n'GO n°15

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COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT ET RELATIONS HUMAINES Développement Qui est l’expert ? Expatriés… sens et non-sens DOSSIER, P.12 Forum Ouvert ouverture et convergences OUTIL, P.28 Ownership… ça se passe dans ma tête? COMMENT FAIRE POUR, P.20 π15 hiver 2013

description

Le dossier se penche sur la nécessité d’envoyer des expatriés. Garants de relations plus équilibrées et de réciprocité, contrôleurs, traducteurs entre les cultures ; quels sont leurs rôles et leurs valeurs ajoutées ? Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, pave le chemin du changement : initiatives et expertises locales en sont les moteurs. Comment favoriser l’ownership ? Notre cerveau joue forcément un rôle crucial dans nos interactions avec le monde. Une première prise de conscience est un bon premier pas... Dans le Forum Ouvert, tout le monde devient expert ! Cet outil d’intelligence collective se base sur la créativité et l’autonomie d’un groupe à la recherche de solutions concrètes. Enfin, nous avons recruté deux experts pour nourrir vos réflexions. Dimitri Van den Meerssche nous parle d’économie du développement tandis que Ben Philips revisite son engagement (dans tous les sens du terme).

Transcript of n'GO n°15

COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT ET RELATIONS HUMAINES

Développement

Qui est l’expert ?Expatriés… sens et non-sens DOSSIER, P.12

Forum Ouvertouverture et convergences OUTIL, P.28

Ownership…ça se passe dans ma tête ? COMMENT FAIRE POUR, P.20

π15hiver 2013

E-zine mensuel édité par Echos CommunicationRue Coleau, 301410 WaterlooBelgique +32(0)2 387 53 55 Directeur de la publication Miguel de Clerck

Rédacteur en chefPierre Biélande

Rédacteur en chef adjointRenaud Deworst

JournalistesSylvie Walraevens Patrick Collignon

Création de la maquetteBertrand Grousset

Metteur en pageThierry Fafchamps

Impression du 15e numéroImprimerie JCBGAM s.a. Avenue Galilée, 4-6 1300 Wavre

radar Changement de regard P.3

portrait Olivier De Schutter P.8

outil P.28

le Forum Ouvert

comment faire pour… P.20

…favoriser l’ownership

savoirs du sud P.25

le jeu de l’oasis

dossier P.12

sens et non-sens de l’envoi de coopérants

blog-notes Dimitri Van den Meerssche P.32Ben Phillips P.34

La nature de la coopé-ration change : d’abord les missionnaires, en passant par la tech-nologie appropriée et

aujourd’hui, avec la Convention de Paris, c’est l’ownership qui donne les impulsions. Dans ce contexte mouvant, pas étonnant de voir le rôle du coopérant remis en ques-tion. Seule certitude : les qualités humaines du coopérant sont plus importantes que ses compétences techniques. Car l’échange est au cœur de la coopération. Or, pour dépasser les différences cultu-relles, l’échange se base sur des

rencontres dont émergeront la confiance et la meilleure com-préhension mutuelle, socles du partenariat. Alors, le coopérant nouveau : Contrôleur indépen-dant ? Grande ouverture d’esprit et curiosité ? Traducteur de la réalité en langage intelligible par les Belges ? Accoucheur de talents et d’idées ? Coach et médiateur ?Et si l’échange est au cœur, pourquoi devrait-il se limiter aux Nord-Sud ? Quid du Sud-Sud et du Sud-Nord, comme en témoigne la nouvelle rubrique Savoirs du Sud de votre magazine n’GO ? Bonne lecture.

Miguel de Clerck Directeur d’Echos Communication

Edito.

Coopération au développement et relations humaines

Développement

Qui est l’expert ?Expatriés… sens et non-sens dossiEr, p.12

Forum ouvertouverture et convergences outil, p.28

ownership…ça se passe dans ma tête ? commEnt FairE pour, p.20

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“Les qualités humaines du coopérant sont plus importantes que ses compétences techniques.”

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Leaders et suiveurs... Si l’on identifie les sphères qui influencent nos décisions, est-il alors possible de prédire, voire de commander, certaines préférences ? Un scientifique de l’Université de Glasgow a modélisé la pression sociale. Il en ressort que les amis ou les leaders locaux ont une influence importante sur certains choix, comme le fait de fumer, si aucune autre pression ne vient

de l’extérieur. Par contre, lorsqu’une thématique prend une dimension sociétale, la pression extérieure (des politiques, des médias, des tendances) prend le dessus. Et alors ? Comprendre ce qui influence nos décisions est très important, à l’heure où les choix sur le climat, les catastrophes naturelles ou les guerres peuvent changer le monde. Reste à voir si

la formule du scientifique peut s’appliquer à toutes les situations...et dès lors devenir une référence dans la prédiction des changements sociétaux.

Estrada e.a., How Peer Pressure Shapes Consensus, Leadership, and Innovations in Social Groups, Scientific Reports, Octobre 2013.

Changement de regard

Hans Rosling, le célèbre professeur en santé publique aux graphiques colorés, nous offre cinq bonnes nouvelles. De quoi vous motiver à continuer à changer le monde au jour le jour…

1La forte progression de la popu-lation arrive à son terme : depuis

les années 60, le taux de fertilité est passé de 5 à 2,5 enfants par femme.

2Le monde développé et en développement n’existe plus :

deux catégories ne suffisent plus à regrouper des pays aux réussites très différentes.

3Les gens sont en meilleure santé : en 50 ans, on a gagné 10

années d’espérance de vie avec une moyenne de 70 ans.

4Les filles suivent une meilleure éducation : mais ce n’est qu’un

premier pas vers l’égalité des genres.

5La fin de la pauvreté extrême est en vue.

« Beaucoup de gens n’ont pas

entendu parler des progrès énormes

que la plupart des pays ont réalisés

ces dernières décennies – ou

serait-ce les médias qui ne le

leur ont pas dit ? »Hans Rosling,

co-fondateur de Gapminder

5bonnes nouvelles !

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Pour en savoir plus, regardez le documentaire sur

www.gapminder.org

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photos du moisradar.

SilafandoVoyager autrement. C’était l’idée de Jason Florio et de sa femme, qui ont longé à pied la frontière gambienne. Au total, ils ont parcouru 930 kilomètres pour boucler leur périple. On est loin de l’Américain cliché qui part photo-graphier des Masaïs d’exposition ! Ici, Jason Florio restitue, en toute dignité, les chefs locaux des villages-étapes. Ceux que l’on appelle Alka-los sont véritablement sujets et non objets de la photographie. L’objectif introduit la relation. En témoigne l’adaptation originale que Jason et sa femme ont fait de l’offrande traditionnelle des voyageurs aux chefs du village. « En plus des habituelles noix de kola, je leur donnais un tirage de leur portrait, grâce à notre imprimante solaire. Pour beaucoup, c’était la première photo d’eux-mêmes qu’ils possédaient. Pour cette raison, ces clichés sont plus qu’une image des Alkalos et des anciens, c’est aussi mon interprétation moderne de l’ancienne pratique de Silafando. »

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C’est l’idée à la base d’une campagne lancée par ONU Femmes, l’entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Elle reprend les suggestions de Google lorsque vous tapez les premiers mots d’une recherche. Les différentes affiches reprennent les termes de recherche courants dans le but de pointer le sexisme sur le Web, et forcément en dehors. Selon le pays, les propositions ne sont pas exactement les mêmes… mais le message est clair, non ?

Comment le monde pense et s’exprime sur le statut de la

femme ? Demandons au célèbre moteur

de recherche…

Le sexisme version Google...

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Cultural Creatives La mouvance des créa-tifs culturels prend de l’ampleur. Ce large groupe socio-culturel mondial prône un virage sociétal orienté notamment par l’intégration des valeurs écologiques et le dévelop-pement personnel. Une étude récente menée en Belgique met en perspec-tive les défis rencontrés par les créatifs culturels belges. Une conclusion, en forme de proposition, se dégage de cette enquête : Ré-honorer le Féminin, dans l’être et dans la société. Car le constat est là : « Nous nous sommes petit à petit laissés englou-tir dans les valeurs dites masculines : compétition, résultat matériel à court terme, toujours plus, toujours plus vite.... Le masculin régit maintenant tous les domaines de notre vie collective : économie, finance, politique, méde-cine, éducation... Et cette prédominance s’est égale-ment installée à l’intérieur de chacun et chacune. »En route vers un autre monde, il est probable-ment temps de rééquili-brer la balance… Autant la société que les individus qui la composent ont quelque chose à y gagner. On se demande par contre comment les plus macho vont arriver à ava-ler la pilule ?

“Je ne crois pas en la charité. Je crois en la solidarité. La

charité est tellement verticale. Elle va du haut vers le bas. La solidarité est horizontale. Elle respecte l’autre. J’ai beaucoup

à apprendre des autres.”Eduardo Galeano

journaliste et écrivain urugayen

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Black Madonnaradar.

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Avec Black Madonna, Ayana Jackson questionne la tendance qu’ont les stars d’adopter des enfants dans des pays d’Afrique ou d’Asie. En imitant les magazines people, elle interroge surtout les interprétations subjectives du lecteur : « Quel est le rôle de nos a priori sur la race et sur le genre dans notre manière de

juger l’adoption par des célébrités ? » La couverture ci-contre (issue de l’hebdomadaire anglais Reveal) n’a rien d’inhabituel pour la presse people. Une star (Madonna) qui fait une bonne action (adopter

un enfant) ; rien de plus facile à comprendre et de plus vendeur. Mais est-on toujours aussi enthousiaste à la vue du montage photo d’Ayana Jackson montrant une mère noire qui recueille des enfants blancs ?

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U ne conviction, ça ne vous lâche pas. Surtout lorsqu’elle est teintée de philanthropie. Olivier De Schutter n’échappe pas à la règle : il croit fer-mement que l’on a besoin des droits

de l’Homme pour appuyer le changement social. Et il n’en démordra pas. « Les droits de l’Homme tra-duisent des préoccupations éthiques en mécanismes légaux. Ils sont donc un levier important pour faire avancer les choses et un moyen efficace de refléter et de combattre les difficultés des plus démunis. »

Il faut changer ! Dès le plus jeune âge, Olivier De Schutter a été témoin de la réalité, parfois dure, des pays du Sud. Il pose son cartable en Inde, en Arabie Saoudite, au Rwanda, au rythme des nominations de son ambassadeur de père. « J’ai passé une enfance très privilégiée. J’en garde d’ailleurs un sentiment de culpabilité que je ressens encore aujourd’hui. Quand je vois l’écart inouï entre les gaspillages des pays occidentaux et la modestie de beaucoup de familles à travers le monde… C’est pro-prement scandaleux. Très tôt, j’ai eu envie d’appor-ter ma contribution à un monde plus juste. Je retire d’autres enseignements de cette période, notamment suite aux nombreux déménagements. Être déplacé d’un pays à l’autre oblige à remettre en cause ses pers-pectives. Cela m’a permis de relativiser ma compré-hension des cultures dans lesquelles j’avais évolué. »

la bio

1968 Naissance à Bruxelles

1991Un master en droit à Harvard clôture

son brillant parcours estudiantin

1998Présentation de sa

thèse de doctorat

Depuis 1992 Professeur de droit

européen et de droit de l’Homme à l’UCL

2004-08 Secrétaire général

de la Fédération internationale des

droits de l’Homme

Depuis 2005 Professeur invité

notamment à la Columbia University

et à Paris II

Depuis 2008 Rapporteur spécial

sur le droit à l’alimentation

Fils de diplomate, étudiant aux plus hautes distinctions, juriste et professeur remarquable : Olivier De Schutter semblait promis à une carrière cousue de fil doré. C’est finalement dans les droits de l’Homme qu’il a choisi d’exceller. « Ma situation privilégiée m’oblige à me rendre utile pour la collectivité. »

Olivier De Schutter

“Le développement, c’est pouvoir choisir son destin.”

portrait.

