Michel Psellos

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MICHEL PSELLOS. Emile Renauld. Le dialogue qui a pour titre Τιμόθεος ἢ περὶ ἐνεργείας δαιμόνων[1] (De operatione Daemonum) est sans contredit un des ouvrages les plus instructifs et les mieux écrits qui soient sortis de la plume du polygraphe byzantin Michel Psellos. Publié pour la première fois en grec par Gilbert Gaulmin, en 1615, à Paris, avec une version latine de Pierre Moreau et des notes, il a été successivement réédité par Boissonade (édition critique avec notes, dans le recueil d'opuscules de Psellos intitulé Ψελλός. Michael Psellus. De operatione Daemonum dialogus, Nuremberg, 1838), et par Migne (réimp. de l'éd. Gaulmin, dans le tome CXXII de la Patrologie grecque-latine, Pans, 1864). Composé à la manière de Platon, ce dialogue offre ce double intérêt qu’il constitue, pour l'histoire ecclésiastique, un des documents les plus précieux sur l'hérésie des Euchites, [2] et, pour l’histoire littéraire, un des modèles les plus achevés de la langue byzantine.[3] Quels services une bonne traduction française de cet ouvrage ne rendrait-elle pas aux érudits ! Or, cette traduction existe. Mais, publiée en un volume depuis longtemps épuisé, elle est devenue introuvable en librairie, il n'en reste plus, à notre connaissance, que quelques exemplaires, dont l'un, par bonheur, figure à la Bibliothèque nationale, sous la cote R. 9. 524. C'est cette traduction que nous redonnons à la publicité.[4]

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MICHEL PSELLOS.Emile Renauld. Le dialogue qui a pour titre Τιμόθεος ἢ περὶ ἐνεργείας δαιμόνων[1] (De operatione Daemonum) est sans contredit un des ouvrages les plus instructifs et les mieux écrits qui soient sortis de la plume du polygraphe byzantin Michel Psellos.Publié pour la première fois en grec par Gilbert Gaulmin, en 1615, à Paris, avec une version latine de Pierre Moreau et des notes, il a été successivement réédité par Boissonade (édition critique avec notes, dans le recueil d'opuscules de Psellos intitulé Ψελλός. Michael Psellus. De operatione Daemonum dialogus, Nuremberg, 1838), et par Migne (réimp. de l'éd. Gaulmin, dans le tome CXXII de la Patrologie grecque-latine, Pans, 1864).Composé à la manière de Platon, ce dialogue offre ce double intérêt qu’il constitue, pour l'histoire ecclésiastique, un des documents les plus précieux sur l'hérésie des Euchites,[2] et, pour l’histoire littéraire, un des modèles les plus achevés de la langue byzantine.[3]

Transcript of Michel Psellos

MICHEL PSELLOS

MICHEL PSELLOS.

Emile Renauld.

Le dialogue qui a pour titre [1] (De operatione Daemonum) est sans contredit un des ouvrages les plus instructifs et les mieux crits qui soient sortis de la plume du polygraphe byzantin Michel Psellos.

Publi pour la premire fois en grec par Gilbert Gaulmin, en 1615, Paris, avec une version latine de Pierre Moreau et des notes, il a t successivement rdit par Boissonade (dition critique avec notes, dans le recueil d'opuscules de Psellos intitul . Michael Psellus. De operatione Daemonum dialogus, Nuremberg, 1838), et par Migne (rimp. de l'd. Gaulmin, dans le tome CXXII de la Patrologie grecque-latine, Pans, 1864).

Compos la manire de Platon, ce dialogue offre ce double intrt quil constitue, pour l'histoire ecclsiastique, un des documents les plus prcieux sur l'hrsie des Euchites,[2] et, pour lhistoire littraire, un des modles les plus achevs de la langue byzantine.[3]

Quels services une bonne traduction franaise de cet ouvrage ne rendrait-elle pas aux rudits !

Or, cette traduction existe. Mais, publie en un volume depuis longtemps puis, elle est devenue introuvable en librairie, il n'en reste plus, notre connaissance, que quelques exemplaires, dont l'un, par bonheur, figure la Bibliothque nationale, sous la cote R. 9. 524. C'est cette traduction que nous redonnons la publicit.[4]

Son auteur est un savant de la Renaissance, du nom de Pierre Moreau, celui-l mme qui, quelques annes plus tard, devait donner la version latine[5] utilise par Gaulmin (cf. Supra, et elle est date de lan 1573.)

Quel est ce Pierre Moreau ? Les renseignements que nous possdons sur sa personne sont des plus succincts. Traduit par Pierre Moreau, Touranio , est-il dit en frontispice. Le personnage ne nous est pas autrement connu.[6] Etait-il moine ou lac? Moine, peut-tre; en tout cas, bon catholique et bon hellniste,[7] qui entreprit son travail la demande du chanoine Jean de Saint-Andr, de la cathdrale de Paris, sans doute par devoir de religion, afin de fournir ses coreligionnaires un argument contre les protestants, alors accuss de malfices identiques ceux des Euchites, mais aussi, il est permis de le croire, par dilettantisme d'humaniste,[8] dsireux de populariser une uvre dont il gotait pleinement la finesse et le charme.

Toujours est-il qu'entre toutes les traductions d'ouvrages grecs dont la Renaissance nous a lgu le prcieux hritage, celle du de Psellos par Pierre Moreau se recommande d'une manire toute particulire l'attention.

Certes, elle n'est pas absolument irrprochable au point de vue de l'exactitude.[9] Une critique attentive y peut relever quelques contresens, d'ailleurs sans gravit et imputables, pour une part, des bvues typographiques.[10] Gnralement serre, prcise et complte,[11] elle prsente, dans la saveur de la langue du xvie sicle, une proprit de termes et une puret de langage qui tonnent et ravissent le lecteur. L'aisance du style, la grce et le naturel, la vivacit et la bonhomie de l'expression y ajoutent, comme chez Amyot, un charme inexprimable. Or la souplesse et la grce sont prcisment les qualits que le savant Psellos, ingnieux imitateur de Platon, s'est le plus attach rpandre dans son Dialogue. Mais Psellos aussi, ne l'oublions pas, ralise un des types les plus parfaits de ces crivains communment appels atticistes, que l'influence de la seconde sophistique tourna vers la prose d'art. Sduit par les artifices de ce style, le traducteur aurait-il, son tour, vis au pittoresque, l'inattendu? Aurait-il vu dans la redondance une forme ncessaire de la prcision? Le reproche le plus srieux que l'on puisse faire sa version serait d'avoir, dans un culte excessif de la joliesse du style, allong sa phrase d'pithtes[12] et de comparaisons[13] fort piquantes, la vrit, mais dont le charme, ne saurait faire oublier le caractre paraphrastique.[14] Ces rserves faites, il reste que la traduction de Pierre Moreau est d'une remarquable fidlit aux ides et au style de l'crivain grec, et que, pare d'lgance et de facilit, elle est de celles qui donnent avec le plus de bonheur l'impression de loriginalit.[15] Nous n'aurons pas perdu notre temps la rendre la lumire, si jamais elle incite le lecteur se reporter au texte mme de Psellos et savourer dans sa grce un peu apprte l'atticisme aimable du .

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Le volume a pour titre :

Trait par Dialogue de l'nergie ou opration des diables, traduit en Franais du Grec, de Michel Psellus pote et philosophe, prcepteur de l'empereur surnomm Parapinace ou Affam, environ l'an de grce 1050.

Avec les chapitres XXXIV et XXXVI du quatrime livre du Trsor de la foy Catholique, du vnrable Nictas de Colosses en Asie, squels sont dduits et confuts les principaux articles des Hrtiques, Manichiens, Euchites ou Enthusiastes,

par Pierre Moreau Touranio,

de la Bibliothque de M. de Saint-Andr,

Paris.

Chez Guillaume Chaudire, rue Saint-Jacques, l'enseigne du Temps et de l'Homme Sauvage.

Par Privilge du Roy.[16]

Le volume contient :

1. Une Prface du Livre de Michel Psellus, traitant des Oprations des Dmons, ddi trs entier et trs docte homme Jean de Saint-Andr, chanoine de l'Eglise cathdrale de Paris, mise en latin par F. Franois Feu-Ardent, Docteur thologien,[17] et faite Franaise par F. P. G., tous deux Cordeliers.[18]

2. Une Mtaphrase sur certains vers Grecs de l'interprte Latin et Franais du prsent dialogue de Psellus.

3. Une Fable des chapitres et contenu du prsent Dialogue.

4. Le Dialogue mme, ainsi prsent :

Traite par dialogue de l'Opration des Diables. Contre les Manichiens, Euchites, Enthusiastes et autres hrtiques dmoniaques. Traduit du grec de Michel Pselle, Pote et Philosophe grec.

Les personnages. Timothe, Moine. Et le Capitaine de Thrace, Inquisiteur de la foy.[19]

Chapitre I.[20] L'occasion de ce dialogue, prise d'aucuns hrtiques, nomms Euchites et Enthousiastes. Comment la connaissance de l'hrsie n'est moins profitable aux gens de bien, que les drogues vnneuses et mortelles aux Mdecins.

De l'opration des Diables.

Timothe. Y a longtemps y a, p1v[21] Monsieur le Capitaine de Thrace, que ne vntes Constantinople.

Le Capitaine de Thrace. Longtemps y a, Timothe, mon ami, d'autant que j'ai t absent de celle ville deux ans, et plus.

Tim. En quel lieu, je vous prie, et pour quelles faciendes,[22] avez-vous fait si long sjour ?

Le Cap. Pour satisfaire votre demande, serait requis un discours plus long que l'heure prsente ne permet. Car je serai forc de tistre[23] un aussi long narr,[24] qu'est l'apologue d'Alcin (comme on dit), s'il me convient discourir[25] toutes les p2r traverses qu'ai encourues et souffertes en la compagnie de certains forfantes[26] hrtiques, lesquels on appelle vulgairement Euchites et Enthousiastes. Avez-vous point ou parler d'eux?

Tim. J'entends bien qu'il y a certains apostats ennemis de Dieu, dtestables bon droit, lesquels hantent et connillent[27] au milieu d'entre nous, qui sommes, comme monnaie de Dieu, marqus du sacr caractre de prtrise. Mais quant est[28] des articles de leur hrsie, de leurs coutumes, lois et faons de vivre soit en faits on en dits, je n'ai encore pu en tre aucunement inform. Et vous prie me discourir[29] au long tout ce qu'en saurez, s'il vous plat tant me gratifier, qui p2v suis votre ancien compagnon et d'abondant[30] votre ami.

Le Cap. Je vous prie, Timothe, laissez-moi en paix. Car il faut ncessairement que le cerveau me vire[31] en la tte, si je veux raconter opinions tant excrables et uvres tant diaboliques. Et quant votre respect,[32] vous n'aurez grand acquit[33] our telles fadaises. Car si ainsi est, que la parole, comme dit Simonides, est l'image et le portrait des choses, de faon que celle-l est utile et profitable, laquelle on dit et profre de[34] choses utiles et importantes, et, au rebours aussi, celle qui n'est telle ne vaut rien : quel profit remporterez-vous, si j'ordis[35] et commence un si vilain p3r portrait de puantes et abominables paroles ?

Tim. Vritablement, Capitaine mon ami, le profit qu'en remporterai ne sera petit, puisque la connaissance des drogues vnneuses et mortelles n'est inutile aux mdecins, de peur qu'aucun[36] ne s'ahurte[37] quelqu'une d'icelles,[38] dont[39] il soit en danger, fin que je laisse[40] vous dire, qu'aucunes[41] d'icelles ne sont inutiles. Par quoi de ces deux choses-ci l'une nous adviendra : c'est que ou nous remporterons quelque profit de ce devis,[42] ou bien, s'il y a quelque chose qui bte[43] mal, nous nous en garderons.

Le Cap. Or sus donc, de par Dieu,[44] vous orrez[45] et entendrez, comme dit p3v le pote, des choses qui, bien que vritables, ne sont toutefois les plus agrables du monde. Que si en ce discours est faite mention de quelque acte sale et dshonnte, ne vous en fchez, et n'en jetez pas le blme sur moi, qui n'en suis que le truchement,[46] ains[47] comme de raison, sur les vilains pouacres,[48] qui font tels actes.

