Acoustique, chapitre 1 chapitre 1.pdf · Cen'estqu'àpartirduXVIIème siècleque l'acoustique...
Transcript of Acoustique, chapitre 1 chapitre 1.pdf · Cen'estqu'àpartirduXVIIème siècleque l'acoustique...
Chapitre 1 : brève histoire de l’acoustique
Voici quelques grandes étapes de la découverte de la théorie du son ou acoustique (terme
forgé à partir du verbe grec άκοὐω (akouô), qui signifie « écouter » par Joseph Sauveur, vers
1700).
« J’ai donc cru qu’il y avait une science supérieure à la musique, que j’ai appelée Acoustique, qui a pour objet le Son en général, au lieu que la musique a pour objet le
Son en tant qu’il est agréable à l’ouïe » (Sauveur, en 1701)
Mais qu’est ce que le son ?
« Le son est une perception de l’âme qui lui est communiquée par le secours de l’oreille ; ou bien c’est un mouvement de vibration dans l’air, qui est porté jusqu’à l’organe de l’ouïe »
(Encyclopédie, article Son, en 1765)
« On ne connaît bien une science que lorsqu'on en connaît l'histoire »(Auguste Comte, introduction au cours de philosophie positive).
1 Introduction
Nous n’abordons pas ici les techniques d’enregistrement du son, ni de sa reproduction par
voie mécanique ou électroacoustique, mais seulement l’histoire des notions clés de la théoriede l’acoustique (physique, physiologique et psychoacoustique) et de la théorie musicale.
L'acoustique physique étudie la nature et les propriétés des ondes sonores qui arrivent au
tympan. L’acoustique physiologique étudie comment elles sont captées par le système auditif
et la psychoacoustique s’intéresse à la manière dont elles sont interprétées par le cerveau.
2 Le Son créateur
In principium erat verbum. Au commencement était le Verbe. Les Egyptiens l’affirmaient déjà,
trois millénaires avant l’Evangile selon Saint-Jean. Les bases de la théorie du son créateur
datent en effet de plus de cinq mille ans.
Sur toute la surface de la terre, dans toutes les civilisations, le son est associé à la genèse dela création. Pour les Hindous, il est d’origine divine et, par l’effet des vibrations rythmiques du
son primordial (nadâ), le verbe (Vâk) produit l’univers. De même, dans l'Égypte pharaonique,le monde et les êtres furent créés par le son originel. Thot et le cri primordial, Ptah et le Verbe
divin illustrent la relation entre le son créateur et la genèse du Cosmos.
Le son est donc le souffle divin. En Inde, tout ce qui est sonore est shakti, c’est-à-dire
Puissance divine. Or, dans la nature, tout émet des sons, que ce soit l’oiseau qui chante, le
ruisseau, le vent, ou le feu qui crépite. Tout s’harmonise et tout s’accorde au diapasonuniversel.
Le son a une origine cosmique et le cri véhicule une partie de l’énergie divine. C’est pourquoi
le son et la musique se retrouvent dans tous les rites initiatiques. Les Dieux accomplissent ce
qu’ils désirent en utilisant la puissance génératrice du son, le Logos, or l’homme est fait à leur
image : il est doué de parole. Heka, la magie verbale, mise à disposition des humains,
conserve un pouvoir sur la marche de l’univers qu’elle a servi à créer.
Lorsqu’ils sont prononcés correctement, les phonèmes appartenant au langage mystique ontdes pouvoirs illimités, car ils deviennent les objets qu’ils représentent. Le Corpus Hermeticum
précise à ce propos que « la particularité même du son et la propre intonation des vocables
égyptiens retiennent en elles-mêmes l’énergie des choses qu’on nomme ».
Nous accordons l’existence aux êtres en les nommant. Savoir le nom des choses, c’est en êtremaître. Selon les conceptions égyptiennes, l’intonation d’un nom conférait un grand pouvoir
à ceux qui le connaissaient. C’est pourquoi les hommes et les dieux cachaient leur vrai nom.
Aussi peut-on lire dans le papyrus magique de Turin : « Formule pour le dieu qui s’est créé lui-même et qui possède des noms multiples que les autres dieux ignorent. » Dans chaqueliturgie, il existe différentes appellations de Dieu : chaque nom n’exprime en fait qu’un
attribut de la divinité qu’il est impossible de saisir dans sa totalité.
Mais, selon Origène, « il faut prononcer les noms sacrés dans leur langue originelle, car c’estle sens lui-même qui opère et la traduction est inefficace et inutile. »
Les kabbalistes hébreux reconnaissaient soixante douze génies représentant les
manifestations angéliques de l’action divine et ils croyaient, comme les Egyptiens, que lesgénies étaient obligés d’obéir à l’appel de leur nom. Les esséniens, de même, prêtaient une
vertu magique aux noms des anges et faisaient serment de ne pas les révéler.
