LE NOMBRE PI - L'Univers de Pi - The World of Pi · Le nombre π est peut-être l’entité...

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LE NOMBRE PI Sam Muth Nicolas Hébrard 1

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LE NOMBRE PI

Sam Muth Nicolas Hébrard

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Table des matières

I. Approche géométrique................................................3

I.1. La méthode de duplication d’Archimède.............3

I.2. Le problème du cercle de Gauss..............................6 I.3. Le produit infini de Viète...........................................8

II. Les méthodes analytiques.........................................10

II.1. Le produit infini de Wallis.....................................10 II.2. L’équivalent de Stirling...........................................12 II.3. Les formules avec l’arctangente...........................14 II.3.1. La formule de Gregory et Leibniz..........................14

II.3.2. Formules du type Machin.......................................15 II.3.3 Euler.........................................................................16

III. Accélération de la convergence d’une suite et formule BBP...................................................................17

III.1. Delta-2 de Aitken.....................................................17 III.1.1. Enoncé et démonstration.......................................17

III.1.2. Utilisation de la formule........................................19 III.2. Formule BBP.............................................................21

2

Le nombre π est peut-être l’entité mathématique la plus connue dans le monde. Apparu dès l’Antiquité, de manière intuitive, en tant que rapport du périmètre d’un cercle sur son diamètre, il n’a cessé de susciter l’intérêt de l’homme en mathématiques, mais semble peu lié à la Terre et à l’espace. Pourtant il a des applications dans ce domaine : les estimations grecques du périmètre de le Terre en étaient les prémisses, car nécessitant une valeurs approchée de ce nombre, et aujourd’hui il apparaît dans des formules d’électromagnétisme utiles notamment au calcul du champ électromagnétique de la Terre, tout comme dans diverses formules de mécanique céleste. On a même montré récemment que le calcul du périmètre de la sphère-univers, pour atteindre une précision de un proton, réclamait 39 décimales de pi. Ce sont ces fameuses décimales qui aujourd’hui font tout l’intérêt de ce nombre. Nous étudierons donc diverses méthodes et formules pour approcher π, avant de nous attarder sur la convergence des ces formules et un moyen de les accélérer.

I. Approche géométrique

I.1. La méthode de duplication d’Archimède

La première tentative d’exprimer l’aire du cercle par celle d’un carré remonte à

environ 40 siècles avec le Papyrus de Rhind, document égyptien découvert en 1855. On y trouve la règle de calcul dite du neuvième. Considérons un cercle de diamètre d, et un carré de

coté 89d. Alors en supposant les aires du disque et du carré égales, on a la relation : π d²4 =

⎝⎜⎛

⎠⎟⎞8d

9², soit π =

⎝⎜⎛

⎠⎟⎞16

9² ≈ 3,1605. Ainsi, l’erreur commise est inférieure à 2.10-2 (les symboles

mathématiques n’existaient bien sûr pas à cette époque, mais nous adoptons tout de même ces notations pour rendre plus clair l’énoncé). Mais c’est Archimède (287-212 avant J.C.) qui le premier se pencha réellement sur la question, et il faudra attendre le XVIe siècle pour que ses travaux soient dépassés, par l’utilisation de séries et de produits infinis. Savant grec fondateur de l’hydrostatique, également auteur de travaux en statique, mécanique et géométrie, Archimède invente la loi du levier ainsi que son fameux principe pour les corps flottants. Dans son écrit De la mesure du cercle, il commence par démontrer qu’il existe une unique constante π telle que l’on ait A=πR² et P=2πR, où A et P sont respectivement l’aire et le périmètre du cercle de rayon R. Pour calculer π, il considère un cercle de rayon un, et il encadre le demi-périmètre du cercle par les demi-périmètres des polygones réguliers à N=6.2n côtés exinscrits (a ) et inscrits (bn n) dans le cercle. En prenant successivement n=0, 1, 2, 3, 4, c’est-à-dire N=6, 12, 24, 48 et 96 côtés, et en majorant les a et minorant les bn n, Archimède trouve, au fil des calculs, l’encadrement :

3 + 1071

< 3 + 17

< π < a < b4 4 ,

Soit 3,1408 < π < 3,1429. Il est implicite qu’en prenant n de plus en plus grand on pourrait obtenir une valeur approchée de π aussi précise qu’on veut, même si cela prendrait beaucoup de temps. Archimède, voulant calculer la fameuse constante, fait preuve d’une avance considérable sur son époque puisque sa méthode n’est rien d’autre qu’un algorithme basé sur

3

deux suites adjacentes. Or, il ne disposait pas de la numération de position, ni d’ailleurs d’une construction de l’ensemble des nombres réels. Enonçons le théorème sur π que donne Archimède, et démontrons-le, en adoptant néanmoins des notations actuelles. Théorème :

Pour tout entier n ≥ 0, soit an (resp. b ) le demi-périmètre du polygone régulier à 6.2nn

côtés exinscrit (resp. inscrit) dans le cercle de rayon un. On a les formules de récurrence : = 2 an bn

an + bn(1.1) an+1 et b = an+1 bn n+1

dont les premiers termes sont (1.2) a = 2 3 et b = 3. 0 0De plus

= an+1 bn ( )an+1 + bn+1 ( )an + bn

(1.3) an+1 – bn+1 ( )an – bn .

Les suites ( )an et ( )bn sont adjacentes, c’est-à-dire : (1.4) pour tout n ≥ 0, on a b < b < a < an n+1 n+1 n

(1.5) et limn→∞

( )an – bn = 0.

