NOUVELLES DE GUY DE MAUPASSANT - ikee.lib.auth.gr
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ΑΡΙΣΤΟΤΕΛΕΙΟ ΠΑΝΕΠΙΣΤΗΜΙΟ ΘΕΣΣΑΛΟΝΙΚΗΣ
ΣΤΑΥΡΟΥΛΑ ΑΝΘΗΡΟΠΟΥΛΟΥ
NOUVELLES DE GUY DE MAUPASSANT :
DE LA PAGE À L’ÉCRAN
Μεταπτυχιακή Εργασία που υποβλήθηκε τον Οκτώβριο του 2013 στο Τμήμα
Γαλλικής Γλώσσας και Φιλολογίας της Φιλοσοφικής Σχολής του Αριστοτελείου
Πανεπιστημίου Θεσσαλονίκης
ΘΕΣΣΑΛΟΝΙΚΗ 2013
Υπό την επίβλεψη της αναπληρώτριας καθηγήτριας κ. Χρυσής Καρατσινίδου
2
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 3
PREMIÈRE PARTIE
A. L’ESPACE ...........................................................................................................................13
I. L’espace fonctionnel ............................................................................................................. 14
II. Les stratégies topographiques et circulaires ....................................................................... 22
III. L’extension et l’exploitation paysagère ............................................................................... 27
IV. La perception et la reproduction spatiale ........................................................................... 29
B. LE TEMPS ...........................................................................................................................35
I. La suspension narrative et le ralentissement temporel ........................................................ 36
II. Les projections temporelles ................................................................................................. 40
III. Les référents temporels ...................................................................................................... 46
IV. Le dédoublement du temps ................................................................................................ 50
DEUXIÈME PARTIE
FOCALISATION ET REPRÉSENTATION ...............................................................................55
A. La fonction verbale ........................................................................................................... 57 I. Le narrateur ...................................................................................................................... 57 II. Le dialogue ...................................................................................................................... 58 III. Le monologue ................................................................................................................. 59
B. La fonction picturale ......................................................................................................... 63 I. Le codage optique ............................................................................................................ 64 II. De l’objet concret à la perception symbolique ................................................................ 72 III. Le reflet du miroir : déclencheur du passé et moyen d’introspection ............................. 73 IV. Le costume adjuvant de la narration.............................................................................. 81
C. La fonction acoustique ..................................................................................................... 83 I. Le bruitage ....................................................................................................................... 84 II. La musique ...................................................................................................................... 88 III. La musique accompagnatrice ........................................................................................ 88 IV. La musique distinctive ................................................................................................... 91 V. La mélodie et la chansonnette ........................................................................................ 92
CONCLUSION .........................................................................................................................94
RÉSUMÉ EN GREC .................................................................................................................99
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................103
3
INTRODUCTION
Depuis son invention, le cinéma a toujours considéré la littérature
comme source d’inspiration, à ce jour un nombre incontestable d’adaptations
filmiques ont été réalisées. Les classiques littéraires possèdent une
abondance de sujets, d’actions et de personnages élaborés. Nombreux
metteurs en scène ont voulu transposer cet héritage littéraire sur écran en
étant fidèles « soit à la lettre […] soit à l’esprit […] du texte qui les inspire. Il
n’en demeure pas moins qu’elles [les adaptations] imposent des
transformations de toute sorte »1. La raison d’une telle combinaison
(littérature-cinéma) est due à leur fonction première qui les unit : l’art de la
narration. La problématique qu’ils rencontrent est identique jusqu’ à un certain
niveau ; tous deux nécessitent le support d’un espace-temps dans lequel
leurs personnages agiront. Cependant l’adaptation filmique est plus complexe
que le simple changement de support de l’histoire. Toute lecture fait appel à
l’imagination de son public, l’image qui se crée dans l’esprit du lecteur est en
lui-même une transposition de l’interprétation de la vision de l’écrivain. Bien
que l’œuvre est destinée à un public (plus ou moins) large, c’est-à- dire à une
collectivité, l’interprétation reste individuelle. Si la lecture suffit pour engendrer
une vision personnelle de l’histoire, il n’est pas surprenant que l’adaptation
filmique établit une plus grande dualité entre la vision de l’auteur et celle du
metteur en scène. La problématique de la polyphonie dans laquelle se lance
le réalisateur est des plus délicates, car il doit répondre aux attentes d’un
public ayant sa propre interprétation et d’une critique déjà informé et plus
sévère. D’autre part, la critique est beaucoup plus perplexe, car il existera
toujours une contradiction entre critiques ; certains sont de l’avis de respecter
l’œuvre dans sa totalité alors que d’autres supportent la décision d’apporter
une innovation à l’œuvre originale.
La problématique qu’engendre la critique de la procédure d’adaptation
d’un roman à un film a toujours existé et continuera d’exister dû à la
confrontation de la vision polyphonique des deux créateurs. Pour cette raison
1 Daniel Grojnowski, Lire la Nouvelle, Paris, Éditeur Dunod, 1995, p.67.
4
dans notre étude, nous ne chercherons pas à définir cette problématique,
nous nous intéresserons plutôt à la procédure de transposition d’une œuvre
littéraire à une œuvre filmique et comment la vision collective (écrivain-
réalisateur) l’affecte. Notre approche sera perçue par un point de vue
littéraire, car c’est avant tout l’œuvre originale qui est le sujet premier de notre
étude. Nous essayerons, à travers une analyse basée sur les théories
narratologiques2, de parvenir à une approche plus approfondie d’une œuvre
littéraire. En découvrant la structure fondatrice du récit, nous exposerons les
réelles capacités de la forme narrative et de l’emprise qu’elle exerce sur le
lecteur. Nous appliquerons ensuite nos connaissances sur une adaptation
filmique et nous constaterons si les mêmes fondations peuvent renforcer
l’œuvre transposée.
Pour démontrer les réelles capacités de l’étude narrative du récit, nous
nous consacrerons uniquement au genre littéraire de la nouvelle. Le choix de
notre étude est dicté par le fait que la nouvelle, en tant que genre littéraire, n’a
pas suscité une grande attention de la part des critiques et des
études littéraires. « Son mode de publication lui octroyant le statut fort peu
enviable de petite sœur du grand Roman, la nouvelle a longtemps été
confinée à un rôle subalterne et méprisée de toute analyse dite sérieuse»3.
Aujourd’hui encore nous n’avons aucune définition concrète à son sujet.
Chacun lui applique sa propre définition qui en général a pour point commun
l’appellation de « récit court ». Mais là encore tout est relatif à ce que la
critique ou bien l’écrivain envisage de court. « Balzac, en 1833, qualifie
encore Eugénie Grandet, qui compte plus de 200 pages, de “bonne petite
nouvelle” »4.
En majorité, due à sa taille, de nombreux critiques voient en la nouvelle
une limitation des capacités créatives de l’auteur, or c’est dans sa forme que
la nouvelle tient sa force et son originalité. Effectivement, comme le dit la
critique, il existe réellement une limitation dans le sujet, dans les personnages
et dans le développement de leur psychologie et de l’intrigue, mais si ces
2 Principalement celle établie par Gérard Genette et qu’il développe dans Figures III, Paris, Édition Seuil, 1972. 3 Floriane Place-Verghnes, Jeux pragmatiques dans les Contes et Nouvelles de Guy de
Maupassant, Paris, Édition Honoré Champion, 2005, p.24. 4 A. Fonyi, P. Glaudes, A. Pagès, Relire Maupassant, La Maison Tellier, Contes du jour et de la nuit, Paris, Édition classique Garnier, 2011, p.133.
5
éléments sont « à priori » nécessaires ou bien évidents dans un roman, la
nouvelle n’est pas obligée de répondre aux mêmes attentes. Un nouvelliste
ne cherche pas à écrire un condensé d’une histoire qu’il aurait voulu écrire en
roman ; il voit en la nouvelle une autre capacité créative répondant à d’autres
besoins d’expression. Prenons comme exemple La Métamorphose de
Kafka ; qui est sûrement l’une des nouvelles les plus connues au monde.
Cette œuvre d’une soixantaine de pages, n’aurait peut-être pas eu un tel
succès si elle avait été écrite de la taille d’un roman. « Ce qui a longtemps été
considéré comme une faiblesse, tant structurelle que thématique, s’avère en
réalité ce qui définit la nouvelle et en fait sa force »5. En effet, les auteurs de
contes et de nouvelles, limités par un nombre restreint de pages imposées par
leur éditeur, ont dû établir des techniques narratives propres à leur genre :
La nouvelle est le fait d’une pratique d’écriture spécifique, fondée sur un petit
nombre de principes sous-jacents que l’on regroupera, pour des raisons de
commodité, sous les appellations suivantes : délimitation (ou comment établir les
frontières d’un champ opératoire), mise au point (ou comment organiser ce champ
opératoire) et économie (ou comment faire de la brièveté une vertu)6.
La nouvelle peut nous paraître simple au niveau thématique, mais son étude
des outils fournis par la narratologie révèle toute la richesse de la structure du
récit. Certains auteurs ont même trouvé leur voix en tant que nouvellistes
plutôt que romanciers. D’où notre choix d’analyser les contes et les nouvelles
de Guy de Maupassant, qui marqua surtout la littérature française en tant que
nouvelliste. « Il faut attendre les années 1950 pour que soit enfin reconnu un
auteur jusque-là boudé des critiques et encore une dizaine d’années pour que
son art de nouvelliste ne fasse l’objet d’études à part entière »7.
Une récente publication intitulée Relire Maupassant, La Maison Tellier,
Contes du jour et de la nuit renforça notre choix pour l’auteur. Alain Pagès
avec la collaboration de Pierre Glaudes et d’Antonia Fonyi, réunirent les
études littéraires et narratologiques d’un colloque consacré à Guy de
5 Floriane Place-Verghnes, Jeux pragmatiques dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, op.cit., p.25. 6 J. Gratton, B. Le Juez, [trad. Floriane Place-Verghnes], Modern french short fiction, Manchester, New York, Édition Manchester Univeristy Press, 1994, p.2. 7 Floriane Place-Verghnes, ibid., p.24.
6
Maupassant. Dans ce recueil ils entreprirent « une réévaluation de son œuvre
narrative, en examinant à nouveau frais l’art du nouvelliste »8. C’est dans
cette perspective que nous chercherons à contribuer à la redécouverte de
l’auteur. Les œuvres qui feront notre champ d’exploration seront les six
nouvelles suivantes : L’Héritage, Le Rosier de madame Husson, Histoire
d’une fille de ferme, La Parure, Le Petit fût et Au Bord du lit. À l’exception de
L’Héritage, nous avons préféré étudier des œuvres moins connues et
forcément moins étudiées mais qui possèdent tout un potentiel narratif que
nous allons explorer.
Outre l’analyse narratologique des œuvres de Maupassant, nous
allons chercher à démontrer sa contribution à une meilleure transposition
filmique de la nouvelle. Bien qu’il existe un grand nombre d’adaptations
filmiques de Maupassant9 nous avons voulu porter notre étude à un niveau
plus contemporain et correspondant plus de la complexité proportionnelle de
la nouvelle. Pour cette raison nous ne verrons pas la procédure d’une
adaptation cinématographique mais celle du film destiné uniquement à la
télévision, autrement dit le téléfilm. Bien que d’un point de vue technique, il
n’y a pas une si grande différence entre ces deux genres : « Les textes
respectifs du cinéma et de la télévision ont en commun tous les traits
matériels pertinents les plus importants10 et que les codifications spécifiques,
c'est-à-dire liées à ces traits pertinents, sont largement les mêmes dans les
deux cas »11. Cependant malgré leurs ressemblances, les téléfilms ont
souvent été mis de côté par la critique qui n’y voyait surement aucun potentiel
créatif dû aux contraintes imposées par les studios de télévision. « Personne
ne met sérieusement en cause ni l’utilité de la télévision ni la place qui lui
revient dans les échanges ou dans l’information mais on la perçoit, en
général, comme un simple outil dépourvu de valeur esthétique »12.
8 A. Fonyi, P. Glaudes, A. Pagès, Relire Maupassant, La Maison Tellier, Contes du jour et de la nuit, op.cit., p.9. 9 Le site http://www.maupassantiana.fr/ en retient plus d’une centaine. 10 Metz fait allusion au gros plan, au plan éloignés, aux effets d’éclairage, au travelling, au bruit, au son « off », etc. 11 Christian Metz, Langage et Cinéma, Paris, Librairie Larousse, 1971, p.179. 12 Pierre Sorlin, Esthétiques de l’audiovisuel, Paris, Édition Nathan Université, 1992, p.153-154.
7
Généralement conçu dans le simple but de divertir un public familial, on
imposait au téléfilm, aux sujets limités, un certain budget restreint ainsi qu’une
limitation de leur temps de diffusion dans laquelle il fallait prendre en compte
les arrêts publicitaires.
Ce n’est pas par hasard que nous avons choisi comme connexion, le
téléfilm avec la nouvelle, ces genres qu’on a trop fréquemment voulu
comparer au cinéma et au roman13, répondent à leurs propres règles et
doivent être interprétés pour ce qu’ils sont avec leurs propres capacités et
leurs propres fonctionnements. Et s’il est possible qu’au début, la majorité des
téléfilms étaient esthétiquement peu développés, depuis le début du XXIe
siècle, la télévision s’est énormément investie, notamment en entreprenant
des projets plus ambitieux, destinés à un public plus connaisseur. Parmi eux,
nous démarquons la série Chez Maupassant, un regroupement de vingt-
quatre contes et nouvelles de Maupassant, adaptés sous forme de téléfilms
de soixante minutes et de trente minutes pour les récits plus courts. Diffusé
sur la chaine France 2, ce projet fut proposé par Gérard Jourd’hui et Gaëlle
Girre. En 2007, la série vu sa première parution en diffusant huit épisodes,
quatre de soixante minutes et quatre de trente minutes. Suite à son succès
remporté auprès des téléspectateurs, deux autres saisons furent produites en
2008 et en 2011. La série remporta notamment le Prix du public du meilleur
téléfilm de l’année 2007/2008 au Festival de la fiction TV de La Rochelle.
D’un point de vue créatif, l’originalité de ce projet consiste au fait qu’il
englobe plusieurs metteurs en scène, offrant ainsi une diversité dans la
création et dans la vision filmique. Citons les réalisateurs qui feront le sujet de
notre étude: Laurent Heynemann qui adapta la nouvelle de L’Héritage (2007),
Denis Malleval qui réalisa Histoire d’une Fille de Ferme (2007) et Le Rosier
de madame Husson (2008), Claude Chabrol qui se chargea des nouvelles :
La Parure (2007) et Le Petit Fût (2008) et enfin Jean-Daniel Verhaeghe avec
Au Bord du lit (2008). À travers notre analyse nous pourrons démarquer la
vision personnelle de chaque réalisateur vis-à-vis des nouvelles de
13 Voir Floriane Place-Verghnes, Jeux pragmatiques dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, op.cit, p.24.
8
Maupassant. Comment ils interprètent l’œuvre, quel aspect de la nouvelle
ont-ils choisi de démarquer, quand et pourquoi certaines rajoutes ou
suppressions furent nécessaires. En plus de la polyphonie des œuvres, nous
possédons aussi une divergence dans les techniques filmiques. Notre étude
étant en majorité basée sur la forme narrative du récit, ce sont les méthodes
de transposition du récit en images qui attireront notre attention. Bien que
généralement notre approche sera perçue d’un point de vue littéraire, nous
essayerons à travers diverses études cinématographiques, en majorité
basées sur les théories de Christian Metz, d’aborder les différentes
techniques capables de traduire le récit en images mouvantes. L’incorporation
du son comme élément narratif, le rôle du dialogue, les divers champs de la
caméra et bien entendu le point de vue de la focalisation de la caméra.
Il est préférable, avant d’entamer notre étude, de procéder à une brève
présentation des six nouvelles qui seront étudiées afin de mieux appréhender
l’intrigue de l’histoire :
L’Héritage (1884, parue dans le recueil Miss Harriet)
César Cachelin, employé du ministère de la Marine, cherche un mari
pour sa fille Coralie, seule héritière de sa sœur Charlotte Cachelin, une
vieille fille qui n’a jamais eu d’enfant et qui a légué son immense
fortune estimée à un million de francs à sa nièce. Son choix se posera
sur son collègue Léopold Lesable, un homme ambitieux et travailleur, à
qui il pourra assurer la gestion de la fortune. Peu de temps après leur
mariage la tante Charlotte décède, annonçant dans son testament que
l’héritage est destiné aux enfants de Coralie et que si celle-ci n’a pas
eu de progéniture d’ici trois ans, la fortune sera distribuée à des
œuvres caritatives. Malgré leurs tentatives, le couple reste sans enfant.
Cachelin, désespéré, ira chercher un amant pour sa fille : le beau
Maze, un autre employé du ministère. Cora tombera enceinte juste
avant la date finale du testament et l’heureux couple pourra enfin
toucher l’héritage. Ils donneront naissance à une petite fille baptisée
Désirée.
9
Le Rosier de madame Husson (1887, parue dans La Nouvelle Revue)
Raoul Aubertin, de passage à Gisors, décide de rendre visite à son
vieil ami le docteur Marambot. Celui-ci l’accueille avec joie et lui fait
visiter sa ville. À la vue d’un ivrogne, le docteur commence à raconter
une vieille histoire de Gisors celle du « Rosier de Madame Husson » :
Madame Husson, vieille dame très croyante, décida que Gisors devrait
élire une Rosière pour montrer le bon exemple aux jeunes filles
devenues, d’après son opinion, bien trop précoces. Après maintes
recherches aucune jeune fille ne fut assez pure pour porter un tel titre.
Françoise, la bonne de madame Husson, voyant sa maitresse
tracassée lui proposa Isidore, un garçon fort simple d’esprit, victime
des moqueries des gens de la ville. N’ayant aucun doute sur la
chasteté et la pureté d’Isidore, il fut couronné Rosier de Gisors et reçut
la somme de cinq cents francs. Après une fête bien arrosée qui suivit
son couronnement, Isidore rentra ivre chez lui. Le lendemain il avait
disparu. Après huit jours de recherche, on le retrouva ivre mort et sans
un sous. Il avait dépensé tout son or dans les divers plaisirs qu’offre
Paris. Devenu la honte de Gisors, il sombra dans l’alcoolisme et en
mourût. Ce fut le docteur Marambot qui lui ferma les yeux.
Histoire d’une fille de ferme (1881, parue dans la Revue politique et littéraire)
Rose est une jeune fille qui travaille à la ferme du Maitre Vallin. Elle
entretiendra une relation amoureuse avec Jacques, un garçon de
ferme, qui l’abandonnera après l’avoir mise enceinte. La jeune fille
parviendra à cacher sa grossesse et une fois son enfant né, le laissera
chez une nourrice. Ne pouvant être près de son enfant, Rose
travaillera avec acharnement pour lui assurer un bon avenir. Ses
efforts seront remarqués par le fermier qui voudra en faire sa femme.
Malgré son refus, elle sera obligée d’accepter. Les années passeront
et le couple n’aura toujours pas d’enfant, au désarroi du fermier.
Certain de la stérilité de sa femme, sa haine envers elle augmentera
10
de plus en plus au point qu’il commencera à la battre. Rose n’en
pouvant plus, lui annoncera avoir déjà un enfant. Contre toute attente,
le fermier se réjouira de cette nouvelle et décidera d’élever l’enfant
comme le sien.
La Parure (1884, parue dans le recueil Contes du jour et de la nuit)
Mathilde, insatisfaite de sa vie, rêve d’une vie meilleure, d’une vie de
luxe et de richesse. Un jour son mari, un employé du ministère de
l’Instruction publique, lui apporte une invitation au bal du Ministère. À
l’annonce, Mathilde fond en larmes, se plaignant de n’avoir aucune
toilette et aucun bijou à se mettre pour être à l’égal des femmes de la
haute société. Son mari lui propose d’emprunter un bijou à son amie
Jeanne Forestier. Le soir du bal, Mathilde dans une nouvelle toilette et
décorée d’une parure en diamants, remporte un grand succès. De
retour chez eux, la jeune femme se rend compte qu’elle a perdu le
bijou de son amie. Pour éviter le déshonneur, le couple rachète une
parure identique à celle perdue. Afin de rembourser l’emprunt qu’ils ont
fait, ils devront vivre dans la pauvreté. Après dix années de dur travail,
ils arrivent enfin à rembourser tout l’argent. Mathilde bien vieillie par
ses années de travail, croise Jeanne Forestier et lui raconte la vérité.
Choquée, son amie lui annonce que sa parure était fausse.
Le Petit fût (1884, parue dans le recueil Les Sœurs Rondoli)
L’aubergiste Maitre Chicot, désire depuis longtemps racheter la ferme
de la Mère Magloire, mais la vieille femme s’y refuse. Étant déjà bien
vieille, Chicot propose de lui donner tous les mois une somme fixe
jusqu'à sa mort, en échange de l’héritage de la ferme. Après avoir
consulté son notaire et demandé une plus grande somme, la Mère
Magloire accepte. Trois années s’écoulent et la vieille dame est
toujours en parfaite santé. Chicot, n’en pouvant de continuer à payer,
berne la vieille dame en lui offrant à boire de sa fine. Ayant pris goût à
11
l’alcool, la Mère Magloire en devient une ivrogne. L’hiver qui suivit, on
la retrouva morte dans la neige.
Au Bord du lit (1883, parue premièrement dans la revue Gil Blas, sous le pseudonyme
de Maufrigneuse, puis dans le recueil Monsieur Parent)
Le comte de Sallure, après avoir avoué à sa femme avoir une
maitresse, lui propose de vivre en libertin à condition qu’aux yeux des
gens ils restent un couple exemplaire. Cependant il sera pris de
jalousie en voyant d’autres hommes s’intéresser à sa femme.
Regrettant son choix, il lui déclare son amour. Celle-ci, après la
douleur qu’elle a endurée, lui annonce ne plus l’aimer. Cependant elle
acceptera de le recevoir dans sa chambre s’il lui paye la même somme
qu’il dépense pour ses maitresses, sinon elle envisagera de se prendre
un amant. Malgré son mécontentement, le comte finit par accepter.
12
PREMIÈRE PARTIE
13
A.L’ESPACE
Que ce soit dans la littérature, le théâtre ou le cinéma, tout suggère la
présence d’un espace, d’un lieu où se déroule l’action principale. Qu’il soit
décrit ou non, cela ne met pas en doute son existence. En fonction de la
manière dont l’artiste cherche à s’exprimer, l’espace peut jouer un plus grand
rôle que celui de simple support de l’histoire. « L’espace des régions, des
lieux et des paysages ne constituait pas qu’un ensemble de décors
fournissant la toile de fond ou la couleur locale des récits parisiens,
provinciaux ou africains de Maupassant, mais jouaient un rôle de premier plan
dans la structure et l’efficacité d’un nombre notable de textes »14.
L’information la plus minimale est suffisante pour justifier la participation que
l’espace exerce sur l’histoire en pourvoyant des renseignements
supplémentaires ; il suffit au narrateur de citer le mot « campagne » ou bien
« ville » pour indiquer les instructions de base à son lecteur. Une fois acquise,
l’introduction du personnage prendra une toute autre forme, si le protagoniste
vit dans la campagne le lecteur l’appréhendera de façon tout à fait différente
que s’il vivait en ville. Dans le cas d’une description explicite des lieux, on
pourrait lui attribuer les atouts d’un complice du narrateur. Il s’agit d’un décor
qui s’exprime par lui-même et nous pouvons par conséquent, parler de
fonctionnalité de l’espace.
Étant un trait distinctif de la composition du nouvelliste, il existe déjà un
grand nombre d’approches concernant l’espace narratif chez Maupassant ;
tenant compte des études effectuées nous tacherons, de notre part,
d’exploiter les éléments qui apportent une particularité à leur transposition
cinématographique. Telle la représentation de lieu (habitat, bureau,
campagne, etc.) qui exprime la personnalité du personnage ou bien
14 Bernard Demont, Représentations spatiales et narration dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, Une rhétorique de l’espace géographique, Paris, Édition Honoré Champion, 2005, p.7.
14
l’influence. Ainsi que la nécessité de certaine rajoute d’espace filmique dans
l’adaptation, que l’on caractériserait d’embellissement de l’œuvre.
