Modélisation quantique et réactivité Partie 4. Orbitales...

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-1- Modélisation quantique et réactivité Partie 4. Orbitales moléculaires 4.1. Orbitales moléculaires des complexes octaédriques ML 6 Objectifs du chapitre Notions à connaître : Orbitales moléculaires de valence des complexes métalliques octaédriques : interactions entre fragments pour des ligands σ-donneurs intervenant par une seule orbitale. Capacités exigibles : Identifier parmi les orbitales de fragment fournies celles qui interagissent. Expliquer la levée partielle de dégénérescence des orbitales d. Établir la configuration électronique de valence d’un complexe dont le diagramme d’orbitales est donné. L’utilisation des métaux de transition en chimie organique est relativement récente. Leur introduction a permis de nombreuses avancées en synthèse. En effet, en se liant, sous la forme d’un complexe, à des molécules organiques, les métaux : Modifient la répartition des électrons dans la molécule organique, rendant certaines liaisons plus réactives, Positionnent de façon optimale deux réactifs dans l’espace. L’importance de ces complexes amène aujourd’hui à s’intéresser aux orbitales moléculaires de ces édifices. La méthode des fragments va être utilisée pour obtenir les OM et ainsi mieux comprendre la liaison métal-ligand. L’exemple des complexes octaédriques ML6 permettra de montrer comment la nature du ligand influence le peuplement des OM du complexe et ainsi module sa réactivité. Les deux fragments envisagés sont {métal} et {ensemble L6 des 6 ligands}. Après une présentation des orbitales des fragments seront d’abord présentés, avant d’aborder la construction des OM d’un complexe ML6 en se limitant dans un premier temps à des interactions σ entre orbitales. Les interactions π créées seront introduites dans un second chapitre. Problématiques : 1. Comment sont les orbitales moléculaires des complexes octaédriques ? 2. Comment sont-elles peuplées ? Rappeler à quelles conditions une interaction constructive (ou destructive) de deux orbitales de fragments est possible.

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Modélisation quantique et réactivité

Partie 4. Orbitales moléculaires

4.1. Orbitales moléculaires des complexes octaédriques ML6

Objectifs du chapitre

→ Notions à connaître : Orbitales moléculaires de valence des complexes métalliques octaédriques : interactions entre

fragments pour des ligands σ-donneurs intervenant par une seule orbitale.

→ Capacités exigibles : Identifier parmi les orbitales de fragment fournies celles qui interagissent. Expliquer la levée partielle de dégénérescence des orbitales d. Établir la configuration électronique de valence d’un complexe dont le diagramme d’orbitales

est donné.

L’utilisation des métaux de transition en chimie organique est relativement récente. Leur introduction a permis de nombreuses avancées en synthèse. En effet, en se liant, sous la forme d’un complexe, à des molécules organiques, les métaux :

Modifient la répartition des électrons dans la molécule organique, rendant certaines liaisons plus réactives,

Positionnent de façon optimale deux réactifs dans l’espace. L’importance de ces complexes amène aujourd’hui à s’intéresser aux orbitales moléculaires de ces édifices. La méthode des fragments va être utilisée pour obtenir les OM et ainsi mieux comprendre la liaison métal-ligand. L’exemple des complexes octaédriques ML6 permettra de montrer comment la nature du ligand influence le peuplement des OM du complexe et ainsi module sa réactivité. Les deux fragments envisagés sont {métal} et {ensemble L6 des 6 ligands}. Après une présentation des orbitales des fragments seront d’abord présentés, avant d’aborder la construction des OM d’un complexe ML6 en se limitant dans un premier temps à des interactions σ entre orbitales. Les interactions π créées seront introduites dans un second chapitre.

Problématiques :

1. Comment sont les orbitales moléculaires des complexes octaédriques ?

2. Comment sont-elles peuplées ?

Rappeler à quelles conditions une interaction constructive (ou destructive) de deux orbitales de fragments est possible.

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Comment choisir les éléments de symétrie pertinents pour l’étude des symétries ?

1. Orbitales moléculaires du complexe MH6

1.1. Fragmentation et choix des axes Pour construire qualitativement le diagramme d’OM du complexe octaédrique MH6, la fragmentation envisagée est :

Fragment 1 : Centre métallique M

Fragment 2 : Ensemble des six ligands « H » disposés aux sommets de l’octaèdre.

=

Pour souci pratique de représentation des orbitales, l’édifice sera représenté de telle façon que les axes de liaison définissent un repère orthonomé direct (M,x,y,z) dont le centre métallique M est l’origine :

z

y

x

z

x y

Système d'axes choisi

Choisir les éléments de symétrie pertinents pour la discrimination des orbitales des fragments :

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1.2. Fragment 1 : Centre métallique Rappeler la configuration électronique de l’élément fer (Z = 26) à l’état fondamental. Quels sont ses électrons de valence ?

