LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements...

30
LE NIL Le mot Nil vient du grec Νειλος (Neilos) signifiant la « vallée de la rivière ». Les Egyptiens anciens l’appelaient iteru ce qui signifie la « grande rivière ». Le Nil est un fleuve de 6671 kilomètres. C’est le deuxième fleuve le plus long du monde après l’Amazone. Il traverse l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi, le Kenya, la République démocratique du Congo, l’Erythrée, le Soudan et l’Egypte. En 1992, le docteur Boutros-Ghali, Secrétaire général des Nations Unies, déclara : « le prochain conflit dans la région du Proche-Orient portera sur la question de l’eau(…) L’eau deviendra une ressource plus précieuse que le pétrole. » A l’heure actuelle alors que l’on entend souvent parler de possibles guerres de l’eau on peut donc se demander de quelle manière le Nil, qui traverse tant de pays, illustre le problème de l’eau dans le monde. Tout d’abord nous présenterons le bassin fluvial du Nil qui est un cadre physique précis. Puis nous vous décrirons l’évolution des relations entretenues par l’Homme avec le Nil depuis l’Antiquité. Enfin nous vous montrerons les enjeux de la gestion et du partage des eaux du Nil. I. Un cadre physique précis, le bassin fluvial du Nil Les 6 671 km du Nil en font un des fleuves les plus longs du monde. Son immense bassin de 2 870 000 km² est inégalement partagé entre 9 pays (Egypte, Ethiopie, Soudan, Burundi, Rwanda, Erythrée, Kenya, Ouganda et Tanzanie), qui dépendent de manière plus ou moins importante de ses eaux. Pour saisir l’importance des enjeux de l’eau dans cette région du monde, il est nécessaire de situer le Nil dans un cadre physique précis, d’en décrire ses caractéristiques. 1. Le bassin nilotique et ses Nils 1

Transcript of LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements...

Page 1: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

LE NILLe mot Nil vient du grec Νειλος (Neilos) signifiant la « vallée de la rivière ».

Les Egyptiens anciens l’appelaient iteru ce qui signifie la « grande rivière ». Le Nil est un fleuve de 6671 kilomètres. C’est le deuxième fleuve le plus long du monde après l’Amazone. Il traverse l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi, le Kenya, la République démocratique du Congo, l’Erythrée, le Soudan et l’Egypte. En 1992, le docteur Boutros-Ghali, Secrétaire général des Nations Unies, déclara : « le prochain conflit dans la région du Proche-Orient portera sur la question de l’eau(…) L’eau deviendra une ressource plus précieuse que le pétrole. » A l’heure actuelle alors que l’on entend souvent parler de possibles guerres de l’eau on peut donc se demander de quelle manière le Nil, qui traverse tant de pays, illustre le problème de l’eau dans le monde.

Tout d’abord nous présenterons le bassin fluvial du Nil qui est un cadre physique précis. Puis nous vous décrirons l’évolution des relations entretenues par l’Homme avec le Nil depuis l’Antiquité. Enfin nous vous montrerons les enjeux de la gestion et du partage des eaux du Nil.

I. Un cadre physique précis, le bassin fluvial du Nil

Les 6 671 km du Nil en font un des fleuves les plus longs du monde. Son immense bassin de 2 870 000 km² est inégalement partagé entre 9 pays (Egypte, Ethiopie, Soudan, Burundi, Rwanda, Erythrée, Kenya, Ouganda et Tanzanie), qui dépendent de manière plus ou moins importante de ses eaux. Pour saisir l’importance des enjeux de l’eau dans cette région du monde, il est nécessaire de situer le Nil dans un cadre physique précis, d’en décrire ses caractéristiques.

1. Le bassin nilotique et ses Nils

A) Un cadre naturel contraignant

Le bassin du Nil est un espace de transition entre 2 régimes climatiques, du Sud au Nord : une zone équatoriale en Afrique Orientale, une zone tropicale puis une zone désertique et avant de se jeter dans la Mer, une zone de type tempéré méditerranéen.

Les précipitations que reçoit le littoral sont comprises entre 100 et 400 mm d’eau par an et dans les immenses zones désertiques qui atteignent le littoral et s’étendent bien après le Tropique du Cancer, elles sont de l’ordre de 100 mm par an. Et dans la zone tropicale, elles sont de l’ordre de 400 à 600 mm d’eau par an, mais n’atteignent que très localement les 600 mm. Les précipitations sont trop faibles.

1

Page 2: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

Mais elles sont aussi irrégulières :- dans l’année, les pluies tombent quand la végétation est ralentie autrement dit lorsqu’elle en a le moins besoin, il y a donc nécessité de stocker l'eau l'hiver pour l'utiliser l’été. - d'une année sur l'autre le total pluviométrique peut varier dans de très fortes proportions et comme le total annuel moyen est faible il faut donc stocker l'eau d'une année sur l'autre. Le climat est aride. Les températures sont élevées et l’amplitude annuelle ainsi

que l’amplitude diurne sont fortes. Les conditions climatiques influent directement sur les écoulements. Les

régimes du cours d'eau sont très irréguliers : de très fortes crues, extrêmement brutales, soudaines, s'opposent à des étiages très creusés en été.

On peut parler d’un climat « agressif ».

B) Le Nil Blanc, source lointaine du Nil

Deux sources à l’origine de ce bras du fleuve :- la source Kasumo (2 050m d’altitude) provenant du Mont Moujoumbiro au Burundi donne naissance à la Kagera qui se jette dans le lac Victoria (1 300m d’altitude). De là coule le Nil Victoria qui va jusqu’au lac Mobutu (ou lac Albert)- une source à 5 119 m d’altitude, provenant des monts Ruwenzori en Ouganda, alimente avec d’autres torrents la rivière Semliki qui, après les lacs Edouard et George, se jette dans le Nil Victoria au sortir du lac Mobutu.

Le Nil Victoria devient ensuite le Nil Albert au sortir du lac du même nom. Il est alimenté par les pluies du climat équatorial. Mais en pénétrant au Soudan, le Nil Blanc est appelé le Bahr el-Gebel, c'est-à-dire le « Nil de la Montagne ».