Elles ont une limite commune, qu’on note π : π = lim

n→∞ a =lim

n→∞ bn n

et qui est la longueur du demi-cercle de rayon un. Démonstration :

Contrairement à Archimède, nous disposons de la trigonométrie et plus seulement de la géométrie d’Euclide, servons-nous en donc. Soit AB (resp. CD) un côté du polygone régulier à 6.2n côtés exinscrit (resp. inscrit) et soit 2θ l’angle au centre correspondant.

Donc θ est l’angle au centre des polygones à 6.2n+1 côtés. On a OC = OH = 1 et AH = tanθ, CK = sinθ, donc

an = 3.2n+1tanθ bn = 3.2n+1sinθ

4

tanθ2

sinθ2

an+1 = 3.2n+2 b = 3.2n+2n+1 .

On peut calculer 2 an bn an + bn

:

2 an bn an + bn

= 3.2n+2 sinθ.tanθ sinθ + tanθ

tanθ2

= 3.2n+2 = a . n+1

tan⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2 sin² θ2

Et an+1bn = 3².22n+3 sinθ = 3².22n+4 = ( )bn+1 ². On a donc vérifié (1.1).

Prouvons (1.3) : on a d’une part

an – bnan+1 – bn+1

= 12 tanθ – sinθ

tanθ2

– sinθ2

= tanθ

tanθ2

sin² θ

2

1 – cosθ2

= 2 1 + cosθ

2

1 – tan² θ2

et d’autre part

= 2 1 + cosθ

2( )an+1 + bn+1 ( )an + bn

an+1bn ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞1 + 1

cosθ = ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞1 + cosθ2 =

⎝⎜⎛

⎠⎟⎞1 + bn+1

an+1 ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞1 + an

bn 1 – tan² θ2

.

Les inégalités (1.4) résultent de (1.6) et des inégalités pour 0 < θ < π2

:

sinθ < 2sinθ2

, sinθ < tanθ et 2tanθ2

< tanθ.

Enfin, prouvons (1.5) : de (1.3) et (1.4) vient que

< a0²4b0²

an+1 – bn+1 ( )an – bn = 13 ( )an – bn

et donc, par récurrence : n

< ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞1

3 ( )a0 – b0 . 0 < a – bn n

Donc d’après le théorème des gendarmes, limn→∞

( )an – bn = 0.

Ainsi, les suites ( )an et ( )bn sont adjacentes : la suite ( )an est décroissante et minorée (par b0), la suite ( )bn est croissante et majorée (par a ). Soient donc π et π . On a : π = lim

n→∞ a = lim

n→∞ b0 1 n 2 n 1

– π = limn→∞

( )an – bn = 0, donc π = π , que l’on note simplement π. ■ = limn→∞

a – limn→∞

b2 n n 1 2

Regardons maintenant comment évolue la longueur δ = a – bn n n de l’intervalle dans

lequel on enferme π. D’après (1.3) :

δn+1

δn = 1

2 1 – tan²θ

2

1 + cosθ2

= 2x² – 12x²( )1 + x

= f(x)

en posant x = cosθ2 . Quand n→∞, x ∈ [cos π12

, 1[ = [0,96 ; 1[. Or la fonction f est strictement

croissante dans cet intervalle, donc

0,23 ≤ δn+1

δn < 1

4 pour tout n ≥ 0.

5

Par conséquent, à chaque pas de la méthode d’Archimède, l’intervalle δ = a – bn n n est au

moins divisé par 4, et on gagne moins d’un chiffre décimal par étape ( car Log10Log4

≈ 53 , donc

on gagne approximativement 3 chiffres décimaux en 5 étapes).

I.2. Le problème du cercle de Gauss Gauss (1777-1855) est sans doute l’un des plus grands mathématiciens de tous les

temps. Alors qu’il n’avait même pas dix ans, il résout l’opération que lui donne son professeur, pensant être tranquille, la somme des nombres de un à cent, en découvrant la formule

∑k=1

n k = n( )n + 1

2 . Il n'avait pas 16 ans lorsqu'il imagina une méthode de calcul de l'orbite d'une

planète et de résolution des systèmes, son fameux pivot de Gauss. Devenu directeur de l'observatoire de Göttingen après ses travaux en mécanique céleste, il publie en 1801 Disquisitiones arithmeticae dans lequel il crée les congruences et étudie les formes quadratiques et diverses propriétés d'algèbre. Travaillant ensuite sur la géométrie non euclidienne il s'intéresse alors de plus en plus à la physique, notamment au magnétisme, à l'optique et à l'électricité.

Intéressons-nous à au comportement d’une fonction arithmétique, dont Gauss fait une interprétation plus géométrique. Un entier naturel peut être ou ne pas être somme de deux carrés. Par exemple 5 = 2² + 1², et 250 = 13² + 9² = 15² + 5², mais 3 n’est pas somme de deux carrés, pas plus que 6, 7 ou 251. Définition : Soit r(n) le nombre de décompositions de n comme somme de deux carrés. On considérera dans cette définition comme distinctes deux décompositions même si elles ne diffèrent que par le signe d’un nombre. Par exemple : 5 = (± 2)² + (± 1)² = (± 1)² + (± 2)², donc r(5) = 8. De même 1 = (± 1)² + 0² = 0² + (± 1)², donc r(1) = 4 ; et r(7) = 0, r(250) = 16, r(251) = 0. On a ce résultat sur la moyenne arithmétique :

limn→∞

r(1) + r(2) + … + r(n)n = π

et plus précisément, on a le Théorème : (1.6) r(1) + r(2) + … + r(n) = πn + O( )n c'est-à-dire qu'il existe une constante positive C telle que, pour n assez grand, on ait :

r(1) + r(2) + … + r(n) – πn ≤ C n .