Chap. II. Comment lhrsie des Euchites ne diffre en rien de celle des Manichens, sinon en ce que ceux-ci n'tablissaient que deux principes ou commencements de toutes choses, et les Euchites en mettaient trois.

Cette maudite et malheureuse hrsie a eu ses prmices de p4r l'enrag Mans, chef des Manichens. Car d'icelui[49] comme d'une puante fontaine, ces malheureux Euchites ont dduit et extrait leur pluralit de principes ou commencements. Or ce maudit, damn Manichen a dit qu'il y a deux principes de toutes choses; qui sont contrecarrant[50] et opposant un Dieu l'autre : le crateur de vice et de mal, au crateur de tous biens; le prince de tous les pchs qui se font sur terre, au bon Prince des deux. Mais ces diables d'Euchites ont encore ajout de surcrot un tiers principe. Car ils disent qu'il y a un pre et deux p4v enfants, principes anciens et nouveaux. Ils attribuent au Pre celles choses seulement qui sont au-dessus de tout, le monde ; lenfant pun, les choses clestes, et l'an, le gouvernement des mondaines et temporelles. Ce que ne diffre en rien de la fable et fiction des potes paens, comme il appert par ce vers ennuyant,[51]

Tout cet univers fut en trois lots divis.

Or ces pouacres et pourris en leurs entendements, aprs avoir suppos, pour appui de leur hrsie, un soubassement si pourri, s'entraccordent seulement en cela, quant au reste, ils ont trois diverses opinions. D'autant que les uns adorent les deux enfants. Car p5r bien qu'ils soient, disent-ils, maintenant diffrents, si faut-il pourtant les adorer tous deux, comme ceux, qui, pour tre d'un mme pre issus, se pourront rallier l'avenir. Les autres adorent le pun, comme prince de la meilleure et souveraine partie, et ce, sans dshonorer l'an, de faon, toutefois, qu'ils se gardent de lui, comme de celui qui leur peut nuire. Les autres, qui sont les plus mchants d'entre eux, abandonnent entirement le cleste et croient tout seulement au terrestre Satanaki:[52] pour lequel honorer par les plus beaux noms et titres excellents, ils l'appellent le premier n tranger du pre et crateur mortel et pernicieux des p5v arbres, herbes, btes et autres corps composs; et pour lui faire encore plus grand honneur, hlas bon Dieu ! quantes[53] injures ils debaquent[54] contre le cleste ! Ils disent qu'il est envieux, et qu' grand tort il en veut son frre qui toutefois gouverne fort bien ce qui est sur la terre, et que, crev de dpit, il envoie les tremblements de terre, les grles et les famines. Pour laquelle cause, ils le maudissent en toutes sortes, voire de la plus grive[55] maldiction et aggrave[56] qu'ils sachent,

Chap. III. Pourquoi c'est, que les Euchites disent Satanaki p6r tre fils de Dieu, et que ledit Satanaki est lauteur de tous hrtiques, qui pour ce sont si aveugls en leur fait, qu'ils ne peuvent apercevoir qu'ils sont le jouet et passe-temps des diables,

Tim. Par quelle raison, Capitaine, se persuadent-ils qu'il faille croire et confesser que Satanaki soit fils de Dieu ? Vu que les divins oracles et prophties tmoignent en trois endroits des Saintes Ecritures, qu'il y a un seul fils; et que Saint Jean, qui reposa sur la poitrine du Sauveur, s'crie s[57] sacrs p6v Evangiles, parlant de Dieu Verbe Gloire, comme du Fils unique, provenant du Pre[58] . Quelle occasion les a donc pousss en si grave erreur?

Le Cap. Quelle autre, Timothe, sinon que le prince de mensonge, se vantant soi-mme en cette manire, abuse les esprits et entendements de ces grosses pcores?[59] Car celui qui se vante qu'il mettra son sige au-dessus des nues, et se jacte[60] qu'il sera semblable au Trs-Haut, et pour cette cause est tomb et devenu tnbres : celui-l mme s'apparaissant [61] ces pauvres abuss, se dit, tre le fils premier n de Dieu, et crateur de toutes choses qui sont sur la terre, et qu'il fait de tout ce qui est au monde selon son plaisir, et par p7r telle et tant subtile ruse, s'insinuant s curs de chacun d'entre eux, il trompe ainsi ces pauvres lourdauds et hbts, qui devraient plutt (considrant en eux-mmes que ce beau Satanaki est un vent et prince de mensonge), ils devraient, dis-je, se moquer et faire la nique ce gentil affronteur[62] et sducteur. Mais ils ne font ainsi : ains ils croient tout ce qu'il leur dit, et sont mens et l, comme bufs par le mouffle.[63] Dea,[64] si[65] pouvaient-ils en peu de temps dcouvrir ce beau meilleur, et vendeur de happelourdes.[66] Car sils lui eussent demand l'effet et excution de ces tant belles et mirifiques promesses, ils n'eussent chef de pice[67] trouv p7v autre chose de lui, sinon qu'il est semblable l'ne humain, vtu de la peau d'un lion, qui, ricanant au lieu de rugir, se ft lui-mme son cri dcouvert : mais ores,[68] comme aveugles et, sourds, et du tout[69] dpourvus de bon entendement, ne reconnaissent un seul crateur, par l'alliance et accord mutuel des choses qui sont, et n'oyent[70] ni entendent l'criture Sainte, qui dit et atteste cela mme, n'prouvent aussi au niveau de raison et ne considrent, que s'il y avait deux divers crateurs des choses qui sont, toutes les choses du monde ne seraient conjointes ni allies l'une l'autre en si bel ordre, harmonie et union. Qui plus est, les nes et les bufs, p8r comme dit le prophte Isae, n'ignorent point la crche, ni le matre ou pasteur qui les nourrit. Mais ceux-ci ont abandonn leur Seigneur, et ont choisi pour leur Dieu la plus vile et ignominieuse crature qui soit, de faon que, semblables aux petits moucherons, ils se brlent et grillent eux-mmes au feu, qui pi[71] est prpar leur Dieu, c'est--dire au diable Satanaki, et tous ses confrres apostats.

Chap. IV. Des ordures abominables qu'observaient les Euchites en certaines crmonies, o il fallait mler et dtremper de la matire fcale en leurs viandes et breuvages, auparavant, qu'en tter.

Tim. Or que gagnent-ils d'abjurer le service divin reu de leurs p8v pres, pour courir bride avalle[72] manifeste et indubitable ruine et perdition?

Le Cap. Je ne sais moi qu'ils gagnent;[73] je crois que rien. Car bien que les diables promettent donner or et argent, possessions et honneurs, et dignits entre les hommes, si[74] est-ce qu'ils ne les peuvent donner, vu qu'ils n'en ont rien en leur puissance : trop bien font-ils souvent apparatre leurs suppts et jurs je ne sais quels fantmes ou illusions et faux miracles, que ces forfantes maudits de Dieu appellent Theopties, c'est--dire visions p9r de Dieu, desquelles si quelques-uns veulent tre spectateurs, hlas, hlas! combien de vilenies, combien d'excrables abominations sont l faites! Car ils rprouvent et rejettent, comme forcens et enrags, toute doctrine que nous tenons pour bonne et catholique, et toute uvre de misricorde. Quoi plus? Ils abolissent sous le-pied les lois naturelles mmes. Et qui voudrait-il[75] voir par crit telles forfanteries[76] et abominations, je ne sache homme qui et le cur de les crire, n'tait un seul Archiloque confit en langage farci d'injures et excrations. Si pens-je toutefois, que si le vilain tait survivant, il rcuserait[77] crire et mentionner p9v orgies ou sacrifices tant excrables ou abominables, qui ne se font en lieu qui soit[78] entre Grecs ni Barbares. Car en quel lieu, je vous prie, en quel temps et de qui a l'on ouy[79] ni entendu que l'homme, qui est un animal vnrable et sacr, goutt d'aucun excrment, ni humide, ni sec? Ce qu' mon avis les cits les plus farouches et sauvages du monde n'oseraient attenter.[80] Et toutefois ces diables damns en gotent au commencement de leur abominable sabbat.

Tim. Pour quelle cause, mon capitaine?

Le Cap. Quant est de[81] leur excrable sacrifice, mon ami, je m'en rapporte ceux qui le font. Quant est de moi, bien que je m'en sois par plusieurs fois p10r enquis, si[82] est-ce toutefois, qu'ils ne m'Ont fait ni donn aucune rponse, sinon que les diables sont fort familiers et affables ceux qui participent la communion de tels gadouars.[83] Et en cet endroit ne me semblent avoir menti, bien qu'en tous autres ils ne sachent dire un mot de vrit. Car il n'y a morceau plus friand au got de ces esprits malins, que d'affaisser[84] et prcipiter en telle et tant puante abomination l'homme, auquel ils portent envie pour ce qu'ils le voient dcor et ennobli de l'image de Dieu. Voil l'effet et accomplissement de leur ignorante btise, lequel non seulement est commun aux chefs et auteurs principaux de leur hrsie, qu'ils p10v osent trop impunment appeler Aptres, ains aussi aux Euchites et aux Gnostes. Quant est de leur sacrifice mystique, Verbe de Dieu qui nous dlivres du mal, par quelles paroles le pourrait-on exprimer? De ma part, je vous jure par la sainte vergoigne,[85] que j'ai honte den dire et profrer un seul mot de ma langue. Et trs volontiers m'abstiendrais-je entirement.[86] Mais puisque, vous m'avez prvenu et anticip de prire, ami Timothe, et obtenu cela de moi, j'en parlerai quelque peu, laissant en l'arrire-boutique toutes les plus grandes et plus sales vilenies, de peur que je ne semble aussi vouloir, comme sur un chafaud,[87] jouer quelque p11r sanglante tragdie.

Chap. V. Discours du sacrifice mystique des Euchites, qui tait d'un enfant conu d'inceste, lequel ils faisaient brler, et dtrempaient les cendres avec son sang, auparavant retenu en certaines fioles.

Sur le soir, environ l'heure qu'on allume les cierges, lorsque nous clbrons la salutaire passion de Notre Seigneur Jsus-Christ, ils assemblent en quelque logis ce destin les jeunes filles instruites en leur catchisme, puis teignent les chandelles, de peur que la lumire ne soit tmoin de leur abomination, et alors se jettent lubriquement sur les filles, quiconque soit celle qui p11v premire tombe s mains d'un chacun d'entre eux, soit-elle sa sur, soit-elle sa fille. Car il leur est avis qu'en cela il font chose trs agrable et plaisante aux diables, s'ils transgressent les lois et ordonnances de Dieu, par lesquelles tous mariages de consanguinit sont dfendus. et lors ce beau sacrifice parachev, ils se retirent chacun chez soi, et aprs avoir attendu le terme ordinaire de neuf mois, tant chu le temps d'enfanter ces enfants excrables conus de tant excrable semence, ils se rassemblent au mme lieu. Puis le quatrime jour aprs l'enfantement, ils vous arrachent ces misrables d'entre les bras de leurs mres, puis incisant et p12r scarifiant[88] tout autour ces petits tendrons[89] avec rasoirs bien affils, ils reoivent en certaines fioles on boucalz[90] le sang qui en dgoutte et ruisselle de toutes parts : cela fait, jettent au feu ces pauvrets encore pantelants et haletants, et l les font brler et consumer. Puis ils dtrempent les cendres avec le sang contenu et rserves[91] dites fioles, et ainsi ptrissent et composent je ne sais quelle abominable drogue de laquelle par aprs celement[92] ils souillent et honnissent[93] leurs viandes et breuvages, comme ceux qui mixtionnent le poison avec le mlicrat[94] ou quelque autre breuvage doux, comme hypocras, puis participent tous ensemble ce banquet p12v diabolique, tant eux que tous autres enfarins et ensorcels de mme eux,[95] et qui ne prennent garde au boucon[96] cach sous cette amorce.

Tim. Que veulent-ils dire par cette corruption tant abominable ?

Le Cap. Ils se persuadent, cher ami, que par ce moyen les marques divines qui sont imprimes en nos mes se perdent et s'effacent. Car tant que lesdites marques restent entires en nos mes, comme, panonaux[97] royaux, fichs et attachs en quelque logis, cette nation diabolique tremble toute de peur, et se dpart.[98] Or donc afin que les diables se puissent camper en leurs mes, les pauvres fols par telles abominations ne font p13r conscience de[99] chasser ces marques divines et faire un change. Dieu sait quel : et ne veulent seuls acqurir ce malheur; ains[100] pour en attirer d'autres malaviss au mme pige, ces malheureux damns lchent sduire les gens de bien et fermes catholiques,[101] et secrtement les festoient[102] de ces merveilleuses viandes, leur prparant un tel banquet que fit Tanlalus, alors qu'il occit et fit rtir Plops son propre enfant, afin de festoyer Jupiter et autres dieux.