Les « mots de pouvoirs », les vocables sacrés, ne véhiculent le plus souvent aucun sens mais
ils possèdent une énergie phonique, généralement développée par la répétition.
La répétition est une loi commune à la magie et à la musique ; elle relève en effet de la
symbolique du Nombre. Nous allons voir que nombre et musique sont intimement liés.
3 Antiquité et Moyen âgeHomère au VIIIème siècle avant notre ère, dans ses deux grands poèmes, l’Iliade et l’Odyssée,
distingue déjà les composantes fondamentales du son : l'intensité, la hauteur et le timbre. La
guerre (chocs des armes, bruit des cordes des arcs, vols des flèches, etc.), les naufrages de
navires ou les courants d’air et le vent lui fournissent l’occasion d’observer et de décrire les
conditions environnementales de la formation et de la propagation des sons.
Homère présente le son comme « une réalité », qui se déplace dans l'espace, et comme uneforce capable de frapper les oreilles, voire de déplacer des objets. Il a déjà conscience des
liens entre les phénomènes de son, d'écho et de résonance.
Il décrit et commente aussi les instruments de musique de ses contemporains, dont
beaucoup étaient connus des civilisations du Proche-Orient.
Joueur d’aulos (double flûte). Vase cratère à fond noir (vers
430 ANC)
Joueur d’aulos (double flûte) et chanteur.Vase cratère à fond rouge
(vers 450 ANC)
Pythagore (né vers 580 et mort vers 490 av. J.-C.) et ses
disciples réalisent en effet les premières expériences surdes cordes vibrantes, et ils remarquent qu'il existe un lien
entre la longueur de la corde, sa tension et la note qu'elleproduit.
La Chine antique considérait la musique comme une harmonie des nombres et du cosmos.
De
même, pour les pythagoriciens, le nombre était le principe de toute chose : leur conception
de la nature repose sur l’observation que les mêmes harmonies musicales et les mêmesformes géométriques dans des milieux différents, avec des grandeurs différentes, peuventêtre produites en combinant les mêmes nombres.
« Tout est arrangé par le Nombre » dit Pythagore dans l’Ieros Logos (Discours sacré cité par
Jamblique).
Pythagore et la musique, voussure du Portail royal de la cathédrale de Chartres
Les Pythagoriciens avaient remarqué que les vibrations produites
par plusieurs cordes produisaient des accords harmonieux quand
les rapports des longueurs des cordes pouvaient s'exprimer par des
fractions simples (formées avec des petits entiers). Ils définirent
ainsi des rapports pour les intervalles entre les notes de musique
de la gamme (dite gamme pythagoricienne).
Ces manipulations étaient sans doute effectuées à l'aide
d'une corde tendue sur une caisse de résonance, et que l'on
pouvait partager en deux segments réglables à volonté par
l'intermédiaire d'un sillet mobile.
La table de l'instrument était graduée. Grace à un chevalet
que l'on déplaçait sur ces graduations, on pouvait obtenir les
principaux intervalles.
La corde de l'instrument était généralement pincée. Mais on
a pris l'habitude de la frotter avec un archet.
On a donné à ce montage le nom de sonomètre à corde, ce
qui n'a absolument rien à voir avec l'instrument de mesure
que l'on connaît aujourd'hui, ou plus simplement de
monocorde.
Monocorde, abbaye de la Madeleine
Vezelay (Bourgogne)
1- la corde entière vibre : on obtient la tonique.
2- la moitié de la corde vibre : on obtient l'octave. Décomposition mélodique et harmonie
3- les 2/3 de la corde vibrent : on obtient la quinte. Décomposition mélodique et harmonie
4-les 3/4 de la corde vibrent : on obtient la quarte. Décomposition mélodique et harmonie
5-l'écart entre 2/3 et 3/4, soit 9/8 détermine le ton. Décomposition mélodique et harmonie
Les rapports de longueurs simples (1/2, 2/3, 3/4 etc. ... ) déterminent des intervallesmusicaux remarquables (octave, quinte, quarte etc. ... ) qui avaient frappé les observateurs
de l‘Antiquité.
Ils auraient aussi observé que le son causé par un marteau sur une enclume variait suivant le
poids de l’outil.
Yubal et Pythagore (Tiré du traité « theorica musicae » de F. Gaffurio (1492), on y voit Pythagore menant diverses expériences, et Yubal, père des musiciens, mentionné dans la
Genèse, (Gen 4, 21).
Tierces
L’harmonie de la gamme pythagoricienne est associée au caractère intrinsèquement naturel
des nombres entiers. Pythagore et ses disciples en tirèrent la conclusion que la Nature étaitharmonie, dans le sens où elle se conformait à la rigueur intransigeante des nombres.