6

Dans le plan euclidien Oxy, appelons lattice de Gauss et notons (L) l’ensemble des points (x,y) à coordonnées entières. Alors r(n) est le nombre de points de (L) qui sont sur le cercle x² + y² = n de centre O et de rayon n, et 1 + r(1) + r(2) + … + r(n) est le nombre des points de (L) situés dans le disque x² + y² ≤ n. Le théorème énonce que ce nombre est approximativement égal à l’aire du disque, avec une erreur inférieur à la valeur de la circonférence du cercle. Démonstration : A chaque point de (L) situé dans le disque, associons le carré de côté un dont il est le bord inférieur gauche.

Le domaine Dn de réunion des carrés, dont le contour est tracé sur la figure, a pour aire 1 + r(1) + r(2) + … + r(n). A certains endroits Dn déborde le disque, à d’autres c’est le disque qui déborde de Dn, mais Dn est inclus dans le disque de rayon n + 2, et Dn contient le disque de rayon n – 2. Ces disques ont pour aires π ( )2

n ± 2 , donc π ( ) ≤ 1 + r(1) + r(2) + … + r(n) ≤ π ( )2 2n – 2 n + 2

d’où

| |r(1) + r(2) + … + r(n) – πn ≤ 2π 2 n + 2π + 1 ≤ 2π ( ) n = C n , 2 + 2ce qui prouve (1.6). ■ Améliorer le terme d’erreur O( )n est l’objet d’une recherche qui a connu et connaît encore un grand développement. Soit ξ la borne inférieure des nombres réels ξ tels que 0

r(1) + r(2) + … + r(n) = πn + O( )nξ .

7

≤ 12(1.6) prouve que ξ0 (Gauss, 1834). En 1915 Hardy et Landau ont montré indépendamment

que ξ ≥ 14 = 140 . On conjecture que ξ0 , mais le problème reste ouvert. Les principales étapes

dans cette direction ont été :

≤ 13ξ (Sierpinski, 1906) ; 0

≤ 163494ξ (Walfisz, 1927) ; 0

≤ 1546ξ (Titchmarsh, 1935) ; 0

≤ 1340ξ (Hua, 1942) ; 0

≤ 722ξ (Iwaniec et Mozzochi, 1988) ; 0

≤ 2273et enfin ξ (Huxley, 1993). 0

I.3. Le produit infini de Viète

François Viète (1540-1603), homme de loi et mathématicien amateur, a consacré une partie de ses loisirs à l’astronomie, la trigonométrie et l’algèbre littérale. En 1593, il a donné du nombre π une expression par un produit infini, sans doute le premier produit infini de l’histoire des mathématiques : Théorème :

(1.7) 2π

= 12 . 1

2 + 1

2 1

2 . 1

2 + 1

2 1

2 + 1

2 1

2 …

c’est-à-dire 2π

… = limn→∞

( )u1u2…un = u u u1 2 3

où u1 = 12 et un = 1

2 ( )1 + un – 1 pour n > 1.

Démonstration :

nπ est la limite des aire A des 2n2 -gones réguliers inscrits dans le cercle de rayon un.

Or, si 2θ est l’angle au centre d’un N-gone régulier inscrit, donc θ celui du 2N-gone, AN est la somme des aires de N triangles tels que OCD sur la figure du I.1., donc :

AN = Nsinθcosθ et A2N = 2Nsin⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2 cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2

et (1.8) AN = A2Ncosθ .

8

= 2, θ = π4

Partons du carré : N = 4, A4 , et réitérons (1.8) :

cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞π

42 = A4 = A8 = A16 cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞π

4 cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞π

8 cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞π

4 cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞π

8 …cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞π

2nn + 1 = … = A 2

= A2n + 1 2

2 2 + 2

2 …

n + 1 tend vers π, donc on a prouvé (1.7). ■ Quand n tend vers l’infini, A2

Cette formule est en fait un cas particulier d’une formule plus générale, donnée par Euler deux cents ans plus tard :

(1.9) sinθθ

= cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2 cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

4 cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

8 …cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2n ... = limn→∞

( )v1v2…vn , pour θ ≠ 0, avec

(1.10) v1 = cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2 et vn = cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2n = 12⎝⎜⎛

⎠⎟⎞1 + cos θ

2n – 1 = 12( )1 + vn – 1 , pour n > 1.

Ainsi, les formules de Viète sont les formules d’Euler en prenant θ = π2

.

Démontrons rapidement les formules (1.9) et (1.10). Tout d’abord, (1.10) s’obtient en appliquant plusieurs fois la formule de trigonométrie

1 + cos2θ = 2cos²θ ⇔ cosθ = 12( )1 + cos2θ .

Ensuite, pour (1.9), on applique de façon répétitive la formule sinθ = 2cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2 sin⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2 :

sin

⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2 sin

⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

4sinθθ

= cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2 θ2

= cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2 cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

4 θ4

= … = cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2 cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

4 cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

8 …cos⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2n sin

⎝⎜⎛

⎠⎟⎞θ

2n

θ2n

.

Quand n tend vers l’infini, x = θ2n tend vers 0, donc sinx

x tend vers 1, ce qui prouve (1.9).

9

II. Les méthodes analytiques

II.1. Le produit infini de Wallis

En 1665 Jonh Wallis a montré que :

Théorème :

(2.1) π2 = 2.2

1.3 4.43.5 6.6

5.7 … = ∏n=1

∞ 4n²4n² – 1 .

