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13 VEGF Actu N° 32 • Septembre 2013 Revue Étude de la relation concentration-efficacité du bevacizumab dans le traitement du cancer colorectal métastatique Morgane Caulet, David Ternant CNRS UMR 7292 GICC, Tours, France <[email protected]> L e bevacizumab est un anticorps mono- clonal IgG1κ chimérique de 150 kDa. Le CDR (Complementarity-Determining Region) est d’origine murine et se lie sélec- tivement aux VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor ) qui sont des molécules dimériques impliquées dans l’angioge- nèse. En se fixant au VEGF le bevacizu- mab en neutralise l’activité biologique. Les traitements anti-angiogéniques, parmi lesquels le bevacizumab occupe une place majeure, ont démontré leur efficacité en cancérologie, en particulier dans le trai- tement du cancer colorectal métastatique (CCRm). Néanmoins, certains patients ne répondent pas au bevacizumab ; de plus, son efficacité est le plus souvent limitée dans le temps. Des travaux ont suggéré un « effet rebond » sur la progression tumo- rale après l’arrêt des traitements anti-angio- géniques. Inversement, le bénéfice d’un traitement de maintenance par le bevaci- zumab au-delà de la 1 re ligne de chimio- thérapie vient d’être récemment démon- tré dans le cadre de l’étude TML [1]. Une meilleure compréhension des facteurs prédictifs de la réponse au bevacizumab représente un enjeu important pour le traitement des patients. Parmi ceux-ci l’étude de la relation dose-concentration- effet a été peu décrite. Il sera donc inté- ressant dans un premier temps d’étudier la relation dose-concentration (pharma- cocinétique, PK) du médicament afin d’identifier les facteurs de variabilité inter- individuelle de celle-ci et de relier la phar- macocinétique (distribution, métabo- lisme, élimination) à l’efficacité du bevacizumab (relation pharmacocinéti- que-pharmacodynamie) afin d’en optimi- ser l’utilisation. Rappel sur la pharmacocinétique des anticorps monoclonaux Les anticorps monoclonaux utilisés en pratique clinique sont des immunoglobu- lines G (IgG). Ils possèdent certaines carac- téristiques intéressantes pour leur utilisa- tion thérapeutique : une bonne solubilité, une grande stabilité, une demi-vie géné- ralement longue, une importante spécifi- cité vis-à-vis de la cible et une absence de transformation en métabolites toxi- ques. Les mécanismes d’élimination de ces biomédicaments sont complexes et encore mal connus. De plus, leur immu- nogénicité pose un problème car la synthèse d’auto-anticorps peut modifier la pharmacocinétique des anticorps mono- clonaux thérapeutiques en provoquant une élimination plus rapide, conduisant à une perte d’efficacité, comme cela est bien documenté avec les anti-TNFa utili- sés dans les pathologies inflammatoires chroniques [2]. Distribution D’une manière générale, la distribution aux tissus des anticorps monoclonaux semble être faible [3]. En raison de leur haut poids moléculaire (2,5 fois plus élevé que celui de l’albumine), leur diffusion passive à travers les parois vasculaires est limitée. La distribu- tion aux tissus se fait surtout par transcytose via le FcRn (cf infra). Élimination Les mécanismes d’élimination des médi- caments impliquent le plus souvent la filtration glomérulaire, la sécrétion biliaire et la transformation en métabolites. Pour les IgG, en raison de leur important poids moléculaire qui limite leur filtration glomé- rulaire, l’excrétion rénale est négligeable. De même, l’excrétion biliaire est inexis- tante. La majorité des IgG est éliminée via un catabolisme intracellulaire après endocytose passive (pinocytose) ou endo- cytose médiée par les FcγR (récepteur de la portion Fc des IgG). Cette dernière se fait après interaction de l’anticorps avec l’antigène. Il s’agit d’une élimination médiée par la cible. La variation au cours du temps de la masse antigénique peut donc influencer sa pharmacocinétique. Après la pinocytose, contrairement à la majorité des protéines, les IgG ne sont pas dégradées par les lysosomes mais recyclées. Ce recyclage est médié par le FcRn (Neonatal Fc receptor) [4]. Le FcRn est un récepteur de la portion Fc des IgG qui fait partie des molécules non classi- ques du complexe majeur d’histocompa- tibilité de classe I. La fixation à la portion Fc est pH-dépendante grâce à la présence d’histidines sur les domaines CH2 et CH3 des IgG. Cette affinité est espèce–dépen- dante : le FcRn humain montre une impor- tante affinité et spécificité pour les IgG humaines. Il présente une très faible affi- nité pour les IgG d’autres espèces comme la souris et le rat, ce qui explique la rapide élimination des anticorps entièrement murins [5]. Ce récepteur, majoritairement situé dans les compartiments vésiculaires intracel- lulaires, est présent dans plusieurs types de cellules parmi lesquelles les cellules endothéliales, les monocytes, les macro- phages. Il est également exprimé, entre autres, au niveau de la barrière hémato- encéphalique, de l’épithélium gloméru- laire et de l’épithélium intestinal. Après pinocytose et acidification de la vésicule, les IgG ainsi que l’albumine [6] se lient, avec une grande affinité, au FcRn et échap- pent ainsi à la dégradation. La fixation de l’albumine et des IgG au FcRn se faisant sur deux sites indépendants, il n’y a pas de compétition entre elles pour leur recy- clage. Les IgG sont ainsi protégées de la dégradation lysosomiale. Les IgG et l’al- bumine captées par le FcRn sont ensuite recyclées, c’est-à-dire reconduites à la surface cellulaire apicale et/ou basale. La fusion de la vésicule avec la membrane plasmique s’accompagne d’une augmen- tation du pH ; les IgG, ainsi que l’albu- mine, se dissocient du FcRn et sont alors libérées dans le milieu extracellulaire. Le FcRn se retrouve alors temporairement exprimé en surface de la cellule, avant