Au Soudan, le Bahr el-Gebel s’étale dans une cuvette : ce sont les marais du Sudd, Sudd signifiant « obstacle » en arabe.Il s’agit d’une zone mal drainée, une plaine argileuse immense, qui s’étend sur 320 km de long et 240 km de large. Ce sont des marais de roseaux, de papyrus où les plantes aquatiques forment de vrais barrages… La surface d’eau passe de 10 000 à 30 000 km² lorsque les pluies tombent (de mai à septembre). Ici l’évaporation est gigantesque : 14 milliards de m3 d’eau sont perdus chaque année, soit plus de la moitié du débit du fleuve. Ainsi le fleuve perd-il plus d’eau dans le Sudd que dans les 3000 km du désert de Nubie.

Au sortir des marais, le Bahr el-Gebel reçoit le Bahr el-Ghazal, une rivière permanente. À ce confluent, le fleuve devient le Nil Blanc (ou Bahr el-Abiad). Il traverse alors une zone tropicale aride et ne reçoit aucun affluent jusqu’à Khartoum (capitale du Soudan), située à 800 km au Nord du confluent.

C’est le Nil Blanc qui assure l’essentiel du débit du Nil en hiver, c'est-à-dire de juin à septembre.

C) Le Nil Bleu ou pourquoi le Nil est un don de l’Ethiopie

En Ethiopie, le Nil Bleu ou l’Abbey pour les Ethiopiens, prend sa source à 2900 m d’altitude, dans les montagnes de l’Agaumeder puis rejoint le lac Tana (1840m d’altitude). Il est long de 1530 km et traverse le Soudan pour fournir au Nil Blanc 59% de son débit. Le Nil Bleu fournit les caractéristiques essentielles du Nil

2

Page 3: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

grâce à ses crues impressionnantes qui apportent d’énormes masses de sédiments boueux : les limons.

Avec ses affluents, il apporte même 86% des eaux atteignant l’Egypte. Comme l’Ethiopie n’utilise pour l’instant que 0,3% du débit du Nil Bleu pour irriguer seulement 2% de ses terres arables, la situation de ce pays ne peut qu’inquiéter les pays en aval.

À Khartoum, se forme le Nil, à 2700 km de son embouchure, par la rencontre du Nil Bleu et du Nil Blanc.

D) Vers le Nil égyptien

Le Nil parcourt 2700 km à travers le désert, dont 1 250 km sur le territoire égyptien. À la hauteur d’Assouan, le fleuve est à 87m d’altitude et il lui reste encore 1180 km à parcourir. Une bande verte et fertile s’étale de chaque côté de ses berges mais ne dépasse pas en générale la dizaine de kilomètres.

Le Nil des cataractes va du confluent du Nil Blanc et du Nil Bleu jusqu’à Assouan, traçant un gigantesque S qui le conduit jusqu'à la frontière égyptienne. Ses cataractes sont des rapides plutôt que des chutes d’eau. Ils sont dus à des encombrements rocheux dans le lit du fleuve. Les cataractes sont au nombre de 6, elles rendent parfois la navigation difficile et dangereuse mais ne l’interrompent pas. Au-delà de la 6e cataracte, la plus en amont, le Nil reçoit son dernier affluent l'Atbara qui représente 13% du débit du fleuve.Mais aujourd’hui la première et la deuxième cataracte ont été englouties par le barrage d’Assouan et celui de Merowe devait engloutir la quatrième mais il est toujours possible d’en observer le début.

Les cataractes sur le Nil

3

Page 4: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

Profil longitudinal du Nil

Après le Caire, c’est le delta du Nil, avec 24 000 km2 et 260 km de côte entre Rosette et Damiette. Initialement composé de sept branches principales, le delta n’en possède plus que deux qui ont résisté à l’assèchement ou au comblement : le bras de Rosette à l’ouest du delta et le bras de Damiette à l’Est. A l’embouchure du fleuve, 3 milliards de m3 d’eau/an arrive en Méditerranée alors que le potentiel du Nil est de 54 milliards de m3. Il comporte aussi quatre canaux principaux d’irrigation et 24 000 canaux de drainage et d’irrigation qui permettent l’exploitation des terres agricoles du delta. La densité de population y est l’une des plus fortes du monde : 1600 habitants/km².

2. Les aménagements sur le fleuve face à une demande toujours croissante

Par exemple, en Egypte, l’eau est actuellement utilisée pour 83% par l’agriculture, 4.5% par le secteur industriel, et 6% pour la consommation urbaine. La population égyptienne connaît un taux de croissance de 1,8% par an, la disponibilité hydraulique doit être augmentée si le pays veut éviter la pénurie. Or toute l’eau vient directement ou indirectement du Nil. Ce pays est totalement dépendant de son fleuve et pour s’assurer un volume d’eau suffisant l’Egypte comme d’autres pays, a aménagé le Nil.

A) Les barrages sur le fleuve

a) Le Haut Barrage d’Assouan, un ouvrage gigantesque

Avant le barrage Le régime moyen annuel du Nil lorsqu’il entre en Egypte est de 84 milliards de m 3/an soit 2 700 m3/s, ce qui est faible si on le compare aux 6 000 milliards de m3 de l'Amazone. Au Caire il n’est plus que de 2000 m3/s. Le Nil s’affaiblit tout au long de son parcours. La «crue» du Nil submerge la vallée au cœur et à la fin de l'été, c'est-à-dire au bon moment. Le débit en mai est de 520 m3/s, il grimpe à 8 500 m3 en

4

Page 5: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

septembre. Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à 8 mètres au Caire. La dernière crue du Nil a eut lieu en 1964.

