (multiplier par le nombre de langues). Traduction possible si rigoureusement parallèle.

<clés 1> : clés matricielles (clés des éléments constitutifs de la ma­trice phraséologique)

<clés 2> : clés sur variables (clés des éléments présents dans le contexte)

nature de l'entité traitée. Exemple: Exemple. : fonction de l'entité traitée. Exemple: différencier; illustrer; ré­

futer; prédire; démontrer; comparer; introduire; etc. : notions auxquelles renvoie l'entité traitée. Exemple: opposition;

contraste; distinction; estimation; résultat; etc.

<type docu>

<section>

<sous-section>

<domaine> <secteur> <groupe>

type de document dans lequel l'entité est attestée. Exemple: Rapport d'expertise partie du document dans laquelle l'entité traitée est attestée. Exemple: Materials and Method sous-partie du document dans laquelle l'entité traitée est attestée. Exemple: Assessment

domaine de spécialisation. Comme pour la terminologie, sous-domaine de spécialisation. Comme pour la terminologie. Mention des limites spécifiques d'utilisation en cas de phraséologie maison. Peut aller jusqu'à la mention d'idiosyncrasies.

<caractères>

<variablesX>

<variables Y>

caractères de l'entité. Recouvre les éventuelles indication de niveau, registre, accentuation ou neutralisation, etc.

liste des variables possibles en position X (forme ou nature ou type, avec indexation si secteur différent de secteur de référence)

liste des variables possibles en position Y (forme ou nature ou type, avec indexation si secteur différent de secteur de référence))

559

Page 562: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

<x7> : rubrique de secours (éventuellement: variantes) <x2> : rubrique de secours (éventuellement: autres secteurs d'applica­

tion)

<source> : référencedudocumcnidoniestexlraile l'entité traitée.ou référence de l'informateur.

Le format inclut en fait trois séries de rubriques d'indexation homogènes et progressivement affinées («nature-fonction-notions», puis«typededocument-section-sous-section», puis «domaine-secteur-groupe»), auxquelles s'ajoutent des informations complémentaires (caractères, variables, source, etc.) et, bien entendu, des rubriques de gestion du type «auteur», «date de création», etc.

L'organisation du format repose sur une évidence: l'indexation de chaque unité phraséologique mobilise, au-delà des clés, un type de rubrique prioritaire. En effet, la spécificité d'une unité donnée tient:

- soit à son statut (nature et notion/fonction), auquel cas elle correspond à un stéréotype notionnel ou fonctionnel,

- soit à son champ d'utilisation (domaine/secteur/groupe), auquel cas elle corres­pond à un stéréotype sectoriel,

- soit au segment qui l'intègre (type de document/section/sous-section), auquel cas elle correspond à un stéréotype discursif,

Lorsque les caractères différentiels de l'unité traitée s'accumulent, l'indexation finale, complète, peut croiser deux ou même trois descripteurs de types différents. On peut ainsi observer des stéréotypes phraséologiques dont la spécificité tient à la fois à la fonction (ex. énoncé d'un problème), au type de document (ex. manuel) et au domaine d'application (ex. mathématique).

10. Exemple de dossier phraséologique

<*> : [Cette possibilité se trouve illustrée par] la figure [1.1] où l'on supposeque [les impôlsconsti tuent laseuleperte de revenu] etque [les dépenses publiques représentent le seul facteur exogène agissant sur ce revenu]

<clés 1> : figure; represent; assum

<clés 2> : income; loss; public spending; exogenous; bear; possib; illustr;

<nature> :

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Page 563: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

<fonction> <notions>

<type docu> <section> <sous­section>

<domaine> <secteur> <restriction>

<caractères> <variables X> <variables Y>

<xl> <x2>

commentaire; précision; postulat; assumption; courbe

?dossier pédagogique? ?Théorie des effets exercés par le budget ?Excédent de plein emploi

?économie financière? ?effets exercés par le budget? ?néant?

<source> : Elizabeth Vessilier: Fondements de Τ économie financière; PUF, Paris, 1972.

Dans l'exemple ci­dessus, les signes ? encadrant une entrée de fiche indiquent qu'il s'agit de données non significatives (introduites à titre d'information).

Si le logiciel le permet, le schéma retenu prévoit l'interrogation sur (i) toute chaîne de caractères présente dans l'entité phraséologique elle­même, (ii) toute chaîne de caractères présente dans les variables et donc le contexte, (iii) toute clé, (iv) toute notion ou combinaison de notions, (v) tout descripteur de fonction, (vi) tout descripteur de type de document, (vii) tout descripteur de section ou sous­section, et enfin (viii) toute combinaison de descripteurs ou clés.

L'utilisateur peut ainsi:

* obtenir, dans la langue de l'entité phraséologique traitée, des contextes de termes (le segment est contexte pour tous ses constituants terminologiques).

* obtenir, dans une autre langue, des équivalents et combinatoires phraséologiques de termes correspondant à des éléments du segment traité (clés).

* obtenir, dans l'une ou l'autre langue, les formulations et combinatoires de notions données.

* accéder, à partir de chacune des langues dans lesquelles les descripteurs correspon­dants sont spécifiés, aux stéréotypes phraséologiques correspondant à une finalité discursive donnée dans des conditions données de type de discours et type de champ d'application.

* constituer des répertoires phraséologiques homogènes par séries cohérentes de descripteurs (secteur­domaine et/ou type de document­section et/ou notion/fonc­tion). On peut ainsi imaginer qu'un traducteur ou rédacteur dispose, avant de

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Page 564: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

commencer son travail, d'un répertoire complet des stereotypies du guide de maintenance en mécanique.

Le schéma marque l'intégration ultime de la phraséologie et de la terminologie au «discours». Il aboutit à des formes d'exploitation qui servent autant le rédacteur que le traducteur.

11. Contraintes

La solution des nombreux problèmes rencontrés dans la mise au point du prototype exige la mise en oeuvre d'un cahier des charges extrêmement rigoureux. L'essentiel des contraintes est présenté ci-après.

a) exception faite des clés terminologiques, l'indexation ne doit porter que sur une seule matrice à la fois. Dans l'exemple de dossier précédemment cité, l'indexation hors-clés concerne exclusivement la matrice «figure où l'on suppose que».

b) aucun descripteur non significatif ne doit être introduit dans le dossier. c) pour alléger les volumes d'indexation, les descripteurs doivent correspondre à des

formes tronquées non ambiguës et faire, si possible, fonction d'interlangue. d) les descripteurs doivent répondre à des définitions strictes. e) tout descripteur de fonction ou de notion doit avoir été pré-recensé dans un

thésaurus de la base. Aucun descripteur idiosyncratique ne peut être créé ni utilisé. f) lorsqu'un même élément de description peut intervenir dans plusieurs rubriques

d'index, il est répété. Ainsi, la chaîne de caractères exemple (clé) désigne l'exemple (notion) dans un exemple (nature) servant d'exemple (fonction) dans la sous-section exemple d'un document.

g) la mise en place des clés inter-linguistiques donne lieu à un contrôle systématique par des professionnels compétents.

12. Perspectives

Il existe au moins deux grandes catégories de «clients» pour une base de données phraséologiques. Ce sont, d'une part, les traducteurs et rédacteurs et, d'autre part, tous ceux qui ne peuvent échapper à la rédaction dans une langue autre que leur langue maternelle. Ajoutons qu 'il semble difficile aux étudiants en traduction de se dispenser d'une réflexion sur la phraséologie, d'une assimilation phraséologique conséquente dans le domaine de la langue générale comme dans leurs futurs domaines de compétence, et d'une réflexion sur le langage et sa description fonctionnelle.

Nous avons quelques éléments de réponse. Nous entendons poursuivre la mise en place de fichiers parallèles terminologiques-phraséologiques. Nous espérons voir se

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Page 565: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

développer des travaux de même nature afin qu'intervienne aussi rapidement que possible une harmonisation des procédures et des modalités de description des entités phraséologiques. Il est notamment urgent que soient créés des thésaurus des notions, fonctions, types de documents, et autres catégories de descripteurs utiles ou néces­saires à la phraséologie.

En attendant, nous continuons, un peu au jugé, à baliser l'océan phraséologique dans lequel émergent, familiers et presque réconfortants, les îlots terminologiques.

Daniel GOUADEC Professeur

Université de Rennes 2 Haute Bretagne 6, avenue Gaston Berger

F-35043 Rennes cedex

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Page 566: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations
Page 567: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Übersetzungsorientierte Phraseologieverwaltung

in Terminologiedatenbanken Gerhard Budin I Christian Galinski

Übersicht

1 Reflexion der neueren fachsprachlich-terminologischen Phraseologieforschung 2 Terminus versus (terminologisches) Phrasem: ein theoretisches und praktisches Abgrenzungs­

problem 3 Übersetzungsorientierte Phraseologieverwaltung in Terminologiedatenbanken: praktische

Probleme und Strategien 4 Ausblick

1 Reflexion der neueren fachsprachlich-terminologischen Phraseologie­forschung

Ausgehend von einer kritisch-vergleichenden Diskussion linguistischer Theorien und Ansätze zur Phraseologieforschung und ihrer Relevanz für die Fachsprachen-und Terminologieforschung (siehe dazu insbesondere Kjaer, Picht, Galinski, Budin alle 1990) wird hier knapp eine theoretische Ausgangsposition für praktisch­methodische Überlegungen skizziert.

Die basale Untersuchungseinheit soll hier das Phrasem sein, das nach Fleischer (Fleischer 1982:15) eine feste Wortverbindung mit der grammatischen Struktur einer Wortgruppe ist. Während Fleischer auch Phrasen (feste Wortverbindung mit der grammatischen Struktur eines Satzes (ebda.) inkludiert, sollen diese hier nicht mitbehandelt werden, da dies auf der praktisch-methodischen Ebene bereits das Textmanagement (Galinski/Budin 1991) im weitesten Sinn betreffen würde.

Die drei Hauptkriterien für die Abgrenzung von Phrasemen von freien Kollokationen sind nach Fleischer (1982: 34 ff)

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(l)Idiomatizität (2)Stabilität (3)lexikalische Einheit.

Für die Anwendung in der Fachsprachenforschung müssen diese Kriterien allerdings adaptiert werden. Bei fachsprachlich/terminologischen Phrasemen muß die Eigenschaft des «Idiomatischen» etwas umgedeutet werden. So ist z.B. der Grundsatz, wonach ein Phrasem idiomatisch ist, wenn die Gesamtbedeutung nicht aus den Bedeutungen der einzelnen autosemantischen Komponenten erschlossen werden kann, bei fachsprachlich- terminologischen Phrasemen nicht ohne Differenzierung anwendbar. Obwohl fachsprachlich-terminologische Phrasème oft metaphorischen Charakter haben, geht der Motivationszusammenhang meist nicht verloren, wodurch sich ein relativ geringer Grad an Idiomatisierung ergibt: die Gesamtbedeutung des Phrasems ist aus einer der Komponenten ableitbar.

Beispiel 1: Beispiel 2: einen Wechsel negoziieren ein Amt antreten to negotiate a draft ein Amt ausüben négocier une traite im Amt bleiben negociar un giro (Storck 1989: 93) (Haensch 1965: 148).

In diesen Beispielen ist die Gesamtbedeutung im terminologischen Sinne ein Begriff, der einen ganz bestimmten Prozeß repräsentiert. In Beispiel 1 ergibt sich die Motivation des Phrasems aus der Tatsache, daß beide begriffliche Komponenten (Wechsel, negoziieren) zwar als Termini auch selbständig vorkommen, sich aber zusammen gegenseitig im Phrasem bestimmen und eine nicht-triviale begriffliche Bestimmung des Phrasems notwendig machen, d.h. diesen Prozeßbegriff zu definieren. In Beispiel 2 sind die Verben zwar keine Benennungen mit terminologisch bestimmbarem Inhalt, doch repräsentieren die genannten Phrasème ebenfalls abgrenzbare Prozesse.