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L’obligation éprouvée de se rendre utile, doublée de sa capacité à prendre du recul, ont mené Olivier De Schutter de réussite en réussite. Tour à tour, et bien souvent en parallèle, il a pris des fonctions dans di-vers universités, rejoint des comités d’experts, écrit rapports et articles, livres et chapitres… L’homme ne s’arrête jamais. Depuis 2008, il a ajouté le poste de rapporteur spécial de l’ONU à son curriculum déjà bien rempli. « Le droit à l’alimentation est, pour moi, une manière de poser des questions sur l’origine de la faim et de la pauvreté dans le monde. Il permet de mettre en lumière les dimensions structurelles qui ex-pliquent le manque de développement dans des régions entières. La crise de 2008, dont on doit encore tirer tous les enseignements, a montré de manière cinglante les limites du système actuel. Ce choc aura au minimum provoqué une prise de conscience : il faut changer ! »Fort heureusement, et bien que la tâche semble colos-sale, le changement est déjà amorcé. « Si on veut re-dessiner complètement nos modes de fonctionnement actuels, on risque de remettre à l’infini les premières transformations. Je crois qu’il faut oser parier sur les micro-projets, très locaux, qui fleurissent un peu partout. Par exemple, dans les villes européennes, de nombreux comités de quartier initient des réflexions et des actions sur leur empreinte écologique, sur la valorisation de la diversité… La multiplication de ces impulsions locales va, petit à petit, remettre en cause le système. »

Dynamisme localAu Sud, on retrouve le même dynamisme. « Je tra-vaille beaucoup sur l’agriculture. On entend évidem-ment qu’il faut revoir de fond en comble le modèle de l’agro-business qui n’est ni durable ni profitable au plus grand nombre. Mais il ne va pas être révolutionné du jour au lendemain. La solution vient et viendra d’ini-tiatives de taille plus restreinte. Quand je vois des pro-jets d’agroécologie qui respectent les écosystèmes, qui

Les bonnes intentions et l’attitude du bon samaritain, parfois caractéristique du monde de la coopération, ne doivent pas nous aveugler. Il faut donner le pouvoir aux gens, prendre le temps de les écouter, leur laisser la place qu’ils méritent. La notion d’empowerment est clé dans ma démarche, à l’opposé de l’humanitarisme et de la charité. C’est parfois difficile car cela nécessite d’accepter les limites de son propre savoir mais c’est indispensable si on veut vraiment avancer dans la bonne direction.

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« J’aime beaucoup, chez Olivier De Schutter, l’alliance d’une pensée rigoureuse et d’un engagement radical. Il est à la fois intellectuel à l’analyse solide et citoyen engagé. Cette combinaison est extrêmement précieuse devant l’urgence politique de poser des choix. Prendre la succession de Jean Ziegler, homme entier et provocateur, n’était pas facile. J’étais contente de voir qu’il s’engageait aussi, à sa manière, sur un chemin radical. Il a aussi le mérite de cultiver une démarche

transdisciplinaire, dans tous les sens du terme. D’une part, tout en étant très rigoureux dans sa propre discipline, il fait preuve d’une grande ouverture par rapport aux autres domaines de connaissance, il tente le croisement des disciplines scientifiques. D’autre part, tout en assumant sa posture d'intellectuel, il donne voix aux acteurs de terrain. J’ai beaucoup d’admiration et de gratitude à son égard : que des gens se lèvent, secouent le cocotier et montent au créneau encourage d’autres intellectuels et citoyens engagés à persévérer dans leur démarche. Surtout quand le discours est très percutant ! »

Isabelle Cassiers, Professeur d’économie à l’UCL et chercheur qualifié du FNRS

Quel conseil donnez-vous à celles et ceux qui veulent s’engager dans la solidarité internationale ?

10 novembre - décembre 2013 n’GO

régénèrent les sols et qui garantissent l’indépendance des paysans par rapports aux intrants, ça me donne de l’espoir, quelle que soit la surface cultivée. Même au-delà du niveau local, on constate des faits encou-rageants. Les petits producteurs sont mieux organisés aujourd'hui qu’il y a encore dix ans. Ils pèsent main-tenant sur certaines décisions et ne vont pas s’arrêter en si bon chemin. »Le changement se manifeste aussi dans les attitudes face à l’aide au développement. De plus en plus souvent, Olivier De Schutter recueille les doutes de potentiels partenaires du Sud. « J’ai été, à plusieurs reprises, en contact avec des organisations paysannes et avec leurs membres qui se voyaient proposer des pro-jets de modernisation agricole. Ils étaient suspicieux quand on leur parlait de mécanisation, de graines importées, de dépendance aux marchés… Il est temps de se rendre compte des limites de notre propre concep-tion de ce que le progrès doit signifier. Notre rationalité très économique n’est pas assez riche. Pour beaucoup d’agriculteurs, la terre n’est pas juste un outil écono-mique et le travail recouvre bien plus que la simple fonction de production. Ces gens ont conscience de contribuer au maintien et au développement d’un cer-tain mode d’existence et de certaines fonctions sociales. Je n’aurais pas pu lire ou comprendre dans un livre ce que j’ai expérimenté sur le terrain. Cela m’a ouvert les yeux sur l’approche très cartésienne et technicienne des manières de soutenir l’agriculture. »

Un nouveau savoirPour apporter des réponses face aux grands enjeux contemporains, Olivier De Schutter prône un nou-veau concept du savoir. « On doit sortir de cette espèce de gangue technocratique, de ce monopole des experts qui décident pour les populations. Seul un savoir démo-cratique va permettre de résoudre les grands défis. Si-non, on continuera à suivre des projets fantastiques sur papier mais qui ne sont pas adaptés au contexte. Pour cela, il faut que les experts prennent le risque d’aller au-delà de leurs préjugés. Et il faut revoir nos principes de gouvernance. Prenez la question du développement durable, par exemple. On y sous-estime complètement l’importance de la gouvernance, le pilier ‘social’ du triptyque. Non seulement les mesures prises ne sont pas contraignantes, mais en plus, on n’inclut pas suffisam-ment la population. Pour faire des choix informés, la participation de la population est essentielle. »« La gouvernance est un élément fondamental pour réaliser nos objectifs. Dans l’idéal, il faudrait qu’elle soit plus participative, plus à l’écoute, mieux informée et plus efficace. Je participe à la recherche sur la gou-vernance réflexive (voir encadré p.11) qui est fondée sur l’apprentissage permanent. Il s’agit de s’organiser de telle manière que la démocratie soit bien plus qu’un simple vote. L’électeur passif y devient véritablement un citoyen en position de réfléchir à la place qu’il

occupe et aux responsabilités qu’il peut prendre. Les institutions sont rendues attentives aux réalités de cha-cun, remettent en question leur propre fonctionnement et réexaminent les solutions qu’elles mettent en place. La prise de décision doit être beaucoup plus partagée. »Olivier De Schutter fait preuve de beaucoup de pragmatisme et de lucidité. Son engagement et sa créativité intellectuelle lui ont d’ailleurs valu de se voir décerner le Prix Francqui, l’officieux Prix Nobel belge. Il a été récompensé pour son travail sur le droit international des droits de l’Homme, l’intégration européenne et sur la théorie de la gouvernance. « Il est à la fois intellectuel, pédagogue, professeur, chercheur, homme d'action et pionnier de l'éthique du change-ment , dont notre société moderne a tellement besoin » affirmait le Président de la Fondation Francqui lors de la remise du Prix en 2013. Nul doute que d’autres récompenses viendront garnir son parcours.

Pouvoir de choisirFinalement, toutes les occupations d’Olivier De Schutter, aussi diverses soient-elles, tendent vers un même horizon. Elles contribuent à l’émergence d’un

portrait.

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monde plus durable, plus responsable et probablement plus raisonnable et plus humain. « Le développement, c’est pouvoir choisir son destin. On n’est pas dans du quantitatif, ni dans le franchissement d’étapes succes-sives sur une trajectoire linéaire. Chaque communauté devrait pouvoir choisir la société dans laquelle elle vit sans être le jouet des circonstances et des pressions. Or, aujourd’hui, beaucoup de communautés se voient nier ce droit. »« Cette question du choix se pose dans toutes les régions du monde. Et si on prend cette définition du dévelop-pement comme base, on remarque que même les pays dits riches ont d’énormes progrès à faire. La croissance sans limite méprise les impératifs écologiques, appau-vrit les relations sociales et pousse la société dans le piège de la consommation. Beaucoup de gens ont le regret de ne pas pouvoir choisir la vie qui les rendrait le plus heureux. Il y a urgence à inventer des modes de vie qui soient plus épanouissants. Changer de cap sera bénéfique autant au Nord qu’au Sud. »

RENAUD DEWORST

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témoignage

La gouvernance est l’ensemble des moyens que les individus, les ins-titutions publiques et privées se donnent pour gérer ensemble leurs affaires communes. Lorsqu’elle se démocratise et se remet en question, elle peut devenir réflexive, comme nous l’explique Christine Brabant, professeure-chercheuse en admi-nistration scolaire à l’UQAT. « Il y a tout un apprentissage démocratique à faire et donc un apprentissage social. Les institutions publiques doivent s’adapter, réunir et rassembler les points de vue mais aussi motiver chaque acteur concerné à participer. La société civile doit, pour sa part, oser se mettre en action collectivement. Au Canada, on voit déjà des exemples de nouvelles structures de consultation et de participation, comme les comités d’élaboration de politiques alimen-taires et les conseils de gestion intégrée de l’eau et des forêts publiques. Quand on parle de réflexivité, on fait référence à deux concepts. D’une part, il s’agit de réfléchir en action, de remettre en question son propre fonctionnement pour toujours mieux atteindre ses finalités. D’autre part, on pointe l’effet miroir : certains acteurs extérieurs à une structure peuvent lui refléter ses manques et ses limites et l’inviter à se réorganiser. Le but de la gouvernance ré-flexive est de réduire l’écart entre les mesures énoncées, leur application et la réalité sur le terrain. La participation du plus grand nombre favorise l’adhésion aux normes car on partage la décision en tenant compte des contraintes de chacun. C’est de la co-régulation. Aujourd’hui, les théo-riciens de la gouvernance réflexive font des allers-retours entre expérimentation et modélisation... Ça avance et c’est passionnant ! »

la gouvernance réflexive

« Avec diplomatie et avec un sens tactique aigu, il a su poser les bonnes questions et intégrer l’ensemble des acteurs du droit à l’alimentation, que ce soit au niveau régional, national ou international. Je me demande parfois comment, dans le cadre d’un mandat aux moyens limités, il a réussi à interpeller autant de monde de manière aussi judicieuse. Il multiplie les rencontres, il écoute et il traduit les préoccupations de chacun dans un agenda politique

qui dépasse les attentes individuelles. En termes de capacité de synthèse, d’adaptation à la complexité du réel et d’articulation avec d’autres domaines (écologie, économie, genre, nutrition...), il a fait progresser le débat de façon admirable. Il a élevé la parole de l’ensemble des acteurs à un niveau de respectabilité et de pertinence par rapport aux enjeux bien au-delà de nos espérances. Dans les organisations de la société civile, on lui tire un immense chapeau car il a donné un élan considérable au droit à l’alimentation. »

Jean-Jacques Grodent, Responsable de l’Information chez SOS Faim Belgique

12 novembre - décembre 2013 n’GOdo

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Les missionnaires ont disparu, à quelques derniers Mohicans près. Mais le Nord n’a pas pour autant rapatrié ses agents de développement de l’autre côté du tropique du Cancer. La Belgique compte aujourd’hui plus de mille coopérants en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Qu’ont-ils à ap-porter, à l’heure où les discours sur l’aide insistent toujours plus sur les notions de responsabilisation ? Voyons com-ment le métier a évolué… et réfléchissons déjà à demain.

développer ?coopérer ?déléguer ?échanger ?