Le barrage Sadd el Ali:Les travaux ont débuté en 1959, à 7 km en amont du premier barrage d’Assouan. Sadd el Ali est ancré sur une étroite gorge granitique, il fait 3600 mètres de long, 980 mètres d'épaisseur à la base, 40 mètres au sommet, 111 mètres de haut. Son réservoir s’étend sur plus de 500 km en amont et constitue le lac Nasser de 12 km de large et d’une superficie de 6500 km2 (soit 11 fois celle du Léman). Sa capacité de retenue est gigantesque : elle est de 168 km3, dont 30 km3 destinés à stocker les limons sur 500 ans, et 48 km3 pour faire face aux crues exceptionnelles. Les 90 km3

restants correspondent au débit moyen charrié par le fleuve qui est de 84 km3/an. 10 à 15 km3 se perdent par évaporation dans le lac Nasser, dont 1/3 est situé au Soudan et le reste en Egypte.Inauguré en 1971, il ne fonctionne vraiment que depuis 1975.

Trois buts étaient recherchés pour ce projet : l’extension des superficies irriguées, l’amélioration de la navigation, la production d’électricité. Le barrage a permis le passage d’une agriculture saisonnière à un calendrier agricole qui s’étend sur plus de 11 mois pour tout le territoire égyptien. La culture du riz se généralise, elle a lieu pendant l’été. Mais c’est une culture très consommatrice d’eau, qui est aujourd’hui montrée du doigt par le gouvernement et qui cherche à limiter son développement. Toutefois l’agriculture reste peu mécanisée, mais est néanmoins très intensive.La crue est aujourd’hui totalement maîtrisée.

b) Les autres barrages Sur le Nil Blanc, on compte trois barrages : en Ouganda, celui d’Owen

datant de 1954 et au Soudan, en amont de Khartoum celui de Djebel Aulia (1937) et en aval de Khartoum celui de Merowe, terminé en avril 2008. Djebel Aulia, d’une capacité de 3,5 milliards de m3, compense les effets du barrage de Sennar : il retient la crue de la Sobat (affluent provenant d’Ethiopie) et permet de soutenir le débit du Nil en Égypte d'octobre à février. Plusieurs projets ou barrages en construction se situent en aval de celui-ci (deux en Ouganda et un autre au Soudan avant les marais du Sudd).

Sur le Nil Bleu, on compte 3 barrages : le premier, celui de Finchaa (1962) se situe en Ethiopie tandis que les deux autres ont été construits au Soudan, celui de Roseires en 1966 et celui de Sennar (1925, 1958). Ce dernier, avec sa retenue de 800 millions de m3, permet de stocker l'eau des crues dont a besoin l'agriculture soudanaise. Mais en contrepartie, le Soudan renonce à tout prélèvement entre janvier et juillet. De plus il est, avec le barrage de Kahshm el-Girba (1964) sur l’Atbara, une réponse du Soudan au Haut Barrage d’Assouan. Et depuis avril 2008 le barrage de Merowe fonctionne.

Mais c’est surtout l’Egypte qui a totalement domestiqué le fleuve avec 8 barrages dont 3 entre le premier barrage d’Assouan et le barrage du delta. Ensuite en aval du Caire il y a un barrage sur chaque bras du delta, datant tous les deux du XIXème siècle.

5

Page 6: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

La plupart des barrages construits sont des barrages réservoirs, complétés ou non par une centrale électrique, qui permettent de retenir l’eau de la crue pour la restituer pendant l’étiage. Toutefois un de leur défaut majeur est qu’ils peuvent perdre jusqu'au tiers de leur capacité à cause de l’envasement en 20 ou 30 ans.

On trouve aussi de petits barrages de dérivation qui ont pour but de répartir la crue sur la plus grande superficie possible, ils sont mis en œuvre par de petits collectifs d'exploitants. Ce sont des installations légères liées à l’agriculture traditionnelle qui est encore très largement répandue aujourd’hui.

B) La mobilisation de l’eau

a) La distribution de l’eau d’irrigation en Egypte

Tout est géré depuis le barrage d’Assouan, d’où l’eau est libérée. Le Nil est ensuite un système fluvial entièrement artificialisé. Les eaux sont relâchées à Assouan en fonction de la demande énergétique et des besoins en eau des cultures, donc en fonction du calendrier agricole. Il faut 7 km3 en juillet pour la culture de riz et de coton, qui sont très consommatrices d’eau, contre 3 km3 en décembre. Le système comprend des canaux primaires et secondaires, dont l’Etat est propriétaire et qui sont entièrement gérés et entretenus par ce dernier.Par exemple, le Delta compte à lui seul un réseau de 24 000 canaux d’irrigation et de drainage.Les canaux amenant l’eau jusqu’aux parcelles, les canaux tertiaires, sont appelés mesqa et leur gestion est à la charge des irrigants. Les contrôles des quantités se font par calculs de niveaux d’eau et non par un contrôle volumétrique.

Depuis la mesqa, l’agriculteur fait venir l’eau dans son champ via de petites rigoles, les marwas. Celui-ci peut alors utiliser l’eau à son bon vouloir et peut faire passer de son eau vers le champ du voisin, ce qui évite les gaspillages et permet un gain de temps pour celui qui reçoit ce surplus. En bout de la mesqa se trouve en règle générale un canal de drainage, qui récolte le surplus d’eau non utilisée qui circule dans la mesqa. Il s’agit d’irrigation gravitaire. Or les apports en eau sont malgré tout excessifs. Les méthodes modernes par aspersion et par goutte à goutte sont plus économiques pour la ressource, mais ont un coût trop élevé pour beaucoup d’agriculteurs.

Il existe aussi des projets de grands canaux tels que celui du canal de Jonglei dans les marais du Sudd. C’est un projet qui, jusqu’à aujourd’hui, est resté au point mort : sa construction a été brutalement stoppé en 1983, 5 ans après le début des travaux, à cause des tensions entre le Nord et le Sud au Soudan. Il n’est donc construit que sur 67% de sa longueur. Mais le projet revient au goût du jour, depuis que le Sud Soudan a voté son indépendance.

b) Les eaux souterrainesEn Afrique du Nord il existe trois immenses aquifères : dont l'aquifère des grès

de Nubie. Il est épais de 3 500 mètres, il couvre environ 2 500 000 km² (Égypte, Libye orientale, Nord du Soudan et du Tchad). C’est un réservoir de 50 000 milliards de m3 dont la roche magasin est constituée par des calcaires sablonneux. La profondeur de la nappe est de 800 mètres au sud et 2 000 mètres au nord.