Démonstration :

Considérons l’intégrale de Wallis : I = sin∫2/

0

pi nt dt, pour tout n ≥ 0. n

= π2

On a I0 et I = 1. 1

Soit n ≥ 2, en intégrant par partie on trouve :

In = sin∫2/

0

pin – 1t d(– cos t) = [ ]– cos t sinn – 1t + ∫ ( )n – 1 cos t sin

2/

0

piπ/2 n – 2t cos t dt 0

= 0 + ( )n – 1 ∫ ( )1 – sin2t sin2/

0

pin – 2t dt = ( )n – 1 ( )In – 2 – In , donc

= n – 1n

In In – 2.

On calcule donc I2 = 12 π2

= 3.12.4

, I4 π2

, et par récurrence on a :

I2n = 1.3.5…( )2n – 12.4.6…( )2n

π2

.

De la même manière on montre que :

= 2.4.6…( )2n3.5.7…( )2n + 1

I2n + 1 .

De ces deux formules, on en déduit :

π2

= 2².4².6²…( )2n ²( )1.3 .( )3.5 …( )2n – 1 ( )2n + 1

I2n I2n + 1

= I2n I2n + 1

∏k=1

n 4k²4k² –1

.

Or pour 0 ≤ x ≤ π2

, on a 0 ≤ sin(x) ≤ 1, donc

0 ≤ sin2n + 1x ≤ sin2nx ⇔ sin2n + 1x ≤ sin2nx ≤ sin2n – 1 , d’où en intégrant entre 0 et π2

:

I2n + 1 ≤ I2n ≤ I2n – 1 ⇔ 1 ≤ I2nI2n + 1

≤ I2n – 1I2n + 1

= 2n + 12n

= 1 + 12n

(car I2n + 1 est l’intégrale d’une

fonction continue, positive et non identiquement nulle).

10

Donc d’après le théorème des gendarmes, I2nI2n + 1

tend vers 1 quand n tend vers l’infini.

Finalement :

π2

= I2n I2n + 1

∏k=1

n 4k²4k² –1

= ∏n=1

∞ 4n²4n² – 1 . ■

Mais cette formule converge très lentement, et est donc très peu adaptée au calcul des décimales. Ce qui est étonnant avec cette formule de Wallis, c’est que grâce à elle, on peut faire un lien entre les probabilités et le nombre π. Montrons en effet que : Théorème :

(2.2) ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞2n

n ~ 22n

πn .

Démonstration :

De la même manière que pour la démonstration précédente on montre que : n

n – 1 ≤ In – 1

In ≤ 1, donc d’après le théorème des gendarmes, In – 1

In tend vers 1 lorsque n tend vers

l’infini, c’est-à-dire que I ~ In ∞ n – 1. D’autre part, on a ces expressions démontrées précédemment :

I2n = 1.3.5…( )2n – 12.4.6…( )2n

= 2.4.6…( )2n3.5.7…( )2n + 1

π2

et I2n + 1 .

En les multipliant on obtient :

= ( )2n !( )2n + 1 !

I2nI2n + 1 π2

= 12n + 1

π2

et par changement d’indice :

nInIn – 1 = π2

.

Donc on a In – 1 = π2nIn

π2nIn

, et In ~∞ In – 1 ⇔ In ~∞ ⇔ n(In)² ~∞ π2

, soit 2n(In)²π

tend vers 1 quand

n tend vers l’infini, ou encore 2nπ

I tend vers 1 quand n tend vers l’infini, soit : n

In ~ π2n

⇔ Ι2n ~ 12 π

n.

Reprenons l’égalité I2n = 1.3.5…( )2n – 12.4.6…( )2n

π2

. En multipliant au numérateur et au dénominateur

par 2.4…( )2n – 2 ( )2n on fait apparaître des factorielles :

11

I2n = ( )2n !22n(n!)²

π2

.

Donc Ι2n ~ 12 π

n

⇔ ( )2n !22n(n!)²

π2

~ 12 π

n

⇔ ( )2n !(n!)² ∼ 2

2n

π π

n

⇔ ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞2n

n ~ 22n ππ²n

⇔ ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞2n

n ~ 22n

πn . ■

⎝⎜⎛

⎠⎟⎞2n

n est le nombre de combinaisons de 2n objets à n éléments. C’est le terme central de la 2n-

ième ligne du triangle de Pascal, et 22n est la somme des termes de cette ligne. Lançons 2n fois une pièce de monnaie. La succession des piles ou faces présente 22n

possibilités parmi lesquelles on en dénombre ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞2n

n où le nombre de piles est égal au nombre

de faces.

Ainsi 122n ⎝⎜

⎛⎠⎟⎞2n

n est la probabilité, lors de 2n jets successifs, d’obtenir n fois piles et n fois faces.

Quand n tend vers l’infini, cette probabilité décroît, et, d’après la formule de Wallis (2.2),

cette probabilité est équivalente à 1πn

.

II.2. L’équivalent de Stirling

Le calcul direct de n! nécessite, quand n est grand, un nombre de multiplications rapidement élevé. C’est ainsi que Stirling chercha une valeur approchée plus simple : Théorème :

(2.3) n! ~ ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞n

e

n

2πn .

Démonstration :

Soit J = f(t)dt, avec f(t) = ln(t) que l’on approche par les intégrales K∫n

et Ln n n1 obtenues

en remplaçant ln(t) sur chacun des intervalles [k, k + 1] (k ∈ aux entiers de 1 à n – 1) par : - Kn :la corde de f

12

en k sur l’intervalle ⎣⎢⎡

⎦⎥⎤k, k + 12- L : la tangente à Cn f et la tangente à f en k + 1 sur

l’intervalle ⎣⎢⎡

⎦⎥⎤k +1

2, k + 1 .