L'âme humaine est, en quelque sorte, formée d'harmonie et l'on peut rétablir, par le moyen
de la musique, cette harmonie existante et primitive de nos facultés intellectuelles, trop
souvent troublée par le contact des choses de ce bas monde.
Le De musica, traité fondateur de la théorie musicale du Moyen Age, écrit par le philosophe
Boèce au début du VIème siècle, considérait la musique comme une discipline
mathématique : les rapports entre les sons correspondent aux rapports entre les nombres.
Cette conception de la musique, fondée sur l’héritage de la Grèce antique, en fait à la fois
une science, un art et le véhicule de la parole divine. Le traité de Boèce, largement
influencé par les pythagoriciens, s’ouvre par cette constatation que la musique est « alliée ànous par nature. » Pour les pythagoriciens, la musique peut guérir l’âme parce que l’âme,comme la musique, est d’essence numérique : elles reflètent toutes deux la structure de
l’âme du monde, qui est de nature mathématique selon le philosophe pythagoricien Timée
Pythagore et ses disciples appliquèrent leur vision du
Monde à l’Univers tout entier, notamment au mouvementdes astres. Pour les pythagoriciens, ce mouvement devait
nécessairement refléter l’harmonie du Monde et par
conséquent être associé à la logique inébranlable des
nombres entiers. Ils placèrent la Terre au centre de l’Univers
et firent tourner autour d’elle les astres mobiles (les planètes
et le Soleil) sur des trajectoires circulaires. Chaque
trajectoire était conçue comme une corde vibrante dont la
note devait être en harmonie avec celle des autres astres.
Les sept astres connus (Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars,
Jupiter, Saturne) et la sphère des étoiles (sphère des fixes)
étaient censés jouer ainsi une gamme complète et en
parfaite harmonie, la musique des sphères.
De la Terre à la Lune un ton De la Lune à Mercure un demi ton De Mercure à Vénus un demi ton De Vénus au Soleil un ton et demi
Du Soleil à Mars un ton De Mars à Jupiter un demi ton
De Jupiter à Saturne un demi ton De Saturne aux fixes un demi ton
Censorin, astrologue romain, publie en 238 De die natali où il reprend les doctrines de
Pythagore.
On y trouve en particulier des distances astronomiques calculées en tons musicaux :
Les ancien, tout en n’ayant que des notions vagues sur la nature duson (mouvement d’air, courant d’« atomes », émission de particulesou de membranes subtiles reproduisant le « simulacre » des choses,
cf. historique sur la lumière en optique) avaient une connaissance très
nette du temps nécessaire à la propagation ainsi que de son
affaiblissement au cours de cette propagation dans l’espace.
Aristote (384 av. J.-C., 322 av J.-C.) s’intéressa au phénomène de
l’écho, pensant à juste titre qu’il était dû à une réflexion des sons par
les obstacles.
Les anciens avaient également découvert que le son est dû aux chocs et aux mouvementsvibratoires en résultant, mais leurs recherches témoignaient plus d'un point de vue musical
que d'une étude sur la nature du son.
Platon par exemple, dans son Timée, définit le son comme une « un coup donné par l’air àtravers les oreilles au cerveau et au sang et arrivant jusqu’à l’âme. Le mouvement qui s’ensuit,
lequel commence à la tête et se termine dans la région du foie, est l’ouïe » (en Mésopotamie
et en Grèce, le « foie » désigne le siège de l’âme et de la vie). « Ce mouvement est-il rapide, le
son est aigu ; s’il est plus lent, le son est plus grave ; s’il est uniforme, le son est égal et doux ; il
est rude dans le cas contraire ; il est fort, lorsque le mouvement est grand, et faible s’il est
petit ».
Sénèque (2-66), autre philosophe stoïcien, enseignait déjà que c’est l’élasticité de l’air quipermet aux sons de se produire et de se propager.
Chrysippe de Soli (un philosophe stoïcien né en 281 et mort en 205 av. J.-C.) découvrit des
analogies entre les sons et les ondes à la surface de l'eau. Il définit la notion d'onde comme
étant la « propagation d'une déformation dans un médium ».
Marcus Vitruvius Pollo, dit Vitruve, au Ier siècle après Jésus-Christ, et Averroès au Moyen âge,
à la suite d’Aristote, donnaient déjà l’image des ronds dans l’eau, qui se propagent lentementet diminuent d’amplitude, puis sont renvoyés par un obstacle dans une autre direction.
Ces divers travaux permirent aux Grecs et ensuite aux Romains de dégager les bases del’acoustique architecturale, qu’ils appliquèrent à la construction de leurs théâtres et
amphithéâtres.