6

Page 7: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

Or les exploitations des eaux souterraines sont trop coûteuses et ne sont pas un avantage pour l’agriculture. En effet elles sont souvent trop riches en minéraux et appauvrissent les sols sur le long terme.

Ainsi le bassin nilotique est-il situé dans un cadre naturel difficile, qui amène une forte pression sur la gestion des eaux du fleuve. Les hommes tentent d’aménager au mieux une région afin qu’elle soit dans les conditions adéquates à une agriculture intensive. Or le modèle d’irrigation adopté gaspille énormément. Le Nil, notamment en Egypte, est totalement artificialisé aujourd’hui. Mais la population n’a pas toujours vécu de cette manière, c’est pourquoi nous pouvons nous pencher sur l’Histoire de ce bassin fluvial.

II. Le Nil, fleuve de l'Humanité

Pour comprendre le fonctionnement actuel de  la gestion et de l'utilisation de l'eau d'irrigation en Egypte, une approche historique semble importante. Elle permet de montrer à quel point dans ce pays l'eau est un instrument de pouvoir, dont l'Etat s'est rapidement approprié le contrôle. La civilisation égyptienne est en effet une civilisation entièrement dépendante d'une bonne gestion de ses ressources en eau, qui ont  pour unique source le Nil. Père des eaux dans l'Antiquité, il a fasciné beaucoup d'homme et il est à l'origine de grandes civilisations. 

       1. Pendant l'Antiquité: La civilisation égyptienne

               A) le Nil, un fleuve civilisateur

Le Nil était le cœur de la civilisation de l'Égypte antique, avec la majorité de la population et toutes les villes de l'Égypte se situant le long du Nil au nord d'Assouan. Le Nil a été la colonne vertébrale de la culture égyptienne depuis l'âge de pierre. Le changement de climat, et peut-être une trop grande utilisation des terres comme pâturages, a desséché les terres pastorales de l'Égypte pour former le désert du Sahara, probablement vers -8000, et les habitants ont alors vraisemblablement émigré vers le fleuve, où ils ont établi une économie agricole sédentaire et une société plus centralisée.

La nourriture a joué un rôle crucial dans la fondation de la civilisation égyptienne. Le Nil a été une source intarissable de nourriture. Il rend les terres environnantes très fertiles lors de ses crues annuelles. Les Égyptiens pouvaient cultiver le blé, le riz, et des récoltes autour du Nil, fournissant de la nourriture pour toute la population. En outre, l'eau du Nil attire du gibier tel que le  buffle d'Afrique, et après leur introduction par les Perses au VIIe siècle avant notre ère, des dromadaires. Ces animaux ont pu être tués pour la viande, ou capturés, apprivoisés et employés pour labourer ou dans le cas des dromadaires pour voyager. L'eau était vitale pour les humains comme pour le bétail. Le Nil était

7

Page 8: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

également un moyen commode et efficace de transport pour les personnes et les marchandises.

La civilisation de l'Égypte était l'une des mieux structurées de l'histoire. Cette stabilité était la conséquence immédiate de la fertilité du Nil. Il a aussi fourni le lin pour le commerce. Le blé était également échangé, une récolte cruciale dans le Moyen-Orient où la famine sévissait souvent. Ce système marchand a fixé les rapports diplomatiques de l'Égypte avec d'autres pays, et a souvent contribué à la stabilité économique de l'Égypte. En outre, le Nil a fourni des ressources telles que la nourriture ou l'argent, pour lever rapidement et efficacement des armées.Le Nil a joué un rôle important dans la politique et dans la vie sociale. Le pharaon faisait déborder le Nil, et en échange de l'eau fertile et des récoltes, les paysans cultivaient le sol et envoyaient au pharaon une partie des ressources qu'ils avaient récoltées. En contrepartie, ce dernier utilisait ces ressources pour le bien-être de la société égyptienne.

           B) Croyances et rites liés au Nil

 Isis et Osiris

L'Egypte ancienne voit le Nil comme un bienfait venu des Dieux, et il est à l'origine de beaucoup de mythes fondateurs. Le Nil serait né des larmes d'Isis, sœur et épouse d'Osiris. Seth, le frère d'Osiris, qui aspirait à la couronne, le tua et dissimula son corps. Isis parvint à le trouver grâce à ses talents de magicienne. Les larmes qu'elle versa auprès de la dépouille d'Osiris le ressuscitèrent et provoquèrent la crue du Nil. Les égyptologues voient en Osiris la terre fertile fécondée chaque année par la crue du Nil, personnifiée par Isis. 

 Le dieu Hâpy

Le dieu Hâpy est le dieu du Nil, comme lui, il est androgyne, pansu et mamelu, vert et bleu. Il tient une vasque inclinée d'où s'écoulent les flots de la mer Noun, la mer mythique dont le Nil serait la résurgence perpétuelle donnant vie à l’Egypte. Hâpy

8

Page 9: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

est l'esprit du Nil, il personnifie la crue, l'inondation céleste qui rythme le calendrier du pharaon en trois saisons de quatre mois. Il y a plusieurs rites relatifs au fleuve. Par exemple, si un homme est emporté par les eaux du fleuve, les prêtres devaient embaumer et ensevelir son corps dans un cercueil sacré. De même, il ne faut pas pleurer une femme noyée dans le fleuve car son eau apporte force et fécondité. L'eau est bonne à boire, malgré les limons, et guérit tous les maux. Le Nil était fêté tous les ans au moment de la crue, qui suspendait les travaux des champs. La fête de la "nuit des gouttes" se tient encore au début du mois de juin. Comme les larmes d'Isis, une goutte d'eau tombe du ciel et provoque la montée des eaux. Les anciens égyptiens imaginaient le voyage vers l'au-delà sur une barque funéraire. Le Nil séparait le monde des vivants, à l'est, de celui des morts, à l'ouest. Parcourir le Nil constituait un acte de renaissance.  Les historiens et les géographes comme Hérodote au Vème siècle av JC, Diodore de Sicile, Strabon ou Plutarque, ont parcouru le pays qu'ils considéraient comme la terre de la sagesse originelle. 