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Revue

Étude de la relationconcentration-efficacité du bevacizumab dans le traitement du cancer colorectal métastatiqueMorgane Caulet, David TernantCNRS UMR 7292 GICC, Tours, France<[email protected]>

Le bevacizumab est un anticorps mono-clonal IgG1κ chimérique de 150 kDa.

Le CDR (Complementarity-DeterminingRegion) est d’origine murine et se lie sélec-tivement aux VEGF (Vascular EndothelialGrowth Factor) qui sont des moléculesdimériques impliquées dans l’angioge-nèse. En se fixant au VEGF le bevacizu-mab en neutralise l’activité biologique.

Les traitements anti-angiogéniques, parmilesquels le bevacizumab occupe une placemajeure, ont démontré leur efficacité encancérologie, en particulier dans le trai-tement du cancer colorectal métastatique(CCRm). Néanmoins, certains patients nerépondent pas au bevacizumab ; de plus,son efficacité est le plus souvent limitéedans le temps. Des travaux ont suggéréun « effet rebond » sur la progression tumo-rale après l’arrêt des traitements anti-angio-géniques. Inversement, le bénéfice d’untraitement de maintenance par le bevaci-zumab au-delà de la 1re ligne de chimio-thérapie vient d’être récemment démon-tré dans le cadre de l’étude TML [1].Une meilleure compréhension des facteursprédictifs de la réponse au bevacizumabreprésente un enjeu important pour letraitement des patients. Parmi ceux-cil’étude de la relation dose-concentration-effet a été peu décrite. Il sera donc inté-ressant dans un premier temps d’étudierla relation dose-concentration (pharma-cocinétique, PK) du médicament afind’identifier les facteurs de variabilité inter-individuelle de celle-ci et de relier la phar-macocinétique (distribution, métabo-lisme, élimination) à l’efficacité dubevacizumab (relation pharmacocinéti-que-pharmacodynamie) afin d’en optimi-ser l’utilisation.