Vereinzelt kommen aber auch fachsprachlich-terminologische Phrasème mit hohem Idiomatizitätsgrad vor, wobei sich interlingual oft große Unterschiede ergeben.

Beispiel: to be called to the bar als Anwalt zugelassen werden (Glass 1982)

Im Englischen ist der Idiomatizitätsgrad eindeutig höher als im Deutschen, der Motivationsgrad verhält sich dazu umgekehrt proportional.

Die Stabilität von fachsprachlich-terminologischen Phrasemen ergibt sich in erster Linie aus dem Grad ihrer Terminologisierung und ist somit vor allem durch das Kriterium der lexikalischen Einheit bestimmt.

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Page 569: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Aber auch hier ergeben sich Unterschiede: so sind zum Beispiel die Phrasème An­ und

Abfuhr ­ pick up and delivery ­ camionnage au départ et à Γ arrivée ­ acarreo (S torck

1989: 13) sowohl semantisch (also begrifflich) als auch syntaktisch absolut stabil,

d.h. es wäre nicht einmal möglich, «Ab­ und Anfuhr»* zu sagen. Andererseits gibt es

eine Reihe von fachsprachlich­terminologischen Phrasemen mit geringer Stabilität,

in dem Sinne, daß auch phraseologische Vollsynonyme auftreten können.

Beispiel: einen Wechsel negoziieren einen Wechsel begeben einen Wechsel ankaufen (Storck 1989: 93).

Diese Synonymie (die bei diesem Beispiel nur im Deutschen vorhanden ist) ist auch

schon auf der Benennungsebene gegeben: Negoziierung, Begebung.

Das dritte Kriterium ist die lexikalische Einheit, die wir für unsere Zwecke auch

terminologische Einheit nennen können (Budin 1990: 68). Diese Einheit ist für die

Abgrenzung von fachsprachlich­terminologischen Phrasemen und freien fach­

sprachlichen Kollokationen eigentlich das entscheidende und primäre Kriterium:

ohne semantisch­begriffliche Analyse ist es unmöglich, diese Abgrenzung

vorzunehmen.

Folgendes Beispiel zeigt die Notwendigkeit einer exakten terminologischen Analyse:

Die Überschrift Werkzeuge für das Urformen von Metallen aus dem festen Zustand

aus einem Lehrbuch (Günther/Lothmann 1974: 58 ff) enthält auf einer ersten

Unterteilungsebene zwei terminologische Einheiten: 1. Werkzeuge; 2. (das) Urformen

von Metallen aus dem festen Zustand. Die zweite Einheit ist u.E. ein terminologisches

Phrasem, das ein ganz bestimmtes Verfahren bezeichnet, das begrifflich genau

bestimmt und von anderen Verfahren unterschieden werden kann. Dieses Verfahren

zerfällt in 4 Teilprozesse (deren Aufzählung einer sequentiellen Prozeßdefinition

gleichkommt):

Herstellung und Wiederverarbeitung der Pulver

Formgebung

Sintern

T Weiterbearbeitung der Teile

Formgebung und

Sintern sind auch in

einem Arbeitsgang

möglich

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Page 570: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Wie bei fast allen Benennungen sind volle begriffliche Intension und Extension aus den Elementen der Benennungen nicht (ausreichend) erkennbar, weshalb eine Definition wichtig wird.

2 Benennung versus (terminologisches) Phrasem: ein theoretisches und praktisches Abgrenzungsproblem

Das zuletzt genannte Beispiel zeigt auch die Problematik der Abgrenzung zwischen Mehrwortbenennung und fachsprachlich-terminologischem Phrasem. Die Vermutung drängt sich auf, daß zwischen beiden Kategorien ein großer Überlappungsbereich besteht, d.h. daß terminologische Phrasème, die eindeutig einen Begriff (und damit einen abgrenzbaren Prozeß repräsentierend) darstellen, selbst auch Mehrwort-Benennungen sind. Der Unterschied liegt dann in der Varianz des Verdichtungsgrades der syntaktischen Oberflächenstrukturen.

Die folgende Abbildung soll diesen Zusammenhang verdeutlichen:

Kriterien : Idiomatizität Stabilität

lexikalische Einheit

nur z. T. erfüllt

weitgehend erfüllt

Fachsprache

fachsprachliche Phrasème

terminologische Phrasème

Allgemeinsprache

freie allgemeinsprachliche Phrasème

allgemeinsprachliche Phrasème

Alle bisher genannten Beispiele wären somit terminologische Phrasème, d.h. sie sind zugleich Mehrwortbenennungen und Phrasème. Somit scheint aber das Abgren­zungsproblem nur verschoben worden zu sein: was ist der Unterschied zwischen einem terminologischen Phrasem und einem fachsprachlichen Phrasem? So kann etwa das Kriterium der lexikalischen (also terminologischen) Einheit nicht erfüllt sein, trotzdem ist eine Benennung im Phrasem enthalten. Da solche Phrasème in ihrer Gesamtbedeutung mehr als einen Begriff repräsentieren, lassen sie sich nicht definieren, sondern höchstens erklären und durch Ko(n)texte erläutern. Deshalb sollten diese fachsprachlichen Phrasème getrennt von terminologischen Phrasemen in Datenbanken verwaltet werden.

Die Abgrenzung zwischen terminologischen Phrasemen und allgemeinsprachlichen Phrasemen bzw. zwischen fachsprachlichen Phrasemen und allgemeinsprachlichen Kollokationen ist ein typisches Beispiel für das (ewige) Abgrenzungsproblem zwischen Fachsprache und Allgemeinsprache.

Die Probleme, die bei der Untersuchung jargonhafter Phrasen entstehen, können aus Platzgründen hier nicht diskutiert werden.

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Page 571: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

3 Übersetzungsorientierte Phraseologieverwaltung in Terminologiedaten­banken: praktische Probleme und Strategien

Die bisherige Praxis der Terminologieverwaltung in Datenbanken hat im wesentlichen den Stand der theoretischen Diskussion reflektiert: in erster Linie ging es um die Verwaltungvon Benennungen (meist einfacherer Struktur). Komplexe Benennungen und fachsprachlich-terminologische Phrasème wurden bisher häufig nicht beachtet oder nicht erfaßt. Da Terminologiedatenbanken unterschiedlich eingesetzt werden, ist anzunehmen, daß das fehlende Augenmerk auf Phrasème nicht überall Probleme verursacht hat. Für Übersetzer und Dolmetscher, als einer großen Anwendergruppe war dies auf jeden Fall ein größeres Manko. Aufgrund des gestiegenen Problem­bewußtseins bei Sprachendiensten, aber auch bei Softwareentwicklern werden nun Konzepte zur übersetzungsorientierten Phrasemverwaltung in Terminologie­datenbanken entwickelt und implementiert.

Dieses Manko bezieht sich nicht nur auf Phrasème aller Art, sondern auch auf den komfortablen Zugriff auf Elemente terminologischer oder phraseologischer Einheiten (Lemmatisierung) und die Erfassung - soweit sinnvoll/notwendig - von solchen Elementen in eigenen Einträgen (z.B. das Suffixoid -itis in der Medizin als un­selbständiges Morphem, das trotzdem einen medizinischen Fachbegriff bezeichnet).

Ausgehend vom terminologischen Eintrag al s grundlegende Einheit für die Verwaltung von terminologisch relevanten (mehrsprachigen) Informationen stellt sich die Frage, ob Phrasème in der Praxis ebenso wie Mehrwortbenennungen behandelt werden sollen, oder ob sie getrennt von diesen in eigenen Einträgen oder sogar in eigenen Dateien eingetragen werden sollen. Diese Entscheidung muß sowohl vor dem Hintergrund der theoretisch-methodologischen Diskussion, als auch angesichts eines (meist) schon vorhandenen Datenbankdesigns (und der entsprechenden Datenstrukturen) getroffen werden (siehe den «Entscheidungsbaum» von Galinski 1990:77). In einer unlängst durchgeführten empirisch-komparativen Analyse der Datenstrukturen von 30 verschiedenen Terminologiedatenbanken (mainframe, mini, PC sowie methodische Leitfäden etc.) (Wright/Budin 1991) konnte (wieder) deutlich nachgewiesen werden, wie stark verschiedene Ansätze der Terminologieverwaltung in Datenbanken und ihre konkreten Implementierungen divergieren. Doch wie unterschiedlich auch Informationen unterteilt werden mögen, wichtig ist die pragmatisch-praktische Ersetzbarkeit des Datendesigns: die Benutzer müssen jene Informationen rasch und unkompliziert finden können, die sie für ihre eigene Arbeit benötigen. Dabei gilt jedoch stets der Grundsatz: eine Terminologiedatenbank kann nur so gut sein, wie das zugrundeliegende Datendesign praktikabel ist.

Wird etwa das bereits erwähnte Phrasem einen Wechsel negoziieren in einem eigenen Eintrag verwaltet, also getrennt von (herkömmlichen terminologischen) Einträgen

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Page 572: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

für Wechselund negoziieren ist auf jeden Fall sicherzustellen, daß im Retrievalprozeß die entsprechenden Verweise und Querverbindungen zu diesen Einträgen hergestellt sind. Im Wörterbuch, aus dem dieses Beispiel entnommen wurde, ist es interessanterweise unter N gereiht, unter W findet sich aber nicht einmal ein Hinweis auf die Existenz dieses Eintrags! Auch von den bereits erwähnten Synonymen (einen Wechsel begeben etc.) gibt es keinen Verweis auf diesen Eintrag. In einer ent­sprechend komplexen Terminologiedatenbank sollten alle diese Zugriffe kein Problem sein. Im Datenbankdesign könnte also folgende Struktur vorliegen:

negoziieren

Dieser Struktur liegt die Annahme zugrunde, daß negoziieren terminologisch genügend bestimmbar und nicht bloß ein semantisch angereichertes Funktionsverb ist.

In einer benennungsorientierten Terminologiedatenbank kann man das terminologische Phrasem einen Wechsel negoziieren in einer eigenen Phraseologiedatei erfassen und verwalten. Wenn es als gesichert erscheint, daß es sich um ein terminologisches Phrasem handelt, sollte es als solches gekennzeichnet und wie eine Benennung verwaltet werden. Erfaßt man terminologische Phrasème - wie aus Gründen der methodischen Exaktheit empfehlenswert ist - im Rahmen einer Terminologiedatei, sollten solche Einheiten (etwa als grammatikalisch-linguistische Information) als Phrasème gekennzeichnet werden, da dies Such- und Sortiervorgänge erleichtern kann.

Bei der Querverbindung zwischen terminologischen (Grund-)Einträgen und Phrasem-Einträgen ist folgender Fall die Regel:

Ein terminologischer Eintrag ist mit mehreren fachsprachlichen Phrasem-Einträgen verknüpft:

570

Page 573: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Beispiel:

In diesem Fall wäre es wohl nicht angebracht, antreten, ausüben und bleiben als eigene terminologische Einträge zu führen, da hier der Funktionsverbcharakter überwiegt und terminologische Einheiten für diese Verben nicht identifizierbar sind. Eine Suchmöglichkeit nach diesen Verben könnte allerdings nützlich sein.

Im Deutschen wird durch Verdichtung auf der sprachlichen Oberfläche (meist durch Nominalisierung und Komposition) auch ein stärkerer Terminologisierungsgrad erreicht (Amtsverbleib, Amtsantritt, Amtsausübung).

In terminologischen Einträgen ist es üblich, den unterschiedlichen Informationsarten entsprechend verschiedene Datenkategorien (konkret als Datenfelder) zu unter­scheiden. Dies gilt auch für fachsprachliche Phrasème.