Genèse XLI 1-36Un extrait de la Bible, qui traduit bien la peur d'une culture non maîtrisée : « Le pharaon dit alors à Joseph: «Dans mon rêve, je me tenais sur le bord du fleuve. Alors sept vaches grasses et belles sont sorties du fleuve et se sont mises à brouter dans la prairie. Sept autres vaches sont sorties après elles, maigres, très laides et décharnées; je n'en ai pas vu d'aussi laides dans toute l'Egypte. Les vaches décharnées et laides ont mangé les sept premières vaches qui étaient grasses. Elles les ont englouties dans leur ventre sans qu'on s'aperçoive qu'elles y étaient entrées: leur apparence était aussi laide qu'avant. Puis je me suis réveillé. J'ai vu encore en rêve sept épis pleins et beaux qui montaient sur une même tige. Sept épis vides, maigres, brûlés par le vent d'est, ont poussé après eux. Les épis maigres ont englouti les sept beaux épis. Je l'ai dit aux magiciens, mais personne ne m'a donné l'explication.» Joseph dit au pharaon: «Ce qu'a rêvé le pharaon correspond à un seul événement. Dieu a révélé au pharaon ce qu'il va faire. Les sept belles vaches sont sept années, et les sept beaux épis aussi: c'est un seul rêve. Les sept vaches décharnées et laides sorties après les premières sont sept années, tout comme les sept épis vides brûlés par le vent d'est. Ce sont sept années de famine. C'est comme je viens de le dire au pharaon, Dieu montre au pharaon ce qu'il va faire: il y aura sept années de grande abondance dans toute l'Egypte; sept années de famine les suivront, et l'on oubliera toute cette abondance en Egypte. La famine détruira le pays. » 

      C) La naissance de l'irrigation  

L'agriculture irriguée est née dans la basse vallée du Nil il y a environ sept mille ans : on cultivait les parcelles de limon humide abandonné par le fleuve lors de sa décrue. La décrue laissait un limon noir, fertilisant le grenier à blé de l'Antiquité. Puis vers 3400 avant notre ère, les villageois s'organisèrent pour retenir l'eau dans des bassins. Le Nil est une voie de navigation naturelle. Les felouques utilisaient le vent du nord pour remonter le fleuve vers le sud, et le courant pour le descendre vers la méditerranée. Pendant trente siècles, seules des felouques et des canges à rames ont navigué sur le Nil de Haute-Égypte. Les pharaons ont réalisé les premiers bassins, séparés du fleuve par des digues. Ex : au Caire, le canal Khalig.

9

Page 10: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

        

2. Le tournant du 19ème siècle; le Nil fascine à nouveau

 Véritable engouement de la part des européens. 

A) Le fleuve intrigue

Les grecs et les romains disent pour parler d'un projet irréalisable: "caput nili quaere" « chercher les sources du Nil ». La source du Nil bleu en Ethiopie était connue depuis longtemps, mais celle du Nil Blanc restait un mystère encore au XIXe siècle. On veut donc trouver où se cache la source du Nil Blanc. Ce sont les explorateurs anglais qui découvrent la source du Nil Blanc. Ainsi commence l'exploitation accrue du Nil.

        B) Début de l'exploitation

Au 19ème siècle : construction de barrages élevant le niveau de l'eau dans le delta. Le but est de développer la culture du coton pour approvisionner les filatures anglaises. La généralisation des instruments d'exhaure et le progrès agronomique d'une culture du sol pendant une durée de l'année de plus en plus importante va permettre à la société égyptienne de considérablement augmenter. En effet, au 19ème siècle les superficies récoltées augmentent, et les systèmes de cultures s'intensifient. L'irrigation va progressivement autoriser la double récolte annuelle, ce qui entraîne presque un doublement des gains agricoles.  Après l'expédition française du « début du siècle » par Bonaparte (1798-1801), Mohamed Ali, alors chef des militaires albanais de l'armée turque, s'impose en pacha d'Egypte. Il entraîne le pays sur la voie du capitalisme d'Etat, du dirigisme et du protectionnisme. Son règne s'étend de 1805 à 1848 et il est marqué par une importante réforme agraire dont le but premier est de rétablir l'agriculture céréalière pour relever la population du pays - la population égyptienne en 1800 est très réduite - mais aussi de dégager un surplus exportable et permettre ainsi le développement du coton et de la canne à sucre. Ce sont en effet des cultures d'exportation qui vont faire rentrer des devises en Egypte, nécessaires à la modernisation du pays. La culture du coton se développe car c'est une culture robuste qui supporte la culture répétée plusieurs années de suite sur le même terrain. Elle est de plus résistante à la sécheresse. On la cultive en saison chaude, de février à septembre. La culture de coton devient obligatoire partout où elle est possible. Les surfaces irriguées augmentent alors considérablement et la sakia, qui permet de relever l'eau jusqu'à la parcelle se généralise dans tout le pays. La société paysanne s'organise autour  de cet outil.

10

Page 11: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

 La sakia

La politique hydraulique du pays évolue et prend la voie de la modernisation. En plus de la réhabilitation et de l'amélioration de l'ancien système de bassins de décrue, Mohamed Ali entreprend des aménagements destinés à étendre l'agriculture irriguée. La technique employée alors sera l'utilisation des anciens canaux d'épandage de crue.  Cette technique impose vite ses limites : les canaux d'épandage partent de la berge et étaient creusés à un niveau juste inférieur à celui des crues les plus basses : le Nil coule donc en période d'étiage à un niveau inférieur à celui des prises d'eau de ces canaux. L'état entreprend donc le surcreusement de tous ces canaux afin de pouvoir utiliser les eaux du Nil en toutes saisons.  C'est cependant un échec car ils ont tôt fait de  s'envaser du fait de la faible vitesse de circulation de l'eau, et il faut de plus équiper le pays en instruments d'exhaure, pour relever le niveau de l'eau jusqu'à celui des bassins cultivés. 