Se fondant sur l’expérience, ils établirent plusieurs principes acoustiques élémentaires
comme l’édification de parois de protection contre les bruits extérieurs, la construction de
murs derrière la scène, afin de favoriser la réflexion des sons proférés par les acteurs, ou
encore la disposition des gradins en forme d’hémicycle.
Théâtre romain d’Orange
Le théâtre d'Épidaure en Argolide, édifié au IVe siècle av. J.-C.
Les vases de Vitruve (Marcus Vitruvius Pollio, dit Vitruve,
est un architecte romain qui vécut au Ier siècle av. J.-C.)
représentent un autre héritage marquant de l’époque
antique. Ils étaient utilisés dans les théâtres pour
interférer passivement avec les phénomènes
acoustiques du lieu. Ces cavités jouaient donc un rôle de
filtre acoustique atténuant certaines fréquences pour en
amplifier d’autres. Les dimensions auxquelles ces vases
étaient généralement conçus font imaginer qu’ils
servaient à faire résonner les ondes de fréquences
proches de celles de la voix.
Vases de Vitruve. 1) echea selon Vitruve ; 2) Ainay à Lyon ; 3) Chalon-sur-Saône ; 4) Fry ; 5) Montivilliers ; 6) quelques dimensions selon Floriot.
Parmi les peuples monstrueux décrits parPline l’Ancien dans son Histoire naturelle(Sciapodes, Sternocéphales, Cyclopes,Cynocéphales…), les Panoti (ou Panotii,iorum, du grec Πανωτοί) ont des oreilles sigrandes qu’ils peuvent les utiliser pour volerou s’envelopper dedans pour dormir.
Détail du grand tympan de la basilique de Vézelay
(début XIIème siècle)
Ce n'est qu'à partir du XVIIème siècle que l'acoustique, en raison du développement de la
mécanique, se détache de l'art musical pour devenir une « science du phénomène sonore ».
Le son est en général décrit comme une onde. Seul Gassendi (1592 -1655), dans sa
« Théorie Atomique » émit l'hypothèse (fausse) que le son était dû à des « jets de particulestrès petites » rayonnés par les corps vibrants.
C'est également au XVIème et XVIIème siècles que s'élaborèrent les théories sur lapropagation du son.
4 le XVIIème siècle
Les premières expériences concernant la propagation du son furent
réalisées par Athanasius Kircher (1602 -1680) et rapportées en 1650
dans son ouvrage « Musurgia Universalis ». Il y décrit, en outre,
l'expérience dans laquelle il fait le vide (ou croit le faire) dans un tube
avec une cloche à son sommet ; pensant qu'il y avait obtenu le vide et
entendant la cloche, il conclut faussement que le son pouvait setransmettre sans aucun milieu pour le propager.
�Otto von Guericke, maire de Magdebourg, met en évidence publiquement en 1654 la valeur
énorme de la pression atmosphérique, et l’existence du vide mais semble confirmer, lors de
nouvelles expériences, la propagation du son dans le vide annoncée par Kircher.
� L’expérience de Kircher fut renouvelée alors avec plus de succès par Robert Boyle (1627 -
1691) en 1660 qui démontra qu’un milieu est nécessaire à la propagation du son : le son nese propage pas dans le vide. Le problème de ses prédécesseurs était double : ils ne
disposaient pas d’une pompe à vide suffisamment efficace ni d’un support de sourcesuffisamment isolé.
Gravure extraite des « Leçons de physiqueexpérimentale », volume 3, de l’abbé JeanNollet (1743)
Mersenne (avec son ami Gassendi) utilise le premier un canon comme source de signalsonore et lumineux pour déterminer la vitesse du son en 1640.
�La question suivante est alors de savoir à quelle vitesse se propage le son ?
Gassendi, par la même méthode, montre que la vitesse du sonest indépendante de la distance et de la puissance de la sourcemais la vitesse de 450 m/s qu’il mesure est trop grande.
En outre, ses mesures montrent qu’une autre idée d’Aristote
était fausse : les sons aigus et les sons graves voyageaient avec
la même vitesse. Pour ce faire, il fait tirer un coup de canon (son
grave) et un coup de fusil (son aigu) à une assez grande
distance. Il mesure le temps qui sépare l'instant où l'on voit
l'éclair de celui où l'on entend la détonation. Comme on perçoit
les deux sons en même temps, Gassendi conclut, à juste titre,
que les graves et les aigus se propagent à la même vitesse.
Les Italiens Borelli (1608-1679) et Viviani (1622-1703) obtinrent des résultats plus précispour la vitesse du son.
Les résultats trouvés allaient de 450 m/s à 332 m/s qui fut le plus précis (1738).