Chap. VI. Comment les hrtiques sont avant-coureurs de p13v lAntchrist, avec une qurimonie[103] ou complainte du[104] mpris et anantissement des bonnes lettres et bonnes murs, qui ouvre la fentre et donne occasion tout vice et mchancet.

Tim. Bah! Capitaine mon ami, c'est cela mme que jadis mon bon aeul paternel me prdisait. Car icelui[105] tant quelquefois[106] tout fch et mlancolique[107] dont[108] toutes bonnes choses, et principalement les arts libraux et lettres humaines, s'en allaient en dcadence, je lui demandai lors s'il serait p14r point possible les remettre sus[109] quelque jour, et y tudier plus qu'auparavant. Alors ce bon vieillard, et qui par la vivacit de son esprit prvoyait plusieurs choses venir, me mit tout bellement la main sur la tte, puis jetant un grand soupir : Mon cher enfant, dit-il, mon mignon, pensez-vous que l'tude des lettres ni autre bonne chose puisse tre en vogue dornavant? Le temps s'approche fort, o les hommes vivront plus bestialement que les btes mmes. Car le rgne de l'Antchrist est dj nos portes, et faut que pour avant-coureurs plusieurs maux prcdent son avnement, comme mchantes et abominables hrsies, et lesquels maux ne seront gure moindres que ceux p14v lesquels jadis on faisait aux Bacchanales, et ceux desquels les Grecs ont fait et compos maintes Tragdies, comme d'un Saturne, ou Thyeste, ou Tantale, qui tue ses propres enfants, un dipe, qui connat charnellement sa mre, et un Cinyras sa fille. Certainement ces excrables malheurs prendront pied et auront cours en notre Rpublique. Mais avisez-y, mon enfant, et vous gardez bien! Car vous savez, vous savez, dis-je, bien, que non seulement le rude et ignare populace,[110] mais aussi plusieurs hommes doctes adhreront telles mchancets. Voil ce que mon bon aeul me prdisait, et depuis ce temps-l jusques maintenant, p15r quand je rduis mmoire[111] les propos qu'il me tenait, je ne puis n'admirer[112] ce que me dites prsentement.

Le Cap. C'est bien raison que vous vous en merveilliez, Timothe. Car bien que s[113] Hyperbores ou pays de Septentrion y ait plusieurs farouches nations, et plusieurs, comme on lit aux histoires, aient t s plagues[114] de Libye et de ses Syrtes, toutefois vous ne trouverez point qu'il y ait eu aucune telle mchancet ni s[115] peuples susdits, ni s Celtes ou Gaulois, ni en toutes les plus tranges et barbares nations voisines et limitrophes de la Grande Bretagne.[116]

Chap. VII. Comment les diables ont des corps aussi bien que les p15v Anges, et que pour cette cause ils apparaissent aux yeux corporels.

Tim. Vritablement, Capitaine, c'est un grand malheur, si telle abomination a pris pied en notre Empire: toutefois laissez-l tels malheureux prir malheureusement en leurs mchancets. Quant moi, longtemps y a, que touchant les diables un doute et merveilleux scrupule me ronge et tourmente le cerveau, pour plusieurs autres points, et principalement savoir-mon[117] si les diables p16r apparaissent visiblement ces malheureux.

Le Cap. Et dea, mon ami, tout leur dessein, leur assemble, leur sacrifice et crmonie ne tendent autre fin. Ils s'abandonnent toute abomination, ce qu'ils puissent acconsuyvre[118] telles apparitions.

Tim. Puisque les diables n'ont aucun corps, comment est-il possible qu'ils s'apparaissent[119] aux yeux extrieurs ou corporels?

Le Cap. Ha, mon bon ami, cette lgion diabolique n'est pas sans corps: elle en a indubitablement, et hante les corps, comme on peut apprendre par la lecture mme de nos Docteurs et Pres vnrables, si on lit diligemment leurs crits. Et peut-on entendre p16v plusieurs soi disant avoir eu telles apparitions en corps.[120] Mme Saint Basile spectateur d'essences invisibles, et nous inconnues, soutient fort et ferme que non seulement les diables, mais aussi les saints Anges de Dieu ont des corps, qui sont lgers, subtils, et simples comme esprits. Et pour tmoin de son dire produit le paragon[121] des Prophtes David, qui parlant de Dieu dit ainsi : Lequel fait des esprits ses Anges et ses ministres flamboyants. Et faut ncessairement qu'ainsi soit. Car les ministres et esprits envoys en leur charge et gouvernement, comme dmontre Saint Paul, avaient besoin de quelque corps, fin de se mouvoir, arrter et p17r apparatre. Car ces choses ne sont point possibles autrement, ains elles se font au moyen de quelque corps.[122]

Tim. Comment donc est-ce qu'en plusieurs lieux de l'criture ils sont louanges et clbrs comme incorporels?

Le Cap. La coutume de nos auteurs, tant sacrs que profanes, voire tous les plus anciens, est appeler corporels les corps plus gros et massifs; mais celui qui est si subtil, qu'on ne peut voir ni toucher, non seulement nos docteurs, mais aussi plusieurs philosophes ethniques[123] et paens l'appellent incorporel.

Chap. VIII. Quelle diffrence il y a entre le corps d'un diable p17v et celui d'un Ange, et incidemment entre la clart d'un Ange et celle du soleil,

Tim. Mais quoi? Ce corps anglique est-il semblable au diabolique ?

Le Cap. Ah, ne dites pas ainsi, car il y a bien diffrence : d'autant que, pour la cliquante[124] et merveilleuse clart qui sort du corps anglique, il n'est possible que les yeux corporels le puissent supporter. Quant au diabolique, s'il fut tel jadis, je ne sais qu'en dire. Si[125] semble-t-il que oui, d'autant que Isae appelle celui qui fut prcipit des cieux p18r Lucifer, c'est--dire clair et luisant, qui quant maintenant est tnbreux, obscur et pouvantable aux yeux, comme dnu de lumire, sa pristine[126] compagne. L'anglique d'abondant[127] est totalement immatriel, et par ce[128] est-il toujours solide, et qui aisment entre et, passe par tout, et est moins patible[129] que le rayon de soleil. Car cestuy,[130] bien qu'il pntre les corps diaphanes ou transparents, si[131] perd-il nanmoins sa fore l'ahurt[132] et rencontre de quelques corps terrestres et sombres, de faon qu'il rebouche,[133] comme celui qui est matriel. Mais quant l'anglique, nulle des choses que dessus[134] ne le peut empcher, comme n'ayant aucune antithse ou contrarit p18v icelles,[135] et n'tant aussi de leur calibre.[136] Au contraire les corps diaboliques, bien que pour leur subtilit ils soient invisibles, si est-ce toutefois qu'ils sont matriels et patibles aucunement.[137] Et mme tous ceux qui se tapissent s entrailles de la terre. Car ceux-l sont de si grosse pte, qu'on les peut attoucher,[138] et si on les frappe, ils se deulent,[139] et s'ils s'approchent trop prs du feu, ils se brlent, de faon qu'aucuns[140] d'entre eux y laissent de la cendre. Ce que lisons par les histoires tre advenu s lieux circonvoisins de l'Italie.

Tim. En vieillissant, comme on dit. Capitaine, j'apprends toujours quelque chose de nouveau, comme j'apprends maintenant que p19r certains diables sont corporels et patibles.[141]

Le Cap. Ce n'est rien de nouveau, mon ami, si, puisque sommes hommes, comme dit l'autre, nous ignorons plusieurs choses. Car il nous doit suffire, si voire[142] en vieillesse nous pouvons tre sages. Au surplus, sachez que je n'ai controuv[143] ces choses, ni forg mensonges prodigieux, la mode des Candiots ou Phniciens : ains les ai apprises des propres paroles de Notre Sauveur Jsus-Christ, qui dit que les diables seront punis par feu. Or comment serait-il possible qu'ils endurassent le feu, s'ils taient sans corps? Car il ne se peut faire en faon qui soit,[144] qu'une chose qui est sans corps souffre d'un p19v corps. Il faut donc conclure ncessairement qu'ils sont punis et tourments en corps patibles. J'en sais encore plusieurs autres preuves, qu'ai entendues de ceux qui se sont vous et adonns telles apparitions de diables. Car quant est de moi,[145] je n'en ai encore rien vu : et j ne plaise Dieu, que je voie en face ces diables tant hideux.

Chap. IX. Quels diables sont sujets passions et affections, et quel est leur sperme et nourriture.

Or me suis-je trouv, quelquefois[146] avec un moine, en la Chersonse de Msopotamie, lequel aprs avoir t p20r spectateur et conjurateur des fantmes diaboliques, autant ou plus expert en cela que nul autre, depuis il les a mpriss et abjurs comme vains et frivoles, et en ayant fait amende honorable, s'est retir au giron de l'Eglise, et a fait profession de notre foi, seule vraie et catholique : laquelle il a soigneusement apprise de moi. Ce moine donc me dit alors et dchira plusieurs choses absurdes et diaboliques. Et de fait, m'tant quelquefois enquis de lui, s'il y a quelques diables patibles: Oui vraiment, dit-il, comme on dit aussi qu'aucuns[147] d'iceux[148] jettent semence, et engendrent d'icelle[149] des verms.[150] Si[151] est-ce chose incroyable, lui dis-je lors, que les diables p20v aient aucuns excrments, ni membres spermatiques, ni vitaux. Vrai est, rpondit-il, qu'ils n'ont tels membres; si est-ce toutefois qu'ils jettent hors je ne sais quel excrment et superfluit. Croyez hardiment ce que je vous en dis. Dea,[152] lui dis-je alors, il y aurait danger qu'ils fussent aliments et nourris de mme nous.[153] Ils sont nourris, rpondit frre Marc, les uns d'inspiration, comme l'esprit qui est aux artres et nerfs, les autres d'humidit; mais non par la bouche, comme nous, ains[154] comme ponges et hutres attirent soi l'humidit adjacente extrieurement. Puis jettent hors cette latente[155] et secrte semence. A quoi ils ne sont tous sujets, p21r ains seulement les diables qui sont enclins quelque matire, savoir est, ou[156] celui qui hait la lumire, le tnbreux, l'aquatique, et tous souterrains .

Chap. X. Comment l'air, la terre, l'eau, bref tout ce monde bas est tout plein de diables,

Y a-t-il donc, frre Marc, mon ami, lui dis-je derechef, y a-t-il beaucoup d'espces de diables? Oui, beaucoup, rpondit-il, et qui ont toutes les manires du monde, et de forme, et de corps, tellement que l'air est plein d'iceux, tant la haute rgion qui est au-dessus de nous, que celle basse qui nous p21v attouche.[157] La terre aussi et la mer en sont pleines, et tous les plus bas et profonds lieux souterrains. - Or si ce discours ne vous fche, lui dis-je, il vous les faut tous compter et particulariser sur le doigt l'un aprs l'autre. Vrai est. dit-il, que je ne prends plaisir ramentevoir[158] telles choses qu'ai une fois en ma vie abjures et rejetes au loin ; toutefois, puisque ainsi est que me le commandez, il n'y faut reculer. Ces mots finis, il dnombra par le menu plusieurs espces de diables, ajoutant leurs noms, formes, et lieux squels[159] ils frquentent.

Tim. - Qui donc vous empche, mon Capitaine de les discourir ![160]

Le Cap. - Je ne retins p22r pas mot mot son narr,[161] cher ami, et ne me souvient point de tout ce qui fut lors particularis[162] en ce discours. Car quel profit, je vous prie, euss-je pu remporter, si j'eusse t curieux de savoir les noms de tous les diables, et en quels lieux chacun d'iceux[163] hante le plus? et quelle confrence[164] ou diffrence y a des uns aux autres? Pour cette cause, ai-je laiss telles vanits, qui m'taient entres par une oreille, sortir par l'autre. Trop bien de tant long discours ai-je retenu quelque peu, duquel si vous voulez tre inform, ne vous souciez que de demander, si ainsi vous plat, et on vous rpondra.