La fonction ln étant concave, elle est située au-dessus de chacune de ses cordes et en-dessous de chacune de ses tangentes. En on en déduit que : K ≤ J ≤ L . n n nCalculons maintenant les intégrales :

- Jn = ln(t) dt = [t ln(t) – t]∫n

1

n = n ln(n) – n + 1

1

= ∑k=1

n-1 A- K , où An k k est l’aire d’un trapèze de base 1 et de hauteurs ln(k) et ln(k + 1),

donc K = ∑k=1

n-1 12n ( )ln(k) + ln(k + 1) = 12 ( )ln((n – 1)!) + ln(n!) = ln(n!) – 12 ln(n).

- La tangente à f au point de coordonnées (k, f(k)) a pour équation y = 1k( )x – k + ln(k) =

g (x). k

= ∑k=1

n-1 ( )Bk + B’k , où B est l’aire d’un trapèze de base 12Donc : Ln k et de hauteurs

ln(k) et g ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞k + 12 ⎝⎜

⎛⎠⎟⎞k + 12 l’aire d’un trapèze de base 12, et B’k k et de hauteurs gk+1 et ln(k +

1). On en déduit L = ∑k=1

n-1

⎝⎜⎛

⎠⎟⎞1

2n ( )ln(k) + ln(k + 1) + 18k – 1

8( )k + 1

= ln(n!) – 12 ln(n) + 18 – 18n .

13

Par définition, on a Jn – Kn = ∑k=1

n-1

⎝⎜⎛

⎠⎟⎞

ln(t)dt – Ak ≥ 0 , car chacun des termes de la

somme est positif par concavité de f. De plus : J

∫+1k

k

≤ 18n – Kn ≤ Ln – Kn – 18n ≤ 18 .

La suite ( )Jn – Kn est donc croissante et majorée, donc elle converge vers un réel noté l.

On a limn→∞

Jn – Kn = l , donc limn→∞

eJn – Kn = el. Or Jn – Kn = nln(n) – n + 1 – ln(n!) + 12ln(n), donc

limn→∞

nne-ne n

n! = el

d’où n

n! ~ ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞n

e1 – ln e .

Or, on sait d’après la formule de Wallis que (2n)!(n!)² ~ 22n

πn .

Donc ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞2n

e2n

2n e1 – l

⎝⎜⎛

⎠⎟⎞n

e2n

ne2 – 2l ~ 22n

πn .

On en déduit après simplification que e1 – l = 2π, donc l = 1 – ln( )2π . En remplaçant dans l’équivalent de n! on obtient :

n

n! ~ ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞n

e 2πn . ■

II.3. Les formules avec l’arctangente

II.3.1. La formule de Gregory et Leibniz Les séries infinies ne commencent à jouer un rôle en mathématiques qu’à partir de la

seconde moitié du XVIIe siècle ; auparavant on ne peut citer que quelques cas particuliers de la série géométrique. J. Gregory (1638-1675) et G. W. Leibniz (1646-1716) découvre indépendamment en 1670 le développement :

(2.4) arctan(x) = x – x3

3 + x5

5 x2n + 1

2n + 1n – … + (–1) + …

valable pour | |x ≤ 1, et son cas particulier :

(2.5) π4 = 1 – 13 + 15 1

2n + 1n – … + (–1) + …

Démonstration :

14

Soit la somme géométrique :

t2n + 2

1 + t²1

1 + t² = 1 – t² + t4 n 2n n + 1 – … + (–1) t + (–1) .

En intégrant cette égalité on obtient :

arctan(x) = x – x3

3 + x5

5 – … + (–1)n x2n + 1

2n + 1 t2n + 2

1 + t²∫x

0n + 1 + (–1) dt.

Si | |x ≤ 1, l’intégrale tend vers 0 quand n tend vers +∞, car

⎪⎪⎪

⎪⎪⎪

⌡⌠0x t

2n + 2

1 + t²dt ≤ t∫||

0

x

dt ≤ | |x 2n + 3

2n + 32n + 2 ≤ 1

2n + 3 ,

ce qui prouve (2.4).

Pour x=1, on retrouve la formule pour π4 (2.5). ■

Néanmoins, pour x = 1, la série converge très lentement, puisqu’il faut additionner 5000 termes pour obtenir 3 décimales exactes de π.

II.3.2. Formules du type Machin

L’idée de John Machin (1680-1752) est de reconstituer π4 = Arctan1 comme somme

d’Arcs tangente d’arguments plus petits, pour lesquels la série π4 = 1 – 13 + 15 1

2n + 1n – … + (–1) + …

converge assez vite. Cette méthode l’emportera jusqu’à ces toutes dernières années, permettant le calcul d’un million de décimales en 1974, avant que les suites arithmético-géométrique ne lui soient préférées. C’est ainsi qu’en 1706 John Machin utilise cette formule pour obtenir 100 décimales exactes de π :

(2.6) π4 = 4Arctan 15 – Arctan 1

239 .

Démonstration :

En appliquant deux fois la formule tan2θ = 2tanθ1 – tan²θ

, on trouve tan⎝⎜⎛

⎠⎟⎞2Arctan 1

5 = 512

puis tan⎝⎜⎛

⎠⎟⎞4Arctan 1

5 = 120119

, qui n’est que très légèrement supérieur à 1 = tan π4

.