Rappel surla pharmacocinétique des anticorps monoclonaux

Les anticorps monoclonaux utilisés enpratique clinique sont des immunoglobu-

lines G (IgG). Ils possèdent certaines carac-téristiques intéressantes pour leur utilisa-tion thérapeutique : une bonne solubilité,une grande stabilité, une demi-vie géné-ralement longue, une importante spécifi-cité vis-à-vis de la cible et une absencede transformation en métabolites toxi-ques. Les mécanismes d’élimination deces biomédicaments sont complexes etencore mal connus. De plus, leur immu-nogénicité pose un problème car lasynthèse d’auto-anticorps peut modifierla pharmacocinétique des anticorps mono-clonaux thérapeutiques en provoquantune élimination plus rapide, conduisantà une perte d’efficacité, comme cela estbien documenté avec les anti-TNFa utili-sés dans les pathologies inflammatoireschroniques [2].

Distribution

D’une manière générale, la distribution auxtissus des anticorps monoclonaux sembleêtre faible [3]. En raison de leur haut poidsmoléculaire (2,5 fois plus élevé que celui del’albumine), leur diffusion passive à traversles parois vasculaires est limitée. La distribu-tion aux tissus se fait surtout par transcytosevia le FcRn (cf infra).

Élimination

Les mécanismes d’élimination des médi-caments impliquent le plus souvent lafiltration glomérulaire, la sécrétion biliaireet la transformation en métabolites. Pourles IgG, en raison de leur important poidsmoléculaire qui limite leur filtration glomé-rulaire, l’excrétion rénale est négligeable.De même, l’excrétion biliaire est inexis-tante. La majorité des IgG est éliminéevia un catabolisme intracellulaire aprèsendocytose passive (pinocytose) ou endo-cytose médiée par les FcγR (récepteur dela portion Fc des IgG). Cette dernière sefait après interaction de l’anticorps avecl’antigène. Il s’agit d’une éliminationmédiée par la cible. La variation au cours

du temps de la masse antigénique peutdonc influencer sa pharmacocinétique.Après la pinocytose, contrairement à lamajorité des protéines, les IgG ne sontpas dégradées par les lysosomes maisrecyclées. Ce recyclage est médié par leFcRn (Neonatal Fc receptor) [4]. Le FcRnest un récepteur de la portion Fc des IgGqui fait partie des molécules non classi-ques du complexe majeur d’histocompa-tibilité de classe I. La fixation à la portionFc est pH-dépendante grâce à la présenced’histidines sur les domaines CH2 et CH3des IgG. Cette affinité est espèce–dépen-dante : le FcRn humain montre une impor-tante affinité et spécificité pour les IgGhumaines. Il présente une très faible affi-nité pour les IgG d’autres espèces commela souris et le rat, ce qui explique la rapideélimination des anticorps entièrementmurins [5]. Ce récepteur, majoritairement situé dansles compartiments vésiculaires intracel-lulaires, est présent dans plusieurs typesde cellules parmi lesquelles les cellulesendothéliales, les monocytes, les macro-phages. Il est également exprimé, entreautres, au niveau de la barrière hémato-encéphalique, de l’épithélium gloméru-laire et de l’épithélium intestinal. Aprèspinocytose et acidification de la vésicule,les IgG ainsi que l’albumine [6] se lient,avec une grande affinité, au FcRn et échap-pent ainsi à la dégradation. La fixation del’albumine et des IgG au FcRn se faisantsur deux sites indépendants, il n’y a pasde compétition entre elles pour leur recy-clage. Les IgG sont ainsi protégées de ladégradation lysosomiale. Les IgG et l’al-bumine captées par le FcRn sont ensuiterecyclées, c’est-à-dire reconduites à lasurface cellulaire apicale et/ou basale. Lafusion de la vésicule avec la membraneplasmique s’accompagne d’une augmen-tation du pH ; les IgG, ainsi que l’albu-mine, se dissocient du FcRn et sont alorslibérées dans le milieu extracellulaire. LeFcRn se retrouve alors temporairementexprimé en surface de la cellule, avant