Sylvie Walraevens

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Sens et non-sens de l’envoi de coopérants au Sud.

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14 novembre - décembre 2013 n’GOdo

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D epuis les années 80, le secteur de la coopération au développement s’interroge régulièrement sur la nécessité d’envoyer des expatriés. Qu’est-ce que cette présence physique

procure qui ne pourrait provenir des ressources locales ? Encore aujourd’hui, certains coopérants imaginent que la réussite d’un projet est le résultat direct de leur seule intervention, tandis que les locaux oublient de valoriser leurs capacités et leurs potentiels. Mais l’intérêt pour un nouveau paradigme grandit : s’appuyer sur les connaissances et les pratiques de la communauté et rechercher collectivement des solutions. L’échec de bon nombre de projets s’explique d’ailleurs par la prémisse bancale selon laquelle ‘ce qui marche chez nous, marchera aussi bien là-bas’. Expertise et compétences prennent trop de place dans cette vision. Une approche technicienne ne pourra jamais refléter la complexité de la réalité et elle sous-estime le rôle majeur que les interactions humaines jouent dans la réussite d’un projet ou d’un programme.Les ONG et les gouvernements occidentaux doivent-ils s’aventurer sur le terrain des relations humaines, déjà si complexes sans barrière culturelle ? Si les échanges, le respect et la compréhension mutuelle sont décisifs, pourquoi ne pas laisser le développement aux mains des locaux, qui, de plus, ne vivront ni choc culturel ni bouleversement psychologique…

Diaspora d’expertsLa Coopération Technique Belge (CTB), branche exécutive de l’aide bilatérale gouvernementale, emploie 272 expatriés, dont une septantaine d’assistants junior. On y retrouve beaucoup de nationalités différentes, en ce compris un nombre croissant d’expats originaires d’un pays du Sud. Krista Verstraelen, directrice des ressources humaines à la CTB : « Pour chaque engagement, on étudie consciencieusement quelles sont les expériences et compétences requises. On aimerait réduire le nombre d’expats et donner plus de responsabilité au Sud. On ne recherche un candidat étranger que si on ne trouve pas la compétence technique ou l’expérience internationale sur place. En pratique, la probabilité qu’on trouve cette expertise sur place est plutôt faible et, souvent, nous n’avons pas le temps de d’abord former des locaux. Mais le problème se situe ailleurs. Des pays comme la Belgique se sont forgés

une belle réputation en santé publique. Beaucoup de gens viennent se former ici pour après, idéalement, retourner dans leur communauté. Ca deviendrait vraiment du capacity building. Au niveau mondial, on voit plutôt une diaspora d’experts : des hauts diplômés qui ne repartent pas car ils vivent et travaillent dans de meilleures conditions. Par exemple, seule une petite minorité de docteurs congolais rentrent chez eux. Devrions-nous le leur reprocher ? Attend-on d’eux qu’ils soient plus idéalistes que nous ?Parfois, choisir du personnel local est judicieux, surtout dans des pays difficiles comme le Mali ou le Niger où, pour des questions de culture et de sécurité, atteindre les populations isolées est délicat. On veut éviter ces obstacles en formant et en engageant des nationaux. Mais, par la suite, ce personnel qualifié est souvent peu enclin à se déplacer vers une région reculée ; il préfère rester dans les grandes villes, au confort plus élevé. »

Vouloir pêcherGautier Brygo, coopérant français basé au Maroc pour Echos Communication, reconnait le problème. « La formation ou le renforcement des capacités n’ont de sens que si les gens sont vraiment motivés par le développement de leur région, par exemple, par la reprise et l’optimalisation de la terre familiale. Pas

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Krista Verstraelen

Gautier Brygo

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mal de locaux formés par des expats dans le cadre d’un projet partent ensuite vendre leurs compétences ailleurs. Et le projet s’effondre. Je plaide pour que, au lieu de donner un poisson ou même d’apprendre à pêcher, on aille un pas plus loin : faire naître une conscience et une motivation profonde pour la pêche. Les gens ne doivent pas suivre une formation juste pour améliorer leur CV, mais ils peuvent devenir une source stable de développement local. Les grandes organisations cherchent à lancer de nouvelles activités, mais celles-ci reflètent trop peu souvent les motivations des gens. C’est le cas aussi pour les investissements occidentaux au Sud. »Les pays occidentaux se plaignent souvent de la faiblesse des politiques de certains pays partenaires, remarque Serge Beel, responsable du volet Sud chez 11.11.11. Mais ils ne peuvent admettre qu’ils ont peut-être contribué à l’affaiblissement de structures nationales. « En attirant des gens dans des organisations de coopération, nous avons vidé certains États. La fuite des cerveaux constitue, à long terme, une dynamique néfaste pour les pays fragiles. »

Peur des responsabilitésQue la CTB reste l’employeur dans bien des projets inquiète Krista Verstraelen. Elle constate que les partenaires locaux ont peur de prendre plus de responsabilité. « La responsabilité mutuelle de la Déclaration de Paris prend très très lentement forme, bien qu’on note effectivement une évolution. Mais l’absence des profils recherchés ou les hésitations du Sud n’expliquent pas tout. Le manque de personnel local vient aussi de la complexité du système belge pour l’engagement d’étrangers. Les procédures ne sont pas adaptées pour recruter facilement au niveau international. »

Ouvrir des cagesD’après Gautier Brygo, tout le système est paralysé à cause des visions trop étroites du développement et de la coopération. « C’est un système de dépendance, de besoin et d’aide, de dons et de conditions. Certains consultants ou fournisseurs vivent même des asymétries créées par les mécanismes de l’aide. Les partenaires du Sud sont pris au piège et s’enferment dans la vieille conviction que les compétences, la richesse et la réussite sont l’apanage des pays occidentaux et que le Sud ne

“Les ONG et les gouvernements occidentaux doivent-ils s’aventurer sur

le terrain des relations humaines, déjà si complexes sans barrière culturelle ?”

Le programme junior de la CTB : le facteur humain primeDepuis 2006, la CTB a mis en place un programme junior qui offre la possibilité aux jeunes diplômés de moins de trente ans de travailler deux ans à l’étranger. Il faut pour cela suivre un cycle de forma-tion et démontrer toutes ses qualités à travers plusieurs tests. Le programme sert de rampe de lancement pour les jeunes qui, par manque d’expé-rience de terrain, ne répondent plus aux critères de sélection du secteur. Ils y reçoivent une véritable formation profession-nelle de terrain et acquièrent une expérience qu’ils pourront

mettre au service de leur futur employeur. La CTB recherche des jeunes ouverts et capables de questionner leur propre culture, qui aiment travailler en équipe, qui ont le sens du respect, de l’empathie et de la diplomatie et qui adoptent des comportements adéquats en cas de conflit. Les réactions sont extrêmement positives. Mais le programme n’a pas de pendant au Sud. La CTB pense cependant à collaborer à des projets autour de l’emploi des jeunes. Une première expé-rience fructueuse a d’ailleurs vu le jour au Rwanda.

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peut dès lors pas résoudre seul ses problèmes. Face au désarroi, un coopérant peut être déterminant. Il peut ouvrir la cage de la soi-disant incapacité et stimuler les gens. Il est légitime de le faire en tant que personne externe ; sans lui, la vie continue comme avant. Faire prendre conscience aux gens qu’ils ont la solution ne demande pas de compétences techniques particulières, mais une grande dose de savoir-être. »

Contrôle : entre participation et neutralitéSi l’on forme et motive des gens pour qu’ils s’investissent dans le développement de leur communauté, a-t-on fini son devoir ? La présence d’un expatrié occidental devient-elle de facto superflue ? Pas pour Serge Beel. « La coopération au développement utilise des moyens publiques. La transparence et la justification des décisions déterminent en grande partie la crédibilité du secteur. Ca ne veut pas dire qu’il faut effectuer ces contrôles de manière autoritaire. Un coopérant a tout intérêt à communiquer sainement sur les questions financières et à mettre en place des méthodes de travail participatives. Utiliser des outils qui favorisent la transparence peut être une forme de renforcement des capacités, à condition que le partenaire en ait une perception positive. Les relations interpersonnelles sont ici d’une importance capitale. »Pour Krista Verstraelen, on ne peut pas passer à côté de l’obligatoire contrôle des moyens mis à disposition. « Notre régime financier a évolué dans contexte occidental et est très lourd, en ce compris les formalités et les restrictions. La mise en place d’un contrôle externe n’a rien à voir avec le niveau de fiabilité ou de sérieux du personnel international ou local. Simplement, un contrôle n’est crédible que s’il est réalisé en toute indépendance, par quelqu’un

qui n’a pas d’attache sur place. Un expatrié peut plus facilement garder sa neutralité qu’un local qui est approché de toutes parts. Les pressions peuvent être très fortes. »

Développement sans expatsLe secteur de la coopération regorge de diversité. L’ONG belge Solidarité Socialiste a pris une décision sans appel concernant la présence de coopérants. Depuis 2008, elle n’envoie plus d’expats dans les pays du Sud. Pour Véronique Wemaere, directrice de Solidarité Socialiste, c’est une question de responsabilisation et d’ownership. « Nous avons mûrement réfléchi ce choix. Quand les partenariats ont évolué vers le renforcement des capacités, au lieu des interventions purement techniques, nos expatriés ‘classiques’ sont devenus coordinateurs, apportant un appui administratif et matériel et assurant le suivi. À la fin des années 90, et en accord avec nos partenaires, nous avons poussé plus loin la décentralisation car, par leur ancrage sociétal, nos partenaires ont davantage de légitimité et de maîtrise du contexte pour pouvoir répondre aux véritables besoins. On a juste gardé un représentant dans certains pays. Les partenaires devenaient les acteurs principaux et finançaient

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Véronique Wemaere

“Au lieu de donner un poisson ou même

d’apprendre à pêcher, il faut faire naître une motivation profonde

pour la pêche.”