De manière précise, tan⎝⎜⎛

⎠⎟⎞4Arctan1

5 =

120119

– 1

1 + 120119

– π4 = 1

239 . ■

15

On pourrait multiplier ce genre de formules indéfiniment. Si en effet nous additionnons des Arcs tangente : θ = Arctan x + … + Arctan x , où x , …, x1 n 1 n sont des nombres rationnels,

jusqu’à ce que leur somme soit proche de π4

, alors tanθ est un nombre rationnel qu’on déduit

de x par application répétée de la formule tan( )a + b = tan(a) + tan (b)1 – tan(a)tan(b)

, …, x1 n , puis

tan⎝⎜⎛

⎠⎟⎞π

4 – θ = 1 – tanθ

1 + tanθ = x est un nombre rationnel, ce qui donne finalement la formule n+1

π4

= Arctan x + … + Arctan x + Arctan x . 1 n n+1

Citons-en simplement quelques une pour leur intérêt historique : π4

= 4Arctan15 – Arctan 1

70 + Arctan 1

99 (Euler, 1764)

π4

= Arctan12 + Arctan1

5 + Arctan1

8 (John Dahse, 1844)

π4

= 3Arctan14 + Arctan 1

20 + Arctan 1

1985 (S.L. Loney, 1893).

II.3.3 Euler

Leonhard Euler (1707-1783), mathématicien suisse, physicien, ingénieur et philosophe, a découvert la formule :

(2.7) ∑n=1

∞ 1

n² = π²6

Démonstration :

Cette démonstration n'en n'est pas réellement une, mais est plutôt l'intuition qu'à eu Euler pour découvrir la formule.

La série entière sin(x)x = 1 – x²

3! + x4

5! x2n

(2n + 1)!n – ... + (–1) + ...

a pour racines les nombres x = ±π, ±2π, ±3π, ..., donc en posant y = x², les racines de

l'équation 0 = 1 – y3! yn

(2n + 1)! + y²5!

n – ... + (–1) + ... sont y = π , 4π , 9π2 2 2, ... Or, si le second

membre de cette équation était un polynôme, la somme des inverses des racines serait égale à l'opposé du coefficient de y. Faisait comme si c'était le cas, on aurait :

1π2 + 1

4π² + 19π² + ... + 1

n²π² + ... = 13! = 16

i.e. ∑n=1

∞ 1

n² = π²6 . ■

16

III. Accélération de la convergence d’une suite et formule BBP

III.1. Delta-2 de Aitken

III.1.1. Enoncé et démonstration

Nombreuses sont les suites qui convergent lentement, il était donc naturel de rechercher à accélérer leur convergence pour obtenir le plus rapidement possible l’approximation souhaitée. C’est ainsi qu’en 1926 le Nouveau-Zélandais Alexander Aitken (1895-1967) invente une suite, permettant d’accélérer la convergence de n’importe quelle suite, pourvu que cette dernière dispose de trois termes consécutifs. Théorème :

On définit une nouvelle suite (t ) à partir de la suite (xn n), convergeant vers L, et dont on veut accélérer la convergence :

– ( )xn – xn-12

xn-2 – 2xn-1 + xn = xnxn-2 – x²n-1

xn – 2xn-1 + xn-2(3.1) tn = xn .

La suite (t ) converge également vers L, mais plus rapidement. n Démonstration :

• Construisons la suite (t ) n

– L et vérifiant limn→∞

en+1en

Soit une suite (x ) convergeant vers L avec une erreur e = xn n n = A ≠ 0

(on n’étudie donc que les suites dont la rapidité de convergence ne s’accroît pas, sinon le delta-2 n’aurait aucun effet). On suppose donc que pour tout n, e = Ae . n+1 n Donc e = Ae , soit e – e = A(e – e ). n+2 n+1 n+2 n+1 n+1 n Or x – x = e – e et x – x = e – e , n+1 n n+1 n n+2 n+1 n+2 n+1

– x = A(x – x ). donc xn+2 n+1 n+1 n Comme e = x – L, on a x – L = A(x – L). n n n+1 n

17

Donc en factorisant L : L = xn+1 – Axn1 – A

.

Posons maintenant Δx = x – x . n n+1 n

Calculons Δ²xn : Δ²x = Δ(Δx ) = Δx – Δx = x – 2x – x . n n n+1 n n+2 n+1 n

), donc A = xn+2 – xn+1

xn+1 – xnOr x – x = A(x – xn+2 n+1 n+1 n

d’où 1 – A = 1 – xn+2 – xn+1 xn+1 – xn

= Δ²xn

Δxn = 2xn+1 – xn – xn+2

xn+1 – xn .

+ Δxn

1 – AD’autre part on a L = xn+1 – Axn

1 – A + xn+1 – xn

1 – A = xn = xn .

Donc L = x – (Δxn)² Δ²xn

n .

L’hypothèse de départ n’étant vraie qu’au passage à la limite, on construit la suite (t ) : n

– ( )xn – xn-12

xn-2 – 2xn-1 + xn – (Δxn)²

Δ²xnt = xn n = xn , avec (t ) qui tend vers L en l’infini. n

• Montrons que la suite (t ) accélère la convergence de (x ) n n

Il y a accélération de convergence si on a : lim

n→∞ tn – Lxn – L

= 0. Vérifions que c’est le cas.