I. L’espace fonctionnel
En faisant une lecture attentive des œuvres de Maupassant on
distingue très clairement une passivité dans ses histoires. Elle affecte ses
héros qui ne sont pas des êtres agissants mais des êtres passifs. L’auteur est
pourtant connu pour son plaisir du voyage et de la découverte ; cependant il
ne reflète pas cette même énergie aventurière dans ses œuvres littéraires. Au
contraire, l’aventure est un fruit défendu qui entraînera ses personnages dans
la nostalgie et la dépression. Que ce soit une escapade avant un mariage
arrangé dans Une partie de campagne ou bien un voyage de noce comme
dans Une vie, le résultat final est toujours déplorable :
Elle reçut au cœur la vive secousse que donne le souvenir d’une chose
bonne et finie ; et elle revit brusquement l’île radieuse avec son parfum sauvage, son
soleil qui mûrit les oranges et les cédrats, ses montagnes aux sommets roses, ses
golfes d’azur, et ses ravins où roulent des torrents. Alors l’humide et dur paysage qui
l’entourait, avec la chute lugubre des feuilles, et les nuages gris entraînés par le vent,
l’enveloppa d’une telle épaisseur de désolation qu’elle rentra pour ne point
sangloter15.
La tentative d’action accentue l’idée d’immobilité dans l’œuvre, car elle
engendre une répétition d’images fixes « qui ont frappé les personnages,
hantent leurs esprits et motivent leurs actions. L’idée fixe prend la forme d’un
souvenir obsessionnel qui vient compenser l’ennui d’une vie terne et
monotone »16. C’est justement cette monotonie de la vie qui attire
Maupassant : les problèmes conjugaux, la tyrannie du travail bureaucratique
et les petites péripéties amusantes des paysans. Il s’intéresse au drame de la
vie quotidienne.
15 Guy de Maupassant, Une Vie, Paris, Édition Brodard & Taupin, Collection Live de Poche, 2003, p.81-82. 16 A. Fonyi, P. Glaudes, A. Pagès, Relire Maupassant, La Maison Tellier, Contes du jour et de la nuit, op.cit., p.266.
15
Les espaces choisis par Maupassant sont des endroits bien connus de ses
lecteurs, lui permettant de retransformer les lieux et de leur donner une
nouvelle utilité. Résidence principale, bureau, maison de campagne, église et
bien d’autres lieux courants et banals sont ici présentés à travers une
perspective assez inattendue, ayant pour but de donner une nouvelle
fonctionnalité à l’espace qui se projettera sur les personnages et influenceront
leur quotidien.
La résidence principale en tant qu’espace est utilisée en psychologie
comme étude de comportement, car elle reflète le mode de vie de son
occupant. Elle est aussi étudiée en sociologie comme une source
d’information permettant de distinguer une situation sociale. Dans certaines
de ses nouvelles, Maupassant utilise la maison familiale comme moyen
d’identification de ses personnages, évitant ainsi de recourir à une
présentation détaillée de leur personnalité. Il se base sur les connaissances
de son lecteur et se repose sur sa déduction. Premièrement la position de
l’habitat permet de situer le lieu d’action. Maupassant valse souvent entre
deux paysages : Paris et la campagne. Sachant le lieu d’habitat, le lecteur
établit un portrait psychologique basé sur la mentalité soit campagnarde, ou
parisienne, du héros de l’histoire auquel s’attache les mœurs et cultures de
son environnement. Il s’agit là d’une des techniques narratives très spécifique
de l’auteur, « Maupassant puise dans un réservoir très limité de personnages-
types dont il réutilise les attributs socioculturels d’une œuvre à une autre »17.
Une fois le lieu établi, il peut être suivi d’une description de l’intérieur de la
résidence. La taille du domicile ainsi que son immobilier permettent de définir
le statut social des personnages. Dans La Parure, la famille Loisel est un
couple modeste avec pour revenu le salaire d’un employé du ministère de
l’Instruction publique. La particularité de la description narratologique de leur
appartement est qu’elle est vue à travers le regard de Mathilde Loisel :
Elle souffrait de la pauvreté de son logement, de la misère des murs, de
l’usure des sièges, de la laideur des étoffes. […] son humble ménage éveillait en elle
17 Floriane Place-Verghnes, Jeux pragmatiques dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, op.cit., p.198.
16
des regrets désolés et des rêves éperdus. Elle songeait aux antichambres muettes,
capitonnées avec des tentures orientales, éclairées par de hautes torchères de
bronze […] Elle songeait aux grands salons vêtus de soie ancienne, aux meubles fins
portant des bibelots inestimables, et aux petits salons coquets […]18.
La présentation de l’appartement est plus courte que celle du logement où
Mathilde souhaiterait vivre. En ce basant sur la non-existence des éléments,
le narrateur parvient à exposer le décor sans dire ce qui le complète mais
plutôt en désignant ce qu’il lui manque. L’imaginaire du héro est plus
imposant que la vision du narrateur, le goût du luxe et le caractère avide de
Mathilde devient une évidence. Claude Chabrol, le metteur en scène de La
Parure, utilise la même technique de confrontation des lieux. L’histoire débute
dans le bel appartement de Jeanne Forestier, où Mathilde ne peut qu’envier
la vie de son amie. En lui rendant visite, la jeune fille se retrouve à comparer
sa vie. « Le changement de cadre entraîne un inéducable basculement de
toutes ses perspectives »19. Cette opposition de lieu établi une insatisfaction
de sa propre vie : « Jeanne a une cuisinière et deux femmes de chambre. Elle
boit du Porto ! Elle a des bijoux ! ». (04 :24)
Le réalisateur utilise l’appartement des Loisel comme espace subissant
l’impact temporel des dix années durant lesquelles le couple devra
rembourser leurs dettes. Ayant choisi de rester dans le même appartement
pour éviter la honte, ils doivent en plus de leur dette continuer à louer un
habitat qui leur est devenu inabordable. Le domicile a un effet identique à
celui d’un miroir, car il projette la véritable image des Loisel.
18 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, édition complète avec 24 inédits, établie par les soins de Albert-Marie Schmidt avec la collaboration de Gérard Delaisement, Paris, Édition Albin Michel, 1973, p.453-454. 19 Bernard Demont, Représentations spatiales et narration dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, Une rhétorique de l’espace géographique, op.cit., p.62.
17
Derrière les apparences se cachent leurs âmes désespérées qui s’expriment
à travers la dégradation de leur logis. Vidé de tous ses meubles,
l’appartement n’a pour décoration que les traces sur les murs laissées par les
cadres et les meubles vendus, souvenirs de leur vie d’antan.
Dans L’Héritage, le choix de l’espace est toujours stratégique. Les
deux lieux principaux de la nouvelle sont le ministère de la Marine et
l’appartement des Cachelin. L’histoire débute dans le ministère de la Marine,
lieu de travail où règne une atmosphère étouffante et écrasante :
Un bruit de pas pressés emplissait le vaste bâtiment tortueux comme un
labyrinthe et que sillonnaient d’inextricables couloirs, percés par d’innombrables
portes donnant entrée dans les bureaux20.
En utilisant les termes « tortueux », « labyrinthe » et «inextricable »,
Maupassant désigne la négativité du bâtiment. La raison pour laquelle l’auteur
situe son histoire dès le début dans un espace malveillant est qu’il influencera
le jugement du deuxième lieu qui n’est autre que l’appartement des Cachelin.
Ce modeste foyer semble un lieu agréable où vivre mais qui très vite revêtira
le même manteau que celui du ministère. Cachelin utilise son logis comme
appât pour attirer Lesable chez lui. Ce « charmant » appartement est en fait
une préparation au piège final qui suivra : le balcon.
On ouvrit donc la porte vitrée. Un souffle humide entra. Il faisait tiède dehors,
comme au mois d’avril ; et tous montèrent le pas qui séparait la salle à manger du
20 Guy de Maupassant, L’Héritage, Bruxelles, Éditeur André Versaille, 2009, p.9.
18
large balcon. On ne voyait rien qu’une lueur vague planant sur la grande ville, comme
ces couronnes de feu qu’on met au front des saints21.
Dès l’ouverture de la fenêtre, dès ce premier contact avec l’extérieur, le vent
fait place, créant une ambiance enivrante qui poussera Lesable vers Coralie.
À ce niveau de l’histoire, Lesable, ainsi que le lecteur, sont bernés par
l’appartement et le balcon ; ils l’associent avec une image de bien être qui est
en opposition avec l’atmosphère étouffante du ministère. Cependant,
Maupassant laisse entrevoir à travers l’appartement, la véritable identité des
Loisel :
Il y avait trois chambres, une pour sa sœur, une pour sa fille, une pour lui ; la salle à
manger servait de salon22.
À l’évidence, une des trois chambres était originellement le salon. Cora aurait
pu partager sa chambre avec sa tante, mais ils ont préféré sacrifier leur salon
pour que chacun ait son espace personnel. On peut discerner dans leurs
actions leurs caractères insociables ; ils favorisent leur espace privé et
individuel à l’espace familial. L’image de la famille qu’ils projettent n’est
qu’une illusion : Mlle Cachelin profite de son frère, César, quand à lui,
n’attend que la mort de sa sœur et Cora, une fois mariée, reproduira la même
froideur sur son mari et puis sur son amant. Comme leur appartement, les
Cachelin se masquent derrière le jeu des fausses valeurs. Lesable se laissera
prendre au piège et il deviendra prisonnier d’un nouvel espace étouffant.
Le malheur des citadins vient du fait qu’ils vivent dans Paris, cette ville
les pousse dans le vice : jeux d’argent, prostitution, violence, corruption,
fausse apparence et bien d’autres thèmes qui ont inspirés les écrivains du
XIXe siècle. Maupassant voit en cette ville une puissance magnétique qui
affecte ses personnages. Dans Le Rosier de madame Husson, Isidore, de
nature pourtant naïve, s’est rendu instinctivement à Paris. Confus par de
nouvelles émotions produites par l’enivrement de la fête et de sa nouvelle
richesse acquise, Isidore s’enfoncera dans la décadence : « Quelles
21 Ibid., p. 32. 22 Ibid., p. 23
19
suggestions, quelles images, quelles convoitises inventa le Malin pour
émouvoir et perdre cet élu ? »23. Paris lui apparait comme une évidence et il
ne lui faudra pas plus de huit jours pour dépenser tout son or. Dans La
Parure, c’est le désir de la vie luxueuse qu’offre Paris qui pousse Mathilde à
jouer au jeu des fausses apparences et de dépenser quatre cents francs pour
une robe de soirée. Pour ce qui est de la nouvelle Au Bord du lit, il s’agit d’un
cas légèrement différent, car c’est consciemment que la comtesse de Sallure
se laisse entrainer par cet univers hypocrite. Victime des infidélités répétitives
de son mari qui lui a clairement avoué ne pas l’aimer et que leur union n’était
qu’un arrangement, la comtesse pour survire dans ce monde austère devra à
son tour en faire partie. Ne croyant plus à l’amour, elle cherche vengeance en
humiliant son mari lors d’un bal où elle est courtisée de tous.
-Vous êtes, ce soir, tout à fait mal élevée. Je ne vous ai jamais vue ainsi.
-Ah ! voilà… j’ai changé…en mal. C’est votre faute24.
Jaloux, il redevient amoureux de sa femme mais la comtesse refuse d’exercer
ses devoirs conjugaux tant qu’elle ne touche pas la même somme que son
mari dépense pour ses maitresses. Les rôles sont inversés et le comte de
Sallure devient à son tour, victime d’un drame qu’il a lui-même engendré en
se soumettant aux vices de Paris.
Si Paris est cette ville corrompue par le vice et par le mal, la nature
elle, est tout l’opposé. Elle est aussi un pole attractif mais qui incite au calme
et au repos. Dans L’Héritage, la campagne a plusieurs
fonctions. Premièrement elle agit en tant que remède pour Lesable, qui,
désespéré de ne pas avoir réussi à engendrer un héritier, finit par s’en rendre
malade. Il décide d’aller se reposer à la campagne avec sa famille :
Comme il ne se rétablissait pas à son gré, il eut l’idée d’aller finir la saison
chaude aux environs de Paris. Et bientôt la persuasion lui vint que le grand air des
23 Guy de Maupassant, Le Rosier de madame Husson, Paris, Édition Albin Michel, 1988, p.29. 24 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.897-898.
20
champs aurait sur son tempérament une influence souveraine. Dans sa situation, la
campagne produit des effets merveilleux, décisifs25 .
Le narrateur rapporte les pensées de Lesable selon son point de vue. Ce
discours de style indirect désigne l’approbation du narrateur sur les pensées
du personnage. La phrase « Dans sa situation, la campagne produit des
effets merveilleux, décisifs » marque son implication dans le texte, il s’agit
d’une fonction testimoniale ayant pour but de soutenir l’idée exprimée par
Lesable. A travers l’avis du narrateur, Maupassant se fait intentionnellement
ressentir dans l’œuvre.
Les véritables admirateurs de la nature chez Maupassant sont surtout
les femmes. Elles en sont d’ailleurs les plus influencées. La nature éveille en
elles leur sensualité et leur désir d’amour. C’est dans ce tableau
volontairement sélectionné que Maze propose d’aller se promener au bord de
la Seine et de « cueillir des violettes». Les intentions de Maze sont
discrètement divulguées à travers cette phrase, car la violette, dans le
langage des fleurs, désigne les amours secrètes. Le symbolisme de la nature
est poussé plus loin et les débats amoureux des deux amants se passeront
durant la saison printanière, période féconde de la nature :
Un frisson d’hiver courait encore dans les branches nues, mais l’herbe
reverdie, luisante, était déjà tachée de fleurs blanches et bleues ; et les arbres
fruitiers sur les coteaux semblaient enguirlandés de roses, avec leurs bras maigres
couverts de bourgeons épanouis26 .
Cette description est une prolepse des événements à venir. Le narrateur n’a
pas encore annoncé la grossesse de Cora mais il devance l’événement en
laissant un sous-entendu à travers cette métaphore. La raison pour laquelle
Maupassant n’a pas présenté la grossesse de Cora comme un effet de
surprise est due au fait qu’il ne cherchait pas à montrer cet événement
comme un phénomène surprenant et inattendu. Très tôt dans la nouvelle, le
lecteur anticipe l’amour adultère entre Cora et Maze, Maupassant ne cherche
25 Guy de Maupassant, L’Héritage, op.cit., p.60. 26 Ibid., p.97
21
pas à être innovateur, il est conscient de l’évidence du déroulement de son
histoire.
Bien qu’il s’agisse d’un élément crucial, associé au style narratif de
l’auteur, la nature est totalement inexistante dans la version filmique de
L’Héritage du metteur en scène Heynemann. Non seulement l’influence de la
nature n’est pas présente, mais elle est en plus ironisée. « Le sirop à grande
cuillérée fit sans doute plus que le bon air de Bougival. » (50 :30) Peut-être
s’agit-il d’un moyen utilisé par le metteur en scène pour se démarquer de la
nouvelle. Mais en faisant un tel choix il y perd un élément structural qui sert
de pause narrative au récit et adoucit l’histoire. Heynemann, dans son film,
n’apporte aucun repos à son spectateur, tout au contraire celui-ci est
submergé par la moquerie, la supercherie et l’ironie. Le tout est présenté
dans un contexte humoristique dans une tentative d’alléger l’histoire, avec
pour résultat une œuvre proche du vaudeville, avec un mari cocu, trompé par
sa famille. Nous ne reprochons pas au metteur en scène de ne pas respecter
la totalité de l’œuvre originale mais plutôt son choix personnel de supprimer
les moments de détente qu’exerce la nature. En effaçant la présence de la
nature, Heynemann perd un élément qui apportait à l’histoire une certaine
originalité. Dépourvue de cette touche, l’action principale est assez commune.
Les protagonistes poussés par le désir de s’enrichir sont prêts à tout : Coralie
accepte de se marier sans amour pour hériter de sa tante ; pour les mêmes
raisons elle prendra aussi un amant afin d’avoir un enfant. Lesable accepte
d’être cocu afin d’avoir un héritier27 et Cachelin attend avec impatience la
mort de sa sœur. Tous ces comportements humains sont des thèmes chers
du roman réaliste, car ils reflètent la face intérieure de l’hypocrisie de
l’homme. Néanmoins, les personnages qui expriment le besoin de fuir cette
supercherie, cherchent souvent refuge auprès de la nature. Cependant ils
finissent toujours par revenir à leur première situation. À travers l’échec de
leur volonté, Maupassant accentue le drame de la nature humaine.
27 Dans le téléfilm, Heynemann a choisi de faire de Lesable une victime plutôt qu’un acolyte, car il ne réalise pas que Coralie et Maze entretiennent une relation et qu’il n’est pas le vrai père de l’enfant.
22
Il est évident que dans une adaptation, la voix personnelle du metteur
en scène est toujours prise en compte. C’est justement l’association d’une
deuxième voix créatrice qui enrichit l’œuvre originale, mais celle-ci doit
répondre à certaines attentes. Dans le téléfilm Le Petit fût, le metteur en
scène, Claude Chabrol a une toute autre interprétation de la nature. Les
champs de pommiers sont comme les complices du meurtre de Prosper
Chicot. Le soir où la mère Magloire réfléchit au marché proposé par
l’aubergiste, la caméra focalise les pommiers qui entourent la ferme.
Accompagnés par le bruit des branches qui claque dans le vent, ainsi que
d’une musique intrigante, les arbres envoûtent la Mère Magloire. Ils sont
présents tout le long du film et symbolisent la mort, de même que ce sont
leurs fruits qui engendreront l’alcool qui causera la perte de la vieille dame. La
scène de la pomme qui tombe de sa branche est en fait une prolepse du
drame à venir. Par ailleurs, il s’agit du même lieu où l’on retrouvera la Mère
Magloire morte, ainsi que l’endroit où elle sera enterrée. Le téléfilm se termine
avec Chicot qui insulte la tombe de la défunte en la recouvrant d’alcool. La
caméra s’éloigne, en zoom out, de manière à permettre de distinguer en
arrière plan les pommiers qui l’entourent. Ils se tiennent à ses côtés tels les
complices d’un meurtre. Cette vision de la nature est un choix personnel du
metteur en scène, mais l’histoire de base n’en est pour rien bouleversée. On
distingue très bien dans le téléfilm toute une diversité des techniques
filmiques qui apportent à une histoire simple, toute une richesse créative.
II. Les stratégies topographiques et circulaires
L’itinéraire que suivent les personnages est établi par Maupassant afin
de refléter la répétition de leur vie. Généralement circulaire, le parcours
spatial a pour effet celui d’emprisonnement. « C’est l’enfermement dans une
série d’espaces immuables qui caractérise la vie monotone du héros »28. Les
va-et-vient qu’exerce tous les jours le héros est une pression psychologique.
Comme une obligation, la victime du schéma narratif, n’a pas d’autre choix
28 Bernard Demont, Représentations spatiales et narration dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, Une rhétorique de l’espace géographique, op.cit., p.18.
23
que de se laisser entrainer dans un cycle infernal. Dans L’Héritage, Lesable
est toujours entre deux lieux : son appartement et le Ministère de la Marine.
Ces deux espaces sont un châtiment, où il doit supporter le mépris et la
moquerie des gens qui l’entourent. Chez lui, son beau père et sa femme
l’humilient constamment à cause de sa stérilité :
Cora maintenant avait le verbe haut, et rudoyait son mari. Elle le traitait en
petit garçon, en moutard, en homme de peu d’importance. Et Cachelin, à chaque
dîner, répétait : « Moi si j’avais été riche, j’aurais eu beaucoup d’enfants…Quand on
est pauvre, il faut savoir être raisonnable. » Et, se tournant vers sa fille, il ajoutait :
« Toi, tu dois être comme moi, mais voilà… » Et il jetait à son gendre un regard
significatif accompagné d’un mouvement d’épaules plein de mépris29.
Au bureau, il subit les remarques blessantes de ses collègues, qui l’ont
toujours jalousé. Étant au courant de son malheur, ils en profitent pour se
venger en rabaissant sa fierté d’homme :
Maze avait soudain compris que la vraie force est dans le calme et l’ironie ;
mais, blessé dans toutes ses vanités, il voulut frapper au cœur son ennemi, et reprit
d’un ton protecteur, d’un ton de conseiller bienveillant, avec une rage dans les yeux :
« Mon cher Lesable, vous passez les bornes. Je comprends d’ailleurs votre dépit ; il
est fâcheux de perdre une fortune et de la perdre pour si peu, pour une chose si
facile, si simple…Tenez, si vous voulez, je vous rendrai ce service-là, moi, pour rien,
en bon camarade. C’est l’affaire de cinq minutes…30.
Le héros de Maupassant est généralement responsable de son propre
malheur, ce sont ses actions et ses choix qui le guideront vers le chemin qu’il
empruntera. Dans Histoire d’une fille de ferme, c’est Rose, elle-même qui
choisit de s’enfermer dans un cycle d’allers-retours entre la ferme du Maître
Vallin et la maison de la nourrisse qui élève son enfant. Ces deux espaces
sont pour elle un martyre car ils l’oppressent psychologiquement. Chacun
d’eux est rattaché à un des mensonges de Rose. À son maitre, qui deviendra
par la suite son mari, elle cache l’existence de son enfant et à sa nourrice,
elle masque l’abandon du père. Ses pensées sont toujours tiraillées par les
29 Guy de Maupassant, L’Héritage, op.cit., p. 64. 30 Ibid., p.70.
24
secrets de ses deux lieux. Rose a fait son choix, elle aurait pu laisser son
enfant dans un orphelinat mais sa morale l’empêchait d’abandonner son
enfant. Les honnêtes gens sont toujours les premières victimes de l’univers
satirique de Maupassant. Au final, les efforts de Rose, pour cacher l’existence
de son enfant se sont avérés futiles et lui ont causé des souffrances
inutilement. Le Maitre Vallin n’arrivant pas à avoir d’enfant était devenu violent
et méprisant envers sa femme. Il se réjouira d’entendre l’existence de cet
enfant.
En outre du malheur engendré par les actions des personnages, nous
pouvons remarquer dans certaines nouvelles la présence d’un chemin piégé
qui n’aboutit qu’à une fatalité choisie par l’auteur. Dans La Parure, ce n’est
pas par hasard que Mathilde, une fois son emprunt remboursé, rencontre son
amie Jeanne et lui annonce que la parure était fausse. L’ironie du sort ne
prend place que par la volonté de l’auteur qui positionnera les éléments
déclencheurs du drame sur le trajet de ses personnages. Il s’agit là d’un choix
personnel de l’auteur et non le résultat d’évènements qui aboutissent au
drame. On ressent très clairement la présence de Maupassant dans l’histoire,
non pas en tant que narrateur mais en dieu cruel qui décide du destin de ses
créatures. Nous pourrons désigner ce trajet de « circuit piégé » car c’est un
chemin que le héros doit inévitablement emprunter. Dans le film de Claude
Chabrol, le metteur en scène accentue la cruauté ironique de Maupassant en
situant la rencontre de Mathilde et Jeanne dans une unité temporelle bien
précise. Charles, venant de rembourser leur dernier emprunt, est optimiste et
propose à sa femme d’aller se promener: « Nous allons retrouver une vie
normale Mathilde. Et pour commencer, tu feras des petites promenades qui te
délasseront. » Si Maupassant n’est pas aussi clair sur la durée du temps
écoulé depuis la rencontre avec Jeanne et le remboursement, Chabrol, lui,
choisit d’enchainer les deux évènements, ne laissant aucun repos à Mathilde
qui, a peine sortie de son malheur, replonge dans un autre.
Un procédé que l’on retrouve fréquemment dans les films est celui de
la notion du “surplace”, désignant une même action qui se répète dans un
même lieu tel un circuit circulaire. Tout comme en littérature, il exprime le
25
principe de monotonie de la vie, de la continuité sans fin d’une action et de sa
futilité. Cependant la répétition visuelle bénéficie d’un avantage auprès de son
public, car la technique de la répétition qui est en accord avec le rythme de
l’histoire, influence aussi le temps réel du téléspectateur. « Comme ce qui
compte, dans le rythme, ce n’est pas la durée réelle mais l’impression de
durée»31. Le circuit circulaire, qui se déroule dans un même lieu, crée l’illusion
d’un emprisonnement dans le temps qui n’affecte pas uniquement l’univers
filmique mais aussi celui du spectateur. Dans L’Héritage, Heynemann dès le
début du film nous introduit dans l’univers monotone du Ministère de la
Marine par l’utilisation de la caméra qui suit les va-et-vient des employés du
Ministère de la Marine qui empruntent les escaliers de l’entrée principale.
Le choix de l’escalier accentue la fatigue physique et psychologique.