Folgende Datenkategorien erscheinen für die Verwaltung fach sprachlicher/ terminologischer Phrasème ausreichend:

- fachsprachliches Phrasem (als Haupteintrag) - phraseologische Synonyme - Varianten (orthographischer Art) - phraseologische Elemente (Teilkomponenten mit Querverweisen auf terminologische Einträge) - Kurzform/Vollform - Symbol (als Teil eines Phrasems) - Antonym zu Haupteintragsphrasem - Phrasembestimmung (Prozeßdefinition) - Ko(n)text - Tabellen/Formeln/Illustrationen (für die graphische Darstellung komplexer Prozeßabläufe) - geographische Beschränkung - Inhouse-Phrasem - Trademark/Warenzeichen (als Teil eines Phrasems) - genormtes Phrasem etc.

Für die mehrsprachige Textgestaltung (multilingual technical writing) ist es wichtig, möglichst viele Textbausteine klassifizieren und (computergestützt) bearbeiten zu

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Page 574: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

können. Das folgende Beispiel aus einem Lehrbuch für Mathematik soll zeigen, daß

auch komplexe Themen als terminologische Phrasème aufgefaßt werden können:

(1) Inhaltliches Lösen von Ungleichungen

Einfache lineare Ungleichungen können durch inhaltliche Betrachtungen gelöst werden, z.B. durch systematisches Probieren in Tabellen, Anwenden der Umkehroperationen, Veranschaulichungen auf dem Zahlenstrahl bzw. der Zahlengeraden.

BEISPIEL 5/42

Die Ungleichung χ + 4 < 8 hat im Bereich der natürlichen zahlen die in der Tabelle ermittelten Lösungen:

X

x + 4

0

4

1

5

2

6

3

7

Die Lösungsmenge ist L = {0; 1; 2; 3). Veranschaulichung am Zahlenstrahl (Bild 5/12) Diese Ungleichung χ + 4 < 8 hat im Bereich Q+ der gebrochenen Zahlen die Lösungsmenge L={r.xeQtÅx<4). Veranschaulichung am Zahlenstrahl (Bild 5/13)

» » f r je I I >

0 1 2 3 4 5 χ

Bild 5/12

I I I I k I I I 0 1 2 3 4 5

Bild 5/13

6 7

(2) Kalkülmäßiges Lösen von Ungleichungen

Ziel des Lösens von Ungleichungen ist es, die gegebene Ungleichung durch äquivalente Umformungen in eine Grundform (einfachste Form) zu überführen, aus der die Lösungen ermittelt werden können. Für das äquivalente Umformen von Ungleichungen gelten folgende Regeln:

Wenn für die Terme Γ,, T2 keine Einschränkungen gelten, dann ist zu der gegebenen Ungleichung Γ, < T2 äquivalent

1. die Ungleichung T2 > Γ,, 2. die Ungleichung Τλ + Τ<Τ2+Τ bzw.

TrT<T2­T, wobei Τ im gesamten Variablengrundbereich definiert ist,

Τ Τ 3. die Ungleichung Τί·Τ<Τ2·Τ, bzw. —!-< —?­¡ wobei Τ im gesamten Variablengrundbereich definiert und positiv ist,

Τ Τ

4. die Ungleichung Τχ·Τ>Τ2·Τ, bzw. __!_> —L.

wobei Τ im gesamten Variablengrundbereich definiert und negativ ist.

(Hilbert 1987: 218)

572

Page 575: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

In diesem Beispiel kann etwa das Thema «Lösen algebraischer Ungleichungen» als fachsprachliches Phrasem aufgefaßt werden, in dem zwei mathematische Fachbegriffe kalkülmäßig lösen und algebraische Ungleichung zu einem Themabegriff verdichtet werden.

Der Textteil in diesem Beispiel zeigt, daß der Übergang von fachsprachlichen Phrasemen zu sogenannten Standardtextteilen fließend ist. Bei der computergestützten Texterstellung sollte es möglich sein, in komfortabler Weise Textblocks verschiedener Länge und unterschiedlicher Variabilität speichern und bei Bedarf aufrufen und verändern zu können (z.B. Für das äquivalente Umformen von Ungleichungen gelten folgende Regeln, die gegebene Ungleichung... ineineGrundformüberführen...). Auch die darauffolgende Präsentation der Äquivalenzen von Ungleichungen folgt einem festen Schema, das in einem authoring system als Standardtextmaske gespeichert sein könnte. Eine Versionenverwaltung in der Textdokumentation wird unabdingbar, da sowohl der kontextuelle Zusammenhang als auch die individuelle Genese eines bestimmten Textes durch mehrmaliges Überarbeiten solche teilstabilisierten Textblocks, aber auch fachsprachliche Phrasème verändern können.

4 Ausblick

Die vorangegangenen Überlegungen haben u.a. gezeigt, daß die Behandlung von Phrasemen von (bereits bestehenden oder zu erstellenden) Datenbankdesigns abhängig ist. Für die exakte Differenzierung und Abgrenzung von Phänomenen im Span­nungsfeld zwischen «Terminologie» und «Text» (als prototypische Begriffe hier aufgefaßt), wie dies Phrasème verschiedener Art darstellen, sind noch zahlreiche empirische Untersuchungen notwendig.

Bisherige theoretische Ansätze der Terminologieforschung müssen ebenso revidiert und erweitert werden wie textlinguistische Beschreibungsmodelle. Der oben erwähnte fließende Übergang von komplexen Benennungen (einschließlich terminologischer Phrasème) zu fach sprachlichen Phrasemen, Standard textblocks und variablen Textstrukturen ist für die Texterstellung und -rezeption von großer Bedeutung.

BIBLIOGRAPHIE

BUDIN, G. Terminological analysis of LSP phraseology. Terminology Science & Research 1 (1990), no. 1-2, p. 64-69

FLEISCHER, W. Phraseologie der deutschen Gegenwartssprache. Leipzig: VEB, 1982 GALINSKI, C. Terminology and phraseology. Terminology Science & Research 1 (1990), no. 1-2,

p. 70-86

573

Page 576: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

GALINSKI, C/BUDIN, G. Comprehensive quality control in standards­text production and retrieval. In: Proceedings of the Symposium on Standardizing Terminology for Better Communication: Practice, Applied Theory, and Results, ASTM, Cleveland, Ohio, 12­14 June 1991

KJAER, A.L.. Phraseology research ­ state of the art. Terminology Science & Research 1 (1990), no. 1­2, p. 3 ­ 20

PICHT, H. LSP phraseology from the terminological point of view. Terminology Science & Research 1(1990), no. 1­2, p. 33­48

WRIGHT, S.E./ BUDIN, G. Comparative analysis of data categories used in terminology data bases, practical guidelines and exchange formats. Working document for Text Encoding Initiative, Working Group A&I 7,1991 (manuscript)

Praktische Beispiele aus:

GLASS, G. Englische Rechtssprache. Wiesbaden/Berlin: Bauverlag, 1982

GÜNTHER, Cy LOTHMANN, G. Ur­ und Umformwerkzeuge. Berlin: VEB, 1974

HAENSCH, G. Wörterbuch der internationalen Beziehungen und der Politik (Deutsch ­ Englisch ­

Französisch ­ Spanisch). München: Hueber, 1965

HILBERT, Α. Mathematik. Leipzig: VEB, 1987

STORCK K.O. Fachausdrücke in vier Sprachen aus Handel und Verkehr (Deutsch ­ Englisch ­Französisch ­ Spanisch). Hamburg: Storck, 1989

Dr. Gerhard BUDIN, Christian GALINSKI

Infoterm Heinestraße 38

A­1021 Wien

574

Page 577: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

· ·

Phraseologie und Übersetzen -Ergebnisse und Perspektiven

Reiner Arntz

Die Aufgabe, am Ende des Symposions Phraséologie et terminonologie en traduc­tion et en interprétation ein Fazit zu ziehen, ist ebenso ehrenvoll wie schwierig. Denn es geht um eine Veranstaltung, die eine Fülle von Anregungen und Erkenntnissen geboten hat, die zunächst einmal verarbeitet werden wollen. Es wäre daher vermessen und würde meine Möglichkeiten übersteigen, wenn ich versuchen würde, hier eine Zusammenfassung oder Auswertung des gesamten Symposions zu geben, was angesichts der Tatsache, daß zahlreiche Veranstaltungen parallel stattgefunden haben, ja ohnehin nicht möglich wäre Ich will mich daher darauf beschränken, Ihnen einige subjektive Eindrücke vorzutragen und insbesondere auf die Frage eingehen, in welchen Bereichen das Symposion Anregungen für weiterführende Arbeiten gegeben hat. Dabei möchte ich den Schwerpunkt auf den Bereich legen, der mir aus meiner eigenen Arbeit besonders vertraut ist, nämlich Übersetzung und Übersetzungsdidaktik.

Ein 50. Geburtstag ist ein wichtiges Ereignis, besonders dann, wenn der Jubilar ein so renommiertes Institut ist wie die Ecole de Traduction et d'Interprétation der Universität Genf. Deshalb hat natürlich auch die Wahl des Themas für das Symposion, das anläßlich dieses 50. Geburtstags abgehalten wird, eine programmatische Bedeutung. D.h., mit der Entscheidung für die Themenbereiche Terminologie und Phraseologie bringt die ETI zum Ausdruck, daß sie hier wichtige Schwerpunkte ihrer bisherigen und sicherlich auch ihrer künftigen Arbeit sieht.

Terminologie und Phraseologie spielen bzw. spielten im Rahmen der Über­setzerausbildung eine unterschiedliche Rolle. Dies folgt aus dem Wesen der beiden Bereiche: Für die Phraseologie ist wesenskonstitutiv, daß sie ein Teil von Sprache (nicht etwa nur von Fachsprache) ist, mit anderen Worten, sie ist - im Gegensatz zur Terminologie - auch im Bereich des gemeinsprachlichen Übersetzens von wesentlicher Bedeutung.

In der Übersetzerausbildung sind Fachtexte - und damit auch terminologische Fragen -erst seit Mitte der 70er Jahre stärker in den Blickpunkt des Interesses getreten. Zwar

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Page 578: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

hat man sich auch früher bereits mit Fachtexten beschäftigt, doch geschah dies eher

unsystematisch. Daraus ergibt sich zugleich, daß phraseologische Probleme ­ implizit

oder explizit ­ in der Übersetzerausbildung schon zu einer Zeit eine Rolle gespielt

haben, als man über das Thema Terminologie noch recht wenig nachgedacht hat.

Daher konnten bereits in einer relativ frühen Phase der Übersetzerausbildung

phraseologische Erkenntnisse aus der (gemeinsprachlich orientierten) Linguistik

bzw. aus der Lexikographie genutzt werden.

Im Rahmen der immer intensiver werdenden Beschäftigung mit Fachtexten im

Rahmen der Übersetzerausbildung trat dann auch die Terminologie immer stärker in

den Mittelpunkt des Interesses; diese Entwicklung fand ihren ganz konkreten

Niederschlag darin, daß an einer Reihe von Instituten das Fach Terminologie in das

Curriculum für Übersetzer integriert wurde. Wenngleich Aspekte der Phraseologie

von Anfang an im Rahmen der Terminologieausbildung eine gewisse Rolle spielten,

lag der Schwerpunkt der Betrachtung zunächst auf dem Terminus im engeren Sinne.

Der Grund liegt zum einen darin, daß der Terminus das mit Abstand wichtigste

Element der Fachsprache darstellt, aber auch darin, daß wichtige methodisch­

theoretische Vorarbeiten, auf die sich die Ausbildung stützen konnte, im Bereich der

technischen Terminologien, vor allem in der Normung, geleistet worden waren, und

hier ging es nun einmal ­ von wichtigen Ausnahmen abgesehen ­ in allererster Linie

um den Terminus. Aber auch die Terminologieausbildung hat im Laufe der Zeit eine

bemerkenswerte Entwicklung erfahren, die zu einer Öffnung in verschiedene

Richtungen und nicht zuletzt zu einer Überwindung der vielfach recht willkürlichen

Unterteilung in sogenannte «Schulen» geführt hat, von denen in früheren Jahren so

häufig die Rede war. Dies hat nicht zuletzt die Rencontre internationale sur Γ ensei­

gnement de la terminologie, die im September 1988 an der Universität Genf stattfand,

bestätigt.