La variation de la vitesse du son en fonction des principaux paramètres atmosphériques fut
également dégagée lors de ces expériences.
�Marin Mersenne (1588-1648), philosophe et religieux
français publie, après quelques essais, deux gros volumes
intitulés De l'harmonie universelle (1636), où il traite de
toutes les questions physiques et mathématiquesintéressant les instruments et la voix.
Il montre par exemple l’atténuation de l’intensité du sonsuivant l’inverse du carré de la distance parcourue.
Il quantifie l'expérience de Pythagore sur les cordes
tendues et montre que la hauteur du son produit est
inversement proportionnelle à la longueur de la corde et
proportionnelle à la racine carré de la tension. Le son
produit est donc d’autant plus aigu que la corde est courte
et tendue.
Pour l’acoustique musicale, il a aussi l’intuition de la
nécessité du tempérament égal pour la gamme (division del’octave en 12 parties égales, utilisée aujourd’hui pour
accorder un piano).
Une gravure de l’Harmonie universelle de Mersenne.
�Le physicien néerlandais Christian Huygens (1629- 1695)
interprète correctement le son comme un phénomèneondulatoire et donne une formulation mathématique de la
division de l’octave en 31 parties égales dans son Novuscyclus harmonicus (paru en 1661). Un instrument de
musique à clavier accordé selon ce tempéramentcomportait donc 31 touches entre deux notes de mêmenom.
Christiaan Huygens
�Le jésuite Athanasius Kircher (1601-1680) rassemble le savoir musical du XVIIème siècle ; il
démontre notamment à l'aide d'ondes sonores que les plafonds voûtés sont capables defocaliser le son, et décrit le principe d'amplification acoustique par les pavillons desinstruments.
� En 1680, Joshua Walker (1655-1705) fait de nouvelles mesures à Oxford de la vitesse duson avec une précision de l'ordre de 20 %.
�Le français Père Ango, dans son Traité d’optique en 1682 précise l'analogie entre ondesonore et vagues se propageant à la surface de l'eau lorsqu’on y jette une pierre.
L’Harmonie du monde de Kepler
Kepler développa une théorie des polyèdres réguliers
permettant de construire un modèle de l’Univers.
Kepler remarqua que dans les six sphères
représentant les orbites des six planètes connues à
l’époque (de Mercure à Saturne), pouvaient être
contenus les cinq solides de Platon. Les solides de
Platon étant des polyèdres réguliers, ils étaient
parfaits et s’accordaient bien avec la création divine.
La sphère étant le sixième solide parfait nécessaire à son modèle, elle correspondait au
paradis. Les cinq premiers objets à faces régulières représentaient la dynamique de l’Univers
(le mouvement des planètes).
Le nombre de ces solides permettait d’ailleurs d’expliquer le nombre des planètes. Chacun
d’eux était circonscrit dans une sphère, elle-même circonscrite dans le polyèdre suivant, lui-
même circonscrit dans une sphère, et ainsi de suite.
Ainsi à Saturne était associé le cube, à Jupiter le tétraèdre, à Mars le dodécaèdre, à Vénusl’icosaèdre et à Mercure l’octaèdre. La Terre, que Dieu avait choisie pour refléter son image,
marquait la séparation de deux groupes de ces solides.
Entre les polygones réguliers et convexes de la géométrie plane, et les polyèdres réguliers
convexes de l’espace à trois dimensions, il y a une analogie, mais aussi une différence notable.
Les polygones réguliers convexes sont en nombre infini, leur nombre de côtés est n’importequel nombre entier supérieur ou égal à trois. En revanche, il existe seulement cinq polyèdresréguliers convexes : les cinq solides de Platon.
Le tétraèdre L’hexaèdre ou cube L’octaèdre
Le dodécaèdre L’icosaèdre
Kepler pensa avoir découvert, grâce à ces travaux antérieurs sur la structure du monde, que
l’Univers était soumis à des lois « harmoniques », faisant un lien entre l’astronomie et lamusique.
Dans le Harmonice Mundi, publié en 1619, il attribue aux planètes un thème musical. Les
variations des vitesses de ces planètes sont représentées par les différentes notes composant
la musique. Ainsi, il était facile de distinguer les orbites les plus excentriques.
Notons que c’est aussi dans cet ouvrage en cinq volumes que Kepler énonce sa troisième loi
fondamentale : le carré de la période est proportionnel au cube du demi-grand axe [del'ellipse]. Cette loi fondamentale découle de ses recherches sur un modèle d’Univers
harmonique !
5 le XVIIIème siècle�Joseph Sauveur (1653-1716) crée le terme d'« acoustique » pour désigner la science del'étude des sons.