Physique, de part la répétition constante des mêmes mouvements et
psychologique, car la vue des escaliers renvoie directement à l’effort
demandé, telle une échelle de mesure où la personne distingue clairement le
reste du trajet qui doit être parcouru. La même technique est présente dans
La Parure de Claude Chabrol, dans la scène des allers-retours de Mathilde
entre son travail et sa maison. Cette répétition du mouvement dans un même
espace donne l’illusion du surplace. En tant que mouvement, le surplace
31 Jean Mitry, Esthétique et psychologie du cinéma, 1. Les structures, Paris, Édition Universitaires, 1973, p.352.
26
renvoie à l’idée d’inutilité, c’est une action futile. Identique à la prolepse,
Mathilde annonce dans son mouvement que tous ses efforts seront futiles.
Ce n’est que lorsqu’ il y a une rupture du circuit, que nous constatons
un changement important dans l’histoire. Dans la nouvelle de L’Héritage se
sont les escapades en campagne qui procurent un peu de repos pour le
couple. Notamment, elles introduiront un changement important de
l’histoire : l’annonce de la grossesse de Coralie. Dans Histoire d’une fille de
ferme, quand Rose avoue la vérité à son mari, elle met fin à son trajet
répétitif. Néanmoins la rupture peut aussi être la cause d’un malheur à venir.
Dans La Parure, c’est l’invitation au bal qui viendra chambouler le quotidien
du couple et qui entrainera le désastre dans leur vie. Dans Le Petit fût,
Prosper Chicot se rend de nombreuses fois chez la mère Magloire en
espérant que celle-ci lui vende sa ferme. Ce n’est qu’a sa vingtième visite qu’il
parvient à mettre fin à ce cycle qu’il croyait sans fin. Les va-et-vient de Chicot
montrent son acharnement à s’accaparer la ferme de la mère Magloire. Trois
ans se sont écoulés et la mère Magloire n’est toujours pas décédée comme il
l’avait espéré. Dans l’histoire on décèle deux ruptures. La première survient
quand la mère Magloire met fin à la persistance de Chicot en acceptant son
marché, ce qui entrainera sa mort. La deuxième rupture se produit par le
meurtre de la mère Magloire ; Chicot, n’en pouvant plus la payer tous les
mois, décide de rompre ce nouveau cycle où il s’est lui même fait piéger.
Mais qu’importe le chemin emprunté par les personnages, ils sont en
majorité perdants et s’ils arrivent malgré tout au bonheur, il est soit hypocrite
soit bien éphémère. Piégés par la monotonie de la vie, toute tentative
d’échappatoire étant futile, les héros de Maupassant subissent leur malheur
sans chercher à le combattre. Ils sont condamnés à répéter les erreurs de la
vie et à mettre « en abyme la vanité de toute aspiration à la liberté et à
l’épanouissement, de toute prétention à vouloir maîtriser son destin »32.
32 Bernard Demont, Représentations spatiales et narration dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, Une rhétorique de l’espace géographique, op.cit., p.100.
27
III. L’extension et l’exploitation paysagère
De tous les arts de divertissement, l’art filmique est sûrement celui qui
demande le moins de participation de la part de son spectateur. L’image étant
fournie, il ne fait pas appel à l’imagination créative de son public. Étant plus
facilement distrait, le spectateur a plus de difficultés à rester attentif durant le
film. Pour le garder concentré, le film doit fournir un nombre plus important de
divergences qu’en littérature ou au théâtre. Un de ces moyens est le
changement fréquent de lieu. Il est très courant pour le metteur en scène de
rajouter de nouveau lieu ayant un rapport avec l’univers fictif de l’histoire. Il a
aussi la possibilité de se baser sur les espaces déjà existants mais de les
amplifier en leur donnant une plus grande importance.
Dans la nouvelle Le Rosier de madame Husson, étant donné que
l’histoire de Madame Husson est une légende racontée oralement, elle ne
bénéficie pas de beaucoup d’informations spatiales, on sait juste qu’elle se
déroule à Gisors. Cependant dans le téléfilm de Denis Malleval, nous avons
droit à un plan détaillé du village : ruelles, place du village, Mairie, église,
café, le magasin de la fruitière et la maison de madame Husson. Chacun de
ces lieux est en rapport avec un des personnages de l’histoire ; il sert à la fois
d’introduction. Il s’agit notamment d’un moyen d’infiltrer discrètement le thème
de l’alcool qui jouera un rôle capital à la fin de l’histoire. À divers moments du
film on distingue clairement les personnages dégustant des boissons
alcoolisées et cela toujours en rapport avec l’espace où ils se situent :
- L’église où l’abbé Malou boit le vin de messe.
- Le café du village que fréquentent les politiciens de Gisors et
où ils sirotent leur alcool.
- Le salon de madame Husson où celle-ci, une fois son rosier
trouvé, veut célébrer sa réussite en buvant du cidre. Et où à la
fin du film y videra une bouteille complète pour noyer sa
déception.
- La salle de réception où est fêtée la nomination d’Isidore et où
les bouteilles de vin se vident à vue d’œil.
28
L’alcool, ne représente pas uniquement l’élément destructeur de la pureté
d’Isidore mais il reflète aussi l’hypocrisie des villageois. Ils reprochent à
Isidore de s’être vautré dans l’alcoolisme alors qu’eux-mêmes ont succombé
au plaisir de l’alcool. Ils blâment Isidore afin de dissimuler le désappointement
de leur propre échec. Les personnages de l’histoire semblent plus
préoccupés par leur intérêt personnel que par les valeurs que récompense la
rosette. « Le médecin le fait par esprit de clocher, le curé ne fait qu’obéir à
madame Husson, qui veut, quand à elle négocier une “indulgence” contre
cette initiative »33.
Le thème de l’alcool est aussi présent dans Le Petit fût. C’est à travers
l’espace de l’auberge de Maitre Chicot que Claude Chabrol introduit cet
élément crucial de l’œuvre. Tout au long de l’histoire on y verra les villageois
ainsi que les policiers y boire la fine de Prosper Chicot. Ce lieu sert
d’affichage de la personnalité de Chicot. En tant qu’aubergiste il nous
apparaît comme quelqu’un de social et aimé de ses clients. Cependant c’est
un homme à double facettes. Son autre visage ne nous est montré qu’au
détour du regard des autres. Dans son auberge Chicot amadoue les gens qui
l’entourent en leur offrant un verre. Il fait croire à ses clients qu’il est attaché à
la mère Magloire. « Je suis comme son fils »dit-il, ces même paroles seront
répétées plus tard par les hommes qui trouverons le corps mort de la mère
Magloire : « C’est comme son fils ». (24 :48) L’auberge est le lieu où Chicot
préméditera son meurtre, il y piégera la mère Magloire en l’invitant à manger
et en lui faisant boire sa fine pour la première fois.
L’extension du décor est inévitable dans la réalisation filmique. Elle ne
peut se limiter aux espaces cités dans la nouvelle, l’œuvre en serait trop
proche du théâtre. Imaginer de nouveaux lieux ou bien amplifier ceux
existants dans l’œuvre originale n’est pas une tache facile, car elle apporte un
autre dilemme au metteur en scène : il doit donner une utilité supplémentaire
pour justifier la présence de ce nouvel espace.
33 Laurence Jung, «Chez Maupassant(4), Comédies grinçantes», Télédoc, Le petit guide télé pour la classe [en ligne], 2007-2008. p.2.
29
IV. La perception et la reproduction spatiale
La description de l’espace est toujours présente dans les nouvelles de
Maupassant ; cependant il ne s’agit pas de ce qu’on appelle une narration
balzacienne. La nouvelle, de par sa taille, ne permet pas de se perdre dans
un long récit descriptif, c’est pourquoi l’auteur se base sur les connaissances
générales de son public, en utilisant « un répertoire d’espaces, de lieux, de
paysages […], référables et concrets, plus ou moins familiers au lecteur de
l’époque »34. Mais dans le cas d’une adaptation filmique ces renseignements
sont-ils suffisants ? Si dans certains cas il n’était pas nécessaire de décrire
les lieux, car ils étaient connus par les lecteurs de l’époque, il est évident que
cela ne s’accorde plus pour notre époque. C’est un des avantages que
l’adaptation filmique propose au public contemporain qui bien qu’ayant lu la
nouvelle ne soit pas pour autant capable d’imaginer les lieux décrits
par l’auteur. L’œuvre filmique ne se contente pas de reproduire uniquement
une histoire, mais elle tente de redonner vie à une époque inconnue de ses
spectateurs. Elle fournit des informations supplémentaires sur le mode de vie
des gens du XIXe siècle, leurs coutumes, leurs habitats, les différents statuts
sociaux, etc. Le film apporte une facette sociologique à l’histoire, enrichissant
ainsi l’œuvre pour le public contemporain.
Denis Malleval dans ses deux films : Histoire d’une fille de ferme et Le
Rosier de madame Husson, présente les différentes occupations de l’époque.
À travers L’histoire d’une fille de ferme le metteur en scène nous expose le
mode de vie des fermiers ainsi que la gestion de la grande ferme du maitre
Vallin. On y élève des moutons, des oies, des poules, des chevaux. Il y a la
récolte du foin, des œufs, du lait et de la laine. Ils labourent leurs champs,
ramassent le fumier, vendent leurs produits et entretiennent la ferme. En
outre des travaux de ferme, il y a aussi les taches de la maison. Rose cuisine,
fait les poussières, range la demeure, lave et fait sécher le linge. On nous
présente notamment les relations entre valets et Maître ; Vallin participe aux
34 Bernard Demont, Représentations spatiales et narration dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, Une rhétorique de l’espace géographique, op.cit., p.1498.
30
taches journalières comme tout le monde, ses employés sont hébergés chez
lui et mangent à sa table. L’équivalent de cette technique en narratologie
serait la « fonction idéologique », où le narrateur cherche à fournir des
informations à caractère didactique. Le public de Maupassant étant en
majorité des citadins, l’auteur part du principe qu’ils ont certaines lacunes en
ce qui concerne les mœurs provinciales :
Il ne pouvait d’ailleurs exister entre eux de scrupules de mésalliance, car,
dans la campagne, tous sont à peu près égaux : le fermier laboure comme son valet,
qui, le plus souvent, devient maître à son tour un jour ou l’autre, et les servantes à
tout moment passent maîtresses sans que cela apporte aucun changement dans leur
vie ou leurs habitudes35.
Dans le film, Rose, qui s’acharne de plus en plus au travail, remet en état un
petit salon laissé à l’abandon depuis la mort de la femme de Maitre Vallin. Elle
juge que le fermier doit avoir une pièce pour recevoir du monde maintenant
qu’il s’est enrichi. Il y a donc une nouvelle nécessité qui vient d’apparaitre
dans la vie du fermier et celle-ci est rattachée à un lieu. L’organisation des
fermes est telle que chaque lieu a une utilité bien précise :
Espace Fonction Production
Le poulailler Élevage de la volaille Collecte des œufs
L’étable Élevage des moutons et
des vaches
Production de viande,
de lait et de laine
La grange Stockage des récoltes Préservation des
produits
Les champs Labourage et récolte Entretien de la terre
La fontaine Lavage du linge sale Entretien de la ferme
La salle à manger Repas de groupe Relation sociale : maitre
et valet
Le petit salon Pièce pour recevoir Relation sociale : maitre
et client
35 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.33.
31
Dans Le Rosier de madame Husson, il s’agit d’un espace au champ
plus large qui, lui aussi, regorge de diversités spatiales. Malleval présente à
travers un plan détaillé de la petite ville de Gisors le quotidien de ses
habitants. « La société française se trouve résumée ici avec les notables
(médecin, maire), les petits commerçants et artisans (la fruitière, la meunière),
les paysans et le clergé. Les coutumes sont caricaturales : les femmes vont à
l’église pendant que les hommes sont au café, les clientes se plaignent des
prix »36. Le spectateur pourra reconnaître certaines professions comme celle
de la fruitière, de l’aubergiste, du livreur, de la femme de ménage, de la
couturière, du conducteur de fiacre, etc. « Il s’agit ici d’un objectif à dimension
presque anthropologique, où le cinéma est conçu comme véhicule des
représentations qu’une société donne d’elle-même »37. En recréant tout un
univers historique et sociologique, Denis Malleval apporte une autre facette à
son téléfilm, une fonction éducative.
Il faut accorder une grande attention à la reproduction du décor.
L’espace permet de fournir des informations sur son occupant, il sera donc
une tache importante de la part du chef décorateur, responsable du décor, de
bien réaliser l’objectif voulu. La précision du décor dans La Parure montre
bien l’ampleur du travail et l’utilité apportée par la décoration de l’appartement
de Jeanne Forestière et de Mathilde Loisel. Elle permet de faire la distinction
de la classe sociale des deux jeunes femmes. L’appartement de Jeanne
Forestière est richement décoré, les murs sont habillés de belles tapisseries
florales ; des napperons en dentelle recouvrent les meubles ; cadres,
chandeliers, lanternes et fleurs garnissent la pièce. Le tout est présenté dans
un ton pâle et lumineux qui servira de contraste avec l’appartement de
Mathilde. Sombre et simplement décoré, il ne possède pas d’élément
superficiel comme la demeure de Jeanne. Le premier impact que donne la
décoration est la différence des deux classes sociales. L’appartement de
Jeanne est exagérément chargé, il reflète son orgueil et sa véritable facette. «
36 Laurence Jung, «Chez Maupassant(4), Comédies grinçantes», op.cit., p.2 37 J. Aumont, A. Bergala, M. Marie, M. Vernet, Esthétique du film, Paris, Éditions Fernand Nathan, 1988, p.69
32
Jeanne est une bourgeoise snob qui n’invite son amie que pour étaler ses
richesses et ses relations »38.
Le second impact se fera une fois les dix années écoulées, où l’appartement
des Loisel sera de nouveau montré mais cette fois complètement vidé de ses
meubles. Le spectateur établira une nouvelle comparaison entre le nouveau
mode de vie des Loisel et leur ancien.
Un espace que l’on retrouve fréquemment chez Maupassant est celui
du ministère ; lieu que l’auteur a toujours détesté, suite à ses huit années de
travail en tant que fonctionnaire. Du patron profiteur à l’employé à la fausse
facette, Maupassant, en l’attaquant dans ses œuvres littéraires, se vengera
de cet entourage. « Écœuré par le travail et le milieu des bureaucrates, il en
profite néanmoins pour emmagasiner portraits et sujets. Il observe autour de
lui sans indulgence, note des attitudes serviles, des intrigues sans envergure,
et amasse le matériau des scènes bureaucratiques »39.
Dans L’Héritage, mais aussi La Parure, le ministère est représenté comme un
lieu néfaste où les personnages y sont exploités. Toujours accompagnée
d’adjectif négatif, la description de ce lieu se veut lourde et étouffante. Si
l’amour de l’auteur pour la nature est une caractéristique essentielle de sa
personnalité, son mépris envers la bureaucratie ne peut pas être mis à l’écart.
38 Agnès Lefillastre, «Chez Maupassant(1), Secrets et Mensonges», Télédoc, Le petit guide télé pour la classe [en ligne], p.2. 39 Jean-Marie Dizol, Guy de Maupassant, Toulouse, Éditions Milan, 1997, p.15.
33
Mais comment cette touche caractéristique de Maupassant peut-elle être
représentée sur écran ? Chabrol et Heyenemann ont chacun leur propre
façon d’interpréter cette atmosphère. Dans La Parure, Charles Loisel est
exploité par son supérieur qui le fait travailler des heures supplémentaires en
échange d’une invitation au bal du ministère. Très peu éclairés et de peinture
grisards, les bureaux du ministère sont petits et surchargés de dossiers. On
distingue même plusieurs petits détails tels des coups sur les murs et le
mauvais état du bois des cadres, montrant bien le manque d’intérêt que le
ministère porte au lieu de travail de ses employés. Dans L’Héritage,
Heyenemann a une vision moins sombre du ministère, mais cela est dû à la
différence des deux œuvres, La Parure étant un drame aux aspects
satiriques, il est donc normal que cette noirceur soit présente, alors que
L’Héritage lui est plutôt une comédie satirique. C’est donc sur une tout autre
approche que le metteur en scène introduira le ministère. D’une façon assez
judicieuse, le film débute dans le hall d’entrée du ministère, salle spacieuse et
illuminée, sa couleur blanche et sa propreté donne au ministère une belle
image. Cependant, cette façade est vite ternie quand la caméra nous entraine
petit à petit dans d’autres parties du ministère. Après le hall nous découvrons
un large couloir menant au département des employés, toujours dans un ton
blanc et lumineux. On distingue néanmoins un changement dans la
décoration au niveau de l’immobilier et du carrelage. Ensuite nous accédons
à un deuxième couloir, cette fois-ci assez étroit, sans fenêtre et où on y a
laissé traîner plusieurs caisses. Et enfin, apparaît la dernière pièce, celle des
employés, aux volets fermés, où s’entassent bureaux, caisses, dossiers, etc.
La différence entre cette pièce et celle du hall d’entrée est frappante. Le tout
accompagné d’une musique joyeuse, Heyenemann introduit ainsi l’ironie de
ce lieu à la fausse facette.
34
La technique narrative de Maupassant permet à la nouvelle de n’avoir
rien à envier au roman. L’auteur se contente des matériaux que lui procure le
récit court, dont la description, certes limitée, de l’espace qui se voit doté
d’une multitude de fonctionnalités. Outre sa fonction d’introduire le lieu, elle
aide à une meilleure approche des personnages. Notamment, l’auteur se
repose sur la participation de son lecteur en lui décrivant un espace qu’il
connaît bien ; il anticipe ses réactions et les utilise au profit de son œuvre. Ni
ses histoires, ni ses personnages ne reflètent une quelconque originalité ; au
contraire ils sont tous des parodies de la vie réelle. C’est sur cet aspect du
concret, du plausible que Maupassant offre sa perception d’un monde connu
de tous.
35
B.LE TEMPS
La notion du temps dans la littérature est un sujet des plus complexes,
car elle n’est pas toujours évidente à définir. Sa difficulté vient du fait qu’en
narratologie, on distingue deux unités temporelles ; la première est celle du
temps de l’histoire (TH) ; il s’agit de l’écoulement temporel du monde fictif de
l’œuvre. La deuxième, celle attirera notre attention, est le temps du récit (TR)
qui indique la position temporelle du narrateur par rapport au récit raconté.
Dans sa théorie sur la narratologie, Gérard Genette définit la vitesse du récit
« par le rapport entre une durée, celle de l’histoire, mesurée en secondes,
minutes, heures, jours, mois et années, et une longueur : celle du texte,
mesurée en lignes et en pages »40. Néanmoins il est impossible de mesurer la
durée de lecture d’un récit à celle de l’histoire, car comme le dit Genette « les
temps varient selon les occurrences singulières, et que, contrairement à ce
qui se passe au cinéma, ou même en musique, rien ne permet ici de fixer une
vitesse “normale” à l’exécution »41.
Au cinéma, tout comme à la télévision, le film possède lui-aussi ces deux
unités temporelles : le temps qui s’écoule dans la diégèse et le temps de
projection du film. Le principe de l’écoulement du temps dans la diégèse est
le même que celui de la littérature ; ce ne sont que les techniques de
représentation qui changent. C’est à travers celles-ci que nous observerons
les moyens de conversion des adaptations filmiques. En ce qui concerne le
temps de projection du film, on constate une certaine difficulté à la
transposition de l’œuvre qui est limitée par un temps bien défini. Surtout dans
le cas de court /moyen métrage, où la limite temporelle est de trente à
soixante minutes42.
La nouvelle affronte ces mêmes difficultés ; c’est d’une part ce qui l’unit
au court métrage. Elle aussi, est soumise à une restreinte de taille. Une
grande majorité des nouvelles étaient publiées dans des journaux et
périodiques, limitant les capacités de l’auteur qui devait respecter un nombre
40 Gérard Genette, Figure III, op.cit., p. 123. 41 Ibid., p.122. 42 Marie-Thérèse Journot, Le Vocabulaire du cinéma, Paris, Édition Armand Colin, 2006.
36
bien précis de pages qu’imposaient leurs éditeurs. En respectant cette
contrainte, il devait contenir son histoire dans un nombre défini de pages. Une
maîtrise judicieuse des diverses techniques narratives permet de combler les
manques du récit court afin qu’il soit aussi complet qu’une œuvre de plus
grande taille. Bien entendu ces techniques ne sont pas uniquement exploitées
dans l’intention de gagner du temps. Il faut préciser que toutes les nouvelles
n’étaient pas limitées à une dizaine de pages. L’Héritage est une assez
longue nouvelle, répartie en huit chapitres, Le Rosier de madame Husson, lui,
englobe une vingtaine de pages. À l’évidence, l’utilisation de ces techniques
est aussi un choix personnel de l’auteur qui à travers une marque
caractéristique de style, facilite le déroulement de l’histoire afin d’aboutir à
une meilleure compréhension de l’œuvre.
I. La suspension narrative et le ralentissement temporel
La pause narrative est une interruption de la narration de l’histoire afin
de se concentrer sur la description d’un objet, d’un lieu ou bien d’un
personnage. Ce procédé joue un rôle important chez Maupassant, car
l’élément désigné aboutira généralement à un rôle significatif. Si le narrateur
choisit de laisser sur son passage quelques éléments clés de l’histoire c’est
souvent par l’intermédiaire d’une pause narrative.
Plusieurs œuvres littéraires débutent sur une description de lieu, qui
permet au narrateur de situer son histoire avant d’entamer sa narration. Elle
peut aussi servir de changement de séquence, lors d’une alternation
d’espace.
M. Cachelin habitait dans le haut de la rue Rochechouart, au cinquième
étage, un petit appartement avec terrasse, d’où l’on voyait tout Paris. Il avait trois
chambres, une pour sa sœur, une pour sa fille, une pour lui ; la salle à manger servait
de salon43.
43 Guy de Maupassant, L’Héritage, op.cit., p. 23.
37
Maupassant, qui attache beaucoup d’importance à son choix de décor, prend
souvent le temps de dresser un tableau bien précis des lieux. Dans l’exemple
cité plus haut, la description de l’appartement de M. Cachelin est essentielle,
car il s’agit du lieu d’action. Sa précision architecturale rappelle celle d’une
didascalie :
Il entra dans la salle à manger pour tout vérifier. Au milieu de la petite pièce,
la table ronde faisait une grande tache blanche, sous la lumière vive de la lampe
coiffée d’un abat-jour vert. […] La porte de gauche s’ouvrit et une courte vieille
parut44.
La salle à manger est dressée tel le décor d’une pièce de théâtre. La porte à
gauche est comme un dégagement qu’utilisent les acteurs pour entrer en
scène. Il fallait donner une image claire de la pièce, car elle servira de lieu
d’action de nombreuses scènes. Tout le chapitre II se déroule dans la salle à
manger et sur le balcon qui y est rattaché. Dans la version filmique de Laurent
Heynemann la moitié du film est tournée dans la salle à manger.
Au cinéma, l’utilisation d’un cadrage fixe de la caméra correspondrait le
plus à ce que nous appelons la pause narrative. Dans Histoire d’une fille de
ferme, nous avons une vue du village au travers d’une image stable.
Néanmoins, cette technique n’est pas souvent utilisée pour la description des
lieux ; le metteur en scène préférera utiliser celle du pano-travelling45 lui
offrant un champ de vision plus large et plus détaillé. Cependant l’effet produit
est légèrement en opposition avec l’idée de l’arrêt temporel, car le
mouvement de la caméra renvoie à l’idée d’écoulement du temps. Plutôt
qu’un arrêt nous avons un ralentissement du temps, permettant au spectateur
de bien visualiser les données fournies dans le champ. Dans le téléfilm
Histoire d’une fille de ferme de Denis Malleval, l’histoire commence avec un
glissement de caméra, révélant un paysage campagnard rempli de champs
où l’on distingue au loin un village et des forêts.
44 Ibid., p.24 45 Le pano-travelling (mouvement d’appareil) allie les effets du panoramique à ceux du
travelling. (Dans M.-T. J., op.cit.)
38
Le narrateur ne suspend pas seulement sa narration pour détailler un
décor mais aussi pour introduire des personnages. Plus le personnage est
important, plus dense est la description. Dans L’Héritage, le narrateur nous
présente brièvement les employés du bureau du ministère de la marine, mais
il procède d’une manière différente lors de la présentation de Maze ; la pause
est plus longue et la description plus minutieuse :
La porte s’ouvrit et M. Maze entra. C’était un beau garçon brun, vêtu avec
élégance exagérée, et qui se jugeait déclassé, estimant son physique et ses
manières au-dessus de sa position. Il portait de grosses bagues, une grosse chaine
de montre, un monocle, par chic, car il l’enlevait pour travailler, et il avait un fréquent
mouvement des poignets pour mettre bien en vue ses manchettes ornées de gros
boutons luisants46.