Diese Öffnung der Terminologieausbildung wurde begleitet von einer Perspek­

tivenerweiterung im Bereich der Fachsprachenforschung, eine Entwicklung, die man

mit den Worten «vom Fachwort zum Fachtext» charakterisieren könnte. D.h.,

nachdem auch hier zunächst der Terminus im Mittelpunkt der Untersuchungen

gestanden hatte, traten nach und nach Phrase, Satz, Text, Textumgebung in den

Blickpunkt.

Daß dabei das besondere Interesse der Phraseologie in ihren unterschiedlichen

Erscheinungsformen gilt, ist naheliegend, denn die Phrase stellt ja das unverzichtbare

Bindeglied zwischen Terminus und Text dar. Dies ist von besonderer Relevanz in der

Übersetzerausbildung, wo Terminologiearbeit ja letztlich mit Blick auf das Übersetzen

geleistet wird. Es liegt auch nahe, daß man soweit wie möglich auf die Ergebnisse der

gemeinsprachlich orientierten Phraseologieforschung zurückgreift, denn es gibt,

neben unbestreitbaren Unterschieden, zahlreiche Parallelen, die es herauszuarbeiten

gilt. Das gilt wiederum in besonderem Maße im Rahmen der Übersetzerausbildung,

576

Page 579: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

denn hier sind fachsprachliche und gemeinsprachliche Ausbildungselemente auf allen Ausbildungsebenen eng miteinander verknüpft, so daß eine unnötige Abgrenzung zwischen fachsprachlicher und gemeinsprachlicher Phraseologie nur zu Verwirrung führen kann.

Die allmähliche Einbeziehung größerer sprachlicher Einheiten in die Termino­logieausbildung bzw. die Berücksichtigung von Erkenntnissen anderer Teilgebiete der Sprachwissenschaft wurde ganz entscheidend dadurch begünstigt, daß es - im Gegensatz zur Situation von noch vor zwanzig Jahren - ein recht solides sprach- bzw. übersetzungswissenschaftliches Fundament für die Übersetzerausbildung gibt. Sprachwissenschaftliche Lehrveranstaltungen im weitesten Sinne des Wortes sind in vielen akademischen Ausbildungsinstituten fester Bestandteil des Lehrangebots; gleichzeitig fließen sprachwissenschaftliche Erkenntnisse heute viel stärker in die Gestaltung der übersetzungspraktischen Lehrveranstaltungen ein, als dies noch vor zwanzig Jahren der Fall war. Mit anderen Worten : Während das Übersetzen zunächst als eine - wenn auch schwierige - Fertigkeit gesehen wurde, ist das kritische Nachdenken des Übersetzers bzw. des angehenden Übersetzers über das eigene (übersetzerische) Handeln im Laufe der Zeit zu einem integrierenden Bestandteil der Ausbildung geworden. Dies ist das Ergebnis einer bisweilen schwierigen Entwicklung, die nicht immer einhellig begrüßt worden ist. Tatsächlich ist es nicht ganz ohne Risiko, wenn man versucht, in einen praxisorientierten Studiengang im nachhinein Theorieelemente einzufügen. Denn jede Überbetonung theoretischer Aspekte hat zur Folge, daß die unverzichtbare Praxisorientierung der Ausbildung Schaden nimmt. Auch hier hat sich, wie ich meine, mittlerweile eine realistische Einschätzung durchgesetzt. Es herrscht weitgehend Einigkeit darüber, daß übersetzungs­wissenschaftliche bzw. ganz allgemein sprachtheoretische Ausbildungsanteile im Rahmen der Übersetzerausbildung der Legitimation bedürfen, daß sie einen Bezug zur Praxis bzw. zu den praxisorientierten Studienelementen aufweisen müssen. Nicht zuletzt unter dem Einfluß dieses heilsamen Drucks hat sich auch innerhalb der Übersetzungswissenschaft eine Öffnung vollzogen: in dem Bemühen, theoretische Grundlagen zu bieten, von denen das Übersetzen und die Übersetzungsdidaktik in konkreter Weise profitieren können, werden in immer stärkerem Maße Erkenntnisse der Fachsprachenforschung und der Textlinguistik in übersetzungswissenschaftliche Überlegungen einbezogen.

Es geht also einerseits darum, in der Übersetzerausbildung ein Gleichgewicht zwischen Theorie und Praxis herzustellen, und andererseits darum, Erkenntnisse aus unterschiedlichen Teilbereichen der Sprachwissenschaft zusammenzuführen bzw. für einander nutzbar zu machen. Hierzu hat das Symposion einen wesendichen Beitrag geleistet.

Drei Aspekte, die in einer größeren Zahl von Referaten behandelt wurden, bieten m.E. mit Hinblick auf das Übersetzen und die Übersetzungsdidaktik besonders interessante

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Page 580: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Anregungen für die weitere Arbeit, und zwar 1) das Verhältnis zwischen Phraseologie und Sprachvarietäten 2) kontrastive Gesichtspunkte 3) übersetzungspraktische Gesichtspunkte.

Ich möchte diese drei Aspekte im folgenden in aller Kürze beleuchten:

1) Phraseologie und Sprachvarietäten

In mehreren Referaten wurde der Unterschied zwischen gemeinsprachlicher und fachsprachlicher Phraseologie herausgearbeitet, womit zugleich die in der Linguistik intensiv diskutierte Frage der Sprachvarietäten angesprochen ist. Hier liegt es nahe, in noch stärkerem Maße als bisher für den Bereich der fachsprachlichen Phraseologie Erkenntnisse der Fachsprachenforschung, insbesondere der Fachtexttypologie und der Fachtextanalyse, zu nutzen.

Es geht darum, diejeweiligen textsortenspezifischen Variationsmöglichkeiten zunächst anhand einer repräsentativen Auswahl von Beispieltexten zu ermitteln. Denn selbst stark konventionalisierte Textsorten bieten einen nicht unerheblichen Spielraum für die individuelle sprachliche Gestaltung - ganz abgesehen von dem Fall, daß der Autor bewußt von den Konventionen einer Textsorte abweicht. Dieser textsortenspezifische Rahmen muß zunächst einmal auf intralingualer Ebene abgesteckt werden, bevor man an einen interlingualen Vergleich der Ergebnisse denken kann. Dabei stellen sich Probleme der Vergleichbarkeit von Texten, die am einfachsten dadurch zu lösen wären, daß man die Texte an einer umfassenden Texttypologie spiegeln würde, die den Vergleichsmaßstab abgäbe. Da es eine solche umfassende Texttypologie trotz verdienstvoller Ansätze aber noch nicht gibt, bleibt nur die Anwendung eines einheitlichen Analyseschemas. Hierzu sind eine Reihe fruchtbarer Überlegungen angestellt worden, wobei sich eine Unterscheidung in textexterne und textinterne Faktoren durchgesetzt hat. Bei den textextemen Faktoren geht es um die Einbettung des Textes in einen kommunikativen Zusammenhang und bei den textinternen Faktoren um eine systematische Betrachtung des Textes auf den verschiedenen Ebenen - von der Makrostruktur bis hinunter zu den grammatischen Kategorien und den Stilmitteln.

Letztlich ist es nicht so entscheidend, welchen methodischen Ansatz man bei der Textanalyse im einzelnen wählt, das Wesentliche ist, daß möglichst viele Textsorten zu unterschiedlichen Sachgebieten analysiert werden. Dabei bietet sich ein systematischer Einsatz der LDV an, u.a. mit dem Ziel einer statistischen Auswertung von Häufigkeitsverteilungen bestimmter Lexemverbindungen.

Als Ergebnis ist eine größere Klarheit bezüglich der Struktur der Phrase zu erwarten, insbesondere bezüglich des Grades der Stabilität, den die Phrase in den verschiedenen

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Stadien ihrer Entwicklung aufweist. Denn wichtiger noch als in der Gemeinsprache ist in der Fachsprache ein dynamischer Aspekt: Die Phrase kann ja durchaus eine Vorstufe auf dem Wege hin zum Terminus sein, d.h., es kann im Laufe der Zeit zu einer immer größeren sprachlichen Verdichtung kommen, ohne daß hierdurch wohlgemerkt die begriffliche Basis tangiert werden müßte.

Untersuchungen dieser Art stellen eine entscheidende Vorstufe für kontrastive Arbeiten dar. Denn insbesondere aufgrund der vielfältigen Variationsmöglichkeiten, die innerhalb der einzelnen Sprachen auf der Ebene der Benennung bestehen, sind gründliche intralinguale Untersuchungen eine zwingende Voraussetzung dafür, daß interlinguale Untersuchungen erfolgreich durchgeführt werden können.

2) Kontrastive Gesichtspunkte

Wir haben zahlreiche Referate zu sprachvergleichenden Themen gehört, wobei Sprachvergleich nicht notwendigerweise Übersetzungsbezug impliziert.

Dabei war eine Vielfalt von methodischen Ansätzen festzustellen; der Grund für diese Unterschiedlichkeit lag z.T. in den sehr verschieden strukturierten Corpora: Fachsprache/Gemeinsprache, Übersetzungen/Originale, Vergleiche auf unter­schiedlichen Sprachniveaus u.s.w. Auch wenn man dies berücksichtigt, bleiben teilweise methodische Inkonsistenzen.

Einigkeit herrscht aber sicherlich dahingehend, daß ein umfassender interlingualer Textsortenvergleich, der zahlreiche Fachgebiete und Textsorten umfaßt, sinnvoll und notwendig ist. Wenn es bislang relativ wenig konkrete Untersuchungen in diesem Bereich gibt, so dürfte das insbesondere daran liegen, daß solche Arbeiten sehr aufwendig sind. Denn es muß zunächst einmal das soeben skizzierte Verfahren an einer repräsentativen Auswahl von Texten in beiden zu untersuchenden Sprachen durchgeführt werden - und zwar getrennt voneinander. Erst in einem anschließenden Schritt sollten dann die in den einsprachigen Untersuchungen gewonnenen Ergebnisse miteinander verglichen werden.

Die Ergebnisse solcher Untersuchungen können auf vielfältige Weise nutzbar gemacht werden, wobei ein wichtiger Aspekt die Maschinelle Übersetzung ist.

Besonders interessant sind in diesem Zusammenhang natürlich solche Textsorten bzw. Fachgebiete, die im interlingualen Vergleich große Divergenzen aufweisen. Dies gilt nicht zuletzt für den Bereich der Rechtstexte; es ist daher erfreulich, daß Fragen der Rechtssprache auf diesem Symposion eine wichtige Rolle gespielt haben. Die große strukturelle Vielfalt, die hier festzustellen ist, ist zusätzlich zu den durch die unterschiedlichen Sprachsysteme vorgegebenen Divergenzen insbesondere auf zwei Faktoren zurückzuführen: Zum einen unterscheiden sich die gesetzlichen

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Grundlagen in den einzelnen Ländern, zum anderen haben sich innerhalb der einzelnen Rechtskreise spezielle Formen des Argumentierens durchgesetzt. So weisen deutsche und französische Gerichtsurteile in ihrer Makrostruktur erhebliche Unterschiede auf, die sich weder aus sprachlichen noch aus juristischen Gründen zwingend ergeben, sondern aus unterschiedlichen Argumentationsstilen resultieren.

Aus diesen Unterschieden in der Makrostruktur ergeben sich zwangsläufig Unterschiede hinsichtlich der Mittel zur Herstellung von Textkohäsion. Hinzu kommen weitere Divergenzen insbesondere auf der syntaktischen Ebene, die sich nicht zwingend aus den vorgegebenen Argumentationsstrukturen ergeben, sondern aufsprach- bzw. fachspezifischen Konventionen beruhen. Wenn man zudem bedenkt, daß ungeachtet des hohen Standardisierungsgrades von Rechtstexten dem jeweiligen Autor ein nicht unerheblicher Spielraum verbleibt, insbesondere auf der lexikalisch­syntaktischen Ebene, dann wird deutlich, daß Gerichtsurteile eine Textsorte sind, an der sich Methoden und Probleme des interlingualen Fachtextvergleichs auf allen Ebenen besonders gut veranschaulichen lassen.