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d’être de nouveau internalisé. Le FcRnassure également le transfert des IgG d’unpôle à l’autre de la cellule et participe àleur distribution.Ce mécanisme de recyclage explique lademi-vie longue des IgG (21 jours envi-ron). Chez les souris n’exprimant pas leFcRn, la clairance d’élimination des IgGest approximativement multipliée pardix [7].En raison de l’expression limitée du FcRn,les capacités de recyclage médié par cerécepteur sont limitées. Cependant, laconcentration moyenne d’IgG endogènesdans le plasma chez l’homme est d’envi-ron 10 g/L. Après injection de bevacizu-mab à la dose de 5 mg/kg, sa concentra-tion plasmatique ne dépasse pas unecentaine de mg/L, ce qui représente uneconcentration relativement faible compa-rée à celle des IgG totales endogènes. Onpeut donc penser que ce mode de recy-clage lié au récepteur FcRn n’est pas saturépar l’administration de bevacizumab. L’immunogénicité des IgG thérapeuti-ques peut entraîner le développementd’anticorps dirigés contre les anticorpsthérapeutiques et en accélérer l’élimina-tion. Il est raisonnable de penser que,face à une exposition croissante dans letemps à un anticorps thérapeutique, lerisque d’immunisation sera majoré ; l’an-ticorps thérapeutique sera alors éliminéplus rapidement. Ces phénomènes sontbien connus en pharmacologie, cepen-dant aucune étude ne les décrit précisé-ment en cancérologie.

Biomarqueurs de l’efficacitédu bevacizumab

Afin d’optimiser l’utilisation du bevaci-zumab, il est important de trouver desbiomarqueurs précoces de son efficacité.Un biomarqueur est une caractéristiquemesurée objectivement (c’est-à-dire avecune précision et une reproductibilité suffi-santes) et évaluée comme indicateur deprocessus physiologiques normaux, oupathologiques ou de l’action des médica-ments d’après la définition du NationalInstitute of Health de 1998.Idéalement, les biomarqueurs d’efficacitédes anticorps monoclonaux sont leur cibleantigénique. Cependant, la relation entrela cible et l’efficacité des anticorps théra-peutiques est complexe. Il a été rapportéque l’administration de bevacizumabaugmente les concentrations totales deVEGF, alors que celle du VEGF libre estdiminuée. L’explication est peut-être mixte :– l’élimination du VEGF sous forme decomplexe serait plus lente que celle duVEGF libre ;

– en raison de la raréfaction capillaireinduite par le bevacizumab, l’accumula-tion de facteurs hypoxiques (HIF) condui-rait à l’augmentation de la production deVEGF ; – un échange inter-compartimental deVEGF et d’anti-VEGF pourrait égalementexpliquer ce phénomène [8]. Le médica-ment s’extravaserait pour se lier au VEGFinterstitiel puis rejoindrait la circulationsanguine, augmentant ainsi la concentra-tion observée de VEGF. Les variations deconcentration sanguine de VEGF sontcependant difficiles à analyser, les tech-niques Elisa utilisées ne distinguant pastoujours, selon les études, la forme libredu VEGF de sa forme liée. Pour ces raisons,les variations de concentration de VEGFne semblent pas être un biomarqueur pertinent.