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des microprojets des communautés locales avec des fonds délégués. Notre collaboration se base sur des règles et un cadre communs qui ont été établis, et qui sont régulièrement évalués, en concertation avec tous les partenaires de chaque pays. Finalement, les fonctions administratives du bureau de coordination ont également été parfaitement reprises par les partenaires. D’autant plus que les nouvelles technologies permettent une communication rapide et donc une réelle proximité. En 2008, le programme remis par Solidarité Socialiste à la DGD ne reprenait aucun profil d’expatrié. »« Les risques liés à cette forme avancée de responsa-bilisation sont limités par le travail en réseau dans chaque pays. Le partage de connaissances et d’expé-riences engendre des apprentissages collectifs. C’est la base de notre approche que nous avons approfondie en utilisant des budgets ‘autres formes d’envoi’ pour envoyer des ressources humaines du Sud vers le Sud, du Nord vers le Sud et du Sud vers le Nord. »« Il existe une collaboration très étroite entre les partenaires d’un même pays. Ils gèrent et suivent le programme de manière collégiale. Au niveau international, les grandes modalités de partenariat avec Solsoc et les grandes lignes stratégiques sont discutées et validées par tous les partenaires. Notre coopération reste forte et participative. Beaucoup de

Daniel Blais, Agent de liaison en Afrique de l’Ouest pour Oxfam Solidarité“Une véritable réciprocité prend des années”« Je travaille depuis 20 ans dans le Sud, dont 14 années passées au Burkina Faso. Oxfam a un volet Sud mais aussi un important volet Nord. Pour cette raison, Oxfam exige que l’agent de liaison puisse comprendre les enjeux stratégiques en Belgique et en Europe pour aussi pouvoir faire le lien entre les deux programmes et nourrir le débat au Nord. J’ai appris, au fil des ans, que les relations interpersonnelles avec les travailleurs nationaux nécessitent que les deux parties soient ouvertes au compromis. D’une part, le bureau d’Oxfam étant au Burkina Faso, je dois m’adapter au contexte culturel et social local. La gestion d’une équipe de nationaux implique une adaptation par rapport aux normes occidentales. D’autre part, du fait que le personnel local travaille pour une ONG belge, nous demandons d’eux qu’ils s’adaptent aussi et fassent un pas vers nous car ils fonctionnent au sein d’une organisation étrangère, qui a une vision, une histoire et des valeurs propres. De là nait la richesse : les interactions entre les cultures nous font tous évoluer si nous restons à l’écoute de l’autre. Cela apporte aussi d’autres manières de faire qui nous font sortir des limites de notre cadre de référence.Au-delà de ma fonction spécifique, je sens que ma longue expérience me permet d’amener une valeur ajoutée dans mes relations interculturelles. Celui qui ne visite le continent que sporadiquement n’a pas l’occasion de tisser des liens au quotidien, ni de comprendre comment les choses se passent vraiment. Il va se mettre à l’écoute et n’osera pas se montrer trop critique, par respect ou par peur de mal comprendre la situation, et c’est la bonne attitude à adopter. Il peut se faire manipuler, il le sait, mais il n’a pas tellement le choix car il ne maîtrise pas tous les codes, et peut avoir du mal à déchiffrer les non-dits. Seule une installation de longue durée permet d’acquérir connaissances, compréhension, réseau de contact fiable et légitimité. Il faut plusieurs années pour développer cette compréhension culturelle qui permet ensuite d’être crédible et de pouvoir exprimer les choses comme vous les ressentez. Alors seulement, l’échange devient intéressant : chacun partage sa singularité socio-culturelle et les apparences tombent. À partir de ce moment-là, l’expatrié, qui n’est plus perçu comme le blanc qui vient d’ailleurs mais comme un collègue ou un ami, peut relever un comportement inadéquat ou un manque d’expertise, de manière opportune. J’ai le sentiment depuis seulement quelques années de connaître la vie d’ici et la façon dont les gens réfléchissent. Comment pourrait-on arriver à cela à distance et par des visites occasionnelles ? »

18 novembre - décembre 2013 n’GOdo

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nos collaborateurs se retrouvent fréquemment sur le terrain pour mener des activités de renforcement des capacités, de plaidoyer ou pour mener le suivi et les contrôles nécessaires et obligatoires. Les échanges entre les différents pays partenaires apportent une nouvelle forme de croisements qui ne reposent plus uniquement sur l’axe Nord-Sud. Bien qu’initialement certains partenaires craignaient le départ des expatriés, les réactions sont aujourd’hui unanimement positives. Les résultats de l’enquête internationale menée par Keystone, à laquelle nous avons participé, indiquent une satisfaction générale sur la qualité de la communication et de la relation de partenariat. »

MascaradePour Gautier Brygo, une coopération au développement à distance n’a pas d’avenir. « Financer des partenaires locaux et, par la suite, marcher à la confiance ne fonctionne que si vous avez d’abord construit une relation solide sur le terrain. Avec un partenaire marocain, on ne travaille pas de la même manière qu’à Bruxelles. Les mauvaises habitudes héritées de la coopération à l’ancienne reviendraient au galop : les bailleurs se verraient servir une petite mascarade à chaque fois qu’ils demandent des nouvelles. Ici, tout est politisé. Pour apprendre les manières de faire, il faut être sur place. Les contacts physiques et la proximité font la différence. Pas en premier lieu pour exercer un contrôle ; cela rentre dans un nouveau paradigme de coopération qui privilégie les relations humaines. »

ExtravaganceLa qualité de la relation : c’est là que naît ou qu’échoue la légitimité d’un coopérant. Gautier Brygo se rend bien compte de l’impact que son mode de vie peut avoir sur ses relations et sur la réussite de la collaboration. « Je suis différent d’eux et je vais le rester. Mais chaque expat peut fournir de petits efforts qui ne trahissent pas sa propre identité. Je n’habite pas dans un quartier cossu d’expatriés : pas de villa avec piscine. Mes enfants suivent l’enseignement (privé) marocain. Je fais mes courses comme le Marocain moyen et je ne me perds pas dans des loisirs extravagants dont l’homme de la rue ne pourrait que rêver. C’est une question de crédibilité. Si il n’y a pas de cohérence entre ton engagement et tes choix de vie, cela ne fait

que confirmer le ‘malentendu bien entendu’ : on est d’accord car on est partenaires, mais entre les lignes les incompréhensions s’accumulent. Un coopérant doit avoir un côté indigène, il doit vivre au rythme du pays et non s’installer pour une durée prédéterminée dans une bulle remplie de luxes qu’il ne pourrait s’offrir chez lui. »

MissionnaireImmanquablement, l ’image du bon vieux missionnaire nous vient à l’esprit : présent et concerné de tout son être. Il n’occupait pas un emploi, ni ne faisait de l’aide au développement. C’était l’œuvre de toute une vie. L’idée n’est pas de copier ce vieux modèle, d’autant qu’ils n’étaient pas tous tendres, mais peut-être vaut-il mieux y réfléchir à deux fois avant de tout jeter par-dessus bord. Le carriérisme de certains coopérants, qui voient une mission comme une ligne en plus sur leur curriculum, dérange Serge Beel. « La professionnalisation est évidement appréciable, mais l’engagement est essentiel. Du missionnaire, je conserverais volontiers cet engagement, même si le statut d’autorité qui y était parfois attaché n’a plus sa place aujourd’hui. Le comportement du coopérant construit ou détruit la collaboration. Dans notre

“Ce n’est pas absurde d’envoyer un expatrié au Sud pour qu’il apprenne.”

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mission, qui est de renforcer la société civile, les qualités humaines sont plus importantes que ses compétences techniques. Sentir les aspects culturels, comprendre les processus locaux et les formes de médiation, parler la langue, connaitre le fonctionnement des relations et avoir de la patience sont des qualités indispensables. »

Expats en passe-platIl y a mille et une raisons de défendre et de justifier la présence d’un coopérant occidental dans un pays du Sud. Mais il ne doit pas être considéré comme un mal nécessaire, comme le blanc qu’on engage à défaut de trouver sur place du personnel qualifié requis. Par contre, il est vrai que le fait de s’expatrier apporte intrinsèquement des éléments positifs aux relations entre le Nord et le Sud. Serge Beel le confirme. « 11.11.11 contribue au renforcement de la société civile, des processus politiques et des organisations de la base au Sud. En tant que société civile du Nord, nous entamons des échanges avec des sociétés civiles du Sud. Les informations qui viennent du Sud nous aident à construire des dossiers plus solides afin de mettre la pression sur les autorités belges et les pays concernés pour qu’ils mettent en œuvre des changements. Les expats occupent ici une fonction de passe-plat ; avec les informations qu’ils nous transmettent, ils garantissent la qualité de notre travail au Nord. Qu’ils viennent du Nord ne les rend pas plus compétent, mais ils comprennent mieux la manière de penser belge et peuvent nous livrer des informations qui relèvent plus du ressenti. Une traduction des récits du Sud adaptée au contexte du Nord est essentielle dans notre travail de sensibilisation. Les coopérants facilitent aussi

le réseautage. Ils peuvent par exemple introduire quelqu’un dans une ambassade ou identifier des opportunités en lien avec le projet du partenaire et le soutien venu de Belgique. Ces opportunités ne sont visibles que si on s’installe : les visites sporadiques ne suffisent pas. »

Leçons du SudAllons encore un pas plus loin : ne doit-on pas trouver le véritable sens de la présence d’un Occidental au Sud dans la valeur des échanges humains ? On touche ici à l’importante notion de réciprocité. Aujourd’hui, la coopération est très peu ouverte aux sujets qui ne traitent pas directement de réduction de la pauvreté. Le champ des savoir-être est un secteur de développement encore vierge dans lequel le Sud a beaucoup à apporter. Un enracinement profond dans l’humanité et le divin, une sagesse particulière en termes d’équité, des techniques de médiation, mais aussi des techniques agricoles efficaces mais oubliées… Le Nord peut apprendre beaucoup du Sud, et ce n’est pas juste un effet secondaire. Bien sûr, l’expertise du Sud est parfois limitée dans certains domaines, mais ce n’est pas absurde d’envoyer un expatrié pour qu’il apprenne. L’idée selon laquelle ils ont besoin de nous est encore bien présente. Et le système n’est pas prêt pour un grand chamboulement. Mais, ça et là, des gens se lèvent et plaident pour un nouveau paradigme. Même si, dans l’idéal, l’aide au développement est amenée à disparaitre, les échanges physiques entre êtres humains resteront primordiaux, car les relations humaines nous enrichissent tous.

Yasmina El Alaoui, responsable d’une maison de quartier à Ouagadougou, Burkina Faso“Nous n’avons plus besoin de l’ancien paradigme”« En 2013, des Occidentaux de bonne volonté, par charité et sans trop de connaissances locales, démarrent encore des projets en Afrique. C’est pour cela que je souhaite apporter ma contribution à une nouvelle vision du développement. Nous sommes en train de construire un nouveau bâtiment pour accueillir notre maison de quartier et d’autres associations. Je voudrais aussi y loger un centre pédagogique destiné aux volontaires du Nord. On y apprendrait, par des échanges, des formations et des stages, un modèle de coopération basé sur la réciprocité absolue. Nous n’avons plus besoin de l’ancien paradigme, le Nord qui vient montrer au Sud comment il faut évoluer. Cela implique aussi que les gens du Sud rejettent les préjugés et prennent confiance en leurs propres capacités. Je veux bien participer à un modèle qui part des potentiels de chacun : je suis sûre que c’est une source de développement riche et intarissable ! »

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comment faire pour… favoriser l’ownership

Q uand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que

de lui donner un poisson », disait Confucius. Le proverbe est bien connu, et semble au cœur de l’ownership. Mais de quel type d’apprentissage est-il

question ? C’est sûr, l’appropriation ne se résume pas à un transfert

de savoir tel qu’on l’observe dans la plupart de nos écoles. Nous le

savons, intellectuellement. Pour les Etats donateurs de l’OCDE, la

responsabilité du développement échoit aux pays partenaires, la coopération étant vue

comme un complément des efforts nationaux. La Déclaration de Paris insiste sur le principe d’appropriation, à l’origine de l’efficacité de l’aide pour fortifier le leadership, la coordination, le dialogue et l’interaction avec tous les acteurs du développement. Toutefois, en marge des techniques et technologies transférées, l’appropriation repose d’abord et avant tout sur la relation entre personnes. Et la qualité de cette relation repose très largement sur les comportements des uns et

des autres. Au niveau des ONG, il y a unanimité sur l’importance à accorder à la dimension comportementale. Mais, les répondants à l’enquête menée par Echos Communication en 2012 se considèrent peu outillés pour améliorer les choses. C’est ce que nous avons appelé le Gap du comment faire. C’est pourquoi nous avons créé la rubrique « Comment faire pour ». Elle tente de répondre à une question simple mais essentielle de la coopération : comment améliorer ma qualité de relation à l’autre ?