Allerdings stellt sich bei allen Formen des interlingualen Textvergleichs - weit mehr noch als auf der intralingualen Ebene - ein gravierendes praktisches Problem: Grundvoraussetzung für den Vergleich von Originaltexten auf allen relevanten Ebenen ist adäquates Quellenmaterial in beiden Sprachen, daher ist ein wichtiges Desiderat der Aufbau umfassender multilingualer Textbestände. Wenn man sich vor Augen führt, wie schwer es ist, ein repräsentatives Textcorpus in der Sprache des Sprachgebietes aufzubauen, in dem man lebt und arbeitet, dann wird deutlich, daß wirklich aussagekräftige Textcorpora nur in intensiver internationaler Zusammenarbeit aufgebaut werden können.

3) Übersetzungspraktische Gesichtspunkte

Wie lassen sich die hier skizzierten theoretischen Überlegungen zur Phraseologie für das Übersetzen praktisch nutzbar machen? Zu dieser Frage wurden auf diesem Symposion in mehreren Referaten konkrete Antworten gegeben, wobei es in erster Linie um Wörterbücher und Terminologische Datenbanken ging.

Ich möchte hiernur auf einen Punkt eingehen, der die Terminologischen Datenbanken betrifft, und zwar die Frage der Berücksichtigung phraseologischer Angaben innerhalb terminologischer Datenbestände oder - noch konkreter - innerhalb des einzelnen Datensatzes. In zahlreichen Datenbanken werden phraseologische Angaben im weitesten Sinne dem Datenfeld «Kontext» zugewiesen. Hier stellen sich u.a. folgende Fragen:

- Welches Verhältnis besteht zwischen Definition und Kontext? Diese Frage ist von besonderem Interesse angesichts der Versuche, Kategorien von Kontexten zu

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unterteilen, also beispielsweise definitorische, explikative, assoziative Kontexte. Hier geht es beispielsweise um die Entscheidung, ob ein definitorischer Kontext lediglich an die Stelle der Definition tritt oder ob er zusätzlich zur Definition aufgenommen wird.

- Eine weitere Entscheidung, die beim Aufbau eines terminologischen Daten­bestandes zu treffen ist, lautet: Wieviele Kontexte/Textbeispiele sollen überhaupt aufgenommen werden? Diese Frage muß entschieden werden, weil sonst möglicherweise eine völlige Überfrachtung des Datenbestandes droht.

- Welche Auswahlkriterien gelten für Kontexte? Mit anderen Worten: sollen nur Originalkontexte aufgenommen werden oder dürfen Kontexte adaptiert, gegebenenfalls sogar für einen speziellen Zweck kreiert werden? Für die genannten sehr unterschiedlichen Lösungsansätze gibt es ja konkrete Beispiele, sie sind also durchaus realistisch.

- Welchen Umfang soll schließlich der einzelne Kontext haben? Geht es hier um phraseologischen Angaben im engeren Sinne oder um ganze Textpassagen? Beide Auffassungen wurden von Referenten im Rahmen des Symposions vertreten.

Gerade dieser letzte Punkt zeigt deutlich, daß etliche dieser Fragen sich nicht abstrakt beantworten lassen und daß es hier erst recht keine Patentlösungen geben kann. Die Antwort muß sich danach richten, für welchen Nutzerkreis der Datenbestand bestimmt ist. Daraus ergibt sich als Desiderat die Entwicklung klarer Kriterien für die Nutzerforschung und - soweit solche bereits vorliegen - ihre Verbreitung. Hierbleibt sicherlich noch einiges zu tun. Aber auch zu dieser Problematik hat das Symposion interessante Anregungen gebracht, die es aufzugreifen gilt.

Als Ergebnis für die Ausbildung ist festzuhalten: Es besteht Einigkeit darüber, daß phraseologische Aspekte in die Terminologieausbildung einbezogen werden müssen. Es geht also nicht darum, eine weitere Ausbildungskomponente zu etablieren, sondem darum, das didaktische Potential der Phraseologie und die in diesem Bereich gesammelten Erkenntnisse so gut wie möglich zu nutzen. Somit hat das Symposion die bisherige Arbeit der ETI in diesem Bereich bestätigt: Es war sinnvoll, das Fach Terminologie einzuführen, und es war sinnvoll, phraseologischen Aspekten in diesem Rahmen breiten Raum zu gewähren. Denn eine umfassende Berücksichtigung der Phraseologie als Bindeglied zwischen dem Terminus und größeren sprachlichen Einheiten verhindert, daß Terminologiearbeit als etwas Isoliertes betrachtet wird und daß sie möglicherweise sogar zum Selbstzweck wird. Auf theoretischer Ebene stellt die Phraseologie die Verbindung zur Textlinguistik, zur Fachsprachenforschung und, mit Einschränkungen, auch zur Maschinenübersetzung her; damit schlägt sie die Brücke von der Terminologieausbildung zu theoretisch orientierten Lehrangeboten in diesen Bereichen der Sprachwissenschaft. Auf praktischer Ebene schafft sie die Verbindung zum fachsprachlichen Übersetzen; dort geht es vor allem darum zu veranschaulichen, daß die Anwendung terminologischer Arbeitsergebnisse auf den konkreten Fachtext ein hohes Maß an Flexibilität erfordert.

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Ich konnte hier nur einige Punkte aus einer äußerst vielfältigen und vielgestaltigen Veranstaltung herausgreifen, und ich habe mich deshalb, wie eingangs gesagt, ganz bewußt auf einen Teilaspekt, nämlich das Übersetzen und die Übersetzungsdidaktik, beschränkt. Vor allem ging es mir darum zu zeigen, daß hier nicht nur Probleme präsentiert wurden. Der besondere Wert der Veranstaltung lag m.E. vielmehr darin, daß sie konkrete Ergebnisse bzw. Lösungswege aufgezeigt hat. Damit haben die Veranstalter das Ziel, das sie sich mit diesem Symposion gesetzt hatten, nämlich Bilanz zu ziehen und die Weichen für die Zukunft zu stellen, voll und ganz erreicht.

Prof. Dr. Reiner ARNTZ Dekan

Fachbereich III - Sprachen und Technik Universität Hildesheim Marienburger Platz 22

D-3200 Hildesheim

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Future Developments and Research in Phraseology and Terminology

related to Translation Juan Carlos Sager

In this summing up I propose to limit myself to drawing some personal conclusions about what I have learnt and found valuable and to point out what I perceive to be the orientation of existing and future research.

The general interest of this symposium consisted for me in the encounter of research, practices and skills, the definition of needs and the presentation of problems, more or less clearly identified, as well as the description of some solutions. But let us first look at some of the basic issues which this symposium has brought to the fore.

A time of celebration is also a time for reflection upon past achievements and future prospects. A school like the ETI, justifies its separate identity inside a university but outside traditional faculties in that it gives a vocational education and by the fact that its teachers are all practitioners of either translation or interpreting, or indeed now, of terminology. Vocational education, as practised here at Geneva, differs, on the other hand from vocational training given at technical colleges because the professional practice nowadays requires the support of research and consequently the full integration of research into teaching. It is this need for research which distinguishes vocational education provided in the environment of universities from technical training at colleges where the emphasis is on skills, the research for which can be pursued separately. Success in vocational education is thus based on a sound balance between practice and research. This conference has stressed both.

Professional practice, as demonstrated in many excellent papers describing solutions to problems of translation and interpreting, is necessary for the student and the teacher alike; research is necessary for the development of the subject, for equipping the future professional with the flexibility and adaptability increasingly required and finally as an inspiration for both teacher and student teacher.

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But research does not run a smooth path. It can be repetitive, it can lead up dead alleys. The young must re-perform some experiments of the older generation and so challenge the wisdom of the old; the old forget and may repeat themselves.

Research into translation is a sine qua non, but we have also discovered that a full frontal approach, as practised over some 2000 years, has not found favour in courses for translators. What research there is, is largely ignored because it is considered non- applicational and because the distance between theory and practice is not bridged. Research into separately identifiable aspects of translation such as interlingual communication, reading-comprehension, types of equivalence or phraseology and terminology, as on this occasion, contribute in their own way to piecing together the puzzle of this mysterious process we so confidently practice without fully understanding it.

We have had an interesting range of papers on ongoing research and results both from parallel institutions, academic departments and the language industry itself, which testifies to a lively interaction of these sectors and to Geneva's position in the mainstream of this work. On both counts, the balance is very favourable to Geneva.

Universities providing vocational education for such complex professions as translation and interpreting must constantly adapt to new circumstances in the professional environment. It took some 2000 years of practice before it was decided to institute courses for translators and interpreters. Once this was done, it was soon felt that supporting professions were needed. In the field of translation, terminology, which has a venerable history of its own, is a relative newcomer and adjustments are being made on both sides.

So it is worth looking at the differences of working methods between translators and terminologists and lexicographers, which may have to be considered in the teaching programmes and practice.

Firstly, we must stress that translation and that group of linguistic activities concerned with the identification and processing of terminology, phraseology and other lexical items function on two different linguistic and cognitive planes and have a different focus.

To explain this difference, it has been suggested that, while translators deal with acts of "parole", terminologists may use acts of "parole" as a starting point, but record facts of "langue" and cognition. In the homeplace of Ferdinand Saussure, this is a very useful generalisation which bears elaborating.

All lexical studies, including terminology, are analytic and descriptive with the focus on concepts and their linguistic forms as extracted from texts. Translation is a

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dynamic, generative process, concerned with the movement from the textual subs­tance in one language to the textual substance in another, with the focus not on identification but on production; the process of translation is therefore predominantly synthetic.

Lexical análisis, to coin a neologism, describe the results of their analysis in the peculiar text form of dictionary entries collected into glossaries etc., which, incidentally, is one of the few text forms which cannot be translated; this analytic approach applies even to the situations where terminologists assist language planners in such tasks as standardisation; only rarely do they work on synthesis, namely when they have to assist in the creation of terminology; and even in this mode the synthesis is limited to the unit of a word or phrase and not a larger textual unit. Any collaboration is therefore quite amazing in itself and requires a considerable amount of mental agility and discipline.

The second contrast is on the plane of operation. Part of the complex activity which is translation is aprocedure in which units of meaning of one culture are matched with those of another before finding their textually and situationally appropriate linguistic expression. From the point of view of terminology these units lack interest because they are temporary and casual collocations of concepts brought into a particular relationship by a writer. To explain the distinction, we speak of translation units - a concept raising more questions than it solves - which may or may not coincide with what we are trying to define, in this symposium and elsewhere, as being phraseological units and what we have reasonably satisfactorily defined as terminological units and lexicographical units.

Another way of expressing this difference is to say that translators work with concepts and terms in context while terminologists, on the other hand, isolate terms from context, i.e. decontextualise them, and then associate them to concepts. Whatever matching takes place is between term and concept and not between textual unit and textual unit.

But there is a further difference of a psychological nature. In their capacity as readers and writers, translators perform the matching process of units with a high degree of intuition, the "art" element in translation. The extent to which they identify processing units and simply "know" the appropriate units of equivalence depends on their familiarity with the subject matter and with the linguistic expression forms in the two languages involved. Only when they need to research meaning and/or form, do translators have to resort to the techniques of terminologists or lexicographers.

Lexical analists must never rely on this type of intuition. Only in the field of bi or multi-lingual terminology or lexicography is there a need for some understanding of the objectives of translation, and only to the extent that the results should be

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presented in a user-friendly manner. It is translators who need an understanding of terminology, and not vice versa.

In Geneva the emphasis is on translation and so we have to look at the issue from this point of view. Translators have to learn to switch roles and part of the justification of separate courses in terminology for translators lies in the need for translators to be fully aware of these separate skills and points of view required. Some papers clearly indicated that there is an incomplete perception of the scope and possible functions of terminology in the translation process.