On a Δe = e – en n+1 n

= x – L – x + L n+1 n

= Δxn

et Δ²e = e – 2e + en n+2 n+1 n

= xn-2 – 2x + xn+1 n

= Δ²x . n

Posons e = (A + b )e où (b ) tend vers 0 en l’infini. n+1 n n n Alors Δe = (A – 1 + b )en n n et e = (A + b )en+2 n+1 n+1

= (A + b )(A + b )en+1 n n

donc Δ²e = e – 2e + en n+2 n+1 n

= (A + b )(A + b )e – 2(A + b )e + en+1 n n n n n= (A – 1)²e + b ’e n n n

où b ’ = Ab + Ab + b b – 2b , et donc limn→∞

b ’ = 0. n n n+1 n+1 n n n

18

En remplaçant dans l’expression de t : n

– (A – 1 + bn)²en²((A – 1)² + bn’)en

t = xn n

– L – (A – 1 + bn)²en

(A – 1)² + bn’⇔ t – L = xn n

⇔ tn – Lxn – L

= 1 – (A – 1 + bn)²(A – 1)² + bn’

car x – L = e ≠ 0. n n

Donc on a bien limn→∞

tn – Lxn – L

= 0. ■

III.1.2. Utilisation de la formule

Nous allons traiter deux exemples d’utilisation du delta-2 pour approcher plus rapidement le nombre π, avec l’aide de Maple. Il nous faut tout d’abord définir une suite convergeant vers π.

• Prenons la formule d’Euler :

π = 2 ∑n=0

+∞ 1.2…n1.3…(2n + 1)

= 2 ∑n=0

+∞ n!(2n + 1)!

.

Sous Maple, cette formule se traduit par la procédure : formuleuler:=proc(n) local i; return(2*sum(product(k,k=1..i)/product(2*k+1,k=1..i),'i'=0..n)) end; Testons cette formule, en calculant 50 termes, puis en regardant le nombre de décimales exactes : > evalf(formuleuler(50),50);

> evalf(Pi,50);

On voit donc que 15 décimales sont justes.

Notre but est donc d’augmenter ce nombre de décimales justes.

La formule du delta-2 d’Aitken donne sous Maple : delta:=proc(x,n) return(x(n)-(x(n)-x(n-1))^2/(x(n-2)-2*x(n-1)+x(n))) end;

19

Accélérons la convergence de la formule d’Euler en utilisant le delta-2 : > evalf(delta(formuleuler,50),50);

Cette fois-ci 18 décimales sont justes, on a donc gagné 3 décimales par rapport à la formule

d’origine.

• Effectuons la même opération avec la première suite étudiée, celle d’Archimède,

définit par : a = 2 an bn an + bn

n+1 et bn+1 = an+1 bn , avec a = 2 3 et b = 3. 0 0

Sous Maple cela donne : archimede:=proc(n) local i,a,b; a(1):=2*sqrt(3): b(1):=3: for i from 1 to n-1 do a(i+1):=2*a(i)*b(i)/(a(i)+b(i)): b(i+1):=sqrt(a(i+1)*b(i)): od; evalf([a(n),b(n)]); end; Calculons par exemple les suites (a ) et (b ) pour n = 10 : n n > archimede(10);

Appliquons le delta-2 :

deltarchi:=proc(n) local i,a,b; a(1):=2*sqrt(3): b(1):=3: for i from 1 to n-1 do a(i+1):=2*a(i)*b(i)/(a(i)+b(i)): b(i+1):=sqrt(a(i+1)*b(i)): od; [a(n)-(a(n)-a(n-1))^2/(a(n-2)-2*a(n-1)+a(n)),b(n)-(b(n)-b(n-1))^2/(b(n-2)-2*b(n-1)+b(n))]; end;

20

Comparons maintenant la convergence des suites avec et sans accélération : > evalf(deltarchi(10),10);

> archimede(10);

> evalf(Pi,10);

On voit donc que le delta-2 a permis de gagner 2 décimales pour la suite (a ) et 1 pour (b ). n n

III.2. Formule BBP La formule BBP, découverte en 1995 par Bailey, Borwein et Plouffe, permet de

calculer le n-ième digit de π, c’est-à-dire de connaître quelle est la décimale qui est située à telle position.

(3.2) π = ∑i=0

∞ 116i ⎝⎜

⎛⎠⎟⎞4

8i + 1 – 28i + 4 – 1

8i + 5 – 18i + 6

L’intérêt de cette formule n’est pas sa vitesse de convergence, qui est assez moyenne par rapport à d’autres formules beaucoup plus performantes, mais c’est surtout le fait que grâce à elle, on peut calculer la n-ième décimale de π sans faire de calculs trop compliqués. Le principe de ces calculs repose sur les propriétés de la sommation des très grands nombres, et s’exploite à travers quatre grandes idées : Idée 1 :

Lorsqu’on additionne deux très grands nombres, on peut savoir ce qui se passe vers le milieu sans avoir à beaucoup calculer. Par exemple prenons X et Y deux nombres de mille chiffres, avec a, b, c en position 100, 101, 102 et a’, b’, c’ aux mêmes positions respectivement :

X= · · · · · a b c · · · · · 100 101 102

Y= · · · · · a’ b’ c’ · · · · ·

En calculant X+Y, on a, au niveau de ces chiffres :

a b c

+ a’ b’ c’ ־־־־־־־

a” b” c”

21

Et on se demande : Quand a” est-il bon ? En fait, a” est bon sauf si b+b’=9 et c+c’=9, car alors tout dépend de ce qui se passe à droite (s’il y a une retenue, elle va se propager jusqu’à a”). L’avantage est que lorsque cela arrive, alors on le sait, et on regarde donc un peu plus à droite, pour être sûr d’avoir le bon a”. Les calculs sont alors considérablement réduits. Idée 2 :

On peut calculer le n-ième chiffre du nombre 1k*16i en base 16 en ne faisant que peu

de calculs. Prenons un exemple en base 10 (le raisonnement est le même quelle que soit la base, et il est plus facile de raisonner avec la base 10) : n = 1000, i = 35, k = 49. On cherche le millième

chiffre décimal de 149*1035. C’est en fait le 965-ième de 1

49, et aussi le premier chiffre après

la virgule de 10964

49 .