Changer pour changer la relationDans ce contexte, deux chiffres de l’enquête ont particulièrement retenu notre attention : 31% des répondants incriminent la relation avec le partenaire du Sud comme principal obstacle dans la collaboration et mettent en avant une communication difficile, un manque de connaissance mutuelle, la barrière culturelle ou encore une mauvaise définition des rôles. Pourtant, seules 3% des ONG du Nord se sentent à l’origine de ces obstacles… étonnant, mais assez compréhensible. Dans la fiche Quand votre point de vue vous aveugle, nous avons abordé ce

L’ownership ne se décrète pas. Il s’installe à travers un état d’esprit coopératif, il se diffuse via le relationnel, il est le fruit d’une posture d’égal à égal. Nos comportements en sont la

preuve… Mais que nous le voulions ou non, le cerveau insuffle dans nos rapports sociaux des éléments

issus de notre culture et de notre passé. C’est inévitable. D’où l’utilité des fiches comment faire pour : mieux comprendre l’interaction existant entre cerveau et comportements. Et mieux les gérer. Voici pourquoi…

ça se passedans ma tête ?

22 novembre - décembre 2013 n’GO

thème : nous sommes tous prisonniers de nos propres représentations du monde. Nous avons tendance à penser que, puisque nous faisons de notre mieux et que nous avons acquis, à force de diplômes, d’expérience ou d’envie, les compétences nécessaires, nous ne pouvons être à l’origine d’un obstacle dans le partenariat. C’est très humain. Pourtant, dans une relation, il y a toujours (au moins) deux protagonistes. Aucun des deux ne porte le poids de toute la relation, mais chacun est responsable de deux choses : des messages verbaux ou non verbaux qu’il émet, et de sa manière de recevoir les messages qu’émet son interlocuteur. Si ce système à deux se trouve dans une difficulté de communication, due à une barrière culturelle, par exemple, pourquoi ne pas le faire évoluer ? Les systémiciens vous le diront, la meilleure manière de faire évoluer un système, c’est d’en modifier un des éléments. Or, vous avez une prise directe sur l’un de ces éléments : vous. C’est pour cela que les outils proposés dans la rubrique comment faire pour s’adressent d’abord à une personne dans son rapport à elle-même. La bonne nouvelle est que chacun d’entre nous a de réels moyens d’action pour sortir de situations jugées désagréables et que ce n’est donc pas une fatalité. La mauvaise nouvelle est qu’il n’y a que chacun d’entre nous pour apporter un changement à son propre état : il est vain de le déléguer à une personne externe, nous sommes seuls maîtres à notre bord.

Le triangle magiquePour les thérapies comportementales et cognitives (TCC), pensée, comportement et émotion forment un triangle. Ils sont intimement liés et constituent les trois faces d’un même processus. Il suffit d’agir sur l’un des pôles pour modifier les autres. Lorsque nous sommes calmes (émotion), nous développons des pensées cohérentes – certains diront rationnelles – et adoptons des comportements adaptés. Mais ça change lorsque nous ressentons une émotion de stress : nous sommes alors envahis de pensées irrationnelles et adoptons des comportements inadaptés. En mission, ça peut se payer cash. Imaginons que vous soyez invité par le maire d’une petite ville. Vous ne maîtrisez pas

tous les codes culturels, les coutumes. Ce manque de contrôle de la situation fait monter votre stress. Vous commencez alors à voir affluer des pensées irrationnelles : vous devez donner une bonne image et devenez raide ou imaginez des scénarios catastrophes et devenez inattentif à votre hôte ou faites une entorse au protocole (vous le saviez, pourtant !)… et voici que se ferment les portes de votre projet. Le stress, pourtant, est votre allié (voir encadré). C’est pourquoi nous avons tellement mis l’accent sur lui dans les articles comment faire pour. Pour vous aider à le diagnostiquer, et pour vous aider à en sortir dans les situations de la vie quotidienne, particulièrement celles où vous êtes en mission, lorsque les choses ne se passent pas comme elles le “devraient”. Le mot est entre guillemets, car il correspond à une croyance : comment pourriez-vous savoir, dans une région située à des milliers de kilomètres de votre lieu de vie habituel, comment les choses “devraient” se passer ? N’y a-t-il qu’une seule bonne façon de faire ? Vos croyances sont le reflet de votre vécu antérieur et servent de cadre de référence auquel

“Votre stress vous indique que votre intelligence est en désaccord

avec votre comportement.”

L’intelligence du stress J. Fradin, M. Maalberse, L. Gaspar, C. Lefran-çois & F. Le Moullec , Editions Eyrolles, Paris (2008)

Les Thérapies Compor-tementales et Cognitives Jean Cottraux , Editions Masson, Paris (2004)

Why behavior change is hard - and why you should keep trying Harvard Womens Health Watch, Mars 2012.

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vous soumettez les situations que vous vivez, les personnes que vous rencontrez, les comportements et attitudes que vous observez. Et vous réagissez en fonction. Prenons un exemple : la notion de l’heure. En Occident, la gestion du temps repose sur trois caractéristiques : vitesse, efficacité, précision… Tout naturellement, ces tendances s’exportent dans les projets de coopération au développement menés par les ONG du Nord. Êtes-vous vraiment sûr que vous ne ressentez pas de stress lorsque les choses ne vont pas aussi vite qu’elles le “devraient” ou lorsque le projet prend du retard parce que “les locaux manquent d’efficacité” ? Ce stress, qui est traduit par des comportements inconscients (voir n’Go 2, 3 et 4) peut avoir un impact négatif dans la relation. Stressé, vous arrivez de mauvaise humeur et pouvez réduire à néant la collaboration par un geste trop agressif ou un manque d’empathie, même provisoire. Et si, pour des impératifs qui vous sont propres comme un hyperinvestissement émotionnel sur l’efficacité, vous en arrivez à mettre trop de pression, vous déséquilibrez la relation. À votre avis, quel sera, alors, leur taux “d’ownership” ?

Une posture d’égal à égalLes rubriques comment faire pour ont également pour objectif d’attirer votre attention sur certains pièges invisibles, comme le manque de curiosité, par exemple. Si vous vous contentez de transposer vos modes d’apprentissage vers une autre culture, sans curiosité, juste en appliquant ce que vous avez appris, vous limitez l’ownership, puisque les locaux deviennent les exécutants de vos connaissances. Si vous restez accroché à certaines images qui ont baigné votre enfance et partez aider des populations “dans le besoin”, vous endossez une posture

Pourquoi autant insister sur le stress ?Parce que le stress est au mental ce que la douleur est au physique : un indicateur de dysfonctionnement.

Depuis la fin des années 1980, de nombreux travaux tendent à démontrer que le stress est un signal d'alarme interne qui témoignerait de la mise en œuvre de stratégies inadaptées à la situation. Il faut savoir que nous utilisons, dans notre vie quotidienne, deux états d’esprit différents en fonction des situations que nous rencontrons.• Quand nous nous trouvons devant une situation

simple et connue (conforme à nos habitudes et à nos représentations usuelles), nous utilisons un mode de fonctionnement mental qui requiert peu d’attention ou de concentration et puise une réaction dans nos compétences acquises, avec un sentiment de certitude et l’impression de maîtriser ce qui se passe. C’est le mode automatique.

• Quand le cerveau perçoit que la situation contient des éléments qui ne sont ni simples ni connus, que nos compétences acquises ne suffisent pas ou qu’il faut imaginer une solution nouvelle, ce premier état d’esprit n’est plus adapté. Le cerveau utilise alors un autre mode de fonctionnement mental, pour déployer votre créativité et vos facultés de réflexion. C’est le mode adaptatif.

Le système repose sur notre perception d’une situation. Or, bien que fiable, il n’est pas à l’abri d’une erreur de perception. Parfois, une situation complexe est perçue comme étant simple et connue. Le cerveau ne fait pas, comme il le devrait, la bascule du premier état d’esprit vers le second. C’est alors que le néocortex préfrontal, source du mode adaptatif, lance un signal d’alarme : le stress.Aussi, quand vous ressentez du stress en situation sociale (à moins que votre survie ne soit en danger, bien entendu), prenez une habitude simple. Demandez-vous : « Qu’est-ce qui m’échappe dans cette situation ? Que n’ai-je pas vu, pas perçu, pas compris ? » Cela aide à mobiliser votre mode adaptatif…

comment faire pour… favoriser l’ownership

Pensée, comportement et émotion forment un triangle. Il suffit d’agir sur l’un des pôles pour modifier les autres.

24 novembre - décembre 2013 n’GO

comment faire pour… favoriser l’ownership

héroïque. Cela vous paraît normal, plutôt bien, mais dans le vécu des locaux, vous adoptez la posture haute : tout héros a une victime face à lui. Tout dominant un soumis. Et la “victime” risque de s’énerver ou de ne pas coopérer comme vous l’attendez, puisqu’elle ressent cette posture. La croyance selon laquelle notre modèle économique de croissance et de prospérité est le seul moyen de faire progresser le monde est très vivace. Quand nous avons le sentiment d’appartenir à la “bonne culture”, nous pouvons utiliser certains mots qui ont une résonance particulière chez les populations locales (développement, pour n’en citer qu’un, au hasard…), avoir des gestes qui ne sont pas perçus à l’aune de notre intention. Nous emmenons également dans nos bagages, de manière très involontaire mais néanmoins perceptible, toute une série de préjugés liés à notre mode de vie, à notre notion du progrès, à nos connaissances ou à notre manière de penser toute cartésienne… Or les préjugés génèrent du stress : nous savons, au plus profond de nos neurones, que nous arrêter, même involontairement, à une vision unique et très figée des choses est une aberration. Nous avons à apprendre d’eux autant qu’ils ont à apprendre de nous. L’ownership ne peut se concevoir que comme un échange bilatéral. Il y a, dans les autres coutumes et cultures, matière à appropriation.

La voie de SocrateMieux se comprendre, c’est aussi mieux comprendre l’autre. Le stress s’exprime de la même manière dans toutes les langues, dans toutes les cultures. Il est lié au fonctionnement du cerveau humain, et sur ce point, nous sommes tous équipés pareil. L’intérêt ici, c’est de s’ouvrir à ce qui diffère. De prendre du recul sur ses propres représentations, qui ne sont pas universelles comme on tend à le croire. Ouvrez-vous aux codes, aux valeurs, aux croyances des personnes que vous rencontrez. Et si d’aventure vous avez des choses à enseigner à l’autre, inspirez-vous de cet adage si cher aux pédagogues : « Si tu veux apprendre le latin à Pierre, apprend à connaître… Pierre ! ». Et Pierre, il fait des erreurs quand il apprend. Il tombe et se relève plus fort d’au moins une expérience. Nous l’avons tous fait pour apprendre à marcher. L’adoption d’une posture socratique se révèle souvent bénéfique : interrogez et écoutez. Acceptez de ne pas être écouté. Laissez Pierre apprendre à sa manière. C’est le meilleur vecteur d’appropriation. Mieux, la réciprocité interculturelle invite à la curiosité sur ce que Pierre a à vous apprendre… C’est un pas que nous franchissons moins souvent. Et pourtant…

PATRICK COLLIGNON

comment faire pour…Les thèmes traités dans la rubrique comment faire pour sont au cœur des rapports entre humains. En faisant le lien entre les mécanismes cérébraux et les comportements, chaque thématique aide à sortir des états de stress générés par un mode de fonctionnement automatique ou instinctif inadapté à une situation… et à retrouver la sérénité indispensable à l’établissement d’un échange vrai, ouvert, d’être humain à être humain.

La thématique des liens existant entre les mécanismes du cerveau et les comportements• Qualité des décisions et territoires cérébraux sont liés.