L’interruption narrative permet aux lecteurs de prendre conscience de
l’importance de Maze et de son rôle à jouer dans la suite du récit. C’est d’une
façon stratégique que Maupassant éveille un soupçon autour de ce
personnage, créant un effet qui aura pour but d’augmenter l’attention du
lecteur à chaque citation de son nom. La mise en scène de cette séquence
dans le téléfilm, se fait par un ralentissement de l’histoire. La caméra voyage
de bureau en bureau, se posant quelques secondes sur l’employé qui y
travaille pour permettre au narrateur, “en voix off”47, de le présenter. La
caméra se fixe pour laisser le temps aux spectateurs d’enregistrer les
caractéristiques physiques de l’acteur et de lire le nom de chaque employé,
inscrit en plaquette sur leurs bureaux.
46 Guy de Maupassant, L’Héritage, op.cit., p.10. 47 Abréviation de off screen, “hors écran”, ce terme est surtout utilisé pour le son dont la source n’est pas visible à l’écran. (Dans M.-T. J., op.cit.)
39
La décélération du temps se distingue aussi dans les actions des
personnages. Cachelin regarde sa montre, Pitolet se nettoie le bout des
doigts et Maze prend le temps de lire un livre. Dans la passivité de leurs
actions, on ressent le ralentissement narratif de l’histoire. Il en va de même
pour la musique accompagnatrice, qui devient plus basse qu’au début du
téléfilm.
L’arrêt du temps ne renvoie pas uniquement à un événement qui se
déroule dans l’instant présent. « L’interruption affecte tout d’abord la
possibilité pour le passé de faire retour au présent ; mais elle atteint, du
geste, la présence à soi de ce seul présent »48. En effet, la pause narrative
peut aussi offrir l’opportunité d’introduire d’autres unités temporelles,
appartenant au passé et parfois à l’avenir49. En narratologie la fonction de
conter un évènement s’étant déroulé dans le passé porte le nom
« d’analepse » ; au cinéma, on appelle cette technique le « flashback ». La
prolepse, quant à elle, a pour fonction de situer un événement dans l’avenir,
autrement dit pour le cinéma : le flash-forward. Mais pour notre étude, nous
ne nous intéresserons qu’au flashback. Cette technique permet au cinéaste
de faire ressurgir à la surface les pensées du personnage. Contrairement à la
littérature, il n’est pas possible d’exprimer aussi clairement ce que ressent le
48 Marie-Claire Ropars-Wuilleumier, Le Temps d’une pensée, Du montage à l’esthétique plurielle, Paris, Édition Presses Universitaires de Vincennes, 2009, p.371. 49 Cette unité temporelle est plus présente dans les films fantastiques sous la forme d’une prédiction.
40
héro. Le temps suspendu suivi d’un flash back permet de transmettre au
spectateur les sensations exprimées par les personnages. Dans le téléfilm de
La Parure, Mathilde, vieillie par les dix années de dur labeur, se regarde dans
le miroir et se revoit le soir du bal du Ministère. (23 :53) La présence du
flashback permet aux deux unités temporelles de se côtoyer quelques
instants. Gérard Genette voit en la comparaison de deux situations à la fois
semblables et différentes, l’opportunité de faire appel à la mémoire.50 Ces
souvenirs permettent aux spectateurs de faire une comparaison, entre la
Mathilde de maintenant et de jadis. Par la même occasion elle aide à une
meilleure approche et compréhension de l’état psychologique de l’héroïne, qui
vit depuis dix ans dans le regret et le souvenir des jours heureux.
II. Les projections temporelles
Relative à la question de la vitesse, la suppression des espaces
temporels conditionne les effets narratifs. Sous le terme de « l’ellipse », on
distingue un avancement dans le temps. Autrement dit, une projection dans le
récit de plusieurs jours, mois, voir années. Ce procédé est très fréquent dans
L’Héritage où le déroulement du temps est important pour l’histoire. D’ailleurs,
presque tous les chapitres débutent avec une indication temporelle ou se
clôturent avec une autre :
Ouverture du chapitre
Clôture du chapitre
Chapitre I
« Bien qu’il ne fût pas
encore dix heures »
« Le lundi suivant »
Chapitre II
« Pendant toute la
semaine »
« Un mois plus tard »
Chapitre III
« L’année s’écoula »
« Au bout de quelque
temps »
50 Voir Gérard Genette, op.cit., p. 95.
41
Chapitre IV
« En suivant l’enterrement
de la tante Charlotte »
« Il était sept heures »
Chapitre V
«De mois en mois »
« Un jour »
Chapitre VII
« Depuis cette heureuse
découverte »
___________
Toutes ces indications temporelles sont en fait un compte à rebours qui nous
rapproche petit à petit de la date limite imposée par la tante Charlotte dans
son testament. Si, dans les trois années qui suivent son décès Coralie n’a pas
eu d’enfant, l’héritage sera distribué à des œuvres caritatives. En évoquant
régulièrement le déroulement du temps, le lecteur ressent la pression
psychologique que subissent les personnages de l’histoire. D’ailleurs le
dernier chapitre nous informe sur le temps neutre de la période de grossesse
de Cora : « Rien de nouveau ne survient jusqu’au terme de la grossesse. »
Cette indication temporelle marque la fin de ce long cycle d’échecs. L’héritage
étant touché à la fin du chapitre VII, le lecteur n’a plus à s’inquiéter. D’où la
raison pour laquelle il n’y a plus de marque temporelle à la fin du chapitre VII.
Le film, en tant qu’art visuel et oral ne peut pas vraiment contenir les
mêmes types d’indications temporelles que la nouvelle. Certes, dans
certaines occasions, nous avons l’utilisation d’une forme textuelle incrustée
dans l’image. Dans Histoire d’une fille de ferme, lors du changement de
séquence, il y a une image fixe désignant le village sur laquelle est écrite
l’indication temporelle : « Quelque mois plus tard… » (11 :13).
42
Cette phrase, écrite en calligraphie, nous renvoie à la nouvelle de
Maupassant. Le choix des points de suspensions représente le passage de
l’écrit au visuel. Mais cette technique, qui pourtant n’est pas inappropriée
avec le contexte, est pour notre époque assez banale. Elle n’apporte aucun
effort réel au niveau de la création filmique, si ce n’est que le renvoi à l’œuvre
d’origine, dû à sa forme textuelle.
Jean-Daniel Verhaeghe, metteur en scène de la nouvelle Au Bord du
lit, utilise cette même technique mais de façon plus judicieuse. Il incorpore la
phrase « Six mois plus tard… » (25 :33) sur une page du livret de dépenses
du comte Sallure. Le comte, devant se racheter auprès de sa femme, doit
mois après mois lui donner de l’argent pour pouvoir passer la nuit avec elle.
Dans le téléfilm on décèle l’intention du metteur en scène d’établir un lien
avec la littérature. Le livret de dépense est en lui-même un livre, c’est à
l’intérieur de ses pages que l’histoire du Comte de Sallure s’y écrit. Il s’agit
aussi d’un indicateur de temps où les jours y sont inscrits. Chaque date
s’associe avec une dépense, pointant la folie continuelle du jeu de l’amour et
de l’argent.
Un autre livre est présent dans le téléfilm, faisant partie cette fois de la
littérature de l’époque. Il s’agit du roman que lit la comtesse de Sallure : Nana
d’Émile Zola. Elle l’utilise comme référence pour comparer le comportement
libertin de son mari et ses relations avec les « cocottes » zoliennes :
-Je suis en train de lire […] C’est le dernier roman de Mr Zola, Nana. Je me
renseigne sur vos amies les cocottes, sur ce qu’elles ont de plus que moi. Sur les
messieurs qui les fréquentent. Ah ! Il vous connaît bien Mr Zola ! N’empêche c’est à
croire que vous lui avait servi de modèle. (11 :45)
Grâce à l’information intertextuelle de la parution du roman de Nana51, on
peut situer chronologiquement l’époque où se déroule l’histoire. En faisant
allusion à Zola et à la ressemblance de « ces messieurs » avec le Comte de
Sallure, Verhaeghe établit un lien entre le téléfilm et la littérature. Si le Comte
Sallure ressemble tant aux personnages de Nana, c’est que lui aussi est un
51 Nana fut publiée en France en 1880 chez l’éditeur G. Charpentier.
43
caractère fictif de la littérature. D’autre part cet élément intertextuel de
l’histoire, révèle non seulement l’intérêt que le metteur en scène porte à Zola,
mais aussi sert de rappel aux relations établies entre Maupassant et Zola qui
faisaient partie du groupe de Médan. Ainsi, d’un ajout littéraire à caractère
dialogique, le metteur en scène crée un réseau d’associations extratextuelles
qui équivoque la vie littéraire de l’époque pendant laquelle est rédigée la
nouvelle.
L’écoulement du temps peut aussi s’interpréter par le déroulement
d’une action qui renvoie directement au temps. Dans L’Héritage, chaque fin
d’année, les employés du ministère touchent leur dernier salaire et espèrent
être gratifiés d’un avancement. Il s’agit d’une action annuelle qui permet au
lecteur de garder un contrôle sur l’écoulement du temps :
L’année s’écoula. Le jour de l’an revint. Il n’eut pas, à sa grande surprise,
l’avancement sur lequel il comptait52.
Il comptait sur son avancement, à la fin de l’année et il avait repris, dans cet
espoir, sa vie laborieuse d’employé modèle. Il n’eut qu’une gratification de rien du
tout, plus faible que les autres53.
Au jour de l’an il fut nommé commis principal54.
L’excès d’indication temporelle rend confus le lecteur, au point qu’il en
perdrait la notion du temps. L’histoire débutant en fin décembre, le jour de
l’avancement des employés, cette action sert de repère sur la ligne
temporelle. À chaque mention de l’évènement annuel, le lecteur se
repositionne temporellement dans l’histoire. « Il [Maupassant] marque
toujours clairement la progression temporelle de ses récits, que ce soit par
référence au temps objectif de l’Histoire (le siège de Bézières dans
“ Tombouctou”…), du calendrier (la sainte Pétronille dans « Une partie de
campagne »), au temps cyclique des saisons, à l’alternance du jour et de la
52 Guy de Maupassant, L’Héritage, op.cit., p.38. 53 Ibid., p.64. 54 Ibid., p.96.
44
nuit, ou à l’âge des personnages »55. Dans le téléfilm de L’Héritage,
Heynemann utilise aussi le jour des avancements comme référence
temporelle. Au début de l’histoire le narrateur s’adresse au public et le met au
courant de ce rituel annuel :
C’était en effet la coutume qu’à l’approche de l’épiphanie, dans la première
semaine de janvier, tout le ministère de la marine se mobilisait par la perspective des
avancements et des gratifications qui les accompagnés. (01 :19)
Avec la distribution des avancements sous forme de petites enveloppes, le
narrateur n’a plus besoin de donner autant d’explications :
Une année s’écoula. Le jour de l’an revint avec la traditionnelle cérémonie
des enveloppes. (19 :46)
Ayant déjà informé l’évènement annuel, le narrateur ne se prononcera plus
lors de la troisième apparition des enveloppes (31 :10), car le spectateur
reconnait déjà cette action comme une indication temporelle.
Dans Le Petit fût, Chabrol, qui fait la mise en scène, se sert d’une
pomme tombant de son arbre pour indiquer le temps. La première fois, la
caméra suit le trajet de la pomme qui vient se poser sur l’herbe. La caméra se
fixe sur le fruit et une courte phrase vient s’inscrire sur l’écran: « Et le temps
passe… » (15 :10).
55 A. Fonyi, P. Glaudes, A. Pagès, Relire Maupassant, La Maison Tellier, Contes du jour et de la nuit, op.cit., p.142.
45
Vers la fin de l’histoire, la même action se reproduit mais cette fois sans
information sur l’écoulement du temps (26 :08). Le spectateur en déduit
qu’une année c’est au moins écoulée depuis la première indication
temporelle.
L’ellipse peut aussi servir de clôture, désignant la moralité de l’histoire.
Dans La Parure, Mme Loisel, fille de famille modeste, désire une vie qu’elle
ne peut s’accorder. Cependant, elle et son mari sont invités à une fête
prestigieuse comme elle a toujours rêvé. Désireuse de paraître la plus belle,
elle emprunte à une riche amie « une rivière de diamants » qu’elle perdra le
soir même de la fête. Pour racheter un pareil bijou et le remplacer sans que
personne ne le sache, le couple devra s’endetter pour dix ans. Pendant ces
dures années, ils devront travailler sans relâche en vivant dans la misère et la
pauvreté. L’avant dernier paragraphe de l’histoire se termine par une série de
questions moralisantes.
Que serait-il arrivé si elle n’avait point perdu cette parure ? Qui sait ? qui
sait ? Comme la vie est singulière, changeante ! Comme il faut peu de chose pour
vous perdre ou vous sauver !56
Maupassant pourrait clôturer son aventure sur cette fin qui, en elle-même,
apporte la morale attendue de l’histoire. Cependant il pousse le tragique
56 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.461.
46
jusqu’au bout en révélant l’ironie du sort de cette femme, « victime» de ses
rêves. Il ajoute, alors, un dernier paragraphe décrivant un événement qui se
passera quelques années plus tard, une rencontre décisive et cruelle pour la
protagoniste. Mme Loisel retrouve Jeanne Forestier sur les Champs-Élysées,
maintenant que l’argent emprunté a totalement été remboursé. Elle peut enfin
lui raconter toute l’histoire. Malheureusement pour elle, son amie lui annonce
que la parure prêtée ce soir là n’était en fait qu’une fausse qui ne valait pas
plus de cinq cents francs. L’histoire s’arrête brusquement sur les paroles de
Jeanne Forestier. Maupassant ne nous montre pas comment cette réalité
affecte Mathilde. Sûrement son sourire « d’une joie orgueilleuse et naïve »
s’effondrât pour laisser place à un visage dévasté. L’auteur se repose sur le
sentiment d’empathie de son lecteur pour le laisser imaginer la douleur
ressentie par Mathilde.
Grâce à la technique de l’ellipse, Maupassant offre une deuxième fin à
son histoire, qui accentue l’aspect tragique de l’œuvre. Il berne son lecteur en
lui présentant une première fin, qui est en elle-même déjà tragique, mais de
par sa maitrise narrative, lui incorpore une ironie qui dramatise encore plus
son œuvre. La véritable tragédie ne se trouve pas dans les dix années de dur
labeur des Loisel mais dans la futilité de leur action.
III. Les référents temporels
Outre l’évocation du temps par la démarche narrative, il existe des
empreintes temporelles sur certains objets qui constituent des éléments
adjuvants de la narration. La pendule et la montre sont privilégiées, étant par
définition des signes temporels. Dans Histoire d’une fille de ferme, après que
le Maitre ait demandé la main de Rose, trop tracassée, la jeune fille n’arrive
pas à dormir.
Ses terreurs grandirent, et chaque fois que dans le silence assoupi de la
maison la grosse horloge de la cuisine battait lentement les heures, il lui venait des
sueurs d’angoisse57.
57 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.34
47
L’horloge a une utilité inversée. Son rôle n’est pas de montrer l’écoulement du
temps mais plutôt les heures qui ne passent pas. Accompagnée de l’adjectif
« lentement » l’horloge est ici un outil de ralentissement du temps. Ce jeu,
produit par le tic tac de l’horloge, se synchronise avec les battements du cœur
de Rose et reflète son angoisse.
L’horloge n’est pas l’unique objet temporel utilisé par l’auteur. Comme
le fait remarquer Helms-Maulpoix « Un autre objet, plus inattendu, joue un
rôle très important dans la perception de l’écoulement inéluctable du temps
chez Maupassant. Il s’agit du miroir, bien souvent associé à la prise de
conscience d’une brutale dégradation »58. Cet objet n’est pas présent dans le
récit des nouvelles étudiées, cependant il n’a pas été mis de côté par Claude
Chabrol, qui l’incorpore dans sa version de La Parure. Absent de la nouvelle,
il possède dans le film cette même importance que lui a donnée Maupassant.
Mathilde Loisel après dix années de dur labeur, n’est plus la belle jeune
femme d’avant. Elle se regarde dans son miroir et se revoit jeune et belle.
« Les personnages maupassantiens ont une mémoire riche, très sensible, qui
ne demande qu’à être réactivée par le biais de sensations nouvelles.
Cependant, la réminiscence est rarement heureuse : le plus souvent, c’est à
une comparaison douloureuse des époques qu’elle donne lieu »59. Le miroir
sert donc d’intermédiaire entre les deux époques. Il est la punition de
Mathilde, qui, à travers son reflet, pose son propre regard jugeur.
Une autre scène remarquable du film est celle des allers-retours, sous
les piliers des arcades de la rue, que Mathilde parcourt durant ses dix années
pour se rendre à son travail. Cette scène résume en un montage la narration
en mode itératif de la nouvelle :
Elle connut les gros travaux du ménage, les odieuses besognes de la
cuisine. Elle lava la vaisselle, usant ses ongles roses sur les poteries grasses et le
fond des casseroles. Elle savonna le linge sale, les chemises et les torchons, qu’elle
58 A. Fonyi, P. Glaudes, A. Pagès, Relire Maupassant, La Maison Tellier, Contes du jour et de la nuit, op.cit., p.143. 59 Ibid., p.140.
48
faisait sécher sur une corde ; elle descendit à la rue, chaque matin, les ordures, et
monta l’eau, s’arrêtant à chaque étage pour souffler. Et, vêtue comme une femme du
peuple, elle alla chez le fruitier, chez l’épicier, chez le boucher, le panier au bras,
marchant, injuriée, défendant sou à sou son misérable argent. Il fallait chaque mois
payer des billets, en renouveler d’autres, obtenir du temps. Le mari travaillait, le soir,
à mettre au net les comptes d’un commerçant, et la nuit, souvent, il faisait de la copie
à cinq sous la page. Et cette vie dura dix ans60.
Les tâches accomplies par Mathilde ne sont pas précisées dans les
séquences filmiques. Claude Chabrol focalise plutôt sur le découlement
temporel, ainsi que sur l’aspect répétitif « Et cette vie dura dix ans. ». Grâce à
sa mise en scène, il montre l’écoulement du temps et son impact sur la jeune
femme. La caméra suit en travelling61 d’accompagnement le parcours de
Mathilde. Séparé en cinq séquences, le premier plan est un « close up »62 du
visage encore beau de Mathilde. Au fur et à mesure que l’actrice traverse les
arcades de la rue, la caméra s’éloigne de plus en plus, englobant ainsi le
corps complet de Mathilde, permettant aux spectateurs de voir la dégradation
exercée par le temps. « L’image mouvante est une image en perpétuelle
transformation, donnant à voir le passage d’un état de la chose représentée à
un autre état »63. Dans la dernière séquence, la caméra revient de nouveau
sur son visage. L’impact est visible au niveau physique ; les cheveux
grandissent et leurs couleurs tournent au gris. Sa posture corporelle change ;
de la personne fière qui se tenait droite, elle se courbe de plus en plus, pour
terminer recroquevillée sur elle-même. « Toute histoire, toute fiction peut se
réduire au cheminement d’un état initial à un état terminal, et peut être
schématisée par une série de transformations qui s’enchainent »64. De même
qu’on distingue également un changement au niveau matériel. L’habit de
Mathilde subit lui aussi les effets du temps. Agnès Nègre, créatrice des
costumes du téléfilm, explique que : « Pour Mathilde Loisel, nous avons utilisé
trois costumes identiques, mais avec des dégradations. Il fallait surenchérir
60 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.460. 61 Le travelling constitue un déplacement dans l’espace de l’appareil de prise de vues (Dans M.-T. J., op.cit.) 62 Terme emprunté à l’anglais, qui désigne le gros plan d’un visage par opposition à “insert”, gros plan d’un objet. Ibid. 63 J. Aumont, A. Bergala, M. Marie, M. Vernet, Esthétique du film, op.cit., p.64 64 Ibid., p.64
49
les patines et les vieillissements des robes afin que sa déchéance sociale soit
visible à l’image »65. La musique accompagnatrice suit parfaitement le
mouvement temporel. Elle a trois tons différents. Au début la valse est
rythmée et joyeuse. Elle devient part la suite plus lente et triste pour
finalement aborder un ton mélancolique.
Dans le film de L’Héritage, Heynemann mesure le temps au moyen
d’un calendrier où Cachelin y croisera désespérément les mois passés de
l’infertilité du jeune couple. (35 :22) On remarquera aussi que l’année inscrite
sur le calendrier est celle de 1882.
65 Agnès Nègre, «Chez Maupassant(1), Costume de Conte», Extrait du dossier de presse de la série, Télédoc, Le petit guide télé pour la classe [en ligne], 2006-2007, p.3
50
Nulle part dans l’histoire on ne précise l’année de l’action mais celle-ci
coïncide sûrement avec son époque de parution. Cependant L’Héritage fut
publié en 1884. Il s’agit en fait d’une réécriture de la nouvelle Le Million parue
deux ans avant. Le choix de Heynemann sur l’époque est peut être un
hommage rendu à la première version de l’œuvre ou bien, cela aurait un
rapport avec la restauration en 1884 de la loi autorisant de nouveau le
divorce en France et qui poserait un problème anachronique dans l’histoire
de Maupassant, car cette possibilité, non existante à l’époque de l’écriture,
aurait put être en 1884 une solution au problème de stérilité de Lesable :
Cachelin déclara : « Si seulement on pouvait divorcer. Ça n’est pas
agréable d’avoir épousé un chapon»66.
IV. Le dédoublement du temps
Il est fréquent de trouver dans les nouvelles de Maupassant des récits
emboîtés, où une deuxième histoire prend place dans la diégèse. Nous
démarquerons Le Rosier de madame Husson qui est un parfait exemple de
niveau narratif. Dans un premier niveau extradiégétique, nous avons le
narrateur autodiégétique, Raoul Aubertin, qui raconte l’histoire qui lui est
arrivée en se rendant dans la petite ville provinciale de Gisors. Par la suite les
rôles sont inversés et c’est à son ami le docteur Marambot de devenir le
narrateur homodiégétique. Dans un niveau métadiégétique, il va raconter une
des vieilles histoires de Gisors. « Lorsque le narrateur second (N2) prend la
parole […], il commence toujours par indiquer à ses auditeurs le moment où
se situe l’histoire qu’il est sur le point de leur raconter. Nous passons ainsi
d’un seul coup d’un présent partagé par une communauté à un retour sur un
passé personnel »67. Nous avons donc deux histoires qui se déroulent dans
des époques différentes. Celle où Aubertin visite Gisors et celle où se déroule
l’histoire de Madame Husson. Très fréquemment le docteur Marambot
66 Guy de Maupassant, L’Héritage, op.cit., p.79. 67 A. Fonyi, P. Glaudes, A. Pagès, Relire Maupassant, La Maison Tellier, Contes du jour et de la nuit, op.cit., p.137.
51
interrompt son histoire pour y mettre une information personnelle, ramenant
ainsi le lecteur à la première époque, soit au niveau extradiégétique.
Avant de se mettre à table, le maire prit la parole. Voici son discours textuel.
Je l’ai appris par cœur, car il est beau : Jeune homme, une femme de bien, aimée
des pauvres […]68.
La légende de madame Husson est en elle-même une histoire que l’on
classerait de classique pour son genre, voir même de prévisible. La réelle
innovation qu’apporte Maupassant à sa nouvelle est la technique de
dédoublement de temps. Avant même que le docteur Marambot ne
commence son récit le lecteur présuppose déjà la fin de la légende.
Tiens, dit Marambot, voilà le rosier de Mme Husson. Je fus très surpris et je
demandai : « Le rosier de Mme Husson, qu’est-ce que tu veux dire par là ? » Le
médecin se mit à rire. « Oh ! C’est une manière d’appeler les ivrognes que nous
avons ici. Cela vient d’une vieille histoire passée maintenant à l’état de légende, bien
qu’elle soit vraie en tout point69.
Maupassant ne cherche pas à surprendre son lecteur avec une fin inattendue,
car il lui donne déjà, dès le début, toutes les informations nécessaires pour en
déduire son aboutissement. L’auteur aurait pu se contenter de raconter
uniquement l’histoire du rosier de madame Husson, mais il se serait limité au
simple rôle de conteur. Or, l’alternance des narrateurs, situés dans des
époques différentes, montre les étapes que suit une histoire réelle jusqu’à sa
transformation finale, celle de légende. Maupassant s’intéresse au procédé
de création des contes et des légendes et plus précisément à leur genèse.