Étude de la pharmacocinetique du bevacizumab

La PK du bevacizumab dans le traitementdes tumeurs a été explorée dans un nombrerestreint d’études.Dans une étude de phase 1, Gordon etal. [9] ont décrit la PK du bevacizumabpar analyse non compartimentale. La PKdu bevacizumab était caractérisée parune faible clairance et une longue demi-vie d’élimination (21 jours). L’éliminationsemblait linéaire (c’est-à-dire avec uneclairance constante, non dépendante dela dose) pour des doses de bevacizumabcomprises entre 0,3 et 10 mg/kg. L’élimi-nation était par contre plus importante àla dose la plus faible de 0,1 mg/kg. Danscette population de patients atteints d’uncancer solide avancé réfractaire à plusieurstraitements, on peut supposer que la quan-tité de VEGF à neutraliser est importanteet qu’une masse tumorale élevée provo-que une élimination médiée par la cible,non-négligeable à cette faible dose.Lu et al. [10] ont décrit la PK du bevaci-zumab chez 491 patients traités pour diffé-rents types de cancers et inclus dans 8études de phase 1 à 3, avec des dosesadministrées comprises entre 1 et 20 mg/kget un délai entre deux administrations deune à trois semaines. La PK était décrite àl’aide d’un modèle à deux compartimentsavec une élimination linéaire. Le poids etle sexe du patient expliquaient une partiede la variabilité inter-individuelle de laclairance d'élimination du bevacizumabet du volume du compartiment central.Une albuminémie faible était égalementassociée à une clairance plus importantedu bevacizumab (cela est probablementexpliqué par le système de recyclage

commun de l’albumine et des IgG, l’al-buminémie étant un reflet de l’activité duFcRn). La PK du bevacizumab a été étudiée chez680 patients atteints d’un cancer du côlonde stade 2 ou 3 traités pendant 1 an parbevacizumab en situation adjuvante(5 mg/kg toutes les 2 semaines pendant 1 an avec mFOLFOX6) [11]. Les résultatsétaient similaires à ceux de l’étude précé-dente de Lu et al.La pharmacocinétique du bevacizumaba donc été relativement peu étudiée dansle CCRm ; les résultats disponibles tradui-sent une importante variabilité inter-indi-viduelle. Une meilleure description decette variabilité permettrait de compren-dre les facteurs influençant la PK et pouvantaffecter la réponse au traitement.

Projet : étude de la relationpharmacocinétique-pharmacodynamie du bevacizumab le cancercolique métastatique Les données de notre analyse sont issuesd’une étude prospective, multicentriqueayant porté sur l’évaluation de l’écho-graphie de contraste pour déterminer laréponse précoce au bevacizumab en 1religne chez des patients atteints d’un CCRmet ayant au moins une lésion hépatiqueaccessible à l’échographie. Cette étudea inclus 137 patients, qui ont eu 5 prélè-vements sanguins destinés à la mesuredes concentrations sériques de bevaci-zumab par une technique Elisa. Cettetechnique, qui évalue la fraction biolo-giquement active du bevacizumab, a étémise au point par le laboratoire de phar-macologie-toxicologie du CHU deTours [12]. Nous étudierons dans un premier tempsles facteurs expliquant la variabilité inter-individuelle des paramètres pharmacoci-nétiques par une analyse de PK de popu-lation.Puis dans un second temps nous étudie-rons la relation entre la PK du bevacizu-mab et son efficacité thérapeutique entermes de réponse tumorale (définie surles critères RECIST), de survie sans progres-sion et de survie globale.Enfin nous rechercherons une relationentre la PK et les paramètres évalués lorsdes échographies de contraste.Notre hypothèse est qu’une évaluationprécise de la pharmacocinétique du beva-cizumab pourrait être corrélée à l’effica-cité de ce traitement dans le CCRm. Cetravail pourrait permettre une adminis-tration plus rationnelle de ce médica-ment.

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Anti-angiogéniques et anticoagulantsGaël DeplanqueService d’oncologie, Groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph, Paris, France<[email protected]>

T out médecin impliqué dans la prise encharge du cancer est largement au

courant que ce dernier est à l’origine d’unétat prothrombotique. Ces dernières annéesont vu un regain d’intérêt certain pour lesévénements vasculaires, thromboemboli-ques ou artériels, associés au cancer. Toutd’abord parce que les données préclini-ques suggèrent que cet état prothromboti-que est lié à des événements oncogéni-ques et que des liens étroits existent entrerégulation de l’angiogenèse et coagula-tion, inhérents à la croissance tumorale età la dissémination métastatique. L’intérêtpour cette question tient également à ceque l’utilisation des anti-angiogéniques encancérologie est associée à un risque encoreaccru de thromboses.