Comment savoir… qui gouverne dans le cerveau ? (n’Go n°8)

La thématique du stress, pour mieux décrypter nos réactions et gérer celles de l’autre• Il m’énerve. (n’Go n°1)• Pffft. Comment faire pour… remotiver un collègue

découragé (n’Go n°2)• Par ici la sortie. Comment faire pour… rassurer une

personne stressée et anxieuse (n’Go n°3)• Attention, ça chauffe. Comment faire pour…

modérer une colère (n’Go n°4)La thématique du mode automatique vs le mode adaptatif, pour prendre du recul sur nos points de vue et redevenir curieux… et sereins (donc sans stress)• À bas les tabous. Comment faire pour…

rester réaliste (n’Go n°5)• Cerveau : soyez malin… Basculez ! Comment

changer… de mode mental (n’Go n°9)• Combien vous coûte votre image ? Comment faire

pour… se dégager de son image sociale (n’Go n°11)• Quand votre point de vue vous aveugle. Comment

faire pour… prendre du recul ? (n’Go n°12)• Sans œillères, on voit mieux ! Comment faire pour…

accepter la réalité (n’Go n°13)• La curiosité comme antidote de la routine.

Comment faire pour… gérer la routine et la curiosité (n’Go n°14)

La thématique du rapport de force, pour mieux comprendre les positionnements instinctifs des êtres humains entre eux• Du sang froid. Comment faire pour…

gérer la dominance (n’Go n°6)• Du respect, encore du respect. Comment faire

pour… gérer la soumission (n’Go n°7)La thématique de l’hyperinvestissement émotion-nel, pour mieux comprendre ceux pour qui ce n’est “jamais assez”• Hypermotivé ? Danger. Comment faire pour…

gérer un collègue hyperinvesti (n’Go n°10)Cet article a été rédigé en collaboration avec l’INCwww.neurocognitivism.com

n’GO novembre - décembre 2013 25

L’ écureuil n’admet pas le rampe-ment de la couleuvre. Le lièvre fuit quand la tortue et le hérisson se replient. Tu retrouveras toute cette diversité chez les hommes. Cesse

donc de blâmer ce qui diffère de toi. Une société d’hommes ne saurait être parfaite que si elle né-cessite l’emploi de maintes formes d’activité, que si elle favorise l’éclosion de maintes formes de bonheur. » Avec les Nouvelles Nourritures, An-dré Gide nous offrait, il y a un siècle déjà, une belle leçon d’humilité. Et si nous partions à la découverte d’un monde dans lequel la diversité inspire, en toute réciprocité ? Si l’on ouvrait nos horizons, à la recherche de nouvelles manières de voir les choses ? Et si l’on acceptait de se lais-ser séduire et influencer par d’autres manières de faire ?La première étape du voyage Savoirs du Sud nous emmène de Santos au Brésil à Amsterdam au Pays-Bas. L’Instituto Elos, fondé par cinq étu-diants brésiliens en architecture, stimule depuis la fin des années 90 l’action communautaire. Par une méthode ludique et participative, basée sur le jeu de l’oasis, cette organisation a encadré la naissance de nombreux projets de développe-ment de quartier. En 2010, une branche hollan-daise, Elos Nederland, a vu le jour.

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Aucun continent, ni aucune société, n’a le monopole des bonnes idées et des bonnes pratiques. Ou pour le formuler de manière positive : nous avons tous à apprendre les uns des autres. Pour cette excellente raison, n’GO ouvre une nouvelle rubrique pour identifier les outils et les techniques venus d’ailleurs qui pourraient nous être bien utiles dans la recherche de solutions à nos propres défis.

Que peut-on apprendre du Sud ?

savoirs du sud.

26 novembre - décembre 2013 n’GO

En recherchant les forces de la communauté, ses ressources et ses potentiels, on crée et on cultive la base d’un projet réussi.

Le regard appréciatif

Entre autre par l’écoute, on stimule les relations humaines et le respect mutuel qui sont un moteur essentiel de l’action collective.

L’affection

Le rêve est l’expression des aspirations de chacun. Plus le rêve est ambitieux, plus il a de chance d’être porté par l’ensemble.

Le rêve

savoirs du sud.

Rodrigo Rubido Alonso, Co-fondateur de l’Instituto Elos“Si ils ont la certitude que le changement sera effectif et qu’ils ne souffriront pas, alors ils sont prêts à entreprendre.”

« Nous étions un groupe de cinq étudiants en faculté d’architecture. On apprenait les aspects techniques et artistiques derrière la construction d’un bâtiment. Mais on ne nous enseignait pas comment créer des projets qui répondraient aux envies et aux besoins des gens. Nous avons donc commencé à nous rendre dans certains quartier des favelas pour rencontrer les gens, comprendre un peu mieux leur mode de vie. Entamer une relation est le début de notre philosophie. Sur place, nous avons

été surpris de voir que les gens avaient beaucoup plus de connaissances que nous ne le pensions. Chaque communauté avait des ressources, des talents et une vision plutôt claire de la manière d’améliorer leurs vies.Ce qui leur manquait, c’est une stratégie à même de les convaincre de s’engager pour le changement. Souvent, les gens veulent une vie meilleure mais ils ne veulent pas se battre à corps perdu. Ils ont peur d’être bloqués par des politiciens, jalousés par leur voisin ou de manquer de moyens. Si ils ont la certitude que le changement sera effectif et qu’ils ne souffriront pas, alors ils sont prêts à entreprendre. D’où l’idée de commencer par des jeux. Pour fédérer la communauté autour d’un projet, nous proposons plusieurs activités ludiques. Une première expérience positive, même si elle peut paraître insignifiante, donne confiance au groupe, permet de tisser de nouveaux liens et motive les gens à aller plus loin.La philosophie d’Elos se base sur sept pratiques qui invitent les gens à agir différemment. En résumé, sur base d’une recherche active des ressources positives de la communauté, celle-ci construit un rêve, le réalise et s’en inspire pour continuer à réaliser d’autres rêves. Le but est de commencer par une petite action et de montrer de plus en plus d’ambition. En 1999, nous avons visité la communauté de Dique Da Vila Gilda dans la banlieue de Santos. En quelques jours, ils ont construit une petite maison, simple et modeste, pour accueillir un jardin d’enfants. Un an plus tard, ils nous ont contacté pour les aider à dessiner les plans d’un nouveau bâtiment quatre fois plus grand. Ils avaient économisé l’argent et collecté les matériaux pour y arriver. Ce nouveau centre accueillerait aussi des cours du soir, un centre médical le samedi et des activités culturelles le dimanche. Ensuite, en 2009, ils ont achevé la construction d’un centre culturel avec studios et classes de musique et de théâtre. On se demande où ils vont s’arrêter ? Nous sommes convaincus que chaque être humain veut vivre dans un monde meilleur. Mais nous voulons plus ! En diffusant le jeu de l’oasis, nous voulons contribuer au meilleur des mondes. »

Les sept étapes du jeu de l’oasis

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Il s’agit de planifier le projet qui répondra le mieux aux attentes. Le défi est d’avancer ensemble tout en prenant soin des uns et des autres.

Le soin

Après l’effort, le réconfort ! Une réunion est organisée après la réalisation du projet pour admirer les apports de chacun et le résultat final.

La célébration

Elos considère qu’une action guidée par les qualités d’un groupe, utilisant ses ressources propres dans un esprit collectif à la poursuite d’un rêve commun, est un petit miracle en soi.

Le miracle

Chaque accomplissement est le début d’une autre action, d’un nouveau challenge pour avancer vers un meilleur futur.

La ré-évolution

Niels Koldewijn, Initiateur d’Elos Nederland“En dix minutes, les gens expérimentent et comprennent l’importance de partager les décisions et d’écouter l’autre.”« J’ai découvert le jeu de l’oasis en 2009, lors d’un voyage à Santos. On m’avait parlé de leur approche bottom-up pour favoriser l’appropriation par la population de l’espace citadin. On était une dizaine à rejoindre le Brésil pour tester l’approche... et le déclic s’est produit ! En quittant le pays, ils nous ont mis au défi d’essayer la méthode aux Pays-Bas. Un premier essai a été concluant et en peu de temps, Elos Nederland voyait le jour. L’oasis est une manière ludique, amusante et interactive de changer la réalité. Par les jeux, on fait émerger de l’empowerment, du leadership, de la cohésion, de la motivation... Par exemple, il y en a un où une personne lance une pelote de fil à un membre du groupe qui lui même la renvoie à un autre et ainsi de suite. Au final, le fil relie chaque personne au sein d’un réseau interconnecté. On fait ensuite pendre des stylos à différents nœuds de la toile et le groupe doit se débrouiller pour réaliser un certain nombre de défi avec ces stylos. En dix minutes, les gens expérimentent et comprennent l’importance de partager les décisions, d’écouter l’autre et ils découvrent qu’ils sont capables de faire quelque chose tous ensemble. On gagne énormément de temps !Ca n’a l’air de rien, mais le jeu permet de créer un cadre rassurant et bienveillant. Mais ce n’est pas une fin en soi. Le but est de pouvoir partir de cet exemple-là pour agir : c’est un tremplin vers le réel. La première fois qu’on passe par les sept phases, il faut entre deux et sept jours pour arriver à un résultat concret et visible qui est le fruit du travail de tous. La seule chose, c’est qu’on ne sait jamais à l’avance ce que ce sera. C’est ça qui est fascinant en tant que facilitateur et très effrayant pour l’administration qu’on essaye d’inclure dans certains projets. Ce n’est en effet pas toujours évident de convaincre. Comme l’on part d’une approche positive, certains pensent qu’on essaye d’éviter les problèmes. Autre difficulté : certains jeux doivent être adaptés à notre contexte culturel. Au Brésil, on se prend plus facilement dans les bras, on n’est pas gêné par le contact physique. En Hollande, où la poignée de main est la norme, il vaut mieux remplacer les embrassades par une petite tape amicale, sinon ça effraie les gens. L’ambition est d’avoir un impact social grandissant. La méthode est d’une efficacité redoutable pour construire un sentiment de communauté et pour réaliser rapidement de petits projets concrets. Le défi est maintenant de voir si les choses vont évoluer vers des actions de plus en plus grandes et de voir comment les accompagner. »

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www.institutoelos.orgwww.elosnederland.nl

28 novembre - décembre 2013 n’GO

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Forum Ouvert : ouverture et convergencesImaginez une réunion de travail de deux jours qui commence avec comme seul point à l’agenda une thématique à aborder… Elle ne peut qu’être vouée à l’échec, non ? C’est pourtant l’approche proposée par le Forum Ouvert. « Les gens reçoivent l’autorisation d’être libres, créatifs et responsables… et ça marche ! »

L’ intelligence collective est de plus en plus prisée par les organismes de tout poil. Mais, que l’on se rassure, c’est une ressource parfaitement renouvelable et, qui plus est, gratuite. Pour en

récolter les bénéfices, il faut cependant oser faire le premier pas. « Quand on organise un travail ou un événement collectif (formation, réflexion, séminaire, …) les principes habituels d’animation sont le contrôle sur les personnes et l’obligation de participation. On a, généralement, très peur des ‘débordements’ et autres manifestations anarchiques. Ce type de pédagogie ne produit pas grand chose et demande beaucoup d’énergie à tous : contrôle pour les organisateurs, effort ou résistance pour les participants », détaille Marine Simon, facilitatrice et formatrice en intelligence collective. « Les outils d’intelligence collective, et le Forum Ouvert en particulier, sont basés sur des règles d’autorisation et non de contrainte. Ils mettent en place un cadre bienveillant à même de faire émerger, de valoriser et d’optimiser les énergies présentes. »