L’histoire réelle d’Isidore, à force d’être racontée, devint une anecdote qui
passa ensuite au statut de légende : « Cela vient d’une veille histoire passée
maintenant à l’état de légende, bien qu’elle soit vraie en tout point »70. Il existe
probablement à Gisors plusieurs versions de la légende du Rosier de
madame Husson. Celle racontée par le docteur Marambot est sûrement la
plus proche de la véritable histoire. Étant présent lors de la mort d’Isidore, il
68 Guy de Maupassant, Le Rosier de madame Husson, op.cit., p.26. 69 Ibid., p.19. 70 Ibid., p.19.
52
est l’une des dernières personnes de Gisors à pouvoir prouver la véracité de
l’histoire de madame Husson. Il cherche à maintenir l’aspect réel de son
histoire et à prouver son authenticité ; il exerce une fonction testimoniale. Il
commence son histoire en précisant que sa version possède les noms
d’origine : « Tu sais, je te dis les noms véritables et pas des noms de
fantaisie »71. Certainement, la version racontée par les villageois de Gisors
est différente de celle du docteur Marambot. La collectivité a souvent
tendance à influencer et retravailler une histoire, de manière qu’une œuvre
n’est jamais pareille quand elle est racontée par un autre narrateur. Nous
savons également que l’histoire du Rosier de madame Husson se propagea
et fut racontée comme anecdote dans les régions voisines :
Sa réputation d’ivrogne devint si grande, s’étendit si loin, qu’à Évreux
même on parlait du Rosier de Mme Husson, et les pochards du pays ont
conservé ce surnom72.
Il est évident que la polyphonie est un élément crucial de la
contribution des divers conteurs de l’histoire de Madame Husson, mais il faut
aussi prendre en compte que toute personne est positionnée temporellement
à l’histoire qu’elle raconte. L’époque dans laquelle elle se trouve caractérise
sa vision du monde et influence sa focalisation. Le docteur Marambot qualifie
l’histoire de madame Husson « d’histoire drôle », mais l’était-elle au départ ?
On pourrait supposer qu’au tout début, les villageois de Gisors racontaient
cette histoire comme mise en garde contre l’excès des plaisirs.
L’auteur cherche à exprimer à travers l’alternance des narrateurs et
des époques, le processus de création d’un conte. Comment l’aspect réel de
toute chose peut passer à son tour à l’état de fiction et comment une œuvre
survit à travers les âges. Dans le film de Dennis Malleval, il n’y a pas le
niveau extradiégétique où se déroule l’histoire de Raoul Aubertin et du
docteur Marambot. Le film débute avec le niveau métadiégétique de la
71 Ibid., p.19. 72Ibid., p.32.
53
nouvelle ; l’histoire du Rosier de Madame Husson. Par ce choix nous perdons
tout du jeu temporel qui faisait l’originalité de la nouvelle.
D’un autre point de vue, on pourrait voir dans le choix de Malleval, le
résultat attendu de Maupassant sur ses lecteurs, qui n’est autre que la
contribution à la construction d’un conte. De nos jours, les contes et légendes
sont écrits, mais à l’origine ils étaient transmis oralement. Dû à leurs formes
instables et à la pluralité des voix narratives, les œuvres d’origine ne restaient
jamais identiques. Maupassant, avec sa nouvelle, a voulu faire un renvoi à la
forme orale des contes et légendes. Bien que l’œuvre soit écrite, presque tout
le récit est un discours rapporté. Malleval, en produisant sa version du Rosier
de Madame Husson, collabore à la continuité de l’œuvre dans le temps.
L’histoire du téléfilm est fort ressemblante à celle de Maupassant mais avec
quelques différences et touches personnelles. Nous avons déjà
cité l’effacement de Raoul Aubertin et du docteur Marambot, nous pouvons
noter en plus, la caricature des personnages de la nouvelle qui sont dans le
téléfilm encore plus grotesques. À la trouvaille de son Rosier, Madame
Husson agit comme un enfant et danse en chantant dans son salon. Certains
changements sont attendus dans la transposition d’une œuvre car il faut
qu’elle s’adapte à sa nouvelle forme acquise au fur des années. Sans oublier
qu’il s’agit d’une œuvre manipulée sur laquelle s’exerce la collectivité
créatrice et donc laisse une marque du passage de la polyphonie.
54
DEUXIÈME PARTIE
55
FOCALISATION ET REPRÉSENTATION
La procédure à suivre pour toute adaptation filmique d’une œuvre
littéraire, est de s’assurer que celle-ci soit bien saisie dans sa totalité. La
compréhension de l’histoire et des thèmes qui y sont traités ne sont pas
suffisants pour interpréter une œuvre. La particularité d’un auteur repose
notamment dans la structure de son texte, autrement dit dans sa forme
narrative. L’analyse narrative permet de déceler les éléments cruciaux de
l’œuvre mais aussi de distinguer les procédés utilisés par l’auteur afin
d’orienter la lecture. La question du rôle du narrateur a souvent été posée :
Qui est le narrateur ? Qui voit ? Qui parle ? Le degré d’implication du
narrateur n’est jamais le même d’une œuvre à une autre. On pourrait penser
que son rôle est uniquement de raconter l’histoire, tel un narrateur à la
focalisation externe, qui se contente de décrire la conduite du personnage,
ainsi que le décor qui l’entoure, sans se soucier de son état d’âme et n’exerce
aucun pouvoir d’influence sur la lecture de son public. Étant proche de la
vision de la caméra, la représentation filmique ne pose ici aucun problème.
Cependant l’originalité des nouvelles de Maupassant, repose sur leurs formes
narratives et sur la participation du narrateur, lui donnant parfois un tel
pouvoir, que l’histoire racontée par un autre narrateur serait totalement
différente. Gérard Genette explique que :
La “représentation”, ou plus exactement l’information narrative a ses
degrés ; le récit peut fournir au lecteur plus ou moins de détails, et de façon plus ou
moins directe, et sembler ainsi se tenir à plus ou moins grande distance de ce qu’il
raconte ; il peut aussi choisir de régler l’information qu’il livre, (…) il adoptera ou
feindra d’adopter ce que l’on nomme couramment la « vision » ou le « point de vue »,
semblant alors prendre à l’égard de l’histoire telle ou telle perspective73.
La problématique qui se pose dans une adaptation filmique est la
capacité de la reproduction visuelle de toutes informations textuelles, ce « qui
73 Gérard Genette, Figure III, op.cit., p. 183-184.
56
n’est formé que de langue, comprend au cinéma des images, des paroles,
des mentions écrites, des bruits et de la musique. Ce qui rend l’organisation
du récit filmique plus complexe »74. Comment interpréter à travers ces
éléments, les pensées ou bien les sentiments du personnage ? Comment
exprimer cette idée de « point de vue » du narrateur à travers une caméra ?
Tout repose sur le montage cinématographique, autrement dit sur
l’assemblage du matériel filmé par la caméra ; le plan.
Le cinéma dispose de la liberté d’organiser les unités minimales – les plans
– en une continuité significative qui ne dépend plus nécessairement de la
représentation de la réalité ou de son évolution dans l’image enregistrée, mais qui
peut au contraire varier selon les différents enchaînements possibles entre les
différentes unités prélevées75.
Ce chapitre se concentrera en majorité sur les techniques filmiques
ainsi que leurs rapprochements avec la notion de focalisation narrative. Il est
cependant préférable de souligner que nous ne nous attarderons pas trop
longtemps sur la notion de narrateur. Bien que cet élément soit essentiel dans
une analyse narratologique, la notion du narrateur n’est pas tout à fait la
même pour le cinéma. D’un point de vue technique, la caméra serait une
sorte de narrateur mais qui retransmet l’histoire à travers des images. Le
plan, qu’elle filme, est son discours cinématographique, elle peut s’exprimer
en se concentrant sur certains éléments dans son champ de vision. Dû à
cette ambiguïté, seule la focalisation de la caméra attirera notre attention
plutôt que sa nature en tant que « conteur-narrateur ».
En outre du montage et des angles de la caméra, les outils
cinématographiques tels : l’éclairage, la musique, le son, les costumes et le
décor, seront aussi pris en compte. Maniés avec habilité, ces éléments
peuvent servir d’indicateur narratif et ainsi fournir des informations
supplémentaires aidant le téléspectateur à une meilleure perception de
l’œuvre.
74 J. Aumont, A. Bergala, M. Marie, M. Vernet, Esthétique du film, op.cit., p.75. 75 Marie-Claire Ropars-Wuilleumier, Le Temps d’une pensée, Du montage à l’esthétique plurielle, op.cit., p.22.
57
Nous classerons ces techniques en trois catégories : La fonction
verbale, la fonction picturale et la fonction acoustique.
A. La fonction verbale
I. Le narrateur
Quoique le cinéma ne nécessite pas officiellement de la présence d’un
narrateur, selon le choix du metteur en scène, certains films peuvent être
narrés par une voix qui raconte l’histoire, autrement dit une voix « over ». Ce
terme « est utilisé par certains auteurs pour désigner les sons émis par des
sources n’appartenant pas à la diégèse régissant l’image, constituées en
espace-temps. Les paroles d’un personnage sur des images du passé dont il
fait le récit appartiennent en effet à un autre espace-temps, une autre diégèse
(on les dit quelquefois hétéro-diégétique). À l’inverse, la musique de film ou le
commentaire par une voix n’appartenant pas à un personnage du récit ne
proviennent d’aucune source diégétique (elle sont extra- diégétiques), mais
du discours de la narration »76.
Dans le téléfilm de L’Héritage, l’histoire est racontée par un narrateur
en voix « over » qui se présente à divers moments du film. Cette voix
n’appartenant à aucun personnage de l’histoire, elle est positionnée dans un
niveau extra-diégétique. Cependant son rôle n’est pas à caractère essentiel
au déroulement du téléfilm, son objectif est d’apporter quelques informations
supplémentaires et d’accentuer l’atmosphère comique, en décrivant
ironiquement certaines situations. Il s’exprime toujours par un discours sous
forme plus littéraire que celui prononcé par les personnages. Son monologue
littéraire permet d’établir un lien entre le téléfilm et la nouvelle. Sa présence
n’est donc pas fonctionnelle mais plutôt référentielle.
76 Marie-Térèse Journot, Le Vocabulaire du cinéma, op.cit.
58
II. Le dialogue
Le dialogue est surement la forme la plus proche que l’on peut
comparer à la fonction établie par le narrateur à focalisation zéro.
L’information, dévoilée par le narrateur-Dieu, est la vérité absolue. Il peut
dévoiler les projets d’un personnage, ses sentiments, ses pensées et même
certaines informations que le personnage lui-même ignore. Bien entendu le
dialogue n’a pas une telle ampleur d’information et un tel effet d’authenticité.
Cependant il est, pour le spectateur, la forme d’information la plus absolue
qu’il soit, car le renseignement est divulgué sous forme de mot prononcé. À
l’inverse des techniques picturales et acoustiques, où l’information peut être
perçue différemment d’un spectateur à un autre (dû à leurs formes
représentatives et symboliques) la forme verbale possède un certain degré de
certitude vis-à-vis de l’information divulguée. Quand le personnage s’adresse
à quelqu’un et lui dit « Je suis enragé » l’authenticité de sa déclaration est
absolue, car elle est exprimée par le personnage concerné. Le choix du
qualificatif fournit une information nette de son état d’âme, le personnage
n’est pas fâché, ni énervé ; il est enragé. Si le personnage ne déclare pas ses
sentiments verbalement, il pourra toujours les exprimer par les expressions
de son visage, mais ce sera au téléspectateur de découvrir le sentiment
représenté.
En outre des sentiments, le dialogue peut aussi divulguer une idée
exprimée par un personnage. Dans la nouvelle L’Héritage, Cachelin cherche
un moyen d’inviter Lesable chez lui afin de lui présenter sa fille :
N’ayant point eu d’avancement depuis cinq ans, Cachelin se considérait
comme bien certain d’en obtenir un cette année. Il ferait donc semblant de croire qu’il
le devait à Lesable et l’inviterait à diner comme remerciement77.
L’information divulguée est importante car elle nous alerte du piège mis au
point par Cachelin. Dans le téléfilm, Heynemann transforme ce paragraphe
sous forme de dialogue. Il établit une situation dans laquelle Cachelin
77 Guy de Maupassant, L’Héritage, op.cit., p. 19.
59
présente son plan à sa sœur. Il exprime verbalement son intention de
remercier Lesable pour son avancement afin de pouvoir l’inviter à diner. De
cette manière le spectateur est au courant de la manigance qui suivra par la
suite et s’amusera de la stupidité de Lesable qui ne s’en rendra pas compte.
Des nombreuses d’adaptations filmiques ont recours à la transposition
d’un discours narrativisé sous la forme d’un dialogue. Les metteurs en scènes
en viennent même à inventer des personnages supplémentaires pour que la
conversation puisse avoir lieu. Une autre possibilité est d’utiliser un
personnage secondaire en lui attribuant un plus grand rôle. Dans le téléfilm
Histoire d’une fille de ferme, Denis Malleval donne une plus d’importance à la
femme qui s’occupe du bébé de Rose. En plus d’être la nourrice, elle écoute
Rose lui raconter ses problèmes et lui dévoiler ses sentiments. La fonction
que remplit ce personnage est celle d’intermédiaire entre Rose et le public, il
s’agit d’un personnage-confident.
III. Le monologue
La présence de deux protagonistes n’est pas obligatoire pour exprimer
les réflexions d’un personnage. Il existe une autre technique verbale capable
de remplir le même rôle ; il s’agit du monologue. Le statut individuel qu’offre le
monologue peut contribuer à une plus grande originalité, d’un point de vue
créatif, que celui du dialogue. Une bonne maitrise de la technique peut
apporter à l’œuvre une variante dans le domaine de la forme narrative.
Il existe plusieurs manières d’introduire le monologue dans un film. La
première, la plus classique, est celle représentant la pensée intérieure. Dans
ce cas, l’acteur exprime ses sentiments à haute voix. Dans la nouvelle Le
Petit fût, la mère Magloire est soucieuse de l’offre que lui propose Prosper
Chicot ; le narrateur décrit ses sentiments :
La mère Magloire demeura songeuse. Elle ne dormit pas la nuit suivante.
Pendant quatre jours, elle eut une fièvre d’hésitation. Elle flairait bien quelque chose
de mauvais pour elle là-dedans, mais la pensée des trente écus par mois, de ce bel
argent sonnant qui s’en viendrait couler dans son tablier, qui tomberait comme ça du
60
ciel, sans rien faire, la ravageait de désir. Alors elle alla trouver le notaire et lui conta
son cas78.
La vieille dame passe par plusieurs état d’âmes, elle est d’abord hésitante,
puis soucieuse et ensuite tentée. Les variantes de sentiments étant trop
nombreuses, l’actrice du téléfilm, Chelton Tsilla, n’aurait pas pu les réaliser
uniquement par les expressions de son visage. Un tel objectif aurait entrainé
le spectateur dans la confusion. Vivant toute seule et n’ayant personne à qui
demander conseil, le metteur en scène, décide d’utiliser le monologue pour
introduire les doutes et les peurs ressenties par la vieille dame. La mère
Magloire, couchée dans son lit, est perdue dans ses calculs et n’arrive pas à
dormir :
Trente écus chaque mois ! Ça fait à l’année …trois-cent-soi…, si ! Non, si !
Trois-cent-soixante écus l’an. Si j’vis encore six …, non huit années. Ça m’frait
heu…ça frait deux-mille-huit-cent et quelque. Mmm…, fait point un compte cet’
affaire. Ho j’vais bien t’nir encore dix ans. Ça frait trois-mille-six-cent. Trois-mille-six-
cent écus ! (Le monologue s’arrête brièvement mais reprend le lendemain matin
comme une continuité du monologue de la séquence précédente). Au mais j’y suis !
S’il me donne trente écus c’est que mon bien il vaut plus. Ho ho ho, qué filou ce
Prosper ! J’vais l’dire au notaire, trente écus c’est point assez. Ho ho ! Le filou … et le
notaire aussi ! (07 :03)
En comparant le discours indirect du narrateur de la nouvelle et le monologue
de la mère Magloire dans le téléfilm, il est évident que leur fonction de base
est la même : ils fournissent aux lecteurs-spectateurs des informations sur
l’humeur du personnage. Dans les deux cas les renseignements donnés sont
perçus comme la vérité absolue : d’une part ils sont contés par le narrateur-
Dieu et de l’autre par le personnage concerné.
Dans Histoire d’une fille de ferme, après plusieurs années de dur
travail, Rose envisage de demander une augmentation à son maitre :
On acceptait son travail forcé comme une chose due par toute servante
dévouée, une simple marque de bonne volonté ; et elle commença à songer avec un
78 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.148.
61
peu d’amertume que si le fermier encaissait grâce à elle, cinquante ou cent écus de
supplément tous les mois, elle continuait à gagner ses 240 francs par an, rien de
plus, rien de moins. Elle résolut de réclamer une augmentation79.
Dans le téléfilm de Denis Malleval, Rose récite son texte préparé à l’avance
afin que sa demande soit bien exprimée :
Vous êtes point mécontent de moi not’ maitre, j’vous fais point perdre votre
temps ni votre argent, j’crois bien même que j’vous en fais gagner. Alors j’me suis dit
comme ça que celui qui fait la besogne de trois personnes, il mérite p’être bien d’être
payé pour deux… C’est pas respectueux, il va être fâché… Vue que je vaux bien trois
servantes comme vous m’avez dit l’autre jour,… vous pouvez peut être faire un petit
quelque chose pour mes gages. (21 :57)
Il s’agit d’une auto-récitation du discours que Rose s’apprête à prononcer au
fermier. Elle veut entendre la sonorité de son texte, ce qui fait d’elle le
récepteur de son monologue. Le metteur en scène a introduit ce procédé
dans une situation où il est tout à fait plausible qu’une personne seule ait
besoin de s’exprimer oralement. Etant en train de se préparer, Rose se
regarde dans le miroir tout en continuant de parler. Ce dédoublement de sa
personne, par l’intermédiaire du miroir, intensifie l’importance du monologue,
car celui-ci recherche absolument un auditeur.
En terme général, le monologue est un discours auto-adressé qui n’a
pour auditeur que le spectateur. Bien que ce soit généralement le cas,
certaines œuvres établissent une situation qui présuppose la présence d’un
auditeur ; il s’agit du cas de la prière. Dans le téléfilm Le Rosier de madame
Husson, Mme Husson, tracassée de n’avoir toujours pas trouvé de rosière,
s’adresse au portrait de son défunt mari. Son regard va ensuite se poser sur
le crucifix situé à côté. Elle décide de s’adresser au Christ pour sa requête et
le monologue devient alors une prière.
79 Ibid., p.31.
62
La prière est aussi présente dans le téléfilm Histoire d’une fille de ferme.
N’arrivant pas à avoir d’enfant, Rose et son mari partent en pèlerinage.
Devant la statue de la Sainte Vierge, Rose se met à prier. Dans ses paroles
se trouvent toutes ses craintes de ne point pouvoir rendre son mari heureux.
En visualisant la scène, le spectateur prend conscience du mal qui ronge la
jeune fille. Ne pouvant avouer l’existence de son enfant, elle ne peut
convaincre son mari que le problème de fertilité ne vient pas d’elle. Rose
étant prise au piège par l’ironie du destin, cette fatalité crée chez le spectateur
un sentiment de compassion.
Le monologue étant considéré comme une technique théâtrale, son
utilisation dans le cinéma est moins fréquente mais pas pour autant
inappropriée. Cependant elle engendre un dilemme propre au théâtre et qui
ne convient pas au film. « Le propre du discours du théâtre est de dire
d’abord “ Nous sommes au théâtre”. L’énonciation théâtrale est, de ce fait,
toujours impérative. […] Or, il n’en est rien pour le film. On pourrait même dire
que paradoxalement, le propre de la parole filmique est de dire “Nous ne
sommes pas au cinéma”, puisqu’elle s’efforce d’effacer son origine
cinématographique »80. Le problème qu’établit le ralentissement narratif est
qu’il rappelle aux spectateurs qu’ils sont en train de visionner un film et donc
les projette en dehors de l’univers fictif. Cependant, insérés dans un contexte
80 R. Odin, D. Noguez, A. et O. Virmaux, M. Marie, F. Jost, D. Chateau, A. Gardies, F.J. Alebersmeier, Cahiers du 20e siècle, Cinéma et littérature, numéro 9, Paris, Édition Klincksieck, 1978, p.74.
63
plausible, où le monologue ne perturbe pas le courant narratif du film, les
spectateurs ne seront pas bouleversés par la forme du monologue et pourrait
même accentuer leurs focalisations.
B. La fonction picturale
La forme picturale désigne les informations divulguées à travers
l’image même du film. Le procédé de transposition des renseignements
textuels de la nouvelle en forme d’images pourrait, grossièrement, être divisé
en deux catégories : le champ de vision et le symbolisme.
La première catégorie consiste à regrouper les diverses techniques
filmiques de la caméra qui sont considérées comme une forme narrative. Les
angles, les cadrages et les mouvements émis par la caméra sont en réalité le
produit de sa focalisation. En d’autres termes, il s’agirait du « point de vue »
exprimé par la caméra. « Le panoramique serait l’équivalent de l’œil qui
tourne dans l’orbite, le travelling, d’un déplacement du regard ; quand au
zoom, difficilement interprétable en termes de simple position du supposé
sujet du regard, on a parfois tenté de le lire comme “focalisation” de l’attention
d’un personnage »81.
La deuxième catégorie englobe plutôt l’aspect visuel de l’image. Le
principe est d’utiliser des matériaux picturaux possédant une essence
narrative, dû à leurs formes référentielles. C’est en utilisant le symbolisme de
certains éléments, comme les objets, les costumes, le décor ou bien encore
l’éclairage, que le metteur en scène peut divulguer des informations
supplémentaires au déroulement de l’histoire et même exercer une influence
sur le spectateur.
81 J. Aumont, A. Bergala, M. Marie, M. Vernet, Esthétique du film, op.cit., p.29.
64
I. Le codage optique
Une technique très courante au cinéma est celle du close up. Ce terme
désigne le cadrage de la caméra quand celle-ci exécute un gros plan sur le
visage d’une personne. Souvent accompagné d’un zoom in, mouvement de
rapprochement de la caméra, cet effet crée l’illusion que le spectateur est
plongé dans l’âme du personnage. La camera focalise et se concentre
uniquement sur le personnage et les expressions que produisent son visage.
Ce style de mise en scène se rapporterait, en narratologie, à la focalisation
externe ; c'est-à-dire que « le narrateur en sait moins que les personnages. Il
agit un peu comme l’œil d’une caméra, suivant les faits et gestes des
protagonistes de l’extérieur, mais incapable de deviner leurs pensées »82.
Les informations n’étant pas suffisantes, c’est au lecteur-spectateur de
deviner quels sont les sentiments exprimés par le personnage. Le film,
cependant, bénéficie du jeu de l’acteur, qui en fonction de son intensité peut
exprimer plus clairement les émotions.
Dans la nouvelle Le Rosier de madame Husson, le narrateur
intradiégétique, le docteur Marambot, raconte à son ami l’histoire « réelle » de
madame Husson. Bien que les habitants de Gisors connaissent le
déroulement de la mésaventure d’Isidore, le Rosier élu par madame Husson,
ils ne peuvent expliquer ce changement de comportement de sa part et donc
ne peuvent que se poser des questions :
Qui saura et qui pourrait dire le combat terrible livré dans l’âme du
Rosier entre le mal et le bien, l’attaque tumultueuse de Satan, ses ruses, les
tentations qu’il jeta en ce cœur timide et vierge ? Quelles suggestions, quelles
images, quelles convoitises inventa le Malin pour émouvoir et perdre cet élu ?83
À la différence de la nouvelle, dans son téléfilm, Denis Malleval à omis le
passage entre la rencontre de Raoul Aubertin et du docteur Marambot. Cette
différence est importante, car en effectuant une comparaison du public de ces
82 Lucie Guillemette et Cynthia Lévesque (2006), « La narratologie », dans Louis Hébert (dir.), Signo [en ligne], Rimouski (Québec), http://www.signosemio.com/genette/narratologie.asp. 83 Guy de Maupassant, Le Rosier de madame Husson, Paris, Édition Albin Michel, 1988, p.29.
65
deux œuvres on découvre que ceux-ci ne perçoivent pas l’histoire de la
même manière. Le lecteur de la nouvelle est déjà au courant de la fin ironique
de l’histoire de madame Husson, car le docteur Marambot entame son
histoire à la vue d’un ivrogne. Donc quand le narrateur raconte le passage de
la tentation d’Isidore, le lecteur est concentré sur l’idée du vice qui aurait pu
perturber Isidore. Par l’utilisation de la focalisation externe, Maupassant
pousse son lecteur à faire appel à son désir intérieur, en imaginant les
pensées d’Isidore. C’est en fait son idée du vice qui se reflète dans sa lecture.