Configuration électronique des éléments du bloc d :

La configuration électronique de valence des éléments du bloc d est de la forme :

ns2 (n-1)dx np0

Quelles tendances générales peut-on tirer quant à l’énergie des OA pour les éléments du bloc d ?

1e série Sc Ti V Cr Mn Fe Co Ni Cu Zn

𝐸3𝑑(𝑒𝑉) -7,92 -9,22 -10,11 -10,74 -11,14 -11,65 -12,12 -12,92 -13,46 -17,29

𝐸4𝑠(𝑒𝑉) -6,60 -7,11 -7,32 -7,45 -7,83 -7,90 -8,09 -8,22 -8,42 -9,39

2e série Y Zr Nb Mo Tc Ru Rh Pd Ag Cd

𝐸4𝑑(𝑒𝑉) -6,48 -8,30 -8,85 -9,14 -9,25 -9,31 -9,45 -9,58 -12,77 -17,85

𝐸5𝑠(𝑒𝑉) -6,70 -7,31 -7,22 -7,24 -7,21 -7,12 -7,28 -7,43 -7,57 -8,99

3e série Lu Hf Ta W Re Os Ir Pt Au Hg

𝐸5𝑑(𝑒𝑉) -5,28 -6,13 -7,58 -8,76 -9,70 -10,00 -10,21 -10,37 -11,85 -15,58

𝐸6𝑠(𝑒𝑉) -7,04 -7,52 -8,45 -8,51 -8,76 -8,81 -8,83 -8,75 -9,22 -10,43

Rappeler les noms des 9 orbitales de valence apportées par le fragment métallique.

Procéder à l’analyse des symétries pour les orbitales du fragment métallique.

ns (n-1)dxy (n-1)dyz (n-1)dxz (n-1)dx²-y² (n-1)dz² npx npy npz

Plan (xy) S S A A S S S S A

Plan (yz) S A S A S S A S S

Plan (xz) S A A S S S S A S

Rotation (Mx) i m m

Rotation (My) i m m

Rotation (Mz) i m i

Résumé SSS-iii SAA ASA AAS SSS-mmm SSS-mmi SAS SSA ASS

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1.3. Fragment H6 Les OM du fragment H6 sont représentées ci-dessous :

Analyser les symétries des orbitales du fragment H6.

ϕ1 ϕ2 ϕ3 ϕ4 ϕ5 ϕ6

Plan (xy) S A S S S S

Plan (yz) S S A S S S

Plan (xz) S S S A S S

Rotation (Mx) i m m

Rotation (My) i m m

Rotation (Mz) i m i

Résumé SSS-iii ASS SAS SSA SSS-mmm SSS-mmi

1.4. Prévisions de quelques tendances 1ère idée : En se limitant au cas où chaque ligand n’établit qu’une liaison avec le centre métallique, prévoir le nombre d’OM :

2ème idée : Au vu des énergies des orbitales à combiner, les OM liantes et anti-liantes du complexe sont-elles polarisées ?

φ1 φ2 φ3 φ4 φ5 φ6

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Identifier le caractère liant ou anti-liant de l’interaction orbitalaire métal-ligands. Hachurer si besoin l’orbitale métallique.

1.5. Diagramme d’OM du complexe MH6

Compléter le diagramme en représentant les orbitales de fragment et rappelant leurs symétries.

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Représenter les orbitales du « bloc d » du complexe MH6 (rappel des symétries) :

« Bloc d » du complexe :

Groupe d’orbitales du complexe qui ressemblent le plus aux orbitales d du métal :

3 sont des orbitales d purement métalliques (non liantes, elles sont restées intactes)

2 sont des orbitales anti-liantes plus développées sur le métal que sur les ligands.

Remarque : La combinaison de groupes d’orbitales dégénérées conduit à des groupes d’OM dégénérées pour le complexe, d’où l’obtention de niveaux dégénérés dans le diagramme d’OM du complexe MH6.

2. Généralisation : OM des complexes ML6

2.1. Ligands σ-donneurs ? Le fragment H6 a permis une approche simplifiée puisque l’interaction de ses orbitales avec les orbitales métalliques étaient purement axiales (σ). Il faut maintenant élargir l’étude à des systèmes d’autres ligands. Classification des ligands σ ou π :

Ligand « σ » :

Ligand établissant une liaison avec M par un recouvrement axial avec les orbitales du métal.

Ligand « π » :

Ligand établissant une liaison avec M par un recouvrement latéral avec les orbitales du métal.

Remarque : La majorité des ligands classiques sont σ-donneurs (le terme donneur signifie qu’en se liant au centre métallique, ils accroissent la densité électronique sur le métal), mais des ligands importants pour la chimie organométallique comme le monoxyde de carbone CO ou les dérivés éthyléniques établissent des interactions π avec le centre métallique.

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2.2. Passage de H6 à L6 ?

Analogie L6-H6 :

Les orbitales du fragment L6 (avec L : ligand σ-donneur) sont analogues à celles du fragment H6. Il suffit de remplacer l’orbitale s de ligand H par l’orbitale appropriée du ligand L. Ces orbitales conservent les mêmes propriétés de symétrie que celles de H6.