        3. Le déclin programmé: l'ordre de la nature bafoué

A)     Le contrôle total de la crue et l'irrigation pérenne  

Les efforts se concentrent alors sur la construction de barrages élévateurs sur le cours du fleuve, en Basse Egypte (sur le delta principalement, car l'écart entre le niveau d'étiage et le niveau de la crue est plus faible, la construction de barrages est donc plus facile). Ils permettent de rehausser le niveau de prise d'eau dans le fleuve, et de limiter les travaux de surcreusement et de curage. La construction en 1843 du barrage sur la branche de Damiette permet l'irrigation pérenne de la quasi-totalité du delta en relevant le niveau du Nil d'un mètre. 

 Apparaissent ensuite des barrages réservoirs pour retenir l'eau de la crue pour la restituer pendant l'étiage. Les soudanais érigent le barrage de Sennar sur le Nil Bleu en 1925. Pendant la crue du Nil Bleu, les eaux du Nil Blanc sont retenues par le barrage de Djebel-Aulia, construit en 1930.      B) la construction du barrage d'Assouan change l'agriculture et les mentalités.    

11

Page 12: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

 Le barrage d'Assouan 

Le barrage d'Assouan est construit de 1960 à 1970, grâce à l'aide de l'union soviétique, l'ordre naturel des choses est bouleversé. Le barrage autorise une maîtrise complète de la crue, et la double culture annuelle avec rotation biennale ou triennale du coton. Les rendements agricoles sont améliorés. De nouveaux espaces agricoles sont également créés. Les surfaces cultivées passent de 5,2 millions de feddans en 1952 à 7,5 millions de feddans en 2002 (2.18 millions d'hectares à 3.15 millions d'hectares) et les surfaces récoltées entre 11 et12 millions de feddans en 2002 (4.8 millions d'hectares). C'est une transformation profonde de l'histoire hydraulique égyptienne. Les dangers liés à la crue sont écartés, et une gestion des quantités devient possible. Le barrage permet le passage d'une agriculture saisonnière à un calendrier agricole qui s'étend sur plus de 11 mois pour tout le territoire  égyptien. La culture du riz se généralise, elle a lieu pendant l'été. Cette culture très consommatrice d'eau est aujourd'hui montrée du doigt par le gouvernement, qui cherche à limiter son développement.  Si les surfaces cultivées augmentent de façon considérable et la production également, l'Egypte n'est cependant pas en situation d'autosuffisance alimentaire et doit importer.  Le barrage a aussi pour conséquence un changement important dans les mentalités des paysans égyptiens, qui ne voient plus un risque de manque d'eau, l'apport étant constant tout au long de l'année et quelles que soient les conditions météorologiques. Le lac Nasser est considéré dans l'inconscient collectif comme une réserve inépuisable, et encore aujourd'hui il est courant de s'entendre dire que l'Egypte ne  manquera jamais d'eau grâce au barrage. Il en résulte une augmentation irrationnelle de la consommation en eau qui entraîne une dégradation de la qualité des sols.

12

Page 13: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

III. Les enjeux de la gestion et du partage des eaux du Nil

1. Le haut barrage d’Assouan, reflet de la complexité de la mobilisation des eaux du Nil   : un barrage dépassé par les enjeux qu’il s’était donné.

A)A quels enjeux souhaite répondre l’Egypte   ?

a) Régulariser le débit du Nil

Le Nil offrait des variations de son débit interannuelles qui ont toujours inquiété. Le barrage permet de distribuer l’eau entre années excédentaires et déficitaires grâce à sa capacité de stockage. Ainsi en aval du barrage, un régime artificiel avec de très faibles variations interannuelles se substitue au régime naturel du fleuve marqué par l’importance de la crue d’août, septembre, octobre. Le régime du Nil est donc profondément modifié.

b) Assurer l’autosuffisance alimentaire primaire du pays

Cette homogénéité du débit des eaux du Nil tout au long de l’année, permet une agriculture constante, grâce à une irrigation pérenne. C’est de cette manière que l’Egypte voulait répondre à la croissance démographique, avec l’extension des superficies irriguées elle visait en fait l’autosuffisance alimentaire primaire du pays.

c) Régler la question du partage des eaux Egypte/Soudan

L’Egypte voulait en finir d’être dépendante des pays en amont. Cette dépendance était due aux ouvrages de stockage qui ont été réalisés : le réservoir de Sennar à l'amont de la Djézireh soudanienne, et le relèvement du seuil à la sortie du lac Victoria. L'ouvrage d'Assouan constitue donc le dernier maillon d'un complexe d’aval.

B)Quelles en ont été les conséquences   ?

a) Les avantages

- Une capacité de régulation modulable en fonction du calendrier agricole qui nécessite le lâcher de 7 km3 en juillet contre 3 km3 en décembre ; qui permet une utilisation continue du sol, avec deux ou trois récoltes par an contrairement à une récolte annuelle commandée par la crue.

- L'augmentation des surfaces cultivées qui sont passées d'environ 2,18 M° d’hectares en 1952 à 3,15 M° en 2002. La généralisation de l'irrigation pérenne (avec

13

Page 14: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

l’irrigation) = "l'extension verticale" et "l'extension horizontale"= les opérations de bonification, de conquête de nouvelles terres.

Carte montrant l’évolution de la surface cultivée.

- La centrale électrique associée au barrage a considérablement amélioré le bilan énergétique du pays. Actuellement le barrage fournit 20% de l’électricité du pays. L’Egypte est donc devenue autonome sur le plan énergétique.

b) Les inconvénients

- La perte des limons (qui constituaient un apport fertilisant renouvelé tous les ans), est en réalité faible et est compensées par des apports en engrais.

- Il agit comme une machine évaporatoire avec un prélèvement de 10 km3 d'eau par an ce qui provoque une augmentation de la salinité des eaux (qui passe de 160 mg/l en amont Assouan, à 225 mg/l en aval).

- La disparition des apports solides, au niveau du delta, qui se traduit par l'érosion du littoral et un recul de la ligne de rivage.