Alors que dans le téléfilm, la même scène est perçue de manière différente.
Isidore, après sa soirée bien agitée, rentre totalement ivre chez lui. Plutôt que
de monter se coucher il admire les pièces qu’on lui a offertes. La caméra se
rapproche et une musique enivrante accompagne les expressions émises par
Isidore. Ensorcelé par son or, il tourne son regard vers la caméra, qui est
positionnée en « close up », et un sourire malicieux se forme sur son visage.
Comme pour l’effet produit avec la focalisation externe, le spectateur cherche
à deviner les pensées d’Isidore. Elle crée l’idée d’intrigue dans l’histoire.
Mais le public du téléfilm n’est pas au courant de l’avenir désastreux d’Isidore,
il se doute qu’il va commettre une bêtise et perdre tout son or mais il
n’imagine pas l’ampleur des dégâts que celle-ci causera dans sa vie.
Le lecteur de la nouvelle est appelé à réveiller son vice intérieur alors
que le spectateur du téléfilm imagine une situation catastrophique que
pourrait commettre Isidore mais ne se met pas pour autant à sa place. Il faut
66
noter qu’à cause des époques différentes, les deux œuvres ne s’adressent
pas à un même public. Le téléfilm de Malleval est destiné à divertir son
public ; il s’agit d’une comédie familiale. Alors que Maupassant, qui avait une
opinion négative sur les gens de son époque, utilise sa nouvelle de façon
plutôt malicieuse en s’attaquant discrètement à son lecteur qui, se voit
réveiller son vice intérieur.
Le close up est très souvent utilisé dans les scènes dramatiques. Le
cadrage de la caméra étant fixé sur le visage du personnage, il intensifie
l’importance des sentiments exprimés. Ce cadrage sert à mettre le point sur
l’émotion produite par l’événement dramatique. Dans le téléfilm Histoire d’une
fille de ferme, après que le fermier ait fait sa demande en mariage, Rose est
paniquée par cette annonce dont elle ne sait comment réagir. La caméra
produit un mouvement de rapprochement et achève sa course sur le visage
de Rose. N’ayant aucun autre élément visible dans le champ de vision,
l’attention du spectateur est uniquement concentrée sur Rose. La durée de la
séquence marque l’importance de l’événement dans l’histoire. Dans la
nouvelle, ce passage est marqué par une narration qui révèle les sentiments
ressentis par Rose :
Rose, ne se coucha pas cette nuit-là. Elle tomba assise sur son lit, n’ayant
plus même la force de pleurer, tant elle était anéantie. Elle restait inerte, ne sentant
plus son corps, et l’esprit dispersé, comme si quelqu’un l’eut déchiquetée avec un de
ces instruments dont se servent les cardeurs pour effiloquer la laine des matelas84.
La technique du close up n’est pas capable de fournir autant d’informations
que le discours du narrateur zéro. Elle peut cependant marquer une
insistance narrative dans le film et ainsi accentuer l’importance de la scène.
Le close up est sûrement la technique la plus adéquate pour exprimer les
sentiments des personnages sans avoir à utiliser la parole.
Le cinéma a souvent recours à l’insert, comme technique de
focalisation. Il s’agit d’un gros plan de la caméra, fixant un objet, dont la
84 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p. 33-34.
67
présence jouera un rôle essentiel dans le déroulement de l’histoire. L’insert
peut assumer plusieurs rôles narratifs ; tout dépend de la signification de
l’objet désigné. Sans pour autant être symbolique, l’objet prend de
l’importance. Étant donné que la caméra a choisi de démarquer ce détail, elle
montre qu’il aura un rôle à jouer dans la suite de l’histoire.
Dans le téléfilm Le Petit fût, Chabrol introduit l’histoire dans un champ
de pomme où l’on y voit la fine s’y préparer. L’action principale débute dans la
deuxième séquence, avec la présentation de Chicot dans son auberge. Le
passage à la deuxième scène se fait à travers un insert ; un gros plan d’un
petit verre que la serveuse remplit.
Dès le commencement, Chabrol introduit l’un des thèmes principaux
de l’histoire : l’alcool. Inconsciemment, le spectateur entre en contact avec
l’élément qui causera la mort de la mère Magloire. Le public prendra note de
l’importance du rôle de l’alcool puisque, à chaque apparition de la fine, la
caméra filmera toujours le verre en gros plan. La scène, où la mère Magloire
est invitée à l’auberge de Chicot, possède un enchainement important de gros
plans. À chaque fois que l’aubergiste verse à boire à la vieille dame, son verre
est toujours filmé en insert. Il en va de même quand il lui offre un petit fût lors
de sa visite à la ferme ou bien quand il sert ses clients. En utilisant
répétitivement la même technique, désignant le même objet, nous avons une
fréquence événementielle, rappelant en narratologie le mode répétitif. C'est-à-
dire que l’on raconte plusieurs fois un même événement. Dans le cas du
68
téléfilm c’est le thème de l’alcool qui est récurrent et le spectateur s’aperçoit
de son importance du fait de la répétition de la même technique filmique. On
retrouve cette même pratique dans le téléfilm de Heynemann : L’Héritage. À
deux reprises dans l’histoire, la caméra filme en gros plan un calendrier où
Cachelin y barre les mois écoulés. De la même manière l’insert souligne
l’importance du temps, un des thèmes éminents de l’histoire.
L’insert peut aussi désigner des éléments secondaires, apportant à
l’histoire ou à un personnage, plus de profondeur. Dans Le Rosier de
madame Husson, l’abbé est invité chez madame Husson pour leur partie de
crapette hebdomadaire. Pour l’occasion, Françoise, la bonne, a préparé une
brioche que l’abbé Malou dévore presque à lui tout seul. C’est à travers le
gros plan de l’assiette vide, que Malleval indique l’écoulement du temps et
fournit des éléments déductifs envers l’abbé. L’insert peut introduire un objet
qui est associé à une personne, cherchant à démarquer certaines
caractéristiques de la personnalité du personnage. Dans le cas de l’exemple
cité, nous pouvons en déduire que l’abbé est une personne gourmande qui
cherche des excuses pour justifier ses actions : « J’ai rien mangé à midi,
Céleste était malade». Cette petite information n’est pas très utile à
l’histoire mais elle renforce l’image grotesque de l’abbé, caricaturant
d’avantage son personnage.
Une technique intéressante est celle de la caméra subjective, car elle
répond à la question de l’instance narrative : « Par qui perçoit-on ? ». Elle
établit un lien plus intime avec les personnages du film, donnant à la caméra
un certain degré d’implication. « Ce procédé met la caméra à la place
occupée par un personnage, de sorte que le spectateur a l’impression de
percevoir ce que perçoit le personnage. En narratologie, on l’appelle
focalisation interne (Genette) ou ocularisation interne (Jost) »85. En filmant le
champ de vision d’un personnage et non de la caméra, le point de vue
devient alors plus personnel, car il est relié à quelqu’un de bien précis. Dans
le téléfilm Le Rosier de madame Husson, Malleval utilise cette technique à
85 Voir caméra subjective dans Marie-Térèse Journot, Le Vocabulaire du cinéma, op.cit.
69
plusieurs reprises. Lors de la scène où madame Husson, installée dans son
fauteuil, lit le nom des prétendantes pour la Rosière, la caméra filme le papier
qu’elle tient dans ses mains. Dans son autre main, elle tient une paire de
lunette qu’elle utilise comme loupe. La caméra suit le mouvement des
lunettes et se concentre sur les noms qui sont visibles à travers les verres.
Chaque nom apparaissant est supposé être celui que madame Husson est en
train de lire.
Par moment elle s’arrête, et la caméra filme la vieille dame en train de
réfléchir à la jeune fille dont le nom est apparu sur la liste, puis reprend sa
lecture. Ce papier, notamment, renvoie directement à l’œuvre de Maupassant
car les noms de Joséphine Durdent, Malivina Levesque et Rosalie Vatinel
sont inscrits dans la liste des prétendantes de la nouvelle.
La caméra subjective peut aussi provoquer une notion d’intrigue dans
l’histoire. Quand madame Husson pense avoir trouvé sa Rosière, elle l’invite
chez elle pour que la couturière lui compose un ensemble pour la cérémonie.
Quand le sujet de la coiffure est abordé, la jeune fille devient stressée. Son
angoisse est ressentie à travers le procédé de la caméra subjective qui, en
premier lieu montre les cheveux de madame Husson et ensuite le regard
intense de la jeune fille.
70
Le public intrigué, cherchera à comprendre la raison dissimulée derrière son
action. La réponse sera donnée tout de suite après et le spectateur
découvrira que la jeune fille a vendu ses cheveux pour s’acheter une paire de
bottes. Outragée par son action, madame Husson renvoie la jeune fille.
D’autre part, grâce à la caméra subjective, il est réalisable d’avoir le
déroulement de deux histoires simultanées qui se déroulent dans un autre
espace. Dans le téléfilm Histoire d’une fille de ferme, Rose, arrivant trop tard
chez sa mère mourante, n’a pas eu le temps de lui faire ses adieux. Sous le
choc de l’annonce, elle accouche sur place. La mise en scène montre alors
deux scènes qui se déroulent parallèlement. La première est celle de
l’accouchement de Rose. La caméra se contente de filmer la scène en
procédant par quelques « close up » pour montrer la douleur ressentie par
Rose. Dans ces rapprochements filmiques, on distingue que le regard de
Rose est tourné vers la fenêtre. À travers le procédé de la caméra subjective,
on voit le cercueil de la mère de Rose être emporté par des hommes. Il s’agit
de la deuxième histoire qui est observée par le regard de Rose. La caméra
est tremblante afin d’intensifier le lien entre la caméra et le regard de Rose.
Cet effet a pour but d’accentuer le ton dramatique de la scène en créant une
bipolarité ; la vie et la mort sont présentes au même moment.
71
L’utilisation du procédé de la caméra subjective est une technique
narrative de focalisation du personnage. Le point de vue désigné étant
supposé représenter celui d’un personnage et non celui de la caméra. Cette
technique équivaudrait, en narratologie, à la focalisation d’un narrateur
homodiégétique.
Un procédé d’introduction fréquent est celui de l’establing shot. Cette
prise de vue assez large de la caméra englobe la majorité de l’espace où se
déroule la scène. Cette technique est généralement située au début d’une
nouvelle séquence et permet aux spectateurs de prendre conscience de l’état
des lieux. Elle correspond en narratologie à la pause descriptive, qui elle
aussi, est fréquemment située au début d’un changement d’action. Ayant déjà
parlé de la thématique de l’espace, nous ne nous attarderons pas trop sur
cette technique. Nous situerons seulement quelques exemples qui
éclaircissent cette notion de l’establing shot :
72
La Parure
L’appartement de Jeanne Forestière où débute l’histoire
Le Rosier de
madame Husson
Le téléfilm débute avec un enchaînement de plusieurs
plans du village créant l’illusion que l’on se promène
dans les rues de Gisors.
L’Héritage
La salle à manger des Cachelin est toujours filmée dans
le même angle, la pièce ressemble au plateau d’une
pièce de théâtre.
Histoire d'une fille
de ferme
La ferme du Maitre est montrée sous plusieurs angles
larges.
Le Petit fût
Les champs de pommes qui entourent la ferme de la
mère Magloire.
Au Bord du lit
La salle du petit déjeuner, le lendemain de la dispute du
couple.
II. De l’objet concret à la perception symbolique
Le symbolisme exprimé par des objets est en lui-même une étude
assez large et qui n’est pas vraiment en relation avec une analyse narrative.
Néanmoins certains éléments peuvent être perçus comme une forme
d’information qui renvoie à un événement qui se déroulera dans l’avenir.
Proche du principe de la narration antérieure, qui consiste à raconter un
événement qui se déroulera dans le futur, cette forme cherche à accentuer
l’intérêt du lecteur. L’information transmise peut être présentée de manière
évidente ou bien sous forme de sous entendu. C’est au lecteur de se montrer
attentif afin de percevoir ces éléments, qui parfois ne sont visibles que dans
une rétro-lecture.
73
Cependant il n’est pas habituel chez Maupassant d’utiliser la narration
antérieure, quant aux téléfilms étudiés, il n’y en a que très peu qui possèdent
des objets symboliques qui renvoient au futur.
Nous retiendrons malgré tout « la pomme », qui apporte aux téléfilms
Le Petit fût et Le Rosier de madame Husson, une indication antérieure. Dans
les deux cas, la pomme symbolise l’alcool dans sa forme première. Cet
élément joue un rôle important au déroulement de chacune des histoires, car
le téléspectateur possède déjà les éléments cruciaux de l’œuvre. Les champs
de pommes qui sont constamment filmés dans Le Petit fût indiquent
l’importance qui sera accordée à l’alcool. Quand à la pomme qui tombe de
l’arbre, elle symbolise la mort à venir de la mère Magloire. Si la pomme ne
représente pas la mort dans Le Rosier de madame Husson, son image en
reste néanmoins néfaste. « Les pommes que livre Isidore et celles qu’il
renverse en rentrant de la fête servent l’effet de réel et le pittoresque
normand (elles sont l’emblème de la Normandie) ; dans la rencontre avec les
paysannes, les pommes qu’elles placent de façon provocante entre leurs
seins renvoient symboliquement au fruit défendu, à la connaissance du mal
qu’Isidore acquerra à Paris »86.
III. Le reflet du miroir : déclencheur du passé et moyen
d’introspection
Le miroir est un objet symbolique des plus intéressants et qui attirera
grandement notre attention. La particularité qu’apporte son utilisation au
cinéma est qu’il permet de dédoubler l’image du champ de vision de la
caméra qui focalise non pas sur le personnage mais sur son reflet.
L’utilisation du miroir est un renvoi à l’idée du narcissisme et du paraître,
thème très cher à Maupassant qui s’attaque généralement à la société
parisienne du XIXe siècle ; une société du paraître. Nous retiendrons deux
œuvres dans les téléfilms où la technique du miroir joue un rôle exceptionnel ;
86 Laurence Jung, «Chez Maupassant(4), Comédies grinçantes», op.cit., p.3.
74
La Parure et Au Bord du lit. Il s’agit de deux nouvelles qui expriment
parfaitement l’idée du paraître dans laquelle baigne la société parisienne,
fondée sur les apparences.
La Parure est l’histoire de Mathilde Loisel, une petite bourgeoise,
femme d’employé du ministère, qui aspire à une vie couverte de richesse et
de luxe. Étant une très jolie fille, elle aurait pu facilement être mariée à un
homme riche, malheureusement pour elle, elle fut née dans la mauvaise
classe sociale: « C’était une de ces jolies et charmantes filles, nées, comme
par erreur du destin, dans une famille d’employés »87. Mathilde s’imagine
constamment vivre comme une femme de la haute société, créant un
entêtement qui l’aveugle sur sa propre aisance. Le véritable malheur de
Mathilde ne se trouve pas dans sa position sociale mais au sein de son
narcissisme. Ayant conscience de sa beauté et de l’impact que cet atout joue
sur la société parisienne, elle attend malgré tout à se faire remarquer. Ce
mythe de la splendeur, piège les jolies filles en les laissant croire que seule la
beauté compte pour faire partie de ce monde :
Les femmes n’ont point de caste ni de race, leur beauté, leur grâce et leur
charme leur servant de naissance et de famille. Leur finesse native, leur instinct
d’élégance, leur souplesse d’esprit, sont leur seule hiérarchie, et fond des filles du
peuple les égales des plus grandes riches88.
Il ne serait pas étonnant que Maupassant, connu pour sa joie de vivre en
compagnie des femmes, soutienne le mythe de la beauté féminine. Il n’est
donc pas surprenant que Mathilde, avec sa nouvelle toilette, puisse enrober
l’apparence d’une dame du monde. Bien que Maupassant traite du thème du
narcissisme, il ne pousse pas l’idée plus loin et semble s’intéresser plus à
l’ironie du sort de cette jeune fille qui se retrouve à la fin plus démunie qu’au
début. « Comme il faut peu de chose pour vous perdre ou vous sauver ! »89.
Bien que ce soient les actions de Mathilde qui ont engendré son malheur,
s’en est surtout à la faute de la main du destin, autrement dit le choix de
87 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.453. 88 Ibid., p.453. 89 Ibid., p.461.
75
l’écrivain. Mais la question qui se pose est la suivante: « Mathilde aurait-elle
vraiment été sauvée si elle n’avait pas perdu la parure? » Bien qu’étant
resplendissante dans sa nouvelle toilette avec la parure en diamant, Mathilde
ne s’est seulement offert qu’une soirée de bonheur, de rêverie et de
fabulation. Sa position n’a en rien changé, elle a simplement satisfait son
“ego”, rongée par la jalousie éveillée par les autres dames riches :
Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grisée par le plaisir, ne pensant
plus à rien, dans un triomphe de sa beauté, dans la gloire de son succès, de toutes
ces admirations, de tous ces désirs éveillés, de cette victoire si complète et si douce
au cœur des femmes90.
La narration de la nouvelle est en majorité centrée sur Mathilde et souligne
surtout son extase envers elle-même. La jeune fille est constamment
préoccupée par son apparence et par le luxe qui l’entoure. Son histoire
personnelle pourrait être comparée au mythe de Narcisse, car c’est
l’excessive contemplation de sa personne qui causa sa perte.
L’idée du narcissisme est plus poussée dans le téléfilm de Claude
Chabrol ; c’est grâce à l’utilisation du reflet du miroir que le metteur en scène
établit une technique narrative focalisée sur le personnage même ainsi que
son ego. Il y a un grand nombre de miroirs qui apparaissent tout au long du
téléfilm ; tels les grands miroirs dans le salon de Jeanne Forestier, ceux de la
salle de réception du bal, mais aussi chez les Loisel, où presque toutes les
pièces sont décorées d’un miroir. Le sujet du narcissisme est fortement
imprégné dans l’œuvre, le jeu du paraître est tellement présent que certaines
actions ne sont uniquement visibles qu’à travers le reflet du miroir. Après que
Jeanne Forestier ait exposé ses multiples bijoux, elle se lève pour aller
chercher la parure en diamant. La caméra change d’angle et filme le buffet où
repose la boite. Un miroir est accroché au mur et on distingue clairement,
dans le reflet, Mathilde assise sur le divan, admirant les bijoux que son amie a
laissé sur la table. La suite de la scène sera filmée à travers le reflet du miroir.
90 Ibid., p.457.
76
Cette scène, présente dès le début du téléfilm, permet d’introduire
délicatement le thème du « paraître ». Alors que les deux jeunes femmes
tentent de rester élégantes et distinguées, le spectateur descelle la fausseté
de leur action. Jeanne prend un plaisir caché à exhiber ses richesses devant
son amie, moins chanceuse qu’elle et Mathilde cache sa jalousie en restant
modeste devant tant de luxe. « L’image du miroir est un moyen de
représenter le personnage sous forme divisée (conscient/ inconscient) ; il
permet à un aspect ou une qualité du caractère d’être (spatialement)
démarquée »91.
Le reflet du miroir où se pose le regard de la caméra, devient alors un regard
jugeur qui dévoile l’hypocrisie de l’action. « Le miroir est lui-même un
producteur d’images. Source de réflexion, surface rigide sans laquelle les
choses seraient absorbées dans l’oubli, il nous invite à réfléchir »92. On
pourrait donc classer cet objet come outil filmique de focalisation narrative qui
amène le spectateur à mieux analyser la situation et à desceller la vérité qu’il
y cache.
91 Edward R. Branigan, [Notre traduction], Point of view in the cinema, Mouton Publishers, Berlin,1984, p.128. « The mirror image is a way of representing the character as divided (conscious/ unconscious); it allows one aspect or quality of the character to be (spatially) separated out ». 92 Guy Michaud, Cahiers de l’Association international des études française, volume 11, 1959, p.199, [en ligne], http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/revue/caief
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Tel un conte de fée, Mathilde reçoit la chance de pouvoir vivre son
souhait pour une nuit. Elle se voit offrir plusieurs faveurs mais en veut
toujours plus. Tout d’abord son mari lui apportera une invitation pour le bal du
ministère, une soirée dont elle rêvait tant. Celui-ci accepte qu’elle s’achète
une robe de grande valeur et au final son amie lui prête une parure en
diamant. Cette dernière scène se produit dans le salon de Jeanne où
Mathilde s’admire dans le miroir avec la parure. Quand son amie lui annonce
qu’elle peut emprunter le bijou, la jeune femme, remplie de joie, prend son
amie dans les bras. La caméra, ayant toujours le miroir dans son champ,
zoom à l’intérieur du reflet, ne montrant aucun rebord du miroir. (10 :40) Le
reflet devient alors le plein écran et donc le regard direct de la caméra. Cette
scène symbolise le passage du monde réel au monde onirique que Mathilde
aspirait tant. La séquence suivante sera la scène du bal où la jeune femme
sera au comble de ses joies. Ce n’est qu’une fois chez elle, en s’admirant
dans le miroir, qu’elle se rendra compte de la disparition de la parure. C’est
de nouveau à travers le miroir que Mathilde sortira de son rêve et devra
affronter la tragique réalité. D’après Gaston Bachelard « les miroirs sont des
objets trop civilisés, trop maniables, trop géométriques, ils sont avec trop
d’évidence des outils de rêve pour s’adapter d’eux-mêmes à la vie
onirique »93. Quand la caméra utilise le reflet du miroir, elle possède alors une
dualité narrative. La première narration est celle de l’histoire principale,
incorporant tous les personnages et dans un deuxième degré, celle désignant
le point de vue de Mathilde.
93 Gaston Bachelard, L’Eau et les rêves, Paris, Librairie José Corti, 1996, p.32.
78
La scène du bal, qui précède le passage dans le miroir, est en majorité
focalisée d’après le point de vue de Mathilde. La musique entrainante,
accompagnée du sourire de la jeune femme, montre son bonheur en cette
soirée parfaite. Mais tout n’est pas parfait comme le voudrait Mathilde, la
caméra, qui procède par un regard double, garde un côté satirique de
l’histoire en filmant des éléments que la jeune femme n’a surement pas
remarqués. « Le bal, unique soirée de triomphe, se révèle être fréquenté par
des hommes d’âges »94, d’un unijambiste et de maris endormis.
Tout comme La Parure, la nouvelle Au Bord du lit traite du thème du
« paraître ». L’histoire conte les problèmes conjugaux du comte de Sallure.
Après que sa femme ait découvert ses nombreuses aventures avec d’autres
compagnes, le comte proposa à sa femme d’avoir un mariage libre. Étant
marié par intérêt et non par amour, celui-ci lui fait comprendre qu’elle peut,
elle aussi avoir un amant, du moment que leur relation reste discrète. Le
comte regrettera sa proposition quand il sera pris de jalousie en voyant
d’autres hommes s’intéresser à sa femme et finira par lui avouer son amour
pour elle. La comtesse n’éprouvant plus rien pour son mari, lui propose un
marché. Elle acceptera de nouveau son mari dans son lit, à la seule condition
qu’il lui paie la même somme qu’il dépense pour ses maîtresses.
L’histoire pour son époque est du moins fort choquante, car elle traite
des difficultés conjugales en relation avec les problèmes sexuels du couple.
94 Agnès Lefillastre, «Chez Maupassant(1), Secrets et Mensonges», op.cit., p.3.
79
La narration du texte tourne vers l’érotisme en décrivant la comtesse comme
tentatrice sexuelle.
Elle ôte son corsage de bal lentement, dégageant ses bras nus et blancs.
Elle les lève au-dessus de sa tête pour se décoiffer devant la glace ; et, sous une
mousse de dentelle, quelque chose de rose apparaît au bord du corset de soie
noire95.
Le lecteur d’époque se retrouve dans une position inconvenante, car l’image
érotique n’est cette fois-ci pas celle d’une maitresse ou bien d’une prostituée,
comme il était d’habitude, mais celle de la femme légitime. On décèle dans la
narration, l’intention de choquer le lecteur. Maupassant veut pointer la
débauche cachée derrière le paraître de la société parisienne et d’une
certaine manière, la comtesse Sallure, avec son marché, en vient à se
prostituer. Cette nouvelle était une comédie satirique cherchant à provoquer.
Mais comment l’œuvre est-elle perçue de nos jours ? L’audace de la
comtesse ainsi que les propos qu’elle porte, bien que déplacés pour son
époque, sont des propos féministes :
- Vous avez avoué, vous m’avez avoué votre liaison, ce qui équivalait à me donner
l’autorisation de vous imiter.