Auto-organisationLe principe de base du Forum Ouvert est assez simple : rassembler un groupe de personnes autour d’une question. « Cette question doit être à la fois mobilisante et ambitieuse. Par exemple, ‘Que pouvons-nous faire, ensemble, pour dessiner l’école de demain ?’ pour un groupe de directeurs d’école ou ‘Comment inscrire davantage mon entreprise dans une démarche de développement durable ?’ lors d’un meeting de chefs d’entreprise. A partir de cette question, tout s’auto-organise. Ceux qui le désirent proposent un thème d’atelier et invitent ceux qui veulent en discuter à les rejoindre. »

Les échanges sont synthétisés au fur et à mesure et viennent nourrir la réflexion de tous. En fin de processus (voir encadré p.31), le groupe aura

dessiné les grands axes d’un plan d’action, si tel est l’objectif de la rencontre. « Tout le contenu est défini par les participants, sans qu’ils aient eu besoin de préparer quoi que ce soit. On fait émerger quelque chose qui existe déjà et qui est supérieur à l’addition des avis de tous. C’est extrêmement puissant ! Quand on permet à un groupe d’humains d’utiliser toute sa créativité, sa liberté, son autonomie et sa responsabilité, on obtient des résultats surprenants. »

Tous expertsVous l’aurez vite compris, le Forum Ouvert prend à contre-pied bon nombre de préceptes de la société occidentale. « Notre tendance culturelle est de faire appel à des experts pour répondre à nos questions, trouver des solutions. En intelligence collective, on part du prérequis inverse : chacun est expert et les personnes présentes sont les bonnes. Bien sûr, cela n’empêche pas les présentations informatives par des spécialistes pour nourrir les débats, mais ce sont les personnes présentes qui se mobilisent pour chercher des solutions et agir. En favorisant la participation de tous, on renforce la capacité d’action. Les sujets traités, et la manière de le faire, viennent des participants qui s’impliquent dès lors à 100%. La motivation est aussi durable car elle est basée sur l’envie et non plus sur l’effort ou l’obligation de faire quelque chose d’imposé par quelqu’un d’autre. »

Pour garantir la liberté des participants, une préparation rigoureuse est nécessaire. « L’organisation est très pointue. Il faut que les personnes qui encadrent le forum l’aient préparé ‘en intelligence collective’, que l’équipe ait pris le temps de se fédérer, de bien répartir les responsabilités et les tâches afin de donner un sentiment de sécurité aux participants. Le thème, les règles, les horaires, les différents lieux doivent être clairement présentés et signalés. De cette manière, les participants n’ont à se préoccuper de rien et peuvent se concentrer sur

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La petite histoire retiendra qu’après un séminaire qu’il avait organisé au Etats-Unis, Harrison Owen s’est vu confié par un participant que, finalement, les moments les plus instructifs s’étaient tous déroulés lors des pauses-café : réseautage, échanges d’idées, pistes de solution... Harrison Owen, auteur, consultant et photographe, a, par la suite, répété les tentatives de recréer un cadre aussi bienveillant que la pause café. Il dit avoir découvert, plutôt qu’inventer, l’Open Space Technology.

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« Après deux jours de Forum Ouvert, je n’ai reçu que des commentaires très positifs de la part des 104 professeurs qui étaient présents. Il a pourtant fallu en convaincre certains car l’approche est différente et, au départ, cela peut être un peu interpellant comme

méthode de formation. Les utilisateurs se sentent rapidement concernés car ils amènent eux-mêmes les sujets de travail. La dynamique fait qu’ils ont envie de s’y mettre. Et puis la co-construction entre les participants amène des résultats formidables. Tout le monde est

ressorti ressourcé et plein de nouvelles idées en tête. Je suis pleinement satisfaite de l’expérience, même si j’ai aussi eu des moments de doute durant la préparation. Le mode de préparation parait rigide : le nombre de marqueurs par panneau ou la

distribution stricte des rôles ne semblent pas être des éléments fondamentaux. Mais, au final, tous ces détails comptent pour que les participants soient parfaitement libres de s’organiser et de réfléchir ensemble. Le cadre soutien la réflexion… ».

Pascale GeubelDirectrice du niveau fondamental de L’Ecole Escale

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1) Le Forum Ouvert produit des résultats à haut niveau d'implication. L’ensemble des participants délimitent les sujets de discussion et mettent en place des solutions, ce qui garantit une forte appropriation.

2) Le croisement des opinions, la confron-tation des idées et les débats font avancer les choses. Il n’y a pas de meilleur moyen de débloquer une situa-tion que de laisser les principaux intéressés en parler librement.

3) Le format du forum crée des liens entre les participants. Par la

grande liberté laissée et par le partage du leadership, une col-laboration sincère et efficace s’installe.

limites1) Le Forum Ouvert ne se suffit pas à lui-même. Ce n’est qu’une étape dans un

processus plus vaste. Il est d’ailleurs conseillé de réfléchir en amont à ce qu’on fera des résultats.

2) Le mode de gestion privilégié par l’approche est horizontal. Une association qui serait organisée de manière pyramidal devra faire évoluer sa

structure pour pouvoir bénéficier des apports du Forum Ouvert.

3) En théorie, on peut organiser un forum pour 5 à 2000 personnes. En pratique, un minimum de 25 personnes est conseillé pour favoriser la diversité et l’échange de points de vue.

l’essentiel. Cette grande liberté laissée augmente considérablement le niveau d’efficacité de la réunion. Les gens trouvent du plaisir dans les échanges et dans la définition du plan d’action. C’est cet élan positif, poussé par la créativité, qui favorise l’appropriation des participants. »

Un Forum Ouvert se déroule généralement sur deux jours. La première journée consacre l’ouverture et l’émergence. « On donne pour consigne de développer des idées, de les confronter, de sortir du cadre habituel. Chaque groupe de discussion produira un rapport qui sera affiché et lisible tout au long du Forum et résumé en plénière, en fin de journée, par l’initiateur du sujet. Le lendemain on invite à la convergence vers des plans d’action : sur base des échanges en phase d’émergence, quels sont les projets concrets qui peuvent être mis en æuvre ? Comment, quand, par qui … ? »

Vieux comme le mondeLes outils d’intelligence collective s’imposent petit à petit dès qu’il est question d’accompagner un changement, de parfaire une collaboration, de restructurer une organisation ou simplement de prendre une décision qui engagera collectivement une association. « Certains de ces outils sont brevetés et cette démarche de protection, très occidentale, est assez étrange. En effet, si nous les découvrons aujourd’hui, de nombreux peuples les utilisent depuis des siècles dans la gestion de leur communauté ! Je me souviens avoir rencontré un shaman amérindien qui, lorsque je lui expliquais les principes de la sociocratie (voir n’GO n°1), m’a

confirmé que le village prenait toutes ses décisions selon cette méthode. On ne fait que redécouvrir des choses vieilles comme le monde. Et c’est indispensable… D’une part, on se rend compte que tout est systémique : on ne peut pas régler un problème en l’isolant du reste. De plus, nous sommes aujourd’hui confrontés à des difficultés d’une grande complexité. On a donc besoin de combiner les compétences, de multiplier les points de vue pour trouver des solutions innovantes. D’autre part, chacun ressent les limites de notre culture individualiste nourrie de compétition. Se retrouver dans un cadre sain où chacun a la parole et est écouté crée vraiment d’autres possibles. »

InterrelationLe Forum Ouvert a déjà prouvé son efficacité dans des contextes divers. Même dans des situations délicates, son utilisation fait des miracles : la méthode a notamment été utilisée dans des dialogues sur la paix entre Israéliens et Palestiniens ou, plus généralement, dans des phases de planification de projet de développement entre ONG et populations locales. « Le Forum Ouvert est une innovation sur le plan des interrelations. Cet outil mobilise les relations invisibles qui nous unissent et nous permet de nous reconnecter au vivant dont nous faisons partie. Dès qu’on est face à un enjeu brûlant d’actualité, qui crée des tensions, voire des conflits, et qui implique de nombreux acteurs, le Forum Ouvert offre à coup sûr des solutions adéquates. »

RENAUD DEWORST

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Marine Simon est facilitatrice et forma-trice en intelligence collective.Pour plus d’infor-mations, vous pouvez la contacter via le site internet de son organisation :audeladesnuages.com

“Si vous n’êtes en train ni d’apprendre, ni de contribuer, passez à autre chose !”

Loi des deux pieds

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1 Cercle d’ouverture Le facilitateur ouvre le forum, en explique les règles et propose aux personnes qui le désirent d’initier un atelier d’échange.

Les quatre principes de base1/ Les personnes qui se présentent sont les bonnes2/ Ce qui arrive est ce qui pouvait arriver3/ Ca commence quand ça commence4/ Quand c’est fini, c’est fini

Planning sur deux joursLa première journée est consacrée à l’émergence. La deuxième journée est centrée sur la définition d’un plan d’action. Le principe des ateliers reste, mais la consigne change : au lieu d’ouvrir toutes les pistes possibles et imaginables, il est demandé d’identifier les convergences qui peuvent mener à des actions concrètes.

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Mur des marchés Une fois les ateliers brièvement présentés, ils sont affichés aux murs des marchés où chacun pourra venir faire son programme.

Ateliers L’initiateur d’un atelier accueille les participants et s’assure que l’on échange. Il s’engage également à produire un rapport sur les discussions. Pour le reste, la liberté prime.

Cercle de clôture En fin de journée, chaque initiateur résume les éléments clés de son atelier en quelques minutes.

Le bar permanent Un bar, sans chaises, est ouvert en permanence. Ceux qui ont besoin d’un break peuvent s’y retrouver pour échanger ou simplement souffler un peu.

Le Grand journal Le rapport est ensuite saisi sur ordinateur en Salle des Nouvelles, par l’initiateur d’atelier, puis publié et affiché au mur du Grand Journal, accessible à tous.

comment ça marche ?

32 novembre - décembre 2013 n’GO

Dimitri Van den Meerssche, diplômé en droit de l’Université de Gand, suit un master en droit international à l’Université de New York. Il y est également chercheur associé sur le “droit de propriété et développement”. Dans ce cadre, il collabore à un projet qui améliore l’accès des plus pauvres aux médicaments. Des séjours au Bénin, au Ghana et en Egypte lui ont permis d’observer l’énorme impact des facteurs institutionnels sur le développement.

La coopération au développement vit des moments pas-sionnants. Lors de nombreux forums,

les négociations vont bon train sur le contenu et l’orientation des objectifs du millénaire pour l’après 2015. Cette (re)négociation va assurément initier une nouvelle ère de

bonne volonté politique et de fétichisme des nombres. Les économistes et les icones du développement, dans les traces de Jeffrey Sachs et de Bono, nourrissent la croyance malheureuse selon laquelle le développement peut être pensé et écrit dans les salles de conférence marbrées de la stratosphère newyorkaise. Ce

crédo est aussi vieux que la machine de développement elle-même. En 1949 déjà, le président américain Truman déclarait que « l’humanité possède la connaissance et l’expérience pour soulager les souffrances de ces [pauvres] personnes ». Aujourd’hui, la confiance dans la connais-sance scientifique domine en-

core et toujours : une doctrine qui se fonde sur la capacité de concevoir une croissance durable ne peut logiquement imputer l’absence de cette croissance qu’à de la mauvaise volonté ou à un manque de financement. C’est pourquoi nous parlons de coopération au développement en termes de devoir moral ou de justice.