Expl : Orbitale la plus liante des complexes ML6 et MH6.

2.3. Diagramme d’OM de ML6 En se limitant à des recouvrements σ, la similitude des propriétés de symétries des fragments implique que le diagramme d’OM1 d’un complexe ML6 est en tout point analogue à celui obtenu pour MH6.

1 Les notations « eg », « a1g », « t1u », etc… proviennent de la théorie des groupes qui est un outil puissant pour discriminer les orbitales de fragments et justifier les cas de dégénérescence. Cependant, cette théorie dépasse largement les limites du programme de CPGE d’où le choix d’une discrimination des orbitales par les propriétés de symétrie. Mais par souci pratique, les notations eg et t2g seront utilisées pour distinguer les deux niveaux d’énergie au sein du bloc d.

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2.4. Levée de dégénérescence partielle2 des orbitales d Dans les complexes octaédriques 𝑀𝐿6, certaines des orbitales du métal « anciennement d » ont changé d’énergie. Le bloc 𝒅 est désormais constitué de deux groupes d’OM : il y a eu levée de dégénérescence partielle des orbitales d :

Levée de dégénérescence des orbitales d :

L’écart énergétique entre les niveaux d’OM au sein du bloc d est appelé « delta o » Δo. Il dépend de la nature des ligands L.

Comment se souvenir des orbitales qui voient leur niveau d’énergie changer et de celles qui sont inchangées ? Commenter le schéma suivant.

Orbitales d

du métal

OM du ligand 2

OM du ligand 1

2 On parlerait de levée de dégénérescence totale si l’approche des ligands engendrait des énergies différentes pour les 5 OA d.

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Comment mesure-t-on expérimentalement la valeur de Δo ?

3. Configuration électronique de valence d’un complexe

La configuration électronique du bloc d (= mode d’occupation des OM du bloc d par les électrons) est responsable des propriétés optiques et magnétiques des complexes.

A partir des documents suivants, expliquer la différence d’occupation des niveaux du bloc d dans les deux complexes suivants.

Document 1 : Les complexes hexacyanoferrate(III) Fe(CN)63− et hexaaquafer(III) Fe(H2O)6

3+ ont des configurations électroniques à l’état fondamental différentes. Le schéma ci-dessous montre la répartition des électrons au sein du bloc d (les OM liantes pleines en-dessous de celles du bloc d n’ont pas été représentées).

o

'o

(t2g)5

Fe(CN)63-

(t2g)3 (eg)2

Fe(H2O)63+

t2g

eg

Document 2 :

Energie d’appariemment P : Energie nécessaire pour apparier deux électrons au sein d’une même orbitale.

Complexe à champ fort ou à champ faible : La comparaison de Δo et de l’énergie d’appariemment conditionne la nature du complexe.

Complexe à champ fort Δo > P

Complexe à champ faible Δo < P

Document 3 : L’occupation des niveaux du bloc d par les électrons tient compte de deux contraintes énergétiques :

Apparier deux électrons au sein d’une orbitale demande de l’énergie (car cela induit une répulsion entre électrons au sein de l’orbitale) ;

Promouvoir un électron du niveau inférieur t2g vers le niveau supérieur eg demande de l’énergie, mais l’état obtenu peut présenter une stabilisation d’origine quantique lorsque plusieurs spins sont parallèles (à l’origine de la règle de Hund : en cas de peuplement d’orbitales dégénérées, l’état le plus stable est celui de spin total le plus important).

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Etablir la configuration électronique à l’état fondamental en peuplant le bloc d avec le nombre d’électrons indiqués.

Occupation du bloc d : L’occupation du bloc d à l’état fondamental est obtenue en privilégiant le processus (appariement ou promotion d’électron) le moins coûteux en énergie.

Champ fort Champ faible

d3

d4

d6

d8

Pour quel nombre d’électrons les configurations « champ fort » et « champ faible » diffèrent-elles ? Pourquoi les complexes à champ fort sont-ils qualifiés de « complexes à bas spin » et ceux à champ faible de « haut spin » ?

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Remarque : En termes de stabilité, peupler le niveau supérieur eg revient à peupler des orbitales anti-liantes. Ceci déstabilise donc le complexe. Les ligands à champs forts donnent généralement des complexes plus stables en évitant le peuplement des orbitales anti-liantes eg.

Exercice d’application : Identifier le type de champ dans les complexes hexafluoroferrate(II) et hexacyanoferrate(II).

Données :

Energie d’appariement dans les complexes de l’ion Fe2+ : P = 2,4 eV.

Nombres d’onde des maxima d’absorbance (transitions entre niveaux du bloc d) : o [𝐹𝑒𝐹6]

4−: σmax = 7,0.103 cm-1 o [𝐹𝑒(𝐶𝑁)6]

4−: σmax = 31.103 cm-1