Chap. XI. Des trois sortes de triangles, et adaptation de l'isopleure p22v aux Dieux;, de lisocle aux humains, et du scalne aux diables. Item, de six principales espces de diables, savoir est de feu, d'air, terre, eau, souterrains, et tnbreux.

Tim. Or tout premirement je veux savoir de vous combien il y a de sortes et manires de diables

Le Cap. Mon moine frre Marc me disait qu'en gnral y avait six manires de diables ; je ne sais pas s'il en faisait telle division cause des lieux ou ils frquentent, ou parce que toute manire p23r de diables aime fort les corps. Or disait-il que cette sixaine de diables tait corporelle, et frquentait au monde. Car en icelle[165] sont toutes les circonstances corporelles, et a le monde par icelle t bti et form ; joint que[166] le premier nombre est ce triangle scalne, ou oblique, traversain et ingal.[167] D'autant[168] que tous esprits divins et clestes se rapportaient [169] l'isopleure ou quilatral, comme tant gaux entre eux-mmes, et qui malaisment se tournaient vice. Item, que les humains taient conformes l'isocle, comme ceux qui l'aillaient en leurs opinions, puis par le moyen de repentance[170] s'amlioraient et rduisaient.[171] D'abondant,[172] que tous les diables p23v appartenaient au scalne pour tre ingaux, et n'avoir aucune accointance ou alliance avec le bien. Soit donc que tel en ft son avis, soit que autre, si est-ce que[173] par son dnombrement il comptait six espces de diables. Desquelles la premire est celle qu'il appelait leliuirion en son patois barbaresque, lequel nom signifie en grec , c'est--dire du feu. Cette espce panade[174] et voltige et l par la haute rgion de l'air. Car tous les diables, comme profanes et maudits excommunis, ont t chasss et bannis des lieux circonvoisins la lune, comme d'un certain temple saint. La seconde espce est celle qui vague[175] et ravage[176] par la basse rgion de l'air qui p24r nous attouche,[177] laquelle pour cette cause plusieurs, comme par un nom propre et pculier,[178] appellent arienne. La tierce subsquente est la terrestre. La quatrime est l'aquatique ou marine. La cinquime est la souterraine. La sixime et dernire est la tnbreuse, et insensible. Il disait d'abondant que toutes ces espces de diables hassent Dieu et mnent guerre aux hommes, toutefois que les uns taient pires que les autres. Car l'aquatique, le souterrain et le tnbreux sont extrmement mchants diables et pernicieux, d'autant que, disait-il, ils ne tentent pas les mes par fantaisies ou illusions, ains se ruent et jettent dessus les hommes, ainsi que p24v font btes farouches et cruelles, et par ce moyen avancent la mort des pauvres humains, pour ce que l'aquatique touffe ceux qui vaguent sur les eaux, ou font largue[179] sur mer. Le souterrain et tnbreux pntrent jusques aux entrailles, si on leur permet, et on ne leur bouche le passage : et ainsi possdent, tranglent, et rendent pileptiques et insenss, c'est--dire tourmentent du mal caduc et de frnsie tous ceux qu'ils rencontrent et abordent. Quant aux ariens et terrestres, iceux[180] par merveilleuse finesse et subtilit s'insinuent aux esprits des humains, et les doivent et attirent normes et abominables affections.

Chap. XII. Ruse et subtilit des diables tenter et dcevoir les p25r humains. Et quelle manire de gens sont plus enclins et sujets aux tentations de la chair.

Mais comment, lui dis-je lors, et par quel moyen font-ils tels ravages? Est-ce point pour avoir puissance et domination sur nous? et que pour cette cause ils nous mnent et tracassent que que l,[181] comme pauvres esclaves et forats? Ce n'est point qu'ils aient puissance sur nous, rpondit frre Marc, ains fin de nous faire assouvenir du pass. Car d'autant qu'ils sont esprits, ils s'accostent de[182]nos esprits fantasques,[183] o ils souillent comme en p25v l'oreille mille propos, pour nous exciter et espoinonner[184] plaisirs sensuels et volupts dsordonnes. Non que pour cet effet ils prononcent leurs paroles avec aucun son ni bruit qu'on oye[185] extrieurement; ains ils parlent leur mode sans aucun bruit.[186] Il n'y a point de doute en cela, dit-il, si vous prenez garde ceci que vous dirai. De quant[187] plus loin est celui qui parle, de tant plus haute et clatante voix lui convient s'crier;[188] mais s'il est prs de celui auquel il veut parler, alors il lui parle tout bas en l'oreille. Que si possible lui tait s'approcher et aborder de plus prs l'esprit de son me, il ne lui faudrait j faire aucun bruit, ains son plaisir[189] sa parole par je ne sais quelle secrte voix et non bruyante s'approcherait de l'esprit de son auditeur, ce qu'on dit tre coutumier aux mes, aprs qu'elles sont issues des corps. Car on dit qu'elles parlementent[190] ensemble, sans faire aucun bruit. Au semblable,[191] les diables s'approchent en tapinois de nos esprits, et de faon que nous ne sentons ni avisons[192] de quelle-part on nous fait guerre. Et ne faut j que vous fassiez aucun doute en cela, si vous avisez ce qui se fait ordinairement en l'air. Car tout ainsi qu'icelui,[193] lorsque le soleil luit, conoit en soi mille et mille couleurs et semblantes, qu'il impertit[194] aux corps propres et idoines[195] les recevoir, comme nous pouvons voir et p26v exprimenter s[196] miroirs, ainsi est-il des diables, qui transmettent et empeignent[197] en nos esprits animaux telles figaires, couleurs et semblances[198] que bon leur semble, et par ce moyen nous brassent une infinit d'affaires, en nous subornant par faux conseil, nous faisant montre de mille et mille beauts, nous rallumant le souvenir de mille volupts, nous espoinonnant[199] d'heure autre cent mille idoles[200] de plaisirs dsordonns, soit que veillions, soit que dormions, et quelquefois nous amignardant[201] et chatouillant au-dessous du ventre, ou mettent si bien le feu aux toupes, qu'ils y embrasent une rage d'amours abominables : et lors mmement[202] qu'en p27r nous ils trouvent quelques allumettes pour allumer leur damnable feu de sensualit, savoir est quelques chaudes humeurs, qui puissent leur consentir[203] et aider parfournir[204] leur tentation. Or voil comment telle manire de diables, ayant larmet d'enfer en tte, troublent et tabustent[205] nos mes par un merveilleux artifice et ruse sophistique. Quant aux autres espces de diables, combien qu'ils[206] n'aient aucune finesse ni subtilit en eux, si[207] sont-ils fcheux toutefois et fort dangereux, et n'est la plaie qu'ils font moins dommageable que celle de l'esprit charonien.[208] Car tout ainsi que cet esprit-l gte et corrompt, comme on dit, tout ce qu'il attouche,[209] soit p27v bte brute, soit homme, soit oiseau, tout de mme ces diables de malencontre[210] sont merveilleusement offensifs, sur qui ce soit[211] ils jettent leurs griffes, car ils mordent et mutinent[212] en eux et corps et mes, et pervertissent toutes leurs facults naturelles, quelquefois aussi dtruisent les pauvres cratures par feu et par eau, les brlant et noyant, et prcipitant de haut en bas, non seulement les hommes, mois aussi certaines btes brutes.

Ch. XIII. Pourquoi les diables souterrains se ruent aussi bien sur p28r les pourceaux et autres btes, que sur les hommes. Et comment le diable tnbreux est le plus lourd et pesant de tous, et cette cause dit sourd et muet.

Tim. Que veulent-ils dire de se ruer et jeter aussi sur les btes brutes? Car nous voyons par les Saintes Lettres que cela advint aux pourceaux prs de Gergse. Or puisqu'ils sont ennemis capitaux des pauvres humains, ce n'est de merveille[213] dont ils les vexent[214] et tourmentent; mais de se ruer aussi sur p28v btes brutes, quelle raison y peut-ilavoir?

Le Cap. Frre Marc disait cela, que ce n'tait pour haine, ne pour apptit[215] de nuire, qu'ils se ruent et embatent[216] sur certaines btes brutes, ains[217] pour ce qu'ils apptent[218] la chaleur bestiale. Car d'autant qu'ils habitent s[219] plus profonds lieux de la terre, qui sont extrmement froids et secs, cette cause[220] ils accueillent[221] de l telle froideur et frisson, dont ils restent si gels et transis, qu'ils apptent fort cette chaleur tide et humide, qu'on voit s btes, et fin qu'ils puissent jouir d'icelle leur gr, ils se jettent aussi sur btes brutes, et hantent les bains, et les fosses des morts : car ils fuient la chaleur p29r du soleil, pour ce qu'elle brle et assche. Mais quant celle des btes, comme modrment humide, ils y prennent grand plaisir, et mme[222] celle des hommes, d'autant qu'elle est aussi modre et attrempe:[223] squels[224] tant entrs, font un terrible ravage, aprs qu'au pralable sont remplis les porcs et conduits squels est le sige de l'esprit animal des pauvres humains, et par ainsi[225] est ledit esprit restreint et resserr par la masse et paisseur de leurs corps. Dont il advient[226] que leurs dits corps sont merveilleusement branls et tourments, et les principales facults de leur vie, mme celles o gt le sige de la raison, offenses et outrages, de p29v faon que leurs mouvements deviennent tous tourdis et fautiers.[227] Que si le diable, qui a saisi aucun,[228] est du nombre des souterrains il branle, tabuste[229] et drompt[230] tout le pauvre patient, et parle par sa bouche, se servant de son esprit comme d'un certain sien organe et instrument musical. Que si c'est un des tnbreux qui s'y soit secrtement et comme par embuscade insinu, alors il relche et assegraise[231] bouche et toupe[232] le conduit de la voix et parole, et rend tout le patient semblable un mort. Car cette, espce de diables, comme[233] la dernire et plus basse de toutes, est plus terrestre et pesante, voire froide et sche p30r extrmement, et qui que ce soit que tel diable ait secrtement envahi, il hbte[234] et amortit en icelui[235] toute vertu animale. Et pour ce qu'il est le plus brutal et grossier de tous, priv de toute spculation intellective et guid d'une fantaisie[236] brutale seulement, comme sont les btes plus lourdes et grossires d'entendement, auxquelles on ne saurait rien apprendre, cette cause[237] il ne craint les menaces, et pour celte cause plusieurs bonne raison rappellent muet[238] et sourd. Et n'est possible qu'aucun de lui possd, en puisse tre aucunement dlivr, si ce n'est par la puissance divine, moyennant l'oraison et le jeune.

Chap. XIV. Contre les mdecins, qui estiment que le mal de ceux p30v qui sont possds du diable procde de quelques humeurs corrompues, et par ainsi qu'on y peut remdier, comme au ltharge,[239] frnsie et autres semblables maladies.

Mais, frre Marc, lui dis-je lors, les mdecins nous veulent faire accroire d'autres je ne sais quelles raisons, disant que les diables ne sont auteurs de tels tourments, ains[240] la mauvaise disposition des humeurs, des jointures et des esprits vitaux, dont ils tchent gurir tels maux par certaines drogues et dites, et non par charmes ou enchantements. Car ce n'est de p31r merveille,[241] rpondit frre Marc, si les mdecins disent cela, vu qu'ils ne connaissent rien, sinon ce qui est sensible, ains avisent[242] et ont gard seulement aux corps. Quant au reste, ils auraient trs juste occasion d'estimer que ces maux ici[243] procdent d'humeurs vicies et corrompues, savoir est lthargies, mlancolies[244] et frnsies, lesquelles ils gurissent par extractions ou vacuations de superfluits, ou par rpltions[245] de dfectuosits. Mais quant aux enthousiasmes ou folles divinations, rages et esprits immondes, squels[246] le pauvre patient ne peut rien faire, cessant et dfaillant en lui tout usage et entendement et raison de fantaisie[247] et sentiment (ains est autre chose p31v qui le remue et dmne,[248] et dit des choses inconnues au pauvre patient, et parfois prdit quelques choses venir), comment sera-t-il donc possible dire que telles maladies et tourments soient mouvements de matire ou humeur corrompue?[249] .

Chap. XV. Que le seul remde de ce mal est la puissance divine, comme il appert par plusieurs exemples pris des Saintes Ecritures. Avec un discours de ce qui advint d'un prdicant enchanteur Euchite qu'on menait prisonnier d'Elason Constantinople.