Tout bon manuel d’oncologie fait état dechiffres alarmants concernant thromboseset cancer. L’incidence des thromboses estainsi de l’ordre de 1 % par mois, avec unrisque de rechute de l’ordre de 21 % etune anticoagulation au long cours grevéed’un risque annuel d’accidents hémorragi-ques majeurs d’environ 12 %. Par ailleurs,en cas de thrombose, la mortalité est doubléepar comparaison avec un patient sans throm-bose, à stade oncologique égal. Le risquede thrombose est néanmoins très variableselon le cancer considéré (avec les grandsclassiques que sont le pancréas, l’estomac,le SNC, l’ovaire, le rein et le poumon) maisaussi et surtout selon l’évolution dans letemps : le risque est majeur – le risque rela-tif pouvant atteindre 50 – dans les 3 premiersmois suivant le diagnostic, puis décroîtavec le traitement et l’induction d’une rémis-sion, pour croître à nouveau avec chaquerechute ou reprise évolutive et culminer enphase terminale. On peut lire à ce sujetl’excellente revue de Japkowicz publiéedans votre revue préférée (VEGF Actu n° 19,juin 2010, p. 7-9).

Tout cela étant bien considéré et les méde-cins étant bien informés du risque d’évé-nements vasculaires des médicationsconnues pour augmenter le risque d’acci-dents vasculaires ou thromboemboliques,il est légitime de se poser les questionssuivantes :

1 - Peut-on prescrire sans risque excessifun anti-angiogénique à un patient atteintde cancer au vu du risque de thromboseou de saignements ? Qui plus est, si cepatient a déjà fait un épisode de throm-bose ou une hémorragie ?2 - Que faire en cas de survenue d’un acci-dent thromboembolique sous anti-angio-génique ?3 - Anticoagulants et anti-angiogéniquespeuvent-ils faire bon ménage ? Qu’en est-il des anticoagulants oraux de dernièregénération ?

Peut-on prescrire sans risqueexcessif un anti-angiogéniqueà un patient atteint de cancer au vu du risque de thrombose ou de saignements ?La réponse à cette première question tombenaturellement sous le sens. Le risque dethrombose associé à l’utilisation des anti-angiogéniques semble surtout avéré enassociation à la chimiothérapie et plusparticulièrement pour le bevacizumabavec dans les méta-analyses un sur-risqued’environ 10 % de thromboses, artériellesle plus souvent, mais aussi veineuses. Tout est alors fonction de la balance béné-fice/risque pour le patient ; cette évalua-tion doit se faire en gardant à l’esprit letype de cancer sous-jacent et l’état géné-ral du patient qui restent les déterminantsmajeurs du risque thromboembolique.Une étude publiée récemment dans ledomaine des tumeurs cérébrales soulignel’importance de l’état clinique du patientou d’un signe d’alerte biologique poten-tiel. Ainsi, en cas d’existence d’une hémi-parésie, le risque de thrombose est multi-plié par 27 (p < 0,0001) ; par ailleurs, lorsdu suivi régulier des D-dimères, on notefréquemment leur élévation à un taux au-dessus de 865 µg/L 4 semaines avant lediagnostic de thrombose ; la sensibilité etla spécificité de ce marqueur biologiquede thrombose sont toutes deux de 89 %[1]. Ce résultat constitue naturellementune piste pour des travaux futurs. L’autrequestion que l’on peut naturellement seposer est celle de l’instauration d’un trai-

Liens d’intérêts : M. Caulet : Bourse RocheTumeur et Angiogenèse 2012.

Références

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