On calcule alors 10964 par division euclidienne : 10964 = 49q + r , d’où 10964

49 = q + r49.

Le premier chiffre après la virgule de 10964

49 est le même que celui de r49, qui est facile à

calculer, car r < 49. Idée 3 :

Pour trouver r, on utilise la congruence modulo 49, et on calcule les puissances de 10 de proche en proche : 102=100=2 [49] 104=22=4 [49] 1064=416=39 [49] 10128=392=2 [49] 10256=22=4 [49] 10512=42=16 [49]

964d’où 10 =10512+256+128+64+4=4*39*2*4*16=25 (49) donc r=25. Idée 4 :

On utilise ces trois techniques avec la formule de Plouffe, le seul problème étant qu’il

s’agit d’une somme infinie. Cependant, 116i diminue très vite avec i, ce qui fait que seuls les

premiers termes de la série sont à prendre en compte : dans la pratique, cela correspond pour ordre de grandeur au premier milliard de termes, mais tout ceci est très soigneusement évalué par les spécialistes. Ainsi, par cette formule et ces techniques de calculs, il est très facile d’avoir le n-ième chiffre décimal de π en base 16. Ce n-ième chiffre donne alors les chiffres binaires de π de rang 4n – 3, 4n – 2, 4n – 1 et 4n par remplacement de chaque chiffre en base 16 par quatre chiffres binaires en suivant la règle :

0 →0000, 1 →0001, 2 →0010, 3 →0011,

22

4 →0100, 5 →0101, 6 →0110, 7 →0111, 8 →1000, 9 →1001, A →1010, B →1011, C →1100, D →1101, E →1110, F →1111.

On pourrait se demander quel est l’intérêt de cette formule qui donne les décimales de π en base 16 ou 2, alors que la seule base qui nous intéresse vraiment est la base 10. En fait, l’intérêt théorique est important. On a construit en maths des classes de complexité comme la classe de Steven SC2 qui regroupe les nombres dont on peut calculer les chiffres binaires en temps polynomial et en espace ln-polynomial. Pour un nombre de cette classe, si on veut connaître son n-ième digit, il faut calculer pendant n3+2n2+3n secondes et utiliser ln(n) octets. L’espace grandit donc lentement. La formule BBP prouve que π appartient à cette classe, et que l’on peut aller aussi loin que l’on veut dans les décimales de π sans utiliser beaucoup de mémoire. Démontrons la formule BBP : Théorème :

(3.3) π = ∑i=0

∞ 116i ⎝⎜

⎛⎠⎟⎞4

8i + 1 – 28i + 4 – 1

8i + 5 – 18i + 6

Démonstration :

On peut écrire la somme sous la forme ∑i=0

∞ m 1

16i(8i + k) avec m, k des entiers.

Ainsi, ∑i=0

∞ 116i(8i + k) = 2k ∑

i=0

∞ ⎣⎢⎡

⎦⎥⎤xk+8i

8i + k 0

1/√2 = 2k ∑

i=0

∞ ∫

2/1

0 xk-1+8i dx.

Or le développement de 11 – x donne : 1

1 – x = ∑i=0

∞ xi.

k-1+8iDe plus, la série x converge uniformément sur [0, 1/ 2], car xk-1+8i et x tendent vers

l'infini en l'infini, donc on peut intervertir la somme et l'intégrale :

∑i=0

∞ 116i(8i + k) ∑

i=0

∞ x∫

2/1

0 ∫2/1

0xk-1

1 – x8 = 2k k-1+8i dx = 2k dx.

Donc ∑i=0

∞ 116i ∫

2/1

0 ⎝⎜⎛

⎠⎟⎞4

8i + 1 – 28i + 4 – 1

8i + 5 – 18i + 6 = 4 2 – 8x3 – 4 2x4 – 8x5

1 – x8 dx.

23

Faisons le changement de variable y = 2x :

Alors, ∑i=0

∞ 116i ⎝⎜

⎛⎠⎟⎞4

8i + 1 – 28i + 4 – 1

8i + 5 – 18i + 6 = 16(y – 1)

y4 – 2y3 + 4y – 4∫1

0 dy

= 4 2 – yy2 – 2y + 2∫

1

0 dy + 4 yy2 – 2∫

1

0 dy

= 4 – 4yy2 – 2y + 2∫

1

0 dy + 41 + (y – 1)²∫

1

0 dy + 4 yy2 – 2∫

1

0 dy

= [ ]–2ln(y2 – 2y + 2) + 4Arctan(y – 1) + 2ln(y2 – 2) 10

= –4Arctan(–1) = π . ■

Avec Maple cela donne : > evalf(int((4*sqrt(2)-8*x^3-4*sqrt(2)*x^4-8*x^5)/(1-x^8),x=0..1/sqrt(2)),50);

> evalf(Pi,50);

Pour terminer, on pourrait s’interroger sur l’utilité de connaître autant de décimales de π, alors que l’on sait ce nombre infini. Les derniers calculs ont rendu environ 206 milliards de décimales exactes, et on connaît aussi la deux cent cinquante mille milliardième décimale grâce à la formule de Bailey, Borwein et Plouffe. Cela dépasse presque l’imagination ! Maintenant que les décimales de π sont accessibles à n’importe quel rang, quel est la prochaine étape à franchir avec ce nombre ? En 1992, la découverte de π dans les fractales a été une surprise de taille, et un phénomène encore inexpliqué de manière rigoureuse. Peut-être est-ce là en partie l’avenir de π ? En tout cas, même après 4000 ans d’existence, ce nombre surprend encore et on ne sait pas jusqu’où il nous mènera …

24