Tim. Quoi donc? Capitaine, croyez-vous en cela frre Marc? p32r

Le Cap. Oui vritablement, Timothe. Pourquoi non? rduisant mmoire[250] ce que les Saints vangiles racontent des dmoniaques, et ce qui advint en la personne de cet homme Corinthien par le commandement de Saint Paul, et tant de miracles desquels les Saints Pres font mention en leurs crits, et en outre ce que moi-mme vis et ous en la ville d'Elason. Car en icelle un quidam possd de je ne sais quel diable prdisait plusieurs choses la mode des oracles d'Apollon Delphique, et comme en passant prophtisa maintes p32v choses de moi, d'autant qu'un certain jour aprs avoir assembl la compagnie de ceux qu'il avait enfarins et ensorcels de sa fausse doctrine, il leur ft telle remontrance[251] que s'ensuit.

Sachez, mes frres, sachez qu'on doit envoyer un quidam contre nous, qui perscutera tout le fait de notre religion, et enverra nos catchismes et institutions au grat.[252] Ce malheureux me prendra au corps avec plusieurs autres; toutefois, lorsqu'il me voudra mener toute force li et garrott Constantinople, il ne le pourra faire, combien[253] qu'il y emploie toutes ses forces.

Voil que prdisait ce gentil prdicant, lorsqu' peine avais-je p33r pass les faubourgs de Constantinople. Or disait-il pour enseignes[254] de quel port et taille j'tais, quel vtement j'avais, et quelle tait ma vocation,[255] ainsi que me rapportaient plusieurs venant de celle part.[256] A chef de pice,[257] lui ayant mis la main sur le collet, je lui demandai qui lui avait appris l'art de divination, Or bien que de prime face il rcust[258] rvler le secret de l'cole, toutefois contraint par la ncessit Laconique, c'est la question,[259] il confessa la vrit. Car il se dit avoir appris ces uvres diaboliques d'un certain coureur ou vagabond Africain, qui m'ayant men de nuit, dit-il, sur une montagne, et command manger de certaine p33v herbe, crach en ma bouche et frott de je ne sais quelle drogue mes deux yeux tout l'entour, me fit spectateur d'une grande troupe de diables, d'entre lesquels je sentis comme un corbeau, qui vola sur moi et m'entra au corps par la bouche. Depuis ce temps-l jusqu'aujourd'hui je me mle de deviner toute chose qui soit, et quantefois[260] il plat celui qui me possde. Car environ les[261] jours de la Passion et de la vnrable Rsurrection, mon beau protocole[262] ne me veut rien dire, combien que[263] j'y aie fort grande affection.[264]

Voila que[265] nous dit ce gentil affronteur;[266] lors un de mes gens l'ayant frapp sur le museau, il lui dit : Bientt au lieu de ce coup icy[267] tu en p34r recevras plusieurs; et toi (me dit-il se tournant vers moi tu endureras en ton corps grandes et terribles calamits.[268] Car les diables sont fort indigns contre toi, parce que tu as aboli toutes leurs crmonies. Ha, ils te brasseront mille fcheuses entorses et encombriers,[269] lesquels tu ne pourras chapper, si quelque puissance souveraine, et qui puisse plus que les diables, ne te dlivre et te garantit de leurs pattes. Voil ce que me prdit ce mchant garnement, comme s'il eut t sur le sacr tripode[270] d'Apollo. Car tout ce qu'il avait dit advint et sortit son effet, et fus presque accabl d'une infinit de dangers qui me survinrent de tous p34v lesquels Votre Sauveur Jsus-Christ, outre mon attente et opinion[271] me dlivra. Qui sera donc celui, qui ayant vu ce bel oracle forg et controuv[272] la suggestion des diables, souillant s oreilles de leurs suppts, comme en tuyaux d'orgues, dira dornavant et maintiendra que toute espce de rage et folie sont mouvements de matire corrompue, et non plutt tragiques affections, et ravages de diables?

Chap. XVI. Autre discours dun enchanteur Armnien, qui conjura et coups dpe, chassa le diable qui tait en forme de femme entr au corps dune accouche Grecque, qui parlait Armnien, bien que ne let jamais appris.

Tim. Ce n'est de merveille,[273] mon Capitaine, si les mdecins p35r ont telle opinion, lesquels n'ont rien vu de mme. Car j'tais bien au commencement de leur avis, jusques ce que par cas fortuit ai t spectateur d'un terrible et fort trange spectacle, lequel ne sera hors propos vous raconter prsentement. Or ne vous en mentirai-je d'un seul mot, car autrement je dmentirais cette mienne vieillesse, en laquelle je me suis revtu de ce froc que voyez.

J'avais un frre an, qui tait mari une femme de bien quant au reste, toutefois ne pouvait enfanter qu' bien grande peine, et p35v [274] sans encourir une infinit de maladies. Icelle[275] tant quelquefois[276] en gsine, se trouva fort mal, et fut vexe[277] si extrmement, que dchirant ses robes, et grommelant parfois entre les dents, elle barbotait je ne sais quel baragouin, haute voix, sans qu'aucun des assistants y st rien entendre : de faon que tous restaient l camus[278] et corns,[279] sans pouvoir appliquer remde si grande et irrmdiable maladie. Or quelques femmes (car ce sexe-l. est de fort subtile invention et de merveilleux exploit[280] en tous occurrents)[281] amnent un tranger chauve, fort vieil, tout rid par la peau, et plus noir et brl qu'un Ethiopien, qui, tenant l'pe nue au poing, p36r et s'approchant du lit en grande furie et colre, assaillit la pauvre femmelette malade, et en son langage maternel, qui tait Armnien, il lui debaqua[282] mille injures. Et elle en mme langage lui rendait son change, et du commencement[283] parlait d'une telle bravade et hardiesse, qu'elle s'enlevait toute de lit pour quereller.[284] Mais depuis que ce barbare eut renforc ses abjurations[285] et comme forcenant[286] l'eut menace battre, alors cette pauvre malade se retira tremblotant et pantelant de peur, et sous une fort humble parole s'assegraisant[287] et raccoisant,[288] se rendormit. Nous cependant fmes tous ravis en admiration et tonns, comme fondeurs de p36v cloches,[289] non pour ce qu'elle tait enrage, car nous voyons cela lui advenir tous propos, ains[290] pour ce qu'elle parlait Armnien, combien que[291] la pauvre femme jamais n'et hant ni convers avec aucun de ce pays-l, et ne savait autre chose, sinon faire son lit et filer la quenouille. Or aprs qu'elle fut revenue en son bon sens, lors je lui demandai quel mal elle avait endur, et s'il s'en suivit encore quelque cas outre ce qui tait fait et advenu. A quoi rpondant: J'ai vu, dit-elle, un fantme ou apparition du diable ombrageux[292] et ressemblant une femme tout chevele, qui se ruait sur moi, dont j'eus si grande frayeur, que je tombai la face contre les p37r draps et la coite[293] de mon lit. Et quant ce qui depuis est survenu, je n'en ai rien senti ni aperu.

Chap. XVII. - Projet de trois questions sur le prcdent discours. Premire, s'il y a des diables mles et femelles. Deuxime, si les diables parlent tous langages. Troisime, si on les peut frapper et blesser.

Ce propos parachev,[294] le pauvre femme fut gurie de son mal. Mais quant est de[295] moi, depuis cette heure-l, j'ai toujours eu ce doute, auquel je suis encore de prsent,[296] savoir est comment il tait possible que le diable, qui avait tourment cette pauvre femme, ft apparu en p37v forme de femme. Car il semble qu'il y ait juste occasion de douter, si entre les diables y a des mles et des femelles, comme entre les animaux terrestres et mortels. En second lieu, comment il pouvait parler Armnien? Car il y a en ceci aussi grande difficult, savoir-mon[297] si entre les diables les uns parlent Grec, les autres Chalden, les autres Syriaque. Davantage[298] pourquoi se retirait-il tout de peur aux menaces du sorcier et enchanteur? et craignait lpe tire sur lui? Car quel mal, dites-moi, je vous prie, pourrait faire une pe au diable, vu qu'on ne le saurait frapper ni tuer? Ces doutes certainement me troublent fort et p38r tourmentent l'esprit, et ai en cela grand besoin de quelque consolation, pour laquelle me bailler[299] et appliquer, je vous estime le plus idoine[300] et pertinent[301] de tous, comme celui qui avez par longue tude et exprience recueilli de plusieurs auteurs les opinions des anciens, et compil plusieurs histoires.

Chap. XVIII. Par quelle ruse et subtilit le diable, s'apparat[302] en forme ores[303] d'homme, ores de femme. Item que les diables prennent et saccommodent[304] telle couleur quils veulent, comme lair et les nues.

Le Cap. Je voudrais de bien bon cur, Timothe, vous souldre[305] vos p38v doutes, et rendre raison des choses que demandez. Mais j'ai peur que ne perdions notre temps tous deux : vous, de vous enqurir et esmayer[306] de choses que jamais homme vivant ne rechercha, et moi, de tcher vous dire et discourir[307] des choses qu'il faut, tenir secrtes, ou plutt, mettre sous le pied, tant assez inform d'ailleurs que telles choses sont entre le peuple sujettes calomnie et rprhension. Toutefois puisqu'ainsi est, qu'il faut, comme dit Antigonus, gratifier l'ami, non seulement en choses trs faciles, mais aussi quelquefois s[308] difficults, cette cause[309] je mettrai peine de rsoudre vos doutes, remmorant les propos et les p39r rsolutions qu'ai entendus et retenus de frre Marc. Car il disait qu'il n'y avait aucun diable qui ft mle ou femelle naturellement : d'autant que telles affections[310] sont propres corps composs : ou[311] ceux des diables sont simples, qui, pour tre[312] maniables et traitables, aisment se transforment en toutes figures et similitudes. Car tout ainsi que voyons les nues reprsenter la semblance, ores[313] de hommes, ores d'ours, ores de dragons, ou autres semblables, ainsi est-il des corps diaboliques. Au reste, s[314] dites nues pousses et agites au gr des vents, sont diverses figures reprsentes, : mais quant aux diables, d'autant que leurs corps sont transforms comme p39v bon leur semble, et ores rtrcis en moindre grosseur, ores tendus en plus grande longueur (ce que nous voyons ordinaire aux entrailles de la terre, c'est--dire, aux verms[315] [note du trad. : aucuns les disent aches],[316] cause de leur nature molle et maniable), non seulement ils sont changs quant la grandeur, ains aussi quant la figure et couleur diversement. Car le corps diabolique est fort idoine[317] toutes deux, qui, pour tre maniable, se transforme en diverses ligures, et pour tre arien, est capable de toutes couleurs, comme l'air. Toutefois l'air est color de quelque endroit extrieurement : ou[318] ce corps diabolique reoit sa couleur de son opration fantasque,[319] qui empreint sur lui p40r toutes espces de couleurs. Car tout, ainsi qu'entre nous, ceux qui ont eu peur rougissent derechef, aprs que l'me selon telle ou telle disposition a pouss telles affections[320] en la superficie on corps extrieur. Tout le semblable faut-il estimer des diables : car de l'intrieur ils envoient a leur corps superficiaire, ou extrieur, telles couleurs qu'ils veulent. Par ce un chacun d'eux, aprs avoir transform son corps en telle figure que lui plat choisir, et empreint quelque espce de couleur en la superficie de son corps, alors il s'apparat ores en forme d'homme, ores prend la semblance d'une femme, il est courageux comme un lion, il fault[321] comme un lopard, il se p40v rue et embatit[322] de grande raideur,[323] comme un porc sanglier. Que si quelquefois lui semble bon, il prend la forme d'un oise,[324] ou peau de bouc, et y a tel lieu ou il s'est apparu (7) en forme de petit chien chauvissant[325] des oreilles et flattant de la queue. Et bien qu'il s'empare et revte de toutes les formes et figures, que dessus,[326] l'une aprs l'autre, pas une d'icelles toutefois ne lui reste ou demeure ferme ni stable Car sa figure n'est point solide : mais comme nous voyons ordinairement advenir, par manire de dire,[327] en l'air et en l'eau, car soit qu'y versiez quelque couleur, soit qu'y peigniez quelque figure, incontinent elle s'efface et vanouit. Toute semblable affection peut p41r on apercevoir s diables. Car en eux se perdent et vanouissent toutes couleurs, formes, ou figures de quelques choses que soient.