Now to some separate points which strike me as significant. This symposium has reminded us that we have to account for other types of units in our consideration of textual analysis or production. On the one hand the idea of what lexical items can represent a concept has become widened to include phrasal verbs and verb phrases, in a form which can ony be called propositions or models of propositions; and on the other we have noted that we have, somehow, to relate a phraseological unit to a translation unit. They may coincide in many instances, but they are clearly not the same. What is being reduced is the role of syntax in favor of a wider range of lexical units, a common development in other areas of linguistics, e.g. lexical functional grammar and other theories which stress units below and above the sentence. This concern is also parallel to the current preoccupation with "compositionality" which I note occupying a great deal of research time in computational linguistics.

In subject field-based sublanguages phraseological units are often also terminological units, i.e. referring to complex concepts which have not, or not yet, been given a simpler designation. There are interesting implications for the study of the ergonomics of sublanguage communication.

The theory of terminology has to deal with the problem of the more or less stable terminological units which are reprresented by phrases. We may wish to conclude that phrases can be terms if they are nominalizable; in this way we maintain the classificatory approach in terminology. Therefore, the admission of phrases as conceptual units would resolve the old question whether verbs can be terms.

There is also a danger of attempting to set up phraseological studies as a new fashionable pursuit in contrast to terminology, in a similar way as a lot of energy was wasted atone time on proclaiming the independent status of terminology. Phraseology is not another "ology"; it is not even another practice like lexicography and terminology; it is simply a collective noun for a group of phrases.

It is amazing, that there should have been so much unanimity about the central issues in phraseology despite the considerable diversity of designations and the obvious lack

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of clear definition of what constitutes a phraseological unit. There is obviously a need for some terminological clarification.

Conceptually, phrases may or may not be representative of concepts. Semantically, phrases can range from fixed sense units to looser combinations of meanings which are part of the cognitive process. Syntactically, phrases have the role of functional units in their own right, in principle, with the same freedom of combination as words.

Regarding translation, a phraseological unit might be seen as a new type of cognitive unit. This is not so; It neither replaces the translation unit nor the terminological unit, but is simply a different formal realisation of a cognitive unit, i.e. it is a third element between syntax and the lexicon of a language, thus challenging yet again the old conception of bricks and mortar of texts to replace it by the more complex image of integration of some prefabricated and functionally different elements. In reality, as Willy Martin has pointed out, we are dealing with the same phenomenon of sense units, their representation, their recognition, their use, and finally their matching in translation. In practice we think in phrases, or other ready made units, wherever possible and with words only where needed.

From the point of view of understanding texts, phraseology heightens our percep­tion of differences in discourse :

1. Phraseology can be a strong text type marker, inside subject field-specific sublanguages.

2. Phrases help further to identify mixed subject fields or aspects of texts. For example, a phrase may indicate legal jargon as being specific to the legal medical field.

3. Recognition of phrases may affect our reading speed of texts. For example, what may be a free collocation to a non-specialist which requires semantic analysis is a terminologised entity for a specialist which admits of only one reading.

The intrinsic interest of phraseology

We are living through a period of intense interest in language as both a means of communication and a means of representing knowledge. In the same way as machine translation has made us question the nature of translation, the automation of items of language as representing items of knowledge has made us question the nature and size of these items or units and therefore given new impetus to terminology as the instrument for making knowledge managable.

In phraseology we can observe language in its creative phase. In the process of concept creation we can move from loosely circumscribed concepts expressed in the

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form of a new collocation to a complex verb or noun phrase through several steps of reduction to a complex or single term and its eventual abbreviation. Seen from this angle phrases may occupy intermediate stages in the process of consolidation of knowledge, or, of course, represent concepts in their own right. There is therefore work to be done on examining the relative stability or permanence of phrases vis a vis terms in the sense of closed lexical items and wordclasses.

Phrases are also very topical in another area of translation research, that of example-based machine translation. In this technique of translation large quantities of parallel texts are likely to be accumulated which will provide valuable databases for research. Two types of research will be stimulated

a. Research in the statistical properties of phrases will yield interesting new insights. b. Parallel translation samples will permit us to examine the extent to which

translation techniques are based on the same perception of the function of phrases, or whether, as I suspect, terms in a source language will be rendered or matched by phrases in a target language in which technology is imported.

These are just some of the stimuli that can be taken away and used as motivation for future research. The symposium has shown that translators, interpreters, terminologist and lexicographers in industry, government and universities have many areas of common interest, that they can collaborate in research development and professional practice.

ΕΉ has shown that it is a focus of interest for all these groups and that it commands the attention of a large sector of the profession. There can be no better testimonial for the 50th anniversary of a university school for professional education.

Juan Carlos SAGER Professor of Modern Languages

The University of Manchester Institute of Science and Technology P.O. Box 88

GB-Manchester M601QD

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Le manifestazioni di inquietudine che, partite da Berlino nel novembre 1989, hanno raggiunto la Piazza Rossa di Mosca nell'agosto 1991 sono all'origine di un grande rivolgimento politico ed economico. Dalle ceneri del comunismo emerge la sagoma di un nuovo immenso mercato europeo che si estende dall'Atlantico al Pacifico.

Nel suo avvincente resoconto sulla rapida evoluzione delle relazioni est-ovest, Giles Meniti sostiene la necessità di organizzare un'imponente operazione di salvataggio per garantire il successo dei cambiamenti. Lo sconvolgimento seguito al crollo del comunismo è la «sfida della libertà».

Edito con la collaborazione e il sostegno finanziario della Commissione europea, il libro individua i principali settori strategici di una nuova associa­zione operativa tra i paesi dell'Europa orientale e quelli dell'Europa occiden­tale. Esso offre una visione privilegiata delle opinioni di alti funzionari, uomini politici e dirigenti industriali della Comunità e analizza i fattori da cui dipenderà l'integrazione o meno delle emergenti economie di mercato dell'Europa orientale in un unico sistema economico europeo.

Di facile lettura, spesso inquietante, questo importante lavoro contiene nume­rose informazioni aggiornate e finora inedite su grandi questioni comuni all'Est e all'Ovest quali energia, controllo ambientale, immigrazione, relazioni com­merciali, agricoltura e investimenti ed esamina l'idea di un «piano Marshall» per l'Europa orientale, sul modello del famoso programma di aiuti statunitense che consenti il rilancio dell'economia dell'Europa occidentale dopo la seconda guerra mondiale.

Si tratta di un libro fondamentale per tutti coloro che si interessano al futuro dell'Europa orientale e dell'URSS sotto il profilo politico, sociale o economico.

L'autore: Giles Merritt, commentatore economico e politico, lavora a Bruxelles ed è articolista dell'International Herald Tribune per gli avvenimenti europei. Stimato autore e giornalista radiotelevi­sivo, è esperto di questioni politiche europee.

Questo libro è stato tradotto in quattro lingue ed è disponibile nelle seguenti edizioni: Danese : ØSTEUROPA OG SOVJETUNIONEN — Frihedens udfordringer

SCHULTZ INFORMATION A/S, Copenhagen — Prezzo : ECU 36 Tedesco : ABENTEUER OSTEUROPA

VERLAG MODERNE INDUSTRIE, Landsberg am Lech — Prezzo: ECU 27 Inglese : EASTERN EUROPE AND THE USSR — The Challenge of Freedom

KOGAN PAGE, London — Prezzo: ECU 14,30 (IVA esclusa) Francese : QUOI DE NEUF À L'EST? — Des enjeux pour les managers européens

LES ÉDITIONS D'ORGANISATION, Paris — Prezzo : ECU 26 L'edizione spagnola edita da EDICIONES DEUSTO, Bilbao è in preparazione.

Diffusione a cura dell'Ufficio delle pubblicazioni ufficiali delle Comunità europee, L-2985 Luxembourg, e i suoi uffici nazionali di vendita N. di catalogo: CM-71-91-655-DA/DE/EN/FR-C

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Bollettino delle Comunità europee

Il Bollettino delle Comunità europee, pubblicato mensilmente dalla Commissione (10 numeri all'anno), rappresenta l'unico testo ufficiale di riferimento riguardante l'insieme delle attività comunitarie.

La sua praticità, il facile accesso all'informazione che offre (indice, ri­ferimenti sistematici alla Gazzetta ufficiale ed ai Bollettini precedenti), la rigorosità della sua presentazione (strutturata in rubriche corrispon­denti alle grandi politiche comunitarie) e la sua affidabilità, lo rendono uno strumento di ricerca essenziale: vi è infatti descritta ogni fase dell'elaborazione della normativa comunitaria, dalla presentazione di una proposta da parte della Commissione fino alla sua adozione defi­nitiva da parte del Consiglio.

L'attualità del suo contenuto, rafforzata da una selezione commentata dei più importanti avvenimenti del mese, permette d'altra parte al lettore interessato ai progressi della costruzione europea di informarsi dettagliatamente e con regolarità sugli ultimi sviluppi, riguardo alla realizzazione del mercato unico nonché dello spazio economico e socia­le europeo o al rafforzamento del ruolo della Comunità nel mondo.

I supplementi del Bollettino mettono inoltre a disposizione del lettore i principali documenti di riferimento relativi ai grandi temi d'attualità comunitaria (ultimi Supplementi pubblicati: Unificazione tedesca, Programma di lavoro della Commissione per il 1992, Politica europea dell'industria per gli anni '90)

II Bollettino ed i suoi Supplementi (editi dal Segretariato generale della Commissione, rue de la Loi 200, Β­1049 Bruxelles) sono disponibili nelle nove lingue ufficiali presso gli uffici vendita della Comunità europea.

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COMMISSIONE DELLE COMUNITÀ

Misure Nazionali dì

Recepimento

per l'applicazione del Libro Naneo della Commissione

sul completamento del Mercato intemo

Situazione al 30 aprile 1991

ίΒΦ«Η92

INF092 La banca dati comunitaria specializzata nella conoscenza degli obiettivi del mercato unico e della sua dimensione sociale

INF092 contiene l'informazione essenziale per saperne di più sul 1992. INF092 offre al pubblico un vero e proprio manuale di «istruzioni per l'uso» del grande mercato interno.

INF092 è un inventario permanente: le proposte della Commissione sono seguite metodicamente fino alla loro adozióne; ciascuno degli avvenimenti principali viene riassunto e situato nel suo contesto. L'informazione include anche la trasposizione delle direttive nell'ordinamento giuridico interno degli Stati membri.

Facile da utilizzare, INF092 è accessibile a tutti. Infatti, INF092 permette la consultazione delle informazioni su schermi video mediante una vasta gamma di apparecchi di grande diffusione collegati a reti specializzate nel trasferi­mento di dati. Per la rapidità di trasmissione, per le possibilità di aggiorna­mento quasi istantaneo (all'occorrenza più volte al giorno), per le procedure di dialogo che non richiedono alcun apprendimento preliminare, INF092 è adatta sia al più vasto pubblico sia agli ambienti professionali.

Il sistema utilizzato consente un facile accesso alle informazioni, grazie ad una scelta di programmi proposti all'utente e alla struttura logica di presentazione dell'informazione, conforme a quella del Libro bianco e della Carta sociale e allo svolgimento del processo decisionale nelle istituzioni.

L'utente può rivolgersi anche agli uffici di rappresentanza della Commissione oppure, per le PMI, agli Eurosportein aperti in tutte le regioni della Comunità.

Help Desk Eurobases { ^¿^. (32-2) 235 00 03 (32-2) 236 06 24

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Gazzetta ufficiale delie Comunità europee

REPERTORIO DELLA LEGISLAZIONE COMUNITARIA IN VIGORE e di altri atti delle istituzioni comunitarie

un

L'ordinamento giuridico comunitario riguarda non soltanto gli Stati membri, ma anche, direttamente, i cittadini della Comunità. Per l'operatore del diritto e per il comune cittadino, la conoscenza del diritto nazionale deve quindi essere integrata da quella delle disposizioni comunitarie che il diritto nazionale esegue, applica o interpreta, e che in certi casi prevalgono su di esso.