- Nous ne sommes plus rien l’un pour l’autre, n’est-ce pas ? Je suis votre femme,
c’est vrai, mais votre femme – libre.
- Il est bien plus bête, quand on a une femme légitime, d’aller payer des cocottes96.
Le lecteur contemporain sera moins choqué par la situation du couple. Il
percevra l’œuvre plus comme une comédie et ne ressentira pas la perversité
créée par le jeu du paraître. L’idée de la prostitution de la comtesse ne lui
passera peut être pas à l’esprit. Il verra en l’action de la comtesse une forme
de vengeance envers son mari. Étant déjà riche, elle n’a que faire de l’argent
supplémentaire. Elle n’est pas non plus satisfaite à l’idée de rendre son mari
cocu ; non, elle pousse l’humiliation plus loin en mettant son mari dans une
situation des plus inattendues.
95 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.900. 96 Ibid., p.897-901.
80
Qu’en est-il de l’adaptation filmique de Jean-Daniel Verhaeghe ? Son
œuvre s’est-elle plus rapprochée du point de vue de l’œuvre originale ou bien
de celui de la vision contemporaine ?
L’œuvre, en tant que telle, respecte parfaitement la nouvelle, à
l’exception de quelques scènes rajoutées telle l’histoire parallèle du couple du
majordome et de la femme de chambre. Cependant l’aspect choquant de
l’œuvre de Maupassant n’est pas vraiment ressenti. Le choix du metteur en
scène est compréhensible, car la série Chez Maupassant étant destinée à un
public plutôt familial, certains thèmes ne sont pas toujours permis d’être
abordés. Néanmoins, Verhaeghe laisse une petite note, presque cachée au
regard inattentif, de cette notion de débauche. Le premier élément est celui
du livre de Nana d’Émile Zola que la comtesse lit et utilise comme référence.
Le deuxième élément est le miroir. Après que le comte de Sallure ait fini par
accepter l’offre de sa femme, il se jette dans son lit et commence à
l’embrasser. La caméra se détache du couple et vient focaliser sur leur reflet
dans le miroir. Au passage elle prend la peine de laisser paraître le livre de
Nana sur la table de chevet :
La caméra, en tournant le regard, crée au public la sensation de pudeur. Le
téléspectateur pense que les débats conjugaux vont rester privés, cependant
quand la caméra filme le reflet ou plutôt le double reflet, car l’on perçoit aussi
celui d’un autre miroir, le spectateur se retrouve en position de voyeur. Le
miroir symbolise une fenêtre cachée que l’on ouvre pour espionner l’intimité
81
du couple. Par l’utilisation de cette technique, Verhaeghe se rapproche, tout
en restant pudique, de la narration érotique que Maupassant insère dans son
texte pour déstabiliser son lecteur. Le spectateur contemporain, étant moins
choqué par les débats sexuels, le metteur en scène doit d’abord diriger leurs
sentiments vers une idée de pudeur pour pouvoir ensuite toucher leur
sensibilité. Si la scène du lit avait été directement filmée, l’effet attendu
n’aurait pas été ressenti. C’est le reflet du miroir qui crée l’illusion de
voyeurisme et place le public dans une position d’inconvenance.
IV. Le costume adjuvant de la narration
Si à première vue les costumes sont considérés comme des éléments
à caractère esthétique cela ne veut pas dire pour autant qu’ils ne possèdent
pas une double utilité. Le choix de l’habit peut refléter la personnalité de la
personne qui le porte. Le symbolisme qu’il exprime renforce certains aspects
des sentiments du personnage. Bien entendu les renseignements étant
divulgués à travers une image symbolique, ceux-ci peuvent passer inaperçus
sous le regard d’un public inattentif. Pour cette raison l’information que
dévoile le costume n’est pas, en elle-même, nécessaire pour la
compréhension de l’histoire mais elle permet cependant au public attentif
d’avoir une meilleure approche des sentiments exprimés par le personnage.
Agnès Nègre, créatrice des costumes des téléfilms sélectionnés, parle
de la profondeur dans son choix des costumes dans Histoire d’une fille de
ferme. « Le personnage de Rose se situe dans des couleurs un peu sourdes
(des vieux roses et des bruns). Et, à partir du moment où elle accouche, des
petites touches de bleu sont insérées par-ci, par-là, de manière à ce qu’une
fois mariée, Rose apparaisse dans des dominantes froides de bleu. Les
costumes accompagnent son évolution, passant d’un univers chaud à des
couleurs froides »97.
L’habit est le support à travers lequel la couleur permet de refléter un
sentiment. Le costume est un élément cognitif à la capacité de divulguer au 97 Agnès Nègre, «Chez Maupassant (1), Costumes de contes», op.cit., p.3.
82
spectateur une idée commune. Le changement du rose au bleu des habits de
Rose désigne la perte de son innocence et le début de sa vie tourmentée. Le
passage de la pureté à la cruauté réaliste est aussi ressenti dans le costume
d’Isidore, dans le téléfilm du Rosier de madame Husson. Le bel ensemble
blanc, choisi par madame Husson, symbolise la pureté de l’âme d’Isidore ; il
sera même comparé à un cygne. Après sa disparition d’une semaine, il sera
retrouvé complètement ivre dans une allée de Gisors, portant toujours le
même ensemble. Devenu gris à cause de la saleté, le changement de couleur
du même costume symbolise ici aussi la perte d’innocence d’Isidore.
Dans le téléfilm Au Bord du lit, l’histoire débute avec une valse lors
d’un bal. Parmi tous ses gens, la comtesse de Sallure s’y démarque par la
couleur rouge de sa robe qui est d’un grand contraste avec celles au ton
blanc et beige des autres dames. Le costume permet de focaliser l’attention
du spectateur directement sur la Comtesse sans qu’elle ait besoin d’être
introduite. D’autre part la couleur rouge exprime une idée de sensualité et de
tentation. Effectivement la Comtesse ayant pour projet de trouver un amant,
désirait avant tout choquer le plus possible. Le rouge représente ainsi sa
colère intérieure envers son mari, elle est une flamme dansante.
Dans le téléfilm de La Parure, c’est un petit détail présent lors du bal
du ministère, qui accentue l’ironie de l’histoire. Mathilde a emprunté la parure
en diamant à son amie, car elle n’avait aucune pierre à se mettre. Charles,
83
son mari, lui avait cependant proposé de mettre des fleurs dans ses cheveux,
mais l’idée la révolta : « Les fleurs, c’est le plus sûr moyen d’avoir l’air pauvre
au milieu des riches.» (09 :00) La petite touche sarcastique de la soirée ne se
trouve pas ici dans l’habit même mais dans un accessoire. Effectivement
toutes les dames du bal sont coiffées de fleur, malgré le commentaire de
Mathilde.
C. La fonction acoustique
En faisant référence à la forme acoustique nous faisons allusion à la
bande son au cinéma. Il s’agit d’une catégorie qui est composée par la
« voix », la « musique », le « bruitage » et d’une certaine manière le «
silence ». La « voix » englobe tout ce qui est prononcé vocalement, en d’autre
terme, la parole. La « musique », qu’elle soit originale ou déjà existante,
s’accorde avec l’image et la complète, elle donne au film son rythme et son
ambiance. Le « bruitage » est un son fabriqué par un bruiteur98, hors du
cercle du tournage, et qui intensifie l’illusion du réel. Le « bruit » quand à lui
est un son directement capturé pendant l’enregistrement du film. Quand au
« silence », il peut exprimer un sentiment profond, ressenti par le personnage.
Par l’absence de bruit, il crée un détachement de l’illusion du réel et peut
annoncer un événement chambardeur.
Pour le 7e art, il va de soi que son et image vont ensemble, même à
l’époque du cinéma muet, il y avait toujours cette recherche de l’illusion du
son, apportée par le pianiste accompagnateur. Le spectateur est attentif au
son qu’il unit avec l’image. « Le travail d’écoute rendait possible ce que
Serguei Eisenstein a appelé une “synchronisation des sens” : la concordance
de l’image et du son sous un seul rythme ou une seule qualité expressive »99.
Bien que l’étude de la bande son au cinéma soit très large, nous
mettrons de côté « la voix » pour nous concentrer uniquement sur deux
98 Spécialiste du bruitage. Le repérage, le rassemblement, la création des éléments sonores requis par le film sont sous la responsabilité du bruiteur. Voir André Roy, Dictionnaire général du cinéma, Du cnématographe à internet, Montréal, Éditions Fides, 2007. 99 D. Bordwell et K. Thompson, L’Art du film, Une introduction, Paris, Édition De Boeck, 2002, p.384.
84
catégories: le « bruitage» et la « musique ». Nous ne chercherons pas à
établir un parallélisme entre la musicalité du film et la musicalité de la
littérature, car il s’agirait d’une tout autre étude. Nous nous concentrerons sur
les caractères narratifs exprimés par la forme acoustique et comment elle
peut substituer l’information de l’œuvre littéraire, tout en gardant le même but.
I. Le bruitage
Le bruitage consiste à intégrer dans le film tout élément sonore en
rapport avec l’univers fictif tels, le bruit de pas, le bruit de porte, le bruit
d’horloge, le bruit de sonnerie, etc. En d’autre terme, il « reproduit les bruits
des actions avec un matériel très hétéroclite »100. Un mauvais bruitage
rappellerait constamment au spectateur qu’il est en train de visionner un film
et c’est en comblant ces blancs de bruit que l’illusion du réel prend place.
Certains sons se démarquent pourtant plus que d’autres, avec leurs sonorités
plus importantes ou bien plus détachées. Ils renforcent certains éléments clés
de l’histoire et accentuent l’ambiance de l’œuvre.
Le bruit émis par une porte ou bien par une sonnette prévient de la
venue d’un personnage, c’est une technique d’introduction. Il peut cependant
créer l’effet de surprise. Dans la nouvelle de L’Héritage, Cora sait qu’elle va
être introduite à Lesable, son futur mari, qu’elle n’a jamais rencontré. Bien
que le jeune homme ait déjà été présenté au lecteur au début de l’œuvre,
Maupassant met en place une deuxième introduction : « Le timbre du
vestibule tinta, des portes s’ouvrirent et se fermèrent. Lesable parut »101. Pour
créer une notion d’intrigue qui s’associe au sentiment ressenti par Cora, le
narrateur ralentit la trame en prenant la peine de décrire le son émis par la
sonnette et par la porte. On peut clairement distinguer l’incorporation de
l’illusion du son dans la nouvelle. La même scène est représentée
pareillement dans le téléfilm : on entend d’abord la sonnette et après que la
100 Marie-Térèse Journot, Le Vocabulaire du cinéma, op.cit. 101 Guy de Maupassant, L’Héritage, op.cit., p.26.
85
famille se soit rassemblée devant la porte, Cachelin fait entrer Lesable chez
eux.
Cependant le frappement à la porte n’est pas toujours celui d’une
invitation, parfois il s’agit de celui d’une intrusion. Tel dans le téléfilm Au Bord
du lit où le comte de Sallure frappe à la porte de la chambre de sa femme
pour qu’elle le laisse entrer. Cette scène est premièrement filmée dans la
chambre de la comtesse ; on entend frapper à la porte mais on ne voit pas qui
produit le son. La comtesse, tout comme le spectateur, sait parfaitement de
qui il s’agit. Le son étant émis sans que l’on ne voie sa source indique
l’assurance de la comtesse et son emprise manipulatrice sur son mari. Le
comte s’énervant du comportement de son épouse, frappe de plus en plus
fort, associant ainsi le bruit avec sa colère. Le vacarme produit, accentue
l’intérêt du téléspectateur qui s’interroge sur l’évolution de l’histoire.
Autre le rapport avec l’introduction d’un personnage, le bruit de la porte
peut aussi être associé avec l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Dans le
téléfilm Le Rosier de madame Husson, la vieille dame se rend à la mairie
pour annoncer qu’Isidore sera leur Rosier. Le maire la reçoit avec joie mais
son sourire disparaît bien vite à l’écoute de la nouvelle qui sera d’ailleurs très
mal prise par le docteur Barbesol. Le frappement de la porte symbolise le
chamboulement du projet initial, celui de couronner une Rosière et non pas
un Rosier. Le bruit est ici l’annonceur de mauvaise nouvelle, il sert
d’indicateur du retournement de situation qui prendra lieu par la suite. C’est
aussi un frappement de porte qui viendra avertir madame Husson de la
retrouvaille d’Isidore. Nouvelle qui soulage la vieille dame mais qui très vite
l’horrifiera à la vue d’Isidore ivre dans une allée.
Un autre son très fréquent dans les films, mais tout aussi présent dans
les romans et les nouvelles, est celui produit par l’horloge. Que se soit son tic-
tac ou bien sa sonnerie, il s’agit d’un bruit qui se démarque des autres et joue
une importance plus grande quand il vient rompre les moments de silence :
86
Ses terreurs grandirent, et chaque fois que dans le silence assoupi de la
maison la grosse horloge de la cuisine battait lentement les heures, il lui venait des
sueurs d’angoisse102.
Comme l’indique le narrateur dans cet extrait de la nouvelle Histoire d’une fille
de ferme, le battement des heures accentue l’angoisse ressentie par Rose.
Après que le fermier lui ait demandé sa main, la jeune fille, totalement perdue
dans ses pensées, n’arrive pas à dormir. On ressent clairement la
synchronisation du tic-tac avec son cœur. Dans le téléfilm, le fermier fait sa
demande en mariage à Rose qui, sous le choc ne sait que lui répondre. Le
metteur en scène, Denis Malleval, utilise lui aussi le bruit produit par l’horloge
pour accroître la pression qui pèse sur Rose. Silencieuse, elle semble perdue
dans ses pensées, seul le tic-tac de l’horloge la retient à la réalité et lui
rappelle que le fermier attend une réponse.
On distingue la même utilisation du tic-tac dans le téléfilm de Claude
Chabrol, La Parure. Malgré les dix années qui se sont écoulées, Mathilde
repense toujours à la soirée du bal du Ministère où tout lui semblait parfait. La
caméra filme Mathilde de dos en train de se regarder dans le miroir. Alors que
sa rêverie commence et que son reflet se transforme en souvenir, le tic-tac de
l’horloge se fait toujours entendre, malgré la musique de la valse qui cherche
à prendre le dessus. Mathilde ne peut ignorer le bruit de l’horloge. Les
événements qu’elle a vécus lui ont fait réaliser qu’elle doit rester attachée à la
102 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.34.
87
réalité et ne peut sombrer de nouveau dans ses songes. Le bruit de l’horloge,
étant relié à la réalité, donne à la scène une double narration ; celle du rêve
de Mathilde, narré par la musique de valse en son « off » et celle du présent
fictif, où la pauvre femme se tient debout devant son miroir. Toute la notion de
réalité et de rêverie est accentuée dans cette scène grâce à la tonification du
bruit produit par l’horloge. Quand Mathilde rentre dans le hall d’entrée, le tic-
tac de l’horloge est déjà présent. Ce n’est que lors du début du rêve que le
son deviendra plus prononcé et quand Mathilde émergera à la réalité, le son
diminuera pour finir par définitivement s’éteindre.
De tous les bruits produits au cinéma, la sonnerie de l’horloge ou bien
de la cloche est sûrement un des sons les plus dramatiques. À l’inverse du
tic-tac, qui se fait entendre sur une durée plus longue, la sonnerie a un effet
soudain, telle une surprise, qui accentue la focalisation du spectateur. Il est
généralement accompagné d’un événement tragique. Si le tic-tac de l’horloge
crée l’effet du battement de cœur du personnage, la sonnerie serait alors
l’équivalent d’un coup de poignard dans le cœur. Quand le fermier demande
la main de Rose dans Histoire d’une fille de ferme, l’horloge sonne au même
moment, accentuant l’effet de surprise chez la jeune fille. En entendant
l’horloge sonner, le spectateur ressent le choc que vient de subir Rose et le
moment de silence qui suivra marquera le chaos intérieur de la jeune fille. Si
nous comparons cette même scène dans la nouvelle de Maupassant, on
remarque que l’auteur procède à un changement de vitesse dans la
narration :
Le fermier, gros homme de quarante-cinq ans, deux fois veuf, jovial et têtu,
éprouvait une gêne évidente qui ne lui était pas ordinaire. Enfin il se décida et se mit
à parler d’un air vague, bredouillant un peu et regardant au loin la campagne.
« Rose, dit-il, est-ce que tu n’as jamais songé à t’établir ? »
Elle devint pâle comme une morte. Voyant qu’elle ne lui répondait pas, il continua103.
La narration du début de la scène est racontée par de longues phrases
détaillées qui marquera une opposition à la narration qui suivra la question
103 Ibid., p.32.
88
posée par le fermier : « Elle devint pâle comme une morte ». L’information sur
l’état de Rose est dite d’une telle simplicité que l’on conçoit le côté brusque et
rapide de la scène. L’annonce a frappé Rose comme une décharge
électrique.
Le bruitage, utilisé de manière stratégique, pourrait être comparé, en
narratologie, à la fonction de régie ; une intervention du narrateur, au sein de
l’histoire, qui commente l’organisation et l’articulation du texte afin de mieux
orienter la lecture du public. De cette manière le metteur en scène, en utilisant
le son habilement, accentue la focalisation du spectateur qui réagit en même
temps à l’image et au son.
II. La musique
La fonction donnée à la musique peut fortement différencier d’un
metteur en scène à un autre. Grâce à ses multiples rôles, elle sert
d’accompagnement et aide à la narration de l’histoire, en fonction de son
degré d’implication. Il s’agit d’une description musicale qui affecte les
émotions et le point de vue du spectateur. «La musique est, en général,
subordonnée au dialogue […] Elle peut cependant accompagner aussi des
scènes dansées, des séquences de transition ou des moments émotionnels
fort »104.
III. La musique accompagnatrice
La musique accompagnatrice du film, qui peut à la fois être une
chanson ou bien une composition musicale, intensifie la dimension
dramatique du film en accentuant l’atmosphère de la scène, tels les aspects
dramatiques, comiques, poétiques ou bien romantiques. Elle exerce un
pouvoir narratif sur l’œuvre, en permettant au metteur en scène de contrôler
104 Jeanne Grandjean, La Bande son, PDF. [en ligne], http://www.lamediatheque.be/, p.69.
89
le rythme du déroulement de l’histoire, mais aussi, sert d’indicateur des
sensations exprimées par les acteurs du film.
Le téléfilm de Denis Malleval, Histoire d’une fille de ferme, est un bel
exemple de la capacité narrative obtenue par la musique accompagnatrice.
« Essentiellement affective et subjective, la musique “s’objective” pourrait-on
dire, dans des thèmes ou des sentiments généraux, relatifs à l’être humain
plutôt qu’à l’individu »105. Ainsi, tout au long du téléfilm la musique suit et
s’unit aux émotions de Rose, de la musique joyeuse à la musique dramatique,
elle se synchronise avec le cœur de la jeune fille ; son amour pour Jacques,
sa désespérance quand il l’abandonne, sa joie de vivre pour son enfant, tout
est en parfaite harmonie. Durant la scène où Rose n’arrive pas à dormir,
après la demande en mariage du fermier, une musique dramatique s’accorde
avec la panique ressentie par Rose, qui devient plus intense au fur et à
mesure que son anxiété augmente. Elle pourrait fonctionner comme une
narration simultanée car la musique est en parfait accord avec le déroulement
de la situation. L’attention du téléspectateur est grandement renforcée, car il
est entrainé par le rythme rapide qu’exerce la musique. La musique s’arrêtera
quand Rose plongera dans la mare et disparaitra sous l’eau.
Le silence qui prend place est aussi un élément de la dramaturgie musicale. Il
s’agirait d’une sorte de pause dans la narration acoustique. Le spectateur est
105 Jean Mitry, Esthétique et psychologie du cinéma, 1. Les structures, op.cit., p.303.
90
pris d’inquiétude car l’effacement de la musique intensifie la disparition de la
jeune fille sous l’eau. Le silence sera rompu par l’émergement de Rose dans
un long cri de désespoir. Un tel effet dramatique est réalisable grâce à la
synchronisation de la musique et des actions de la jeune fille. On distingue
clairement le changement du rythme de la scène, qui devient de plus en plus
rapide.
Cette même scène dans la nouvelle de Maupassant est aussi narrée
dans un rythme progressif, ayant pour but de montrer l’évolution de l’anxiété
de Rose. Cette partie de l’histoire possède une narration plus longue que
d’autres scènes de l‘histoire, dû à la taille du texte. Maupassant à établi une
progression du point de vue des sentiments de Rose et de l’action :
Rose ne se coucha pas cette nuit-là. Elle tomba assise sur son lit, n’ayant
plus même la force de pleurer, tant elle était anéantie. Elle restait inerte, ne sentant
plus son corps, et l’esprit dispersé, comme si quelqu’un l’eût déchiquetée avec un de
ces instruments dont se servent les cardeurs pour effiloquer la laine des matelas106.
Le paragraphe commençant en soulignant l’immobilité de Rose, la narration
en est elle-même plus lente et sous une longue pause narrative, le narrateur
s’exprime à travers de longues phrases, fortement descriptives. Le rythme de
la narration deviendra cependant plus rapide au fur et à mesure que le
narrateur avance dans le développement de l’action :
Sa tête se perdait, les cauchemars se succédaient, sa chandelle s’éteignit ;
alors commença le délire, ce délire fuyant des gens de la campagne qui se croient
frappés par un sort, un besoin fou de partir, de s’échapper, de courir devant le
malheur comme un vaisseau devant la tempête107.
On perçoit dans la continuité de la narration un changement dans la forme.
Les phrases sont beaucoup plus brèves, généralement limitées au sujet et au
verbe, créant un enchainement d’actions séparées par de simples virgules :
« un besoin fou de partir, de s’échapper, de courir ». Il s’agit d’une
106 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.33. 107 Idib. p.34.
91
accélération de la forme narrative, reflétant l’accroissement de l’action et des
sentiments de Rose.
IV. La musique distinctive
Appelée en terme cinématographique « leitmotiv », c’est une « figure
musicale attachée à un personnage, à une action, à un lieu ou à un objet »108.
Elle fait référence à une musique distinctive et répétitive que le spectateur
reconnaitra et identifiera immédiatement avec le sujet désigné. On pourrait
citer comme exemple la musique de la valse dans le téléfilm de La Parure.
Tout au long de l’histoire, on entend toujours la même balade que le
spectateur assimilera très rapidement avec la personnalité de Mathilde Loisel.
« La valse qui enchaine la plupart des scènes correspond, grâce à un
procédé de décalage, à la voix ironique du narrateur. Si la même musique est
reprise, thème lancinant du bal, elle est jouée sur des rythmes plus lents et
mélancoliques dans les moments où Mathilde devient pathétique »109. Au tout
début de l’histoire le spectateur interprète la valse comme élément
symbolisant du rêve de la jeune femme, mais très vite il en deviendra son
obsession, pour terminer comme sa punition. La fonction du leitmotiv, dans
notre exemple cité, se rapproche en narratologie du mode répétitif, où l’on
raconte plusieurs fois un même événement. Cette technique a pour effet de
créer une obsession chez le personnage, qui reste bloqué sur une idée fixe.
Dans la nouvelle de Maupassant, Mathilde est clairement focalisée sur ce
qu’elle ne peut avoir. Le narrateur introduit très tôt dans l’histoire cet aspect
de la personnalité de Mathilde : « Elle n’avait pas de toilettes, pas de bijoux,
rien »110. La jeune femme répétera l’information en s’adressant à son mari :
« Cela m’ennuie de n’avoir pas un bijou, pas une pierre, rien à mettre sur
moi »111.
108 Voir Musique, Roy André, Dictionnaire général du cinéma, Du cinématographe à internet, op.cit., 2007. 109 Agnès Lefillastre, «Chez Maupassant(1), Secrets et Mensonges», op.cit., p.3. 110 Guy de Maupassant, Contes et Nouvelles, op.cit., p.454. 111 Ibid., p.456.
92
Le mode répétitif permet à certains éléments de la narration de se
démarquer d’autres dû à leur fréquence référentielle. Ce même effet peut être
produit par une musique à partir du moment où elle s’identifiera à un certain
sujet que le spectateur reconnaitra.
V. La mélodie et la chansonnette
La fonction de la mélodie est généralement la même que celle du
narrateur, c’est-à-dire de raconter un événement relié à l’histoire à travers les
paroles d’une chanson. Il s’agit d’une narration musicale. Cependant aucune
des œuvres envisagées ne possèdent de mélodie à caractère narratif. On
pourrait néanmoins mentionner la chansonnette présente dans le téléfilm Le
Rosier de madame Husson. Il s’agit de la chanson Les Bottes de Bastien
d’Eugène Imbert (1821-1898) qui est chantée par divers villageois de Gisors.