Chap. XIX. Pour quelle raison le diable, qui tourmente les accouches, s'apparat principalement en forme de femme. Item que mme diffrence de raison et brutalit est entre les diables, qu'entre les hommes et les animaux. Item quels diables sont Naades, Nrides, Dryades et Onoscles.

Voil, Timothe, ce que frre Marc m'en dchiffra,[328] assez persuasiblement mon avis, et vous donnez garde p41v dornavant qu'aucun ne vous trouble par ses raisons, comme si la diffrence des sexes masculin et fminin tait s diables. Car telles choses sont en eux seulement quant l'apparence extrieure; mais quant l'habitude et ferme disposition, ils n'en ont aucune qui soit. Et pour cette cause ne pensez que le diable, qui a tourment cette accouche, bien qu'il soit apparu en femme, soit tel d'effet et d'habitude, ains plutt qu'il s'est revtu de la semblance d'une femme extrieurement.

Tim. Mais pourquoi est-ce, Capitaine, que ce beau diable ne se transforme d'heure autre, ores en une, ores en autre figure, comme font les autres diables, ains apparat toujours semblable? p42r Car j'ai ou dire plusieurs gens que le diable fminiform, c'est--dire qui a la forme et semblance d'une femme, s'apparat toutes accouches.

Le Cap. Frre Marc. Timothe, rendait aussi fort bonne raison de cela. Car il disait que tous les diables n'ont une mme puissance et volont, ains qu'ils sont aussi en cet endroit fort diffrents, d'autant qu'entre iceux y a de la brutalit, aussi bien qu's animaux composs et mortels. Car tout ainsi qu'entre iceux, l'homme, participant d'entendement et de raison, est en outre dou d'une vertu fantastique,[329] ou imaginative, plus gnrale, et qui s'tend presque sur toutes p42v cratures sensibles, tant au ciel qu'entour et sur la terre. Mais le cheval, le buf et autres semblables animaux ont une imaginative plus particulire, et qui opre envers aucunes[330] choses qu'on peut imaginer, comme celle par laquelle ils connaissent les btes qui paissent avec eux, la crche et leurs seigneurs. Quant aux moucherons, souris et verms, ils ont ladite imagination fort restreinte et disloque, ne connaissant le pertuis[331] dont chacun d'eux est venu, ni le lieu o ils vont, ni o ils doivent aller, ains ayant une seule fantaisie ou imagination de leur aliment et nourriture. Ainsi est-il des infinis escadrons des diables. Car ceux qui sont de feu et p43r d'air, tant dous d'une, bien diverse imaginative, s'tendent quelque espce fantasque et qu'ils peuvent imaginer. Quant aux souterrains et tnbreux, il est d'eux tout au rebours, et par ce[332] ils ne se transforment en plusieurs figures, comme n'ayant plusieurs espces de fantasmes ou illusions, ni corps subtil et voltigeant et l. Mais les aquatiques et terrestres, qui mitoyennent[333] les susdits, bien qu'ils ne puissent changer plusieurs formes, si[334] est-ce qu'ils demeurent toujours en celles qui plus leur agrent. Car ceux qui vivent s lieux humides, et aiment un sjour plus mol et dlicieux, se transforment en femmes et oiseaux. p43v De l vient qu'ils ont t nomms par les Grecs au fminin genre, Naades, Nrides et Dryades, Quant tous ceux qui conversent[335] s lieux dserts et ont les corps asschs et tels qu'on dit tre les Onoscles, ils se transforment en hommes et quelquefois prennent la semblance[336] de chiens, lions et autres btes, qui sont d'une faon plus hardie et assure. Or il n'y a donc occasion de douter pourquoi le diable, qui se rue sur les accouches, se dguise en femme, d'autant qu'il est lubrique et s'gaye en ordes[337] et sales humidits et immondices. Car il se revt d'une semblance et figure correspondante la vie qui lui plat.

Chap. XX. Du divers langage des diables selon la diversit des p44r rgions o ils hantent. Des invocations Chaldaques et approches[338] Egyptiaques, c'est--dire adjurations, par lesquelles les diables taient invits de venir et entrer s idoles.

Quant ce que[339] ce diable usa de langage armnien, frre Marc ne m'en dclara chose qui soit (aussi ne lui en demandai-je rien) ; toutefois la raison en est manifeste, et telle que s'ensuit : qu'il est impossible de trouver langage pculier[340] aux diables, soit qu'on attribue l'hbraque, ou le grec, ou le syriaque, ou autre barbaresque. Car quel besoin de voix ou parole tait-il ceux qui parlent sans voix? Comme j'ai p44v ci-devant dit. Mais pour ce qu' la mode des Anges des nations, les uns prsident sur les autres, cette cause[341] chacun d'eux use du langage de la gent et nation, o plus ils frquentent. Et par ce les uns rendaient leurs oracles aux Grecs en vers hroques, les autres rpondaient aux vocations faites par les Chaldens en langage chaldaque. Comme ceux d'Egypte faisaient leurs approches, tant semonts,[342] invits et requis d'entrer s simulacres et idoles,[343] et ce en langage gyptiaque. Au semblable[344] les diables qui sont en Armnie, bien qu'ils se transportent ailleurs, usent toutefois du langage armniaque, comme si c'tait leur propre et naturel.

Chap. XXI. Quels diables craignent plus la touche.[345] De leur p45v audace et crainte. Et que, le sacr nom de Jsus le Verbe de Dieu est le seul moyen pour les chasser.

Tim. Or ainsi sois, de par Dieu,[346] mon Capitaine. Mais comment se peut-il faire que les diables craignent menaces et coups d'pe? Car que pensent-ils endurer, lorsqu'ils se retirent de peur et sortent des pauvres patients?

Le Cap. Vous n'tes seul, Timothe, qui doutez de cela : car j'en ai aussi dout ci-devant en la compagnie de frre Marc, qui, donnant p45v rsolution[347] mon doute, me dit ainsi que s'ensuit. Toutes escadres de diables sont pleines d'audace outrecuide[348] et de crainte, et sur[349] toutes autres, celles qui ont quelque matire. Car si quelqu'un menace les ariens, qui sont les plus subtils et russ, ils savent fort bien discerner et remarquer celui qui les menace. Et de tous ceux qui sont possds de tels diables nul n'en peut tre dlivr ni garanti, s'il n'est saint homme, vivant selon Dieu, et n'invoque avec la puissance divine le vnrable nom du Verbe de Dieu. Mais ceux-ci, savoir est ceux qui aucunement[350] sont matriels, craignant qu'on ne les envoie et bannisse s abmes et lieux souterrains, craignant p46r aussi les Anges qui les y relguent et confinent, quantefois[351] quelqu'un les menace de les envoyer l, et invoque les Anges, qui ont cette charge de Dieu, ils craignent alors, et sont merveilleusement troubls, voire[352] si lourds et hbts, qu'ils ne peuvent discerner ou remarquer celui qui les menace. Ains ft-ce quelque pauvre vieille sempiterneuse,[353] ou quelque vieillard rechign tout courb et tremblotant qui ust de ces menaces, l'instant ces pauvres diables gels transissent[354] de peur et bien souvent sortent hors des pauvres patients comme si ceux qui les menacent avaient puissance de ce faire),[355] tant[356] ils sont peureux et tourdis.[357] De l vient que cette p46v mchante race d'enchanteurs trs facilement les amadouent et attirent par certains excrments, comme sauves, ongles, cheveux, plomb et cire, de faon que, les ayant par tels abominables aphorcismes[358] ou abjurations lis et attachs d'un petit filet,[359] ils font plus de ravages et de tumultes tragiques, que n'en fit jamais le diable de Vauvert.[360]

Chap. XXII. Diffrence des adorateurs des diables. Comment les Enchanteurs les adorent tous en gnral ; mais d'autres, plus aiss retirer d'erreur, adorent seulement les diables de lair, pour tre par eux garantis des souterrains.

Tim. Puis donc que ces diables sont tels et si abominables, p47r pourquoi vous et plusieurs autres les adoriez-vous, au lieu de les mpriser, pour leur impuissance et leur imbcillit?[361]

Le Cap. Frre Marc rpondant cela : Ni moi, disait-il, ni autres que je sache, par nom qu'il ait[362] une miette de bon entendement, ne prenons pied[363] ces diables excrables, trop bien certains malheureux Sorciers et Enchanteurs les amignardent[364] et attirent. Mais entre nous autres, qui nous abstenions d'uvres tant maudites et damnables, nous adorions principalement les diables ariens, et par les p47v sacrifices que leur offrions, nous les requrions de dtourner tous diables souterrains, de peur qu'ils s'embatissent[365] sur nous, d'autant que si quelqu'un d'iceux fut d'aventure survenu d'aguet[366] pour nous effrayer, nous assaillait coups de pierres. Car cela est propre et coutumier aux souterrains, d'assaillir coups de pierres ceux qu'ils rencontrent, toutefois coups perdus et non roides. Pour cette cause nous nous gardons de leur rencontre.

Tim. Voire, mais quel profil se disait, frre Marc, remporter de l'adoration des diables ariens?

Le Cap. Il ne disait aussi rien qui vaille de ceux-l, mon bon Seigneur, pour ce qu'eux-mmes[367] p48r confessent qu'en leur fait n'y a qu'orgueil, bifferie[368] et vaine imagination. Car de la part d'iceux diables ariens descendent sur ceux qui les adorent certaines flammches de feu, semblables ces scintilles[369] qu'on voit discourir[370] en l'air, vulgairement dites toiles tombantes, lesquelles ces pauvres fols osent bien appeler Thopties,[371] c'est--dire visions ou apparitions de Dieu, s quelles[372] n'a[373] vrit, fermet, ni fiance[374] qui soit. (Car quelle clart pourrait tre en des diables obtnbrs?[375]) Ains tels sont leurs jouets et passe-temps que ceux qu'on aperoit quand on ouvre les yeux trop effroyablement, ou en leurs beaux miracles, qui se font pour sduire et p48v dcevoir les assistants.[376] Et bien que pi[377] je, pauvre misrable, eusse dcouvert ce que dessus,[378] et me fusse rsolu de me retirer et abandonner cette fausse religion diabolique, toutefois j'en ai t ensorcel jusques prsent, et j'tais en chemin de perdition, si vous ne m'eussiez radress[379] et rtabli au droit chemin de vrit. En quoi m'avez servi de ce que sert la lumire qui est au haut de la tour d'un havre,[380] ceux qui de nuit obscure et sans aucun clair de lune cinglent sur mer.

Finis ces mots, frre. Marc se prit, si fort pleurer, que les larmes loi ondoyaient[381] et ruisselaient flac des deux yeux, et lors pour le rconforter je lui dis. Vous p49r aurez assez loisir de pleurer ci aprs ; quant maintenant, il vous faut faire fte et dmener joie[382] de votre dlivrance, remerciant Dieu qui vous a dlivr et me et entrinement d'encombres[383] et prils tant vidents et pernicieux.

Chap. XXIII. Par quel moyen on peut frapper et blesser les diables, et quelle diffrence y a entre le corps diabolique et le solide ou massif.

Tim. Si est-ce que[384] je dsire fort apprendre de vous un point, que vous prie ne me celer, savoir-mon[385] si on peut frapper ou blesser les corps p49v diaboliques?