Per rendere queste disposizioni più accessibili a tutti, la Commissione delle Comunità europee pubblica v repertorio, aggiornato semestralmente, che riguarda

- il diritto vincolante derivato dai trattati istitutivi delle tre Comunità europee (regolamenti, decisioni, direttive, ecc.);

- il diritto complementare (accordi interni, ecc.); - gli accordi conclusi dalle Comunità con paesi terzi. Il Repertorio riporta, in ogni edizione, il titolo completo degli atti legislativi o assimilabili, indicando per ciascuno la fonte (numero della Gazzetta ufficiale delle Comunità europee) e le eventuali successive modifiche.

Quando un atto ha subito delle modifiche, è sempre indicato l'atto modificatore con relativa fonte.

Il materiale è organizzato per materie. Gli atti che riguardano più materie sono registrati in ciascuna delle rubriche interessate.

REPERTORIO DELLA LEGISLAZIONE COMUNITARIA IN VIGORE e di altri alti delle istituzioni comunitarie

1 068 pag. - ECU 83 ISBN 92-77-77099-6 (volume I) ISBN 92-77-77100-3 (volume II) ISBN 92-77-77101-1 (volume I e II) FX-86-91-001-IT-C FX-86-91-002-IT-C

Il Repertorio consta di due volumi: Repertorio analitico e Indice (un indice per numero di documento, cronologico, e un indice alfabetico degli argomenti).

È disponibile in tutte le lingue ufficiali delle Comunità europee.

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Il successo dei vostri affari dipende dalle decisioni che prendete ... che dipendono dalle informazioni che ricevete

Siate certi che le vostre decisioni siano fondate su informazioni precise e complete. In un periodo di rapidi mutamenti in cui le economie nazionali sono accomunate dall'obiettivo del mercato unico del 1992, informazioni attendibili sui vari settori specializzati sono essenziali per imprenditori, clienti, operatori bancari e respon­sabili politici. In particolare sono le aziende di piccole e medie dimensioni che necessitano di un accesso agile all'informazione. È vitale perciò essere informati sulle capacità di produzione e sui futuri sviluppi.

Panorama

Panorama dell'industria comunitaria 1991-1992 Situazione e prospettive per 180 settori dell'industria manifatturiera e dei servizi nella Comunità europea

1514 pag. * ECU 110 * ISBN 92-826-3105-2 * CO-60-90-321-IT-C

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Ugualmente disponibili:

Trattato sull'Unione europea

253 pag. * ECU 9 * ISBN 92-824-0961-9 » RX-73-92-796-IT-C

Misure nazionali di recepimento per l'applicazione del Libro bianco della Commissione sul completamento del mercato interno -Situazione al 31 ottobre 1991

272 pag. * ECU 29 * ISBN 92-826-3388-8 * CM-72-91-584-IT-C

1992: un anno cardine (discorso del presidente Jacques Delors dinanzi al Parlamento europeo) - Dall'Atto unico al dopo Maastricht: i mezzi per realizzare le nostre ambizioni - Programma di lavoro delle Commissione per il 1992 - Supplemento 1/92 al Bollettino delle CE

52 pag. * ECU 5 * ISBN 92-826-3843-X * CM-NF-92-OOl-IT-C

Guida pratica alla cooperazione transnazionale

112 pag. * ECU 10 * ISBN 92-826-3145-1 * CT-7Ó-91-992-1T-C

Raccolta delle decisioni della Commissione in materia di concorrenza - 1989/1990

247 pag. * ECU 12 * ISBN 92-826-3870-7 * CV-73-92-772-IT-C

Un mercato comune dei servizi- Banche · Assicurazioni · Mercato dei valori mobiliari · Servizi di trasporto · Nuove tecnologie e servizi · Movimenti di capitali · Libera circolazione dei lavoratori dipendenti e dei liberi professionisti (Il completamento del mercato interno - Volume 1)

176 pag. * ECU 17 * ISBN 92-826-3576-7 * CO-62-91-001-IT-C

Soppressione dei controlli alle frontiere - Controllo delle merci · Controllo delle persone · Imposta sul valore aggiunto ·Diritti delle accise (Il completamento del mercato interno - Volume 2)

97 pag. * ECU 17 * ISBN 92-826-3585-6 * CO-62-91-O02-IT-C

Condizioni per la cooperazione tra imprese - Diritto delle società · Proprietà intellettuale · Regime fiscale delle imprese,;- Appalti pubblici (Il completamento del mercato interno - Volume 3)

88 pag. * ECU 17 * ISBN 92-826-3586-4 * CO-62-91-003-IT-C

Page 597: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

Politica sociale della Comunità ­ Mercato del lavoro · Occupazione e retribuzione · Miglioramentodelle.condizioni dì vita e di lavoro · Lìbera circolazione dei lavoratori · Protezione sociale »Libertà di gssocìazwm e negoziazione collettiva · Inf orinazione, consultazione e partecipazione dei lavoratori f Parità di trattamento frd, uomini e donne »Formazione professionale · Tutela della salute\>e della sicurezzfl¿sul luogo di lavoro » Diritti e protezione dei bambini e degli adolescenti * Anziani · Portatori di handicap fJQ completamento idei n^

323¡pag. * ECU 34*ISBN 92­826­3615­1 * CX>^l­(KJ6^rj ^ ' * ' : u

Le finanze dell'Europa, Daniel STRASSÈR * *''".

437 pag, * ECU Ì 8 ^ ^ « . , . ­ . , ; .. ^ . . >>

Uno spazio finanziario europeo, Doinini^

6$ pag. ♦ ECU 8 * ISBN 92­826­0258­3 * C^58­90473­IT­C , ■ ^ v ,,{!

H 1 9 9 2 è Oltre, John PALMER , ■:.­>;■: ,.. ¿¿..*,*­¿.#Íi ­'rro, ■/ . ­ ­ ¿ ' : ·

ν. ; , U r : ,

, 98pag.VBCU 8 * ISBN 92^826­0131­5 * CR­56­89­861­rr­C '

L'ordinamento giuridico comunitario, Jean­Victor Louis „ ,.',

^Quortaedhionefñedutaeag'g^ l'J · ' u ι . t «.··­.'■ , . ·

204 pag.,;*;BÇt310,50 *;ISBN 92­826^1691^6 » ÇM­59­90­508­IT­C

Economia europea ­ Ν . 35 ­ 1992 : la nuòva economia europea 236 pag. * ÉCU 16 * ISSN 0379­1017 * CB AR­88­035­IT­C

Economia europea ­ N. 36 ­· Creazione di uno spazio finanziario europeo ­ Liberalizzazione dei movimenti di capitali e integrazione finanziaria nella ComUiiità ^■C''*'ι-*Μ':";"*·-.- ·ΐ 'Μ^:ί ' Γ";ί'':ίΊ'":_;:''';·'■" '■"''■■S' ■'<'■■ ""­κ; ^­r¿Λ'/^^ν­υ ΐ-Α^'.-i ·- ' :",·- ' ' . - :■'νΓ'^, ΐ ; ' i ^ p a g ^ t EOT 16 »ISSN 0 3 7 9 ^

Economia europea - Ν. 40 - Concentrazione orizzontale, fusioni e politica della concorrenza nella Comunità europea

104 pag. » ECU 16 * ISSN 0379­1017 * CB­^R­89­040­IT­C

Economia europea ­ N. 43 ­ Trasformazione economica in Lungheria e in Polonia

233 pag. * ECU 18 * ISSN p379rl017> CB­AR­8>­Ö43­rT­C ■ . . _ . ; ' ­ ' . : ' · ·■ ' ·

Page 598: Terminologie Et Traduction MARTIN Collocations

; ■ ,;■ . V­. ,. ■ κ ■­...; ;. .,'­.. ^ : '. /. / ' ' ,'.//>. .■/­; .. '■ / ' : ' . '­.V

Economia europea ­ Ν. 44 ­ Mercato unico, monet» unica ­Una valutazione dèi benefici e dei costi potenziali della creazione d'una Unione economica e monetaria

379 pag. * SGIM8 * ISSN Ò379­10Í7 ■· CB­AR>9(M)44.n,­C ·*.-

Le assicurazioni: 1992 e oltre, Bill POOL

140 pag. * ECU 10,50"* ISBN 92­826­0248­6 * CB­58­90­33WT­C

^ ■■■: ·■■■' ; ­ ' .vw:^ ; :^ : : .x^ : ·ν.·.:·:; ·;;·:?:ν.­ ., ... ■ :msmm>: , « 1 1

La politica industriale europea negli anni '90 ­ Supplemento 3/91 al Bollettino delle CE 58 pag. · ECU 4,25 * ISBN 92­826­2722­5 * CM­NF­91­003­IT­C

Eliminazione degli ostacoli fiscali all'attività transfrontaliera delle imprese ­ Supplemento 4/91 al Bollettino delle CE 67 pag. * ECU 4,25 * ISBN 92­826­3027­7 * CM­NF­91­004­IT­C

Le telecomunicazioni in Europa, Herbert UNGERER con la collaborazione di Nicholas P. COSTELLO 275 pag. * ECU 10,50 * ISBN 92­825­8211­6 · CB­PP­88­009­IT­C

Diritto di scelta e dinamica economica ­ L'obiettivo della politica dei consumatori nel mercato unico Eamonn LAWLOR * Seconda edizione 83 pag. * ECU 8 * ISBN 92­826­0154­4 · CB­56­89­869­IT­C

Obiettivo 1992 : uno spazio sociale europeo, Patrick VENTURINI 121 pag. · ECU 9,75 * ISBN 92­825­8705­3 * CB­PP­88­B05­IT­C

Il Sistema monetario europeo ­ Origini, funzionamento e prospettive Jacques van YPERSELE con la collaborazione di Jean­Claude KOEUNE · Nuova edizione (in preparazione)

Le Comunità europee nell'ordinamento internazionale, Jean GROUX e Philippe MANIN 163 pag. » ECU 4,34 * ISBN 92­825­5182­2 · CB­40­84­206­IT­C

Dal Sistema monetario europeo all'unione monetaria, Jean­Victor LOUIS 67 pag. * ECU 8,25 * ISBN 92­826­0068­8 * CB­58­90­231­IT­C

Economia europea ­ N. 46 ­ Relazione economica annuale per il 1990­1991 ­ La Comunità europea negli anni '90: verso l'unione economica e monetaria 295 pag. * ECU 18 ♦ ISSN 0379­1017 · CB­AR­90­046­IT­C

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Commissione delle Comunità europee UFFICI

ITALIA Roma Commissione delle Comunità europee Via Poli, 29 - 00187 Roma Tel. (39-6)699 1160 Telecopia (39-6) 679 16 58/52 Telex (043) 610 184 EUROMA I

Milano Commissione delle Comunità europee Corso Magenta, 59 - 20123 Milano Tel. (39-2) 480 15 05/06/07/08 Telecopia (39-2) 481 85 43 Telex (043) 316200 EURMIL I

SVIZZERA Genève Commissione delle Comunità europee Uffici stampa e informazione Case Postale 195 37-39, rue de Vermont - CH-1211 Genève 20 CIC Tel. (41-22) 734 97 50 Telecopia (41-22) 734 22 36 Telex (045) 414 165 ECOM CH

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Commissione delle Comunità europee

Rue de la Loi 200, B-1049 Bruxelles

Bureau en Belgique

Bureau in België

Rue Archimede 73 1040 Bruxelles Archimedesstraat 73 1040 Brussel Tél. 235 38 44 Télex 26 657 COMINF Β Télécopie 235 01 66

Kontor i Danmark

Højbrohus. Østergade 61 Postbox 144 1004 København K Tlf.: (33) 14 41 40 Telex 16 402 COMEUR DK Telefax (33) 11 12 03

Vertretung in der

Bundesrepublik

Deutschland

Zitelmannstraße 22 5300 Bonn Tel. 53 00 90 Fernschreiber 886 648 EUROP D Fernkopie 5 30 09 50