La coopération au développement et le simulacre du savoir

blog-notes. Parole d’expertDimitri Van den Meerssche

n’GO novembre - décembre 2013 33

Bono le résume d’ailleurs très bien : « Nous avons l’argent, nous avons les médicaments, nous avons la science. Mais avons-nous la volonté ? »

La pensée domi-nante du big pushLa connaissance scientifique et centralisée, qui constitue la base du modèle macro-écono-mique, est totalement insuf-fisante dans un processus de développement économique ou social. L’économie du déve-loppement est aujourd’hui dominée par l’école de Jeffrey Sachs, l’un des principaux instigateurs des objectifs du millénaire. Le point de départ de son analyse est que les pays en développement sont pris au piège de la pauvreté. On parle d’une situation d’absence d’investissements intérieurs, due à une absence d’épargne intérieure. Sans épargne, et donc sans investissements, les emplois ne suivent pas, les capitaux ne s’accumulent pas et les comptes d’épargne ne se remplissent pas. La tâche de l’aide au développement est alors, en gros, de combler ce qu’on appelle l’investment gap (l’écart entre l’épargne inté-rieure et les investissements nécessaires) en vue d’activer un processus de croissance économique spontanée. Ce concept classique dans l’éco-nomie du développement est plus connu sous le nom de big push. On s’imagine qu’après cette forte poussée, l’économie

fonctionnera de manière auto-suffisante et accumulatrice.

Cette théorie part de la prémisse de la connaissance économique infaillible centra-lisée (plutôt qu’individuelle). Dans ce cadre, les architectes du développement doivent non seulement définir des paramètres économiques abs-traits pour quantifier l’invest-ment gap, mais doivent aussi être en mesure d’attribuer un budget de développement aux secteurs qui génèrent une productivité au moins équiva-lente aux investissements qui sont réalisés par la population. C’est une aberration totale.

Connaissance locale unique La coopération au dévelop-pement a besoin d’une toute autre orientation : basée sur le potentiel économique, l’échelle de valeurs locale et la connaissance décentrali-sée à l’infini des centaines de millions d’individus auxquels l’aide est destinée. Toute personne, ayant un jour mis le pied sur la terre rouge d’Afrique, sait que le continent est riche en incitants écono-miques et déborde d’activi-tés économiques. Chaque individu qui participe à cette activité possède une connais-sance unique de ses possibili-tés, de ses attentes et de celles de son entourage direct. Cette connaissance est essentielle pour parvenir à des décisions économiques efficaces.

L’économie est efficace lorsque chaque facteur de production est mis en œuvre là où son utilité marginale est maximale, ce qui est inter-prété de manière subjective. Il est alors inévitable, si l’on ne tient pas compte des connais-sances et des préférences individuelles, que l’allocation de ressources rares n’abou-tisse qu’à des résultats faibles. C’est précisément pourquoi la doctrine actuelle en matière de développement ne pourra jamais conduire à une crois-sance économique durable : elle ignore l’échelle de valeurs des individus qui cherchent à maximiser l’utilité sociale des facteurs de production économiques.

Modestie intellectuelleNous sommes obligés de conclure que l’aide au développement échoue parce que l’arrogance académique

des ‘experts’ occidentaux a fermé la porte à l’infinité des connaissances locales, qui peuvent mener effectivement à un progrès durable. Il ne s’agit pas d’un plaidoyer pour l’efficacité économique. Il s’agit d’un plaidoyer pour l’Humain et l’Individu, pour que l’on mette un terme au post-colonialisme intellec-tuel et pour que s’activent les richesses sociales du continent africain. Je clôture mon éloge de la modestie intellectuelle avec la sagesse d’un autre : « To act on the belief that we possess the knowledge and the power which enable us to shape the processes of society entirely to our liking, knowledge which in fact we do not possess, is likely to make us do much harm. » F.A. Hayek.

“Toute personne, ayant un jour mis le pied sur la terre rouge d’Afrique, sait que le continent est riche en incitants et déborde d’activités

économiques.”

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34 novembre - décembre 2013 n’GO

Ben Phillips est campaign and policy director chez Oxfam Royaume-Unis. Il a travaillé et vécu en Afrique du Sud, en Inde, en Thaïlande, au Japon, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis. Il a commencé sa carrière dans l’aide au développement en 1994 dans une association locale sud-africaine en tant que professeur et activiste pour l’ANC.

C ’est difficile de l’admettre, à moi-même autant qu’aux autres. Si j’ai atteint une

position décisionnaire dans le monde de la coopération, ce n’est pas uniquement par mérite ou grâce à la qualité de mon travail, mais parce que j’appartiens à un groupe particulier : les posh white blokes (ndlr : qui se traduit difficilement par mec sympa, blanc et aisé).

Tous les indices concordent. Les posh white blokes ne sont pas seulement surreprésentés dans les sphères de pouvoir et d’argent ; nous sommes aussi surreprésentés à la tête des mouvements qui défient ces sphères-là. Il n’y a rien de

mal à être un posh white bloke. J’en suis un, tout comme beaucoup de mes amis. Le problème, et c’est encore plus dur de l’admettre, est que cette surreprésentation fait obstacle à l’atteinte d’un monde plus juste.

Le premier pas est de s’en rendre compte. Ce n’est pas tant que notre dominance grève la crédibilité des mouvements sociaux. Ce n’est pas tant que nous ne parvenons pas à être le changement que l’on veut voir. Le problème c’est que cela réduit l’efficacité des efforts contre la pauvreté. Toute cause peut profiter de la diversité, car la multiplication des points de vue et des approches renforce l’efficacité. Et pour les actions

qui abordent la pauvreté et l’exclusion, la diversité du leadership est encore plus importante. S’attaquer à la pauvreté requiert des informations qualitatives et une compréhension que ceux qui n’ont jamais eu faim ou qui n’ont jamais été exclu ne possèderont jamais complètement. Par analogie, prenons l’exemple de Gandhi : malgré son héroïsme et sa remarquable intelligence, sa compréhension de la discrimination entre les castes (et les solutions à y apporter) était trop légère et confuse, presque embarrassante, comparée à Ambedkar, le grand leader Dalit, qui lui l’avait expérimentée. Dans le même ordre d’idées, les

analyses de l’apartheid du journaliste sud-africain blanc Donald Woods (un autre de mes héros) n’auraient jamais pu égaler la profondeur de celles de son ami et activiste Steve Biko.

Les mouvements sociaux existent pour ré-imaginer le monde et contester les relations de pouvoir. Mais leur capacité à y arriver à l’extérieur est intimement liée à leur aptitude de le faire à l’intérieur. Réorganiser le pouvoir, de sorte que les décisions soient de plus en plus prises par des gens qui ont vécu la marginalisation, n’a rien d’un simple palliatif technique ou instrumentalisant. Il s’agit des racines de notre cause, de

Posh white blokes

blog-notes. Parole d’expertBen Phillips

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Cet article est paru dans le Guardian Global Development Professionals Network.

l’essence-même du revirement de “pour les gens” vers “avec et par les gens”.

La surreprésentation des posh white blokes dans les mouvements sociaux n’est pas universelle, et dans certains domaines-clé elle est même en baisse. Mais il serait irresponsable d’attendre que les plafonds de verre se fissurent d’eux-mêmes. De plus, il n’est pas juste question des posh white blokes. Dans bien des cas, la surreprésentation de gens qui ne répondent qu’à un ou deux mots de cette description est déjà un fait. Que ce constat nous encourage à œuvrer pour plus, et non moins, d’égalité.

Dans l’ONG pour laquelle je travaille, la grande majorité du personnel vient de pays en voie de développement, en ce compris de plus en plus de cadres, dont la nouvelle directrice générale d’Oxfam International. Il faut être fier de ces progrès, tout en étant lucide : le chemin est encore long. On se consacre à l’amélioration des politiques, des systèmes et des programmes, mais nous savons que fondamentalement il s’agit d’attitudes, à commencer par celle de nous regarder dans le miroir.

Beaucoup d’argent a été dépensé pour m’apprendre comment tourner une phrase, construire un argument et avoir l’air de quelqu’un qui sait de quoi il parle. J’ai lu

plein de livres, rencontré des gens connus et visité de nombreux endroits sur terre. J’ai aussi vécu parmi des gens pauvres, dans leur maison et avec leur famille ; j’ai marché à leurs côtés, littéralement et en tant que représentant de mon organisation. Mais j’avais toujours la possibilité de partir. Et dans les moments les plus durs, j’ai pris pleinement conscience que mon passeport anglais, mes connexions, la couleur de ma peau et le fait

d’être un homme m’isolaient du pire. Je ne comprendrai jamais la tyrannie d’un ventre affamé. Je ne comprendrai jamais complètement l’exclusion.

Nous, les posh white blokes, nous avons beaucoup de choses utiles à offrir. Un jour un ami m’a dit : « Quand je travaillais pour le gouvernement, les hommes forts du top de l’administration m’ont toujours fait un peu peur. J’aimerais vraiment que

tu m’apprennes à garder mon sang froid dans ces situations. » Je l’ai évidemment fait avec plaisir…

Finalement, beaucoup d’entre nous, voire la plupart, ont le cœur à la bonne place. Et il n’est pas question d’être absent du mouvement contre la pauvreté. Mais on ne devrait pas être dominant. Pas uniquement parce que ce n’est pas bien. Simplement parce que nous n’en savons pas assez.

“J’ai pris pleinement conscience que mon passeport anglais, mes connexions,

la couleur de ma peau et le fait d’être un homme m’isolaient du pire.”

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votre n’GO.

COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT ET RELATIONS HUMAINES

Il propose à ses lecteurs des cas pra-tiques, des méthodes et des réflexions qui permettent de mieux cerner l’Humain dans toute sa complexité. L’intuition fondatrice d’Echos Communication, heureuse éditrice du magazine, est que le relationnel et le comportemental ne sont pas suffisamment pris en compte dans la coopération. Or, c’est souvent dans les relations interpersonnelles, dans les manières d’agir ou de penser que des blocages apparaissent. Que ce soit avec des collègues, des partenaires au Sud, des publics cibles au Nord, notre savoir-être a au moins autant d’impact que notre savoir théorique ou notre savoir-faire pratique.Pour vérifier cette intuition, Echos

Communication a mené l’enquête. En 2012, trois quarts des ONG belges ont accepté de répondre à nos questionnements. Il en ressort deux grands enseignements. D’une part, le secteur reconnait à l’unanimité que le relationnel et le comportemental jouent un grand rôle dans la réussite des projets. D’autre part, la grande majorité des répondants affirmaient ne pas avoir les outils ou les connais-sances nécessaires pour gérer ces facteurs humains. Le magazine n’GO cherche à combler ce manque et ainsi contribuer à une solidarité interna-tionale plus efficace et plus durable.

n’GO est une invitation à réfléchir. Il dévoile, analyse et rappelle l’impor-tance des comportements, des atti-tudes et des relations humaines dans nos vies professionnelles en général, et dans le monde de la coopération au développement en particulier.

Echos Communication, la relation au cœur du développementEchos Communication considère que chaque individu et chaque collectivité, tant au Nord qu’au Sud, disposent en eux des ressources pour devenir acteurs de leur propre développement. Nous construisons avec nos parte-naires, du Nord comme du Sud, une coopération au développement em-preinte de réciprocité, d’enrichissement mutuel et d’intelligence collective.

Les projets d’Echos Communication :• En Belgique, Echos Communication

publie le magazine n’GO et travaille sur plusieurs projets de déconstruction des préjugés touchant les enfants, les étudiants et la presse.

• Au Maroc, Echos Communication contribue à l’installation d’un dialogue dont l’objectif est de construire des solutions associant les élus locaux et la société civile.

• Echos Communication, à travers Harubuntu, identifie et soutient des Africains, des hommes et des femmes qui sont porteurs de changements sur leur continent.

n’GO est un mensuel en ligne ; ce numéro imprimé est

l’exception qui confirme la règle !Pour vous abonner,

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novembre - décembre 2013 n’GO