Le Cap. On les peut frapper, disait frre Marc, jusqu' leur faire grand douleur, si on les atteint vivement en la peau. Mais comment se peut-il faire? lui dis-je, puisqu'ils sont esprits sans corps solides ni composs. Si est-ce qu'[386]il n'y a que les corps composs qui aient sentiment. Je m'bahis,[387] dit frre Marc, comment on peut ignorer ceci, que ce n'est ni os ni nerf en l'homme qui que soit[388] qui ait sentiment, ains[389] l'esprit qui est en iceux et par ce,[390] bien que[391] on foule ou offense le nerf, soit qu'on le refroidisse, soit qu'on lui fasse quelque autre mal, la douleur procde de l'esprit ou vent, qui entre en l'autre, esprit. Car un corps concret[392] et p50r compos ne se pourrait jamais douloir[393] de soi-mme, ains celui qui aspire et respire, pour ce que[394] depuis qu'un corps est dmembr ou mort, il n'y a aucun sentiment, d'autant qu'il est dnu d'esprit ou respiration. Par ainsi donc l'esprit diabolique, qui naturellement est par tout sensible en toutes ses parties peut tre vu[395] et our, et soutire les douleurs de l'attouchement, et si ou le blesse, il s'en deult et crie[396] ; de mme les corps solides diffrent d'iceux en ceci, que tous autres corps recevant quelques taillades[397] peine[398] ou nullement se peuvent gurir, mais si le diabolique est taill ou balafr, l'instant il se rejoint, comme font les parcelles de l'air, ou de l'eau, p50v qui auraient ahurt[399] quelque corps solide.[400] Or bien que cette manire d'esprit se rejoigne plus tt qu'on ne saurait dire, si est-ce quil[401] endure grand' douleur au mme instant qu'on lui baille[402] taloche, et pour celte cause craint-il fort les pointes de couteaux, pes et autres ferrements.[403] Ce que n'ignorant ceux qui les veulent conjurer et dtourner, fichent aiguilles[404] et couteaux, les pointes contremont,[405] l part o[406] ne veulent qu'ils approchent, et inventent mille autres artifices soit pour les chasser par antipathies ou choses contraires leur got, soit pour les allicher[407] par sympathies ou choses eux agrables. Voila ce que frre Marc me disait touchant ce que dessus,[408] assez p51r persuasiblement.

Chap. XXIV. Quelle science de pronostiquer ou prdire choses venir ont les diables.

Tim. Vous dit-il point aussi, Capitaine, si les diables ont la science de pronostiquer et prdire les choses venir, ou non ?

Le Cap Trop bien les dit-il avoir la science de pronostiquer mais non la causette[409] et intellectuelle, ni la scientifique aussi, ains la symbolique ou conjecturale tant seulement. Et ce, par ce que le plus souvent ils prdisaient faute,[410] et qu'entre tous autres les diables matriels ont une bien p51v petite et faible science de pronostiquer, et qu'ils ne, disent rien de vrit, ou bien peu.

Tim. Pourriez-vous donc avoir le loisir de me faire un petit discours de leur science de pronostiquer?

Le Cap. Je le ferais trs volontiers, si le temps mle permettait; mais il est heure de se retirer. Car vous voyez comment l'air qui nous atourne[411] est charg de nues et ne garde l'heure de pleuvoir. Dont[412] il y a danger que si sommes plus longtemps assis en ce lieu-ci, ne nous en retournions par eau, bien mouills et tremps.

Tim. Dea![413] que pensez-vous faire, Monsieur le Capitaine, de laisser ainsi ce propos suspens[414] et imparfait?

Le Cap. Je vous en supplie, Monsieur mon grand ami, de ne vous en p52r fcher. Car Dieu aidant, si nous rencontrons jamais et trouvons ensemble, je rcompenserai si bien ce qui reste de ce devis,[415] que ce qu'on dit communment et en proverbe des dcimes des Syracusains ne sera rien au prix.[416]

Fin.

Le 18 janvier 1573, jour de Septuagsime.

.

[1] Cest sur le conseil dun de nos matres, Monsieur Aim Puech, que nous avons entrepris la rdition de cette traduction. Quil veuille bien accepter lhommage de notre modeste travail.

[2] Cf. Emm. Egger dans Dictionnaire des sciences philosophiques, art. Michel Psellos.

[3] Nous en avons apprci le mrite littraire dans notre tude de la langue et du style de Michel Psellos, Paris, 1920, p. 438.

[4] Elle comporte 52 feuillets, pagins seulement au recto. Nous avons reproduit cette pagination, avec notation du recto et du verso. Notre rimpression, est-il besoin de le dire? est de tout point conforme l'original. Nous en avons seulement modernis l'orthographe, comme font communment nos auteurs d'ditions l'usage des classes, expliquant en note les mots et les tours de l'ancienne langue peu familiers au lecteur.

[5] Cette version latine parut pour la premire fois en 1577, Paris, sous le titre : Sapientissimi Michaelis Pselli poetae et philosophi graeci Dialogus de Energeia seu Operatione Daemonum. On la trouve encore reproduite dans la Maxima Bibl. Vel. Patrum, t. XVIII, p. 589 sqq.

[6] Une discussion de Boissonade, Op. cit., VI, n. 1 et 2, sur le nom de Moreau. parfois dfigur en Morel par des crivains de Biographies et de Bibliothques mal documents, ne jette aucun jour sur la question.

[7] Feu-Ardent, le moine ligueur bien connu, le qualifie de vir optimus et doctissimus (Praefatio in M. Pselli libellum, etc. ; cf. d. Boissonade. p. vi).

[8] En sus des deux traductions de Psellos, il se signala par une version latine des cinq premiers chapitres du Thesaurus orthodoxae fidei de Nictas Choniats. Cf. Boissonade, op. cit., p. xii, n. 2.

[9] Nous avons cru devoir donner en note le texte et la traduction littrale de quelques phrases particulirement dlicates.

[10] Ponctuation dfectueuse, ngations oublies, mauvaises lectures de mots et autres mmes fautes coutumires aux imprimeurs.

[11] Nous n'y avons relev qu'un fort petit nombre de lacunes.

[12] Ainsi, la vieille femme dont il est question p. 46 r, devient une vieillesempiterneuse et le vieil homme un vieillard rechign, tout courb et, tremblotant . L'expression est rendue de la faon la plus pittoresque, p. 35 v, par tous restaient l camus et corns . Cf. encore p. 40 v, un petit chien chauvissant des oreilles et flattant de la queue , etc.

[13] Ainsi traduit-il fort joliment la phrase, p. 48 v, par finis ces mots, il se prit si fort pleurer que les larmes lui ondoyaient et ruisselaient flac des deux yeux .

[14] Ne va-t-il pas jusqu' moderniser son Psellos par des comparaisons empruntes la vie du xvie sicle ? Ainsi, il appelle l'un des personnages du dialogue, p. 1 v, Monsieur le Capitaine de Thrace , et il lui applique le qualificatif d Inquisiteur de la foi ; ailleurs, p. 46 v, il voque le souvenir du diable de Vauvert.

[15] Nous avons reproduit intgralement, en regard des premires pages de la version, le texte de Psellos. Mieux que toute apprciation ou commentaire, cette reproduction donnera au lecteur une ide exacte de la manire du traducteur.

[16] Sans date liminaire. Une date ligure la fin de la Prface : Paris, le 21 dcembre 1573, et une autre la fin du volume : le 18 janvier 1573, jour de la Septuagsime.

[17] Cf. Boissonade, op. cit., pp. vi-xi.

[18] Cette Prface en 38 pages comprend : un rapide expos, d'aprs Zonaras, de la vie et des uvres de Psellos ; une tude de l'hrsie des Euchites, suivie d'une longue comparaison entre ces hrsiarques et les protestants; un tableau du rle des dmons dans la vie des hommes, et en particulier de certains saints : leur mchancet, leurs malfices ; des tmoignages de l'criture, des Pres, etc.; enfin, un loge du personnage Jean de Saint-Andr, qui la Prface est ddie.

[19] Le texte grec porte seulement les dsignations . . Les explications que le traducteur ajoute ces noms propres sont justifies par le rle des personnages dans le dialogue. Cf. en particulier pp. 32 v, 33 r, 34 r.

[20] La division de l'ouvrage en chapitres, avec titres, ne ligure pas dans l'dition critique de Boissonade. Nous avons cru devoir la conserver avec l'diteur Gaulmin (rd. Migne). Le lecteur remarquera que les titres du traducteur, qui fournissent une analyse dtaille de chacun des chapitres, sont plus explicites que ceux de Gaulmin.

[21] p nn = numro de la page du folio ; r=recto, v=verso.

[22] Affaires.

[23] Tisser. Tisser l'apologue d'Alkinos , locut. proverbiale, c.--d. dbiter un rcit aussi long que l'apologue d'Alkinos.

[24] Rcit, exposition.

[25] Raconter en dtail.

[26] Coquin, criminel ; cf. pp. 8 v, 9r.

[27] Foisonner comme des lapins.

[28] Pour ce qui est de.

[29] Raconter en dtail. Cf. p. 1 v.

[30] Qui plus est, par surcroit. Cf. p. 18 r.

[31] Tourner.

[32] Pour ce qui vous concerne.

[33] Acquisition, profit.

[34] Au sujet de, sur.

[35] Commencer, (ordior).

[36] Quelqu'un.

[37] Tomber sur; heurter contre.

[38] D'elles.

[39] A la suite de quoi.

[40] Ut laceam, ne dicam, pour ne pas (vous) dire que...

[41] Quelques-unes.

[42] Propos, entretien.

[43] Aller.

[44] Texte : .

[45] Vous entendrez.

[46] Interprte.

[47] Mais.

[48] Sale, dgotant.

[49] De lui. Cf. iceux, p. 20 r.

[50] Mettre quelque chose de carr contre qqn ; d'o opposer directement. Redondance du trad. Texte : ... ... .

[51] Add. du trad.

[52] Texte : . Cf. d'ailleurs la note de Boissonade, s. v.

[53] Lat. quantas, combien de, combien grand.

[54] Vomir.

[55] Lourde.

[56] Excration, anathme.

[57] Dans les.

[58] Jean, I, 14. Et nous avons vu sa gloire, une gloire comme celle qu'un fils unique tient de son pre. Le trad. a nglig de traduire le verset qui suit celui-l.

[59] Bte.

[60] Se vanter impudemment

[61] Rflchi pour intrans, apparatre.

[62] Trompeur.

[63] Mufle.

[64] Partic. d'excitation, de renforcement. Da ! Add. du tr.

[65] Pourtant, nanmoins.

[66] Pierres fausses. Add. du tr.

[67] Au bout d'un certain temps. Add. du tr.

[68] Maintenant.

[69] Du tout au tout, compltement.

[70] Our, entendre.

[71] Il y a un certain temps, depuis longtemps.

[72] A bride abattue.

[73] Ce qu'ils gagnent.

[74] Pourtant, toutefois, toujours est-il. Cf. p. 2 r.

[75] Et si quelqu'un voulait.

[76] Crime. Cf. forfante. p. 2 r

[77] Se refuser .

[78] En quelque lieu que ce soit.

[79] Leuphonique. A-t-on ou.

[80] Tenter, essayer.

[81] Pour ce qui est de. Cf. p. 2 r.

[82] Pourtant, toutefois. Cf. pp. 7 r. 8 v.

[83] Collecteur d'ordures.

[84] Faire ployer.

[85] Honte.

[86] M. m. et pour un peu je m'arrterais.

[87] Trteaux.

[88] Inciser, couper.

[89] Petit enfant.

[90] Bocaux.

[91] Mis en rserve dans.

[92] En cachette.

[93] Faire honte , dshonorer.

[94] Sorte d'hydromel.

[95] Comme eux.

[96] Mets ou breuvage empoisonn.

[97] cu d'armoirie.

[98] S'en aller, partir.

[99] Ne font pas conscience de; n'ont pas scrupule de.

[100] Mais.

[101] Addit. du tr.

[102] Rgaler par un festin, rgaler.

[103] Litt. querimonia, plainte.

[104] Au sujet de, touchant.

[105] Celui-ci.

[106] Une fois, un jour.

[107] Plein de bile noire.

[108] De ce que.

[109] Restaurer.

[110] Au masc. Cf. dans Littr, s. v., un ex. de La Botie.

[111] Lat. Reducere in memoriam. Cf. p. 32 r.

[112] Je ne puis pas ne pas admirer.

[113] Dans les. Cf. p. 6 r.

[114] Plage (lat. plaga, tendue de terre).

[115] Chez les.

[116] M. m., mme, s'il y a quelque peuple sans loi et sauvage du ct de la Bretagne, tu ne l'entendras dire de ce peuple.

[117] Mon. particule affirmat., savoir vraiment, savoir.

[118] Atteindre.

[119] Apparatre. Cf. p. 6 v.

[120] Ici est signaler une lacune importante du trad., lacune sans doute volontaire, car le texte est une citation de Saint Basile, t. I.

[121] Modle.

[122] Autrement que.

[123] De notre pays, c'est--dire chrtiens.

[124] Cliquer clater, briller.

[125] Toutefois, Cf. p. 7 r.

[126] Lat. pristina, ancienne.

[127] De plus, outre cela. Cf. p. 2 v.

[128] Par cela mme.

[129] Lat. patibilis, dou de sensibilit: capable de plaisir ou de douleur. Cf. pp. 19 r et v; 20 r.