Vertretung in Berlin Kurfürstendamm 102 1000 Berlin 31 Tel. 89 60 930 Fernschreiber 184 015 EUROP D Fernkopie 8 92 20 59

Vertretung in München Erhardtstraße 27 8000 München 2 Tel. 2 021011 Fernschreiber 5 218 135 Fernkopie 2 02 10 15

Γραφείο στην Ελλάδα Vassilissis Sofias 2 Τ. Κ. 30 284 106 74 Athina Tel. 724 39 82/3/4 Telex 219 324 ECAT GR Telefax 724 46 20

Oficina en España

Calle de Serrano, 41, 5° 28001 Madrid Tel. 435 17 0 0 / 4 3 5 15 28 Telex 46 818 OIPE E Telecopia 576 03 87

Oficina de Barcelona Av. Diagonal, 407 bis, 18

a

08008 Barcelona Tel. (31 415 81 77 Telex 97524 BDC E Telecopia (3) 415 63 11

Bureau de

représentation

en France

288, bid St Germain 75007 Paris Télex 202 271 FCCEBRF Télécopie 45 56 94 17/19

Bureau à Marseille 2, rue Henri-Barbusse 13241 Marseille Cedex 01 Tél. 91 91 46 00 Télex 402 538 EURMA Télécopie 91 90 98 07

Office in Ireland

Jean Monnet Centre 39, Molesworth Street Dublin 2 Tel. 71 22 44 Telex 93 827 EUCO El Telefax 71 26 57

Ufficio in Italia

Via Poli, 29 00187 Roma Tel. 699 1 1 60 Telex 610 1 84 EUROMA I Telecopia 679 16 58

Ufficio a Milano Corso Magenta, 59 20123 Milano Tel. 48 01 25 05 Telex 316 200 EURMILI Telecopia 481 85 43

Bureau au Luxembourg

Bâtiment Jean Monnet rue Alcide De Gasperi 2920 Luxembourq Tél. 430 11 Télex 3423/3446/3476 COMEUR LU Télécopie 43 01 44 33

Bureau in Nederland

Korte Vijverberg 5 2513 AB Den Haag Tel. 346 93 26 Telex 31 094 EURCO NL Telefax 364 66 19

Gabinete em Portugal

Centro Europeu Jean Monnet Largo Jean Monnet, 1-10.° 1200 Lisboa Tel. 54 11 44 Telex 18 810 COMEUR Ρ Telecópia 355 43 97

Office in the United

Kingdom

Jean Monnet House 8 Storey's Gate London SWl Ρ 3AT Tel. (71)973 19 92 Telex 23 208 EURUK G Fax (71) 973 19 00/10

Office in Northern Ireland Windsor House 9/15 Bedford Street Belfast BT2 7EG Tel. 240 708 Telex74 117CECBELG Telefax 248 241

Office in Wales 4 Cathedral Road Cardiff CF1 9SG Tel. 37 16 31 Telex 497 727 EUROPA G Telefax 39 54 89

Office in Scotland 9 Alva Street Edinburgh EH2 4PH Tel. 22520 58 Telex 727 420 EUEDIN G Telefax 226 41 05

United States of America

2100 M Street, N W ¡Suite 707) Washington, DC 20037 Tel. (202) 862 95 00 Telex 64 215 EURCOM N W Telefax 429 17 66

3 Dag Hammarskjöld Plaza 305 tast 47th Street New York, NY 10017 Tel. (212) 371 38 04 Telex 01 2396 EURCOM NY Fax 758 27 18

Nippon

Europa House 9-15 Sanbancho Chiyoda-Ku — Tokyo 102 Tel. 239 04 41 Telex 28 567 COMEUTOK J Telefax 239 93 37

Schweiz-Suisse-Svizzera

Case postale 195 37-39, rue de Vermont 1211 Genève 20 C.IC. Tél. 734 97 50 Télex 414165 ECO CH Télécopie 734 22 36

Venezuela

Calle Orinoco, Las Mercedes Apartado 67 076 Las Américas 1061A Caracas Tel. 91 51 33 Télex 27 298 COMEU VC Telecopia 91 88 76

Chili Casilla 10093 Santiago 1 (Chili) Avenida Américo Vespucio SUR 1835 Las Condes Santiago 10 (Chili) Tel. (2J 206 02 67 Telex [034) 340 344 COMEUR CK Telecopia (2) 228 25 71

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Rue de Louvain 42 / Leuvenseweg 42 B-1000 Bruxel les/B-1000 Brussel Tél. (02)512 00 26 Fax (02) 511 01 84

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Librairie européenne/ Europese boekhandel

Rue de la Loi 244/Wetstraat 244 B-1040 Bruxelles / B-1040 Brussel Tél. (02) 231 04 35 Fax (02) 735 08 60

Jean De Lannoy

Avenue du Roi 202 /Koningslaan 202 B-1060 Bruxelles / B-1060 Brussel Tél. (02) 538 51 69 Télex 63220 UNBOOK B Fax (02) 538 08 41

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DANMARK

J . H. Schultz Information A/S

Herstedvang 10-12 DK-2620 Albertslund Tlf. (45) 43 63 23 00 Fax (Sales) (45) 43 63 19 69 Fax (Management) (45) 43 63 19 49

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Bundesanzeiger Verleg

Breite Straße Postfach 10 80 06 D-W-5000 Köln 1 Tel. (02 21)20 29-0 Telex ANZEIGER BONN 8 882 595 Fax 2 02 92 78

GREECE/ΕΛΛΑΔΑ

Q.C. Eleftheroudakls SA

International Bookstore Nikis Street 4 GR-10563 Athens Tel. 101) 322 63 23 Telex 219410 ELEF Fax 323 98 21

ESPANA

Boletín Oficial del Estado Trafalgar. 29 E-28071 Madrid Tel. (91)538 22 95 Fax (91) 538 23 49

Mundi-Prensa Libros, SA

Castellò. 37 E-28001 Madrid Tel. (91) 431 33 99 (Libros)

431 32 22 (Suscripciones) 435 36 37 (Dirección)

Télex 49370-MPLI-E Fax (91)575 39 98

Sucursal:

Librería Internacional AEDOS Consejo de Ciento, 391 Ε-0Θ009 Barcelona Tel. (93) 488 34 92 Fax (93) 487 76 59

LUbreria de la Generalität de Catalunya

Rambla deis Estudis. 118 (Palau Moja) E-08002 Barcelona Tel. (93) 302 68 35

302 64 62 Fax (93)302 12 99

Journal officiel Service dea publications dee Communeutós européennes

26. rue Desaix F-75727 Paris Cedex 15 Tél. (1)40 58 75 00 Fax (1)40 58 77 00

IRELAND

Government Suppliée Agency

4-5 Harcourt Road Dublin 2 Tel. (1)61 31 11 Fax (1)78 06 45

ITALIA

Ucoaa SpA

Via Duca di Calabria, 1/1 Casella postale 552 1-50125 Firenze Tel. (055) 64 54 15 Fax 64 12 57 Telex 570466 LICOSA I

GRAND-DUCHË DE LUXEMBOURG

Mesaegeries Paul Kraus

11, rue Christophe Plantin L-2339 Luxembourg Tél. 499 88 88 Télex 2515 Fax 499 88 84 44

NEDERLAND

SDU Overheidsinformatie

Externe Fondsen Postbus 20014 2500 EA 's-Gravenhage Tel. (070) 37 89 911 Fax (070) 34 75 778

PORTUGAL

Imprensa Nacional

Casa da Moeda, EP Rua D. Francisco Manuel de Melo. 5 Ρ-1092 Lisboa Codex Tel. (01)69 34 14

Distribuidora de Livros

Bertrand, Ld."

Grupo Bertrand, SA

Rua das Terras dos Valas. 4-A Apartado 37 Ρ-2700 Amadora Codex Tel. (01)49 59 050 Telex 15798 BERDIS Fax 49 60 255

UNITED KINGDOM

HMSO Booka (Agency section)

HMSO Publications Centra 51 Nine Elms Lane London SW8 5DR Tel. (071) 873 9090 Fax 873 8483 Telex 29 71 138

OSTERREICH

Manz'eche Veriags-und Universitotobuchhandlung

Kohlmarkt 16 A-1014 Wien Tel. (0222) 531 61 -0 Telex 112 500 BOX A Fax (0222)531 61-39

Akateeminen Kirjakauppe

Keskuskatu 1 PO Box 128 SF-00101 Helsinki Tel. (0) 121 41 Fax (0) 121 44 41

NORGE

Narvesen information center

Bertrand Narvesens vei 2 PO Box 6125 Etterstad N-0602 Oslo 6 Tel. (2) 57 33 00 Telex 79668 NIC N Fax (2) 68 19 01

SVERIGE

BTJ

Tryck Traktorwagan 13 S-222 60 Lund Tel. (046) 18 00 00 Fax (046) 18 01 25

SCHWEIZ / SUISSE / SVIZZERA

OSEC

Stampfenbachstraße 85 CH-8035 Zürich Tel. (01) 365 54 49 Fax (01) 365 54 11

CESKOSLOVENSKO

NIS

Havelkova 22 13000 Praha 3 Tel. (02) 235 84 46 Fax 42-2-264775

MAGYARORSZAG

Euro-Info-Service

Pf. 1271 H-1464 Budapest Tel/Fax (1) 111 60 61/111 62 16

Business Foundation

ul. Krucza 38/42 00-512 Warszawa Tel. (22) 21 99 93. 628-28-82 International Fax&Phone

(0-39) 12-00-77

ROUMANIE

Euromedie

65. Strada Dionisie Lupu 70184 Bucuresti Tel/Fax 0 12 96 46

BULGARIE

D.J.B. 59. bd Vitocha 1000 Sofia Tel./Fax 2 810158

RUSSIA

CCEC (Centre for Cooperation with the European Communities)

9. Prospekt 60-let Oktyabria 117312 Moscow Tel. 095 135 52 67 Fax 095 420 21 44

CYPRUS

Cyprus Chamber of Commerce and Industry

Chamber Building 38 Grivas Dhigenis Ave 3 Deltgiorgis Street PO Box 1455 Nicosia Tel. (2)449500/462312 Fax (2) 458630

Pres Gazete Kltap Dergi Pazarlama Dagitim Ticaret ve aanayi AS

Narlibahçe Sokak N. 15 Istanbul-Cagaloglu Tel. (1) 520 92 96 - 528 55 66 Fax 520 64 57 Telex 23822 DSVO-TR

ROY International

PO Box 13056 41 Mishmar Hayarden Street Tel Aviv 61130 Tel. 3 496 108 Fax 3 544 60 39

CANADA

Renouf Publishing Co. Ltd

Mail orders — Head Office: 1294 Algoma Road Ottawa, Ontario K1B 3W8 Tel. (613) 741 43 33 Fax (613) 741 54 39 Telex 0534783

Ottawa Store: 61 Sparks Street Tel. (613)238 89 85

Toronto Store:

211 Yonge Street

Tel. (416)363 31 71

UNITED STATES OF AMERICA

UNIPUB

4611 -F Assembly Drive Unham, MD 20706-4391 Tel. Toll Free (800) 274 4888 Fax (301) 459 0056

AUSTRALIA

Hunter Publications

58A Gipps Street Collingwood Victoria 3066 Tel. (3)417 5361 Fax (3)419 7154

Kinokuniya Company Ltd

17-7 Shinjuku 3-Chome Shinjuku-ku Tokyo 160­91 Tel. (03)3439-0121

Journal Deportment

PO Box 55 Chitóse Tokyo 156 Tel. (03)3439-0124

SINGAPORE

Legal Library Services Ltd

STK Agency Robinson Road PO Box 1817 Singapore 9036

AUTRES PAYS OTHER COUNTRIES ANDERE LANDER

Office deo publications officielles des Communautés européennes

2, rue Mercier L-2985 Luxembourg Tél. 499 28 1 Télex PUBOFLU 1324 b Fax 48 85 73/48 68 17

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(S

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■ *

ΚΟϋ 11·

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