- En dépit de sa capacité de stockage, il semblerait que l'ouvrage ne soit pas capable de répondre aux besoins d'eau de la production agricole, dans le cas d'une sécheresse, puisque sa capacité de stockage utile serait seulement de 90 km3.

14

Page 15: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

C)Le barrage insuffisant

Ce projet gigantesque, construit à l'échelle du pays entier il y a un quart de siècle, se révèle aujourd'hui insuffisant face à la croissance démographique et aux risques de sécheresse.

a) L’inefficacité face au risque de sécheresse

L'histoire récente montre que la retenue du lac Nasser peut être insuffisante pour faire face à une succession d'années de sécheresse. Au début de l'année 1988 le niveau du réservoir s'était abaissé jusqu'à la cote d'alerte.

b) La croissance démographique : de 30 à plus de 80 millions d’habitants

Courbe montrant l’évolution démographique en Egypte de 1961 à 2003.(nbre hab. x1000)

L'Égypte était un pays de 30 millions d'habitants en 1963, et aujourd’hui on dénombre près de 80 470 000 habitants.

La superficie cultivée a également augmentée, mais le rapport entre la croissance démographique et l’accroissement des superficies s’est empiré : de 0,21 ha cultivé par habitant en 1900 il est passé à 0,04 en 2000. Donc la superficie agricole par habitant réduit d'année en année.

En dépit des progrès de l'agriculture, et d'une orientation vers les cultures vivrières le pays ne peut faire face à une demande alimentaire en très forte augmentation. Actuellement l'Égypte est un très gros importateur de céréales (3e au monde) : 8 millions de tonnes en moyenne annuelle. Et c’est le premier pays importateur de blé.

15

Page 16: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

En raison de la pression démographique et des variations climatiques, le barrage actuel ne pourra donc pas assurer la sécurité de l'approvisionnement en eau du pays.

2. Egypte et pays d’amont, la guerre de l’eau   : le Nil un élément conflictuel .

A) Une entente impossible

a) Le plan Hurst, dévoile la complexité du problème

Suite à l’échec du barrage d’Assouan, des propositions ont été faites avec le plan Hurst :- sur le Nil Blanc : le réservoir pluriannuel du Lac Albert en Ouganda ; et au Soudan : le réservoir à capacité saisonnière de Nimule, le creusement du canal de Jongleï, et le barrage de Gambela- sur le Nil Bleu : le réservoir de stockage pluriannuel du lac Tana en Éthiopie, et l'élévation du barrage de Rosières au Soudan- sur le Nil : le barrage de Mérowé (4ème cataracte).

Mais la réalisation d'un tel ensemble suppose l'accord des 9 pays riverains et notamment celui des trois pays les plus concernés : Égypte, Éthiopie et Soudan. Ce qui reste improbable.

b) L’incapacité/impuissance du droit international pour le partage des eaux des fleuves

L’eau ne connait pas la frontière. Le droit international est donc très imprécis pour le partage des eaux des fleuves ou des nappes souterraines entre deux ou plusieurs États souverains.

c) L’Egypte veut faire respecter ses «   droit acquis   »

La position égyptienne est très ferme : elle veut à tout prix faire respecter ses « droits acquis ». Il y a 30 ans le président Anouar al-Sadate déclarait : « Si quelqu'un fait quelque chose qui puisse nuire à notre approvisionnement, nous n'hésiterons pas à entrer en guerre. C'est une question de vie ou de mort ». Quelques années après, le ministre des Affaires étrangères égyptiens affirmait : « La prochaine guerre dans notre région concernera l'eau. ».

B) La position de l’Ethiopie

a)Un refus total d’envisager une politique hydraulique commune

L'Éthiopie considère comme nuls les accords de partage des eaux du Nil entre le Soudan et l'Égypte de 1959. Elle refuse d'envisager une quelconque politique hydraulique commune entre les autres États riverains. Et espère écarter les projets qui risqueraient de se transformer en droits acquis.

16

Page 17: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

Elle souhaite exploiter le Nil Bleu et les affluents qui prennent naissance sur son territoire. L'État revendique que, si plus de 80% des débits du Nil égyptien se forment sur son territoire, elle n’en utilise que 0,3%.

Actuellement l'Éthiopie projette la bonification de 90 000 ha dans le bassin versant du Nil Bleu grâce à l'aménagement du réservoir de stockage pluriannuel (7,5 milliards de m3 d’eau) du lac Tana.

A plus long terme, les prévisions sont énormes : elles portent sur 1,5 million d’hectares. Irriguer une telle surface présage une diminution en aval d’environ 9 milliards de m3/an d’eau, ce qui diminuerait de 16% les volumes d’eau reçus dans l’année par l’Egypte.

Si ces plans venaient à exécution, ce serait une catastrophe pour le Soudan et l'Égypte.

C ) La position du Soudan

a) Le Soudan est à la recherche de nouvelles disponibilités hydrauliques

Le Soudan, comme tous les pays du bassin du Nil, voit sa population grandir et donc ses besoins en eau.

b) Le canal de Jongleï, un projet critiqué qui confronte l’Egypte et l’Ethiopie

Le canal du Jongleï doit couper la grande boucle du Nil Blanc (dans les marais de Bahr el Ghazal), pour favoriser l’écoulement de l’eau et limiter les pertes d’eau par évaporation : plus de 4 milliards de m3 pourraient être récupérés dont 2,3 pour le Soudan et 1,9 pour l'Égypte. Il doit mesurer 360 km (allant de Bor à Malakal).En 1983 les travaux ont été arrêtés aux 2/3 (il reste 93 km à creuser), à cause de la guerre civile, qui sévit dans le Sud.

Ce projet est évidemment soutenu par l’Egypte. Contrairement à l’Ethiopie qui est pour l’arrêt des travaux. Le Soudan est partagé : le Nord est historiquement lié à l'Égypte, et le Sud est par nécessité lié à l'Éthiopie.

Le Nil qui assure la liaison entre les États du bassin hydrographique est donc devenu un objet de division.