Sauveur resta muet jusqu’à l’âge de 7 ans
« par défaut des organes de la voix qui ne commencèrent à se débarrasser qu’en cetemps-là, mais lentement et par degrés, mais n’ont jamais été bien libres… ce quil’obligea à penser davantage » (Fontenelle, Eloge de Mr Sauveur, 1716).
Comble de disgrâce acoustique, il devint progressivement sourd :
« Il n’avait ni voix ni oreille, et ne songeait qu’à la musique… Il était réduit àemprunter la voix d’autrui » (idem).
Malgré ses infirmités, Sauveur devint professeur de mathématiques au Collège de France en
1686 et fut élu à l'Académie des Sciences en 1696
Sauveur est l’un des premiers avec Wallis (1616-1703) a avoir
observé qu'une corde vibrante peut vibrer en plusieursparties, certains points ne bougeant pas, il les appelle les
nœuds, tandis que le milieu des segments ainsi déterminés
ont une amplitude maximale et sont appelés ventres(phénomène d’onde stationnaire).
Modes normaux de vibration d'une corde vibrante
Il n'est donc pas étonnant de voir apparaître peu de temps après chez Sauveur la notion de
Fondamental et d'Harmonique (vers 1700). On lui doit également les termes de « fréquencefondamentale » et de « son harmonique ». Il a indiqué le premier que le timbre d’un son est
déterminé par la superposition de ses différents harmoniques.
L'explication du point de vue dynamique de ces observations fut
donnée par Daniel Bernoulli (1700 - 1782) dans un célèbre mémoire
publié par l'Académie de Berlin en 1755 ; le fait que plusieurs vibrations
simples correspondant chacune à un harmonique, puissent contribuer
simultanément à la vibration complexe résultante est appelé principe desuperposition ou principe de coexistence des petites oscillations.
L'aboutissement mathématique de ces observations se fera en 1822
avec Joseph Fourier (1768 -1831) et le célèbre théorème portant son
nom.
Sauveur connaissait aussi le phénomène de battements entre deux tuyaux d’orgue de hauteurslégèrement différentes et jouant ensemble ; il utilisa ce phénomène pour calculer la fréquencede l’un à partir de l’autre et accorder ces tuyaux.
�Isaac Newton (1642 - 1727) produit une théorie mathématiquede la transmission du son, fondée sur la seule élasticité des milieuxet qui rend bien compte de tous les faits observés.
Dans le deuxième livre de ses « Principia », il compare la
propagation du son aux pulsations que transmet un corps vibrantau milieu adjacent qui l'entoure, ce dernier au suivant et ainsi de
suite... Ici, Newton se permet des affirmations arbitraires comme
celle disant que lorsqu'une onde se propage dans un fluide, les
particules de ce fluide se déplacent d'après un mouvement
périodique simple ou, comme il le dit lui-même, sont accélérées ou
retardées suivant la loi des oscillations du pendule.
En particulier, il détermine le premier théoriquement la vitessedu son ; sa formule, liant la vitesse de propagation et le quotient
de la racine carrée de l'élasticité par la densité du milieu ne
donne qu’un résultat approché, avec une précision de 16 %, car
son modèle se fonde sur une transformation isotherme (le
passage du son dans l’air n’échauffe pas l’air), ce qui s’avèrera
faux.
Cette formule souleva de nombreuses discussions et ne trouva
sa confirmation expérimentale qu'en 1816, lorsque Pierre Simonde Laplace (1749-1827) y apporta d'importants correctifs.
Parallèlement, les savants s'interrogent de plus en plus sur la nature exacte du son.
�En 1791, le Français Etienne Pérolle démontre que les sons se conduisent plus loin dansl'eau que dans l'air.
�En 1716, le savant français Philippe de la Hire formule l'idée que le sonest produit par le tremblement des molécules d'air dans l'entourage de lacorde vibrante, tandis que Newton estime que le son est produitdirectement par la corde vibrante.
�En 1711, le luthiste anglais John Shore (1662-1752) invente le diapasonaccordé à 440 Hz, ce sera l'outil d'une normalisation des fréquences.
ψ ψ∂ ∂=
∂ ∂
2 2
2 2 2
1
x v t
� Jean le Rond d'Alembert (1717-1783), Leonhard Euler (1707-
1783) et Joseph Louis Lagrange (1736-1813) établissent le
formalisme définitif de la théorie de la propagation des ondes,
grâce à la découverte de la notion mathématique de dérivéepartielle par d’Alembert.
� Première détermination expérimentale préciseen 1738 par César François Cassini de la vitessedu son, à l'aide de coups de canon tirés la nuit
(pour voir les flammes sortant de la bouche de
l'arme) entre l'Observatoire de Paris,
Montmartre, Fontenay-aux-Roses et Montlhéry ;
on estime la vitesse du son à 333 m/s pour unetempérature de l'air de 0 °C.