En voici le refrain :
Mais il a des bottes
Il a des bottes,
Bastien ;
Il a des bottes, bottes, bottes,
Il a des bottes,
Bastien
Cette chansonnette est premièrement chantée par les jeunes filles qui
viennent taquiner Isidore pendant sa livraison. Elle sera ensuite prononcée
par tous les gens invités à la réception en l’honneur d’Isidore. Cette mélodie
n’a aucun rapport avec le déroulement de l’histoire. Cependant à la fin du
téléfilm, alors qu’il était prévu à Isidore d’aller confesser ses péchés, le jeune
homme se présente de nouveau ivre chez madame Husson, tentant de
chanter Les Bottes de Bastien. À la vue de madame Husson, Isidore toujours
en train de chanter, retransforme les paroles de la chanson et remplace le
refrain par « Elle a des gros tétons, Madame Husson.» Ironique chanson,
touchant non pas par hasard au thème du plaisir charnel. Il est évident que la
vieille dame, surnommée « le thermomètre de la vertu » se fait une idée bien
93
restreinte de ce sujet : « La vertu si chère à Mme Husson se réduit quasiment
à un aspect : la chasteté »112.
Mais quel est l’effet voulu par cette chansonnette ? Il est clair qu’il ne
s’agit pas d’une mélodie à caractère narratif, décrivant la situation présente.
Cependant, de par l’intervention de cette chanson, le spectateur pourrait
s’imaginer une suite, hors de l’univers filmique, où madame Husson
deviendrait la risée de Gisors et où les habitants fredonneraient ce refrain
après son passage. Le metteur en scène en incorporant cette chansonnette,
chercherait peut être à implanter une idée à son spectateur où bien à
l’orienter vers certaines réflexions.
112 Laurence Jung, «Chez Maupassant(4), Comédies grinçantes», op.cit., p.2.
94
Conclusion
Dans le présent travail on a essayé d’effectuer une lecture des
nouvelles de Guy de Maupassant à la lumière de la narratologie et des outils
théoriques proposés afin de révéler les particularités de l’écriture
maupassantienne au niveau des techniques narratives utilisées et d’en
dégager son originalité. Ne nous étant pas attardés sur des thèmes de
l’analyse littéraire tels ceux du sujet de l’histoire ou bien des personnages,
notre essai s’est uniquement consacré à « la fabrication de l’écriture ». La
nouvelle étant un genre littéraire de taille restreinte, c’est à travers sa maitrise
narrative que Maupassant démontre tout son talent d’écrivain. Si l’auteur n’a
pas suscité l’intérêt des études littéraires du XIXe siècle, il est cependant la
cible de beaucoup d’études théoriques de la narration. Comme nous l’avons
démontré dans le parcours de notre essai, l’auteur utilise avec habilité les
techniques narratives ce qui lui permet d’avoir un meilleur contrôle de son
texte. « Ses contes et ses nouvelles, qu’on croit lisses, simples et clairs, ne
relatent pas seulement des histoires où les personnages sont fréquemment
pris au piège d’une nécessité qui transforme leur existence en farce tragique.
Ils sont eux-mêmes des pièges pour le lecteur qui se laisse prendre aux faux
semblants de leur prétendue lisibilité »113. Maupassant est parfaitement
conscient de la direction que prend son œuvre, car chaque ligne est un
chemin tracé que son public doit emprunter. Ce parcours narratif est rempli
d’éléments distinctifs pour le lecteur parisien du XIXe siècle, qui les
appréhende de façon presque instinctive. Entrainé par le rythme de la
narration, il reconnaît les lieux, discerne les personnages-types de son
époque et démasque les sous-entendus des dialogues. Bien que le public de
Maupassant soit facilement identifiable, il ne ferme pas pour autant ses portes
à d’autres lecteurs potentiels. La lisibilité de son style permet à n’importe qui
d’embrasser ses œuvres, ce qui explique son continuel succès à travers le
temps. « La vraisemblance culturelle, même si elle donne au texte un petit
113 A. Fonyi, P. Glaudes, A. Pagès, Relire Maupassant, La Maison Tellier, Contes du jour et de la nuit, op.cit., p.9.
95
côté daté, ne remet toutefois pas totalement en jeu son intelligibilité, et c’est
même parce que la lisibilité globale des œuvres de Maupassant n’est pas
menacée par ces quelques références à un autre temps (qui font du reste le
charme du récit) que ces œuvres sont encore populaires de nos jours »114. Le
lecteur contemporain cherchera à se positionner temporellement dans le
contexte de l’œuvre et le comparera à celui de son époque. Les descriptions
sombres et étouffantes des bureaux du ministère, que l’on retrouve dans
beaucoup d’œuvres de Maupassant, peuvent notamment éveiller un
sentiment de compassion chez le lecteur contemporain. Il ressent la pression
que ce lieu exerce sur les personnages car il l’assimilera avec un autre lieu
qu’il considèrera négatif et pourra, malgré la différence d’époque, ressentir de
la sympathie pour le personnage.
La vraisemblance culturelle et la lisibilité des œuvres de Maupassant
expliquent l’intérêt de plusieurs metteurs en scène à vouloir les adapter en
film. « La nouvelle fait bénéficier le cinéma de la renommée d’un titre […] et
d’un “beau sujet” : une action resserrée, concentrée sur un environnement et
des personnages caractérisés. L’adaptation, en retour, avère le récit par des
décors et par des acteurs qui lui apportent la valeur des “vedettes” »115. Le
cinéma n’est pas le seul à s’intéresser à transposer l’héritage littéraire de
l’auteur ; le théâtre, la télévision et même la bande dessinée ont voulu être le
support de ses nombreuses histoires116. Tous sont unis par la notion du
« discours » qui a besoin d’être énoncé. Propres à leur genre, leurs formes
narratives restent basées sur les éléments essentiels de toute narration ; le
temps, l’espace et la focalisation. «La caractéristique de toutes les énoncés
culturelles en tant que mot117, facilite le raccord de la théorie littéraire à la
théorie cinématographique »118. Ainsi, l’approche que nous avons effectuée
des téléfilms adaptés aux œuvres de Maupassant aurait très bien pu
114 Floriane Place-Verghnes, Jeux pragmatiques dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, op.cit., p. 229. 115 Daniel Grojnowski, Lire la Nouvelle, op.cit., p.66. 116 Voir la liste sur http://www.maupassantiana.fr/ 117 D’après la définition de Mikhaïl Bakhtine du mot « slovo », tout système cohérent, telle la littérature, l’art acoustique et l’art visuel est considéré comme une forme de discours. 118 Χρυσής Καρατσινίδου, [Notre traduction], Η αναγέννηση του νοήματος, Αθήνα, Εκδόσεις ‘Ινδικτος, 2005, σελ 122. «Ο χαρακτηρισμός όλων των πολιτισμικών εκφωνημάτων ως κειμένων διευκολύνει τη μετάβαση απο τη λογοτεχική στην κινηματογραφική θεωρία».
96
s’appuyer sur une adaptation théâtrale. La démarche aurait été la même,
seules les techniques de transposition auraient différé.
En distinguant les multiples techniques narratives littéraires et filmiques ainsi
que leurs impacts sur la perception du public, nous avons cherché à saisir les
divers moyens de transposition du texte à l’écran. Pour établir un meilleur lien
entre l’adaptation filmique et l’œuvre dont elle s’inspire, il faut, en outre de
l’histoire et des thèmes principaux, appréhender la forme narrative du texte.
Le metteur en scène doit approfondir son analyse de la nouvelle qu’il
adaptera. Il doit prendre conscience de la structure du récit et de la
fonctionnalité que lui donne l’auteur. Les éléments stratégiques de la
narration doivent être descellés par le metteur en scène, car ils pourront
bénéficier son film. S’ils sont ignorés, le film pourrait, dans certains cas, en
être désavantagé, comme nous l’avons souligné pour le téléfilm de L’Héritage
de Laurent Heynemann. Le metteur en scène n’ayant pas pris en compte la
pause narrative qu’exerçait le contact de la nature, la moquerie et l’ironie de
l’histoire prirent le dessus et alourdirent son téléfilm.
D’un point de vue filmique, les metteurs en scène trouvent dans les
nouvelles de Maupassant une certaine liberté dans la conception des
personnages et de leurs mouvements. « Le conteur dispose de peu d’espace
de texte et il privilégie donc tout naturellement le récit, la narration d’actions,
laissant de côté descriptions et analyses psychologiques. […] Les
personnages des contes ont une vie intérieure qui se traduit souvent par des
gestes, des mouvements, une façon de se déplacer ; l’on peut alors parler
d’une psychologie behaviouriste qui se passe par une proxémie, un rapport
de corps à l’espace, fait de mobilité ou d’immobilité »119. En travaillant nos six
nouvelles, nous avons pu en déduire que les héros de Maupassant ne sont
pas des êtres agissants mais des êtres passifs, l’action dont nous faisons ici
référence est au niveau de leur mouvement qui coïncide avec les
caractéristiques de leur personnage-type. « Non que les personnages des
nouvelles de Maupassant soient de pures caricatures ; mais la plupart portent
119 A. Fonyi, P. Glaudes, A. Pagès, Relire Maupassant, La Maison Tellier, Contes du jour et de la nuit, op.cit., p.262.
97
des marques aisément reconnaissables par le lecteur »120. L’art filmique est
un art gestuel qui fait appel au mouvement pour créer son illusion de réalité.
« Reproduire l’apparence d’un mouvement, c’est en fait reproduire sa
réalité»121. La nouvelle de Maupassant fournit au metteur en scène ce
mouvement dont il a besoin pour élargir son champ du vrai-semblant. À
travers les mimiques du personnage-type, il peut approfondir sa figure, en lui
donnant une personnalité plus développée. Par cette procédure, il assure la
présence d’une touche personnelle, ce qui lui permet ainsi d’exploiter les
capacités du jeu de l’acteur et de donner une dynamique gestuelle que la
nouvelle ne peut refléter.
La continuité temporelle du succès d’un grand nombre de classiques
littéraires vient du fait qu’ils sont constamment évoqués. Comme nous l’avons
cité au début de notre essai, les œuvres de Maupassant refirent surface pour
être le sujet d’études d’une nouvelle théorie du XXe siècle ; la narratologie.
Suite à cette théorie, on entama une nouvelle approche des œuvres littéraires
dont notamment la nouvelle qui jusque-là était un genre littéraire
généralement ignoré. La continuelle recherche et étude du genre littéraire
incitera toujours à redécouvrir sous un nouvel angle les multiples capacités de
la littérature. D’une autre part, nous avons pu constater que l’industrie du film
joue, elle aussi, un rôle dans la préservation des œuvres littéraires. Depuis
son invention, l’art filmique a trouvé dans la littérature une source illimitée de
sujets, en adaptant romans et nouvelles en films. À travers cette
transposition, les œuvres littéraires continuent d’exister au cours des
générations. La collaboration de la polyphonie apporte à l’œuvre littéraire le
bénéfice de paraître sous une nouvelle perspective qui n’est autre que le
point de vue du metteur en scène. Cette nouvelle voix est influencée par son
époque et se reflète dans sa transposition ; ainsi une même œuvre au fil du
temps est redécouverte sous une autre focalisation. En près de cent ans la
nouvelle La Parure a vu au moins douze adaptations filmiques pour le grand
120 Floriane Place-Verghnes, Jeux pragmatiques dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, op.cit., p. 205. 121 J. Aumont, A. Bergala, M. Marie, M. Vernet, Esthétique du film, op.cit., p.106.
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et petit écran122. La relation qu’entretient le film avec le texte se rapproche au
fil des années, car elle maintient les connaissances littéraires du public. « De
nombreuses nouvelles, en effet – mais aussi des recueils et des auteurs – ont
été portés à la connaissance du grand public par des adaptations
cinématographiques»123. Si pour beaucoup de gens, leur premier contact
avec une œuvre littéraire est à travers son adaptation filmique, il est alors
important que celle-ci soit à la hauteur de l’œuvre dont elle s’inspire.
« Observer c’est voir et choisir, il faut donc savoir voir car rien n’est uniforme
et l’œil doit s’exercer à voir juste et de façon discriminante avec l’aide
combinée de son esprit, de son savoir, de sa réflexion […] Faire vrai et voir
juste c’est d’abord interpréter, atteindre à une vérité exprimée avec talent »124.
La collaboration polyphonique n’est pas une tache facile, elle requiert d’une
double étude qui touche premièrement le texte littéraire et ensuite la capacité
de sa transposition en images mouvantes.
Nous espérons que cet essai a pu éclairer certains aspects de l’étude
narratologique et des procédés d’adaptations filmiques, qui aideront à une
meilleure approche des relations qui unissent la page à l’écran.
122 Voir la liste sur http://www.maupassantiana.fr/ 123 Daniel Grojnowski, Lire la Nouvelle, op.cit., p.66. 124 Gérard Delaisement, La Modernité de Maupassant, Paris, Éditions Rive Droite, 1995, p.218.
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Résumé en grec
Στο πλαίσιο της παρούσας μελέτης με τίτλο Nouvelles de Guy de
Maupassant: De la page à l'écran πρόθεσή μας ήταν να επιχειρήσουμε μια
εξειδικευμένη μελέτη του γάλλου συγγραφέα εφαρμόζοντας τις αρχές της
αφηγηματολογίας. Ακολουθώντας κυρίως τη θεωρία του Gérard Genette,
αναλύσαμε την τεχνική της γραφής του Maupassant. Επιλέξαμε τη νουβέλα,
επειδή η ειδική γραφή αυτού του λογοτεχνικού είδους είναι η πιο κατάλληλη
για να αναδείξει τη δύναμη της αφήγησης. Οι συγγραφείς, κυρίως λόγω των
περιορισμένων διαθέσιμων σελίδων τους125, βασίστηκαν περισσότερο στην
αφήγηση για να αναπτύξουν την ιστορία τους. Πολλοί κριτικοί δεν πίστευαν
στην καλλιτεχνική αξία της νουβέλας, γιατί θεωρούσαν ότι ήταν ελλιπής όσον
αφορά τα θέματα, τη δράση και την ψυχογράφηση των χαρακτήρων.
Προφανώς η νουβέλα με το μέγεθος της δεν μπορεί να αναπτύξει πλήρως
αυτά τα στοιχεία. Όμως, ακόμα και αν τα θεωρήσουμε a priori απαραίτητα ή
δεδομένα για το μυθιστόρημα, αυτό δεν σημαίνει ότι η νουβέλα οφείλει να
απαντάει στα ίδια ζητήματα. Ο συγγραφέας δεν προσπαθεί να κάνει την
περίληψη ενός μυθιστορήματος, αλλά βρίσκει στη νουβέλα έναν διαφορετικό
τρόπο έκφρασης, που στηρίζεται σε άλλα στοιχεία: «Ότι για πολύ καιρό
θεωρούνταν αδυναμία, όσον αφορά τη δομή και το θέμα, είναι στην
πραγματικότητα αυτό που ορίζει τη νουβέλα και αυτό που αποτελεί τη δύναμή
της»126.
Παρόλο που μέχρι σήμερα δεν έχουμε ξεκάθαρο ορισμό για τη
νουβέλα, μπορούμε να πούμε ότι πρόκειται για μια μικρή διήγηση (récit court).
Φυσικά η έννοια του «μικρού» προκύπτει ανάλογα με τον συγγραφέα ή την
κριτική θεώρηση: «ο Balzac, το 1833, χαρακτήρισε την Eugénie Grandet, των
διακοσίων σελίδων, "μια καλή, μικρή νουβέλα"»127. Για αυτό το λόγο
επιλέξαμε έξι νουβέλες που έχουν διαφορετικό μέγεθος και φυσικά μια
125 Το 19ο αιώνα, οι περισσότερες νουβέλες δημοσιεύονταν σε εφημερίδες. 126 Προσωπική μετάφραση. Floriane Place-Verghnes, Jeux pragmatiques dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, op.cit., p.25. 127 Προσωπική μετάφραση. A. Fongi, P. Glaudes, A. Pagès, Relire Maupassant, La Maison Tellier, Contes du jour et de la nuit, op.cit., p.133.
100
ιδιαίτερη τεχνική στη γραφή: L’Héritage, Le Rosier de madame Husson,
Histoire d’une fille de ferme, La Parure, Le Petit fût, Au Bord du lit.
Στην προσπάθειά μας να δώσουμε στην προσέγγιση ένα πιο σύγχρονο
χαρακτήρα, συνδυάσαμε τη λογοτεχνική ανάλυση με τή μεταφορά των
λογοτεχνικών έργων σε ταινίες. Από την αρχή της δημιουργίας του
κινηματογράφου παράγονται ταινίες βασισμένες λιγότερο ή περισσότερο σε
λογοτεχνικά έργα. Όμως η κατανόηση των θεμάτων και των χαρακτήρων ενός
έργου, δεν αρκεί για να γίνει σωστά η μεταφορά. Πρέπει επίσης να είναι
κατανοητή και η γραφή του συγγραφέα, δηλαδή ο χειρισμός τού
αφηγηματικού χρόνου και χώρου, όπως και ο ρόλος του αφηγητή. Για να
αποδείξουμε ότι πέρα από την θεωρητική ανάλυση, η αφηγηματολογία μπορεί
να χρησιμεύσει ως εργαλείο, επιλέξαμε έξι ταινίες βασισμένες στα λογοτεχνικά
έργα που αναλύσαμε και επιχειρήσαμε μια σύγκριση μεταξύ των
λογοτεχνικών και των κινηματογραφικών τεχνικών. Από το σύνολο της
κινηματογραφικής παραγωγής επιλέξαμε ταινίες μικρού μήκους,
προορισμένες για την τηλεόραση διότι, κατά αναλογία με τη νουβέλα,
πρόκειται για ένα είδος τέχνης περιορισμένο σε συγκεκριμένα όρια, τα οποία
ξεπερνά μέσω των τεχνικών της αφήγησης.
Ο Gérard Jourd’hui μαζί με την Gaëlle Girre σχεδίασαν να μετατρέψουν
διάφορες νουβέλες του Maupassant σε ταινίες διάρκειας 30 έως 60 λεπτών. Η
σειρά ονομάστηκε Chez Maupassant και προβλήθηκε για πρώτη φορά το
2007 στο γαλλικό κανάλι FRANCE 2 με μεγάλη επιτυχία. Γυρίστηκαν δυο
επιπλέον κύκλοι επεισοδίων το 2008 και το 2011, όπου το κάθε επεισόδιο, το
ανέλαβε διαφορετικός σκηνοθέτης. Συνεπώς, κάθε ταινία που αναλύσαμε έχει
την προσωπική ματιά του, καθώς επίσης και τις προσωπικές του
σκηνοθετικές τεχνικές. Ο Laurent Heynemann διασκεύασε την νουβέλα
L’Héritage (2007), ο Denis Malleval ανέλαβε την Histoire d’une Fille de Ferme
(2007) και την Le Rosier de madame Husson (2008), ο Claude Chabrol
ασχολήθηκε με τα έργα: La Parure (2007) και Le Petit fût (2008) και ο Jean-
Daniel Verhaeghe γύρισε το Au Bord du lit (2008).
Στο πρώτο μέρος της μελέτης προσπαθήσαμε να προσδιορίσουμε την
ιδιαιτερότητα της νουβέλας ως λογοτεχνικό είδος όπως και την ξεχωριστή της
101
αφηγηματική δύναμη. Στα δυο κεφάλαια «χώρος» και «χρόνος», αναλύσαμε
την ειδική γραφή του αφηγηματικού λόγου και τη στρατηγική δομής της
νουβέλας. Είδαμε πως ο χώρος δεν είναι ένας απλός τόπος, στον όποιο
διαδραματίζεται η υπόθεση, αλλά μια πηγή πληροφοριών, που ενδυναμώνει
την ιστορία και τους χαρακτήρες. Η λειτουργικότητα του χώρου προσδιορίζει
την οικονομική τάξη, την κουλτούρα και τα ήθη των ηρώων. Οι χαρακτήρες
του Maupassant θεωρούνται «χαρακτήρες τύπου»128, δηλαδή δεν είναι
πρωτότυποι, αλλά αντιθέτως προκύπτουν από τα στερεότυπα της εποχής. Ο
συγγραφέας βασίζεται στη γνώση του αναγνώστη, από τον οποίο αντλεί τα
κοινωνιολογικά δεδομένα, στα οποία τον παραπέμπει ο εκάστοτε χώρος.
Είδαμε επίσης και την στρατηγική της τοπογραφίας του χώρου, δηλαδή
τη διαδρομή που ακολουθούν οι χαρακτήρες. Για παράδειγμα η κυκλική
διαδρομή, η οποία συμβολίζει τη μονοτονία της καθημερινής ζωής ή η
διαδρομή-παγίδα (circuit piégé ), όπου ο χαρακτήρας είναι υποχρεωμένος να
ακολουθήσει ένα μονοπάτι στο τέλος του οποίου τον περιμένει η καταδίκη.
Όσον αφορά στο χρόνο, είδαμε τις διάφορες χρονικές μονάδες (unités
temporelles)και πώς επηρεάζουν την αφήγηση αλλά και τον αναγνώστη.
Κάποιες είναι περισσότερο συνηθισμένες, όπως η αφηγηματική παύση, που
χρησιμοποιείται κυρίως στην περιγραφή. Άλλες είναι πιο πολύπλοκες όπως ο
εγκιβωτισμός, όταν δηλαδή μέσα στην κύρια ιστορία κάποιος χαρακτήρας
διηγείται μια δεύτερη ιστορία.
Στο δεύτερο μέρος της μελέτης μας, προσεγγίσαμε την αφήγηση
υιοθετώντας μια πιο κινηματογραφική ματιά και ασχοληθήκαμε με την εστίαση
(focalisation). Χωρίσαμε τη λειτουργία της σε τρεις κατηγορίες: λεκτική,
εικονογραφική και ακουστική. Αναλύσαμε στοιχεία που αφορούν κυρίως τις
ταινίες χωρίς όμως να είναι και τελείως άγνωστα στη λογοτεχνική γραφή.
Εφόσον ο κινηματογράφος είναι οπτική και ακουστική τέχνη, αναζητήσαμε τις
τεχνικές που αντικαθιστούν το ρόλο της αφηγηματικής γραφής. Είδαμε πως ο
διάλογος ή ο μονόλογος αποκτούν και κάποια χαρακτηριστικά της
λογοτεχνικής αφήγησης. Συγκρίναμε το “μάτι” της κάμερας (l’œil de la caméra)
με την αφηγηματική εστίαση (focalisation), για να κατανοήσουμε τους τρόπους
128 Floriane Place-Verghnes, Jeux pragmatiques dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, op.cit., p.198.
102
με τους οποίους ο σκηνοθέτης τονίζει τη σημασία ενός στοιχείου. Και τέλος,
προσπαθήσαμε να εξηγήσουμε τον αφηγηματικό ρόλο του ήχου και της
μουσικής.
Προσεγγίζοντας τις νουβέλας τον Maupassant με τη βοήθεια της
αφηγηματολογίας, διαπιστώσαμε την ιδιαιτερότητα της γραφής του και την
αληθινή δύναμη που έχει ο συγγραφέας πάνω στο έργο του. Επίσης,
διαπιστώσαμε ότι ο τρόπος γραφής είναι και αυτός χαρακτηριστικός ενός
συγγραφέα και πρέπει να λαμβάνεται υπ’ όψη εφόσον κάποιος επιθυμεί να
μεταφέρει τα λογοτεχνικά έργα σε άλλη μορφή τέχνης. Τέλος, με τη μελέτη
Nouvelles de Guy de Maupassant: De la page à l'écran προσπαθήσαμε να
δημιουργήσουμε μια μεθοδολογία της αφηγηματολογίας, ώστε να μπορεί να
χρησιμοποιηθεί ως εργαλείο ανάλυσης λογοτεχνικών έργων που
μεταφέρθηκαν σε τηλεταινίες ή σε άλλες μορφές αφηγηματικής τέχνης, όπως
ο κινηματογράφος, το θέατρο, τα κόμικς.
103
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Éditions, Jourd’hui Mitchell, 2008, 30 min.
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France 2 Éditions, Jourd’hui Mitchell, 2007, 60 min.
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Malleval Denis, Chez Maupassant, Le Rosier de madame Husson,
DVD Vidéo, France 2 Éditions, Jourd’hui Mitchell, 2008, 60 min.
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Vidéo, France 2 Éditions, Jourd’hui Mitchell, 2008, 30 min.
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