[130] Celui-ci.

[131] Pourtant. Cf. p. 7 r.

[132] Action de se heurter , le se rencontrer avec; rencontre.

[133] se fausser, s'mousser.

[134] Comme celles que nous avons dites ci-dessus.

[135] Elles. Cf. p. 3 r.

[136] M. . m. Pour celui-ci, rien de ces choses ne lui est un obstacle, attendu quil n'a aucune opposition contre quoi que ce soit et qu'il n'est compos des mmes lments que. quoi que ce. soit.

[137] En quelque manire.

[138] Toucher.

[139] Rflchi pour intrans. souffrir.

[140] Quelques-uns.

[141] Capables de plaisir ou de douleur. Cf. p. 18 r.

[142] Mme.

[143] Inventer faussement.

[144] En quelque faon que ce soit. Cf. p. 9 v.

[145] Pour ce qui est de moi ; pour ce qui me concerne. Cf. p. 2 r.

[146] Une fois, un jour. Cf. p. 13 v.

[147] Quelques-uns. Cf. p. 3 r.

[148] Deux. Cf. p. 4 v.

[149] Delle.

[150] Lat. vermis, ver. Cf. p. 39 v.

[151] Pourtant. Cf. p. 7 r.

[152] Cf. p. 7 r, 16 r.

[153] De mme que nous, comme nous.

[154] Mais. Cf. p. 3 v.

[155] Lat. latens, cach.

[156] La conjonction ou n'a pas ici de raison d'tre. Elle est soit supprimer, cuit,' reporter devant le terme le tnbreux (add. du tr.) qui explique le prcdent.

[157] Toucher. Cf. p. 18 v.

[158] Remettre en l'esprit, rappeler.

[159] Dans lesquels. Cf. p. 6 r.

[160] Enumrer en dtail. Cf. p. 1 v.

[161] Rcit, exposition. Cf. p. 1 v.

[162] Dire en dtail.

[163] D'eux. Cf. p. 4 r.

[164] Rapport.

[165] Elle. Cf. p. 3 r.

[166] Ajoutez que.

[167] Adjectifs ajouts par le trad. Traversain = oblique.

[168] De mme.

[169] Avoir du rapport avec.

[170] Repentir.

[171] Se rduisaient, id est se ramenaient dans le droit chemin, la raison. Add. du tr.

[172] En outre. Cf. pp. 2 v, 18 r.

[173] Toujours est-il que. Cf. pp. 7 r, 8 v.

[174] Tourner tout autour ; faire la ronde; circuler.

[175] Aller au hasard, errer et l.

[176] S'lancer, se prcipiter d'une faon dsordonne (cf. le subst. ravage = coulement rapide et fougueux d'une eau). Addit. du tr. errer et l

[177] Toucher. Cf. pp. 18 v, 21 r.

[178] Lat. peculiaris, particulier. Cf. p. 44 r.

[179] Larguer : faire la manuvre. dd. du tr.

[180] Ceux-ci; eux. Cf. pp. 4 r, 20 r.

[181] Tantt ici, tantt l.

[182] Se placer le long de, ct de.

[183] Spiritus imaginativus.

[184] Aiguillonner.

[185] Qu'on entende.

[186] Ici est a signaler dans la trad. une inexactitude.

[187] De quant, de tant... = D'autant..., d'autant...

[188] Parler en criant, crier.

[189] A sa volont.

[190] S'entretenir.

[191] Semblablement.

[192] Prter attention ().

[193] Celui-ci (lair).

[194] Lat. impertit.

[195] Propre , capable de.

[196] Dans les. Cf. p. 6 r.

[197] Pousser, enfoncer.

[198] Lat. similitudines. images.

[199] Aiguillonner.

[200] Images.

[201] Caresser d'une faon mignarde, dlicatement.

[202] Surtout. Et ils font cela surtout lorsqu'en nous ils trouvent

[203] Lat. consentire. tre d'accord avec eux, leur prter appui.

[204] Fournir en entier, achever, consommer.

[205] Tourmenter.

[206] Quoique. Cf. pp. 32 v, 33 v.

[207] Nanmoins. Cf. p. 7 v.

[208] Id est les exhalaisons pestilentielles du gouffre de Charon. Cf. d. Boissonnade, s. l.

[209] Toucher . Cf. pp. 18 v, 21 r, 24 r.

[210] Mauvaise rencontre.

[211] Sur qui que ce soit que. Cf. pp. 36 r, 49 v.

[212] Broyer, maltraiter.

[213] Il n'y a rien d'tonnant ce qu'ils... Cf. pp. 30 v, 35 r.

[214] Lat. vexare, tourmenter, molester. Cf. p. 35 v.

[215] Dsir. Cf. infra.

[216] S'embater, se prcipiter sur.

[217] Mais, Cf. p. 3 v.

[218] Avoir du dsir (appetitus) pour. Cf. supra.

[219] Dans les. Cf. p. 6 r.

[220] Pour cette cause.

[221] Recueillir, recevoir.

[222] Surtout. Cf. mmement, p. 26 v..

[223] Bien, rgl, tempr.

[224] Dans lesquels.

[225] En consquence.

[226] D'o il rsulte que.

[227] Fautifs.

[228] Quelqu'un. Cf. p. 3 r.

[229] Tourmenter. Cf. p. 27 r.

[230] Briser.

[231] Dtendre, relcher. Cf. p. 36 r.

[232] Boucher avec de l'toupe, obstruer.

[233] En tant que.

[234] mousser.

[235] Lui. Cf. p. 4 r.

[236] Imagination. Cf. fantasque, p. 25 r.

[237] Pour cette cause. Cf. p. 28 v.

[238] Assoupissement. Cf. p. 31 v,

[239] Lthargie.

[240] Mais.

[241] Il n'y a rien d'tonnant. Cf. p. 28.

[242] Prter attention . Cf. p. 26 r.

[243] Ces maux-ci.

[244] Bile noire. Cf. mlancolique, p. 13 v.

[245] Surcharge.

[246] Dans lesquels.

[247] Imagination.

[248] Agiter violemment.

[249] La ponctuation du trad. sentiment. Ains ... venir. Comment... , rend la phrase peu intelligible. Nous avons cru devoir la modifier.

[250] Cf. p. 15 r.

[251] Avertissement.

[252] Grat = lieu o les poules grattent; envoyer au grat envoyer promener.

[253] Bien que. Cf. p. 27 r.

[254] Marques distinctives. Add. du trad.

[255] Etat auquel on est appel ; occupation.

[256] Au bout d'un certain temps. Cf. p. 7 r.

[257] Venant de ce ct, de l.

[258] Lat. recusare, refuser.

[259] Add. du tr.

[260] Chaque fois que.

[261] Aux environs de; vers.

[262] Celui qui rvle, qui indique. Add. du tr.

[263] Bien que.

[264] Lat. affectus. dsir.

[265] Ce que.

[266] Trompeur.

[267] Ce coup-ci.

[268] M. . m. tu seras dans ton corps un homme de beaucoup de malheurs. Infra, pour ce que = parce que. Cf. pp. 47 v, 50 r.

[269] Msaventure, malheur.

[270] Trpied.

[271] Pense.

[272] Inventer une fausset.

[273] Il n'y a rien d'tonnant. Cf. pp. 28 r, 30 v.

[274] Mot omis dans la trad.

[275] Elle. Cf. p. 3 r.

[276] Une fois, un jour. Cf. p. 13 v.

[277] Tirailler, tourmenter. Cf. p. 28 r.

[278] Embarrass, interdit.

[279] Qui a perdu ses moyens.

[280] Excution.

[281] Lat. occurrentia, rencontres, circonstances.

[282] Sortir de son bac, de son rservoir ; prfrer.

[283] Tout d'abord.

[284] Dfier.

[285] Trad. littrale de . Cf. p. 46 v.

[286] Devenir forcen, perdre le raison.

[287] Se relcher (de ses fureurs); se calmer. Cf. p. 29 v.

[288] S'apaiser, se calmer.

[289] Add. du tr.

[290] Mais. Cf. p. 3 v.

[291] Bien que, malgr que. Cf.p. 27 r.

[292] Couvert d'ombre, sombre.

[293] Couette, coussin de plumes sur lequel sont tendus les draps.

[294] Ces paroles dites.

[295] Pour ce qui est de, Cf. pp. 2. r, 9 v.

[296] Au moment prsent.

[297] A savoir vraiment; savoir. Cf. p. 15 v.

[298] De plus.

[299] Donner.

[300] Lat. idoneus. propre ; capable.

[301] Qui se rapporte la question; document.

[302] Apparat Cf. p. 6 v.

[303] Tantt, Cf. p. 7 v.

[304] S'arranger, s'ajuster.

[305] Lat. solvere, rsoudre. Cf. infra.

[306] Se mettre en moi (au sujet de) ; se proccuper.

[307] Raconter en dtail. Cf. p. 2 r.

[308] Dans les. Cf., p. 6 r.

[309] Pour cette cause. Cf. pp. 28 v, 30 r, 44 v.

[310] Lat. affectus, manire dtre. Cf. infra, p. 40 r.

[311] Sic, Sans doute, faute d'impression pour or. Cf. de mme infra.

[312] Parce qu'ils sont.

[313] Tantt. Cf. p. 38 r.

[314] Dans les.

[315] Ver. Cf. p. 20 v.

[316] Ache ou aiche. ver de terre.

[317] Propre. Cf. p. 38 r.

[318] Sic. Texte : . Sans doute, faute d'impression pour or. Cf. supra.

[319] Laction de sa fantaisie, de son imagination. Cf. pp. 42 r et v.

[320] Cf. note 322.

[321] Sic. Faute d'impression pour il sault = il saute, il bondit.

[322] Se prcipiter. Add. du tr. Cf. p. 47 v.

[323] Avec une grande rapidit.

[324] Rcipient en forme d'oiseau (cf. un oiseau de maon) : outre.

[325] Dresser les oreilles. Add. du tr.

[326] Quil est dit ci-dessus. Cf. p. 18 r.

[327] Verbi gratia.

[328] Dbrouiller quelque chose d'obscur.

[329] Cf. p. 39 v.

[330] Quelques. Cf. p. 3r.

[331] Trou.

[332] Par cela. Cf. pp. 40 r, 44 v, 49 v.

[333] Occuper le milieu entre.

[334] Toutefois, nanmoins Cf. p. 7 r.

[335] Vivre.

[336] Image. Cf. p. 26 v.

[337] Sale, malpropre.

[338] Action de s'approcher.

[339] Quant au fait que.

[340] Particulier. Cf. p. 24 r. Cf. infra; p. 44 v. faisaient leurs approches.

[341] Pour cette cause. Cf. p. 38 v.

[342] Lat. semonere, avertir, exciter.

[343] Etant semonts... idoles. Add. du trad.

[344] Semblablement, de mme. Cf. p. 28 r.

[345] Le fait d'tre touch ; attouchement.

[346] Texte : .

[347] Solution.

[348] Anim d'outrecuidance.

[349] Par-dessus.

[350] De quelque faon, Cf. p. 3 r.

[351] Chaque lois que.

[352] Mme.

[353] Qui vieillit dmesurment.

[354] Etre saisi de froid; frissonner.

[355] M. . m. Dans la pense que ceux qui font ces menaces pourraient les conduire terme (les raliser).

[356] Jusqu' tant ; un tel degr ; tant.

[357] bloui, interdit, incapables de discernement.

[358] Cf. p. 36 r.

[359] Fil.

[360] Add. du tr. Vauvert, ancien chteau qui existait autrefois sur lemplacement actuel du jardin du Luxembourg, et que l'on disait frquent par ses revenants.

[361] Faiblesse.

[362] Pour peu qu'il ait.

[363] S'attacher .

[364] Caresser. Cf. p. 26 v.

[365] Se prcipiter, se ruer. Cf. p. 40 v.

[366] Embuscade (se glisser subrepticement).

[367] Parce que. Cf. p. 34 r.

[368] Tromperie.

[369] Lat. scintilla, tincelle.

[370] Courir de ct et d'autre, s'parpiller.

[371] Texte : .

[372] Dans lesquelles. Cf. p. 29 r.

[373] Il n'y a.

[374] Assurance.

[375] Lat. obtenebrati.

[376] Phrase obscure, le sens est le suivant : Mais leurs jouets et passe-tem