� Un chimiste et minéralogiste, Jean Henry Hassenfratzprésente le premier à l’Institut des Sciences le 11 thermidor An
II (29 juillet 1794) une mesure de la vitesse du son dans lesroches, et montre que la vitesse du son dans les solides,
beaucoup plus grande que dans l’air, varie avec la densité du
matériau et que l’intensité transmise dépend de la compacité
et des défauts de celui-ci. Inversement, la mesure de la céléritédu son fournit une méthode d’investigation des roches.
Extrait de la carte montrant les sites de l'expérience de la vitesse du son
�Le physicien allemand Ernst Florens Friedrich Chladni (1756-1827) étudie à partir de 1787
les motifs des ondes stationnaires provoquées par les vibrations de plaques solides sur
lesquelles il à déposé une fine couche de sable (motifs de Chladni). Il publie un « Traité de
l’acoustique » en 1802.
A la suite de la publication de l'ouvrage « Die Akustic » de Chladni en 1802, Napoléon offrit
par l'intermédiaire de l'Institut de France un prix de 3000 F or à celui qui élaborerait une
théorie mathématique de la vibration des plaques.
Sophie Germain gagna ce prix en 1815 ; elle donna l'équation différentielle
du 4ème ordre avec toutefois quelques erreurs aux conditions, aux limites.
Ce n'est qu'en 1850 que Kirchoff (1824 - 1887) donna une théorie plus
élaborée. Cette question est d'ailleurs toujours d'actualité.
Ondes stationnaire sur une
plaque rectangulaire excitée
par un archet
Ondes stationnaires sur une
plaque rectangulaire excitée
par un vibreur
6 le XIXème siècle
� La vitesse du son dans les solides est déterminée expérimentalement par Jean-Baptiste Bioten 1808.
� En 1822, François Arago et Riche de Prony réalisent de
nouvelles expériences plus rigoureuses pour mesurer la
vitesse du son dans l’air, sur ordre du Bureau des
longitudes.
Cette fois-ci ils décident d'utiliser des tirs de canoncroisés, entre Villejuif et Montlhéry. Les coups de canons
étaient tirés en même temps, de cette manière, les
expérimentateurs espéraient limiter les perturbationsdues au taux d'hygrométrie, de vitesse du vent, de
pression et de température, qu'ils pensaient être la cause
principale des imprécisions des précédentes expériences.
De plus, des chronomètres bien plus précis sont cette fois
utilisés. Les expériences ont lieu dans les nuits du 21 et 22
juin 1822.
Les résultats donnent la valeur de 340,88 m/s à une
température de 15,9 °C. Après correction, la vitesse duson à 0 °C est de 330,9 m/s.
� En 1827, le mathématicien français Charles Sturm et le physicien suisse Jean-DanielColladon procèdent à une mesure directe de la vitesse du son dans l'eau, par une expérience
menée sur le lac de Genève, inspirée de la méthode du canon de Mersenne : le son était émis
par une grosse cloche plongée dans l’eau sur laquelle un marteau frappait à l’instant ou un tas
de poudre, en s’enflammant, produisait un signal lumineux.
On écoutait à l’aide d’un cornet acoustique, plongé dans l’eau. Ils trouvent une vitesse de1435 m/s. D’autres mesures sont effectuées par Victor Regnault.
�Poisson (1781- 1840), Clebsch (1833-1872) s'attaquent quant à eux aux équations décrivant
la vibration des membranes.
Poisson étudia également la transmission du son d'un milieu à un autre.
� En 1816, grâce à la découverte du comportement adiabatique du son (les modifications
très rapide d'un gaz, causées ici par le passage du son, modifient sa température), Pierre-Simon de Laplace (1749-1827) livre la première théorie convaincante permettant de calculer
la vitesse du son avec une bonne précision.
� Augustin Fresnel (1788-1827) étudie les aspect mathématiques
des phénomènes d'interférences des ondes sonores et lumineuses.
Il prouve que la lumière est une onde transverse, à l’inverse du son,qui est une onde longitudinale.
�En 1842, la modification de la longueur d'onde d'un mouvementvibratoire par le déplacement de la source ou de l'auditeur est mise
en évidence par le savant autrichien Christian Doppler. Le
développement du chemin de fer, et donc des sifflets des
locomotives, permet à ce dernier de vérifier expérimentalement
ses formules.
Augustin Fresnel
� En étudiant la propagation de la chaleur, le turbulent
mathématicien français Joseph Fourier (1768-1830)
découvre en 1822 les séries trigonométriques dites « sériesde Fourier », un puissant instrument mathématique dans
l'étude des fonctions périodiques. C'est à partir de ce
concept que s'est développée la branche des
mathématiques connue sous le nom d'analyse harmonique,
qui permet l’analyse spectrale d’un son complexe et la
synthèse d’un son quelconque à partir de sons harmoniques.