17

Page 18: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

3. Un avenir préoccupant, qui va rendre nécessaire une meilleure gestion des eaux du Nil, et un terrain d’entente.

A)Des prévisions alarmantes

a) Qui valent pour le monde entier : le problème de l’eau

La dépendance dans laquelle se trouve placés de nombreux pays est source de menaces réelles voire de conflits pour l'avenir. Cela concerne la vallée du Nil mais aussi, les bassins du Jourdain, du Tigre et de l'Euphrate, qui constituent aussi de vifs foyers de tensions. Et partout dans le monde les compétitions s'aiguisent entre États riverains d'un même fleuve ou utilisateurs de la même nappe phréatique.

b) le cas du Nil : l’augmentation démographique et la demande urbaine en eau

On remarque une tendance à la baisse de l'alimentation du Nil ; alors que la population ne cesse de croitre.

Egypte :

Les prévisions annoncent 96 millions d’égyptiens en 2025. Selon les calculs démographiques de l'ONU, la population pourrait se stabiliser à 122 millions d'habitants autour de 2040/2050. Pourtant il est presque impossible que l’Egypte voit ses ressources en eau augmenter. Il est d’ailleurs possible que les projets qui alimentent les rêves de grandeur égyptiens, servent de prétexte à de futures revendications sur les eaux du Nil.

Ethiopie :

Le pays comptait 82 millions d’habitants en 2009 et atteindra en 2025 les 110 millions et 150 en 2050 (il sera alors plus peuplé que l’Égypte). L’Ethiopie étant confrontée à de graves sécheresses, devra pour nourrir ses habitants, développer des superficies irriguées.

B)De nouvelles gestions de l’eau   : comment limiter le gaspillage   ?

a) Gestion actuelle de l’eau du Nil

Actuellement l’aspersion n’est utilisée que sur le 1/5 des terres seulement et sur les vieilles terres de la vallée on pratique uniquement l'irrigation par l'inondation

18

Page 19: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

des parcelles. L'eau est en permanence à la disposition des paysans qui l’utilisent sans aucune limite.En Egypte l’irrigation réelle est de 7 à 8 000 m3/an/ha, tandis que les besoins estimés sont de 4 à 5000 m3/an/ha. L’Egypte consomme donc 16 millions de m3 d’eau par an.

Il est donc nécessaire d’améliorer la gestion de l’eau du Nil.

b) La question de la tarification de l’eau se pose

Il semble indispensable de passer à un dispositif où l'eau est payante et son utilisation contrôlée. Et faire payer l'eau suppose un total bouleversement du système agricole dans lequel évolue la paysannerie des bords du Nil.On peut noter également que dans le droit coranique on ne peut faire payer l’eau puisque celle-ci est un don de Dieu, et sa gratuité exclut la pose de compteurs.

Mais la question du prix de l'eau et de sa tarification est désormais posée, notamment par les spécialistes de la Banque Mondiale dans la logique libérale du F.M.I.

c) Des techniques d’irrigations et de gestion de l’eau plus performantes

Le recours à l'aspersion et au goutte à goutte permettrait d'importantes économies en réduisant de 2/3 les consommations d'eau. Il faut aussi éviter les pertes lors de la distribution de l’eau : on estime à 10 milliards de m3 les pertes dans les canalisations (canaux mal curés, ouvertures mal contrôlées…). Et la réutilisation des eaux usées après traitement offre aussi des perspectives intéressantes.

C)Le partage des eaux du Nil   : un problème géopolitique à résoudre.

Il est très difficile de négocier un accord géopolitique à l’échelle de bassin nilotique. Les rivalités l’emportent.

Récemment quelques progrès ont été faits. Une structure de concertation a été mise en place sous l’égide de l’Agence pour le Développement des Nations Unies : l’Initiative du Bassin du Nil (Nile Basin Initiative). Le Conseil des Ministres de l’organisation a souligné la nécessité de renforcer la coopération mutuelle. L’idée est de « promouvoir un développement socio-économique durable par une utilisation équitable des eaux et une juste répartition des avantages de cette ressource commune ». Mais on est encore très loin d’une réelle mise en œuvre de projets mutuels. En attendant chacun ne peut compter que sur ses propres forces et gérer au plus près les ressources dont il dispose.

Enfin, il ne faut pas oublier les Etats plus en amont. L'Ouganda, la Tanzanie et le Kenya souhaitent aussi utiliser les eaux du Nil à des fins d'irrigation.

19

Page 20: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

Ainsi sans accord politique le Nil pourrait provoquer des conflits importants d’autant plus que les pays traversés par ce fleuve voient leur population augmenter rapidement et sont pour la plupart confrontés à un climat difficile. Or un pays qui manque d’eau est un pays qui ne peut ni nourrir sa population, ni se développer. Le Nil illustre donc bien l’importance que prend cette ressource que certains appellent « l’or bleu ». Hélas ces tensions liées à l’eau ne se limitent pas au Proche –Orient et à l’Afrique. Ainsi de manière plus proche de nous deux fleuves le Guadalquivir au Sud et l’Ebre au Nord-Est de l’Espagne font se confronter les différentes autonomies qu’ils traversent.

20

Page 21: LE NIL - k2geo.files.wordpress.com  · Web view- la source Kasumo ... Avant les aménagements récents, l'élévation du plan d'eau était de 8 à 10 mètres à Assouan, de 6 à

Sources

Livres : La bataille de l’eau au Proche-Orient Christian Chesnot

Le Monde arabe face au défi de l’eau Georges Mutin

Etude du fonctionnement d’un système hydraulique en cours de transformation : le canal d’irrigation El Resqa, delta du Nil une thèse de Cécile Ophèle

Encyclopédie jeunesse FLEURUS

Le Nil, l'Égypte et les autres Jacques Bethemont

L’Egypte de l’expédition de Bonaparte à nos jours Karine Safa-Vanrechem

Les grands fleuves du monde aux sources de la vie Jean-Louis Blanc

Les grands fleuves Jacques Bethemont

Magazines : Géo n°308 Le Nil Octobre 2004

BT carnet de voyages Le Nil, terre d’Egypte

Sites internet : revues.org

cnrs.fr

arte.tv

franceculture.com

Notre blog : nilhk2.skyrock.com

21