Lord Rayleigh, citant Fourier dans sa « Théorie du son » (en
1877) avoue que :
« le théorème de Fourier n’est pas évident ».
En fait, les développements théoriques de Fourier ne sont pas clairs, ils manquent même
parfois de rigueur mathématique et semblent plutôt suivre une intuition géniale. En particulier,
Fourier néglige le problème de la convergence de la série. Mais l’expérience (et ensuite de
grands noms de l’analyse) montre que ça marche ! Voici un jugement contemporain sur sontravail :
« Fourier avait raison, quoi qu’il n’ait jamais démontré un théorème correct sur les sériesde Fourier. Les outils qu’il a utilisés si imprudemment ont donné à son nom uneimmortalité méritée. Donner un sens à ce qu’il fit a coûté un siècle d’efforts à deshommes « ayant un sens critique plus aigu », et l’on ne voit pas encore le bout de cettehistoire » (Davis et al., L’Univers mathématique, 1986).
� Vers 1843, Georg Simon Ohm, (1789-1854) étudie la capacité del'oreille humaine à discerner les fréquences (fondamentale et
harmoniques) composant les sons complexes. Il en déduit que
l'impression auditive est indépendante de la relation de phase entreles harmoniques. L'oreille peut donc percevoir les différentes
fréquences constitutives d'un son (c’est ce qui constitue le timbre)
mais pas leur déphasage relatif.
� En 1851, Corti étudie la structure de l'oreille interne, et son
fonctionnement .
� En 1860, Gustave Theodor Fechner publie
l’ouvrage fondateur « Elements ofpsychophysics » de la psychophysique, cette
« science exacte des relations fonctionnelles
ou relations de dépendance entre le corps
et l’esprit », dans lequel il développe les
bases de la mesure des sensations, en
particulier des sensations auditives.
� Entre 1863 et 1868, Hermann Ludwig vonHelmholtz (1821 -1894), physiologiste et acousticien,
publie une Théorie physiologique de la musique, qui
fera autorité pendant toute la première moitié du XXe
siècle. Les écrits de Helmholtz ont révolutionnél'acoustique, et principalement l'acoustique musicale.
Sa contribution à la théorie de l'acoustique est
remarquable tant du point de vue physique que
biologique. Il s’efforce d'abord de montrer comment leson parvient jusqu'aux nerfs sensitifs. Il traite ensuite
des excitations nerveuses correspondant aux diversessensations auditives, pour expliquer notamment les
phénomènes de consonance et de dissonance.
Cela l'amène naturellement à aborder le domaine de
l'esthétique musicale, où les rapports entre la
physiologie et le sens artistique lui semblent beaucoup
plus évidents que partout ailleurs. La construction
d'une série de résonateurs à air de forme sphérique ou
cylindrique, qui serviront à König pour fabriquer son
analyseur du son, lui permet d'approfondir l’étude des
phénomènes de résonance et d'étudier le mode deproduction de la voix humaine.
Si l’existence des harmoniques est théoriquement prouvée, et que leur rôle dans la formation
du timbre est bien établi, il reste à démontrer expérimentalement leur existence. Grâce à ses
“résonateurs”, le physicien allemand Hermann von Helmholtz yparvient dans les années
1860.
� En 1866, August Kundt (1839-1894) étudie les résonances des sons dans les tuyaux et met
en évidence les ondes stationnaires sonores dans un tube rempli d'air (tube de Kundt).
� En 1877 John William Strutt, plus connu sous le nom de Lord Rayleigh (1842 – 1919) publie
un traité d’acoustique, « Theory of Sound », écrit lors d'une croisière sur le Nil et qui fait
autorité.
�Karl Rudolph Koenig (1832-1901), physicien français d’origine allemande, développe une
palette complète d'instruments scientifiques permettant de détecter et de produire dessources sonores. Il publie notamment un Catalogue des appareils d'acoustique (1859), et
Quelques expériences d'acoustique (1882).
7 le XXème siècle
� L’analyse physique et mathématique de l’acoustiquearchitecturale ne prit réellement forme qu’au début du
XXe siècle, grâce aux travaux de l’Américain Wallace Sabine.
En 1901, le Boston Symphony Hall fut ainsi le premierétablissement à bénéficier d’une étude théorique de la
réverbération avant sa construction.
� En 1918, Langevin utilise des ultrasons pour mesurer la profondeur des océans et
détecter les icebergs, il invente le sonar.
� En 1940, Harvey Fletcher (Bell Téléphone Labs) jette les base de la Psychoacoustiquemoderne (il démontre l'effet de masque d'un son fort sur un son plus faible de fréquence
voisine).